Le parasite et la fourmi

7 juin 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Petite pique en direction de François Hollande, thuriféraire des eurobonds.

D'une pauvreté affligeante, les premières conférences de presse du président Hollande lassent davantage que celles de son prédécesseur, qui ne ménageait pas nos confrères, mais savait ponctuer ses interventions de quelques touches d'humour.

Le 23 mai, le nouvel hôte de l'Élysée s'est fendu d'une question qui se voulait rhétorique : « Est-il acceptable que certaines dettes souveraines pour être financées soient obligées de consentir des taux d'intérêts à plus de 6 % et que d'autres pays [puissent] accéder à des financements à des taux d'intérêts voisins de zéro dans la même Union monétaire, budgétaire ? » Or, si l'Union monétaire constitue une réalité, certes chaotique, l'union budgétaire demeure un fantasme. Lequel se réaliserait à la faveur d'une mutualisation des emprunts obligataires promue par François Hollande. En Europe comme en France, sans doute s'agit-il de faire payer les riches – comprenez l'Allemagne. On imagine avec quelle facilité celle-ci va se laisser convaincre : la fourmi n'est pas prêteuse... Autant parasiter ouvertement les sommets internationaux !

Dans un accès de magnanimité, Berlin semble enclin à inscrire aux calendes grecques l'introduction des "eurobonds". On attend avec impatience les conclusions du prochain Conseil européen, dont le chef de l'État se gargarisera vraisemblablement comme il fit de celles du G8, après y avoir glissé une coquille vide – en l'occurrence, le mot "croissance". « Je considère que le mandat que j'avais reçu du peuple français a été, dans un premier temps, déjà honoré », a-t-il déclaré, fort de son succès diplomatique. Rien de plus "normal" !

L'Argentine, un pays rebelle

21 mai 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Au milieu du village global, un pays résiste, encore et toujours, aux canons de la mondialisation promus par les artisans de la gouvernance planétaire...

À la faveur de l'élection présidentielle, la France aurait « réaffirmé sa profonde vocation républicaine, qui fait primer la volonté politique sur la fatalité des marchés, la sensibilité sociale sur les recettes financières, et la justice et la solidarité sur l'exclusion », selon Hugo Chavez. S'agit-il d'un soutien de poids pour François Hollande ? Affaibli par la maladie, bientôt sur le départ, le président du Vénézuela s'est fait voler la vedette, sur la scène latino-américaine, par son homologue argentin, Cristina Kirchner.

Repsol exproprié

Celle-ci s'attire les éloges des pourfendeurs de la mondialisation, tel Aymeric Chauprade : « l'Argentine [...] apporte au monde une preuve supplémentaire que la voie du redressement et de la liberté des peuples passe par l'indépendance nationale et la rupture » avec le FMI, la Banque mondiale, l'Union européenne, etc., a-t-il écrit sur son blog. Il y a dix ans, déjà, Buenos Aires s'était distingué en cessant de rembourser quelque 100 milliards de dollars de dette extérieure. Aujourd'hui, il pratique « un protectionnisme décomplexé », comme le relevaient, début mars, nos confrères de La Tribune. De fait, « pour exporter en Argentine, on doit s'engager à importer des produits argentins ou à investir dans le pays pour ne pas risquer de voir ses produits bloqués aux douanes. Parmi les cas les plus connus, le constructeur automobile allemand Porsche a dû en 2011 s'engager à acheter du vin et de l'huile d'olive argentins pour faire entrer une centaine de véhicules. Le fabricant canadien Blackberry a dû, lui, annoncer l'ouverture d'une unité de production en Terre de Feu (sud) pour continuer à vendre ses portables. » Cependant, « en janvier, lassée des retards provoqués par les nouveaux contrôles, le constructeur automobile Fiat a arrêté son usine de Ferreyra (Cordoba, centre) pendant 48 heures. Un avertissement pour le gouvernement. »

Celui-ci ne semble pas se laisser démonter, comme en témoigne la nationalisation de la société pétrolière YPF, aux dépens du groupe espagnol Repsol... et dont pourrait profiter Total, qui en était déjà un partenaire habituel. Scandalisés, le Washington Post et le Wall Street Journal ont appelé à exclure l'Argentine du G20, où son voisin chilien mériterait de lui succéder. En réaction, le gouvernement espagnol a annoncé une limitation des importations de biodiesel argentin. Mais selon l'analyse du Fauteuil de Colbert, publiée par l'Alliance géostratégique (AGS), « il va sans dire que Madrid est quelque peu démunie dans cette crise. La Commission européenne a beau dire que... la Commission européenne ne peut rassembler ni coalition, ni moyens de coercitions pour soutenir l'Espagne. Cerise sur le gâteau, le nouveau gouvernement de Mario Rajoy prend à peine ses marques dans une Espagne exsangue, et la contestation sociale gronde. »

Les Malouines

Cela étant, poursuit l'auteur, « il y a [...], forcément, quelques probabilités que la crise argentino-espagnole ne vienne heurter le conflit anglo-argentin ». Voilà tout juste trente ans se déroulait la guerre des Malouines. Depuis, le différend opposant Londres et Buenos Aires ne s'est jamais dissipé. Les tensions se sont même ravivées à l'approche de cet anniversaire, puisque les navires battant le pavillon de l'archipel ne sont plus autorisés à accoster dans les ports argentins... Dans cette affaire, Mme Kirchner bénéficie d'ailleurs du soutien de la Bolivie, du Brésil, du Chili et de l'Uruguay.

Ces deux crises, avec l'Espagne d'une part, le Royaume-Uni d'autre part, « gravitent autour de la question des richesses pétrolières qui gisent au large des côtes du Brésil et de l'Argentine - et en Guyane », explique le Fauteuil de Colbert. « Sous cet angle, il est moins certain que l'action argentine actuelle ne vise qu'à détendre les cours actuels de l'or noir sur le marché argentin. Cette action n'a-t-elle pas quelques visées à plus long terme ? » L'auteur relève encore « des enjeux de puissance car les richesses pétrolières brésiliennes permettrait à Brasilia de produire plus d'or noir que BP ou Exxon ». Quoi qu'il en soit, conclut-il, « il est possible de se demander si Buenos Aires peut faire face à deux crises sérieuses avec deux pays ayant des intérêts voisins dans les deux conflits ».

Facebook rebat les cartes

21 mai 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Les nouveaux services de la Toile présentent une dimension stratégique.

Facebook espérait placer plus de 300 millions d'euros à l'occasion de son entrée en bourse. Une somme à la mesure des bouleversements accompagnant l'émergence des réseaux sociaux. Lesquels affectent les modalités de navigation sur la Toile, mais aussi la sécurité nationale, voire le déroulement des conflits armés.

Le ministère de la Défense vient d'ailleurs de publier un "guide de bonnes pratiques" à l'intention des militaires s'exprimant sur le "web 2.0". « De simples statuts, photos ou vidéos peuvent parfois contenir des informations stratégiques », prévient l'Hôtel de Brienne. De fait, l'année dernière, un marin embarqué sur le Charles de Gaulle avait annoncé sur Facebook son départ pour la Libye avant que le déploiement du porte-avions soit rendu public...

Dans un entretien accordé à Florent de Saint Victor, publié par l'Alliance géostratégique (AGS), Marc Heckern, chercheur à l'Irsem, évoque l'annulation d'une opération programmée par Tsahal, après qu'un soldat israélien eut annoncé sur Facebook : « Mercredi, on nettoie [le village de] Qatana et jeudi, si Dieu le veut, on rentre à la maison. » Quant à la rébellion libyenne, Charles Bwele rapporte, toujours sur le site de l'AGS, qu'elle a pratiqué une utilisation intensive de Twitter et même détruit un véhicule lance-roquettes par la magie du net : « Grâce à leurs ordinateurs portables, à leurs smartphones et à Google Earth », les guérilleros « purent orienter et ajuster précisément leurs tirs », atteignant leur cible en dépit de leur piètre expérience.

Preuve que les cartes sont bel et bien rebattues à l'heure de la révolution numérique.

La France des cols bleu Marine

20 avril 2012

Chronique enregistrée pour RFR le dimanche 1er avril 2012.

Nos auditeurs savent-ils dans quelles conditions sont fabriqués les Iphone qu'ils trimballent dans leur poche ? Ils sont assemblés en Chine, dans une usine où l'on travaille souvent plus de quarante-neuf heures par semaine. C'est davantage que le plafond légal fixé dans l'empire du Milieu. Cela ressort des conclusions d'un audit réalisé par la Fair labor association, dont les conclusions ont été publiées jeudi dernier (le 29 mars 2012).

Que les fanatiques d'Apple se rassurent : ils ne sont pas coupables de contribuer à faire travailler des enfants. De toute façon, mon intention n'est pas de les accuser de quoi que ce soit. Je cherche plutôt à les mettre en garde contre l'avenir qui nous est réservé.

En effet, un candidat à l'élection présidentielle a proclamé son ambition de fabriquer des smartphones non pas en Chine, mais en France. Et je ne vous parle pas d'un candidat de seconde division. Bien au contraire : selon des analyses manifestement très sérieuses, ce candidat-là serait le mieux placé pour vaincre François Hollande au second tour. C'est un serviteur illustre de la France, l'incarnation même de la nation, la nouvelle Jeanne d'Arc ! Demain, les royalistes marcheront sur Reims aux côtés de Marine Le Pen.

En attendant, quand un Iphone est importé aux États-Unis, étant donné l'origine des différents composants, ce sont seulement 4 % de son prix qui reviennent à la Chine. 4 % : s'agit-il de la part que l'égérie populiste voudrait réserver à la France ? 4 %, contre 14 % à la Corée du Sud, 18 % à l'Allemagne, 36 % au Japon ?

Aux yeux d'un certain nombre d'économistes, tel Olivier Bouba-Olga, « on peut donc opposer deux stratégies en matière de politique industrielle » : d'une part, la stratégie popularisée par la campagne électorale, « qui vise à soutenir la production de biens "made in France" vendus en France » ; d'autre part, « la stratégie japonaise ou allemande, qui vise à être bien placé dans les processus de production de produits "made in monde" vendus... partout dans le monde ».

Prétendre que l'on serait plus ou moins patriote selon que l'on promeuve l'une ou l'autre de ces stratégies, c'est une belle ânerie, permettez-moi de le dire. Hélas, les royalistes se rendent volontiers complices d'une instrumentalisation démagogique du sentiment national. Je suis désolé de le proclamer à ce micro, mais le "patriotisme économique", à bien des égards, c'est à l'économie ce que le "bio" est à l'agriculture. C'est un gadget marketing, dont la mise en œuvre suppose une normalisation hasardeuse, pour des bénéfices vraisemblablement marginaux.

Érigé en politique, d'aucuns prétendent qu'il serait même « suicidaire ». Parce que si vous vous interdisez de délocaliser certaines activités, vous renoncez également à allouer de façon optimale les ressources dont vous disposez. Le problème se pose en termes similaires à propos des progrès techniques. Cela n'a pas échappé aux parlementaires de l'UMP, dont on connaît l'ultra-méga-super-libéralisme. J'en tiens pour preuve deux propositions de loi déposées il y a quelques mois : d'abord, celle du député Alain Moyne-Bressand, « visant à interdire la généralisation des caisses automatiques aux barrières des péages » ; ensuite, celle du sénateur Alain Houpert, visant à « assujettir aux prélèvements sociaux le chiffre d'affaires réalisé par les caisses automatiques ».  En Allemagne, on compte, paraît-il, trois fois plus de robots industriels que chez nous. Demandez-vous pourquoi l'économie d'outre-Rhin est réputée plus compétitive que la nôtre...

On prétend sauvegarder l'emploi en s'opposant à la technique ou à la mondialisation. Mais conserver, c'est dépérir ! Entasser du blé dans un grenier, stocker des aliments sous vide, cela permet de subsister quelques mois, voire quelques années. S'il convient de se préparer à affronter les disettes, cela ne saurait nous détourner du travail quotidien de la terre, ni des semis réguliers : sans cesse nous devons remettre l'ouvrage sur le métier ! C'est la vie, et nulle incantation volontariste n'y changera jamais quoi que ce soit.

Les cas de relocalisation en témoignent : ils ne concernent pas des emplois recrées à l'identique, mais ils résultent généralement d'un repositionnement de l'activité vers une offre de meilleure qualité. Par conséquent, si nos responsables politiques témoignaient d'un peu  de "patriotisme économique", ils commenceraient par sortir de la farandole courant de Florange à Petit-Couronne, où les candidats à l'élection présidentielle défilent pour visiter les usines du passé. Catoneo l'a martelé sur Royal Artillerie : « Plutôt que de lever le poing au ciel, nous devons développer de l'industrie à travers des métiers neufs et sans tarder, car les courbes ne s'inverseront pas. Innovons ! Découvrons ! Inventons ! »

Vincent Benard a lancé cet avertissement relayé par l'Institut Turgot : « Si nous ne corrigeons pas le tir, le déclin de notre système éducatif et notre fiscalité punitive de la prise de risque pourraient, dès le second tiers du présent siècle, cantonner un pays comme la France au rôle de pourvoyeur de cols bleus mal payés pour le compte de décideurs des pays émergents. » Je vous l'ai dit : on fabriquera des smartphones en France... Bien que ses concurrents ne s'en distinguent pas fondamentalement, au moins Marine Le Pen annonce-t-elle fièrement la couleur.

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L'appel pressant de la latinité

2 mars 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Bénéficiant d'une immense popularité en Amérique latine, la France aurait négligé, des années durant, de mettre à profit un tel atout. Il est temps de réparer cette erreur, martèle, plein d'enthousiasme, le député Jean-Luc Reitzer.

La France « compte-t-elle enfin définir et mettre en œuvre la politique latino-américaine qu'elle n'a jamais eue ? » Telle est la question posée par Jean-Luc Reitzer, député UMP du Haut-Rhin, en conclusion d'un rapport d'information enregistré le mois dernier (en février 2012) à la présidence de l'Assemblée nationale. Fervent promoteur d'un rapprochement avec l'Amérique latine, il doute « qu'aucun autre pays ait été aussi adulé que la France l'a été par les élites de la région ». Toute une génération de Brésiliens a d'ailleurs été formée à la culture française, suivant l'enseignement dispensé par les Alliances françaises. Pourtant, regrette le parlementaire, « il n'est pas certain que la France ait toujours su répondre à l'attente qu'elle a suscitée ». Sa présence dans la région souffrirait de la comparaison avec ses voisins européens. Par son silence, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale l'avait confirmé en 2008 : « Le sous-continent latino-américain est clairement le grand absent de notre réflexion diplomatique et stratégique. »

Continuité gaullienne

Cela ne date pas d'hier. À la veille d'un voyage en Amérique latine, le général De Gaulle, alors président de la République, avait confié à Michel Debré qu'il partait « sans programme diplomatique bien précis ». Tout au plus cherchait-il des partenaires susceptibles d'interférer dans le tête à tête de Moscou et Washington. « On ne s'est jamais vraiment intéressé à l'Amérique latine pour ce qu'elle est ou pouvait être, au mieux pour ce qu'elle pouvait apporter dans un équilibre multipolaire », analyse Jean-Luc Reitzer. De ce point de vue, Jacques Chirac s'inscrirait dans la continuité de son prédécesseur, développant des relations bilatérales afin « de trouver des appuis, au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies par exemple, pour peser dans la relation tendue que la France avait avec les États-Unis au long de ces deux présidences ».

De fait, « l'Amérique latine dans son ensemble est désormais vue par la France comme un partenaire obligé, indispensable pour faire avancer les grands dossiers internationaux », tels le réchauffement climatique ou la sécurité alimentaire. Cela étant, en dépit de multiples convergences avec Paris, Brasilia n'a pas caché les réserves que lui inspiraient ses interventions en Côte d'Ivoire et en Libye. Mais les relations commerciales constituent « la première pierre d'achoppement ». D'autant que la France a pris la tête de l'opposition européenne à la conclusion d'un accord avec le Mercosur, dont risqueraient de pâtir les exploitants hexagonaux : « Je ne serai pas le président qui laissera mourir l'agriculture française », a prévenu Nicolas Sarkozy.

Multilatéralisme

Si l'on excepte le "partenariat stratégique" – mais non exclusif, loin s'en faut – mis en œuvre avec le Brésil, « la dimension purement bilatérale de notre action vis-à-vis des pays d'Amérique latine ou, du moins, de certains d'entre eux, [...] semble réduit à une portion de plus en plus congrue », déplore le rapporteur. Selon lui, « la tendance à la multilatéralisation de la relation de la France avec les pays d'Amérique latine, si elle n'est évidemment pas récente, n'a fait que se confirmer au fil du temps, à mesure que l'action bilatérale tendait à décroître ». À l'heure actuelle, la France s'implique plus particulièrement dans la Banque interaméricaine de développement (BID). Elle figure au premier rang des seize pays européens actionnaires de l'institution, à égalité avec l'Allemagne, et dispose d'un siège au Conseil d'administration, partagé par rotation avec l'Espagne. « Il s'agit là évidemment d'un atout considérable », estime le député du Haut-Rhin. Un tel statut permettrait à la France de « conforter sur le long terme sa présence régionale, que ce soit sur des questions relatives à l'APD [l'aide publique au développement], au bénéfice des pays les moins développés de la zone, ou sur des enjeux plus économiques, dans les plus importants ». Selon Jean-Luc Reitzer, « un véritable potentiel s'offre ainsi aux entreprises françaises. Une collaboration s'est d'ailleurs très vite instaurée entre l'AFD [l'Agence française de développement ] et la BID, de plus en plus étroite. » C'est même sur la base d'une étude préalable financée par la BID qu'Alstom a remporté le marché du métro de Panamá, nous dit le rapporteur.

Quoique les marchés n'y soient pas d'un accès toujours aisé, la période actuelle est jugée faste pour les "investissements directs à l'étranger" (IDE) en Amérique latine. « Il apparaît toutefois que les IDE français restent relativement limités et que la France ne profite pas comme elle le pourrait de cette dynamique régionale. De sorte que bien que certaines entreprises françaises aient participé fortement aux privatisations sud-américaines au milieu et à la fin des années 1990, nos IDE ne dépassent que rarement 3 % des flux globaux que reçoit aujourd'hui le sous-continent. » Le rapporteur pointe « une certaine frilosité », sans occulter de « remarquables succès », telles l'implantation durable au Brésil de Carrefour, Casino et Suez, ou la présence de Sodexho au Pérou, où la société est devenue, comme au Chili, le premier employeur. En outre, « si elle est modeste, la présence des IDE français n'est cependant pas anodine ». Elle aurait même tendance à s'accroître ces dernières années.

Le Brésil rafle la mise

La majorité des investissements français en Amérique latine (près de 70 %) sont dirigés vers le Brésil, où ils enrichissent un "stock d'IDE" près de deux fois plus important qu'en Chine ! « Parmi les principales opportunités actuelles, de très gros projets sont envisagés dans les transports – TGV Rio de Janeiro-Campinas –, dans la génération d'énergie, sur laquelle Alstom et GdF-Suez sont sur les rangs avec les projets de barrage de Belo Monte et Jirau, ainsi que dans les domaines spatial ou nucléaire, qui intéressent respectivement des sociétés comme Thalès, Ariane Espace et Areva. PSA, qui a annoncé par ailleurs un investissement de 940 millions d'euros en Amérique latine, produit quelque 150 000 véhicules par an au Brésil. »

En 2010, la part de l'Amérique latine dans notre commerce extérieur se limitait à 2,7 %. Or, soutient Jean-Luc Reitzer, « les milieux d'affaires, qu'ils soient Français expatriés ou non, sont majoritairement désireux d'une présence supérieure de notre pays dans la région ». Le député se fait l'écho d'une exceptionnelle francophilie : « Quand bien même les relations, commerciales notamment, seraient-elles aujourd'hui plus importantes avec d'autres pays européens qu'avec le nôtre, les interlocuteurs, unanimes, n'en soulignent pas moins que "la qualité du dialogue n'est pas la même" et qu'"il n'y a pas la même identification", voire, même, pas les a priori dont d'autres peuvent pâtir. La relation avec la France est toujours présentée comme particulière, voire unique, non stéréotypée, à l'inverse de ce qui se passe pour d'autres, et il ne tient qu'à la France de savoir profiter de cet avantage incomparable. Tel est [...] le message que la mission a continûment entendu. »

Vers un choc des cultures ?

Au-delà des IDE, des transferts de compétences sont escomptés. Le savoir-faire de la France en matière de tourisme constituerait une expérience précieuse pour l'Équateur, par exemple. D'ores et déjà, la collaboration scientifique de part et d'autre de l'Atlantique s'avérerait très fructueuse. Selon le rapporteur, « la France pourrait opportunément tirer profit de son image et de l'attente qu'elle suscite pour compléter son offre actuellement centrée sur la création de lycées d'excellence en échange de la réintroduction de l'enseignement du Français dans les cursus scolaires ». Une carte à jouer parmi tant d'autres...

« De l'avis unanime », explique-t-il, « la proximité culturelle contribue grandement à résoudre les difficultés éventuelles ».En ce sens, poursuit-il, « la latinité est un atout considérable ». Cependant, prévient-il, « l'appui traditionnel des élites sur lequel la France a longtemps compté pour entretenir son image et ses positions en Amérique latine risque d'évoluer et d'être à l'avenir un instrument moins efficace, ne serait-ce que parce nombre d'entre elles sont plus facilement allées étudier aux États-Unis qu'en France ». Aussi celle-ci devrait-elle se mobiliser sans tarder pour « ne pas rater le coche ». D'autant que « si l'Amérique latine se sent aujourd'hui globalement toujours occidentale, certains pays sont désormais sur des registres en partie, voire radicalement, différents. C'est le cas en premier lieu de la Bolivie. » D'une certaine manière, il faudrait tenir compte, dorénavant, « d'une forme de choc des cultures ».

Manuels scolaires d'un nouveau genre

22 février 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand l'Assemblée nationale se saisit d'une polémique à la suite des Associations familiales catholiques.

L'année dernière, une polémique s'était ouverte tandis qu'on découvrait de nouveaux manuels de sciences de la vie et de la terre (SVT) destinés à des élèves de Première. La notion de "genre" s'y trouvait complaisamment présentée, quoiqu'elle ne soit pas explicitement citée dans les programmes de l'Éducation nationale. « Ce sont donc certains manuels qui [...] ont développé une approche quelque peu exploratoire de la question », soutient  Xavier Breton, député UMP de l'Ain.

Un arbre de Noël

À l'automne, une commission de l'Assemblée nationale l'avait chargé d'animer un groupe de travail créé en raison de cette controverse. Dans ses conclusions, mises en ligne le 1er février, il relève un « décalage entre le pouvoir prêté au manuel et la réalité de son utilisation ». En effet, explique-t-il, « le contenu du manuel est toujours perçu comme étant prescriptif alors qu'il n'est plus conçu, comme ce fut le cas auparavant, comme un "doublon" du programme ». De fait, « le manuel ressemble désormais à un "arbre de Noël" ou à des "extraits de presse" » – un format censé « aider les enseignants à mettre en œuvre une pédagogie fondée sur le questionnement et l'interaction en classe »...

M. Breton n'en déplore pas moins un manque de concertation : « C'est uniquement à la demande des éditeurs, et donc de manière ponctuelle, que des réunions sont organisées avec la direction générale de l'enseignement scolaire et les groupes d'experts afin de présenter l'esprit » des nouveaux programmes. Revisés tous les cinq ans en moyenne, ceux-ci sont élaborés selon une procédure jugée « peu transparente ». À l'opposé, « devrait-on [...] prévoir l'organisation de débats démocratiques sur les projets de programmes ? » Selon le député de l'Ain, ce serait « prendre le risque que ces discussions débouchent sur ce que certains n'hésiteraient pas à appeler des "victoires"  ou des "défaites"  au regard des opinions défendues. Dans ces conditions, aux yeux d'une partie de l'opinion, l'école ne pourrait plus être ce lieu neutre où l'on acquiert des connaissances et des compétences. »

Mme Françoise Imbert, député PS de Haute-Garonne, s'accommoderait volontiers d'une telle situation. Intervenant lors d'un débat en commission, elle a jugé essentiel que les manuels scolaires soient conçus de façon à « faire évoluer les représentations de la femme dans notre société ». « Ne faisons pas de cet objet [...] l'enjeu d'une lutte politique », lui a rétorqué Jean-Pierre Giran, député UMP du Var.

Au fond, c'est bien la mission assignée à l'École qui est en cause. La tentation est grande de l'instrumentaliser à des fins idéologiques. Or, à la faveur de l'indignation relayée par les Association familiales catholiques, plusieurs parlementaires ont suggéré que le choix des manuels soit soumis à l'approbation de l'État, ou du moins orienté par l'attribution d'un label officiel. C'est dire la perversité de la République, susceptible de retourner à son avantage les critiques les plus légitimes...

Les déboires de l'euro, symbole d'une République en faillite

26 janvier 2012

Chronique enregistrée pour RFR le lundi 23 janvier 2012.

L'année dernière, quelques prophètes avaient annoncé que l'euro ne survivrait pas à 2011 – c'était le cas, on s'en souvient, d'Emmanuel Todd. L'entrée dans la nouvelle année les a couverts de ridicule ! Bien sûr, le spectre d'un éclatement de l'Union économique et monétaire hante les esprits. Mais si l'on s'en tient au cours des devises, en dépit d'une inflexion récente à la baisse, force est de constater que l'euro inspire toujours confiance. Quant à nos auditeurs, je doute qu'aucun commerçant les ait jamais priés de régler leurs achats en or ou en dollars. Chacun peut donc le constater au quotidien : l'euro n'est pas en crise. Du moins, pas au sens strict.

D'ailleurs, la crise de la dette est loin d'affecter les seuls États partageant la monnaie unique, quoique celle-ci leur complique effectivement la tâche pour en sortir. Le redressement des comptes publics est devenu une préoccupation majeure au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Japon aussi. C'est dire la légèreté avec laquelle on attribue parfois à l'euro la responsabilité de tous nos malheurs.

En fait, les souverainistes me rappellent ces gens qui, au lieu de condamner les violeurs, incriminent leurs victimes, coupables de les avoir tentés en affichant leur féminité. Tu portais une mini-jupe ? C'est bien fait pour ta gueule ! Cool... On sait que les Grecs ont maquillé leurs comptes publics ; mais ils en sont tout excusés, puisque c'était pour coller aux critères de convergence du traité de Maastricht. Ils se sont trop endettés : c'est encore la faute de l'euro, puisque celui-ci leur a permis de le faire à moindre coût. Parallèlement, on nous explique que la France pâtirait non pas de l'ampleur de ses emprunts, mais de leur coût depuis qu'ils sont souscrits sur les marchés financiers. Bonjour la cohérence.

Tout cela me semble symptomatique d'une démarche idéologique. Évoquant l'"empirisme organisateur" cher à l'AF,  Maurras.net explique qu'il s'agit « de "voir les faits", de se laisser guider par eux, sans faire intervenir un vocabulaire sentimental. Rien ici n'est de l'ordre de la détestation, de l'indisposition, ou d'un mouvement de l'âme si cher aux politiques romantiques et, plus tard, aux démagogues électoraux qui y trouvent le moyen de remuer les foules d'électeurs ou d'émeutiers. » Présentant l'attitude de Maurras à l'égard des colonies, le site précise que celles-ci n'étaient jugées « ni bonnes ni mauvaises métaphysiquement ». En effet, « ce sont les conditions objectives de leur développement, de leur maintien, de leur profit pour la nation qu'il s'agit d'examiner ». Sans préjuger des conclusions, je pense qu'il faudrait faire de même avec l'euro. D'autant que s'en débarrasser, c'est autre chose que de ne pas l'avoir adopté...

J'en vois déjà certains sauter sur leur chaise comme des cabris en disant "souveraineté", "souveraineté". Mais cela ne recouvre rien de concret. Leur discours n'est que le paravent d'un idéalisme républicain, dont participe la dénonciation récurrente du "déficit démocratique". Par cette expression, on ne pointe pas la capacité des responsables politiques à décider ou non en toute indépendance, mais leur inclination à court-circuiter le Sénat et l'Assemblée par l'entremise des institutions européennes. Marine Le Pen n'a pas manqué de verser dans cette rhétorique : dans son projet présidentiel, elle se félicite de l'élection des eurodéputés au suffrage universel direct, et déplore que leurs pouvoirs n'aient pas été davantage accrus. C'est un comble ! En effet, des trois sommets constituant le "triangle institutionnel" de l'Union européenne, le Parlement est clairement le plus fédéral.

Parlons plutôt de puissance et d'indépendance, mais sans faire de celle-ci un absolu. Laisser sa voiture au garage, pour lui préférer le train, voire l'avion, c'est sacrifier un peu de son indépendance, mais cela n'en reste pas moins un choix souverain, motivé, vraisemblablement, par la volonté de s'ouvrir de nouveaux horizons. Quant à l'achat d'une voiture, cela va sans dire, il présenterait peu d'intérêt pour un individu qui ne serait pas en mesure de conduire. C'est pourquoi la perspective d'un retour au franc ne devrait susciter qu'un enthousiasme modéré. En effet, si l'État disposait à nouveau du levier monétaire, saurait-il l'actionner à bon escient ? Déplorant les dévaluations à répétition, Jacques Bainville en a jadis douté.

Quoi qu'il en soit, la question mérite d'être posée. D'autant qu'il ne faudrait pas prendre nos politiciens pour plus bêtes qu'ils ne sont. Ils savaient bien à quels impératifs devait nous soumettre l'adoption d'une monnaie unique. En l'occurrence, une stricte discipline budgétaire, ainsi qu'une grande flexibilité économique censée compenser les écarts de compétitivité. Or, depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, la France a fait voler en éclats le Pacte de stabilité, tout en rechignant à libéraliser davantage son économie.

Peut-être avons-nous échappé au pire, me direz-vous. La République n'en apparaît pas moins incapable d'assumer les conséquences de ses propres décisions, bonnes ou mauvaises. En cela, les déboires de l'euro sont le symbole d'une République en faillite. À l'approche de l'élection présidentielle, les royalistes seraient bien inspirés de le marteler.

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Saint-Barthélémy : Bruxelles chassé des Antilles

24 janvier 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Bien qu'elle conserve l'euro, l'île de Saint-Barthélémy vient de s'émanciper de l'influence de l'UE, jugée trop pesante en l'absence de compensations financières.

En dépit des incertitudes pesant sur l'Union économique et monétaire, un territoire ultramarin s'accroche à l'euro : conformément au souhait exprimé par les autorités de Saint-Barthélémy, un traité négocié avec l'UE vient d'être ratifié par la France afin d'y maintenir la monnaie unique. Depuis le 1er janvier 2012, cette île des Antilles n'est plus comptée au nombre des régions ultra-périphériques (RUP) de l'Union européenne. C'est pourquoi, en l'absence d'un tel accord, elle aurait dû se doter de sa propre devise, fondée vraisemblablement sur le dollar américain, si l'on en croit Éric Doligé, sénateur du Loiret et vice-président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer.

De la RUP au PTOM

Bénéficiant d'un "régime d'association", Saint-Barthélémy se range désormais, aux yeux de Bruxelles, parmi les pays et territoires d'outre-mer (PTOM). S'étendant sur 25 km², peuplée aujourd'hui de 8 500 habitants, l'île fut cédée par Louis XVI à la Suède en 1684, avant de redevenir française en 1878. Elle demeura rattachée à la Guadeloupe, en qualité de commune, jusqu'au 15 juillet 2007, date à laquelle elle se mua en collectivité d'outre-mer, à la suite d'un référendum organisé quatre ans plus tôt. Sa transformation en PTOM s'inscrit dans la continuité de cette évolution, quoique les statuts français et européens soient indépendants l'un de l'autre : « Saint-Barthélemy aurait pu conserver, comme Saint-Martin par exemple, le statut de RUP, tout en étant devenue une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution », souligne Éric Doligé. Cela étant, selon son conseil territorial, « l'évolution du statut européen de Saint-Barthélemy exclut toute idée d'indépendance de Saint-Barthélemy [qui] est, et restera, partie intégrante de la France ».

« L'île a souhaité gagner une certaine liberté par rapport aux règles européennes en devenant PTOM, notamment pour pouvoir commercer avec sa zone géographique », explique le sénateur. Dorénavant, conformément au code général des collectivités territoriales, Saint-Barthélémy « est compétente en matière douanière, à l'exception des mesures de prohibition à l'importation et à l'exportation qui relèvent de l'ordre public et des engagements internationaux de la France, des règles relatives aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions pénales et des procédures contentieuses en  matière douanière ».

Fonds structurels

Entre autres considérations invoquées par les autorités locales, figurait la crainte que l'harmonisation progressive des législations européennes remette en cause, à terme, la fiscalité spécifique applicable à leur territoire. Surtout, la stricte application des normes européennes n'irait pas sans effets pervers : ainsi, l'abaissement de la teneur en benzène dans l'essence sans plomb, de 3 à 1 %, aurait conduit à majorer de 22 centimes d'euros le prix du litre de carburant distribué sur l'île. Éric Doligé critique ouvertement la technocratie bruxelloise : « J'ai toujours été frappé par l'imposition de normes ne correspondant pas à la réalité des territoires d'outre-mer, obligés d'importer d'Europe, à 10 000 kilomètres, des produits qu'ils pourraient trouver à 100 kilomètres », a-t-il déclaré lors d'une réunion en commission. Saint-Barthélémy ne serait pas le seul territoire concerné : « La Guyane n'a pas le droit d'utiliser l'essence brésilienne, beaucoup moins chère, parce que sa composition ne correspond pas aux normes européennes », déplore le sénateur.

Forte d'un PIB par habitant supérieur à 75 % de la moyenne européenne, l'île de Saint-Barthélémy n'est pas éligible au bénéfice des fonds structurels de l'UE. D'ailleurs, souligne  Éric Doligé, elle est « le seul territoire qui, au lieu de recevoir de l'argent de la métropole, est un contributeur net ». Dans ces conditions, estime-t-il, en tant que RUP, elle ne pouvait « rien » obtenir de l'Union européenne. « Ceux qui en ont les moyens souhaitent changer de statut », affirme-t-il. Et « ceux qui ne les ont pas restent dans le cadre des règles européennes, en attendant... La Guyane sera peut-être un jour, avec son pétrole, son bois, son or qu'on lui empêche d'exploiter, suffisamment riche pour sortir du statut de DOM et de RUP. » Lorgnant sur la manne des fonds structurels Mayotte n'en formule pas moins le vœu d'accéder aussi vite que possible au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne...