3 juin 2017 Article publié dans L'Action Française 2000
L'Union européenne précise ses prérogatives quant à la ratification des accords de libre-échange.
La machine européenne semble s'être enrayée. Dernièrement, en tout cas, la ratification des traités conclus avec l'Ukraine puis le Canada s'est heurtée à la fronde d'un parlement national (Pays-Bas) puis régional (Wallonie). Qu'en sera-t-il à l'avenir ? La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) vient de clarifier le 16 mai 2017 les règles qui prévaudront en vertu de sa jurisprudence.
Un point pour les États
En 2013 avait été paraphé un accord avec Singapour. Comme le rappelle la CJUE, « il s'agit de l'un des premiers accords de libre-échange bilatéraux dits de "nouvelle génération", c'est-à-dire un accord de commerce qui contient, outre les dispositions traditionnelles relatives à la réduction des droits de douane et des obstacles non tarifaires dans le domaine des échanges de marchandises et de services, des dispositions dans diverses matières liées au commerce, telles que la protection de la propriété intellectuelle, les investissements, les marchés publics, la concurrence et le développement durable ». Or, selon la Cour, ce traité « ne peut pas, dans sa forme actuelle, être conclu par l'Union européenne seule ». Notamment en raison des dispositions relatives au règlement des différends entre investisseurs et États qui ne sauraient relever, selon elle, de la compétence exclusive de l'Union.
Un autre pour l'Union
Cela étant, les juges européens n'en viennent pas moins « de donner un coup de pouce particulièrement bienvenu aux négociateurs européens », selon notre consœur Florence Autret. « Jusqu'alors », explique-t-elle dans La Tribune, « il n'était pas certain qu'un accord comportant des règles sociales ou environnementales ou bien couvrant le secteur des transports puisse être approuvé par les seules institutions européennes ». Sur ce point, une ambiguïté vient donc d'être levée. Aux dépens des États, ou du moins de leurs parlements.
17 mai 2017 Article publié dans L'Action Française 2000
Un historien nous invite à la rencontre de l'amiral Schwérer, qui devint président de la Ligue d'Action française à l'issue d'une brillante carrière militaire.
Nos lecteurs se souviennent-ils de l'amiral Schwérer (1862-1936) ? Jean-Noël Grandhomme, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Lorraine-Nancy, vient de lui consacrer un article dans la revue Guerres mondiales et conflits contemporains. Breton d'origine alsacienne, Antoine Schwérer entre à l'École navale en 1878 ; la marine à voile disparaît sous ses yeux : « entre les bâtiments de guerres modernes et ceux sur lesquels j'étais embarqué en 1880 », écrit-il dans ses Souvenirs, « il y a certainement plus de différences qu'entre ces derniers et ceux du temps de Louis XIII, et à cette transformation du matériel a correspondu un changement complet des habitudes, du caractère et de la mentalité du personnel ».
Avec l'amiral Lacaze
Jean-Noël Grandhomme retrace un parcours jugé « brillant ». En 1894, par exemple, à bord du croiseur Dubourdieu, il est chargé de dresser une carte générale du magnétisme terrestre. En 1914, alors que la guerre vient d'être déclarée, il négocie les accords franco-britanniques confiant à la Royale la direction des opérations en Méditerranée. L'année suivante, il commande des canonnières sur le front. Puis il devient chef de cabinet de l'amiral Lacaze, ministre de la Marine. Au cours du premier semestre 1917, comme le rapporte Jean-Noël Grandhomme, « la Marine […] joue un rôle important dans les affaires d'Orient et elle contribue au transport en France des contingents russes qui y sont envoyés par le tsar » ; « pourtant, Lacaze est de plus en plus ulcéré par les critiques systématiques de certains députés, notamment socialistes ». Alors que ce dernier donne sa démission, « Schwérer se solidarise évidemment avec lui ». Sa carrière se poursuit néanmoins jusqu'en 1924, où il est placé dans la deuxième section (réserve).
C'est alors qu'il rejoint l'Action française. Un moment républicain, il n'aura jamais été démocrate, confiera-t-il par la suite. Candidat malheureux aux élections législatives, où triomphe le Cartel des gauches, il se retrouve bientôt « au cœur d'un nouveau combat, contre un adversaire inattendu : l'Église ». En novembre 1926, lors d'un congrès de la Ligue, il explique que « les croyants d'Action française, […] parfaitement soumis à l'autorité religieuse du souverain pontife […], à tous les ordres qu'il leur donnera en ce qui concerne leur religion, prennent leurs directives politiques en dehors du Vatican ». À son décès, en 1936, Mgr Mignen, archevêque de Rennes, lui refuse des obsèques religieuses : « aucune mansuétude n'est de mise pour celui qui a en quelque sorte brandi l'étendard de la révolte anti-papale », souligne Jean-Noël Grandhomme.
Un travail à poursuivre
L'amiral Schwérer aura présidé la ligue d'Action française cinq ans durant, après avoir succédé à Bernard de Vesins en 1930. « Maurras sait gré de sa fidélité au compagnon des bons et des mauvais jours », rapporte encore l'historien, qui se montre quant à lui moins élogieux : « son militantisme passionné, qui l'a conduit à se retrouver dans le dernier carré, seul contre tous, ou presque – y compris le clergé et le prétendant – a un côté pathétique, ou chevaleresque, selon le point de vue qu'on adopte », écrit-il notamment. Son article ne nous éclaire guère quant aux ressorts de cet engagement. Il ne révèle rien non plus du caractère de l'amiral Schwérer. De fait, « bien qu'il ait été l'un des acteurs importants de la controverse autour de la Jeune École, un expert reconnu dans l'affaire des poudres de la Marine (à l'origine de près de trois cent cinquante morts dans plusieurs accidents avant-guerre), un "poilu" sur le front de Champagne et le plus proche conseiller d'un grand ministre de la Marine, Schwérer est aujourd'hui presque complètement oublié », constate Jean-Noël Grandhomme. Aurait-il entrepris de réparer une injustice ?
7 avril 2017 Article publié dans L'Action Française 2000
La "surtransposition" des directives européenne élaborées à Bruxelles s'immisce dans la campagne présidentielle.
L'Europe a parfois bon dos. Il y a trois ans, par exemple, alors qu'elle convoitait un siège à l'assemblée de Strasbourg, Michèle Alliot-Marie s'était indignée de l'existence d'une directive censée « empêcher les enfants de moins de dix-huit ans de grimper sur les escabeaux ». Or, comme l'avait souligné à l'époque Jean Quatremer, animateur des Coulisses de Bruxelles, il s'agissait en fait d'une initiative nationale. Le décret établi à cet effet faisait bien allusion à une directive européenne, mais celle-ci visait simplement à protéger les jeunes gens des « risques d'effondrement ». C'est pourquoi, selon notre confrère, « dans cette affaire, c'est la folie réglementaire hexagonale qui a atteint de nouveaux sommets ».
François Fillon s'engage
Ce cas est-il isolé ? Dans son programme échafaudé pour l'élection présidentielle, Rama Yade avait proposé de « faire un audit indépendant sur l'application française des normes européennes trop souvent surinterprétées ». François Fillon n'est pas en reste. Lundi dernier, 3 avril 2017, sur RMC, il a pris un engagement à ce sujet : « j'abrogerai toutes les surtranspositions de normes européennes », a-t-il déclaré au micro de Jean-Jacques Bourdin. Il s'agirait notamment d'épargner aux agriculteurs français des contraintes qui ne pèsent pas sur leurs homologues étrangers. Au risque de minimiser les exigences protégeant l'environnement ? « Les normes doivent être négociées pour l'ensemble du marché européen, sinon nos agriculteurs vont mourir de faim », a répondu François Fillon.
« Je veux même qu'on introduise dans la loi française un dispositif pour qu'on s'interdise de surtransposer les lois européennes », a-t-il poursuivi. Peut-être pourra-t-il s'inspirer des travaux du Sénat, qui vient de se livrer à une « étude de législation comparé ». En Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni et en Suède, des dispositions encadrent la transposition des directives européennes, comme l'explique le rapporteur Jean Bizet. Cela afin de parer aux excès de zèle… Un exemple à suivre ?
Contrairement à ce que prétend le vice-président du FN, ce ne sont pas 95 % des pays du monde qui disposent de leur propre monnaie, mais moins de 75 % d'entre eux.
Florian Philippot, vice-président du Front national, l'a martelé samedi dernier, 25 mars 2017, sur le plateau de BFM TV : selon lui, « à peu près 95 % des pays du monde ont leur monnaie nationale ». Or, dans son acception la plus stricte, la zone euro compte à elle seule dix-neuf États (Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Slovaquie, Slovénie) – lesquels représentent déjà près de 10 % des États reconnus par l'Organisation des Nations unies ! Cela sans compter les quelques autres pays qui utilisent également la monnaie européenne (Andorre, Kosovo, Monaco, Monténégro, Saint-Marin, Vatican).
Au delà du Vieux-Continent, il y a le franc CFA de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), partagé par huit États (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo), et celui de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), qui est la monnaie de six États (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, Tchad). Il existe aussi le dollar des Caraïbes orientales (Antigua-et-Barbuda, Dominique, Grenade, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Sainte-Lucie Sainte-Lucie, voire Anguilla et Montserrat). Le dollar américain circule lui-même au-delà des frontières où il est émis (Équateur, Marshall, Micronésie, Palaos, Salvador, Timor oriental, Zimbabwe), tout comme son homologue australien (Kiribati, Nauru, Tuvalu), voire le franc suisse (Liechtenstein).
Tout cela mériterait d'être approfondi et détaillé. Une chose est sûre cependant : ce ne sont pas 95 % des pays du monde qui disposent de leur propre monnaie ; selon une première estimation, ce seraient moins de 75 % d'entre eux.
Dans les années quatre-vingt-dix, à la différence d'autres opposants au traité de Maastricht, le directeur de L'Action Française Hebdo accueillait avec bienveillance la politique du "franc fort", tout en en dénonçant certaines limites.
Été 1993 : les statuts de la Banque de France sont révisés afin de garantir son indépendance. On en parle peu dans les colonnes de L'Action Française Hebdo, où l'on dénonce plutôt l'entrée en vigueur imminente du traité de Maastricht. Dans le numéro du 15 juillet, Pierre Pujo évoque néanmoins la « politique du "franc fort" » – laquelle « n'est pas la panacée » selon le titre de son éditorial.
« M. Balladur […] a quelque mérite à s'y accrocher dans un pays où, depuis près de quatre-vingts ans, les gouvernements ont manié à répétition la planche à billets et procédé à d'innombrables dévaluations », commente-t-il alors. Selon lui, en effet, « la stabilité de la valeur de la monnaie est un facteur de sécurité et d'enrichissement pour tous » ; elle a même « une valeur morale ». « Cependant », souligne-t-il, « la conversion de l'État français à la stabilité monétaire est trop récente pour effacer les doutes sur la durée » ; c'est pourquoi, prévient-il, « le "franc fort" demeure bien fragile ».
Et de poursuivre : « M. Balladur a fait le pari de concilier une politique du "franc fort" avec une reprise de l'emploi. Ce pari n'est pas gagné d'avance. Alors que notre économie dépend largement de ses échanges extérieurs, nous devons faire face aux "dévaluations compétitives" de certains pays de la Communauté européenne, tels la Grande-Bretagne, l'Italie ou l'Espagne, tandis que les États-Unis et le Japon continuent à sous-évaluer leur monnaie respective pour faciliter leurs exportations. La puissance économique de ces deux derniers leur permet de nous imposer le cours de leur monnaie. Ne risquons-nous pas d'être victimes d'un excès de rigueur ? On peut se demander par ailleurs s'il est possible de combiner le maintien d'un "franc fort" avec des charges fiscales et sociales et des réglementations aussi lourdes que celles qui pèsent sur les entreprises françaises sans conduire l'économie sur la voie de la récession. »
Le propos se veut donc nuancé. Quelques jours plus tôt, sur le même sujet, Pierre Pujo s'était montré critique à l'égard du chef de file des opposants à l'Union européenne en gestation. « M. Séguin condamne la politique du franc fort (disons plutôt du franc stable) qui conduit la France à lier son sort à l'Allemagne, à assouplir le statut de la Banque de France pour mieux la mettre sous la dépendance de la Bundesbank », rappelle-t-il dans son éditorial du 24 juin 1993 ; « il souhaiterait que le franc "décroche" du deutschemark et il ne répugne pas à une dévaluation éventuelle ». Or, selon le directeur de L'Action Française Hebdo, « il est permis d'émettre des réserves sur ce point ». En effet, explique-t-il, « une dévaluation renchérirait nos importations qui (l'expérience passée le montre) ne diminueraient pas en volume, relancerait l'inflation et ferait remonter les taux d'intérêts » ; et d'annoncer que « la croissance économique en France ne serait nullement garantie ».
Comment la réforme de la Banque de France fut traitée en 1936 dans l'organe du nationalisme intégral.
Début 1936, alors que le Front populaire n'est pas encore au pouvoir, L'Action Française en annonce le programme. Dans un numéro paru le 12 janvier, Perspicio évoque, entre autres, sa volonté de « faire de la Banque de France, aujourd'hui banque privée, la banque de la France » ; cela afin de « soustraire le crédit et l'épargne à la domination de l'oligarchie économique ».
Le spectre des assignats
Quelques mois plus tard, alors qu'une loi sera bientôt votée à cet effet, Le Petit Journal s'en réjouit, comme le rapporte l'« organe du nationalisme intégral » dans son numéro du 18 juillet : « Un privilège disparaît. Un grand espoir apparaît. La République entre à la Banque de France. Il faut l'y installer. Cette banque peut, si nos gouvernants persévèrent – et nous faisons confiance à leur fidélité – devenir, enfin, non plus la chose de deux cents féodaux, mais la banque des Français. » Signant la revue de presse du quotidien royaliste, Pierre Tuc se montre critique : de son point de vue, « la "réforme" de la Banque de France apparaît en effet comme une belle duperie ». Et de citer L'Ère nouvelle, « fort inquiète » : « On ne résoudra pas la question en faisant clamer par les haut-parleurs que la Banque de France va devenir la banque de la France. Car, si l'on veut faire courir à notre institut d'émission tous les risques que supportent, plus ou moins bien – ou mal – toutes les antres banques, on ne fera que doubler la fonction de celles-ci sans profit avouable pour personne et sans raison. Et si, dans le même temps, on entend demander à la Banque de Fiance d'apparaître comme un instrument docile à satisfaire à toutes les demandes de l'État et des collectivités, solvables ou non, on aura tôt fait de détruire la garantie de la monnaie et d'avilir celle-ci. Jusqu'à quel point ? »
Le même jour, dans la foulée d'une diatribe antisémite, Charles Maurras dénonce les « innovations dangereuses apportées à la Banque de France » ; « les fondateurs de notre institut d'émission y avaient accumulé les forces de résistance destinées à donner confiance, c'est-à-dire à constituer du crédit », rappelle-t-il notamment, craignant manifestement que cet héritage soit dilapidé. Le lendemain, Marie de Roux affirme que « l'étatisation de la Banque est un immense danger économique ». « Nous allons droit à l'assignat, plus ou moins masqué », surenchérit Léon Daudet dans le même numéro ; « la nationalisation de la Banque de France », c'est « la planche à assignats fonctionnant a tour de bras », avait-il annoncé deux jours plus tôt, le 17 juillet.
La monnaie à la botte des partis
« Le plus important, les questions de crédit et d'escompte, sera désormais soumis aux volontés de gouvernements de passage », déplore encore L'Action Française dans son édition du 16 juillet 1936. Et d'enfoncer le clou trois jours plus tard : « Le nouveau statut de la Banque de France met le crédit du pays à la disposition et au service des partis au pouvoir. Et quand on connaît ces partis et leur émanation, on ne peut s'empêcher d'être justement alarmé. Aussi bien la Bourse, par sa mise volontaire en sommeil, reflète-t-elle exactement l'angoisse grandissante du pays réel qui ne peut être dupe des manifestations d'allure impressionnante de l'équipe judéo-maçonnique [sic] en place. »
« Pierre Gaxotte caractérise admirablement […] l'opération du gouvernement Blum et de la majorité contre la Banque de France », résume Pierre Tuc, dans sa revue de presse du 24 juillet 1936. « La Banque de France est désormais une banque d'État », regrette celui-là. Et celui-ci de rapporter son commentaire paru dans Candide : « La Banque de France, la vraie, celle qui est morte cette semaine, avait été établie pour défendre la stabilité de la monnaie, pour garantir au franc, mesure de toutes choses, une valeur constante et sincère. La nouvelle Banque, celle du Front populaire, est organisée pour fournir à la coalition socialo-communiste la quantité de billets dont elle a besoin. Les opérations de l'ancienne banque (escompte, crédit, etc.), étaient subordonnées au maintien du franc à sa parité or. Pour la nouvelle, la défense du franc n'est qu'une tâche accessoire, secondaire, sacrifiée. La besogne primordiale est d'imprimer des billets et de les répandre là où la majorité parlementaire veut qu'ils aillent. »
Empirisme organisateur
Quelques mois plus tôt, le 21 mai, Pierre Tuc avait cité Claude Barjac rappelant dans L'Ordre que la Banque de France avait toujours été « dans toutes les grandes crises, l'auxiliaire indispensable et toujours présente de l'État » : « Sans elle, le gouvernement aurait fait faillite en 1830. Sans elle, le Trésor aurait dû fermer ses guichets en 1870 et en 1871, Sans elle on ne sait comment aurait pu être menée la dernière guerre. Dans ces grandes circonstances, elle a vraiment joué le rôle de banque d'État, par toutes les avances qu'elle a faites au Trésor ; mais précisément elle l'a fait parce qu'elle n'était pas banque d'État, et parce qu'ainsi elle avait conservé intact un crédit que n'avait plus le gouvernement. Que le gouvernement absorbe la Banque, la Banque fera défaut à l'État le jour où celui-ci aura besoin de ressources que les circonstances ne lui permettront pas de se procurer directement. Ce qui est exact, c'est que Banque et État sont étroitement solidaires l'un de l'autre. Aussi est-il tout naturel que l'État veuille avoir droit de regard sur la Banque, mais ce ne signifie pas qu'il doive lui enlever son caractère essentiel qui est d'être indépendante. On peut tout obtenir de la Banque de France quand son intervention est indispensable, on l'a vu dans le passé, encore y a-t-il la manière. » Une fois n'est pas coutume, les royalistes s'en remettent à la sagesse de l'Empereur : « Je veux, disait Napoléon en 1806, que la Banque soit assez dans les mains du gouvernement et n'y soit pas trop. »
Les débats d'hier sont-ils susceptibles d'éclairer ceux d'aujourd'hui ? Force est de constater que les inquiétudes exprimées jadis sont ravivées aujourd'hui, tandis qu'on parle d'une hypothétique sortie de l'Union économique et monétaire. Dans cette perspective, il est assurément saisissant, voire piquant, de constater le renversement des forces en présence. Cela étant, il serait bien hasardeux d'en tirer quelque conclusion. Tout au plus s'agit-il d'une petite porte entrouverte sur l'histoire.
L'histoire est pleine d'ironie. Les statuts de la Banque de France furent jadis réformés à l'initiative du Front populaire, afin d'exercer un certain contrôle politique sur ses activités. C'est un peu ce que réclament les souverainistes aujourd'hui ! Mais comment cette réforme fut-elle accueillie à l'époque par L'Action Française, « organe du nationalisme intégral », comme ce journal se définissait lui-même ?
Un premier indice nous est donné par la lecture de son numéro du 24 juillet 1936. « Pierre Gaxotte caractérise admirablement […] l'opération du gouvernement Blum et de la majorité contre la Banque de France », écrivait Pierre Tuc dans une revue de presse parue ce jour-là. « La Banque de France est désormais une banque d'État », regrettait alors Pierre Gaxotte. Extrait de son commentaire publié auparavant par Candide :
« La Banque de France, la vraie, celle qui est morte cette semaine, avait été établie pour défendre la stabilité de la monnaie, pour garantir au franc, mesure de toutes choses, une valeur constante et sincère. La nouvelle Banque, celle du Front populaire, est organisée pour fournir à la coalition socialo-communiste la quantité de billets dont elle a besoin. Les opérations de l'ancienne banque (escompte, crédit, etc.), étaient subordonnées au maintien du franc à sa parité or. Pour la nouvelle, la défense du franc n'est qu'une tâche accessoire, secondaire, sacrifiée. La besogne primordiale est d'imprimer des billets et de les répandre là où la majorité parlementaire veut qu'ils aillent. Les deux conceptions s'excluent. Le Front populaire affirme repousser l'inflation : il l'organise. L'Humanité a exprimé à cet égard des réserves significatives : c'est sur le terrain monétaire que les communistes fausseront un jour compagnie à l'équipe Blum. L'opération se prépare de loin. En attendant, la planche à billets est en place. Le mécanisme commence à tourner. »
Ces propos, pour le moins critiques, sont les premiers nous ayant été proposés par Gallica à la faveur d'une recherche sur le sujet dans les colonnes de L'Action Française. Peut-être aurons-nous l'occasion d'en rapporter quelques autres !
Extrait d'un éditorial d'Aspects de la France publié dans les années quatre-vingt.
Depuis la Libération et jusqu'à sa disparition au profit de l'euro, le franc subit des dévaluations à répétition. Au sens le plus strict, la dernière remonte au 6 avril 1986. Commentant l'événement quelques jours plus tard dans les colonnes d'Aspects de la France, Pierre Pujo se montrait désabusé. Extrait de son éditorial du 10 avril :
« Lors de chaque dévaluation, les dirigeants français prennent des résolutions de rigueur et de sagesse, moyennant quoi nos partenaires étrangers nous accordent leur absolution en se prêtant à un rajustement des monnaies. […] Hélas, les bonnes résolutions françaises ne durent pas et nous retombons bientôt dans nos fautes passées ! Notre malédiction s'appelle la démocratie dont les effets démagogiques sont bien pires en France que chez nos voisins d'outre-Rhin. Tant que la démocratie poursuivra chez nous ses débordements, il ne faut pas s'attendre à voir les choses changer. On continuera périodiquement à réévaluer le Deutsche Mark et à dévaluer le franc. »
Cela ne manquera pas de nourrir les réflexions sur l'éclatement potentiel de l'Union économique et monétaire. À l'époque, celle-ci n'était même pas en gestation… Le moment venu, le directeur d'Aspects de la France puis de L'Action Française 2000 ne manqua pas de s'opposer à sa constitution, gardons-nous de travestir sa pensée ! Cela étant, peut-être n'est-il pas inutile de rappeler avec lui qu'« une dévaluation est le signe d'un affaiblissement économique du pays ». À méditer.
15 mars 2017 Article publié dans L'Action Française 2000
Samedi dernier, 11 mars 2017, le chef de l'État s'est rendu à Saint-Denis, visitant la nécropole des rois de France dont il a confirmé la prochaine rénovation.
« Je voulais venir pour que ce futur chantier puisse constituer plus qu'un ouvrage, mais un symbole », a-t-il déclaré ; « un symbole entre le passé et l'avenir, un symbole entre l'histoire des femmes et des hommes » – « surtout des hommes », s'est-il corrigé – « qui avaient construit cette basilique et puis des femmes et des hommes qui vont participer au remontage de la flèche ». Une flèche dont la basilique fut privée « bien avant » qu'il n'accède à la présidence de la République, a-t-il rappelé, se risquant à quelque humour.
Français de papier ?
La perspective de sa réinstallation mobilise aujourd'hui « toute la population de Saint-Denis, avec toutes ses origines, toutes ses nationalités », s'est-il félicité, laissant maladroitement entendre que tous ses habitants ne seraient pas français. Évoquant un « chantier d'insertion », il a salué « un projet éminemment social, politique et culturel » y voyant l'occasion pour « des populations elles-mêmes nouvelles sur notre territoire » de « s'approprier un bâtiment pourtant très ancien ».
Réussite individuelle
En conclusion, le président de la République s'est demandé « pourquoi […] des hommes avaient, quelquefois au risque de leur vie, voulu bâtir une basilique ». Sans doute cela tenait-il à leur foi : « il y avait, au-delà de cette flèche, une flamme qui animait celles et ceux qui construisaient cette basilique », a-t-il expliqué. Mais aujourd'hui, aux yeux de François Hollande, « la flèche prend une autre signification » : selon lui, « il ne s'agit pas simplement de s'élever au plus haut dans le ciel pour parler […] aux forces de l'esprit » ; « non, il s'agit de montrer qu'ici à Saint-Denis, il est possible de s'élever, […] de se dépasser et de réussir sa vie » – « voilà », selon le chef de l'État, « le symbole de la flèche de Saint-Denis ». Tout ça pour ça ?
2 mars 2017 Article publié dans L'Action Française 2000
Soucieux de renforcer les moyens alloués aux armées, le général de Villiers inscrit volontiers leur action dans un cadre multilatéral.
Le général Pierre de Villiers, chef d'État-Major des armées (CEMA), s'est exprimé mercredi 8 février 2017 devant une commission de l'Assemblée nationale. « Pour la première fois depuis trente-cinq ans, la baisse de la part du budget allouée à la Défense a été enrayée », s'est-il félicité devant les députés. Cela s'est traduit par sa stabilisation à 1,78 % du PIB. « Il faut poursuivre cette dynamique, qui doit nous amener à 2 % du PIB », martèle le CEMA. « Mais il faut le faire plus rapidement que prévu, avant la fin du prochain quinquennat », prévient-il.
Insuffisances criantes
« Parfois, en tant que chef des opérations, je renonce à certaines cibles […] par insuffisance de capacités », déplore-t-il. Les exemples ne manquent pas : « Actuellement, plus de 60 % des véhicules de l'armée de terre engagés en opérations ne sont pas protégés. On ne peut pas continuer comme cela. De même, la disponibilité de nos avions ravitailleurs conditionne notre aptitude à tenir la posture de dissuasion nucléaire, comme à projeter nos forces et à soutenir nos opérations aériennes ; or, ils ont en moyenne plus de cinquante ans d'âge. La Marine, quant à elle, voit le nombre de ses patrouilleurs outre-mer s'effondrer : d'ici 2020, hors Guyane, six sur huit auront été désarmés, et ne seront remplacés que plusieurs années plus tard. Et, au-delà de 2020, d'autres réductions temporaires de capacités apparaîtront, comme les hélicoptères légers embarqués, dont le remplacement est prévu en 2028 seulement, les missiles air-air ou les camions lourds. »
Retour des États-puissances
Or les menaces persistent. Le général de Villiers distingue « deux grands types de conflictualité » : d'une part, explique-t-il, « nous sommes confrontés à l'émergence et à l'expansion du terrorisme islamiste radical » ; d'autre part, poursuit-il, « nous assistons […] au retour des États-puissances, traditionnels ou émergents, dont certains visent à étendre leur influence par la mise en œuvre d'une stratégie qui repose sur le rapport de forces et sur le fait accompli » La Russie serait-elle visée ? « De manière plus générale », souligne le CEMA, « l'affirmation militaire redevient une tendance lourde, commune à plusieurs États dans le monde ». Celui-ci est-il plus dangereux qu'auparavant ? « Il est, en tout cas, plus instable et plus incertain », répond le général de Villiers. Selon lui, « cette réalité, évidente, plaide pour que la France continue à compter en priorité sur ses propres forces afin d'assurer sa sécurité et sa protection pour le long terme ».
L'Otan et l'UE, des atouts ?
De quoi ravir les souverainistes ? Pas vraiment. Si, aux yeux du CEMA, « l'enjeu essentiel » demeure effectivement « la préservation de notre souveraineté », celle-ci « repose sur trois socles » : « l'indépendance nationale », « l'autonomie stratégique » mais aussi « la coopération militaire, entendue au sens large ». « Tout l'enjeu est de parvenir au juste équilibre entre ce qui est du ressort strict de notre souveraineté et ce qui peut être partagé », précise-t-il. De son point de vue, « il ne faut pas opposer le communautaire et l'intergouvernemental : les deux s'additionnent et ne s'opposent en aucune manière à l'exercice d'une souveraineté pleine et entière ». Par ailleurs, « à côté des garanties apportées », selon lui, par l'Otan ou l'Union européenne, il revendique « la conviction que la coopération internationale, fondée sur la confiance, apporte une contribution complémentaire essentielle à la protection de la France et des Français ». Cette fois-ci, une pique serait-elle envoyée à Donald Trump ? Quoi qu'il en soit, le chef d'État-Major des armées se garde toutefois de verser dans l'angélisme car, observe-t-il, « seule la force peut faire reculer la violence ». Et de conclure : « Il ne suffit pas de prévoir l'avenir, il faut le permettre. Seule la puissance garantit la paix, qui est notre objectif à toutes et à tous. »