4 juin 2018
Lecture critique d'un article signé par une philosophe-militante, censé expliquer la logique à l'œuvre dans une stratégie d'obsolescence programmée déployée à grande échelle.
Ce sont les aléas du métier : Raphaël Enthoven s'est fait planter. Vendredi dernier, 1er juin 2018, alors qu'il s'apprêtait à enregistrer une émission pour Arte, l'animateur-philosophe a dû faire face à la défection d'un participant. En la personne de Jeanne Guien, il croyait avoir invité une philosophe ; mais c'est une militante qui lui a fait faux bond – et qui, surtout, a tenu à le faire savoir. « Immaturité du mouvement étudiant, misandrie des féministes, paresse des abstentionnistes, communautarisme des antiracistes ou encore antisémitisme des antisionistes : il n'est pas un seul des partis pris les plus réducteurs et abêtissants de la droite décomplexée auquel vous ne vous empressiez d'apporter votre soutien
», lui a-t-elle reproché dans une lettre ouverte publiée sur Mediapart.
Cela étant, si nous avons eu vent de cette polémique, c'est parce que Jeanne Guien travaille sur un sujet qui nous intéresse : « la réduction de la durée de vie des objets
». Curieux de découvrir comment elle aborde une telle question, nous nous sommes empressé d'arpenter la Toile à la recherche de ses éventuelles publications. Bingo ! Voilà déjà quelques années, elle avait signé un article dans la revue Vivagora, repris par Up Magazine. En introduction, elle propose une définition de « l'obsolescence programmée
» : « un procédé technique qui consiste à concevoir un objet en y intégrant le déclenchement de sa panne, de son usure, de sa défaillance définitive
» ; dissipant toute confusion, elle précise qu'« il ne s'agit pas seulement de connaître le moment où l'objet deviendra inutilisable
[…] mais de le générer artificiellement
».
La durée de vie des produits systématiquement limitée ?
Selon Jeanne Guien, « les imprimantes, les ordinateurs, l'électroménager, les téléphones portables ou les lecteurs MP3
[…] sont aujourd'hui, pour la plupart, conçus selon ce procédé ; mais aussi de nombreux ustensiles plus communs comme le mobilier, la vaisselle, les ampoules
». Incidemment, elle se montre plus radicale que les militants de l'association HOP (Halte à l'obsolescence programmée), dont la cofondatrice, Laëtitia Vasseur, juge ce phénomène « marginal
» (selon la réponse donnée à une question que nous lui avons nous-même posée). Elle se distingue plus encore de Serge Latouche, certes chantre de la décroissance, mais selon lequel « les lobbies industriels
[…] n'ont pas tout à fait tort de prétendre que l'obsolescence programmée, entendue dans le sens d'un complot ou d'un sabotage, n'existe pas
» (citation tirée d'une tribune publiée sur Mediapart au mois de mars). « Si l'usage de ces produits n'est pas "unique", il est artificiellement restreint
», martèle Jeanne Guien, « de sorte que la durée de vie de ces produits (le temps durant lequel ils sont utilisables conformément à leur fin, et efficaces comme tel) peut être dite systématiquement limitée
».
Dans son article, elle se garde bien d'étayer ses accusations. Il est vrai que l'exercice eût été difficile, aucun cas délictueux d'obsolescence programmée n'ayant jamais été avéré. Cela en dépit des soupçons régulièrement colportés par des « médias dominants
» dont notre philosophe-militante semble pourtant se méfier… Récemment, ces derniers se sont tout particulièrement illustrés en véhiculant des fantasmes à propos des collants. Un seul exemple nous est donné par Jeanne Guien : « Apple a ainsi fait l'objet d'un procès (s'achevant sur un accord à l'amiable…) pour avoir conçu les batteries de ses Ipod selon la technique de l'obsolescence programmée (celles-ci se révélant défaillantes au bout de dix-huit mois).
»
Le fantasme d'une économie sous contrôle
Un « procès
» s'est-il vraiment tenu à ce sujet ? Nous n'en sommes pas certain, mais nous ne l'avons pas vérifié. Quoi qu'il en soit, la procédure s'est effectivement conclue non par une condamnation d'Apple, mais par un accord avec ses clients qui s'estimaient lésés. À notre connaissance, cependant, la conception des batteries n'était pas en cause. Cela n'aurait eu aucun sens : en dépit des recherches en cours et des progrès d'ores et déjà accomplis, nul ne sait encore produire des batteries inusables ; la technologie nécessaire nous est encore inconnue ! Plus exactement, c'est l'intégration des batteries qui a suscité la polémique, celles-ci étant, paraît-il, impossibles à changer. Simple nuance ? Peut-être. Mais puisque Jeanne Guien prétend être attachée à « la définition et la conceptualisation rigoureuses
», nous la prenons au mot ! Reste surtout qu'en l'espèce, l'obsolescence programmée, telle qu'elle la définit elle-même, n'est pas démontrée. En effet, qu'en est-il des arbitrages ayant présidé à la conception du produit incriminé ? Peut-être la priorité a-t-elle été donnée à la baisse des coûts ou bien au design aux dépens de la durabilité, par exemple ; le cas échéant, il ne s'agirait pas d'un sabotage délibéré.
« L'obsolescence programmée permet
[…] de s'assurer du renouvellement de la demande, de réamorcer un cycle de vie du produit, a priori à l'infini
», explique Jeanne Guien. Et de poursuivre : « En faisant advenir de manière prévisible (et prévue) la défaillance de l'objet, elle permet d'organiser ce renouvellement ; et donc de maîtriser, de répartir, l'état de la demande. Elle offre ainsi l'espoir d'un marché toujours ouvert et dynamique ; surtout, d'un marché maîtrisable en ses phases et ses caprices, c'est-à-dire manipulable en son rythme. Elle ouvre sur une maîtrise a priori de l'écoulement des stocks, grâce à cette mainmise sur le rythme même du marché.
[…] On atteint là comme un idéal du capitalisme marchand : s'assurer l'écoulement du stock, mais aussi la possibilité d'accélérer et de décélérer cet écoulement, par la réduction ou l'allongement de la durée de vie des objets ; maintenir ou accélérer le taux de croissance, en faisant se succéder les objets, et donc les actes de rachat, de plus en plus vite, au moyen d'une durée de vie de plus en plus restreinte.
»
Philosophie, militantisme et complotisme
On nage en plein délire constructiviste, sinon conspirationniste ! Jeanne Guien nous donne l'impression de prêter au capitalisme non pas seulement une logique, mais aussi une volonté. Une volonté à laquelle les acteurs du système économique seraient apparemment contraints de se plier. Pour quelle raison ? La question est éludée. Peut-être s'agit-il de répondre à « la seule exigence de croissance
». Cette préoccupation pourrait éventuellement être celle des pouvoirs publics, à supposer qu'ils négligent les "coûts d'opportunité" mis en lumière notamment par Frédéric Bastiat (sophisme de la vitre cassée) ; les primes à la casse censées accélérer le renouvellement du parc automobile s'inscrivent d'ailleurs dans cette logique. Mais qu'en est-il des entreprises, soumises à la pression de la concurrence ? Celles-ci n'ont aucune assurance que leurs clients leur restent fidèles quand survient la nécessité d'un nouvel achat. Si la possibilité leur est offerte de proposer une garantie plus longue, sans réduire leurs marges ni sacrifier aucune fonctionnalité d'un produit mis en vente, elles cédèront fatalement à la tentation, dans l'espoir des gagner des parts de marché. Ce dont la croissance ne pâtira pas forcément, soit dit en passant. Florent Menegaux, nouveau patron de Michelin, vient de le rappeler dans un entretien accordé à L'Usine nouvelle : « Lorsque nous avons lancé le pneu radial, on a crié au fou ! Les gens pensaient qu'en créant un pneu deux fois plus résistant, on allait diviser le marché par deux. Mais non ! À cette période, la mobilité s'est considérablement accrue. La technologie a permis de développer le marché.
»
Cinq ou six ans se sont écoulés depuis la publication de cet article, qui remonte à 2012. Peut-être son auteur a-t-il changé d'avis. Ou peut-être pas… À voir la façon dont elle s'adresse aujourd'hui à Raphaël Enthoven, il semblerait que Jeanne Guien soit loin d'avoir renié ses démons complotistes. Dénonçant la dérision avec laquelle ce dernier a évoqué la rumeur de Tolbiac, elle soutient que « la vérité sur cette affaire n'a toujours pas été faite
». Sans doute ne le sera-t-elle jamais, en effet. « Le blessé de Tolbiac est un pur produit de l'esprit complotiste et, dans une théorie de ce type, aucune page ne se tourne jamais
», comme l'expliquait Marylin Maeso sur le site Conspiracy Watch ; « c'est un livre qui se réécrit inlassablement pour plier à toute force le réel à ce qu'il entend démontrer
». C'est vraisemblablement le genre de livre que Jeanne Guien signerait volontiers.
3 juin 2017
Article publié dans L'Action Française 2000
Qu'elle soit légitime ou non, force est de constater que la défiance suscitée par le Brexit nourrit la critique de la démocratie.
Le vote en faveur du Brexit a mis Londres dans l'embarras, suscitant les railleries de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne : « ce que je ne comprends pas
», avait-il déclaré au lendemain du référendum, le 28 juin 2016, « c'est que ceux qui voulaient quitter l'UE sont incapables de nous dire ce qu'ils veulent
» ; « je pensais
[…] qu'ils avaient un plan, un projet, une vision globale, mais ce n'est pas le cas
». Depuis, un livre blanc a certes été publié afin de tracer quelques perspectives ; mais « pour compter soixante-dix-sept pages
», ce document « n'en forme pas moins un ensemble particulièrement creux et indigent
», selon l'analyse de Jean-Louis Bourlanges publiée sur Telos.
Le peuple, vraiment ?
Force est de le constater : la construction européenne met la démocratie à l'épreuve. Du moins la défiance suscitée par l'annonce du Brexit contribue-t-elle à relativiser l'attachement que lui témoignent les détracteurs d'une sortie de l'Union européenne, à l'image d'Anthony Grayling, professeur de philosophie : « les 51,9 % qui ont voté pour la sortie de l'UE représentent 37 % de l'électorat total, et environ 26 % de la population totale
», souligne-t-il dans un entretien à Euractiv ; « quand les gens utilisent des expressions comme "le peuple a parlé" ou "les Britanniques ont voté pour la sortie de l'UE"
», poursuit-il, « cela n'a pas de sens
». Jean-Louis Bourlanges n'est pas en reste, tandis qu'il vante « la supériorité de la procédure parlementaire, à la fois souple et éclairée, sur la brutalité rigide et manichéenne du référendum
» : « compétence et implication personnelles des décideurs, pluralité et non pas dualité des options à prendre en compte, flexibilité et réversibilité du processus décisionnel, aptitude de celui-ci à nourrir la négociation et à fabriquer des compromis
» sont autant de qualités qu'il attribue à la sagesse des parlementaires – comme si ceux-ci constituaient une sorte d'aristocratie républicaine…
Il ne reste qu'un pas à franchir pour s'attaquer non pus à la démocratie référendaire, mais à la démocratie elle-même – ce dont Charles Maurras ne se privait pas, lui opposant les bienfaits de la monarchie. C'est en ces termes qu'il évoque le roi dans Mes Idées politiques : « Sa valeur, la valeur d'un homme, est incomparablement supérieure à celle de la résultante mécanique des forces, à l'expression d'une différence entre deux totaux. Quoi que vaillent son caractère ou son esprit, encore est il un caractère, un esprit, c'est une conscience, un cœur, une chair d'homme, et sa décision représentera de l'humanité, au lieu que le vote cinq contre deux ou quatre contre trois représente le conflit de cinq ou de quatre forces contre deux ou trois autres forces. Les forces peuvent être, en elles-mêmes, pensantes, mais le vote qui les exprime ne pense pas : par lui-même, il n'est pas une décision, un jugement, un acte cohérent et motivé tel que le développe et l'incarne le Pouvoir personnel d'une autorité consciente, nominative, responsable. Ce pouvoir juge en qualité. Il apprécie les témoignages au lieu de compter les témoins. Bien ou mal, c'est ainsi qu'il procède, et ce procédé est supérieur en soi au procédé de l'addition et de la soustraction.
»
Un pari manqué
« Au total
», comme le remarque Élie Cohen, encore sur Telos, « il est frappant de constater que la participation britannique à l'UE s'est jouée sur une opération politique de David Cameron visant à maintenir l'unité de son parti dans la perspective des législatives et que le hard Brexit sera engagé pareillement pour préserver l'unité du Parti après les résultats du référendum de 2016
». Autrement dit, si le Royaume-Uni tire quelque bénéfice du Brexit, ce sera à la faveur d'un pari manqué. Cela n'est pas à l'honneur de la démocratie.
1 juillet 2016
Un billet teinté d'ironie soufflé par le camarade Philippe.
Le vote "leave" l'a donc emporté le 23 juin 2016. « Ce
référendum n'est pas la victoire des peuples sur les élites, mais des
gens peu formés sur les gens éduqués
», a commenté l'inénarrable
Alain Minc, suscitant
l'indignation de notre confrère Louis Hausalter. Dans la foulée,
bien des "réinformateurs" auront dénoncé la condescendance prêtée au Pays
légal. Celui-ci serait-il peuplé de nouveaux réactionnaires ?
De fait, les propos d'Alain Minc ne sont pas sans rappeler (dans une
certaine mesure, n'est-ce pas ?) ceux tenus jadis par Charles Maurras. Le
28 juin 1941, dans les colonnes de L'Action Française,
ce dernier se défendait du « reproche imprévu de mépriser le
peuple
», tandis qu'il lui refusait « le hochet d'une
fausse souveraineté, qu'il ne peut même pas exercer et que l'on ne peut
même pas concevoir
». Et d'expliquer : « Nous
respectons trop le peuple pour aller lui dire : "Il suffit de
compter les voix des incompétents, pour résoudre les questions d'intérêt
très général qui exigent de longues années d'étude, de pratique ou de
méditation. Il suffit de recueillir et d'additionner les suffrages des
premiers venus pour réussir dans les choix les plus délicats."
»
« Dire au peuple ce qui n'est pas serait lui manquer de respect
»,
poursuivait-il ; « lui débiter des fables pernicieuses, c'est
tantôt le haïr, tantôt le mal aimer
» ; « profiter,
pour lui faire ce mensonge, de la confiance naïve qu'il a voulu placer
en vous, c'est abuser de lui, le trahir et vous dégrader vous-même
».
Qu'on se le dise : au moins Alain Minc a-t-il préservé sa
dignité !
NB – Les citations sont tirées du Dictionnaire
politique et critique.
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8 mars 2016
La preuve par l'euro.
On croyait que le FN mettrait de l'eau dans son vin. Mais non.
« Tout le monde au Front national est pour la fin de l'euro et la
souveraineté monétaire
», continue
de marteler Florian Philippot, son vice-président. « Si nous
arrivons au pouvoir
», a-t-il prévenu dimanche dernier, 6 mars
2016, « il est certain qu'au bout de six mois maximum la France aura
une monnaie nationale
».
Que les antifascistes se rassurent : ce faisant, Florian Philippot
exclut manifestement toute perspective d'accession au pouvoir à court
terme. Dans le cas contraire, c'est bien évident, il se garderait de
susciter aussi délibérément la fuite des capitaux qui s'accentuerait au
fur et à mesure que Marine Le Pen serait donnée gagnante dans les
sondages.
Par souci de l'intérêt national, puisque c'est un patriote, comme chacun
sait. Mais aussi par nécessaire calcul. S'il était coupable d'appauvrir la
France avant même de prendre les rennes de l'État, le FN en compromettrait
précisément la conquête.
Pour ne rien arranger, Florian Philippot promet un référendum sur
l'euro ! Les ménages seront-ils privés d'argent liquide le temps que
se déroule le nécessaire débat censé éclairer la conscience des
citoyens ? La Grèce, voilà le modèle à suivre !
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3 décembre 2015
N'en déplaise à certains socialistes indignés, déchoir des
Français de leur nationalité participerait d'une démarche typiquement
progressiste.
À l'instant, sur France Info (Les
Informés, émission animée par Jean-Mathieu Pernin,
3 décembre 2015), un certain nombre d'intervenants s'étonnent
– et même s'émeuvent – qu'un pouvoir socialiste envisage de déchoir de
leur nationalité des individus nés français. En effet, un projet de
révision de la Constitution devrait être présenté prochainement en ce
sens.
François Hollande et son gouvernement ne sont pas animés par
des motivations idéologiques, mais politiques : il s'agit de
flatter une opinion publique xénophobe, donner l'illusion d'une action
résolue contre le terrorisme, couper l'herbe sous le pied de
l'opposition, etc. Cependant, n'est-est-ce pas à
gauche, un peu plus qu'ailleurs, qu'on nous explique qu'être français,
ce serait, précisément, adhérer à des "valeurs", en l'occurrence celles
de la République ?
Dans cette perspective, la participation à l'organisation d'un
attentat exprimant manifestement leur reniement, c'est tout
naturellement qu'elle devrait se traduire, juridiquement, par la
déchéance de nationalité. Autrement dit, il s'agirait de prendre acte
d'un choix délibéré, en application d'une conception volontariste de la
nationalité.
Ce serait donc une mesure progressiste, émancipant l'individu
d'un héritage imposé par sa naissance. Tout comme la lutte contre les
"stéréotypes" est censée l'affranchir de déterminismes sociaux, voire
biologiques, par exemple.
De notre point de vue, cela n'est pas à son honneur, mais
force est de le constater : sous la houlette de François
Hollande, la gauche demeure fidèle à ses idéaux.
À lire sur le même sujet :
Publié dans Droit, France, Humeur, Idées, Polémique, Société | Pas de commentaires
18 octobre 2015
Menacés par la percée du Front national, les eurodéputés
socialistes et Les Républicains cultivent sans vergogne le sectarisme
partisan. Cependant, leurs rivaux populistes ne trouvent pas davantage
grâce à nos yeux.
Voilà que le Front national appelle l'Union européenne à
s'aligner sur les États-Unis ! En cause :
l'autorisation donnée par la Commission européenne, en juillet dernier,
à la commercialisation du Sulfoxaflor, un pesticide accusé de nuire aux
abeilles, interdit outre-Atlantique.
Sylvie Goddyn, député français au Parlement européen, explique
avoir « engagé une procédure d'urgence pour faire obstacle à
ce produit ». À tort ou à raison, la plupart de ses
collègues partagent apparemment sa défiance à l'égard du Sulfoxaflor.
Mais il se trouve que Mme Goddyn a été élue sous les couleurs
du Front national... Or, « pour les socialistes
français », rapporte
notre consœur Aline Robert, « la ligne de conduite
est très claire : pas question de voter le moindre amendement
FN ou de négocier le moindre compromis ». D'ailleurs, loin de
s'arrêter en si bon chemin, « le groupe socialiste et
démocrate planche [...] sur l'établissement d'une position commune pour
éviter qu'un élu de sa formation ne soutienne des amendements du groupe » où siègent les eurodéputés du Front national.
« La même initiative a été prise à droite au PPE, où Alain
Lamassoure et Françoise Grossetête [...] veulent aussi mettre le sujet
sur la table. Il s'agit de convaincre leurs collègues [...] de ne pas
voter les amendements FN. »
« Nous ne pouvons pas soutenir des gens qui veulent
détruire l'Europe », se justifie le socialiste Guillaume
Balas, cité
par Euactiv. Comme si le Front national
la menaçait en quoi que ce soit... Comme
l'expliquait un collaborateur de Contrepoints,
« la présence de ces députés opposés à l'UE n'a jamais altéré
le fonctionnement de l'UE mais elle leur permet de bénéficier des
largesses financières de l'Union européenne » – ainsi que
d'une tribune, dont
Marine Le Pen a fait un usage particulièrement médiatisé le
7 octobre dernier.
Ce jour-là, on s'en souvient, alors que le président de la
République venait de s'exprimer devant le Parlement européen aux côtés
du chancelier allemand, la présidente du Front national l'avait affublé
du tire de « vice-chancelier administrateur de la province
France », l'accusant de « se soumettre aveuglement à
une politique décidée à Berlin, Bruxelles ou Washington ». Des
propos éminemment grotesques : si l'Élysée était effectivement
une antenne de la Maison-Blanche, sans doute Paris investirait-il
davantage dans sa défense, conformément aux recommandations de l'Otan,
par exemple ; et si Bercy rendait des comptes à Berlin, ce
n'est pas un tel laxisme qui gouvernerait le budget de l'État !
En tout cas, cela tranche avec l'attitude d'une Marie-France
Garaud, qui disait s'interdire de critiquer la politique de son pays
hors de ses frontières (1)... C'est à Strasbourg que Marine
Le Pen s'est illustrée, nous rétorquera-t-on. Strasbourg, qui
se trouve toujours en France donc. Certes, mais qu'est-ce que le
Parlement européen ? La représentation plus ou moins légitime
de vingt-huit États, ou bien celle d'un improbable peuple
européen ? Aux yeux de Paris, rappelons-le, la participation
de la France à l'UE relève encore, à bien des égards, de la politique
étrangère, comme en témoigne la tutelle du ministre des Affaires
étrangères sous laquelle est toujours placé le secrétaire d'État aux
Affaires européennes.
Paradoxalement, Marine Le Pen semble vouloir nous faire croire
le contraire, se faisant complice d'une propagande européiste. Pas la
peine de l'accabler, cependant : elle n'est que le rouage,
certes complaisant, d'un système institutionnel qui la
dépasse ; de toute façon, un nouvel acteur la remplacerait
vraisemblablement dans son rôle si elle avait la décence d'y
renoncer... Il n'empêche : si le souverainisme était
conséquent, ses tenants n'applaudiraient pas la prestation de l'égérie
populiste ; ils dénonceraient plutôt l'existence même du
Parlement européen, ou du moins son mode de fonctionnement, où un
pareil affrontement, opposant, devant l'Europe entière, la première
délégation nationale au chef de l'État, devrait leur paraître
insupportable. Mais avec des "si"...
(1) Nous nous souvenons l'avoir entendue revendiquer une telle
conduite lors d'un entretien à la radio. En toute rigueur, cependant,
sans doute conviendrait-il d'examiner ses interventions au Parlement
européen.... Avis aux historiens !
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26 septembre 2015
Des citoyens de gauche comme de droite, issus de toute la
France, désireux non pas de battre un parti au profit d'un autre, mais
de servir leur pays, s'engagent pour le redressement national.
Pour le redressement national, Macron
président !
Trop, c'est trop : ras-le-bol de l'immobilisme et du
sectarisme !
De déclarations en déclarations, Emmanuel Macron est devenu le
héraut inespéré d'une politique de redressement national.
Il s'en est pris au carcan des trente-cinq heures, et le voilà
qui propose d'assouplir les rigidités du marché du travail.
Il ouvre, en fait, la voie vers une société de
libertés : accroissement des responsabilités offertes à
chacun, réhabilitation de la négociation au sein des entreprisses,
nouvelles perspectives d'emploi...
Faut-il énumérer, outre les trois cent huit articles de sa loi
pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques,
les plus notables de ses déclarations rompant avec l'immobilisme et le
sectarisme ?
En octobre 2013, dans un entretien à Mediapart,
il invite à « revisiter un des réflexes de la gauche, selon
lequel l'entreprise est le lieu de la lutte des classes et d'un
désalignement profond d'intérêts » ; constant que
« la société statutaire où tout sera prévu va inexorablement
disparaître », il appelle à réagir en conséquence, afin de
donner « la possibilité aux individus de faire face, même aux
coups durs ».
En janvier 2015, dans un entretien aux Échos,
tandis que les professionnels de la politique se satisfont
manifestement du chômage de masse, incitant la population à la
résignation, il déclare qu'« il faut des jeunes Français qui
aient envie de devenir milliardaires ».
En juillet 2015, dans un entretien à l'hebdomadaire Le 1,
il observe qu'« il y a dans le processus démocratique et dans
son fonctionnement un absent » ; « dans la
politique française », explique-t-il, « cet absent
est la figure du roi » dont il « pense
fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la
mort ».
Sans parler de sa dernière sortie, aussi courageuse
qu'inattendue, sur le statut de la fonction publique...
Bravo, mille fois bravo ! Des ministres ont été
écartés pour bien moins que cela.
La démagogie passéiste n'est plus supportable.
Si l'on veut sauver la France du désastre, il faut s'appuyer
sur Macron. Si l'on veut dépasser les clivages partisans, cela peut se
faire avec l'aide de Macron.
Nous appelons à ce qu'il reste au gouvernement, qu'il en
prenne même la direction, puis qu'il succède au président de la
République à la tête de l'État. Ce serait "le" signal positif,
indispensable, pour enfin changer durablement de cap, revenir à des
positions saines pour toute la France.
Pour la France, Macron président !
Source : www.macron-president.fr (il s'agit d'une réponse au manifeste appelant à la
démission d'Emmanuel Macron apparu quelques heures plus tôt).
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27 juillet 2015
Vincent Lambert doit mourir, tout comme le capitaine Dreyfus
devait être jugé coupable : tel est, en substance, le message
délivré par notre confrère Bruno Roger-Petit.
La situation de Vincent Lambert relève-t-elle de
la fin de vie ou bien du grand handicap ? Tandis que
sa famille se déchire sous le regard obscène des médias (dont nous
sommes), son destin n'en finit pas d'être balloté au gré des procédures
judiciaires. « Face à cette tragédie, l'humilité est de
rigueur », soutient Bruno Roger-Petit. Sur ce point, au moins,
nous sommes d'accord !
Mais alors, que faire ? Faut-il mettre un terme à ses
souffrances, comme le demande sa femme ? Ou bien le placer
durablement dans un établissement plus adapté, comme le réclament ses
parents ? Certainement pas ! « La première
des urgences », martèle notre confrère, « c'est [...]
de faire en sorte que le destin de Vincent Lambert ne soit plus pris en
otage par des militants intégristes ».
Car « à la fin », explique-t-il
dans Challenges, « il y a le
droit ». Or, poursuit-il, « le droit s'est prononcé
de telle façon qu'il a reconnu que, dans le cadre de la loi française,
il était possible, si besoin était, de prendre la décision d'arrêter ce
qui est médicalement vain » ; « et le droit
qui a été dit doit être respecté par tous et partout, y compris quand
il peut déplaire à une conscience subjective » – « y
compris celle de croyants intégristes qui placent leur foi au-dessus du
droit, donc de la République. » Nous y voilà !
« De ce point de vue », souligne-t-il,
« c'est devenu une affaire de principe ».
Dans ces conditions, peu importe le destin d'un malheureux
individu. De toute façon, « personne ne peut dire quelle est
la juste solution à l'écrasant problème que pose la situation de
Vincent Lambert », remarque Bruno Roger-Petit. Autrement dit,
puisqu'il est impossible de résoudre l'affaire Lambert d'un point de
vue moral, autant l'exploiter dans une perspective partisane. Pour un
certain nombre de « militants intégristes », déplore
notre confrère, Vincent Lambert serait devenu « un objet de
communication destiné à populariser leur combat "pour la
vie" ». Certes. Mais loin de soustraire Vincent Lambert à ceux
qui se le seraient approprié, Bruno Roger-Petit le réduit à la querelle
dont il est précisément l'otage. Quel est, en substance, le message
délivré par notre confrère ? Selon lui, Vincent Lambert doit
mourir, non parce qu'il serait juste d'interrompre les soins dont il bénéficie, mais
parce que c'est légal, et surtout parce que sa disparition
indisposerait « des militants intégristes » exécrés.
À certains égards, on se croirait en pleine affaire
Dreyfus ! À l'époque, déjà, c'était une « affaire de
principe », comme dirait Bruno Roger Petit. Maurras l'avait
lui-même revendiqué,
comme en témoignent ses propos rapportés par François Huguenin :
« Mon premier avis là-dessus avait été que, si Dreyfus était
innocent, il fallait le nommer maréchal de France, mais fusiller une
douzaine de ses principaux défenseurs pour le triple tort qu'ils
faisaient à la France, à la paix et à la raison. » Autrement
dit, ce n'était pas la responsabilité du pauvre capitaine qui
importait, mais l'identité de ses défenseurs – et l'honneur de
l'Armée à laquelle ceux-ci se seraient attaqué en prenant son parti.
Aujourd'hui, ce ne sont plus l'Armée et la sécurité nationale
qui sont menacés, mais la République et l'État de droit, nous dit Bruno
Roger-Petit. Ils le sont par « des militants
intégristes » que l'on sait aux protes du pouvoir. Des gens
dont la foi n'est souvent que le paravent d'une orgueil détestable, à
l'image des pharisiens vilipendés dans l'Évangile, mais qui ne
dérangent vraiment que ceux qui en font une obsession... À l'image de
Bruno Roger-Petit, donc, qui semble virer anti-dreyfusard par hantise
de l'extrême droite – un comble !
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