Que reste-t-il de Ryo Saeba, alias Nicky Larson, sous l'emprise du Parfum de Cupidon ?

30 décembre 2018

On a vu l'adaptation live de Nicky Larson ! Critique à chaud.

La série culte des années quatre-vingt fait l'objet d'une adaptation live – et made in France, s'il vous plaît ! Cela sous la direction de Philippe Lacheau, qui incarne par ailleurs le rôle-titre, en dépit d'une carrure qui ne colle pas vraiment au personnage.

Intitulé Nicky Larson et le Parfum de Cupidon, ce film ne sortira officiellement que le 6 février, mais de nombreuses avant-premières sont organisées un peu partout en France. C'était le cas ce dimanche 30 janvier 2018 à l'UGC Ciné-Cité de Créteil (Val-de-Marne). À cette occasion, nous avons découvert une comédie d'action à certains égards sympathique… mais sans y retrouver l'humour qui nous avait conquis dans l'anime ou dans le manga l'ayant inspiré.

Les gags se succèdent avec plus du moins de succès. Sans doute y a-t-il matière à rire ! Mais le héros n'y gagne hélas aucune épaisseur. Son obsession pour les femmes est certes rappelée à maintes reprises, à grand renfort de plans suggestifs aptes à ravir le public masculin. C'est toutefois quasiment gratuit. D'autant qu'un parti-pris scénaristique incompréhensible met tout cela au placard : que pouvait-il rester d'un Ryo Saeba, alias Nicky Larson, sombrant si volontiers dans l'homosexualité ? Car pour un tel personnage, cela devrait assurément constituer un naufrage. Dans l'anime, on l'a déjà vu efféminé après avoir absorbé un antidote aux effets secondaires délétères : le résultat s'avérait désespérant pour son entourage. Dans le manga, c'était un peu différent : il devenait impuissant – dans tous les sens du terme, car Ryo ou Nicky n'est plus rien quand s'éteint sa passion pour les femmes ! Son obsession n'est toutefois pas dénuée d'une certaine ambivalence : c'est tantôt une faiblesse, tantôt un alibi… Dans le manga comme dans l'anime. Mais pas dans ce film donc, où cette relative subtilité fait cruellement défaut.

Le traitement réservé à Kaori, alias Laura, nous a semblé plus réussi. Il faut dire que le physique d'Élodie Fontan correspond beaucoup mieux à son personnage ! Quant à Umibozu, alias Mammouth, on le reconnaît très bien, mais rien n'illustre vraiment l'amitié qui l'unit à son rival ou partenaire. C'est le principal reproche que nous ferons à ce film : les personnages et leurs relations n'y sont pas suffisamment travaillés.

C'est dommage, mais faut-il crier au scandale ? Philippe Lacheau interprète à sa façon un héros qui a marqué son enfance. Il le fait sans renier ses habitudes. À ce titre, la longue scène en vue subjective nous a paru significative. C'est bien le réalisateur de Babysitting qui est aux commandes ! Entouré par son équipe. On aime ou pas. Mais on était prévenu. Nous ne sommes pas convaincu, pas du tout à vrai dire, mais pas non plus mécontent du moment que nous venons de passer au cinéma, dans l'ambiance chaleureuse propre à cette avant-première.

De toute façon, à la différence d'un nouveau Star Wars, ce film, léger, ne risque pas d'entacher le plaisir avec lequel on se replongera dans l'œuvre originale… En attendant de découvrir Shinjuku Private Eyes, le prochain long-métrage d'animation qui sortira bientôt au Japon !

Si les Chevaliers du Zodiaque passent sous la coupe du féminisme, que va-t-il rester de leur amour pour Athéna ?

16 décembre 2018

Dans une version revisitée de ses aventures, Seiya va se battre aux côtés d'une femme. Il fallait, paraît-il, se plier à l'air du temps. Mais la série risque d'en être profondément dénaturée.

Un remake des Chevaliers du Zodiaque sera bientôt diffusé sur Netflix. La bande-annonce de cette nouvelle série a été dévoilée voilà quelques jours. À sa découverte, certains fans ont aussitôt dénoncé un sacrilège : Shun n'est plus le même. Plus du tout. Et pour cause : il a changé de sexe ! Désormais, c'est donc une femme.

Eugene Son, le scénariste de cette version revisitée, s'en est expliqué sur Twitter : « il y a trente ans, qu'un groupe d'hommes se batte pour sauver le monde, sans femmes à leurs côtés, n'était pas un problème », a-t-il déclaré. « Mais désormais », selon lui, « c'en est un ». « Notre monde a changé », s'est-il justifié ; « le public est désormais habitué à voir des hommes et des femmes traités d'égal à égal, et mettre en scène des personnages exclusivement masculins aurait pu être interprété comme un message que nous chercherions à envoyer ». Comme si, dans la série d'origine, le personnage d'Athéna – une femme donc – n'était pas tout particulièrement mis en valeur… Et d'affirmer, à l'intention des plus mécontents : « si vous détestez ce changement, et que vous me détestez par la même occasion, et ne souhaitez pas regarder cette série, aucun souci, je comprends parfaitement ».

Dont acte. Peut-être serons-nous malgré tout curieux d'évaluer l'ampleur du massacre. Car la substitution d'un sexe à l'autre n'est pas une opération anodine. Pas dans une série comme celle-ci, où l'on retrouvait comme un soupçon d'amour courtois – du moins dans une perspective française ou occidentale. Imaginez un instant que les rôles soient inversés : avec une armée d'Amazones qui serviraient non plus une déesse respectée mais un dieu adulé… C'est toute l'histoire qu'il faudrait réécrire. Un homme ne motiverait pas des combattantes de la même façon qu'une femme inspire ses chevaliers. Peut-être ces derniers sont-ils abusés par des « stéréotypes », mais c'est ainsi que fonctionne notre imaginaire – et cela doit bien vouloir dire quelque chose : c'est la bonté d'Athéna qui galvanise Seiya et ses compagnons ; c'est sa chaleur qui les conduit à se relever quand tout semble perdu ; son abnégation aussi, car elle est prête à souffrir ; en un mot : son amour, avec toute l'ambiguïté qu'implique ce terme – le baiser que Saori vole furtivement à Seiya en témoigne.

Bref, si les chevaliers d'Athéna deviennent indifféremment des hommes ou des femmes, alors, fatalement, les archétypes qui fondent la saga des Chevaliers du Zodiaque volent en éclats.

Accessoirement, on remarquera que le personnage émasculé dans ce remake n'a pas été choisi au hasard : les auteurs ont jeté leur dévolu sur le moins viril des quatre candidats qui se présentaient à eux ; celui qui répugnait à la violence ; celui qui portait une armure rose et dont le public, notamment français, se demandait précisément s'il s'agissait bien d'un homme ! Incidemment, donc, tout en cédant à la pression du féminisme, les scénaristes semblent avoir conforté tous les « stéréotypes » que celui-ci est censé abhorrer. Bien joué !