21 décembre 2017 Article publié dans L'Action Française 2000
Rencontre en images avec un officier de Marine pionnier de la Résistance.
Issu d'une famille royaliste, Honoré d'Estienne d'Orves (1901-1941) fut un pionnier de la Résistance. « Libre dans ses idées, il refuse de se soumettre face à la défaite, à contre-courant de l'opinion dominante », souligne son petits-fils, Augustin, en introduction d'une bande dessinée qui lui est consacrée. Au fil des pages, le lecteur est ballotté d'une période à l'autre, au risque, parfois, de s'y perdre un peu. Le héros nous livre lui-même ses souvenirs, accompagnant des images souvent sans dialogue.
Éduqué dans la foi
« Je reçois une éducation qui fait la part belle à la famille, à la France, à la foi, mais aussi aux arts et à la curiosité intellectuelle », raconte-t-il notamment. Formé à l'école Polytechnique, il entre dans la Marine en 1923. Quand sonne le glas de l'armistice, tandis qu'il sert en Égypte, la flotte n'est-elle pas intacte ? Du moins l'était-elle jusqu'au drame de Mers el-Kebir… « Après ce massacre, je ne pouvais plus accepter de rallier l'armée anglaise », explique-t-il. Quelques mois plus tard, cependant, il est accueilli à Londres par l'amiral Muselier, chef des Forces navales françaises libres. En décembre 1940, il revient en France, où il installe une liaison radio. Trahi, il est arrêté et condamné à mort, suscitant le respect de ses juges. Le 29 août 1941, à l'heure de son exécution, il donne l'accolade à un officier allemand :« nous avons fait tous les deux notre devoir », lui dit-il devant des soldats ébahis.
Nécessaire pédagogie ?
Le dessin n'est pas des plus détaillé. Quant à la police utilisée, elle n'est pas particulièrement lisible. Par ailleurs, était-il bien nécessaire de préciser dans une note de bas de page ce que furent la Grande Guerre ou la bataille d'Angleterre ? Peut-être cette BD est-elle destinée aux plus jeunes… On regrettera que l'amiral Darlan y soit présenté comme le chef d'un gouvernement « collaborationniste » ; la plupart des historiens ne parlent-ils pas plutôt de « collaboration » ? Ces réserves mises à part, la publication de cette BD relève d'une heureuse initiative.
Petit coup de gueule à la lecture des premières pages... d'un
manuel de mécanique auto.
Lu dans Technologie fonctionnelle de l'automobile (Dunod,
tome I, septième édition) : « Les ressources
en pétrole ne sont pas éternelles. [...] Les constructeurs
réfléchissent depuis longtemps aux moteurs qui peuvent fonctionner avec
un autre carburant. L'électricité n'étant pas très pratique, c'est pour
l'instant l'hydrogène qui a leur faveur. »
D'accord, la première édition de ce livre remonte à 1981. Mais
celle que nous avons en main a tout juste un an ! Or, en mai
2014, et même avant, on croisait déjà des Renault Zoe et quelques
Tesla... sans parler des Bluecar de Bolloré, mises à la disposition des
Parisiens depuis la fin 2011 ! À l'inverse, les véhicules
fonctionnant à l'hydrogène demeurent rarissimes, la Toyota Mirai venant
à peine d'être commercialisée. Dès l'avant propos, un inspecteur de
l'Éducation nationale n'en salue pas moins
l'« investissement personnel et le cœur » que
l'auteur aurait « mis à réaliser la mise à jour du présent
ouvrage ». À lire le « bref historique de
l'automobile » qui nous est proposé, on se demande si pareil
éloge est bien mérité : apparemment, il ne se serait plus rien
passé depuis 1985, sinon le développement des monospaces... Comme si
ceux-ci n'avaient pas été en partie éclipsés par les SUV au cours de la
décennie écoulée !
Dans un manuel destiné à de futurs techniciens, il y a plus gênant
cependant : en l'occurrence, l'opposition établie entre
« l'électricité » et
« l'hydrogène », qui n'a aucun sens. De
fait, ce qui distingue fondamentalement une Mirai d'une Zoe, c'est le
recours à une pile à combustible plutôt qu'à une batterie pour
alimenter le moteur... qui fonctionne à l'électricité dans chacun des
cas.
Bref, l'entrée en matière laisse à désirer. Il faut espérer
que les pages qui suivent auront été écrites ou révisées avec davantage
de soin. D'autant que nous n'aurons pas forcément la compétence pour le
dire. Si tel était le cas, il est bien évident que nous n'aurions pas
acheté un tel bouquin...
19 novembre 2014 Article publié dans L'Action Française 2000
Qu'est-ce que le genre ? Pourquoi cette notion
fait-elle débat ?
Telles sont les questions auxquelles prétend répondre ce livre
d'une centaine de pages. Dans l'esprit de ses auteurs, il s'agit de
remettre quelques pendules à l'heure : « il est faux
de laisser penser qu'il existerait une théorie du genre » –
autrement dit, « un corpus idéologique homogène » –,
explique Laure Berreni. Les "études de genre" n'en sont pas moins
inspirées par la conviction qu'il existerait « un rapport de
domination socialement construit des hommes sur les femmes ».
Manifestement, ces recherches se prêtent aux hypothèses les plus
hardies : « ce qui est particulièrement
frappant », dans les manuels controversés de SVT (sciences de
la vie et de la terre), remarque Laure Berreni, « c'est que la
naturalité de la dichotomie mâle-femelle n'est pas
ébranlée » ; quant à l'approche des masculinités de
Connell, rapporte Mathieu Trachman, elle soulignerait « le
caractère frictionnel d'une théorie qui partage l'humanité entre deux
groupes de sexe différent ».
Évoquant son caractère historiquement militant, Laure Berreni
soutient que « la recherche "féministe" n'est [...] pas moins
objective que la recherche mainstream »,
d'autant qu'« elle explicite ses présupposés politiques au
lieu de les masquer ». « En dénaturalisant la
différence des sexes », renchérit Éric Fassin, le "genre"
serait « désormais un outil scientifique, en même temps qu'une
arme politique, au service de la critique des normes ». Selon
lui, « il s'agit bien de savoir si cet ordre est fondé, une
fois pour toutes, par un principe transcendant ».
« Tel est in fine l'enjeu »,
conclut-il : « l'extension de la logique démocratique
au domaine sexuel ». Cette perspective est-elle censée nous
rassurer ? Selon Maurras, rappelons-le, « la
démocratie c'est le mal, la démocratie c'est la mort ».
Sous la direction de Laure Bereni et Mathieu Trachman, Le
Genre – Théories et controverses, Presses universitaires de
France, 112 pages, 8,50 euros.
5 mars 2014 Article publié dans L'Action Française 2000
Renault a annoncé la résurrection prochaine d'Alpine,
suscitant un regain d'intérêt pour cette marque fondée en 1955 par Jean
Rédélé.
C'est en souvenir de sa victoire au rallye des Alpes de 1954
que Jean Rédélé avait ainsi désigné ses propres voitures, construites à
Dieppe sur la base de la 4CV. Les éditions Glénat nous proposent, en
bande dessinée, un résumé de leur histoire, ponctuée par leurs succès
en rallyes, engrangés notamment sous la houlette de Jacques Cheinisse,
leur immixtion laborieuse dans les formules monoplaces, leurs
participations aux 24 heures du Mans...
« Faire gagner la France »
On s-y perd un peu dans les résultats sportifs, d'autant que
l'emploi de lettres capitales ne facilite pas la lecture, mais la
politique n'est jamais très loin. Visitant le Salon de l'automobile en
1968, le général De Gaulle interpelle Jean Rédélé :
« À quoi sert la course automobile ? », lui
demande-t-il. « Mais à faire gagner la France, mon
général ! » L'année précédente, l'État avait versé une
subvention à Matra, le grand rival qui, lui, n'avait rien d'un artisan.
Une illustration du "capitalisme de connivence" honni des
libéraux ? Philippe Lamirault, directeur commercial du
Losange, soutient néanmoins le développement d'Alpine. « Il
est maire et conseiller général à Thiron-Gardais, c'est bon pour sa
carrière politique. » Dans la foulée du choc pétrolier, les
courses automobiles sont suspendues. Le contexte économique n'arrange
pas les affaires d'Alpine. Non sans amertume, Jean Rédélé doit se
résoudre à céder à la Régie son enfant chéri. En 1978, ce n'est pas une
Alpine-Renault, mais une Renault-Alpine qui remporte les
24 heures du Mans...
Cette victoire sonne comme le chant du cygne. La production
perdure toutefois jusqu'à la disparition de l'A610 en 1995 (et non 1991
comme indiqué dans la BD). Quel gâchis ! Près de vingt ans
plus tard, Carlos Tavarès, alors numéro 2 de Renault, s'en est
ému auprès du P-DG Carlos Ghosn. « Je crois que nous avons là
un diamant à notre disposition », lui aurait-il expliqué.
Renault finira-t-il par réparer ses erreurs ? Réponse en 2016.
Denis Bernard (scénario), Christian Papazoglakis, Robert
Paquet (dessins), Alpine - Le Sang bleu, Glénat,
48 pages., 13,90 euros.
5 mars 2014 Article publié dans L'Action Française 2000
L'Action française d'avant-guerre n'était pas fermée aux
femmes. Bien au contraire, certaines la rejoignaient précisément pour
combattre une République misogyne, comme l'explique le travail d'une
étudiante en histoire à l'IEP de Paris.
Tous les domaines se prêtent aux "études de genre" – y compris
l'histoire de l'Action française, susceptible d'illustrer le parcours
de « femmes outsiders en
politique », selon le titre d'un ouvrage paru l'été dernier
(en 2013). Camille Cleret y consacre un article à
« l'engagement féminin d'Action française ». Depuis
toujours, souligne-t-elle, « la signification politique de
l'engagement féminin d'Action française fut inévitablement contestée et
caricaturée » : « qualifiées alternativement
de "duchesses douairières", ou de "demoiselles à dot" », les
militantes d'AF « étaient systématiquement jugées avec mépris
par les adversaires de la ligue ». Or, « initialement
et officiellement cantonnées dans la sphère des activités charitables,
ces militantes surent se réapproprier le "politique d'abord", mot
d'ordre de l'Action française, afin d'acquérir un rôle et, pour
certaines d'entre elles, des responsabilités au sein de cette
formation ».
Ligue féminine
Les femmes désireuses de s'engager à l'Action française
étaient appelées à rejoindre une structure spécifique, l'Association
des dames et des jeunes filles royalistes, héritière d'une ligue
féminine indépendante, la Ligue royaliste des dames. « Née en
1904 de l'opposition aux mesures touchant alors les congrégations
religieuses », celle-ci « se distinguait cependant
d'autres formations féminines fondées dans le même contexte en raison
de la priorité conférée, dès ses origines, au combat politique sur le
combat religieux ». Cette préoccupation se traduisait dans
l'orientation donnée aux "œuvres sociales royalistes", qui occupaient
« une place prépondérante dans la vie de ces
femmes ». « Ventes et fêtes de charité, arbres de
Noël, distribution de layettes, de nourriture et de vêtements, colonies
de vacances : ces activités de bienfaisance mentionnées dans
les colonnes du quotidien s'inscrivent dans la lignée des œuvres de
charité pratiquées depuis des siècles par les femmes chrétiennes mais
impliquent toutefois une finalité politique clairement
assumée. » Témoin, l'ouverture d'un "restaurant de charité",
conçu, selon ses promoteurs, comme « un centre de propagande
ouverte ».
Des « efforts quotidiens » visaient à
« "semer" les différents journaux affiliées à l'Action
française » : « Telle ligueuse faisait lire
L'Action Française à son boulanger, une autre à son bijoutier, la
dentiste en faisait la promotion auprès de ses patients, et la modiste
auprès de ses clients. Ces femmes "papotaient", pour reprendre
l'expression d'Eugen Weber, mais elles papotaient avec détermination,
ce qui ne les empêchait d'ailleurs pas occasionnellement de descendre
dans la rue pour manifester leur mécontentement. » Au
lendemain du 6 février 1934, notamment, « elles se
rendirent ainsi à l'école du Louvre pour interrompre une conférence
donnée par Mme Caillaux ».
Maurras adulé
Au-delà des structures officielles, « lectrices,
sympathisantes, correspondantes, admiratrices participaient à leur
manière au rayonnement de la ligue », rapporte Camille Cleret.
Ces femmes semblaient « unies par un même engouement – on
pourrait même parler de dévotion – envers la figure de Maurras, leur
"cher maître" » : « La correspondance de ce
dernier laisse clairement transparaître cette ferveur partagée par des
femmes aux profils sociologiques et professionnels très
dissemblables. » Quelques-unes « appartenaient aux
milieux dirigeants de la ligue ». Deux personnalités
retiendraient plus particulièrement l'attention « par leur
présence dans les archives et dans les rubriques du
quotidien » : la marquise de Mac Mahon,
« oratrice de talent », fonda la Ligue royaliste des
dames ; quant à « l'énergique » Marthe
Daudet, alias Pampille, seconde épouse de Léon Daudet, elle devint en
1936 « la propagandiste en chef de l'Action française, tentant
alors de centraliser les différents services de propagande de la
ligue ».
Paradoxe apparent
« De telles destinées » apparaissent
« surprenantes » aux yeux de Camille
Cleret, qui les inscrit « dans le cadre d'une ligue [...]
affichant clairement un idéal de virilité ». De son point de
vue, la « singularité » du militantisme féminin
d'Action française reposerait, précisément, « sur la
discordance entre les objectifs réactionnaires de femmes viscéralement
attachées à la tradition et la modernité assumée de leurs activités
politiques ». S'agit-il vraiment d'un paradoxe ?
« Ferventes monarchistes, les ligueuses envisagent la
restauration tant attendue comme un vecteur de promotion de la
condition féminine visant à redonner aux femmes le rôle politique et
social que la Révolution leur avait injustement ôté. » Selon
Paul Bourget, il existait même « un féminisme de la
tradition », comme il existait « un féminisme de
l'anarchie » ! « Mme Pierre
Chardon, conférencière d'Action française dans les années 1930,
classait ainsi les femmes royalistes dans la mouvance féministe »,
relève Camille Cleret. « De plus, les militantes d'Action française
entretenaient des liens avec des organisations féministes modérées.
Suzanne Desternes, par exemple, était à la fois membre du comité
directeur de l'Union nationale pour le vote des femmes et conférencière
attitrée de l'Action française. » En conséquence,
« le modèle féminin promu par l'Action française était [...]
assez ambivalent pour être perçu de manière totalement contradictoire
par des observateurs extérieurs et par les femmes
elles-mêmes ». Ainsi Marie-Thérèse Moreau, présidente de la
section féminine des Jeunesses patriotes, refusa-t-elle d'adhérer à la
ligue « en raison de sa "mauvaise réputation
antiféministe" », tandis que « la journaliste Marthe
Borély s'en éloigna après la Première Guerre mondiale en raison des
opinions trop peu conservatrices à son goût de Charles Maurras sur
cette question ».
Le genre, déjà...
Tout cela témoigne, selon Camille Cleret, « de la
relation complexe entretenue par l'Action française avec les femmes et
la question du féminisme ». Relation qu'elle se risque
toutefois à simplifier ici ou là. Ainsi suggère-t-elle que
l'antisémitisme de quelque militante ou sympathisante l'aurait conduite
à « s'attribuer, par le discours racial, une position sociale
que son statut de femme lui interdirait normalement ». Par
ailleurs, en conclusion, l'auteur invite à « renverser le
mythe d'une féminité allergique à l'extrême droite et à la xénophobie,
mythe qui consiste à essentialiser une nature dite féminine associée à
la douceur mais également à la fragilité, à la faiblesse et donc à
transformer les femmes en éternelles victimes d'un système patriarcal
oppressif ». De telles hypothèses, en l'absence d'un
argumentaire nuancé, nous semblent formulées avec une
certaine légèreté.
Cela étant, cette étude prouve que certains débats ne datent
pas d'hier. « Les collaborateurs de l'Action française étaient
surtout obsédés par le risque de confusion des genres »,
affirme Camille Cleret, prenant Léon Daudet à témoin :
« la femme ne doit pas se faire le singe de
l'homme », avait-il prévenu. « La masculinisation de
la femme serait un fléau pour notre civilisation et pour elle-même. Car
elle y perdrait son ascendant et son prestige. Qu'elle se fasse
doctoresse, avocate, suffragette, ministresse, tout ce qu'elle
voudra : mais qu'elle reste femme. » L'histoire ne
serait-elle qu'un éternel recommencement ?
6 juillet 2012 Article publié dans L'Action Française 2000
Embarquement à bord du Charles de Gaulle
au large des côtes libyennes.
En dépit des controverses politiques, l'intervention française
en Libye – l'opération Harmattan – fut un incontestable succès
militaire. Le Charles de Gaulle et son groupe
aéronaval y jouèrent un rôle de premier plan, salué par la publication,
ce mois-ci, d'un album richement illustré.
Celui-ci s'ouvre sur un hommage au président Nicolas Sarkozy,
auquel font écho les considérations finales sur « les guerres
justes ». Le directeur de l'ouvrage, Antoine Assaf,
afficherait-il des sympathies néoconservatrices ? La majorité
des contributions s'avèrent plus consensuelles, sinon convenues. Elles
mettent en lumière l'intensité des opérations et la prégnance du
risque, couru par les pilotes, mais aussi par les équipages des
bâtiments croisant au plus près des côtes libyennes. Cette accumulation
de témoignages nous est apparue quelque peu décousue, mais là n'est pas
l'essentiel de l'ouvrage, qui vaut d'abord pour ses images !
Les photographies soulignent le caractère majestueux du
navire, la puissance des aéronefs – surtout celle des Rafale en fait,
les vénérables Super-Étendard se faisant plus discrets –, la
mobilisation des équipages. L'ouvrage se cantonne toutefois au strict
cadre des opérations : convié sur le pont d'envol, admis sur
la passerelle et dans les hangars, le lecteur reste à l'écart des
quartiers de l'équipage. C'est le principal regret que nous inspire ce
bel album, hommage bien mérité rendu à un bâtiment prestigieux, source
d'une inépuisable fascination.
Sous la direction d'Antoine Assaf, Le Charles de
Gaulle – Des hommes en action, éd. du Rocher,
192 p., 42 euros.
31 décembre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Un album nous plonge dans le quotidien du 7e BCA.
En début d'année, le photographe Jean-Christophe Hanché s'est
mêlé, cinquante jours durant, au quotidien des soldats du
7e bataillon des chasseurs alpins (BCA) qui arpentaient alors
la Kapisa, au Nord-Est de Kaboul. De retour d'Afghanistan, il a
sélectionné trois cents clichés réunis dans un petit album.
Les compositions cultivent le dynamisme dans la sobriété, et
si le style se montre volontiers intimiste, il ne verse jamais dans
l'impudeur. Sont évoqués la puissance du feu comme les stigmates de la
guerre, mais aussi les moments de détente... Notre confrère nous convie
à la rencontre de soldats qui nous apparaissent somme toute familiers :
tel est, peut-être, le caractère le plus saisissant de son témoignage,
dont on regrettera surtout qu'il ne soit pas promis à une plus large
diffusion.
Jean-Christophe Hanché, Kapisa-Afghanistan,
240 p., trois cents images en couleur, format 15x21
à l'italienne, 25 euros ; livre édité par l'auteur,
disponible dans quelques librairies de Reims ou par
correspondance ; renseignements et commande :
www.jeanchristophehanche.com ; 06 77 06 94 83.
3 novembre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Aperçu d'un ouvrage signé Francis Bergeron.
Le retour de Tintin au cinéma n'a pas manqué d'alimenter
l'actualité éditoriale. Francis Bergeron se distingue par la
publication d'une biographie iconoclaste de Georges Rémi, dit Hergé.
S'inscrivant dans la collection "Qui-suis-je ?", son livre ne
sied guère aux canons du politiquement correct. De fait, l'auteur cite
volontiers Minute ou Rivarol,
et revendique une relative sympathie pour Léon Degrelle, tandis qu'il
évoque l'amitié qui l'unissait à Hergé.
Bien qu'il fût parmi les premiers à lever le voile sur
l'imposture soviétique, celui-ci ne saurait être classé parmi les
auteurs engagés. Toutefois, s'il fallait absolument attribuer une
filiation idéologique au reporter du Petit Vingtième,
ce ne serait par vers le rexisme qu'il conviendrait se tourner selon
Francis Bergeron, mais « plutôt du côté des pendants belges de
l'Action française ou encore de la Fédération nationale catholique du
général de Castelnau ».
Un chapitre est précisément intitulé « Hetrgé et le
roi ». En exergue, on découvre comment Sébastien Lapaque
définissait « l'idéal politique de Tintin ». Un peu
plus loin, c'est L'Action Française 2000
qui est citée, pour s'être amusée, dans son numéro du 15 mai
2003, à relever quelques inspirations prêtées à Hergé : porté
sur la bouteille, maniant volontiers l'invective, le capitaine Haddock
rappelle effectivement Léon Daudet ; quant au professeur
Tournesol, avec sa barbiche et sa surdité, n'est-il pas le parent de
Charles Maurras ?
Francis Bergeron, Georges Rémi dit Hergé,
Pardès, collection "Qui-suis-je ?",
128 pages,12 euros.
1 juillet 2010 Article publié dans L'Action Française 2000
Commentaire du dernier ouvrage de Paul-Marie Coûteaux.
Préfaçant leur réédition, Régis Debray a jugé que les discours
de guerre du général De Gaulle – et particulièrement l'appel du
18 juin – n'étaient pas « de ceux qui ont fait
l'histoire de ce siècle ». Grâce à leur auteur, tout au plus
« l'affaire France » se serait-elle « bien
terminée » : « Sortir un jour ou l'autre de
l'histoire est un sort banal », conclut Debray. « En
sortir par le haut n'était pas donné à tout le monde.
Alléluia. »
C'est un véritable blasphème aux yeux de Paul-Marie-Coûteaux.
« Vous déraillez », lance-t-il à celui qui fut son
« modèle ». « La France reste l'une des cinq
ou six premières puissances du monde », rétorque-t-il dans un
opuscule publié à son intention. Le chantre du souverainisme y propose
une interprétation spirituelle de l'appel du 18 juin,
esquissant la thèse qu'il développera dans son prochain ouvrage.
« La réalité du jour, en juin 40, c'est le désastre,
nul n'en disconvient », reconnaît-il. S'inspirant très
librement de Platon, il n'en affirme pas moins que la
« vérité » était tout autre, élaborant une
dialectique au service de l'espérance.
Avouons-le, notre esprit quelque peu "terre à terre" s'y
montre réfractaire. Notre réaction a-t-elle été conditionnée par notre
formation à l'école d'AF ? Selon Paul-Marie Coûteaux, en tout
cas, son maître « ne vit dans les beaux discours de Londres
qu'un déluge de romantisme juvénile... » Loin d'être
unanimement rejeté dans nos rangs, le principe gaullien selon lequel
« l'intendance suivra » participe lui aussi, selon
nous, du déni de réalité. Gardons-nous d'y voir un écho au "Politique
d'abord" de Maurras, pour qui « la route doit être prise avant
que d'arriver à son point terminus ; la flèche et l'arc seront saisis
avant de toucher la cible ; le moyen d'action précédera le
centre de destination ». C'est à peu près l'inverse que
proclame l'autre Charles.
« La France peut toujours redevenir ce qu'elle fut
souvent », poursuit Paul-Marie Coûteaux, à savoir
« le caillou glissé dans la chaussure des
mastodontes ». Comme en 2003, où Paris se distingua à la
tribune des Nations Unies, exaspérant son allié américain sans parvenir
– ni même chercher ? – à infléchir sa volonté d'envahir
l'Irak. Comme en 2005, où le rejet du traité établissant une
constitution pour l'Europe précéda l'adoption du traité de
Lisbonne qui en reprenait la plupart des dispositions. Autant de "non"
censés prouver « que l'histoire continue » !
Des "non" sans conséquence, dont seuls les amateurs d'esbroufe
devraient apprécier la valeur.
La « grandeur » louée par les gaullistes se
réduit somme toute à quelques apparats de puissance – notion à laquelle
Paul-Marie Coûteaux semble d'ailleurs préférer celle de souveraineté,
en dépit de son caractère essentiellement juridique et formel. Il ne
craint pas d'inscrire son combat contre l'Union européenne dans la
continuité de la Résistance. Une posture de tartuffe ? Celle
d'un croisé, émancipé des rigueurs matérielles !
« Dans la fameuse formule "Toute ma vie je me suis fait une
certaine idée de la France", le mot essentiel est idée ; elle surplombe
toute l'épopée. » À ce petit jeu-là en effet, tout
n'est qu'affaire de foi.
Paul-Marie Coûteaux : De Gaulle, espérer contre tout
- Lettre ouverte à Régis Debray ; Xenia,
19 juin 2010, 93 pages, 10 euros.
S'il était encore vivant, Charles Maurras serait-il
souverainiste ?
La géopolitique de Maurras a fait l'objet d'un ouvrage publié
en novembre dernier (1). Nous en avons lu le chapitre consacré
à la critique du fédéralisme européen, espérant y trouver moult
éléments susceptibles de nourrir notre critique du souverainisme.
Peut-être attendions-nous des auteurs qu'ils fassent parler les
morts... Or, prévient d'emblée Christophe Réveillard, « on ne
trouve chez Maurras que peu d'analyses approfondies des nouvelles
communautés européennes [...], entre autres raisons parce qu'il
disparaît en 1952 ».
Durant l'entre-deux-guerres, plus particulièrement,
« Maurras dénonce essentiellement l'irréalisme du fédéralisme
européen ». Ce faisant, aurait-il jugé négligeables les
considérations économiques et politiques à l'origine de la
CECA, attribuant sa création à la seule idéologie, bien qu'il pense
« que derrière les discours lénifiants, prévaut le réalisme
des puissances » ? À vrai dire, nous nous demandons
si la question a vraiment préoccupé Christophe Réveillard, tant il
semble enclin à réduire les politiques aux postures qui les
accompagnent. En témoigne, à nos yeux, la facilité avec laquelle il
affirme que « la période gaulliste correspond [...] au
développement d'une autre conception de l'Europe » –
« selon laquelle la Communauté doit être une confédération
d'États se donnant un pouvoir commun auquel chacun délègue (et non
abandonne) un part de souveraineté ».
Tandis que les "pères fondateurs" de l'Europe seraient aux
antipodes du Martégal, l'élaboration du plan Fouchet – demeuré sans
lendemain... – et la négociation du compromis de Luxembourg – beaucoup
de bruit pour rien ! – placeraient De Gaulle dans sa droite
filiation : « Ineluctabilité de la division de
l'Europe en entités nationales distinctes, nécessité pour la France de
refonder son organisation interne autour d'un fédérateur légitime,
critique au nom du "Politique d'abord !" de l'européisme comme
principe de dépolitisation des rapports étatiques, défense d'une
diplomatie française fondée sur la recherche de l'équilibre des
alliances et l'indépendance nationale, ce qui exclut le projet d'une
communauté permanente de nations fondée sur la contrainte, le constat
est rapidement fait : les certitudes de Charles Maurras en
matière européenne furent également celles de Charles De
Gaulle. »
Cela nous semble d'autant plus "léger" que
M. Réveillard passe sous silence les ambiguïtés d'un concept
au cœur de la réflexion sur la construction européenne. Ainsi n'est-il
pas loin d'ériger implicitement Maurras en défenseur de la
« souveraineté nationale » (2), bien que
celui-ci en ait fermement récusé le principe, lui opposant
« la souveraineté du salut public, ou du bien
public, ou du bien général ».
« Ce que Maurras reproche le plus aux différentes
tentatives d'unification européenne », c'est, paraît-il,
« l'absence de ce qui pour lui devrait relever de
l'évidence : la recherche de l'accroissement de
puissance ». Recherche dont nous doutons, pour notre part,
qu'elle soit le fait des souverainistes... Cela dit, peut-être
trouverons-nous matière à nous interroger sur les conséquences du
multilatéralisme en parcourant les autres chapitres d'une étude censée
présenter, plus généralement, les thèses de Maurras « sur les
relations internationales et les problèmes de défense », et
même exposer les débats que suscita leur réception au sein de l'Action
française.
(1) Sous la direction de Georges-Henri Soutou et Martin
Motte : Entre la vieille Europe et la seule France
- Charles Maurras, la politique extérieure et la défense nationale ;
Économica, Bibliothèque stratégique, 23 novembre 2009,
432 pages, 39 euros
(2) « Face à la critique des souverainetés
nationales, assimilées aux causes principales des guerres, Maurras
affirme que c'est au au contraire le déni de puissance nationale, par
décadence intérieure et/ou par impérialisme de puissances extérieures,
qui est facteur de déséquilibre et de guerre. »