Être ou ne pas être dans l'Europe : un éternel débat

15 juin 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

La question posée aujourd'hui, à l'approche du référendum sur le Brexit, l'a déjà été à maintes reprises, comme en témoignent les archives d'Aspects de la France.

En 1950, alors que fut proposée la création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier), le gouvernement britannique « considérait que l'appartenance à un groupement exclusivement européen affaiblirait ses liens avec le Commonwealth et la défense atlantique », comme l'explique Helen Parr dans le Dictionnaire critique de l'Union européenne (Armand Colin, 2008). Cependant, Londres ne tarda pas à reconsidérer sa position, tandis que se développait le Marché commun. En effet, « celui-ci était devenu le premier partenaire commercial de la Grande-Bretagne ». De plus, « la Communauté était en train de s'imposer sur la scène internationale, au risque d'isoler la Grande-Bretagne ». Aussi sa demande d'adhésion fut-elle présentée en juillet 1961.

L'Action française contre l'élargissement

Albion se heurta toutefois à l'hostilité de Paris. Dans les colonnes d'Aspects de la France, on était loin de le déplorer : « pas d'élargissement du Marché commun sans révision du traité de Rome », résumait le titre d'un article signé Finex, publié dans le numéro du 7 décembre 1967 ; sans quoi, expliquait-il, « le poids [...] du vote de la France [...] serait diminué en valeur relative ». « Ceux qui prônent l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun n'avancent aucun argument relevant de l'intérêt français », tranchait Pierre Pujo ; « on ne nous a pas encore dit comment l'économie française supporterait la concurrence anglaise », déplorait-il notamment.

Un traité n'en fut pas moins signé quatre ans plus tard. « Il faut écarter d'emblée la théorie selon laquelle tout élargissement d'une aire économique serait un bien », commentait Georges Mollard, dans le numéro du 27 janvier 1972. De son point de vue, l'économie était manifestement un jeu à somme nulle ; qu'importent Ricardo et ses "avantages comparatifs" : « toute l'expérience acquise tend au contraire à montrer que ce qui serait bon pour l'un serait mauvais pour un autre ». En tout cas, « les nouveaux arrivants ne sont pas disposés à oublier leurs intérêts nationaux », prévenait Pierre Pujo ; la « cohésion » de la Communauté européenne s'en trouvera même fragilisée, annonçait-il. La hantise d'une Europe fédérale n'en continuait pas moins d'animer les collaborateurs du journal. Le 15 mai 1975, par exemple, Aspects de la France dénonçait la « chimère européenne » du président Valéry Giscard d'Estaing.

Déjà un référendum en 1975

Le mois suivant, les Britanniques étaient appelés, déjà, à s'exprimer sur le maintien de leur pays dans la Communauté européenne. Comme l'expliquait Pierre Pujo dans son éditorial du 12 juin 1975, le chef du gouvernement britannique avait « cru trouver dans le recours à la procédure du référendum [...] le moyen d'esquiver ses responsabilités de Premier ministre et de surmonter la division de son parti sur la question européenne ». L'histoire se répète ! « Malgré le référendum britannique, "l'Europe" recule », titrait alors Aspects de la France. Échec venait d'être fait au Brexit. « Les partenaires de la Grande-Bretagne [...] auraient tort de croire qu'ils trouveront désormais en elle un associé animé d'un grand enthousiasme communautaire », prévenait Pierre Pujo.

« La prétention de nos gouvernants de se présenter comme les meilleurs "européens" peut être de bonne tactique dans les négociations », concédait-il de façon plus étonnante « Travaillons à réaliser le concert des nations européennes tant sur les problèmes politiques et de défense que sur les questions économiques et monétaires », poursuivait-il ; « mais n'oublions pas que la France ne tiendra son rang, tant vis-à-vis des superpuissances que de ses partenaires européens, que dans la mesure où elle représentera elle-même, sur tous les plans, une force ». En effet, qu'est-ce que la souveraineté sans la puissance ?

La guerre au quotidien

18 mai 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Comment L'Action Française traitait l'actualité au printemps 1916, un siècle avant la commémoration officielle de la bataille de Verdun.

Il y a cent ans, le 29 mai 1916, à la une de L'Action Française, des communiqués officiels rendaient compte brièvement des opérations militaires. Sur la deuxième page du journal, quelques lignes étaient consacrées à la bataille de Verdun : « on pouvait prévoir, après l'acharnement des dernières luttes, que les Allemands s'abstiendraient de toute attaque avant d'avoir reconstitué leurs divisions décimées par le feu », soulignait le commandant Z. Mais il n'en fut rien : « l'ennemi a dirigé un violent bombardement », observait-il ; depuis deux jours, en revanche, il n'y avait eu « aucune attaque d'infanterie ».

Kant et Rousseau accablés

Dans un petit article non signé, L'AF s'interrogeait sur la Grèce, alors « en proie à l'invasion bulgare » : « les neutres n'échapperont pas à leur destin », prévenait l'auteur ; « quoi qu'elle fasse, sa cause devrait être désormais liée à la nôtre : nous nous heurtons aux mêmes ennemis, son "ennemi héréditaire" le Bulgare et le bloc germanique, destructeur des peuples ». Nulle complaisance n'était tolérée à l'égard de l'ennemi. Léon Daudet en débusquait les espions et autres complices présumés, à l'image des collaborateurs de Maggi (les petits cubes alimentaires) – « une boîte allemande à masque suisse », dénonçait-il. Charles Maurras, quant à lui, se disait « heureux d'applaudir aux paroles » d'un certain Paul Helmer : « c'est la nation allemande tout entière qui a voulu la guerre », affirmait ce dernier ; « c'est elle tout entière qui doit être châtiée », poursuivait-il. Le Martégal prêtait des origines philosophiques au conflit en cours : « l'État boche procède d'un type d'individualisme absolu trouvé chez Kant, maintenu et copieusement développé dans Fichte, comme l'État jacobin émane et évolue du libéralisme absolu admis également comme point de départ par Rousseau », expliquait-il.

Renvoyés à des considérations plus terre-à-terre, les lecteurs étaient invités à soutenir l'effort de guerre via la souscription d'obligations. Une liste de combattants tombés au champ d'honneur était publiée en une ; c'était déjà la cinq cent soixantième... Mais toute légèreté n'était pas bannie des colonnes du journal, où se poursuivait un « feuilleton » – en l'occurrence, L'Île au trésor de Robert Louis Stevenson.

Jacques Bainville et l'Action française

4 mai 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Journaliste, historien, Jacques Bainville (1879-1936) est toujours resté très lié à l'Action française, tout en rayonnant au-delà. Nous remercions son biographe, Christophe Dickès, de nous avoir éclairé sur ce point. La place ayant manqué dans les colonnes du journal, nous publions ci-dessous l'intégralité des réponses qu'il nous a apportées

Présenter Jacques Bainville « comme un historien d'Action française » reviendrait-il à entretenir « une fausse vérité », comme cela a été dit dernièrement au micro de Radio Courtoisie ?

Il me semble difficile de séparer Jacques Bainville de l'école d'Action française. Dès les premières années de l'AF, Bainville tient à populariser l'idée de monarchie. Ceci est très net dans sa réponse à l'Enquête sur la Monarchie de Maurras : il explique qu'il est nécessaire d'adopter un comportement pédagogique à l'égard de la population afin de faire comprendre les bienfaits des idées monarchiques. Plusieurs années après, en 1924, il publie son Histoire de France qui a précisément cette vocation : réhabiliter l'histoire et le travail des rois de France alors qu'ils étaient dénigrés par l'histoire républicaine et progressiste. Bainville est un vulgarisateur, dans le bon sens du terme. On le sait, il fait partie des historiens dits engagés. Il est considéré comme tel dans les études historiographiques. Or cet engagement en faveur des idées monarchiques défendues par l'AF ne souffre aucune contestation. Il faut aussi lire son carnet intime de 1929 que j'ai publié aux éditions Robert Laffont dans la collection Bouquins. Il parle de l'AF de la façon suivante en 1929 : « La faiblesse de l'AF n'est pas, comme le croyait Barrès, de ne s'adresser qu'à la raison et de ne pas tenir compte des puissances des sentiments. C'est de ne s'adresser qu'aux sentiments nobles, désintéressés, à l'amour du bien public, à la vertu. » Mais au-delà de ces sentiments, Bainville a complètement intégré dans son analyse politique le modèle maurrassien de l'empirisme organisateur.

Jacques Bainville accordait-il une importance particulière à son travail pour L'Action Française, ou bien collaborait-il avec elle au même titre qu'avec d'autres journaux ?

Selon les archives des Renseignements généraux, la fameuse sous-série F7, Bainville fait partie des structures de l'AF dans les années d'avant-guerre. Avec le temps, son engagement militant sera moindre. Mais Jacques Bainville a été toute sa vie rédacteur de L'Action Française. Il avait à l'AF son bureau et ses amitiés, qu'il n'a jamais trahies. Il disait de Maurras qu'il lui devait tout, sauf la vie. L'idée que Bainville aurait pris ses distances avec l'AF vient du fait qu'après-guerre, ses succès d'écrivain lui ont permis de s'émanciper et de s'engager pour plusieurs journaux en dehors du cercle monarchiste : La Liberté, Le Petit Parisien, etc. Mais cette émancipation et cet engagement professionnel ne doivent pas occulter la persistance de son antiparlementarisme et de son antilibéralisme. Ceux qui veulent sortir Bainville de l'AF raisonnent par anachronisme en estimant que le modèle de la Ve République aurait convenu à Bainville. En effet, l'intégration de la politique étrangère comme un domaine réservé du président de la République, sous la Ve République, aurait pu remporter son adhésion. D'ailleurs, du point de vue des idées, il me semble évident que ce domaine régalien a été intégré à la constitution de la Ve République sous l'effet de la pensée politique de Charles Maurras. Le colloque organisé par le professeur Georges-Henri Soutou et Martin Motte sur l'influence de Maurras sur la politique étrangère de la France l'a très bien montré (Georges-Henri Soutou et Martin Motte, Entre la vieille France et la seule France, Economica-ISC, collection Bibliothèque stratégique, 2010). Il ne faut donc pas faire de contresens : c'est bien Maurras et Bainville qui ont inspiré la politique étrangère de le la France et le fameux domaine réservé. Non l'inverse.

Sa distance vis-à-vis des antidreyfusards et sa défiance à l'égard de l'antisémitisme ne plaçaient-elles pas Jacques Bainville en marge des nationalistes qu'il côtoyait ?

Votre question montre toute la complexité de l'époque de l'affaire Dreyfus mais aussi de l'Action française en général. Lionel Jospin s'était pris une volée de bois vert de la part des historiens en plaçant la gauche du côté des dreyfusards, la droite du côté des antidreyfusards... La grille de lecture est bien plus nuancée. Bainville est dreyfusard sur le plan judiciaire, antidreyfusard sur le plan politique car il est estime que les conséquences de l'affaire seront catastrophiques pour la France. Quand l'affaire atteint son paroxysme, il observe tout cela d'Allemagne. Et il s'inquiète de la division française face à l'empire wilhelmien en devenir... Cette idée va jouer sur son engagement monarchiste. Ceci dit, il faut rappeler qu'il n'avait aucun engagement politique ni littéraire à cette époque. Rappelons aussi que quand Dreyfus est condamné en 1894, il a à peine quinze ans !

Jacques Bainville se définissait-il lui-même comme nationaliste ?

Oui, c'est évident. Toute son œuvre sur l'Allemagne et la France en est la preuve évidente. Les intellectuels du IIIe Reich justifient le nationalisme allemand contre la France en partant de l'œuvre de Bainville. Pour eux, il s'agit de répondre à la conception westphalienne de l'Allemagne prônée par Bainville dans la tradition politique de Richelieu.

Alors qu'il était réputé pour sa modération, comment s'entendait-il avec Léon Daudet, qui disait vomir les tièdes ?

C'était tout simplement son meilleur ami. Jacques Bainville est celui qui va reconnaître le corps de Philippe Daudet à la morgue en 1923... C'est vous dire les liens qui unissaient les deux familles. Une autre anecdote : Hervé, le fils de Jacques, n'a entendu son père se mettre en colère qu'à une seule reprise : alors que Léon Daudet était en exil en Belgique, les Bainville déjeunaient chez eux ; or un journaliste a eu le malheur de sonner à la porte et de les déranger ; Bainville est entré dans une colère noire, chassant manu militari l'impétrant. Bainville était un faux calme et il ne supportait pas une telle intrusion dans l'intimité familiale et amicale. Dernière anecdote : après son élection à l'Académie française, Bainville rend hommage aux Daudet, Pampille (Marthe Daudet) et Léon : « Je crois que si nous avons montré quelque chose, c'est que l'amitié n'est pas une chimère. [...] Il y a vingt-huit ans, depuis la fondation du journal, que nous sommes assis, Léon Daudet et moi, à la même table de travail. [...] Je crois que si on voulait la scier, elle résisterait comme du granit, bien qu'elle ne soit que de bois blanc. »

Soucieux de la place de la France au sein du concert des nations, se distinguait-il en cela d'un Maurras prônant la politique de « la seule France » ?

C'est une excellente question à laquelle j'ai répondu à l'occasion du colloque que j'évoquais précédemment. Sur les principes, Bainville était maurassien. Plus maurassien d'ailleurs que Charles Maurras lui-même. Encore une fois, l'empirisme organisateur constitue la base de l'analyse politique bainvillienne empruntée à Maurras. C'est une des conclusions de ma thèse de doctorat. Néanmoins, dans les faits politiques, Bainville fait évoluer Maurras, notamment sur l'entente cordiale. Je me permets de renvoyer vos lecteurs à ma contribution à ce colloque.

Constatant qu'à la différence de Maurras, Bainville ne s'était pas enthousiasmé devant Athènes, vous avez parlé d'une « nuance importante » dans un précédent entretien ; que vouliez-vous dire ?

Bainville voyage en Grèce comme tout intellectuel de la IIIe République se devait de le faire. Il tire de ce voyage le livre Les Sept Portes de Thèbes. Mais le biographe de Bainville, Dominique Decherf, montre bien que ce voyage ne lui a tout simplement pas plu. Il a beaucoup de mal à s'extasier devant des ruines et des pierres qui, tout simplement, ne l'inspirent gère... C'est ici que l'on voit que Bainville est plus "romain" que "grec".

Les opinions libérales de Jacques Bainville étaient-elles contestées au sein de l'AF ? Il n'y a « rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il, par exemple, dans L'Action Française du 2 novembre 1925 ; aujourd'hui, de tels propos ne feraient-ils pas bondir les souverainistes ?

Bainville pensait au système de l'Écossais John Law sous la régence de Philippe d'Orléans ou encore aux assignats de la Révolution française : il critiquait l'artificialité du papier-monnaie. Je ne sais pas s'il a rencontré des objections au sein de l'AF sur son libéralisme économique. Cela devait être sûrement le cas. Néanmoins, sa réputation en matière d'investissements n'était plus à faire. Il donnait des conseils boursiers dans la Revue universelle et rendait accessibles les difficultés de l'économie dans le journal populaire Le Petit Parisien. Cela pouvait le distinguer au sein de l'Action française, dont les composantes sont bien plus complexes que l'historiographie le laisse souvent entendre.

Des essayistes présentant l'histoire comme le fruit d'une volonté, d'une planification, voire d'une conspiration, sont parfois considérés comme les héritiers de Jacques Bainville ; n'est-ce pas se méprendre quant à la nature de sa pensée ?

À la différence de Maurras, Bainville n'a jamais parlé de la franc-maçonnerie et encore moins de complot juif. Il ne se reconnaissait pas dans la théorie maurrassienne des États confédérés. En revanche, il a critiqué le projet idéologique wilsonien après la Grande Guerre, projet d'inspiration protestante d'ailleurs rejeté par la représentation du peuple américain... Bainville n'a jamais fait du conspirationisme un fonds de commerce et je n'ai jamais trouvé trace chez lui de l'existence d'une telle planification. D'un point de vue plus général, il estimait que la nature était plastique. Que l'histoire était faite de renaissances et de décadences, et que l'homme pouvait agir sur son milieu. D'où le fameux mot de Maurras : « Tout désespoir en politique est une sottise absolue. » Bainville écrivait lui, toujours en 1929 : « Le nationalisme interdit d'aller jusqu'au bout de la théorie de la catastrophe. » Néanmoins, il confesse par ailleurs son pessimisme, voire une forme de nihilisme mais dont il n'a jamais fait profession publiquement. Une attitude qui est la conséquence d'une lucidité sur cette Europe qui, pour la deuxième fois en moins de vingt-cinq ans, allait sombrer dans le chaos.

Quelle trace l'œuvre de Jacques Blainville a-t-elle laissé dans l'histoire ?

Je dirai un quadruple héritage : une conception géopolitique de la France et de son rôle dans le concert des nations ; l'image aussi d'un Cassandre alors que le conflit franco-allemand avait atteint son paroxysme dans l'histoire européenne ; un style absolument remarquable mais aussi des articles aux accents profondément contemporains : il faut, par exemple, relire L'Avenir de la civilisation écrit au lendemain de la Grande Guerre. Ce texte garde toute son actualité et n'a pas pris une ride.

À lireLa Monarchie des Lettres,  anthologie des grands textes de Jacques Bainville (Histoire de trois générations, Histoire de deux peuples, Les Conséquences politiques de la paix, des récits de voyages, un choix de correspondances, mais aussi une centaine d'articles de presse tirés de la Revue universelle, La Liberté, L'Action Française, Candide, Le Capital), introductions et notes de Christophe Dickès, éditions Robert Laffont, collection Bouquins, 2011, 1 152 pages, 30,50 euros.

NB – Le 19 mars 2016, au micro de Radio Courtoisie, Michel Rouche, professeur émérite à la Sorbonne, a fait l'éloge de Jacques Bainville et de son Histoire de France. Il participait au Libre Journal des lycéens animé par Antoine Assaf. Cependant, il a évoqué ce « point fondamental » à ses yeux : « beaucoup de gens sont persuadés de cette fausse vérité, à savoir qu'ils considèrent Jacques Bainville comme un historien d'Action française », a-t-il déclaré ; or, a-t-il poursuivi, « lui-même a toujours protesté en disant qu'il n'était pas membre de l'Action française » ; et  d'affirmer que « les manifestations qui ont éclaté à la mort de Jacques Bainville organisées par l'Action française étaient une tentative d'annexion de la pensée de Jacques Bainville » ! Il est vrai que celui-ci a rayonné bien au-delà de l'AF, mais de là à l'en détacher ainsi, il y un pas que nous nous serons bien évidemment les derniers à franchir ! L'intervention d'Alain Lanavère s'est avérée plus consensuelle : « Bainville avait l'immense mérite de n'être pas universitaire », a-t-il expliqué  « donc il n'écrit pas l'histoire avec le jargon des universitaires » ; « il était un homme tout à fait de son temps, et sa langue est admirable de clarté ».

Washington sous la pression nucléaire de Paris

5 septembre 2014

L'année dernière, à l'occasion de ses "mélanges hebdo", Olivier Kempf s'était essayé à « retourner notre compréhension de la dissuasion » nucléaire. « De deux façons », que nous mentionnons ci-dessous afin d'en retrouver la citation à l'occasion.

« D'une part, considérer que nous ne sommes pas les raisonnables, mais les fous, dans l'affaire ! Les autres, aujourd'hui, sont en train de nous considérer comme non-raisonnables. »

« D'autre part, considérer que la dissuasion française ne visait pas les Russes, mais les Américains : les gars, si les Sov' attaquent, nous on balancera, donc vous serez mouillés et obligés de venir. La bombe française est le moyen de forcer le couplage, alors que tout le monde a dit le contraire. Autrement dit, une dissuasion du fou au fort. Ça a marché. Non pas gagner l'indépendance, mais forcer la dépendance américaine à l'Europe, et casser l'isolationnisme de Washington. Revanche de 1919. »

Dessine-moi une Alpine !

5 mars 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Renault a annoncé la résurrection prochaine d'Alpine, suscitant un regain d'intérêt pour cette marque fondée en 1955 par Jean Rédélé.

C'est en souvenir de sa victoire au rallye des Alpes de 1954 que Jean Rédélé avait ainsi désigné ses propres voitures, construites à Dieppe sur la base de la 4CV. Les éditions Glénat nous proposent, en bande dessinée, un résumé de leur histoire, ponctuée par leurs succès en rallyes, engrangés notamment sous la houlette de Jacques Cheinisse, leur immixtion laborieuse dans les formules monoplaces, leurs participations aux 24 heures du Mans...

« Faire gagner la France »

On s-y perd un peu dans les résultats sportifs, d'autant que l'emploi de lettres capitales ne facilite pas la lecture, mais la politique n'est jamais très loin. Visitant le Salon de l'automobile en 1968, le général De Gaulle interpelle Jean Rédélé : « À quoi sert la course automobile ? », lui demande-t-il. « Mais à faire gagner la France, mon général ! » L'année précédente, l'État avait versé une subvention à Matra, le grand rival qui, lui, n'avait rien d'un artisan. Une illustration du "capitalisme de connivence" honni des libéraux ? Philippe Lamirault, directeur commercial du Losange, soutient néanmoins le développement d'Alpine. « Il est maire et conseiller général à Thiron-Gardais, c'est bon pour sa carrière politique. » Dans la foulée du choc pétrolier, les courses automobiles sont suspendues. Le contexte économique n'arrange pas les affaires d'Alpine. Non sans amertume, Jean Rédélé doit se résoudre à céder à la Régie son enfant chéri. En 1978, ce n'est pas une Alpine-Renault, mais une Renault-Alpine qui remporte les 24 heures du Mans...

Cette victoire sonne comme le chant du cygne. La production perdure toutefois jusqu'à la disparition de l'A610 en 1995 (et non 1991 comme indiqué dans la BD). Quel gâchis ! Près de vingt ans plus tard, Carlos Tavarès, alors numéro 2 de Renault, s'en est ému auprès du P-DG Carlos Ghosn. « Je crois que nous avons là un diamant à notre disposition », lui aurait-il expliqué. Renault finira-t-il par réparer ses erreurs ? Réponse en 2016.

Denis Bernard (scénario), Christian Papazoglakis, Robert Paquet (dessins), Alpine - Le Sang bleu, Glénat, 48 pages., 13,90 euros.

L'Action française, féministe avant l'heure ?

5 mars 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Action française d'avant-guerre n'était pas fermée aux femmes. Bien au contraire, certaines la rejoignaient précisément pour combattre une République misogyne, comme l'explique le travail d'une étudiante en histoire à l'IEP de Paris.

Tous les domaines se prêtent aux "études de genre" – y compris l'histoire de l'Action française, susceptible d'illustrer le parcours de « femmes outsiders en politique », selon le titre d'un ouvrage paru l'été dernier (en 2013). Camille Cleret y consacre un article à « l'engagement féminin d'Action française ». Depuis toujours, souligne-t-elle, « la signification politique de l'engagement féminin d'Action française fut inévitablement contestée et caricaturée » : « qualifiées alternativement de "duchesses douairières", ou de "demoiselles à dot" », les militantes d'AF « étaient systématiquement jugées avec mépris par les adversaires de la ligue ». Or, « initialement et officiellement cantonnées dans la sphère des activités charitables, ces militantes surent se réapproprier le "politique d'abord", mot d'ordre de l'Action française, afin d'acquérir un rôle et, pour certaines d'entre elles, des responsabilités au sein de cette formation ».

Ligue féminine

Les femmes désireuses de s'engager à l'Action française étaient appelées à rejoindre une structure spécifique, l'Association des dames et des jeunes filles royalistes, héritière d'une ligue féminine indépendante, la Ligue royaliste des dames. « Née en 1904 de l'opposition aux mesures touchant alors les congrégations religieuses », celle-ci « se distinguait cependant d'autres formations féminines fondées dans le même contexte en raison de la priorité conférée, dès ses origines, au combat politique sur le combat religieux ». Cette préoccupation se traduisait dans l'orientation donnée aux "œuvres sociales royalistes", qui occupaient « une place prépondérante dans la vie de ces femmes ». « Ventes et fêtes de charité, arbres de Noël, distribution de layettes, de nourriture et de vêtements, colonies de vacances : ces activités de bienfaisance mentionnées dans les colonnes du quotidien s'inscrivent dans la lignée des œuvres de charité pratiquées depuis des siècles par les femmes chrétiennes mais impliquent toutefois une finalité politique clairement assumée. » Témoin, l'ouverture d'un "restaurant de charité", conçu, selon ses promoteurs, comme « un centre de propagande ouverte ».

Des « efforts quotidiens » visaient à « "semer" les différents journaux affiliées à l'Action française » : « Telle ligueuse faisait lire L'Action Française à son boulanger, une autre à son bijoutier, la dentiste en faisait la promotion auprès de ses patients, et la modiste auprès de ses clients. Ces femmes "papotaient", pour reprendre l'expression d'Eugen Weber, mais elles papotaient avec détermination, ce qui ne les empêchait d'ailleurs pas occasionnellement de descendre dans la rue pour manifester leur mécontentement. » Au lendemain du 6 février 1934, notamment, « elles se rendirent ainsi à l'école du Louvre pour interrompre une conférence donnée par Mme Caillaux ».

Maurras adulé

Au-delà des structures officielles, « lectrices, sympathisantes, correspondantes, admiratrices participaient à leur manière au rayonnement de la ligue », rapporte Camille Cleret. Ces femmes semblaient « unies par un même engouement – on pourrait même parler de dévotion – envers la figure de Maurras, leur "cher maître" » : « La correspondance de ce dernier laisse clairement transparaître cette ferveur partagée par des femmes aux profils sociologiques et professionnels très dissemblables. » Quelques-unes « appartenaient aux milieux dirigeants de la ligue ». Deux personnalités retiendraient plus particulièrement l'attention « par leur présence dans les archives et dans les rubriques du quotidien » : la marquise de Mac Mahon, « oratrice de talent », fonda la Ligue royaliste des dames ; quant à « l'énergique » Marthe Daudet, alias Pampille, seconde épouse de Léon Daudet, elle devint en 1936 « la propagandiste en chef de l'Action française, tentant alors de centraliser les différents services de propagande de la ligue ».

Paradoxe apparent

« De telles destinées » apparaissent « surprenantes » aux yeux de  Camille Cleret, qui les inscrit « dans le cadre d'une ligue [...] affichant clairement un idéal de virilité ». De son point de vue, la « singularité » du militantisme féminin d'Action française reposerait, précisément, « sur la discordance entre les objectifs réactionnaires de femmes viscéralement attachées à la tradition et la modernité assumée de leurs activités politiques ». S'agit-il vraiment d'un paradoxe ? « Ferventes monarchistes, les ligueuses envisagent la restauration tant attendue comme un vecteur de promotion de la condition féminine visant à redonner aux femmes le rôle politique et social que la Révolution leur avait injustement ôté. » Selon Paul Bourget, il existait même « un féminisme de la tradition », comme il existait « un féminisme de l'anarchie » ! « Mme Pierre Chardon, conférencière d'Action française dans les années 1930, classait ainsi les femmes royalistes dans la mouvance féministe », relève Camille Cleret. « De plus, les militantes d'Action française entretenaient des liens avec des organisations féministes modérées. Suzanne Desternes, par exemple, était à la fois membre du comité directeur de l'Union nationale pour le vote des femmes et conférencière attitrée de l'Action française. » En conséquence, « le modèle féminin promu par l'Action française était [...] assez ambivalent pour être perçu de manière totalement contradictoire par des observateurs extérieurs et par les femmes elles-mêmes ». Ainsi Marie-Thérèse Moreau, présidente de la section féminine des Jeunesses patriotes, refusa-t-elle d'adhérer à la ligue « en raison de sa "mauvaise réputation antiféministe" », tandis que « la journaliste Marthe Borély s'en éloigna après la Première Guerre mondiale en raison des opinions trop peu conservatrices à son goût de Charles Maurras sur cette question ».

Le genre, déjà...

Tout cela témoigne, selon Camille Cleret, « de la relation complexe entretenue par l'Action française avec les femmes et la question du féminisme ». Relation qu'elle se risque toutefois à simplifier ici ou là. Ainsi suggère-t-elle que l'antisémitisme de quelque militante ou sympathisante l'aurait conduite à « s'attribuer, par le discours racial, une position sociale que son statut de femme lui interdirait normalement ». Par ailleurs, en conclusion, l'auteur invite à « renverser le mythe d'une féminité allergique à l'extrême droite et à la xénophobie, mythe qui consiste à essentialiser une nature dite féminine associée à la douceur mais également à la fragilité, à la faiblesse et donc à transformer les femmes en éternelles victimes d'un système patriarcal oppressif ». De telles hypothèses, en l'absence d'un argumentaire nuancé,  nous semblent formulées avec une certaine légèreté.

Cela étant, cette étude prouve que certains débats ne datent pas d'hier. « Les collaborateurs de l'Action française étaient surtout obsédés par le risque de confusion des genres », affirme Camille Cleret, prenant Léon Daudet à témoin : « la femme ne doit pas se faire le singe de l'homme », avait-il prévenu. « La masculinisation de la femme serait un fléau pour notre civilisation et pour elle-même. Car elle y perdrait son ascendant et son prestige. Qu'elle se fasse doctoresse, avocate, suffragette, ministresse, tout ce qu'elle voudra : mais qu'elle reste femme. » L'histoire ne serait-elle qu'un éternel recommencement ?

Christine Bard, Bibia Pavard (dir.), Femmes outsiders en politique, L'Harmattan, 202  pages, 21 euros.

Mise au point historique

24 février 2014

Évoquant la Collaboration mise en œuvre par le régime de Vichy, Libération entretient la confusion historique.

« Étape par étape, sous couvert de bonne volonté, l'État se met au diapason de l'ensemble de la politique du Reich : aryanisation des entreprises, obligation du port de l'étoile jaune et déportation de 78 000 Juifs », rapporte notre consœur Sophie Gindensperger. Or, si la police française a participé à la distribution des étoiles jaunes en zone occupée, ce fut en application d'une ordonnance allemande. En outre, comme rappelé sur Wikipedia, « l'étoile jaune n'a pas été portée en zone libre, même après son envahissement, le 11 novembre 1942 ». Bien qu'il ait fait « apposer le tampon "Juif" sur les papiers d'identité », le maréchal Pétain « s'opposa au port de l'étoile jaune en zone libre » : « Tant que je serai vivant, je n'accepterai jamais que cette ignominie qu'est l'étoile jaune soit appliquée en zone Sud », aurait-il déclaré au grand rabbin Schwartz.

Le souvenir de l'Occupation est suffisamment douloureux pour qu'on s'épargne de l'assombrir injustement.

Quand l'Action française dénonçait la jaunisse gaullienne

15 janvier 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

En pleine Guerre froide, la reconnaissance par la France de la République populaire de Chine fut mal accueillie par l'Action française.

Dans son numéro du jeudi 23 janvier 1964, Aspects de la France dénonça « une politique dont le seul souci apparent » était « de prendre, en toutes circonstances, le contre-pied des États-Unis ». « L'insolence de M. De Gaulle ne fera qu'agacer les Américains et avivera leur désir de prendre ses distances avec un allié de jour en jour plus rétif », était-il déploré dans l'éditorial, signé "AF".

« Nous allons jaunir », se désolait Claude Chavin, prédisant qu'on nous ferait « payer au centuple les coups de boutoir, les crocs-en-jambe et les virages de notre politique extérieure ». Cela dit, nuançait-il, « les fautes » n'étaient « pas que de Paris ». Évoquant la crise du canal de Suez, il rappelait que « les Américains, à leur heure, avaient choisi Nasser ». À ses yeux, le président de la République n'en apparaissait pas moins comme le pendant occidental de Mao, semant la zizanie dans son propre camp. La soif de « grandeur » du général, tout comme sa quête d'« indépendance », lui inspiraient la plus grande circonspection : « Comment ne pas songer en même temps au Second Empire, à Napoléon III, à ses guerres au nom du principe des nationalités [...] tout cela finissant à Sedan  »

Mouvements d'humeur et de vanité

« M. De Gaulle sait fort bien qu'en piquant le colosse américain [...] il touche la fibre cocardière qui existe au cœur des Français », lisait-on encore à la "une" du journal : « La France, voyons, est une nation majeure, indépendante, qui ne veut être à la remorque d'aucune autre, si puissante soit-elle... Hélas, le mot a trop servi pour avoir gardé quelque vertu, surtout, comme l'écrit l'éditorialiste du Bulletin de Paris, "lorsqu'il s'agit d'une nation qui, comme nous, peut être en très peu de quarts d'heure à peu près anéantie par les fusées soviétiques et qui ne doit son existence qu'au bouclier américain". »

Alors que Paris venait de larguer l'Algérie, l'AF ne manifestait pas la moindre complaisance à l'égard du chef de l'État : « Le vrai courage », écrivaient nos prédécesseurs, « celui qui n'ignore pas les réalités, c'est le chancelier Erhard qui l'a eu, lorsqu'il a reconnu que l'Allemagne n'avait pas à rougir d'être protégée militairement par l'Amérique puisque cette protection est la garantie suprême de son existence. Nous ne croyons pas à l'habileté d'une politique qui, hier, amputait le territoire national de quinze départements et qui nous conduit aujourd'hui aux pires aventures. Nous nous refusons à confondre le courage et l'honneur avec des mouvements d'humeur et de vanité. » Dans quelle mesure les temps ont-ils vraiment changé ?

Présence de Bainville

1 septembre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Mis à l'honneur dans la presse, Bainville se trouve par ailleurs invoqué dans le débat économique.

Jacques Bainville a fait l'objet d'un éloge dans les colonnes de L'Express. « L'historien et journaliste monarchiste avait tout pour lui : lucidité, brio, maîtrise de tous les genres », lit-on en introduction d'un article publié le 12 août sur le site Internet de l'hebdomadaire. Outre « l'aptitude de Bainville à la prophétie », qu'il juge « époustouflante », Emmanuel Hecht souligne la distance qui le séparait de Charles Maurras et Léon Daudet. Une concession au "politiquement correct" au demeurant nuancée, d'autant que notre confrère invoque une « question de tempérament ». De fait, « les coups de poing [...], la crudité et la violence du langage [...], l'antisémitisme, répugnaient au distingué Jacques Bainville ».

Rigueur budgétaire

Par ailleurs, on relèvera quelque écho à l'actualité en relisant les articles économiques de l'illustre journaliste. « Rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française du 2 novembre 1925. À ses yeux, l'indépendance de la Banque de France constituait un « garde-fou » grâce auquel avait été contenu « le gaspillage financier, inhérent aux démocraties ». Cela nourrira la discussion, au moment où l'on envisage de monétiser la dette publique en autorisant de nouveau l'État à se financer directement auprès de la banque centrale, en marge de la pression des marchés. « Quand on n'a pas assez de bonne monnaie, et qu'on est bien résolu à ne pas recourir à la fausse, quand on veut se contenter de ce peu de bonne monnaie plutôt que d'aller à la ruine par une richesse fictive, que faut-il faire ? » se demandait Jacques Bainville, quelques mois plus tard, toujours dans les colonnes du quotidien royaliste. « Se restreindre », répondait-il. Selon lui, « il n'y a pas d'autre système que les économies ».

Peut-être les circonstances ont-elles changé – l'heure n'est plus à l'inflation galopante. Et peut-être nos lecteurs partageront-ils l'aversion de Maurras pour certaines théorisations... « Il n'y a pas de protectionnisme, il n'y a pas de libre échange qui tienne », affirmait-il. « Il y a la vigilance et l'incurie, il y a l'organisation intelligente des tarifs ou la résignation à leur jeu automatique et mécanique, lequel ne peut être que désastreux comme toute résignation humaine aux caprices de la nature. »

Quoi qu'il en soit, ce constat établi en 1926 par Jacques Bainville nous semble toujours d'actualité : « Les neuf dixièmes de la France ne comprennent rien à ce qui se passe. D'où la difficulté de demander à la masse, représentée par ses élus, des sacrifices dont la portée et la destination lui échappent. » Or, selon l'historien d'AF, « dans toute la mesure où elle était indépendante de l'élection, la Restauration a été économe. Dans toute la mesure où elle dépendait de l'opinion publique, elle a suscité un mécontentement et des rancunes que ne désarmait pas le retour de la prospérité. "Grande et importante leçon", eussent dit nos pères. Elle explique la lâche paresse avec laquelle nos gouvernements démocratiques se sont laissé aller, comme la Révolution elle-même, sur la pente facile des assignats et de l'inflation. » Ainsi que sur celle des déficits...

Les citations de Jacques Bainville sont tirées de La Fortune de la France, un recueil d'articles paru en 1937 et disponible gratuitement dans la bibliothèque numérique des "Classiques des sciences sociales" : http://classiques.uqac.ca/

La guerre d'Algérie n'est pas finie

19 juillet 2010

Quarante-huit ans après l'accession de l'Algérie à l'indépendante, nostalgiques du FLN ou de l'OAS continuent de se livrer bataille.

En témoigne la proposition de loi enregistrée à la présidence du Sénat le 7 juillet 2010, dont l'exposé des motifs dénonce « un détournement de la vocation du Mémorial national du quai Branly ».

Soutenu par une vingtaine de collègues, le communiste Guy Fischer demande que soient retirés les noms des victimes de la fusillade de la rue d'Isly, qui  figurent sur la colonne centrale depuis le 26 mars 2010. Mais il propose également que soient « interdites les cérémonies honorant la mémoire des membres de l'OAS lorsqu'elles se déroulent devant les monuments aux morts, à l'intérieur ou aux abords de cimetières et en d'autres lieux publics et qu'elles s'accompagnent de prises de parole tendant, soit à ériger les membres de cette organisation en martyrs et héros de l'Algérie française, soit à valoriser les actes dont ils se sont rendus coupables ». N'est-ce pas souffler sur les braises ?

Le sénateur du Rhône entendrait « prévenir les initiatives [...] susceptibles [...] de nuire à la réconciliation des mémoires et à l'apaisement des rapports entre la France et l'Algérie ». Préoccupation légitime, dont on doute de la sincérité tant il nous semblerait préférable de laisser les nostalgiques vaquer discrètement à leurs occupations, plutôt que de les mobiliser par des provocations. De toute façon, « l'apaisement » recherché par M. Fischer supposerait un effort de compréhension davantage qu'une nouvelle stigmatisation.

Hélas, les communistes ne sont pas les seuls à pratiquer ce jeu malsain. Nous en savons quelque chose à l'Action française, où la tentation de ruminer les ressentiments historiques demeure si pressante !