3 décembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
Chef de file de "l'Europe spatiale", la France a su jouer la
carte multilatérale au bénéfice du lanceur Ariane, dont la sixième
génération vient d'être mise en chantier.
Enthousiasmé par la « merveilleuse
aventure » de la sonde Rosetta, notre confrère Bruno Dive
s'est demandé dans Sud Ouest « quelle
meilleure réponse » pouvait être apportée « à tous
les professionnels de l'euroscepticisme ». C'est oublier que
ceux-ci dirigent leurs attaques surtout contre Bruxelles, qui ne
dispose explicitement d'une compétence en matière spatiale que depuis
l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre
2009. De fait, à l'exception notable de Galileo (l'alternative
européenne au GPS américain), les programmes spatiaux menés à l'échelle
du Vieux-Continent le sont sous l'égide non pas de l'Union européenne
(UE), mais de l'Agence spatiale européenne (ESA), qui s'en distingue
par son caractère intergouvernemental. « Jusqu'à
présent », souligne Guilhem Penent, dans
un ouvrage consacré à l'Europe spatiale (1),
celle-ci « a toujours été considérée comme le moyen de
concrétiser une ambition nationale » ; ni l'ESA, ni
les États membres ne s'en sont jamais cachés » :
« le mode de financement, la pratique du "juste retour"
géographique, la structure même de l'organisation, sont d'ailleurs
suffisamment explicites pour rendre inutile et déplacée une telle
pudeur ».
Un pari gagnant
Cela étant, peut-être Paris verrait-il d'un bon œil
l'intégration de l'ESA à l'UE. Ce faisant, sans doute espérerait-il
tirer à lui la couverture du budget communautaire, au bénéfice de ses
propres investissements : « avec 30 euros
par an et par habitant dédiés au spatial civil », rappelle
Guilhem Penent, « la France a dans ce secteur le deuxième
budget au monde, derrière les États-Unis (46 euros), mais
devant l'Allemagne (16 euros) et le Royaume-Uni
(6 euros) ». Quoi qu'il en soit, sous une forme ou
sous une autre, l'Europe demeurera le cadre structurant (mais non
exclusif, comme en témoigne, par exemple, la coopération avec l'Inde)
de la politique spatiale de la France, étant entendu que « le
coût et la complexité inhérents à la technique spatiale sont tels
qu'aucune nation européenne ne saurait développer une capacité spatiale
autonome et compétitive sur ses fonds propres ». Dans le cas
présent, la carte européenne nous apparaît d'autant plus pertinente que
Paris est parvenu à la jouer tout en assurant la maîtrise d'œuvre du
programme Ariane, dont « la percée [...] sur le marché mondial
des lancements est très certainement le signe extérieur de réussite le
plus spectaculaire de l'Europe spatiale ».
La menace SpaceX
Fiabilité, disponibilité et adaptabilité ont garanti, jusqu'à
présent, le succès commercial du lanceur européen. Mais qu'en sera-t-il
demain ? Ariane ne se prête plus très bien à la mise en orbite
des satellites institutionnels, devenus trop légers pour rentabiliser
l'emploi d'un lanceur aussi puissant. Quant aux satellites commerciaux,
leur poids diminue à mesure qu'ils adoptent une propulsion électrique.
Parallèlement, la concurrence s'intensifie. Ses assauts les plus
virulents émanent d'un nouveau venu, SpaceX. Créée en 2002 par
l'entrepreneur américain Elon Musk, par ailleurs cofondateur de Paypal
et Tesla Motors, cette société développe un lanceur dont le premier
étage devrait être réutilisé d'un tir à l'autre dès l'année prochaine –
une première ! Aussi les clients d'Arianespace pressent-ils
Paris et ses partenaires de se mettre à la page. Eutelsat s'est d'ores
et déjà porté candidat pour prendre part au premier lancement
d'Ariane 6, dont l'avenir a été tracé mardi dernier,
2 décembre, à l'issue de la conférence ministérielle des États
membres de l'ESA. « Alors qu'Ariane 5 a été conçue
pour être un moteur de développement pour l'Europe spatiale [...],
Ariane 6, envisagée pour 2021-2022, vise au contraire à
minimiser les coûts de développement, la durée de
développement, et les coûts d'exploitation », explique Guilhem
Penent. Cependant, Paris doit compter avec les réticences de Berlin,
qui privilégie le développement d'Ariane 5 ME (midlife
evolution), une version modernisée du lanceur actuel.
Frilosité allemande
Il est vrai que la négociation semblait mal engagée :
la France « se contente de poursuivre sur sa lancée en
proposant plus ou moins unilatéralement une nouvelle version du lanceur
Ariane », déplore Guilhem Penent : « de fait
la configuration Ariane 6 de type PPH, deux étages à poudre et
un étage à hydrogène et oxygène liquides, a été retenue sans que le
reste des Européens apparaissent véritablement sollicités ».
Selon notre confrère Alain Ruello, « les doutes de Berlin ne
sont pas illégitimes ». « Avec un premier tir prévu
en 2020 », souligne-t-il dans Les Échos,
« le projet Ariane 6 tel qu'il se dessine revient à
tirer un trait sur Ariane 5 ME [...] car les budgets
ne permettent pas de tout faire dans un laps de temps aussi rapproché.
Mais l'histoire des grands projets montre qu'ils sont souvent sujets à
retard, et donc à surcoûts. »
Cela dit, « si l'Allemagne soutient contre vents et
marées un tel programme », remarque Guilhem Penent, dans
une note publiée par l'Ifri (Institut français des relations
internationales) (2), « c'est non seulement parce qu'il lui
paraît le meilleur scénario face à la concurrence américaine, mais
c'est aussi parce que ce lanceur est le plus favorable à son
industrie ». À cela s'ajoutent des divergences plus
fondamentales. En effet, « l'Allemagne n'a [...] jamais caché
qu'elle n'accordait pas la même importance à l'objectif
d'autonomie ». Berlin a même souscrit aux services de SpaceX
pour lancer ses satellites d'observation radar – une
trahison ! Autrement dit, « alors que l'Allemagne
privilégie les aspects technologiques et industriels, la France propose
une approche à la fois plus globale [...] et plus politique du
spatial ». Sans doute cela explique-t-il également son
immixtion, encore trop timide cependant, dans l'analyse autonome des
menaces pesant sur les satellites en orbite, devenues critiques avec la
multiplication des débris spatiaux. « Fait remarquable, la
première collision jamais répertoriée a d'ailleurs affecté un satellite
militaire français », rappelle Guilhem Penent. C'était en
1986. Preuve que la France fait toujours figure de pionnier, fût-ce à
son corps défendant !
1 – Guilhem Penent, L'Europe spatiale, le déclin ou
le sursaut, Argos, 190 pages, 15 euros.
2 – Guilhem Penent, Ariane 6 – Les Défis
de l'accès à l'espace en Europe, Actuelles de l'Ifri,
novembre 2014.
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7 février 2013
Article publié dans L'Action Française 2000
Après avoir enchaîné les succès, la fusée Ariane V
entrevoit désormais le lanceur qui lui succédera dans dix ans, et dont
dépendra l'avenir d'une filière industrielle où la France excelle.
Ce jeudi 7 février 2013 était programmé le premier
tir de l'année d'une fusée Ariane. Sans prendre trop de risques, on
peut parier qu'il se sera conclu par un nouveau succès – la
cinquante-quatrième réussite consécutive. Fort de la fiabilité de son
lanceur vedette, secondé désormais par des fusées Soyouz et Vega,
Arianespace domine largement son marché, dont il a accaparé
60 % des commandes au cours de l'année passée. Son carnet en
serait rempli pour les trois ans qui viennent !
Proton & SpaceX
Parmi ses principaux concurrents figure International Launch
Services (ILS), dont la fusée Proton accumule les déboires. Son dernier
échec – le cinquième en six ans – remonte au mois de décembre, où un
satellite de télécommunication avait été déposé sur une mauvaise
orbite. À la faveur d'un petit exploit, les ingénieurs de Thales Alenia
Space (TAS) ont rattrapé les dégâts. Toutefois, la durée d'exploitation
du satellite livré à Gazprom Space Services devrait s'en trouver
réduite à onze ou douze ans, contre une quinzaine d'années promises à
l'origine. Les assureurs s'en mordent les doigts... Autre rival de
poids : SpaceX, dont Jean-Yves Le Gall, le P-DG
d'Arianespace, raille volontiers les promesses extravagantes.
« Quelle confiance accorder à un concurrent qui annonce
envoyer dans quinze ans, quatre-vingt mille personnes sur
Mars ? », a-t-il demandé à La Tribune.
« On rêve », a-t-il prévenu.
Fusée low cost
En coulisses, cependant, on craint que les prix soient
durablement tirés à la baisse. Aussi le successeur d'Ariane V
est-il d'ores et déjà présenté comme un lanceur "low cost". Selon le
Quai d'Orsay, « Ariane VI aurait notamment l'avantage
d'être modulable en fonction de la charge à lancer – entre deux et huit
tonnes. Le lanceur serait également en mesure de transporter un seul
satellite, ce qui permettrait de répondre plus rapidement à la demande
d'un client, sans attendre la commande d'un second satellite.
Arianespace entend aussi réduire les coûts de fabrication et rendre
l'offre plus flexible. Ainsi, Ariane VI ne serait constituée que d'un
seul étage qui serait réallumable. » Son lancement inaugural
devrait intervenir d'ici dix ans. Ainsi en ont décidé les ministres des
vingt États membres de l'Agence spatiale européenne (ESA), réunis à
Naples les 20 et 21 novembre. Cela n'était pas gagné d'avance,
tant était contestée l'opportunité de lancer le développement d'une
nouvelle fusée. Berlin privilégiait celui d'une version modernisée
d'Ariane V, dont bénéficiera tout particulièrement le site industriel
de Brême. Astrium et Safran, les deux entreprises françaises les plus
impliquées, étaient du même avis, au grand dam du CNES (Centre national
d'études spatiales). Aussi Mme Geneviève Fioraso, ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Recherche, a-t-elle dû batailler afin
que la France s'adresse d'une seule voix à ses partenaires européens.
Sa tâche aurait été d'autant plus ardue que son prédécesseur, Laurent
Wauquiez, aurait traité le dossier avec désinvolture.
Deux projets en un
En définitive, les États membres de l'ESA se sont accordés
pour moderniser Ariane V tout en concevant une nouvelle fusée,
les deux projets devant être menés en synergie. « Alors, tous
gagnants ? Sûrement, mais Paris a toutefois réussi un joli tour de
force en imposant dans le calendrier de l'ESA [...] le programme
Ariane VI », a commenté, dans La Tribune,
notre confrère Michel Cabirol. Toutefois, « si aujourd'hui
tout le monde semble satisfait, dès 2014 va resurgir la question du
partage de la charge de travail entre les différents pays contributeurs
au programme Ariane VI, notamment entre la France et
l'Allemagne. » Or, « plus rustique, Ariane VI
pourrait - à nombre de lancements égal - ne faire vivre que la moitié
des dix mille personnes qui travaillent dans la filière lanceur en
Europe, estiment certains experts ». Une inquiétude que
tempère François Auque, le président d'EADS Astrium, pariant sur le
succès commercial du futur lanceur.
Le rôle stratégique de Kourou
Pour la France, martèle le gouvernement, « le
programme Ariane concerne des milliers d'emplois et des compétences
industrielles majeures. En effet, le groupe français Astrium est aux
commandes de la réalisation de la fusée. La filiale du groupe EADS
emploie dix-huit mille salariés. Elle voit dans ces projets une marque
de la véritable consolidation de l'avenir du spatial européen. Pour
l'actuelle Ariane V, le groupe se charge notamment d'assembler le
premier étage de la fusée dans son usine des Mureaux en région
parisienne. Il travaille sur la conception du réservoir en lien avec
Cryospace, filiale à 55 % d'Air liquide et à 45 %
d'Astrium. Plusieurs composants d'Ariane sont fabriqués par d'autres
entreprises françaises comme Snecma, filiale de Safran, en charge des
moteurs Vulcain. Au total, près de deux cents entreprises participent à
la fabrication de cette colossale fusée de sept cent soixante-dix
tonnes. Pour éviter les risques inhérents aux opérations de transport,
les propulseurs à poudre de la fusée, conçus par Europropulsion (Snecma
et l'italien Avio), sont assemblés directement sur le site de Kourou.
C'est là qu'est établi, depuis 1973, le centre spatial guyanais, base
de lancement des fusées européennes. »
La chambre haute vient d'ailleurs d'examiner un accord, en
attente de ratification depuis sa signature le 18 décembre
2008, censé « fournir une base juridique unifiée et actualisée
à l'utilisation par l'Agence du Centre spatial guyanais »
(CSG), selon les explications du rapporteur Bertrand Auban, sénateur de
la Haute-Garonne. L'engagement de l'ESA en matière de financement et
d'utilisation de la base de lancement va s'en trouver pérennisé, se
félicite-t-il. Tandis que la zone euro peine à s'extirper de la crise,
alors que l'intervention solitaire de la France au Mali dissipe moult
illusions, peut-être la politique spatiale est-elle l'exemple d'une
coopération européenne réussie ?
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19 juillet 2012
Article publié dans L'Action Française 2000
Des limites du "droit de veto" des États membres de l'Union européenne.
Les dispositions communautaires contrarient régulièrement les
gouvernements désireux de jongler d'un taux de TVA à l'autre.
Dernièrement, Paris s'est attiré les remontrances de Bruxelles pour
avoir appliqué un taux réduit aux services à la personne (par exemple,
les travaux de jardinage), ainsi qu'aux livres numériques.
La Commission européenne serait pourtant favorable à la
convergence des taux appliqués aux livres, quel qu'en soit le support.
Mais, pour l'heure, le droit européen ne le permet pas. Il laisse les
États libres de fixer un taux standard et un taux réduit, mais non de
choisir de façon unilatérale les domaines où s'appliquent l'un et
l'autre, dont la définition requiert un accord unanime des
gouvernements. Si bien que le "droit de veto", censé protéger les
États, limite parfois leurs marges de manœuvre. Cela tient à l'étendue
de la toile communautaire, dont les multiples fils constituent
désormais un vrai carcan.
Le recours potentiel aux "coopérations renforcées" relativise,
lui aussi, la garantie du veto. L'Espagne et l'Italie devraient en
faire les frais : hostiles au "brevet européen", dont elles
récusent le régime linguistique, elles demeureront en marge du
processus tandis que leurs vingt-cinq partenaires le mettront en œuvre,
dans l'espoir d'accroître la compétitivité de leurs entreprises. Sans
doute ces États récalcitrants finiront-ils par s'y rallier sans avoir
leur mot à dire. Preuve qu'une Europe "à la carte" ne serait pas
forcément la panacée.
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19 octobre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
François Hollande prétend réenchanter la France. À cet effet,
peut-être pourrait-il l'encourager à se tourner vers les
étoiles !
Ce jeudi 20 octobre 2011 devaient être mis en orbite
les deux premiers satellites du système Galileo – l'équivalent européen
du GPS américain. Cela grâce à un lanceur Soyouz, la première fusée
russe décollant depuis la Guyane française. Située à proximité de
l'équateur, la base spatiale de Kourou bénéficie d'une situation
géographique plus avantageuse que celle de Baïkonour, au bénéfice de la
charge utile des lanceurs. Ainsi Moscou optimise-t-il l'exploitation de
ses capacités, tandis que Paris et Bruxelles investissent à moindre
coût les segments du marché qui n'étaient pas couverts par
Ariane V.
Vulnérabilités
Ce marché se développe à la mesure de la prégnance croissante
des technologies spatiales. Laquelle s'avère porteuse de
vulnérabilités. Le durcissement des satellites et la redondance des
systèmes sont censés y répondre. Il conviendrait néanmoins de préparer
les populations à un "blackaout spatial", selon Guilhem Penent,
animateur du blog De la Terre à la Lune. D'autant
qu'un tel scénario lui semble « parfaitement
envisageable », qu'il soit le fait d'une agression délibérée
ou d'un catastrophe naturelle (météorites ou tempête solaire). Dans un
ouvrage consacré à la Stratégie spatiale (Esprit
du Livre, 404 p., 25 euros), le colonel Jean-Luc
Lefebvre souligne qu'il est « stratégique [...] de disposer de
moyens autonomes pour détecter, identifier et classifier tous les
objets spatiaux pouvant représenter une indiscrétion, un risque ou une
menace ». La France bénéficie d'ores et déjà d'un système de
radar, dont on dit qu'il aurait détecté la destruction d'un satellite
par la Chine en 2007. Toutefois, avertit Guilhem Penent,
« d'importants efforts restent encore à fournir au niveau
européen ». Dans ce cadre, un système autonome de surveillance
de l'espace (SSA) pourrait être mis en œuvre à l'horizon 2020. C'est en
tout cas le vœu formulé par le Centre d'analyse stratégique, dans un
rapport présenté le 11 octobre.
Le lendemain, le Quai d'Orsay a salué la mise en orbite du
premier satellite franco-indien, preuve que l'Europe n'est pas un
horizon indépassable. Cependant, aux yeux de Laurent Wauquiez, ministre
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, « l'Union
européenne doit avoir un rôle de stratège, définir les grandes
orientations et les besoins » en matière spatiale. Paris
jouerait alors un rôle moteur, nous promet-il. De fait, selon le
gouvernement, l'industrie spatiale française représente 50 %
du chiffre d'affaires européen et 40 % des emplois. Dans le
jeu européen, Paris détient surtout une carte maîtresse. « Les
éléments les plus critiques des activités spatiales sont certainement
les installations de lancement », souligne le colonel
Lefebvre, dans un entretien publié sur le blog Egea.
« Les grandes nations spatiales en détiennent plusieurs. [...]
Le port spatial européen situé à Kourou, en Guyane française, est
unique. Il est donc assurément aussi stratégique pour l'autonomie
spatiale de l'Europe que peut l'être l'île Longue pour sa
sécurité. »
Du pétrole en Guyane
Dans ces conditions, la découverte de pétrole au large de la
Guyane doit être accueillie avec prudence, prévient le géopoliticien
Olivier Kempf. « En effet, certains esprits, arguant d'une
pauvreté résiliente, pourraient expliquer aisément que la richesse du
pétrole doit revenir aux Guyanais, sans même parler de l'exploitation
colonialiste de la métropole. [...] Dès lors, il est urgent pour la
France, si elle tient à conserver la Guyane dans la collectivité
nationale [...], de prendre un certain nombre de mesures :
augmenter rapidement les investissements en Guyane de façon à préparer
le territoire à son développement futur ; réfléchir à son
dispositif maritime et probablement le renforcer ; appuyer
plus que jamais l'éducation. L'arrivée du RSA en Guyane le
1er janvier 2011 est certes une bonne chose, mais je ne suis
pas sûr que le symbole soit très fort... (8,5 % de la
population touche le RMI). Avec 21 % de la population au
chômage, le département ne doit pas être loin du record de France. Et
en PIB par habitant [...] la Guyane est dernière nationale. »
Il appartient aux pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour
remédier à cette situation.
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15 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Un nouveau commandement militaire est créé tandis que
l'Assemblée nationale doit ratifier un traité de coopération avec
l'Inde.
Le Commandement interarmées de l'espace (CIE) a été créé le
1er juillet, conformément aux orientations fixées en 2008 par
le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Il compte
vingt-cinq militaires – un effectif doublé par rapport aux structures
de l'état-major des armées dédiées jusqu'alors au domaine spatial.
Ce commandement stratégique devra coordonner des capacités et
des acteurs en nombre croissant ; il sera l'interlocuteur
privilégié des armées étrangères partenaires, de l'UE et de l'OTAN pour
les questions spatiales militaires. Le contrôle opérationnel des moyens
existants reste toutefois à la charge des organismes qui en étaient
déjà responsables : la Direction interarmées des réseaux
d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI) pour les
télécommunications ; la Direction du renseignement militaire
(DRM) pour l'observation ; le Commandement de défense aérienne
et des opérations aériennes (CDAOA) pour la surveillance de l'espace.
Observation par satellite
Le spatial civil n'est pas en reste : l'Assemblée
nationale a été saisie d'un projet de loi autorisant l'approbation d'un
accord-cadre censé encourager la coopération entre la France et l'Inde,
dans la continuité d'un traité signé en 1977. Via
le CNES (Centre national d'études spatiales) et l'ISRO (Indian space
research organisation), Paris et New Delhi mènent le développement
conjoint de satellites d'observation, grâce auxquels ils se livrent à
une étude approfondie des échanges d'énergie et d'eau dans l'atmosphère
tropicale. Ils organisent également le rapprochement de leurs équipes
scientifiques afin d'exploiter des données relevées en orbite.
Dans le cas des programmes Megha-Tropiques (étude du climat
tropical) et SARAL (altimétrie océanographique) lancés cette année, le
CNES fournit la charge utile (les instruments d'observation) tandis que
l'IRSO livre la plateforme du satellite (propulsion, panneaux solaires,
télécommunications) et assure le lancement. Un schéma analogue
continuera à prévaloir pour les futures missions ; autrement
dit, les contributions procèdent d'apports en nature. Ce faisant, le
gouvernement escompte un essor des activités à l'exportation des grands
groupes industriels français (EADS Astrium, Thales), voire de PME en
charge de la fabrication de sous-systèmes.
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16 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Quarante ans après le premier pas de l'homme sur la Lune,
l'espace est au cœur de la compétition mondiale. Fortes du succès
d'Ariane, la France et l'Europe sauront-elles tenir leur rang ?
Décollage pour un survol des enjeux de la politique spatiale.
Le 21 juillet, nous fêterons les quarante ans du premier pas
de l'homme sur la Lune, dont la reconquête est d'ores et déjà lancée.
La Russie, la Chine, le Japon et l'Inde envisagent de s'y installer
durablement. Ils seront probablement devancés par les États-Unis,
engagés dans le programme Constellation s'appuyant sur la vision «
Moon, Mars and beyond » exposée par le président Bush en 2004. Premier
alunissage en 2020 ! Par comparaison, l'Europe apparaît bien timorée...
Le monde est saisi d'une frénésie spatiale : en 2007, on estimait à 2
500 le nombre de satellites en orbite autour de la Terre, dont un
millier avaient été lancés en seulement dix ans.
Passions en jeu
En visite à Kourou le 11 février 2008, le président de la
République observa que l'espace demeurait, pour moult États,
« une affaire de rang et de statut ». Or, selon Nicolas
Sarkozy, « le maintien d'un effort budgétaire et industriel aussi
considérable ne peut se justifier des décennies durant par le seul
souci de prestige ou de démonstration de force ». Sachons raison
garder, sans négliger les passions mobilisatrices : le programme Apollo
avait enthousiasmé la jeunesse américaine, suscitant de nouvelles
vocations scientifiques.
Cela dit, la politique spatiale obéit à des préoccupations
essentiellement scientifiques, économiques et sécuritaires. « L'espace
constitue la quatrième dimension de la défense nationale » soulignent
les parlementaires Christian Cabal et Henri Revol. Dans les années
suivant la première guerre du Golfe, les États-Unis ont multiplié par
cent la bande passante (le débit) utilisée par leurs soldats impliqués
dans un conflit. En 2006, la Chine a neutralisé un satellite espion
américain pendant quelques minutes. Plus spectaculaire encore : début
2007, elle a détruit un satellite météorologique lui appartenant par un
tir de missile. Jusqu'alors, seuls les États-Unis et la Russie étaient
réputés capables d'anéantir un système spatial.
On le voit, « l'espace est un enjeu de souveraineté pour la
France : la crédibilité de la dissuasion nucléaire, les compétences
technologiques de nos entreprises, leur place sur les marchés
internationaux en dépendent ». Notre pays peut s'enorgueillir du succès de ses
lanceurs : près des deux tiers des satellites opérationnels en 2007
avaient été lancés par Arianespace ; la fiabilité d'Ariane 5 – première
qualité d'un lanceur – l'a même autorisé à pratiquer des tarifs
supérieurs à ceux de la concurrence. Maillon essentiel de la filière
spatiale, les fusées y occupent pourtant un poids économique marginal :
« La fabrication des lanceurs et les lancements représentent 3 % des
revenus du secteur, la fabrication de satellites 11 %, la construction
et la commercialisation des moyens au sol 24 % et le segment
d'opération des satellites et de ventes des services associés 62 %. »
Selon les chiffres cités par le président de la République, l'industrie
spatiale européenne dégage un chiffre d'affaires annuel de 5 milliards
d'euros ; elle représente 30 000 emplois, dont 40 % situés en France.
Mais le secteur a souffert : « Le chiffre d'affaires de l'industrie
spatiale en France a [...] commencé par croître de plus de
60 % entre 1996 et 2000. Puis une baisse de 28 % est
intervenue entre 2000 et 2005. »
Un secteur dual
Dans leur rapport déposé en février 2007, Christian Cabal et
Henri Revol avaient relevé les difficultés rencontrées, plus
précisément, par la filière des lanceurs : « Ce secteur dual,
c'est-à-dire mettant en œuvre des technologies voisines pour des
applications civiles ou militaires, employait plus de 4 500 personnes
en 1984. En 2006, les effectifs ont fondu de 60 % pour ne plus
comprendre que 2 600 emplois. C'est l'arrêt des programmes de la
dissuasion sol, du missile balistique mobile Hadès et de la navette
européenne Hermès qui est responsable de l'hémorragie. » Arianespace
avait été affecté, également, par l'éclatement de la bulle Internet,
provoquant un effondrement du marché des satellites de
télécommunications.
Or, poursuivent les parlementaires, « la France est le seul
pays en Europe où les marchés institutionnels et les marchés
commerciaux sont au même niveau. [...] Les marchés institutionnels –
civil ou militaire – ont représenté 95 % du chiffre d'affaires de
l'industrie spatiale américaine en 2005. L'importance des commandes sur
le marché commercial est certes une indication rassurante sur la
compétitivité instantanée de l'industrie qui en bénéficie. Mais cette
situation crée une dépendance dangereuse vis-à-vis de marchés
essentiellement cycliques. »
La loi du marché ?
Selon le vœu de Nicolas Sarkozy « l'exceptionnelle qualité du
service rendu par Ariane doit lui permettre d'équilibrer entièrement
son activité commerciale », autorisant éventuellement « une
réorientation partielle des moyens publics vers de nouveaux programmes
». Étant donné l'importance stratégique des lanceurs, garants de
l'autonomie d'accès à l'espace, la prudence s'impose. Pour Christian
Cabal et Henri Revol, « la première impasse française et européenne »
serait « l'opinion [...] selon laquelle la croissance du secteur
spatial peut être assurée d'abord par le marché. Hormis l'Europe,
aucune puissance spatiale ne commet cette erreur. Capitalistiques et à
long terme, les investissements spatiaux produisent des externalités
que les marchés ne prennent pas en compte et peuvent difficilement
financer. La concurrence [...] est biaisée par le dumping d'industries,
généralement publiques, plus soucieuses d'influence géopolitique que de
rentabilité. Faute d'un soutien public suffisant, les industries
spatiales européennes voient leur pérennité compromise par une capacité
de [recherche et développement] et une rentabilité insuffisantes... »
Nombre de pays offrent un ministère à leur politique spatiale.
En France, le Centre national d'études spatiales joue le premier rôle.
Il est impliqué dans de multiples coopérations internationales, jugées
indispensables : « À titre d'exemple, le CNES maîtrise la réalisation
technique de l'altimètre océanographique Altika de nouvelle génération
mais ne peut prendre en charge la plateforme. En conséquence, Altika
sera implanté sur un satellite lancé par l'Inde. » Faut-il s'en
inquiéter ? « La recherche fondamentale doit faire l'objet de
coopérations sans réserves. » Toutefois, « plus on se rapproche de
l'acte de produire, moins la coopération peut être développée. La
conception, l'ingénierie et les savoir-faire de la production sont des
atouts dans la compétition commerciale. Leur exportation doit être
proscrite. »
Lego spatial
Nos député et sénateur affirment que « l'Europe doit
viser l'autonomie des systèmes spatiaux assurant des fonctions
stratégiques pour sa sécurité et son développement économique », mais
aussi « contribuer à la standardisation des systèmes spatiaux et
rechercher la compatibilité de ses propres systèmes avec le plus grand
nombre possible de systèmes appartenant aux autres régions du monde. »
Assemblée comme un Lego à partir de modules conçus de part le monde, la
Station spatiale internationale (ISS) symbolise les perspectives ainsi
ouvertes.
L'Agence spatiale européenne (ESA), dont le siège se trouve à
Paris, constitue le vecteur de cette ambition. Bien qu'un accord-cadre
formalise sa collaboration avec l'Union européenne depuis mai 2004,
elle en est indépendante. Parmi ses dix-huit membres, on compte la
Suisse et la Norvège, qui n'appartiennent pas à l'UE. Pratiquant le
"retour géographique" – une exigence coûteuse –, elle répartit les
investissements sur le territoire des États-membres à la mesure de
leurs participations. À Bruxelles, « la prise en compte du spatial par
la Commission européenne » serait « fragmentée et sous-dimensionnée »
selon les parlementaires. Le traité de Lisbonne conférerait à l'Union
une compétence partagée en la matière. Une compétence "pragmatique",
censée s'ajouter à celle des États sans s'y substituer. « Mais la
Commission ne possède aucune compétence technique dans le domaine
spatial. Il serait contre-productif qu'elle veuille s'en doter, alors
que l'ESA les possède au meilleur niveau, avec un retour d'expérience
de plus de trente années. Il serait également très dangereux d'imaginer
l'ESA en tant qu'agence communautaire, car l'espace vivra encore
largement de programmes optionnels permettant de faire avancer la
coopération entre les États-membres les plus motivés. »
Talon d'Achille
Présentes à bord de la Station spatiale internationale, la
France et l'Europe n'ont pas la possibilité d'y conduire un équipage
par leurs propres moyens. Les vols habités sont leur talon d'Achille,
alors que le CNES juge prioritaire l'étude de Mars in situ. Le
président de la République exprime sa « conviction qu'un programme
d'exploration ne peut être que mondial, sans exclusivité ni
appropriation par l'une ou l'autre des nations ». Il fera valoir
quelques atouts devant la "communautés internationale" : « Dans
l'exploration robotique, le transport de matériel, les technologies
spatiales, l'Europe a des secteurs d'excellence où elle peut apporter
ses talents pour le bénéfice de tous. »
Elle dispose en outre de formidables potentialités : après
qualification pour les vols habités, équipée d'une capsule dotée d'un
dispositif d'éjection, Ariane 5 bénéficierait selon la NASA d'une
sécurité cinq fois meilleure que celle de la navette spatiale ; et sans
développer un lanceur aussi lourd que les Américains, nous pourrions
exploiter les rendez-vous orbitaux pour assembler de grandes structures
dans l'espace. « L'Europe a la possibilité de rivaliser avec les
États-Unis pour des investissements très inférieurs, en capitalisant
sur ses investissements antérieurs et en adoptant une approche système
de systèmes » clament Christian Cabal et Henri Revol. Quoi qu'il en
soit, les retards se paieront cher : « Il faut trente ans pour mettre
en place un secteur spatial performant. »
Cet article s'appuie sur le rapport de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de février 2007,
rédigé sous la responsabilité de Christian Cabal, député,
et Henri Revol, sénateur : « Politique spatiale : l'audace ou
le déclin - Comment faire de l'Europe le leader mondial de l'espace ».
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