Maurras, De Gaulle et l'Europe

18 avril 2010

S'il était encore vivant, Charles Maurras serait-il souverainiste ?

La géopolitique de Maurras a fait l'objet d'un ouvrage publié en novembre dernier (1). Nous en avons lu le chapitre consacré à la critique du fédéralisme européen, espérant y trouver moult éléments susceptibles de nourrir notre critique du souverainisme. Peut-être attendions-nous des auteurs qu'ils fassent parler les morts... Or, prévient d'emblée Christophe Réveillard, « on ne trouve chez Maurras que peu d'analyses approfondies des nouvelles communautés européennes [...], entre autres raisons parce qu'il disparaît en 1952 ».

Durant l'entre-deux-guerres, plus particulièrement, « Maurras dénonce essentiellement l'irréalisme du fédéralisme européen ». Ce faisant, aurait-il jugé négligeables les considérations  économiques et politiques à l'origine de la CECA, attribuant sa création à la seule idéologie, bien qu'il pense « que derrière les discours lénifiants, prévaut le réalisme des puissances » ? À vrai dire, nous nous demandons si la question a vraiment préoccupé Christophe Réveillard, tant il semble enclin à réduire les politiques aux postures qui les accompagnent. En témoigne, à nos yeux, la facilité avec laquelle il affirme que « la période gaulliste correspond [...] au développement d'une autre conception de l'Europe » – « selon laquelle la Communauté doit être une confédération d'États se donnant un pouvoir commun auquel chacun délègue (et non abandonne) un part de souveraineté ».

Tandis que les "pères fondateurs" de l'Europe seraient aux antipodes du Martégal, l'élaboration du plan Fouchet – demeuré sans lendemain... – et la négociation du compromis de Luxembourg – beaucoup de bruit pour rien ! – placeraient De Gaulle dans sa droite filiation : « Ineluctabilité de la division de l'Europe en entités nationales distinctes, nécessité pour la France de refonder son organisation interne autour d'un fédérateur légitime, critique au nom du "Politique d'abord !" de l'européisme comme principe de dépolitisation des rapports étatiques, défense d'une diplomatie française fondée sur la recherche de l'équilibre des alliances et l'indépendance nationale, ce qui exclut le projet d'une communauté permanente de nations fondée sur la contrainte, le constat est rapidement fait : les certitudes de Charles Maurras en matière européenne furent également celles  de Charles De Gaulle. »

Cela nous semble d'autant plus "léger" que M. Réveillard passe sous silence les ambiguïtés d'un concept au cœur de la réflexion sur la construction européenne. Ainsi n'est-il pas loin d'ériger implicitement Maurras en défenseur de la « souveraineté nationale » (2), bien que celui-ci en ait fermement récusé le principe, lui opposant « la  souveraineté du salut public, ou du bien public, ou du bien général ».

« Ce que Maurras reproche le plus aux différentes tentatives d'unification européenne », c'est, paraît-il, « l'absence de ce qui pour lui devrait relever de l'évidence : la recherche de l'accroissement de puissance ». Recherche dont nous doutons, pour notre part, qu'elle soit le fait des souverainistes... Cela dit, peut-être trouverons-nous matière à nous interroger sur les conséquences du multilatéralisme en parcourant les autres chapitres d'une étude censée présenter, plus généralement, les thèses de Maurras « sur les relations internationales et les problèmes de défense », et même exposer les débats que suscita leur réception au sein de l'Action française.

(1) Sous la direction de Georges-Henri Soutou et Martin Motte : Entre la vieille Europe et la seule France - Charles Maurras, la politique extérieure et la défense nationale ; Économica, Bibliothèque stratégique, 23 novembre 2009, 432 pages, 39 euros

(2) « Face à la critique des souverainetés nationales, assimilées aux causes principales des guerres, Maurras affirme que c'est au au contraire le déni de puissance nationale, par décadence intérieure et/ou par impérialisme de puissances extérieures, qui est facteur de déséquilibre et de guerre. »

L'outre-mer dans l'Union européenne

15 avril 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Bruxelles recèle une manne financière convoitée par l'outre-mer français. Au-delà, les relations des territoires ultra-marins avec l'Europe sont à l'image de celles entretenues avec la métropole, selon qu'ils souhaitent resserrer ou assouplir les liens politiques les attachant à Paris.

L'appartenance des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) « à la famille européenne » doit être mieux considérée, affirme l'Assemblée nationale. Dans une résolution adoptée le 26 mars, la chambre basse « souligne la nécessité de remédier à l'érosion des préférences commerciales dont bénéficient les PTOM » ; elle demande que l'UE tienne compte de leurs intérêts « dans la définition et la conduite de sa politique commerciale », et invite le gouvernement à préserver, plus particulièrement, ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Deux statuts européens

Les départements d'outre-mer (DOM) sont intégrés à la Communauté européenne depuis son origine ; selon la terminologie introduite par le traité de Maastricht, ils constituent des « régions ultra-périphériques » (RUP) de l'Union. Les « pays et territoires d'outre-mer » bénéficient, quant à eux, d'un régime d'association. Certains sont devenus indépendants à la faveur de la décolonisation, formant, dans le jargon européen, les « États ACP » (Afrique, Caraïbes et Pacifique). « Historiquement, la catégorie des PTOM a donc un caractère "résiduel" », observent Mme Annick Girardin et Hervé Gaymard, auteurs d'un rapport d'information enregistré le 10 février à la présidence de l'Assemblée. Parmi les PTOM figurent Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiques françaises, Wallis-et-Futuna. Les RUP européennes correspondent, plus au moins, aux départements d'outre-mer français, et les PTOM aux collectivités d'outre-mer. « Cependant, le changement de statut d'une collectivité en droit interne n'a pas de conséquence automatique sur son statut au regard du droit communautaire », soulignent les députés.

Les produits originaires des PTOM entrent librement sur le territoire européen. En revanche, les exportations communautaires peuvent être soumises à des droits de douane perçus par les PTOM, « qui répondent aux nécessités de leur développement et aux besoins de leur industrialisation ou qui, de caractère fiscal, ont pour but d'alimenter leur budget ». Alimenté par les États membres de l'UE, sans dépendre stricto sensu du budget de l'Union, le Fonds européen de développement (FED) bénéficie à la fois aux PTOM et aux pays ACP. La France en est aujourd'hui le deuxième contributeur (19,5 %) derrière l'Allemagne (20,5 %). Pour la période 2008-2013, 286 millions d'euros sont alloués aux PTOM, sur un total de 22,7 milliards (soit 1,25 %). « Les montants sont modestes », commentent les rapporteurs. À titre de comparaison, les sept régions ultra-périphériques bénéficient de 7,8 milliards d'euros de fonds communautaires pour la période 2007-2013.

Mayotte veut s'intégrer à l'Europe

« En tant que PTOM, Mayotte bénéficie depuis 1976 de l'action cruciale de l'Europe au service de son développement », soutient le sénateur Soibahadine Ibrahim Ramadani. L'investissement labellisé par Bruxelles aurait permis de financer l'électrification rurale, le reboisement, la construction de la station d'épuration des eaux usées, la protection du lagon... Pourtant, entre 2000 et 2007, alors que la dotation avoisinait les 25 millions d'euros, seul un peu plus d'un million aurait été consommé. « Cette situation n'est en rien exclusive à Mayotte », poursuit M. Ibrahim Ramadani, « puisque les DOM étant eux-mêmes des RUP, recevant les fonds structurels, ne consomment en moyenne que 40 à 50 % des crédits alloués ». En cause : « la complexité des procédures » et « un manque crucial de personnel qualifié dans la gestion et l'exécution des crédits européens ».

Malgré tout, l'enveloppe destinée à Mayotte apparaît « quelque peu "dérisoire" » aux yeux du sénateur, qui la compare à celles octroyées aux régions ultra-périphériques – telles  la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion. L'île aux Parfums convoite leur statut européen, qui lui ouvrirait une nouvelle manne financière. Il appartient aux responsables nationaux d'agir pour que Mayotte bénéficie des fonds structurels de la période 2014-2020. « Mais l'Europe, c'est plus qu'une chance pour Mayotte », conclut Soibahadine Ibrahim Ramadani. Ce serait même « vital » : « Le statut de DOM-ROM garantit notre ancrage dans la République. Le statut de RUP de l'UE consolidera à jamais la position des Mahorais et écartera définitivement toute crainte liée aux revendications territoriales d'un pays étranger et sera une force pour endiguer devant la communauté internationale les condamnations injustes et injustifiées liées à la présence légitime de la France à Mayotte. »

Émancipation

À l'inverse, après s'être détachée de la Guadeloupe pour devenir en 2007 une collectivité d'outre-mer française, Saint-Barthélémy a demandé à passer du statut de région ultra-périphérique à celui de pays et territoire. Forte d'un PIB par habitant supérieur à 75 % du PIB moyen de l'Union européenne, l'île ne peut prétendre au bénéfice des fonds structurels. En tant que RUP, elle n'en reste pas moins soumise au droit communautaire, dont la transposition serait « génératrice de normes souvent exorbitantes et d'application contraignante », selon le sénateur Michel Magras. « Du point de vue des relations commerciales avec les États-Unis, d'où proviennent une grande part des biens de consommation, le respect strict des normes constitue un handicap », affirme-t-il. En outre, le nouveau code des douanes communautaires pourrait menacer le "droit de quai". « Sa remise en cause équivaudrait à supprimer l'élément principal de l'autonomie budgétaire de la collectivité », avertit M. Magras. Or, le risque planant sur sa perception serait dissipé par l'accession au statut de PTOM. En résumé, « Saint-Barthélemy souhaite trouver dans le régime d'association les facultés d'adaptation de la réglementation que le statut de [collectivité d'outre-mer] permet en droit français ».

Quelles perspectives ?

Adoptée en 2001, l'actuelle décision d'association expirera le 31 décembre 2013. À l'avenir, selon les conclusions du Conseil du 22 décembre 2009, « les relations entre l'UE et les PTOM ne devraient plus être polarisées, comme c'est le cas actuellement, sur la réduction de la pauvreté, mais se muer en un partenariat [...] qui favorisera le développement durable des PTOM et mettra à profit leur potentiel et leurs atouts, tout en contribuant à promouvoir les valeurs et les normes de l'UE dans le reste du monde ». « Le discours sur le renforcement de la compétitivité, c'est le refrain à la mode », commente Jean-Claude Fruteau. Le député de la Réunion juge « illusoire de croire que les seuls mots de "partenariat réciproque et renforcement de la compétitivité" permettront aux PTOM de combler définitivement leurs retards et de résoudre les difficultés structurelles en présence ». De son point de vue, « la question de fond est de savoir quelle sera la compétitivité des PTOM face à la concurrence mondiale si on les "lâche" après les avoir assistés pendant longtemps ».

« Les objectifs environnementaux [...] sont plus que louables », poursuit M. Fruteau. « Cependant, à l'heure actuelle, la valorisation et la sauvegarde de la biodiversité ne peuvent constituer à elles seules un levier suffisant... »  Son collègue Michel Buillard se montre plus optimiste : « Le développement des énergies renouvelables permettrait à la Polynésie française d'être un laboratoire d'expérimentation dans le Pacifique dans un domaine de technologie de pointe et à forte valeur ajoutée tel que l'énergie thermique des mers, l'énergie houlomotrice, l'éolien ou le photovoltaïque. »

« Cette évolution devrait mettre fin au parallélisme existant avec le régime des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique », soutient l'Assemblée nationale, qui envisage la création d'un fonds spécifique. La chambre basse souhaite un rapprochement entre le régime des PTOM et celui des régions ultra-périphériques. M. Buillard propose de « substituer au critère du PNB celui de vulnérabilité ». En outre, la Polynésie réclame une participation accrue à la prise de décision.

Saint-Pierre-et-Miquelon

De fait, Saint-Pierre-et-Miquelon pourrait faire les frais de la relative indifférence de Bruxelles. Des produits de la pêche en provenance du Canada y sont transformés, après paiement des droits de douane de la collectivité, et sont ensuite réexportés vers l'Union européenne en franchise de droits de douane. Or, des discussions avec Ottawa pourraient aboutir à une libéralisation totale des échanges. Le cas échéant, il n'y aurait plus d'intérêt pour le Canada à faire transiter ses produits par Saint-Pierre-et-Miquelon. « Ce risque n'a pas été identifié au moment de l'adoption du mandat de négociation de l'accord », déplorent Mme Annick Girardin et Hervé Gaymard. « À présent que les négociations ont commencé, les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon [...] doivent impérativement être pris en compte par la Commission ».

Mais « la question des accords commerciaux dépasse très largement le sujet des PTOM » selon l'ancien ministre de l'Agriculture. « Nous trouvons là, comme ailleurs, une des grandes faiblesses européennes », a-t-il expliqué devant la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale : « l'absence de cohérence entre des politiques en tuyaux d'orgue. Ainsi les discussions sur le cycle de Doha se poursuivent-elles en parfait cloisonnement à l'égard des débats sur l'avenir de la PAC ou des progrès des politiques européennes d'aides au développement. Or, tous ces enjeux sont intrinsèquement liés, et ce maillage organique n'est nulle part aussi spectaculaire que dans les PTOM. » Peut-être la mise en place, en décembre dernier, d'un "pôle outre-mer" au sein de la représentation permanente de la France à Bruxelles contribuera-t-elle à changer la donne.

Divorces européens

1 avril 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Union européenne s'achemine vers la mise en œuvre d'une première coopération renforcée.

On recenserait chaque année près de 300 000 mariages internationaux dans l'Union européenne. En cas de divorce, la variété des législations nationales entraine « des complications sur le plan juridique et des frais élevés, rendant plus difficile le prononcé des divorces à l'amiable », selon les observations de la Commission européenne. Celle-ci a proposé un règlement en vertu duquel les couples contrôleraient davantage leur séparation, et les juridictions disposeraient d'une méthode commune pour déterminer le pays dont la loi s'applique lorsque les couples ne peuvent pas s'accorder sur ce point. « L'objectif est d'alléger la charge pesant sur les enfants et de protéger les conjoints les plus vulnérables » explique-t-on à Bruxelles.

La Commission répond à la demande de dix États membres, dont la France, qui doivent désormais obtenir l'approbation du Conseil et du Parlement européen pour mettre en œuvre une "coopération renforcée" – la première depuis l'introduction de ce mécanisme par le traité d'Amsterdam entré en vigueur en 1999.

En février dernier, la France et l'Allemagne avaient déjà signé une convention créant un régime matrimonial commun (Coulisses de Bruxelles, 01/03/2010). Par ailleurs, un projet de directive vise à établir un ordre de protection européenne, qui permettrait à un État membre d'étendre des mesures d'éloignement au territoire de ses partenaires. Un nouveau signe de l'immixtion croissante de l'Union dans la justice et les affaires intérieures (JAI).

Conseil européen du printemps

1 avril 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Quelques mots sur la réunion des chefs d'État ou de gouvernement de l'UE  les 25 et 26 mars.

Stratégie sans surprise

Réuni à Bruxelles les 25 et 26 mars, le Conseil européen des chefs d'État ou de gouvernement de l'UE a approuvé les principaux éléments d'une nouvelle stratégie pour l'emploi et la croissance : porter à 75 % le taux d'emploi des femmes et des hommes âgés de vingt à soixante-quatre ans, investir 3 % du PIB en recherche et développement, réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport aux niveaux de 1990, améliorer l'éducation et réduire le taux de décrochage scolaire, favoriser l'inclusion sociale et lutter contre la pauvreté... Des objectifs somme toute très généraux , qui seront certes précisés d'ici l'été.

Selon les conclusions du Conseil européen, « la Commission présentera prochainement un rapport sur d'éventuelles sources novatrices de financement, comme un prélèvement mondial sur les transactions financières ». En outre, « la stratégie comprendra une dimension extérieure forte afin de garantir que les instruments et les politiques de l'UE seront mis en œuvre pour promouvoir nos intérêts [...] par la participation, à l'échelle mondiale, à des marchés ouverts et où les conditions de concurrence sont équitables ». D'aucuns y verront un écho aux propos de Nicolas Sarkozy jugeant « invraisemblable que l'Europe interdise le soutien aux industries exportatrices », alors que « ses concurrents asiatiques déploient des financements massifs »...

« Si certains objectifs sont inscrits dans les textes législatifs de l'UE, les autres ne le sont pas et n'impliquent pas de partage de l'effort », observent les chefs d'État ou de gouvernement ; « ils constituent un but commun à atteindre par une combinaison d'actions entreprises à l'échelon national et à celui de l'UE ». Commentant la stratégie précédente, Yves Bertoncini s'était interrogé « sur la nécessité pour l'UE de retenir comme une priorité politique majeure une stratégie pour laquelle ses moyens d'action directs sont limités » (Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin). La question demeure pertinente, malgré l'annonce d'une implication accrue du Conseil européen et celle d'un meilleur suivi. « Un dialogue étroit » entre les États membres et la Commission permettra, paraît-il, « d'améliorer la qualité de la surveillance et de favoriser l'échange de bonnes pratiques » ; « il pourrait notamment prendre la forme de réunions entre des experts de la Commission et des États membres ». Une vraie révolution !

Service minimum en Euroland

Craignant une asphyxie de son pays sous la pression des marchés, le Premier ministre grec Georges Papandréou avait sollicité un « large soutien politique » qui lui permettrait de financer sa dette « à des taux raisonnables ».

Le 25 mars , en marge du Conseil européen, les chefs d'État et de gouvernement des seize pays de la zone euro sont convenus de contribuer à des prêts bilatéraux coordonnés. Cela en « dernier recours », avec une implication « substantielle » du Fonds monétaire international.

« Il a fallu travailler dur » pour parvenir à cet accord, a reconnu le président de la République. À l'approche des élections en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le chancelier allemand craignait vraisemblablement de froisser son opinion publique, exaspérée par les déboires de la Grèce, lesquels contrastent avec la rigueur pratiquée outre-Rhin. La déclaration de l'Eurogroupe annonce d'ailleurs une surveillance renforcée des risques économiques et budgétaires. « La question des sanctions est clairement posée », a souligné Nicolas Sarkozy.

De fait, l'accord arraché à Angela Merkel ne fait aucun mystère de ses réticences. Prenant le risque de tester les marchés lundi dernier, Athènes a toutefois bénéficié d'un accueil relativement favorable après avoir lancé un emprunt de 5 milliards d'euros sur sept ans. Affaire à suivre.

Le Parlement européen joue des coudes

1 avril 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Innovation majeure du traité de Lisbonne, la création du Service européen pour l'Action extérieure se prépare sur fond de rivalités institutionnelles. Le Parlement européen entend bien conforter ses prérogatives...

Le Haut Représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité continue de faire jaser. Selon Jean Quatremer, Mme Catherine Ashton aurait refusé une rencontre le 18 avril avec les ambassadeurs du Conseil de Sécurité des Nations unies, « tout simplement parce que ce jour-là est un dimanche et que la baronne passe tous ses week-ends à Londres, là où résident son mari et ses enfants » (Coulisses de Bruxelles, 18/03/2010).

Architecture du SEAE

Les critiques sont d'une autre nature depuis qu'elle a révélé son projet d'architecture du futur Service européen pour l'Action extérieure (SEAE) – « un bureau autonome de l'UE, séparé de la Commission et du secrétariat général du Conseil, avec la capacité juridique nécessaire pour accomplir ses tâches et atteindre ses objectifs ».

Il serait dirigé par un secrétaire général placé sous l'autorité du Haut Représentant, prenant « toutes les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du SEAE ». L'administration centrale serait organisée en directions générales comprenant des bureaux géographiques ou thématiques. Les organes de gestion de crises, civils et militaires, dépendraient directement du Haut Représentant.

Du côté des gouvernements, on reconnaît à demi-mot la difficulté des négociations en cours : « La présidence espagnole est déterminée à ne pas ménager ses efforts pour parvenir à un accord », précise un communiqué du secrétariat général du Conseil. À travers le transfert au SEAE (suivant un principe de neutralité budgétaire) de services rattachés jusqu'alors tantôt au Conseil des ministres, tantôt à la Commission, l'équilibre institutionnel pourrait se trouver modifié. Or, le Parlement européen entend bien tirer la couverture à lui.

Un projet inacceptable

Ce projet d'architecture, qui ne devrait pas dépayser les diplomates français, est jugé « inacceptable » par une majorité de députés. Fustigeant tout particulièrement l'ampleur des pouvoirs conférés au secrétaire général –  un fonctionnaire –, ils réclament « un service autonome lié à la Commission aux niveaux administratif, organisationnel et budgétaire » qui serait « responsable devant le Parlement aux niveaux politique et budgétaire ».

Forte de sa mainmise sur le budget européen, l'assemblée n'a pas caché sa volonté d'« intensifier la pression sur les autres institutions de l'UE ». Elle l'a réaffirmée le 10 mars, en votant, par 633 voix contre 13 (Le Point, 10/03/2010), une résolution « sur la transparence et l'état d'avancement des négociations ACTA » (Anti-Counterfeiting Trade Agreement). Mandatée par les gouvernements, la Commission participe à la négociation d'un accord multilatéral censé renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle. Or, les parties sont convenus d'une clause de confidentialité. Les députés le tolèrent d'autant moins que les fuites nourrisent moult inquiétudes quant au contenu de l'accord. « Les douanes pourraient fouiller lecteurs MP3, téléphones et ordinateurs portables de tout citoyen suspecté d'avoir téléchargé illégalement un quelconque fichier », prévient Bruno Gollnisch.

Le souverainisme piégé ?

La résolution adoptée condamne une telle perspective, invitant par ailleurs la Commission et le Conseil « à assurer l'accès des citoyens et des organes parlementaires aux documents et aux synthèses relatifs à la négociation de l'ACTA ». Le Parlement « attend de la Commission qu'elle présente des propositions avant le prochain cycle de négociations qui se tiendra en Nouvelle-Zélande en avril 2010, qu'elle exige que la question de la transparence soit inscrite à l'ordre du jour de cette réunion et qu'elle communique au Parlement le résultat du cycle de négociations immédiatement après sa conclusion ». Enfin, le texte « souligne que, s'il n'est pas informé immédiatement et intégralement à tous les stades des négociations, le Parlement se réserve le droit de prendre les mesures appropriées, y compris d'intenter une action auprès de la Cour de justice afin de défendre ses prérogatives ».

Le cas échéant, si la Cour donnait raison au Parlement, l'Europe serait-elle contrainte de trahir la confiance de ses partenaires internationaux ? S'exprimant au nom du groupe "Europe, libertés, démocratie" où siège Philippe de Villiers, le Britannique Derek Roland Clark n'a pas manifesté davantage de réserve que le porte-parole du Front national dans son explication de vote en faveur de la résolution. Le souverainisme révèle ici son ambiguïté : en effet, à travers l'exigence de transparence, c'est, en définitive, l'influence des gouvernements sur le fonctionnement de l'Union qui nous semble contestée.

Le Conseil vulgarisé

19 mars 2010

Quelques jours après la tenue de sa 3000e session ordinaire, présentons brièvement cette institution tantôt dénommée Conseil de l'UE, Conseil des ministres ou plus simplement Conseil, qui ne doit pas être confondue avec le Conseil européen – réunissant les chefs d'État ou de gouvernement –, ni avec le Conseil de l'Europe  –  indépendant de l'Union.

Le Conseil a tenu sa 3000e session ordinaire le lundi 8 mars 2010. « La numérotation actuelle des sessions du Conseil remonte à l'entrée en vigueur, le 1er juillet 1967, du traité de fusion, qui instituait un conseil unique et une commission unique », rappelle-t-il dans un communiqué. « Auparavant, quelque 460 sessions du Conseil spécial de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), à partir de 1952, et des Conseils de la Communauté économique européenne (CEE) et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA), à partir de 1958, avaient déjà eu lieu. »

« Le Conseil exerce, conjointement avec le Parlement européen, les fonctions législative et budgétaire. Il exerce des fonctions de définition des politiques, notamment dans le domaine des affaires étrangères, ainsi que des fonctions de coordination, notamment dans le domaine économique. [...] Il est composé d'un représentant de chaque État membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de l'État membre qu'il représente et à exercer le droit de vote. »

Le Conseil siège aujourd'hui en dix formations différentes : affaires générales ; affaires étrangères ; affaires économiques et financières (ECOFIN) ; justice et affaires intérieures (JAI) ; agriculture et pêche ; emploi, politique sociale, santé et consommateurs ; compétitivité (marché intérieur, industrie et recherche) ; transports, télécommunications et énergie ; environnement ; éducation, jeunesse et culture. « En règle générale, les ministres des Affaires générales, des Affaires étrangères, des Affaires économiques et financières ainsi que de l'Agriculture se réunissent chaque mois. Les autres formations du Conseil se réunissent d'une à trois fois par semestre. » On compterait actuellement entre soixante-dix et soixante-quinze sessions chaque année.

À l'exception de celle des Affaires étrangères, confiée au Haut Représentant, la présidence des formations du Conseil est assurée par les représentants des États membres selon un système de rotation semestrielle. « Le comité des représentants permanents (Coreper) des gouvernements des États membres est responsable de la préparation des travaux du Conseil. Les travaux de ce comité sont eux-mêmes préparés par plus de 150 comités et groupes de travail composés de délégués des États membres. [...] Les sessions du Conseil se tiennent à Bruxelles, sauf aux mois d'avril, de juin et d'octobre, où elles ont lieu à Luxembourg. Toutefois, le Conseil s'est également réuni à d'autres endroits, en particulier à Genève, dans le cadre des négociations de l'OMC. »

« Le Conseil est assisté d'un secrétariat général [qui] emploie environ 3 500 fonctionnaires. [...] Le Conseil a son siège à Bruxelles, depuis 1995 dans le bâtiment Justus Lipsius, situé dans le quartier européen, sur le rond-point Schuman. Auparavant, le Conseil avait successivement occupé le bâtiment Ravenstein, au centre de Bruxelles puis, de 1971 à 1995, le bâtiment Charlemagne. »

Le français dans la Babel européenne

18 mars 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que la Francophonie fête son quarantième anniversaire, alors que ses adhérents ont renforcé leur poids dans l'UE, le français perd du terrain en Europe depuis les derniers élargissements. Qu'en est-il, désormais, de son usage dans les institutions de l'Union ?

Samedi 20 mars sera célébrée la journée internationale de la Francophonie, quarante ans après la signature du traité à l'origine de l'organisation éponyme (l'OIF). Plusieurs centaines d'événements sont annoncés sur le Vieux-Continent pour fêter cet anniversaire. Outre la France, l'Union européenne compte quatorze États membres appartenant à l'OIF : cinq membres à part entière avec la Belgique, la Bulgarie, la Grèce, le Luxembourg et la Roumanie ; un membre associé, Chypre ; et huit pays observateurs, l'Autriche, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie.

Paradoxe

À la faveur des derniers élargissements, les ressortissants de la francophonie institutionnelle ont accru leur présence dans l'Union. Une chance pour la langue de Molière ? Loin s'en faut. The more languages, the more english ! « La logique est en effet implacable, commente Astrid von Busekist. L'anglais possède la plus grande centralité (la proportion de locuteurs multilingues compétents en anglais en tant que langue seconde), bien qu'il ne possède pas la plus grande prévalence (la proportion de natifs d'une langue, soit les locuteurs des [...] langues européennes). » (Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin)

« L'année 2009 a confirmé la tendance observée depuis plusieurs années au sein de l'UE », souligne le rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française diffusé par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF). « Sous l'effet de l'élargissement de 2004, on assiste à un renforcement des positions de l'anglais et à une érosion parallèle de celles de notre langue et, plus encore, des autres langues. »

On relève quelques nuances selon les institutions, voire les rotations de la présidence semestrielle. « La part du français est logiquement plus élevée au cours des présidences francophones. Cependant, même lorsque cette langue est le français, il arrive que le projet rédigé par le secrétariat général du Conseil (SGC) soit en anglais, ce qui révèle un affaiblissement de la capacité de rédaction des fonctionnaires du SGC dans notre langue. En matière d'interprétation en revanche, les règles en vigueur font toute sa place au français et demeurent appliquées très strictement. » Selon le sénateur Jacques Legendre, auteur d'un rapport déposé le 11 mars 2009, « un bilinguisme traditionnel anglais-français » caractériserait les réunions des groupes de travail sur la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Sera-t-il remis en cause par la nomination d'une Britannique au poste de Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité ? La langue de Shakespeare est en tout cas la seule qui lui soit familière.

Un déclin flagrant

Conformément à son "manuel des procédures opérationnelles", la Commission s'appuie sur trois langues de travail. Selon la DGLFLF, « l'examen des documents traduits au cours de cinq dernières années montre que les élargissements et le passage consécutif de onze à vingt-trois langues officielles ont été suivis à la fois d'une accélération du recours à l'anglais et d'un recul sensible du français et de l'allemand ». Entre 1996 et 2008, la proportion de documents rédigés initialement en français est passée de 38 à 11,9 %, tandis que l'anglais progressait de 45,7 à 73,55 %.

Dans la salle de presse du Berlaymont (le siège de la Commission), le français aurait jadis régné sans partage. Dorénavant, il serait utilisé à parts égales avec l'anglais, rapporte la DGLFLF. Le président de la Commission, José Manuel Durao Barroso, aurait pourtant confié que lorsqu'il pratiquait la langue de Molière devant la presse, « cela créait des remous dans la salle » (Coulisses de Bruxelles, 18/01/2010). Notre confrère Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles, a d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises.

Le déclin est moindre au Parlement européen, dont le tiers du budget est consacré aux dépenses de traduction et d'interprétation. « L'obligation d'interprétation est systématiquement respectée pour le français », affirme la DGLFLF. Un seul manquement aurait été signalé en 2009, « au sein d'une commission, dû à la configuration technique de la salle et à l'absence attendue de députés français ». Pour autant, poursuit la Délégation, « l'approche plus flexible adoptée concernant les documents et réunions préparatoires contribue à renforcer le rôle de l'anglais [...] comme la langue de travail des contacts informels. [...] Par ailleurs, la possibilité de disposer d'une version en français des amendements aux projets de textes dépend du temps dont disposent les services de traduction. »

Jacques Legendre rappelle « l'importance des usages linguistiques à l'occasion de réunions informelles, que ce soit entre ministres ou encore lors d'interruptions de séance au cours desquelles les délégués des États membres ont l'opportunité de se concerter sur leurs positions ». À cet égard, le français serait « sensiblement plus présent [...], en particulier lorsqu'il s'agit de se consulter entre délégués de pays de langue latine ou de pays associés à l'espace francophone ».

Dans ce contexte, la Cour de justice ferait presque figure d'ilot préservé. Traditionnellement, la langue de Molière y est employée pour délibérer. « Cette situation n'est pas nécessairement neutre en termes d'effets sur la jurisprudence » remarque le parlementaire, « la Cour étant en effet susceptible d'être plus sensible à la tradition du droit romano-germanique qu'à la tradition juridique anglo-saxonne, inspirée de la Common law. Le français dispose ainsi d'une position privilégiée au sein d'une institution de quelque 1 800 agents. »

« La langue ne se résume pas, en effet, à un simple instrument de communication », martèle le parlementaire. « Elle est également le vecteur d'expression de cultures politiques, juridiques et économiques spécifiques aux pays dont elle est la langue naturelle. [...] À l'évidence, la prédominance d'une langue, notamment dans le cadre de négociations diplomatiques, constitue un levier d'influence majeur. »

Une âme québecoise

Nos politiques en ont-ils conscience ? Le cas échéant, ils devraient compter avec de fortes pressions en faveur du "tout anglais". « La traduction des documents officiels coûte 65 millions d'euros par an et par État membre », a estimé Astrid von Busekist. « Pour huit des vingt langues [vingt-trois désormais...], le coût de la traduction dépasse 25 euros par citoyen et [il] atteint 980 euros pour chaque citoyen maltais. »

Jean-Pierre Raffarin s'est rendu à Bruxelles le 14 janvier, où il a rencontré les présidents du Conseil européen, de la Commission et du Parlement. En qualité de "représentant personnel du président de la République, il entendait défendre auprès d'eux l'usage du français dans les institutions européennes. « Le français ne recule que lorsque l'offre de français est insuffisante », a proclamé l'ancien Premier ministre. « Quand, dans une ville du monde, on ouvre une école française, les capacités d'accueil sont immédiatement saturées. Quand dans une institution on fragilise le français, ce sont les valeurs du pluralisme et de l'humanisme qui sont étouffées. » Et de lancer : « Pour le combat du français et de la francophonie, j'ai l'âme résistante, l'âme québécoise ! »

Le secrétariat général aux Affaires européennes signalerait systématiquement les entorses faites au multilinguisme institutionnel en rédigeant une protestation destinée à l'organisme pris en défaut. En règle générale, si l'on en croit la DGLFLF, « ces initiatives portent leurs fruits s'agissant de la publication d'annonces de recrutement spécifiant que les candidats doivent obligatoirement être de langue maternelle anglaise et de la publication d'appels d'offres en anglais, d'autant plus que, dans ce dernier cas, le Commission a l'obligation de les publier au Journal officiel de l'Union européenne. À titre d'exemple, le secrétariat général aux affaires européennes est intervenu, après avoir été saisi par le Centre national de la recherche scientifique, dans le cas d'appels d'offres exigeant une réponse [...] en  anglais. »

Formons, formons !

Astrid von Busekist voudrait imposer la combinaison de l'anglais, du français et de l'allemand « car c'est celle qui exclut le moins : 19 % seulement des citoyens de l'Union des quinze ne possèdent aucune de ces trois langues et ce taux s'élève à 26 % dans l'UE des vingt-cinq ». En soutenant un tel projet, la France s'attirerait toutefois les foudres de moult partenaires. Tout particulièrement l'Espagne, l'Italie, le Portugal, les Pays-Bas et la Pologne, précise M. Legendre. Lequel « invite les pouvoirs publics français à la plus grande prudence dans leurs démarches en faveur du seul français [...], en soulignant notamment la nécessité de ménager la susceptibilité d'autres langues sensiblement négligées dans le processus décisionnel européen. Il s'agit d'envisager la promotion de la diversité linguistique dans sa globalité et de ne pas se limiter à un combat vain et naïf fondé sur un antagonisme systématique entre le français et l'anglais. »

La priorité doit être accordée à la formation, notamment en direction des fonctionnaires étrangers. La mise en œuvre d'un "plan pluriannuel d'action pour le français en Europe" avec la Communauté française de Belgique, le Luxembourg et l'OIF s'inscrit dans cette démarche. Le budget de ce programme s'est élevé à 2,3 millions d'euros en 2008. Ne négligeons pas non plus la formation de nos compatriotes aux langues étrangères : anticipant de prochains départs en retraite, la Commission européenne s'était inquiétée, le 23 septembre dernier, d'une pénurie sérieuse d'interprètes de langue française pour les cinq à dix ans qui viennent...

Le Maroc dans l'Union europénne

18 mars 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Quelques mots sur le premier sommet UE-Maroc.

Grenade a accueilli les 6 et 7 mars le premier sommet UE-Maroc. En marge de la réunion, Madrid n'avait pas manqué d'agiter son étendard féministe, ouvrant un séminaire traitant des « questions liées au genre [sic] au niveau local au Maroc et en Espagne ».

Selon la déclaration conjointe adoptée à son issue, « le sommet couronne une intense période d'accélération dans les relations UE-Maroc, initiée par l'entrée en vigueur de l'Accord d'association en mars 2000, renforcée par la mise en place du Plan d'action, dans le cadre de la Politique européenne de voisinage, en juillet 2005 et par l'adoption du document conjoint sur le Statut avancé lors du Conseil d'association d'octobre 2008 ».

Les deux parties ont réaffirmé leur volonté de mettre en place, à terme, un espace économique commun. Cela implique, entre autres, « le rapprochement du cadre législatif du Maroc à l'acquis communautaire » et « la conclusion d'un Accord de libre échange global et approfondi ». Une approche « globale et équilibrée » des migrations, incluant « une coopération pour le retour et la réadmission des migrants en situation irrégulière », devrait en outre constituer « un élément fondamental » du partenariat entre l'UE et le Maroc.

Lequel aurait déjà réalisé un effort de réformes majeur, selon Angel Lossada, le secrétaire d'État espagnol aux Affaires étrangères. L'UE y répondrait en faisant de Rabat le plus grand bénéficiaire d'aide du programme de voisinage. L'objectif serait de « partager, à l'avenir, tout sauf les institutions ».

Entre diplomatie et défense

18 mars 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Quelques nouvelles sur le SEAE et la défense européenne.

Les quolibets cesseraient-ils de pleuvoir ? Le Gymnich de Cordoue (réunion informelle des ministres des Affaires étrangères), les 5 et 6 mars, a donné lieu à quelques signes de soutien à Mme Catherine Ashton, Haut Représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. Auparavant, celle-ci avait rencontré à Paris Hervé Morin – lequel avait raillé publiquement son absence à la réunion informelle des ministres de la Défense... Sans doute l'heure n'est-elle plus à l'échange de phrases assassines, tandis que s'intensifient vraisemblablement les négociations censées définir l'architecture du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE).

Diplomatie féministe

Un projet doit être présenté par Mme Ashton d'ici la fin du mois d'avril. S'exprimant devant le Parlement européen le mercredi 10 mars, le Haut Représentant a prétendu se distinguer des sceptiques et autres réfractaires qui « préfèrent minimiser les pertes apparentes plutôt que de maximiser les gains collectifs ». La Britannique a annoncé, par ailleurs, que le SEAE serait représentatif de l'Union quant à la géographie et... l'égalité des sexes. « C'est la seule façon acceptable de procéder », a-t-elle même affirmé.

Le 4 mars, le ministre britannique des Affaires étrangères, David Miliband, et son homologue suédois, Carl Bildt, avaient publié « une lettre ouverte exprimant leurs inquiétudes face à certaines querelles interinstitutionnelles évidentes », selon le résumé d'Euractiv (08/03/2010). Bien que le traité de Lisbonne ait été signé le 13 décembre 2007, on ignore encore quelles responsabilités seront retirées à la Commission.  Les deux ministres estiment « qu'une nouvelle culture pourrait être l'aspect le plus difficile à développer pour le SEAE ». Un enjeu souligné par notre confrère Nicolas Gros-Verheyde : « Entre civils et militaires, entre fonctionnaires de la Commission – soumis à une forte hiérarchie et davantage orientés vers la gestion de programme – et ceux du Conseil –  plus petite organisation, habituée à une hiérarchie courte et plus politique, sans compter les diplomates nationaux, il y a aussi un abîme et des cultures fort différentes qu'il va falloir marier, avec harmonie. » (Bruxelles 2, 05/03/2010)

Flotte aérienne militaire

Pour seconder le Haut Représentant, la France aurait présenté au poste de secrétaire général la candidature de Pierre Vimont, actuel ambassadeur à Washington, ancien directeur de cabinet de Michel Barnier puis de Philippe Douste-Blazy lors de leur passage au quai d'Orsay.

Signalons enfin la création imminente d'un commandement européen du transport aérien (EATC pour European Airlift Transport Command) entre la France, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas. Selon les explications du ministère de la Défense, « il aura pour mission de coordonner l'emploi des avions de transport militaires des quatre nations membres, afin d'harmoniser leur planification. Cette organisation permettra d'optimiser la rationalisation des coûts pour l'acheminement du personnel et du fret par voie aérienne militaire. [...] Lorsqu'une des nations membres dispose d'une capacité de transport disponible, elle la propose aux autres nations. À l'inverse, si elle est confrontée à un besoin urgent, elle peut solliciter les moyens des partenaires. » C'est un pas significatif vers la mutualisation des moyens militaires, dont la crise rend la tentation d'autant plus pressante.

Féminisme au Conseil

8 mars 2010

Le Conseil prétend éradiquer la violence à l'égard des femmes dans l'Union européenne. Aperçu de ses conclusions.

En ce lundi 8 mars, décrété journée internationale de la femme par l'Organisation des Nations unies, le Conseil a adopté des conclusions « concernant l'éradication de la violence à l'égard des femmes dans l'Union européenne ». Ce document de sept pages s'inscrit dans la continuité de l'abondante littérature consacrée à l'égalité hommes-femmes par les institutions européennes, dont les ministres énumèrent moult références.

On relève quelques orientations concrètes : « promouvoir l'introduction d'un numéro de téléphone commun et gratuit [...] pour fournir des informations précises et actualisées et une assistance aux femmes victimes de la violence » ; « renforcer la protection des femmes victimes de la violence lorsqu'elles exercent leur droit à la libre circulation au sein de l'Union européenne » (des négociations sont en cours) ; « prendre les premières mesures en vue de la création d'un observatoire européen de la violence envers les femmes, en s'appuyant sur les structures institutionnelles existantes » (tel l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, fraîchement installé à Vilnius, en Lituanie).

Études et statistiques insuffisantes

« On ne dispose toujours pas de données à jour, fiables, précises et comparables, tant au niveau national qu'au niveau de l'UE », déplore le Conseil, « et le phénomène de la violence à l'égard des femmes n'a toujours pas fait l'objet d'une étude approfondie au niveau de l'UE, ce qui limite la perception que l'on peut avoir de son ampleur véritable et empêche le développement de stratégies et de mesures au niveau national ainsi qu'une réaction efficace au niveau de l'UE ». En outre, il serait « essentiel d'aborder sur un plan international l'échange de connaissances, de méthodes et de meilleures pratiques au sein de l'UE et avec des pays tiers ayant une certaine expérience de la lutte contre les pratiques traditionnelles préjudiciables (telles que les mutilations génitales féminines) et contre la traite des êtres humains ».

Selon les ministres, « la lutte contre la violence à l'égard des femmes passe par une participation active des hommes, permettant de remettre en cause les idées reçues et les rôles dévolus aux hommes et aux femmes afin de promouvoir des relations basées sur le respect, l'égalité et les valeurs démocratiques ». Aussi invitent-ils la Commission et les États membres à « réaliser des campagnes de sensibilisation, d'éducation et de formation pour lutter contre des normes culturelles discriminatoires et venir à bout des stéréotypes sexistes très répandus et de la stigmatisation sociale qui légitiment et perpétuent la violence à l'égard des femmes ».

Manifestement, le Conseil exclut l'hypothèse selon laquelle la violence masculine serait le « corollaire tragique et inexcusable » de la « dévaluation de la virilité » – thèse qui serait vraisemblablement celle Mme Claude Habib. « Face à la multiplication des viols, au développement des violences conjugales, à la perte du respect dû aux femmes par des hommes déboussolés, qui semblent répondre par la brutalité ou le mépris à l'agression symbolique du féminisme, elle veut croire à un sursaut de cette générosité virile qui est au fond l'essence de la galanterie », rapporte Stéphane Blanchonnet. « Retrouver les voies de l'apaisement, de l'amour et de la confiance entre les hommes et les femmes, c'est d'abord cesser de dénier aux hommes leur rôle de protecteurs naturels, rôle qu'ils souhaitent jouer spontanément à l'égard de leur compagne mais qui est constamment moqué, tourné en dérision, ringardisé (comme tout ce qui rappelle les différences, les inégalités, les traditions) dans le discours médiatique, la fiction télévisuelle ou la publicité. » Ainsi que dans les arcanes européens.