Les armées à l'épreuve de l'État-providence

18 octobre 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Un nouveau manifeste dénonce le désintérêt de la France pour ses armées. Il faudra faire avec, estime, en substance, leur chef d'état-major.

Tandis que le Parlement examine une nouvelle loi de programmation militaire, un manifeste, largement diffusé à l'initiative du général de corps d'armée (2S) Jean-Claude Thomann, brosse le tableau d'une armée française réduite « à l'état d'échantillon ». S'ils ne versent pas dans la nuance, ses auteurs se gardent d'incriminer la seule « disette budgétaire » : selon eux, « la fin de la Guerre froide, les impératifs de l'État-providence et la volonté des "post-modernes" d'en finir avec le "fracas des armes" ont été les abrasifs les plus puissants » à l'origine de cette décadence. Mais les plus hautes autorités du pays n'en ont-elles pas conscience ?

L'ennemi invisible

« En l'absence d'ennemi visible aux frontières, les opinions publiques sont de plus en plus sceptiques vis-à-vis des expéditions lointaines, surtout lorsque les enjeux et les résultats sont indirects », observe l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA). Devant la nouvelle promotion de l'École de guerre, il s'est essayé à un exercice prospective. Aujourd'hui, « certaines opérations durent quelques jours, comme l'évacuation de ressortissants conduite à Beyrouth en 2006 », a-t-il souligné. « D'autres durent quelques mois, comme la Libye, en 2011. La plupart durent plusieurs années, et parfois bien davantage : nous sommes au Liban depuis 1978, soit trente-cinq ans, au Tchad depuis 1986, en Afghanistan depuis 2001. » Or, prévient le CEMA, « cette caractéristique est, pour les années qui viennent, celle qui sera le plus souvent remise en cause ». En effet, explique-t-il, « tant les gouvernements que les opinions publiques font preuve d'impatience, aussi bien dans la vie de tous les jours que dans leur évaluation stratégique. [...] Si l'intérêt d'un outil militaire en complément de la diplomatie est correctement perçu par l'autorité politique, il n'en demeure pas moins que son emploi reste conditionné par le temps médiatique et les contraintes de la politique intérieure. C'est une difficulté supplémentaire pour le commandement militaire, que d'appliquer ce vieux principe de la guerre de l'économie des moyens à un champ médiatique, voire politicien ! »

Le ministère de la Défense britannique se demande, quant à lui, « comment réduire l'opposition croissante de l'opinion publique [...] envers les opérations de combat », rapporte notre confrère Philippe Chapleau, animateur du blog Lignes de défense. Entre autres propositions, il préconise un déploiement accru des drones, des forces spéciales, des sociétés militaires privées et des supplétifs locaux. Appliquées en France, ces mesures ne suffiraient pas à rassurer les "Sentinelles de l'agora" représentées par le général Thomann. De leur point de vue, « l'absence actuelle de menace militaire majeure n'est qu'un simple moment de l'Histoire. [...] C'est une faute vis-à-vis de la sécurité des Français de faire ainsi disparaître un pilier majeur de la capacité de résilience du pays face à une éventuelle situation de chaos, dont nul ne peut préjuger le lieu, l'heure et la nature. » Il serait donc « plus que temps [...] de permettre à la France de se remettre à penser en termes de risques et de puissance stratégique ». Mais dans quelle mesure en serait-elle capable ? C'est la société tout entière qui semble s'y refuser !

Politique d'abord

Cela étant, les institutions ne sont pas sans incidence sur la donne. L'amiral Guillaud se félicite d'ailleurs d'une « singularité » française héritée, dirons-nous, d'une certaine tradition monarchique : « un lien direct dans le domaine des opérations entre le CEMA et le président de la République ». Cela « garantit l'adéquation entre les objectifs politiques et leur traduction en effets militaires, et ce avec une réactivité que beaucoup nous envient », martèle l'amiral, qui cite deux exemples récents : « l'intervention de notre aviation au-dessus de Benghazi, en Libye, le 19 mars 2011 ; et celle de nos forces spéciales, de nos hélicoptères de combat et de nos chasseurs pour bloquer la progression des groupes terroristes vers le Sud malien, le 11 janvier 2013. À chaque fois, l'effet militaire a été appliqué quelques heures seulement après la décision politique. À chaque fois, cette réactivité a été décisive. » Répétons-le encore une fois : c'est un atout à préserver – politique d'abord !

Actarus et les femmes

12 septembre 2013

Suite du feuilleton : cette fois-ci, Goldorak perd des points face au gouvernement.

Précédemment, nous avions opposé Goldorak à un Golgoth d'un nouveau genre, à savoir Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement. Sans scrupule particulier, nous avions pris la défense du premier. Mais voilà que dans un épisode suivant (le vingt-troisième), Actarus se comporte en vrai goujat.

De retour au ranch du bouleau blanc, qu'il avait déserté des heures durant pour combattre Véga, il ne sait comment justifier son absence, provoquant la colère de Vénusia. Alors qu'un cheval s'est enfui dans la montagne, celle-ci veut partir à sa recherche. « C'est trop dangereux pour une femme », lui rétorque Actarus. Dans la version originale, il se montre toutefois plus courtois : « c'est de la folie », se contenterait-il d'avertir, si l'on en croit les sous-titres proposés par AB-vidéo.

Un peu plus loin, en tout cas, les images ne trompent pas. Alors que son amie vient de tomber dans un précipice, le prince d'Euphor se « métamorphose » pour lui venir en aide. Aussi doit-il lui révéler sa véritable identité. Désemparée, voire effrayée, Vénusia se montre distante. Froissé par sa réaction, Actarus la traite d'« idiote ». Pire, il lui donne une claque. Ça craint ! Manifestement honteux de son geste, il ne présentera pourtant aucune excuse.

Sur ce coup-là, il est indéfendable. Un point pour Najat, donc. Affaire à suivre, au fil des parutions en DVD.

Perspectives francophones

5 septembre 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que s'ouvrent à Nice les Jeux de la Francophonie, l'Irsem propose un aperçu des perspectives ouvertes par cette communauté ayant la langue de Molière en partage.

Samedi prochain, 7 septembre 2013, s'ouvriront à Nice, sous la présidence de François Hollande, les VIIe Jeux de la Francophonie. Cet événement ravivera-t-il l'intérêt pour la francophonie, « qui est un atout considérable quelquefois négligé en France », selon le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius ? Dans sa dernière étude, l'Irsem (Institut de recherche stratégique de l'École militaire) en souligne justement la « profondeur stratégique ».

Un fort potentiel

« Dans ce contexte de déterritorialisation de la puissance et de déclassement de la sanctuarisation, la recherche d'influence (soft power) devient nécessairement complémentaire de la puissance pure », affirme Hugo Sada. « Celle-ci doit se construire et se déployer bien au-delà des cadres étatiques, et dans un système international caractérisé par la multiplication des acteurs stratégiques. ». La Francophonie serait « l'un de ces nouveaux acteurs stratégiques, encore relativement mineur, mais doté d'un fort potentiel ».

Dans le Maghreb, annonce Flavien Bourrat, « des possibilités existant de voir le français devenir [...] la langue régionale de coopération y compris en matière de défense et de sécurité ». « Du moment où elle n'est plus perçue comme l'instrument exclusif de projection de la politique française dans la région », la Francophonie « pourrait ainsi constituer la cheville permettant d'articuler et de consolider les liens entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne ». D'ores et déjà, précise Flavien Bourrat, « on constate que les relations denses et les échanges qu'entretiennent les pays du Maghreb avec leurs voisins africains francophones, notamment au Sahel [...], se font le plus souvent en français ». Cela étant, prévient-il, « le contexte de transition politique découlant des révolutions arabes pourrait donner une nouvelle vigueur aux querelles linguistiques et aux orientations idéologiques opposées à la francophonie – en particulier dans le secteur clef de l'éducation ». « Rachid Ghannouchi, leader du parti Ennahdha majoritaire au sein de l'actuel gouvernement tunisien, a ainsi déclaré le 26 octobre 2011 à Radio Express FM : "Nous sommes arabes et notre langue, c'est la langue arabe. On est devenu franco-arabe, c'est de la pollution linguistique." Au Maroc, où existe un fort clivage entre les médias arabophones et francophones, l'actuel gouvernement dominé par le Parti de la justice et du développement (PJD) a tenté de remettre en cause, à travers une réforme de l'audiovisuel, la diffusion à une heure de grande écoute du journal télévisé en français de la chaîne publique 2M. »  

En Afrique, tout particulièrement, les États francophones « présentent des spécificités notamment sur le plan organisationnel (les polices francophones sont fondées sur un système dual composé de la police et de la gendarmerie) ou procédural (tradition romano-germanique et coutumes locales) », souligne Frédéric Ramel. Aussi la Francophonie a-t-elle apporté une contribution indéniable à la réforme des "systèmes de sécurité" en République centrafricaine, en Guinée et en Guinée-Bissau, en collaboration avec les Nations Unies, plus habituées, jusqu'alors, à s'inspirer des traditions britanniques en la matière. Plus de la moitié des effectifs déployés par l'ONU se trouvent d'ailleurs en territoire francophone. Dans ces conditions, annonce Brice Poulot, « l'usage du français en contexte militaire ira croissant ».

Langue militaire

D'ores et déjà, précise-t-il, « les autorités militaires francophones des pays développés ont mis en place de nombreuses actions afin de conforter le rayonnement militaire du français à l'international ». Le "français langue militaire" (FLMI) « tient, depuis le début des années 2000, une place importante, notamment par l'action de la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des Affaires étrangères français, qui finance plus de dix mille formations par an ». Si le français participe « à l'affirmation des capacités opérationnelles des armées », il présente une autre vertu, celle « d'extraire un pays de la sphère d'influence d'un voisin trop puissant : le Brésil favorise par exemple l'apprentissage du français pour s'émanciper des États-Unis, tout comme l'Autriche, membre de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et acteur du FLMI, qui cherche ainsi à se démarquer de son voisin allemand ».

De plus, affirme Brice Poulot, « il existe un lien réel entre la francophilie d'une armée étrangère (ou du moins de son état-major) et la provenance de son matériel de défense », si bien que le FMLI pourrait « participer [...] à l'augmentation des exportations de matériel de défense des pays francophones ». Toutefois, nuance-t-il, « certains exemples à travers le monde nous interdisent tout triomphalisme et suggèrent que le travail à mener auprès des institutions est encore conséquent ». Ainsi la gendarmerie européenne a-t-elle « choisi l'anglais comme seule langue de travail alors qu'elle est composée uniquement de pays de langue latine, et que le modèle gendarmique constitue une spécificité organisationnelle par excellence des forces de police issues historiquement de la tradition ou de l'influence francophone ». Un paradoxe parmi d'autres : comme le rappellent Alexandra Veleva  et Niagalé Bagayoko, le français n'est aujoud'hui « ni la langue maternelle, ni même la langue d'usage de l'ensemble des membres de l'Organisation internationale de la Francophonie ».

Des nouvelles phobies scolaires

31 juillet 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Parmi les mission assignées à l'École figure désormais la lutte contre l'"homophobie", qu'il conviendrait d'élargir aux "transphobies" et autres "phobies" connexes, selon un rapport sollicité par la Rue de Grenelle. Morceaux choisis.

Les pouvoirs publics n'en finissent pas de désigner de nouveaux fléaux sociaux. Parmi ceux-ci figurent désormais les "LGBT-phobies". Lesquelles « doivent être abordées avec la même force et les mêmes convictions républicaines que le racisme, l'antisémitisme ou le sexisme par l'ensemble des acteurs de la communauté éducative », soutient Michel Teychenné, auteur d'un rapport commandé par le ministre de l'Éducation nationale, Vincent Peillon.

LGBT-phobie

En préambule, l'auteur propose la définition suivante de la "LGBT-phobie" : « peur, rejet ou aversion, souvent sous la forme d'attitudes stigmatisantes, de comportements discriminatoires ou de violences envers les lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuel(le)s ». On devine qu'elle se décline sous des formes diverses. Moqueries et insultes seraient, parait-il, les plus répandues. Leur « banalisation » serait même observée « dès l'école primaire », où « l'emploi de mots comme "pédé" ou "enculé", par exemple, n'est d'ailleurs souvent pas conscientisé par le jeune ». Les instituteurs devront-ils expliquer aux élèves ce dont il retourne ? On leur souhaite bien du plaisir ! Selon le rapporteur, « une éducation sur les stéréotypes, les préjugés, les rôles ou l'identité peut être mise en place dès le plus jeune âge [...] afin de conduire à l'acceptation de la diversité humaine, y compris de la transidentité ou de la transgression du genre ». À l'école primaire, précise-t-il, « c'est au travers notamment de la diversité des familles, de l'homoparentalité, du refus des insultes et des discriminations que le sujet peut être abordé ». Soucieux d'« agir sur les représentations et les préjugés », il entend « valoriser des représentations positives des LGBT en assurant une meilleure visibilité de l'homosexualité et de la transsexualité à l'école ». Autre proposition, plus explicite : « sensibiliser à ces questions les éditeurs de manuels scolaires qui pourront notamment s'appuyer sur les travaux et les recommandations de la Halde ». Laquelle regrettait, par exemple, que nulle mention ne soit faite, dans les manuels de SVT (sciences de la vie et de la terre), des comportements homosexuels observés parfois chez les animaux.

Vingt-cinq mille élèves

« En Europe occidentale », déplore M. Teychenné, « la France est en retard en matière de politiques publiques de lutte contre les LGBT-phobies à l'école ». L'année dernière, vingt-cinq mille élèves de l'enseignement secondaire (2,6 % des effectifs) auraient bénéficié d'une intervention de « sensibilisation aux discriminations LGBT ». Certains établissements se distinguent, comme à Saint-Étienne, où des lycéens ont participé au "festival du film gay et lesbien". La moitié des conseils académiques de vie lycéenne (CAVL) auraient demandé « à se saisir des problématiques des LGBT-phobies au lycée ». En revanche, la promotion de la ligne Azur, mise en place à l'intention des adolescents s'interrogeant sur leur sexualité, aurait rencontré quelques ratés : « Environ la moitié des établissements n'ont pas diffusé les affiches. Quant aux établissements qui les ont utilisées, la moitié les a installées uniquement à ou près de l'infirmerie. Seuls un quart des établissements les ont placardées dans un lieu de passage, comme demandé dans le courrier d'accompagnement. » Qu'en est-il dans le privé ? « Les échanges que j'ai eus avec le secrétariat général de l'enseignement catholique laissent entrevoir une prise de conscience des dangers de l'homophobie », confie le rapporteur. Selon lui, « dans le respect de la spécificité de l'enseignement catholique, la mise en place d'un dispositif propre à l'enseignement catholique sous contrat pourrait être envisagée de façon complémentaire à [ses] recommandations ».

Constructivisme

Peut-être les responsables de l'enseignement catholique s'inquiètent-ils sincèrement de la détresse des jeunes homosexuels. « Parmi les adolescents et jeunes adultes », souligne François Beck, du département enquêtes et analyses statistiques de l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé), « les populations LGBT ont deux à sept fois plus de risques d'effectuer une ou plusieurs tentative(s) de suicide au cours de leur vie que les populations hétérosexuelles ». « Ces risques sont de deux à quatre fois supérieurs pour les filles, et de cinq à dix fois pour les garçons, ce qui représente des dizaines de suicides chaque année », précise Michel Teychenné. Or, selon lui, « la prévention du suicide chez les jeunes LGBT sera d'autant plus efficace que le climat scolaire sera inclusif et que les équipes éducatives seront sensibilisées et formées à lutter contre les LGBT-phobies ». De son point de vue, « l'ensemble des actions mises en œuvre doivent viser à déconstruire les préjugés, idées fausses et stéréotypes ». D'ailleurs, explique-t-il, « homophobie, transphobie et discriminations envers les femmes » participeraient « du même ordre sexuel dans lequel les rapports sociaux correspondent à une hiérarchie des genres et des sexes ». Et de pointer un « un contexte normatif où tout le monde est présupposé hétérosexuel ». Peut-être espère-t-il changer la donne ? Ce serait verser, nous semble-t-il, dans un volontarisme bien utopique.

Goldorak vs Belkacem

17 juillet 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Un personnage jugé jadis chevaleresque risquerait fort, aujourd'hui, d'être vilipendé pour "sexisme". Au point d'être censuré à la télévision et même sur la Toile ? C'est en tout cas le projet du gouvernement.

Étant donné ses appels répétés à traiter hommes et femmes sur un pied d'égalité, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, ne devrait pas nous reprocher de révéler son âge : elle a trente-cinq ans. Comme toute une génération, sans doute a-t-elle grandi avec Dorothée, suivant les aventures de Candy quand d'autres, dont nous étions, vibraient aux exploits de Goldorak - un dessin animé culte dont un premier volume est enfin disponible en DVD depuis le mois dernier (juin 2013).

Actarus et les femmes

Nostalgie mise à part, un épisode a plus particulièrement retenu notre attention : le neuvième, où Vega menace de détruire la planète Concordia si l'une de ses habitantes, le commandant Euridie, échoue à détruire Goldorak lors d'une mission suicide. Son vaisseau s'étant écrasé, le prince Actarus s'en approche dans l'espoir de faire un prisonnier. Découvrant l'identité du pilote, il est saisi d'effroi : « Une femme ! Je n'aurai jamais le courage de l'obliger à parler », s'exclame-t-il. L'accueillant parmi les siens, il l'invite à porter la robe que lui prête Venusia : « je ne veux pas voir d'uniforme militaire, surtout sur une femme », lui explique-t-il. De quoi donner la nausée à Mme Vallaud-Belkacem, au cas où elle se risquerait à revoir Goldorak, du moins en version française. Si l'on en croit les sous-titres proposés par AB vidéo sur la version originale, en effet, l'homologue japonais d'Actarus se montre plus réservé, quoique tout aussi prévenant.

Prononcées aujourd'hui à la télévision, a fortiori à l'intention du jeune public, ces paroles provoqueraient la réaction virulente des officines féministes. Pour preuve, un collectif vient de prendre à partie Thierry Pflimlin, le patron de l'audiovisuel public, après qu'eut été diffusé sur France 2, le 9 juillet, le deuxième épisode de "Qui sera le prochain grand pâtissier ?". Au cours de cette émission, les téléspectateurs auraient subi « un florilège incroyable de propos sexistes », selon une quarantaine d'associations. « À l'heure où France Télévisions s'engage pour l'égalité femmes-hommes dans ses programmes », leurs responsables jugent « curieux – pour ne pas dire fatigant, énervant, révoltant – d'entendre, en prime time, des phrases d'une bêtise aussi crasse que "les petites filles aiment les coccinelles et les petits garçons les dinosaures, les trucs bruts de décoffrage" ou encore que les femmes auraient des compétences particulières pour réaliser des gâteaux ». De leur point de vue,« ce genre d'inepties fige dans le marbre les stéréotypes et les préjugés, qui sont à la racine des inégalités ».

Le CSA nous surveille

Cette conviction semble partagée par le gouvernement, qui a présenté, le 3 juillet, un projet de « loi cadre sur l'égalité femmes-hommes ». Entre autres dispositions, ce texte prévoit d'étendre les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) afin qu'il « assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle ». Le CSA devrait veiller, d'une part, « à une juste représentation des femmes dans les programmes des services de communication audiovisuelle » et, d'autre part, « à l'image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples ». Sous son contrôle, les chaines hertziennes devraient même contribuer « à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes en diffusant des programmes relatifs à ces sujets ». Un retour à la télévision d'État ?

La Toile n'est pas en reste, comme le souligne Marc Rees, rédacteur en chef de PC Impact. Si le projet était adopté en l'état, la loi obligerait les "intermédiaires techniques" à lutter activement contre le "sexisme" et l'"homophobie". Plus concrètement, explique notre confrère, « si dans un forum ou sur un réseau social, un internaute se lance dans ce genre de discours sexistes avec quelques propos fleuris appelant à la discrimination, l'hébergeur devra impérativement dénoncer ces contenus aux autorités dès lors que ceux-ci lui auront été signalés par un individu ».

Alors, Goldorak est-il bon pour la casse ? On ne reprochera pas aux pouvoirs publics d'annoncer, par ailleurs, une protection accrue des femmes victimes de violences conjugales. Reste une question posée incidemment par Actarus : son refus de porter la main sur une femme, mais aussi son aversion à la voir prendre les armes, ne relèveraient-ils pas d'une même inclination ? Le cas échéant, l'égalité, agitée à tout va, serait une piètre parade aux souffrances dont s'inquiète, légitimement, le porte-parole du gouvernement.

Le libre-échangisme a toujours la cote

5 juillet 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Union européenne prévoit d'intensifier ses échanges commerciaux avec les États-Unis. À cet effet, un traité de libre-échange transatlantique pourrait être adopté. Aperçu des enjeux des négociations à venir.

Producteurs et acteurs ont obtenu gain de cause : "l'exception culturelle" française est sauvegardée. Vendredi 14 juin 2013, après treize heures de débats, les ministres européens du Commerce ont fini par s'accorder : ils ont défini le mandat en vertu duquel la Commission européenne négociera, au nom des Vingt-Huit, un traité de libre-échange avec les États-Unis. Comme prévu, les services audiovisuels seront exclus des discussions.

Réactionnaire

José Manuel Barroso s'en est ému, jugeant « totalement réactionnaire » cette aversion pour la mondialisation. Ce faisant, le président de la Commission européenne a conforté l'image d'un gouvernement protégeant l'Hexagone des assauts de la concurrence. Auparavant, Paris n'avait-il pas encouragé Bruxelles à hausser le ton contre Pékin ? Les Échos l'avaient annoncé le 13 juin : « Le protectionnisme progresse partout dans le monde. » « Sur les douze derniers mois, 431 mesures protectionnistes ont été mises en place. Et 183 autres sont programmées. C'est le pire résultat observé depuis le début de la crise », précise notre confrère Richard Hiault, citant le rapport annuel de Global Trade Alert.

Cela étant, n'en déplaise à M. Montebourg, « nous ne sommes pas en crise avec Bruxelles », si l'on en croit Thierry Repentin, ministre délégué chargé des Affaires européennes. Son collègue du Redressement productif a beau multiplier les rodomontades, « ces discussions n'auront pas beaucoup de répercussions », a-t-il déclaré à nos confrères d'Euractiv. D'ailleurs, un projet de loi autorisant la ratification d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Corée du Sud vient d'être présenté en conseil des ministres le 19 juin. C'est dire combien doivent être relativisées les velléités protectionnistes du gouvernement.

Avec sa bénédiction, Bruxelles négocie d'ores et déjà des accords de libre-échange avec la Moldavie, le Japon, le Canada... Autrement dit, bien que les discussions multilatérales soient enlisées à l'OMC, le libre-échangisme a toujours la cote. Washington, quant à lui, négocie en ce sens avec neuf pays de l'Asie pacifique. Ce serait même sa priorité. « Le risque existe donc pour l'Europe d'apparaître comme demandeuse et dans ce cas de figure, d'avoir à faire plus de concessions », s'inquiète Seybah Dagoma, député PS de Paris.

Monts et merveilles

« La politique commerciale est l'un des principaux leviers de croissance » dont dispose l'Europe, affirme-t-elle dans un rapport parlementaire. De fait, Bruxelles promet monts et merveilles : à la faveur d'un accord transatlantique, 545 euros supplémentaires bénéficieraient chaque année aux familles européennes, selon une étude commandée par la Commission européenne. Étant donné la complexité des phénomènes en jeu, la multiplicité des interactions à l'œuvre, on reste circonspect quant à la fiabilité de telles prévisions. « Les conséquences économiques d'un accord de libre-échange transatlantique sont potentiellement considérables pour les deux partenaires, mais aussi pour le monde entier », prévient Mme Dagoma.

Les droits de douane sont déjà faibles de part et d'autre de l'Atlantique, souligne-t-elle dans son rapport, « même s'il subsiste [...] des "pics tarifaires", voire des restrictions quantitatives aux échanges ». Dans ces conditions, explique-t-elle, « la baisse, voire la suppression, des tarifs douaniers existants ne sont pas l'enjeu principal de la négociation à venir ». Celle-ci portera plutôt sur la réduction des barrières non tarifaires : la convergence des règlementations et autres procédures d'homologation. Cela s'annonce laborieux. « En pratique, la fragmentation de la compétence normative et la délégation de l'évaluation de la conformité au secteur privé qui caractérisent le modèle américain pourraient constituer les obstacles les plus importants. »

Agriculture

L'agriculture requiert une attention particulière. Pas seulement en raison des suspicions pesant sur les OGM, le bœuf aux hormones ou les poulets lavés à l'eau de Javel en provenance des États-Unis. « Un point majeur de l'accord devrait être l'occasion d'offrir une reconnaissance et une protection effective de nos principales indications géographiques » (IG), explique Éric Adam, dans une analyse publiée sur Telos. « Le marché américain présente un potentiel d'exportation important, en particulier pour les fromages et les vins », confirme Seybah Dagoma. Toutefois, prévient-elle, « ce développement des exportations ne sera possible que si les usurpations cessent. C'est particulièrement le cas des produits qui subissent la concurrence des produits dits semi génériques tolérés aux États-Unis, comme le California Champagne. » En la matière, des avancées ont récemment été obtenues en Chine, où les champagnes français ne sont plus confondus avec d'autres mousseux.

Ces perspectives doivent-elles nous réjouir ? « Ravi que l'on défende l'exception culturelle », Nicolas Dupont-Aignan s'étonne néanmoins que « dans notre pays, les ouvriers n'aient pas la chance d'être défendus comme les acteurs ». « J'aimerais que l'on étende le protectionnisme qui a sauvé le cinéma français au reste de l'économie, au lieu de se contenter de défendre un pré carré », a-t-il déclaré lors d'un débat en commission parlementaire. De son point de vue, « il ne s'agit pas d'aménager cet accord transatlantique, mais de le combattre ainsi que ses présupposés ». En filigrane, on devine des équivoques économiques, mais aussi politiques, voire philosophiques. 

Des médias et du Printemps français

24 mai 2013

Le ministère de l'Intérieur envisagerait, parait-il, une interdiction du Printemps français. À l'origine de cette annonce : des supputations médiatiques nullement vérifiées.

Ce matin, vendredi 24 mai 2013, Manuel Valls était l'invité de Raphaëlle Duchemin  sur France Info. À cette occasion, notre consœur l'a interrogé sur les menaces qui pèseraient sur Frigide Barjot, à l'approche d'une nouvelle manifestation contre le "mariage homo", sollicitant, par ailleurs, sa réaction à la lecture d'un communiqué du Printemps français – un appel à la « résistance » rédigé selon des termes pour le moins virulents.

En réponse, le ministre de l'Intérieur s'est insurgé contre « toute menace de mort, toute menace de haine », stigmatisant « des groupes radicaux, d'extrême droite », sans jamais en citer aucun. Il n'en aurait pas moins « évoqué une possible interdiction du "Printemps français" », selon le site Internet de France Info.

Un "chapeau" étant par nature racoleur, il n'y a rien de choquant à ce que les propos de Manuel Valls y soient quelque peu extrapolés. On se désole, en revanche, de la passivité moutonnière de nos confrères : qu'il s'agisse de L'Express, du Figaro, du Huffington Post, de Libération ou du Monde, entre autres exemples, tous ont repris l'accroche de France Info. Naturellement, le Centre royaliste d'Action française n'a pas manqué de s'engouffrer dans la brèche, dénonçant « un nouveau pas dans l'instauration d'un État policier » - c'est de bonne guerre ! 

En tout cas, cela donne à réfléchir sur notre propre métier : que pèsent la rigueur et l'esprit critique des journalistes face à l'effet boule de neige ? 

À l'ouest du cyberespace

23 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que l'Union européenne s'immisce dans la sécurité des réseaux informatiques, les services secrets français se prennent les pieds dans le tapis en tentant de censurer la Toile.

Les attentats de Boston ont ravivé le spectre d'un terrorisme sanglant, éminemment visible. Mais d'autres menaces, plus insidieuses, planent sur la sécurité des sociétés occidentales. Notamment dans le cyberespace - un milieu que les stratégistes commencent seulement à appréhender. L'année dernière, le Sénat a d'ailleurs invité l'État à se doter d'une "doctrine de lutte informatique offensive" – comme il l'avait fait, dans les années soixante, en matière de dissuasion nucléaire. Le 7 février dernier, Bruxelles a proposé, plus modestement, une « stratégie de cybersécurité » pour l'Union européenne.

Prise de conscience

Cette initiative « témoigne d'une véritable prise de conscience de ces enjeux de la part de la Commission européenne », selon les sénateurs Jacques Berthou (PS) et Jean-Marie Bockel (UDI). Dans une proposition de résolution, ils se félicitent « de l'accent mis sur les aspects industriels ». « Afin de garantir la souveraineté des opérations stratégiques ou la sécurité de nos infrastructures vitales », expliquent-ils, « il est, en effet, crucial de s'assurer de la maîtrise de certaines technologies fondamentales, dans des domaines comme la cryptologie, l'architecture matérielle et logicielle et la production de certains équipements de sécurité ou de détection. Garder cette maîtrise, c'est protéger nos entreprises, notamment face au risque d'espionnage informatique. » De concert avec Bruxelles, les sénateurs prônent « l'instauration d'une obligation de déclaration des incidents informatiques significatifs à l'autorité nationale compétente qui serait applicable aux administrations publiques et aux opérateurs critiques, tels que les entreprises de certains secteurs jugés stratégiques, comme les banques, la santé, l'énergie et les transports ». Cependant, préviennent les parlementaires, c'est aux États, et non à la Commission, qu'il appartient d'en définir les modalités d'application. Par ailleurs, on ne saurait exiger des autorités nationales qu'elles notifient à Bruxelles les incidents dont elles ont connaissance. « Outre sa lourdeur bureaucratique, une telle mesure paraît susceptible de soulever des difficultés au regard de la sécurité nationale, notamment dans le cas d'attaques informatiques à des fins d'espionnage », plaident MM. Berthou et Bockel. « Il faut savoir que, si les soupçons se portent le plus souvent sur la Chine ou la Russie, d'autres pays, y compris parmi nos proches alliés, sont aussi soupçonnés d'être à l'origine de telles attaques. Or, informer la Commission européenne et l'ensemble des États membres de l'Union européenne de l'attaque informatique dont on fait l'objet risquerait d'alerter également - directement ou indirectement - l'auteur de cette attaque. Celui-ci pourrait alors prendre des mesures afin de se dissimuler davantage ou augmenter encore le niveau de son attaque. »

Nouveaux acteurs

En tout cas, s'il est nécessaire de prévenir les piratages et autres tentatives d'espionnage, voire d'y répliquer, il convient aussi de s'acclimater à la nouvelle donne sociale et politique. Des acteurs jusqu'alors inconnus se dressent face aux États, à commencer par les cyberactivistes – voire cyberterroristes - d'Anonymous. Dernièrement, ils ont interféré dans la crise coréenne, révélant les noms de quelque quinze mille ressortissants du Sud habitués à consulter les informatisations mises en ligne par le Nord... Autant de traitres potentiels aux yeux de Séoul ! Quant aux banque centrales, elles voient leur monopole monétaire con-testé à la marge : jeudi dernier, 11 avril, sur BFM TV, notre con-frère Nicolas Doze s'est interrogé sur la flambée erratique du Bitcoin, un substitut aux monnaies traditionnelles créé par un programmeur anonyme.

Maladresse sidérante

Apparemment, les autorités sont loin d'avoir tiré toutes les conséquences des bouleversements en cours. Les déboires de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) viennent d'en témoigner. Jugeant sensible le contenu d'un article publié sur Wikipedia  présentant la station militaire hertzienne de Pierre-sur-Haute, ses services auraient sommé ses collaborateurs de le retirer. Cela avec une maladresse sidérante. Si bien que les 6 et 7 avril, le texte incriminé aurait été le plus consulté de tous les articles francophones de Wikipedia. Chapeau ! Dans la foulée, il a fait l'objet de quelques traductions. En outre, il figure désormais parmi les « exemples majeurs » de "l'effet Streisand" : « un phénomène Internet qui se manifeste par l'augmentation considérable de la diffusion d'informations ou de documents par le simple fait d'avoir été l'objet d'une tentative de retrait ou de censure ». Dans ces conditions, l'État est-il condamné à l'impuissance ? Loin s'en faut. Qu'on songe seulement aux "printemps arabes", sur lesquelles l'influence américaine s'est précisément exercée par l'entremise des réseaux sociaux en ligne...

La Défense nationale, une école féministe

23 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Les résidus du service national profitent désormais à la propagande en faveur de l'égalité hommes-femmes.

Qu'est-ce que la "journée défense et citoyenneté" ? Un « rendez-vous essentiel de la promotion de l'esprit de défense et des valeurs républicaines », selon la Direction du service national. Le 8 mars dernier, elle a pris une coloration féministe. Notamment en Bretagne, où est intervenue Mme Françoise Kieffer, délégué régional aux droits des femmes et à l'égalité. Après avoir rendu compte du « long cheminement vers l'égalité » qui aurait été entamé au XIXe siècle, celle-ci a soumis son jeune public à un "quiz"  censé « faire tomber les préjugés », comme le rapporte l'Hôtel de Brienne.

Un quiz caricatural

Rédigées dans un français approximatif, les questions exploitaient les clichés de l'égalitarisme en vogue. On frisait la caricature, comme en témoignent ces quelques exemples : « À votre avis, d'être une fille ou un garçon a une influence sur les choix d'orientation ? » « Pensez-vous personnellement que les femmes sont plus aptes à certains métiers ou fonctions, et que les hommes plus aptes à d'autres ? » « Dans un couple avec enfant-s, le père a le statut de chef de famille ? » Naturellement, les réponses attendues ne versaient pas dans la nuance... Les participants ont été invités, par ailleurs, à féminiser les noms de fonctions. Aux yeux de l'État et de ses délégués, en dépit des recommandations de l'Académie française, c'est une priorité. De quoi justifier, vraisemblablement, que la syntaxe soit reléguée au second plan...

Le populisme à la fête

23 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Une vague populiste est-elle en train de submerger l'Europe ? Sous la pression de mouvements émergents, les partis de gouvernement infléchissent leurs politiques.

Il y a le feu dans la maison Europe, s'inquiète Gérard Grunberg, directeur de recherche au CNRS. « C'est l'ensemble des élites politiques européennes favorables à l'intégration européenne qui [...] sont immobiles, voire pétrifiées, face à la marée populiste montante », déplore-t-il sur Telos. De fait, selon un sondage Harris Interactive pour LCP, un nombre croissant de Français jugeraient que Marine Le Pen « ferait une bonne présidente de la République ». Par ailleurs, dimanche dernier, 14 avril, s'est tenu le congrès fondateur d'Alternative pour l'Allemagne, un parti prônant « une dissolution ordonnée » de l'Union économique et monétaire - autrement dit, le retour au mark. Bien que la défiance à l'égard de l'euro semble faiblir outre-Rhin, et quoique Angela Merkel bénéficie d'une popularité record, ce nouveau venu pourrait rafler quelques voix à la CDU-CSU lors des élections législatives programmées en septembre, perturbant quelque peu le jeu politique.

Partout en Europe...

À l'image du Mouvement 5 étoiles (M5S) de l'autre côté des Alpes ? Celui-ci compte des militants parmi les Italiens expatriés en Allemagne, comme le rapporte le magazine Cicero, cité par le Courrier international. « Quand il n'y aura plus de politiciens professionnels au Parlement, mais qu'il y aura seulement des membres de la société civile, qui ne s'inscrivent que pour un temps déterminé dans les institutions, le M5S ne sera plus nécessaire », assure l'un d'entre eux. De là à proposer l'institution d'une représentation organique de la nation, il n'y a qu'un pas. En France, les royalistes l'ont franchi de longue date !

« Sans un sursaut politique au niveau européen, les partis de gouvernement seront amenés, chacun dans son pays, à tenir compte de la poussée populiste et à atténuer leur discours pro-européen », prévient encore M. Grunberg. N'est-ce pas déjà le cas ? La crise aidant, la fraternité universelle n'a plus la cote. La hantise du plombier polonais suscitait jadis quelque suspicion morale. Mais aujourd'hui, à Paris, un chantre de la "démondialisation" siège au Conseil des ministres, vilipendant Chinois, Coréens et autres envahisseurs responsables du déclin français. À Madrid, le gouvernement entend restreindre les conditions d'obtention de la nationalité espagnole. À Copenhague, on somme les chômeurs étrangers d'apprendre le danois, sous peine de réduire leurs indemnités.

Le cas britannique

À Londres, enfin, « le chancelier de l'Échiquier, George Osborne s'est publiquement demandé, à propos d'un homme vivant de l'aide sociale et reconnu coupable d'avoir provoqué l'incendie qui a causé la mort de ses six enfants : "Pourquoi l'État devrait-il soutenir des gens comme Philpott ?" » Selon The Daily Telegraph, cité par le Courrier international, « Osborne est applaudi par ses alliés tories mais accusé par le Labour "d'exploiter cyniquement les crimes de Philpott pour faire passer sa réforme controversée" ».  Les grandes lignes en ont été présentées le 25 mars par le Premier ministre David Cameron, dont le projet vise à réduire l'immigration des ressortissants de l'Espace économique européen. « Plusieurs mesures ont été mises en avant et notamment la fin du versement de l'aide perçue par un immigré au chômage au bout de six mois s'il n'a aucune perspective d'emploi, ainsi que la restriction des droits des immigrés en matière d'aide au logement et d'accès au système de santé », rapporte la Fondation Robert Schuman.

Voilà seulement quelques années, l'Europe entière aurait crié au scandale ! Reste à savoir comment cette pression populiste se conjuguera aux facteurs économiques... « Un détricotage de la zone euro, puis de l'Union européenne elle-même, risque [...] de s'opérer », prévient  Gérard Grunberg. Affaire à suivre.