1 septembre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Soumis aux pressions des opinions publiques, les gouvernements
européens se montrent incapables de parler d'une seule voix, révélant
la fragilité d'une illusoire solidarité budgétaire.
L'euro a-t-il été créé dans la précipitation ? C'est,
apparemment, l'opinion du président de la République. Le
16 aout , à l'issue d'une rencontre avec le chancelier
allemand, il a déploré que la monnaie unique ait été établie
« sans prévoir au préalable l'harmonisation des
compétitivités » – tâche à laquelle il prétend désormais
s'atteler. À moyen terme, un impôt sur les sociétés harmonisé de part
et d'autre du Rhin pourrait symboliser la convergence accrue des
économies européennes.
Une intégration ambiguë
Chantre de l'"intégration", Nicolas Sarkozy se défend
néanmoins de toute velléité fédéraliste : « L'Europe
des vingt-sept et bientôt des trente [...] ira de plus en plus vers la
confédération », a-t-il annoncé. La nature du futur
« gouvernement économique » de la zone euro pourrait
le confirmer – du moins formellement : selon le vœu de Paris
et Berlin, en effet, cette responsabilité ne serait pas confiée à la
Commission européenne, mais à la réunion des chefs d'État ou de
gouvernement. Quant à la mutualisation des dettes publiques, elle
apparaît pour l'heure exclue. « Cela consisterait à garantir
par [notre] triple A la dette de tous les pays de la zone
euro », a expliqué le chef de l'État. « Cela voudrait
donc dire que nous garantirions la totalité de la dette sans avoir la
maîtrise de la dépense et de la création de la dette », a-t-il
prévenu.
Or la priorité est donnée au respect de la discipline
budgétaire, que serait censée garantir l'adoption, d'ici l'été 2012,
d'une "règle d'or" par les dix-sept États membres de la zone euro. En
vertu d'une telle disposition, les lois de finance annuelles seraient
soumises à un objectif de retour à l'équilibre budgétaire.
« Cela ne dépend pas que du droit européen », a
souligné Angela Merkel. « Inscrire cela dans son droit
national, c'est la meilleure façon de nous engager », a-t-elle
déclaré. D'autant qu'en cas de manquement « la plus grande
sanction ne viendrait pas [...] de la Commission mais de
l'intérieur ».
Hochet présidentiel
Un consensus transpartisan vient d'être négocié en Espagne
afin de modifier la constitution en ce sens. En France, « un
certain nombre de personnalités qui n'appartiennent pas à la majorité
ont déjà fait savoir qu'[elles] étaient favorables à l'adoption de
cette règle », a assuré le président de la République.
Peut-être se feront-elles davantage entendre après la primaire
socialiste ? À l'approche de l'élection présidentielle, la
tentation est d'autant plus grande d'instrumentaliser le débat. Y
compris à droite, où l'on pourrait fort bien s'accommoder de
l'opposition socialiste, censée souligner, par contraste, le sens des
responsabilités propre à l'UMP.
C'est dire combien les calendriers électoraux et autres
calculs politiciens interfèrent dans les négociations internationales.
Au risque de faire capoter les tentatives de résolution de la crise des
dettes souveraines. « Devoir mettre la main à la poche pour
sauver la Grèce endettée ne semble faire ni chaud ni froid aux
Français », constatait le Courrier international
en juillet dernier. En fait, ils feraient « rarement le lien
entre l'argent du gouvernement et leur impôt », selon The Economist.
Quoi qu'il en soit, comme le rappelait le magazine britannique,
« chez tous les autres pays créditeurs de la zone euro [...],
le coût de ces sauvetages a fait l'objet de débats animés ».
Confronté à la pression des Vrais Finlandais, Helsinki s'est distingué
en exigeant d'Athènes des garanties bilatérales en échange de sa
participation au plan de soutien présenté le 21 juillet.
« Dès le lundi 22 août, Moody's a expliqué que
"l'accord entre la Grèce et la Finlande, en lui-même de faible ampleur,
n'en est pas moins très significatif" », rapporte Euractiv.
« La solidarité européenne ne serait ainsi pas sans
faille. » En dépit de l'interdépendance des économies, autant
dire qu'elle repose sur du sable !
Controverse à Francfort
Alors que les emprunts d'État rachetés par la Banque centrale
européenne dépassent désormais les 100 milliards d'euros, La
Tribune signale que le président de la République fédérale
d'Allemagne, Christian Wulff, a fustigé une pratique
« contestable juridiquement ». Quant à la Bundesbank,
si l'on en croit Les Échos, elle aurait
critiqué « avec une ardeur peu commune » l'esquisse
d'une solidarité budgétaire européenne. Celle-ci est accusée
d'affaiblir « les fondements de la responsabilité budgétaire
en zone euro et la discipline des marchés de capitaux, sans qu'en
contrepartie les possibilités de contrôle et d'influence sur les
politiques financières nationales aient été sensiblement
renforcées ». La cacophonie aidant, les tensions semblent
appelées à durer sur les marchés obligataires.
1 septembre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Mis à l'honneur dans la presse, Bainville se trouve par
ailleurs invoqué dans le débat économique.
Jacques Bainville a fait l'objet d'un éloge dans les colonnes
de L'Express. « L'historien et
journaliste monarchiste avait tout pour lui : lucidité, brio,
maîtrise de tous les genres », lit-on en introduction d'un
article publié le 12 août sur le site Internet de
l'hebdomadaire. Outre « l'aptitude de Bainville à la
prophétie », qu'il juge « époustouflante »,
Emmanuel Hecht souligne la distance qui le séparait de Charles Maurras
et Léon Daudet. Une concession au "politiquement correct" au demeurant
nuancée, d'autant que notre confrère invoque une « question de
tempérament ». De fait, « les coups de poing [...],
la crudité et la violence du langage [...], l'antisémitisme,
répugnaient au distingué Jacques Bainville ».
Rigueur budgétaire
Par ailleurs, on relèvera quelque écho à l'actualité en
relisant les articles économiques de l'illustre journaliste.
« Rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État
d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française
du 2 novembre 1925. À ses yeux, l'indépendance de la Banque de
France constituait un « garde-fou » grâce auquel
avait été contenu « le gaspillage financier, inhérent aux
démocraties ». Cela nourrira la discussion, au moment où l'on
envisage de monétiser la dette publique en autorisant de nouveau l'État
à se financer directement auprès de la banque centrale, en marge de la
pression des marchés. « Quand on n'a pas assez de bonne
monnaie, et qu'on est bien résolu à ne pas recourir à la fausse, quand
on veut se contenter de ce peu de bonne monnaie plutôt que d'aller à la
ruine par une richesse fictive, que faut-il faire ? »
se demandait Jacques Bainville, quelques mois plus tard, toujours dans
les colonnes du quotidien royaliste. « Se
restreindre », répondait-il. Selon lui, « il n'y a
pas d'autre système que les économies ».
Peut-être les circonstances ont-elles changé – l'heure n'est
plus à l'inflation galopante. Et peut-être nos lecteurs partageront-ils
l'aversion de Maurras pour certaines théorisations... « Il n'y
a pas de protectionnisme, il n'y a pas de libre échange qui
tienne », affirmait-il. « Il y a la vigilance et
l'incurie, il y a l'organisation intelligente des tarifs ou la
résignation à leur jeu automatique et mécanique, lequel ne peut être
que désastreux comme toute résignation humaine aux caprices de la
nature. »
Quoi qu'il en soit, ce constat établi en 1926 par Jacques
Bainville nous semble toujours d'actualité : « Les
neuf dixièmes de la France ne comprennent rien à ce qui se passe. D'où
la difficulté de demander à la masse, représentée par ses élus, des
sacrifices dont la portée et la destination lui échappent. »
Or, selon l'historien d'AF, « dans toute la mesure où elle
était indépendante de l'élection, la Restauration a été économe. Dans
toute la mesure où elle dépendait de l'opinion publique, elle a suscité
un mécontentement et des rancunes que ne désarmait pas le retour de la
prospérité. "Grande et importante leçon", eussent dit nos pères. Elle
explique la lâche paresse avec laquelle nos gouvernements démocratiques
se sont laissé aller, comme la Révolution elle-même, sur la pente
facile des assignats et de l'inflation. » Ainsi que sur celle
des déficits...
Les citations de Jacques Bainville sont tirées de La Fortune
de la France, un recueil d'articles paru en 1937 et
disponible gratuitement dans la bibliothèque numérique des "Classiques
des sciences sociales" : http://classiques.uqac.ca/
4 août 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Les services gouvernementaux veillent sur le bonheur des
Français. Pour preuve, ils se soucient de les faire partir en vacances.
Cela donne à réfléchir sur les modalités de l'aide sociale.
Parmi les Français, 62 % étaient partis en vacances
au cours de l'année passée. Du moins, au sens où l'entend
l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), qui définit les vacances
comme un déplacement d'agrément d'au moins quatre nuits consécutives
hors du domicile. Quoique supérieure à la moyenne européenne, cette
proportion est jugée insuffisante par le Centre d'analyse stratégique
(CAS). Dans une note d'analyse publiée le mois dernier, celui-ci
promeut le développement d'« une politique globale de soutien
au départ en vacances pour tous ». Cela conformément à la loi
selon laquelle, depuis 1998, « l'égal accès de tous, tout au
long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et
aux loisirs constitue un objectif national ».
Psychologie
Les rapporteurs escomptent quelque bénéfices de la
multiplication des vacanciers, « tant en matière de bien-être
que d'autonomisation, de lien social, de soutien à la parentalité ou de
lutte contre l'exclusion ». Autant de préoccupations
auxquelles les pouvoirs publics pourraient répondre sans prendre par la
main tout un chacun. Les auteurs vont jusqu'à traiter des
« barrières psychologiques » faisant obstacle au
départ chez les personnes souffrant d'anxiété. C'est dire les dérives
auxquelles se prête la politique sociale. Dans le cas présent, elle
investit un domaine que nous réserverions à la Santé. Constatant, par
ailleurs, que « les propriétaires d'une maison apprécient d'y
rester pour faire des travaux ou pour inviter des proches »,
les rapporteurs en concluent que « la qualité de vie
quotidienne influe [...] fortement sur le choix de partir ou non, ce
qui pourrait expliquer que les Corses restent deux fois plus chez eux
que la population générale ». Le cas échéant, l'État ne
devrait-il pas se concentrer sur l'urbanisme et l'organisation du
territoire ?
Le CAS lui assigne une autre priorité :
« développer le sentiment d'appartenance à un collectif
européen », en s'assurant que les jeunes Français aient voyagé
au moins une fois dans l'Union européenne avant leurs vingt ans.
Peut-être pourrait-on commencer par faire visiter Versailles aux
écoliers, quitte à inscrire dans un jumelage ce genre d'initiatives...
L'observation suivante nous est apparue plus pertinente :
« Indépendamment des structures marchandes, d'autres systèmes
se développent grâce à l'internet, à l'image des échanges de maisons et
d'appartements entre particuliers. » Un dispositif jugé
particulièrement intéressant dans le champ du handicap, où seraient
échangés des logements accessibles. Au-delà, on évite l'écueil
affectant les infrastructures exploitées en marge des activités
lucratives. En effet, « face aux effets d'usure mais aussi à
l'évolution des standards de qualité, les structures du tourisme
associatif répondent de moins en moins aux attentes de leurs
clients : ce serait ainsi près de 40 % du parc
immobilier qui nécessiterait des travaux pour un montant estimé à
500 millions d'euros. »
Usine à gaz
Parmi les dispositifs sociaux censés favoriser les départs en
vacances, on relève les chèques vacances, les aides des caisses
d'allocations familiales, des réductions offertes par la SNCF et de
multiples initiatives locales et associatives. Or, « cette
diversité de sources de financement et d'offres d'accompagnement [...]
présente inévitablement un certain nombre de limites en termes d'accès
à l'information et à l'ensemble des droits disponible ». C'est
d'ailleurs un problème récurrent en matière sociale. Plusieurs
initiatives visent à pallier ces difficultés. Tel le projet "Espace
vacances aides au départ" (EVAD), porté par trois associations en
Poitou-Charentes, qui devrait se concrétiser par la mise en ligne d'un
site Internet, l'installation d'une permanence téléphonique et des
campagnes de communication et de formation communes.
Entretenue de la sorte, l'usine à gaz continuera peut-être à
tourner des années durant, mais au prix d'une énergie largement
dissipée en chaleur. Or, en pleine crise de la dette souveraine,
l'État-providence subira vraisemblablement de multiples assauts. Jadis
en pointe sur les questions sociales, les royalistes devront se saisir
du débat. Peut-être trouveront-ils quelque source d'inspiration dans
les propositions de "revenu familial minimum garanti" ou autres "impôt
négatif" censés substituer aux minima sociaux une allocation dégressive
servie aux plus modestes. Si l'on en croit ses promoteurs libéraux,
l'idée fut popularisée dans les années soixante par le cercle des
économistes de Chicago, autour de Milton Friedman, le chantre du
monétariste. C'est un lourd passif, dont le rappel ne devrait pas
faciliter sa diffusion dans l'Hexagone... De toute façon, le
gouvernement vient d'annoncer la mise en place imminente d'un tarif
social pour l'internet haut débit. Quant aux politiciens en campagne,
peut-être montreront-ils la Belgique en exemple : là-bas,
l'assurance chômage contribue à financer les congés des jeunes
actifs.
21 juillet 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Rompant avec la sinistrose, un rapport officiel vante
l'attractivité économique de la France... et les réformes du
gouvernement. Un atout agité au vent de la mondialisation, à laquelle
nous ne saurions échapper selon le Premier ministre.
Le déficit commercial de la France a atteint un nouveau record
en mai dernier, s'élevant à 7,42 milliards d'euros. Cela rend
d'autant plus criantes les faiblesses de la compétitivité nationale,
pointées par moult observateurs. À l'occasion du lancement de la
nouvelle Yaris, toujours fabriquée à Valenciennes, Toyota n'en a pas
moins confirmé la viabilité de son implantation hexagonale.
« On peut produire une petite voiture en France »,
assure Didier Leroy, P-DG de Toyota Motor Europe, dans un entretien
accordé à La Tribune (08/07/2011).
« Les coûts salariaux sont importants. Mais, si vous produisez
dans un pays à bas coûts, ce que vous économisez en main d'œuvre peut
être entièrement contrebalancé par les coûts logistiques. Or, dans un
rayon de 350 kilomètres autour de Valenciennes, on a un marché
potentiel de 130 millions de personnes ! Le fait de
fabriquer en France n'est pas en soi un handicap. Nous avons d'ailleurs
quarante-trois fournisseurs pour la Yaris III dans l'Hexagone
et 80 % de nos achats sont effectués en Europe
occidentale. »
Aux yeux des plus optimistes, la démarche du constructeur
japonais apparaîtra comme une illustration flagrante de l'attractivité
de la France, dont le Centre d'analyse stratégique (CAS) vient de
publier un "tableau de bord" élogieux. « 2010 aura été l'année
du rebond », s'enthousiasme l'héritier du commissariat général
du Plan : « La France a été choisie, chaque semaine
en moyenne, par quinze entreprises étrangères pour des investissements
nouveaux, à l'origine de 32 000 emplois. » Le rapport
s'intéresse aux investissements d'origine étrangère (IDE), réputés tels
s'ils sont réalisés par une société détenue à plus de 50 % par
des capitaux étrangers : « Avec
57,4 milliards d'IDE entrants [...] la France est en 2010 la
troisième destination mondiale derrière les États-Unis et la
Chine-Hong-Kong. [...] Par rapport à la richesse nationale (stocks
d'IDE/PIB), la France accueille deux fois plus d'investissements
étrangers que l'Allemagne, l'Italie ou les États-Unis. » En
outre, « comme en 2009, la France est en 2010, au premier rang
européen en matière d'accueil d'implantations industrielles, qui
comptent pour 57 % des emplois créés ».
Selon les rapporteurs, « la capacité à former des
talents venus de l'étranger traduit, autant qu'elle conditionne le
rayonnement, la compétitivité et l'attractivité ». Or, la
France serait le quatrième pays mondial d'accueil des étudiants
« en mobilité internationale », derrière les
États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne. 11 % des étudiants
inscrits dans l'enseignement supérieur en France étaient étrangers en
2008 – une proportion comparable à celle de l'Allemagne, mais nettement
inférieure à celle du Royaume-Uni.
Parmi les facteurs de l'attractivité nationale figurent le
traitement fiscal de la "recherche et développement" (R&D) et
le prix de l'électricité. L'évaluation des compétences scientifiques
des élèves de quinze ans, ainsi que la capacité d'innovation des
entreprises, placent la France dans la moyenne des pays comparables.
Les barrières à l'entrepreneuriat ne la distingueraient pas davantage,
quoique la création d'une entreprise y soit jugée plus facile
qu'outre-Rhin : à cet effet, sept jours auraient été
nécessaires en 2010, contre quinze en Allemagne. Parmi les États de la
zone euro, la France afficherait même « une des meilleures
maîtrises de ses coûts salariaux unitaires relatifs »,
l'Allemagne faisant toutefois « figure d'exception »,
avec une amélioration de sa "compétitivité-coût" à partir de 2003. À
l'avenir, la simplification administrative et fiscale devrait
constituer une priorité. Les auteurs rappellent que « la
charge fiscale effective pesant sur les entreprises en France apparaît
beaucoup plus faible que le taux nominal de l'impôt sur les sociétés ne
le laisse supposer ». En la matière, la France se trouve dans
une situation inverse à celle de l'Irlande.
« Les chiffres rassemblés dans le présent tableau de
bord positionnent la France aux premiers rangs européens sur un grand
nombre de facteurs objectifs », martèle le Centre d'analyse
stratégique. Le jugement pourra fluctuer selon que l'on compare Paris à
Berlin ou Athènes... De fait, on ne relève pas vraiment de surprise
dans ce rapport, dont la diffusion relève, à certains égards, d'une
opération de communication réussie. D'ailleurs, ses auteurs versent
ouvertement dans l'apologie du gouvernement, vantant la suppression de
la taxe professionnelle « sur les investissements
productifs », la consolidation du crédit d'impôt recherche,
« l'utilisation offensive de la fiscalité pour servir la
compétitivité des entreprises », le succès du statut
d'auto-entrepreneur, le recours à la rupture conventionnelle du contrat
de travail et le lancement du programme d'"investissements d'avenir".
Cela étant, la méthode Coué présente parfois quelque vertu.
C'est pourquoi nous accueillons avec avec bienveillance la volonté de
rompre avec la sinistrose. Mais la quête d'attractivité participe de
l'inscription dans la mondialisation, dont les critiques ou adversaires
sont légion, notamment parmi les royalistes. Le CAS semble d'ailleurs
le revendiquer : « La croissance de 22 % du
nombre de projets étrangers en 2010 vaut reconnaissance de l'ouverture
de notre pays », affirme-t-il. Cela ne manquera pas
d'alimenter les débats politiques au cours des prochains mois.
« À l'approche des échéances électorales, propices aux
contestations systématiques et aux utopies de tous ordres, nous
maintiendrons notre ligne de vérité et de réalisme », a
prévenu François Fillon, visant vraisemblablement Marine
Le Pen. « Ceux qui font croire que l'on pourrait
"démondialiser" l'histoire, et se ménager le confort d'une politique
solitaire, sans contraintes extérieures, ceux-là entretiennent une
illusion dangereuse », a-t-il poursuivi. Aux yeux du Premier
ministre, en effet, « la mondialisation, c'est un
fait ; ça n'est pas une hypothèse, que l'on pourrait accepter
ou refuser selon son bon plaisir ». Alors qu'il affublait
chacun de ses modèles d'un style « universel »,
Toyota annonce qu'à l'avenir « chaque région du monde aura la
possibilité de le personnaliser ». Preuve que l'édification du
"village global" ne va pas sans flux et reflux.
Quoi qu'il en soit, selon le rapport du CAS, la part de la
capitalisation boursière des sociétés françaises du CAC 40 détenue par
des non-résidents se serait élevée à 42 % fin 2010 ; en dix
ans, le flux d'IDE serait passé de 17 à 42 % du PIB ;
enfin, près d'un salarié sur sept du secteur marchand travaillerait
dans la filiale d'un groupe étranger, et même un sur quatre dans
l'industrie manufacturière. C'est dire le défi que constituerait,
aujourd'hui, la mise en œuvre d'une véritable politique de "patriotisme
économique".
7 juillet 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Le vote du Parlement hellénique préserve une timide accalmie
sur le front des marchés. Cela étant, bien que les banques semblent
disposées à participer à l'opération, le "sauvetage" de la Grèce n'est
toujours pas assuré.
Un soupir de soulagement a traversé l'Europe le mercredi
29 juin. En dépit des manifestations qui agitaient la Grèce,
le Parlement hellénique a validé le programme de réformes et de
privatisations négocié avec la Commission européenne, la BCE et le FMI.
Ceux-ci en avaient fait un préalable au versement d'une nouvelle
tranche de prêts de 12 milliards d'euros, sans lesquels
Athènes n'aurait plus été en mesure d'honorer ses dettes dès cet été.
Le vote a été emporté à la faveur de 155 voix contre 138. Le Premier
ministre George Papandréou est donc parvenu à rassembler ses troupes,
un seul élu socialiste s'étant refusé à rentrer dans le rang.
L'opposition veut plus de rigueur
Quant à l'opposition, elle est loin de faire écho à toutes les
protestations de la rue. « Nous aurions voté en
faveur de plusieurs mesures du plan du gouvernement si celui-ci n'avait
pas imposé un vote unique », souligne le député Christos
Staikouras. Son parti « estime que la situation réclame plus
d'agressivité dans les coupes des dépenses courantes et dans la
restructuration des entreprises nationalisées », résume notre
confrère Massimo Prandi (Les Échos,
28/06/2011). Tandis qu'on peine à distinguer les voix proposant une
véritable alternative, Herman Van Rompuy, le président du
Conseil européen, verse dans un relatif cynisme :
« Quand on exécute le programme d'assainissement budgétaire
année après année, on doit passer un mauvais moment mais la confiance
finit par revenir », a-t-il déclaré.
Les Européens vont-ils se résoudre à restructurer la dette
contractée par la Grèce ? On semble s'y préparer, bien que
cette perspective demeure exclue par les gardiens de l'orthodoxie
monétaire, tel Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France.
« C'est une illusion dangereuse », a-t-il prévenu
dans la lettre introductive de son rapport annuel. Selon lui, une
réduction ou un rééchelonnement « entraînent toujours, au
moins dans un premier temps, une réduction supplémentaire de la
confiance et de moindres apports de capitaux, ce qui augmente l'effort
nécessaire ». En filigrane, des rivalités institutionnelles
confortent peut-être la prudence des banquiers centraux. La BCE ayant
racheté des obligations grecques sur le marché secondaire,
« une décote de ces actifs la rendrait extrêmement vulnérable,
et très dépendante des États de la zone euro, qui devraient la
recapitaliser », explique notre confrère Robert Jules (La Tribune,
13/06/2011).
Équilibristes
Cela étant, le spectre d'une "contagion" nourrit des
inquiétudes légitimes. Pour l'heure, les responsables politiques
s'essaient à un numéro d'équilibriste, afin d'impliquer les
institutions privées dans le "sauvetage" de la Grèce sans déclencher un
"événement de crédit". Des discussions fructueuses auraient été
entamées à cet effet entre Bercy et les principaux créanciers français.
Ceux-ci seraient disposés à réinvestir 70 % de la valeur des
titres arrivant à échéance... à des conditions toutefois suffisamment
avantageuses pour être jugées incitatives. Aux yeux de
Standard & Poor's, le plan esquissé n'en
constituerait pas moins un "défaut sélectif" (Athènes restructurant
effectivement une partie, mais non la totalité, de sa dette
obligataire). Dans le cas présent, il conviendrait toutefois de
relativiser l'influence des agences de notation. « Ce n'est
pas parce qu'une agence décrète un défaut que les détenteurs de titres
enregistrent une perte », tempère notre consœur Isabelle Couet
(Les Échos, 04/07/2011).
« S&P laisse entendre que le classement en "défaut" ne
serait que temporaire et reconnaît en filigrane que le plan de la
[Fédération bancaire française] pourrait même améliorer la note de la
Grèce a posteriori ». Dès lors, conclut-elle, « même
la Banque centrale européenne (BCE) ne serait pas véritablement
menacée ».
Défiance populaire
Reste le second front : celui de l'opinion. D'abord
en Grèce : « Pour que le plan de sauvetage [...] ait
la moindre chance de réussite, le gouvernement Papandréou devra par
tous les moyens convaincre les électeurs que l'austérité est le prix à
payer pour un avenir meilleur - et pas seulement pour satisfaire les
exigences des créanciers étrangers », martèle Dani Rodrik,
professeur à l'université de Harvard (La Tribune,
17/06/200). Mais aussi outre-Rhin, où l'on connaît la défiance de
l'opinion publique à l'égard de la Grèce. Cela doit éclairer les propos
de Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois et président
de l'Eurogroupe, tenus au magazine allemand Focus,
où il annonce sans détour que « la souveraineté de la Grèce
sera extrêmement restreinte ». Berlin doit compter également
avec le tribunal constitutionnel de Karlsruhe, devant lequel un
"échange de vues" s'est tenu mardi dernier à propos des mesures de
solidarité budgétaire européenne... La crise des dettes souveraines n'a
pas fini de faire la une de l'actualité.
Chronique enregistrée pour RFR le
vendredi 17 juin 2011.
À l'approche de l'élection présidentielle, c'était hélas
prévisible, le quinquennat part en quenouille. Je sais que tous les
royalistes ne sont pas sensibles aux nuances de la politique
républicaine. Cela dit, il y encore quelques mois, avec un peu
d'efforts, certes, on pouvait deviner un cap. En matière de politique
extérieure et de défense, par exemple, le président de la République
semblait décidé à rompre avec l'anti-américanisme de façade. Pourtant,
en novembre dernier, il a nommé un néo-gaulliste à l'Hôtel de Brienne,
avant de l'envoyer au Quai dOrsay.
C'est dans le domaine de la fiscalité que l'inconséquence
apparaît tout particulièrement patente. Philippe Mabille l'a souligné
dans La Tribune le mois dernier : « Le
quinquennat a commencé sur la valeur travail, le bouclier fiscal et
l'affirmation d'une fiscalité récompensant le mérite, l'effort et la
réussite. » Dorénavant, la majorité envisage une taxation
supplémentaire des hauts revenus, tandis que Xavier Bertrand propose
d'encadrer des rémunérations jugées
« extravagantes ». « Jamais la fiscalité
française n'a connu, sous un même gouvernement qui plus est, une telle
instabilité et un tel manque de cohérence stratégique »,
poursuit notre confrère.
Selon lui, « le projet de contribution sur les très
hauts revenus [...] est perçu comme un très mauvais signal par tous les
créateurs d'entreprise et tous les cadres supérieurs internationaux.
Nous sommes là, on l'a déjà vu avec les artistes (Johnny n'est jamais
revenu) et les joueurs de football, dans le cœur du réacteur de la
mondialisation : que cela plaise ou non, il y a une "élite"
française, très mobile, très réactive sur la question des impôts, qui
est prête à préférer l'exil plutôt que d'accepter de se voir tondre par
un pays que beaucoup considèrent comme foutu. Et voir même Nicolas
Sarkozy, celui en qui ils avaient placé en 2007 tous leurs espoirs de
rupture, céder, pour des raisons purement électoralistes, aux
tentations démagogiques, pour ne pas dire "gauchistes" de l'opinion
médiatique, les rend encore plus furieux... et inquiets, alors que la
perspective d'un nouveau tour de vis fiscal se précise pour
l'après-2012. » Fin de citation.
Le rétropédalage s'avère pire que l'immobilisme, en cela qu'il
sape la crédibilité du politique et participe d'un climat d'instabilité
peu propice à la croissance. La CGPME a identifié quarante priorités à
présenter au gouvernement. Quelle est la première d'entre elles, aux
yeux de son président Jean-François Roubaud ? « Ne pas changer
en permanence les règles du jeu. » C'est la réponse qu'il a
donnée aux Échos dans un entretien publié jeudi
dernier. À tort ou ou à raison, la fiscalité française est jugée peu
attractive par les chefs d'entreprise européens. La France arrive même
en queue du classement réalisé par Ipsos pour la Chambre de commerce et
d'industrie de Paris. La confusion entretenue par le gouvernement ne
contribuera pas à redorer cette image.
En revanche, peut-être cela fera-t-il évoluer celle du chef de
l'État, passant du président "bling-bling" à celui du pouvoir d'achat.
Cela nous ramène à cette mesure aberrante censée indexer une prime
salariale sur l'évolution des dividendes versés aux actionnaires. En
s'attaquant aux dividendes – à ne pas confondre avec les bénéfices ! –
l'exécutif prend le risque de dissuader les entreprises d'actionner un
levier propice à la fidélisation des actionnaires. Le capital étant
rendu plus volatil, il se trouvera d'autant plus facilement livré aux
spéculateurs. Des spéculateurs tout récemment érigés par Nicolas
Sarkozy en ennemis jurés ! Bonjour la cohérence.
Mardi dernier, lors d'une conférence sur les matières
premières, le président de la République a tacle un José Manuel Barroso
jugé trop timoré. Le président de la Commission européenne a pourtant
posé de bonnes questions. « Une meilleure régulation est sans
aucun doute nécessaire », a-t-il déclaré. « Mais dans
quelle mesure faut-il plus ou moins de
régulation ? », s'est-il demandé. « Comment
s'assurer que la régulation permette effectivement le bon
fonctionnement des marchés, avec suffisamment de liquidités, la
transparence nécessaire pour un mécanisme de formation des prix
efficace, une allocation optimale des risques et, en bon français, un
"level playing field" afin que les participants ne soient pas tentés
d'aller vers des zones moins régulées du marché ? »
Peut-être faudrait-il songer à tirer quelque enseignements de
la crise. Le président de la République flatte l'opinion en agitant la
régulation à tout va. Encore faut-il l'appliquer à bon escient. On en
mesure la perversité potentielle, par exemple, avec les mécanismes
pro-cycliques à l'œuvre dans la crise des dettes souveraines. En effet,
l'influence excessive des agences de notation résulte directement des
règles édictées par les gouvernements. Reste qu'un consensus
transpartisan semble le taire. Alors que le "politique d'abord" demeure
d'actualité, son ignorance s'annonce comme un biais majeur des débats
de la campagne présidentielle.
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découvrir les autres interventions :
En route pour 2012, l'UMP se penche « sur la place
des femmes dans la société ». Inspirées par une idéologie
grotesque, ses propositions nourrissent une inquiétude grandissante,
tant la folie semble gagner les élites politiques.
À l'approche des élections de 2012, l'UMP s'est fixé
« un rendez-vous avec la modernité ».
« Depuis 2007 », affirme-t-elle, « le
gouvernement et les parlementaires de la majorité [...] ont été très
actifs pour défendre et promouvoir l'égalité entre les
sexes ». Sans doute cela n'aura-t-il pas suffi aux yeux de
Jean-François Copé, chantre notoire de la parité, dont le parti verse
délibérément dans la surenchère féministe.
En témoignent les
vingt-six propositions présentées lundi dernier (20 juin
2011) « pour arriver enfin à l"égalité ». On y relève
quelque écho au
récent rapport de l'IGAS sur « sur l'égal accès des
femmes et des hommes aux responsabilités familiales dans le monde du
travail ». En effet, selon l'UMP, « les femmes
pourront pleinement investir le marché du travail quand notre vision de
la parentalité aura évolué ». Autrement dit,
« l'entreprise ne doit plus voir en ses salariés simplement
des femmes et des hommes mais plutôt une majorité de mères et de pères
[...], tous également susceptibles [...] de prendre un congé
parental ».
On nous annonce une profusion de quotas. Afin, par exemple,
d'« obliger les administrations à employer 40 % de cadres
supérieurs de l'un ou de l'autre sexe d'ici 2015 ». L'UMP
envisage même d'ériger la parité en obligation constitutionnelle !
Affichant la volonté de « changer inexorablement les
mentalités », elle appelle, sans surprise, à lutter contre les
« stéréotypes », accusés de « contrarier les
talents et le potentiel de chacune et chacun ». Comme si les
personnalités se construisaient sans référence à aucun repère social...
Et de pointer les médias, coupables de mettre en scène « un
monde binaire, voire archaïque » – rien de moins !
Faudra-t-il interdire d'antenne les femmes racontant leur grossesse
avec enthousiasme ? Dans un premier temps, c'est la publicité
qu'il conviendrait de mettre sous surveillance, avec « un
examen systématique » des campagnes d'affichage.
La proposition la plus effarante vise à « introduire,
dès la maternelle, des séances consacrées à la mixité et au respect
hommes-femmes ». Avec, pour objectif explicite,
« d'amener les enfants à se sentir autorisés à adopter des
conduites non stéréotypées ». Autrement dit, à s'émanciper de
leur identité sexuelle – de leur nature même ! On nage en
plein délire.
16 juin 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Un rapport officiel promeut l'égalité dans les ménages, avec,
pour mesure phare, l'incitation des pères à profiter d'un "congé
d'accueil de l'enfant".
En janvier dernier, Mme Roselyne Bachelot, ministre
des Solidarités et de la Cohésion sociale, avait confié à l'Inspection
générale des Affaires sociales (IGAS) une mission « sur l'égal
accès des femmes et des hommes aux responsabilités familiales dans le
monde du travail ». Celle-ci vient de lui remettre son
rapport, établi par Brigitte Grésy, qui avait signé, il y a deux ans,
un « manuel de résistance » contre le
« sexisme ordinaire », selon les termes de son
éditeur. Cela plante le décor.
Mme Grésy observe que les hommes et les femmes
« font l'objet, depuis l'enfance, d'assignations différentes
en matière de rôles parentaux ». Lesquelles susciteraient,
pour chaque sexe, « enfermement et résistances ». Et
de citer les appellations "heure des mamans", "école maternelle",
"assistantes maternelles", accusées d'assigner les femmes à la petite
enfance. Or, prévient le rapporteur, « l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes, et, dans son sillage,
l'égalité sociale, ne peut être atteinte tant qu'il y aura inégal
partage des responsabilités domestiques et familiales ». Dans
ces conditions, « un effort sans précédent » devrait
être porté « sur tous les lieux de production et reproduction
des stéréotypes sexués, que ce soit les lieux d'accueil collectifs de
la petite enfance, l'école ou encore les médias ».
Mme Grésy se fait l'apôtre d'une double
émancipation : « émancipation de la sphère privée
pour les femmes », mais aussi « émancipation de la
sphère publique pour les hommes ». En conséquence, elle
formule vingt-cinq propositions, à commencer par la création d'un
« congé d'accueil de l'enfant ». S'ajoutant au congé
de maternité de douze semaines, il comprendrait huit semaines
« à partager également entre les deux parents, non
transférables, devant être pris à la suite du congé de maternité, avec
un bonus d'une semaine, en cas de prise intégrale de son congé par le
père, à prendre indifféremment entre les deux parents jusqu'au un an de
l'enfant ». « Pour mieux associer les pères au
déroulement de la grossesse de leur conjointe », il est
proposé également « de leur ouvrir le droit de l'accompagner,
lors des examens médicaux obligatoires ».
« Jouer sur les congés pour les pères est un élément
central, en effet, de ce changement de paradigme » appelé par
Mme Grésy. « Des études montrent ainsi que la prise
de congés par les pères, à la naissance, dans les pays du Nord de
l'Europe, a un impact fort, par la suite, sur la redéfinition et la
redistribution des tâches domestiques et parentales. » Ce
faisant, s'agit-il de répondre aux aspirations des femmes ?
Bien qu'elle fustige « une injustice ménagère »,
Mme Grésy constate que celle-ci n'est pas « ressentie
comme telle ». D'ailleurs, souligne-t-elle, le partage des
tâches « souhaité dans le dire des femmes [...] est pourtant
fragilisé par la toute-puissance de la compétence
maternelle ». Et d'évoquer « la bataille autour de
l'allaitement maternel et l'assignation, parfois abusive, faite aux
jeunes mères de s'y conformer » qui « renforce ce
lien d'exclusivité ». S'agit-il alors de répondre aux besoins
des enfants ? Pas vraiment. « Les analyses sont, ici,
délicates, non seulement parce qu'elles relèvent de champs variés des
sciences humaines mais aussi parce que la valorisation du rôle du père
auprès des enfants, aux côtés de la mère, risque de porter en elle une
vision normative et ne saurait délégitimer d'autres formes d'éducation
parentale. » Manifestement, ce rapport promeut
l'instrumentalisation des mesures sociales en vue de remodeler les
mœurs familiales suivant les canons d'une idéologie égalitariste. Le
rapporteur pose « la question d'une immixtion peut-être trop
importante de l'entreprise dans la vie privée des individus ».
Sans doute devrait-il s'interroger sur celle des pouvoirs publics.
S'ils suivaient ses recommandations, ceux-ci
parviendraient-ils au résultat escompté ? L'IGAS nous fournit
quelques indices qui permettent d'en douter. La répartition du travail
ménager serait caractérisée par « une remarquable stabilité en
termes d'investissement temporel ». En outre, « dans
les couples où les pères sont au foyer, les femmes qui occupent le rôle
de pourvoyeuse de revenu n'abandonnent pas la responsabilité et la
charge mentale relatives à la vie domestique et continuent en réalité
de gérer une multiplicité de contraintes familiales et professionnelles
[...] et les clivages traditionnels persistent ». Comme
l'observe Mme Grésy, « l'entrée de la petite enfance
dans la culture de la paternité est très récente à l'échelle de
l'histoire et fait partie des bouleversements qui modifient les
représentations les plus profondes ». Raison pour laquelle on
préférera s'en remettre, plutôt qu'au volontarisme idéologique, à la
sagesse de l'empirisme organisateur.
16 juin 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Le nucléaire pourrait s'inviter au cœur de la campagne
présidentielle. Or, la politique énergétique suppose des arbitrages
difficiles. D'autant qu'il faut compter avec l'émotion et le "principe
de précaution".
La Suisse et l'Allemagne avaient ouvert la voie ;
l'Italie les a suivies : à l'occasion d'un référendum organisé
les 12 et 13 juin, elle a exclu de revenir au nucléaire civil,
à la faveur de 94 % des voix. Ce résultat, typique d'une
république soviétique, souligne combien les démocraties occidentales
sont sensibles à l'émotion – sinon soumises à sa dictature.
Pas de moratoire
En France, la catastrophe de Fukushima a ravivé la défiance à
l'égard de l'atome, quoique celle-ci demeure bien moindre que chez nos
voisins. Pour Nicolas Sarkozy, c'est l'occasion de revêtir ses nouveaux
habits d'homme d'État : « Nous sommes les héritiers
d'une histoire qui ne nous appartient pas », a-t-il déclaré le
mardi 7 juin. « Je n'ai pas été élu pour détruire une
filière industrielle qui crée de l'emploi, de la compétitivité et de
l'indépendance énergétique. Il est extrêmement important d'avoir du
sang-froid en toute chose. » (Les Échos,
08/06/2011)
De fait, aucun moratoire ne devrait interrompre la
construction de deux EPR dans l'Hexagone. Anne Lauvergeon, le P-DG
d'Areva, affiche un optimisme mesuré : « les projets
de réacteurs nucléaires en cours d'examen seront retardés de six à neuf
mois environ », a-t-elle prévenu (BFM Business,
30/05/2011). À moyen terme, peut-être son groupe profitera-t-il
d'exigences de sécurité renforcées de part le monde. Paris milite de
longue date en ce sens. Il l'a confirmé le 7 juin, en
accueillant, dans la foulée du G8 de Deauville, un séminaire
ministériel sur la sûreté nucléaire, où trente-trois pays étaient
représentés. On parle, notamment, de développer les revues périodiques
par les pairs. Étant donné les difficultés rencontrées par les
Européens pour s'accorder sur des "tests de résistance", peut-être ce
projet réclamera-t-il quelque habileté diplomatique pour être mis en
œuvre.
Modèle français
Dominique Louis, président du directoire d'Assystem France,
soutient que l'industrie « doit s'appuyer sur une autorité de
sûreté nucléaire très forte, sur le modèle français ou américain, ainsi
que sur un nombre limité d'opérateurs nucléaires pérennes et
transparents » (Les Échos,
24/05/2011). Il établit une comparaison saisissante : «
En France, les cinquante-huit réacteurs sont opérés par un
seul exploitant – EDF – autour de procédures de sécurité communes et
partagées par l'ensemble des centrales. Un incident sur un réacteur
fera l'objet d'une procédure de sécurité sur l'ensemble des autres
réacteurs du même type. Le Japon, pour cinquante-quatre réacteurs,
dénombre pas moins de onze exploitants, disposant chacun de ses propres
procédures. [...] Par ailleurs, les récentes annonces de Tepco nous
permettent de sérieusement douter de la solidité capitalistique, de la
gouvernance et de la pérennité industrielle des opérateurs nucléaires
japonais. Ces difficultés structurelles se reflètent dans la
disponibilité du parc nucléaire japonais. Depuis 1998, elle a
constamment chuté jusqu'à atteindre en 2009 moins de 60 % du
potentiel de production, à comparer à une disponibilité supérieure à
75 % en France et 80 % aux États-Unis ou en
Allemagne. »
Avant d'être submergée par un raz-de-marée, la centrale de
Fukushima-Daiichi a résisté à un séisme d'une magnitude exceptionnelle.
Cela ne manquera pas de nourrir la confiance des plus optimistes. Mais
nul ne peut assurer avec une absolue certitude qu'aucune catastrophe
nucléaire ne surviendra jamais en France. Reste à en évaluer le risque
et les conséquences potentielles, puis à les mettre en perspective.
Berlin aurait abandonné l'atome en marge de toute concertation
européenne. Quoique sa décision soit vraisemblablement dictée par un
calcul électoral, cette désinvolture peut sembler significative d'une
matière où les arbitrages apparaissent authentiquement politiques.
Le social s'en mêle
L'expertise et la technocratie ne sauraient suffire quand sont
en jeu, tout à la fois, l'indépendance du pays, la santé de ses
habitants, la compétitivité de son économie. Aux méfaits potentiels des
radiations, il convient de confronter les conséquences avérées de la
pollution atmosphérique ; au risque de mettre en friche un
territoire sinistré, on opposera la crainte de fragiliser l'emploi...
« Depuis le début du débat sur la sortie rapide du nucléaire,
le prix du kilowatt-heure à la bourse de l'électricité a augmenté de
10 % et celui des certificats d'émissions de CO2 de
2 euros la tonne », souligne Utz Tillmann, directeur
de la fédération allemande de la chimie (Les Échos,
31/05/2011). « Notre industrie ne peut répercuter ces hausses
sur ses produits », a-t-il prévenu. « À terme, si
notre politique d'innovation ne peut déboucher sur la mise sur le
marché de produits à des prix concurrentiels, l'industrie devra se
poser la question de rester ou non sur le sol allemand. »
Reste que le nucléaire suscite un effroi tout
particulier. Parce qu'il touche à l'intimité de la matière,
que ses méfaits s'enracinent durablement dans l'environnement, qu'il
suscite un danger invisible... Agitant à tout va le principe de
précaution, la société feint de croire qu'elle va bannir le risque.
Tout au plus le rendra-t-elle plus diffus. Quitte à restreindre les
marges de manœuvre du politique.
3 juin 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Tous les mois, une pluie de remontrances en provenance de
Bruxelles s'abat sur les États membres de l'UE. Parmi les communiqués
diffusés le 19 mai par la Commission européenne, six
concernaient la France.
Ainsi Paris est-il suspecté de ne pas avoir transposé une
directive portant sur la gestion des déchets. Ou de mettre en œuvre des
projets d'infrastructures sans procéder aux évaluations nécessaires
portant sur la sécurité routière. Il négligerait par ailleurs la
qualité de l'air, alors que le taux de particules en suspension
dépasserait les valeurs limites dans seize zones du territoire
national. Bruxelles pointe également les cagoules des sapeurs-pompiers,
pour lesquelles Paris exige des conditions de sécurité étrangères aux
dispositions communautaire – au risque d'« entraîner une
distorsion sur le marché intérieur ». En outre, il est
reproché à la France de restreindre l'accès à son marché du lait de
brebis, du lait de chèvre et de leurs produits dérivés, et d'invoquer à
cet effet un prétexte fallacieux, la crainte de la tremblante
(l'équivalent, chez les ovins et les caprins, de la "maladie de la
vache folle") étant jugée déplacée.
Fiscalité et "libre circulation"
La fiscalité n'est pas en reste. Elle se heurte, à nouveau, au
principe de "libre circulation", dont on sait que l'acception
européenne est très large. En cause : le code général des
impôts, affectant d'une retenue à la source les dividendes versés à
l'étranger. « Du fait de cette discrimination, les fonds de
pension et d'investissement établis dans d'autres pays de l'UE [...]
sont désavantagés par rapport à leurs contreparties établies en France,
et les clients français risquent donc de bénéficier d'un choix de fonds
de pension et d'investissement moins important », soutient la
Commission. L'année dernière, la France aurait introduit de nouvelles
dispositions en vertu desquelles les revenus d'actions distribués aux
organismes sans but lucratif (y compris les fonds de pension), qu'ils
soient ou non établis en France, seraient imposés au taux forfaitaire
de 15 %. Toutefois, relève Bruxelles, « il semble
qu'en l'absence de modalités d'exécution administratives plus
détaillées, ces changements n'aient pas été appliqués dans la
pratique ».
Enfin, la profession de notaire pourra désormais être exercée
par des ressortissants étrangers. Ainsi en a décidé la Cour de Justice
de l'Union européenne le 24 mai, au motif que cette activité
ne relève pas, selon son interprétation, de « l'exercice de
l'autorité publique ». Le cas échéant, l'Union européenne
consent tout de même à s'accommoder de quelque préférence nationale.