Une lecture politique de Star Wars : de Grievous à Clemenceau

5 décembre 2015

The Clone Wars, saison 2, épisode 9, L'Intrigue de Grievous. « Lors d'une mission de sauvetage, Anakin, Obi-Wan et Adi Gallia tombent dans un piège tendu par le général Grievous. » Lequel n'aime pas la politique !

Alors qu'il vient de faire prisonnier un membre du conseil Jedi, Grievous s'adresse à ses homologues : « Écoutez-moi Jedi ! Je me moque des questions politiques. Je me moque aussi de votre République. Je ne vis que pour vous voir mourir. » Un peu plus tard, tandis qu'Obi-Wan dénonce « une quête absolument futile du pouvoir », il déclare à son intention : « Je ne combats pas pour les objectifs politiques de Dooku. Je suis le chef de l'armée de droïdes la plus puissante que la galaxie ait jamais vue. »

La vengeance et la gloire seraient-ils les seuls moteurs de son action ? Incidemment, par sa relative légèreté, son dédain des ressorts les plus profonds du conflit, Grievous semble illustrer la formule attribuée à Georges Clemenceau, selon laquelle la guerre serait une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires... Un classique du cinéma américain, où les hauts gradés apparaissent souvent comme de gros bourrins sans cervelle !

Une lecture politique de Star Wars : apologie de la torture

5 décembre 2015

The Clone Wars, saison 2, épisode 8, Envahisseurs mentaux. « Ahsoka et Barriss doivent empêcher le fléau des vers cérébraux de Geonosis de s'étendre dans toute la galaxie. » Jack Bauer en guest star !

Tandis qu'un grave danger menace sa padawan, Anakin se dirige vers la cellule d'un prisonnier afin d'obtenir des informations susceptibles de la sauver. Découvrant que ses « pouvoirs spirituels » s'avèrent sans effet sur lui, il le frappe, le jetant à terre, puis l'étrangle à travers la Force. La morale – à moins qu'il s'agisse seulement de bienséance ? – se trouve manifestement transgressée, comme le souligne une musique grave, reprenant les accents de la Marche impériale.

De retour sur la passerelle du vaisseau, Anakin suscite l'incrédulité pleine d'ingénuité des maîtres Jedi qui avaient tenté, en vain, de faire parler le prisonnier. « Vous avez donc interrogé Poggle ? », s'étonne maître Unduli. « Comment as-tu réussi à le faire parler ? », lui demande encore Ki-Adi-Mundi. « Tout ce qui importe », leur rétorque-t-il, « c'est qu'il m'ait expliqué comment arrêter ces vers parasites. » Dont acte. Ahsoka s'en sort, grâce à lui donc, non sans avoir affronté avec courage bien des périls...

Barris, une autre padawan qui l'accompagne, se trouve comme possédée. Dans un accès de lucidité, elle la supplie même de la tuer. Ashoka s'y refuse. Était-ce une erreur, aurait-elle péché par faiblesse, troublée par l'amitié ? Une fois sauvée, elle fait part de ses doutes à son maître. Très protecteur, Anakin lui tient précisément le discours que le spectateur serait tenté de lui adresser à lui : « Il est de ton devoir de sauver le plus de vies possibles. [...] Tu as fait ce qu'il fallait. »

Bref, on se croirait dans 24 heures chrono ! Peut-être la torture corrompt-elle celui qui la pratique, mais c'est pour la bonne cause – et puis ça marche : tel est, en substance, le message délivré par cet épisode, dont les scénaristes sont visiblement passés du côté obscur de la Force.

NB – Dans un épisode précédent (peut-être y reviendrons-nous à l'occasion), Yoda exprimait toute l'empathie que lui inspiraient chacun des soldats aux côtés desquels il combattait. Mais ici, tandis qu'Ahsoka se refuse à tuer Barris, celle-ci n'a pas les mêmes scrupules à l'égard du clone qu'elle transperce d'un coup de sabre-laser. Alors, « les nôtres avant les autres » ?

Déchéance de nationalité : la gauche fidèle à ses idéaux

3 décembre 2015

N'en déplaise à certains socialistes indignés, déchoir des Français de leur nationalité participerait d'une démarche typiquement progressiste.

À l'instant, sur France Info (Les Informés, émission animée par Jean-Mathieu Pernin, 3 décembre 2015), un certain nombre d'intervenants s'étonnent – et même s'émeuvent – qu'un pouvoir socialiste envisage de déchoir de leur nationalité des individus nés français. En effet, un projet de révision de la Constitution devrait être présenté prochainement en ce sens.

François Hollande et son gouvernement ne sont pas animés par des motivations idéologiques, mais politiques : il s'agit de flatter une opinion publique xénophobe, donner l'illusion d'une action résolue contre le terrorisme, couper l'herbe sous le pied de l'opposition, etc. Cependant, n'est-est-ce pas à gauche, un peu plus qu'ailleurs, qu'on nous explique qu'être français, ce serait, précisément, adhérer à des "valeurs", en l'occurrence celles de la République ?

Dans cette perspective, la participation à l'organisation d'un attentat exprimant manifestement leur reniement, c'est tout naturellement qu'elle devrait se traduire, juridiquement, par la déchéance de nationalité. Autrement dit, il s'agirait de prendre acte d'un choix délibéré, en application d'une conception volontariste de la nationalité.

Ce serait donc une mesure progressiste, émancipant l'individu d'un héritage imposé par sa naissance. Tout comme la lutte contre les "stéréotypes" est censée l'affranchir de déterminismes sociaux, voire biologiques, par exemple.

De notre point de vue, cela n'est pas à son honneur, mais force est de le constater : sous la houlette de François Hollande, la gauche demeure fidèle à ses idéaux.

COP21 : il n'y a pas de miracle

3 décembre 2015
Article publié dans L'Action Française 2000

Regard désabusé sur l'ouverture de la grand-messe du climat.

Le COP21 s'est donc ouverte lundi dernier, 30 novembre 2015. Ce jour-là, près de deux cents États étaient représentés, pour la plupart au plus haut niveau. « Cet événement constituera la plus grande conférence jamais organisée en France depuis la signature de la déclaration universelle des droits de l'homme à Paris en 1948 », avait annoncé le Quai d'Orsay. Tout son réseau avait été mobilisé en conséquence. Y compris à Kaboul, où les poules de l'ambassade de France ont été mises « au service de lutte contre le changement climatique ». Jean-Michel Marlaud, ambassadeur de France en Afghanistan, l'explique très sérieusement dans les Carnets diplomatiques du ministère des Affaires étrangères.

Des poules et des centrales

Ironie mise à part, peut-être l'Exécutif s'inscrit-il dans la tradition d'un certain messianisme français. D'autant que Paris a été le seul à se porter candidat à l'accueil de cette conférence. D'autres considérations s'avèrent plus prosaïques : il pourrait s'agir de donner des gages aux Verts, ou de soutenir l'industrie nucléaire où la France excelle. Mais pourquoi les chefs d'État ou de gouvernement ont-il répondu si nombreux à l'appel ? Sans doute n'ont-ils rien à y perdre. Comme l'explique Carole Mathieu, chercheur à l'IFRI, « l'économie mondiale va nécessairement connaître de profonds changements dans les quinze prochaines années en raison de la croissance de la demande d'énergie et de produits agricoles et forestiers mais aussi de l'essor de la population urbaine » ; or, poursuit-elle, « orienter vers la construction d'une économie sobre en carbone » les investissements nécessaires « serait à peine plus onéreux ».

Aussi François Hollande nous a-t-il promis un accord « universel, différencié et contraignant ». Contraignant ? « La contrainte, ce sera l'engagement international, l'obligation de transparence, l'effet sur la réputation », décrypte la négociatrice française Laurence Tubiana, citée par Sciences et Avenir. Laurent Fabius a beau saluer « l'engagement de grandes autorités spirituelles et religieuses », nulle révolution ne devrait bouleverser la marche du monde à l'issue de cette COP21.

Laurent Fabius a-t-il vraiment salué le « bon boulot » du Front al-Nosra ?

2 décembre 2015

En décembre 2012, quand ces propos controversés ont été rapportés, la France réservait officiellement sa position à l'égard du Front al-Nosra.

C'est une accusation propagée avec zèle par des propagandistes à la botte de Bachar el-Assad, tout particulièrement à l'extrême droite, mais pas seulement : Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, serait un fervent thuriféraire du Front al-Nosra, affilié à Al-Qaïda.

Pour preuve, nous dit-on, il en aurait fait l'apologie dans les colonnes du Monde. « Sur le terrain, ils font du bon boulot », aurait-il effectivement déclaré, selon notre consœur Isabelle Mandraud. À bien relire son article daté du 13 décembre 2012, cependant, on relève quelque ambiguïté. En effet, M. Fabius semble rendre compte de l'opinion du président de la Coalition nationale syrienne, ce que confirme la retranscription officielle de sa conférence de presse du 12 décembre 2012, à laquelle ont vraisemblablement assisté nos collègues du Monde.

Évoquant le Front al-Nosra, mais se refusant à le citer nommément, Laurent Fabius observait alors : « Il y a en particulier un groupe qui a des positions militaires qui sont importantes, mais les Américains ont estimé que ce groupe, compte tenu de ses orientations, devait être mis sur la liste des terroristes. D'autres pays, je pense à un certain nombre de pays arabes, ont dit que cela ne leur paraissait pas pertinent. Et le président de la Coalition a dit que, bien évidemment, on pouvait avoir des visions différentes sur ce sujet mais que, lorsqu'un groupe menait une action qui était efficace et utile au service des Syriens et contre Bachar el-Assad, c'était très difficile de le récuser en tant que tel. »

« En ce qui concerne la France », annonçait le ministre, « nous allons examiner cette question de manière approfondie parce que c'est une question que l'on ne peut pas éluder ».

Autrement dit, en décembre 2012, Paris réservait officiellement sa position à l'égard du Front al-Nosra.

Sans doute cela suffira-t-il à indigner les détracteurs de la politique menée par Paris. Il n'empêche : réduire sa critique à l'agitation d'une petite phrase sortie de son contexte n'est pas à leur honneur. Qu'on débatte plutôt avec de vrais arguments, et sans fausse naïveté s'il vous plaît !

Star Wars au Louvre : publicité mensongère !

29 novembre 2015

En quête d'un nouveau public, « désireux de rendre l'art accessible à tous », comme disent ses porte-parole, le musée du Louvre serait-il passé du côté obscur de la Force ?

Éclaboussé par lé déferlante Star Wars, le temple de la culture accueille jusqu'au 4 juillet 2016 une exposition consacrée aux « mythes fondateurs ». À voir les affiches placardées dans les couloirs du métro parisien, Dark Vador y occuperait une place comparable à celle d'Hercule. Mais parmi les quelques dizaines d'œuvres exposées dans la Petite Galerie du musée du Louvre (quatre petites salles sur deux cent quarante mètres carrés), inaugurée pour l'occasion, seules trois ou quatre proviennent effectivement d'une galaxie lointaine, très lointaine : le masque de Dark Vador (que l'on contemple sous tous les angles avec émotion, tant le personnage semble alors prendre vie sous nos yeux...), une illustration de Ralph McQuarrie, trois petits dessins de storyboard, deux affiches... et puis c'est tout.

Les amateurs du seigneur Sith risquent d'être déçus ! Les autres aussi, car le crocodile des origines, la hache rituelle ou le portrait de Circée sembleraient presque juxtaposés de façon gratuite. « Les mythologies de la culture populaire ne puisent-elles pas toujours dans le même répertoire d'histoires et de héros ? », s'interrogent les organisateurs. Mais alors, pourquoi n'ont ils pas explicitement dirigé les visiteurs vers les multiples portes que La Guerre des étoiles est susceptible de leur ouvrir vers la culture ? La voie avait été ouverte à l'initiative du Musée national de l'Air et de l'Espace de Washington, qui avait consacré une exposition à la saga et à ses inspirations, dont subsiste pourtant l'excellent catalogue.

Parmi les tableaux présentés à la Petite Galerie du Louvre, il y a, entre autres, Le Pandemonium, la capitale des Enfers peinte par John Martin, où quelques bâtiments émergent des roches en fusion. Cela rappellera naturellement Mustafar à tous les fans de Star Wars, cette planète volcanique qui scella plus ou moins la chute d'Anakin Skywalker vers le côté obscur de la Force, et dont il n'échappa qu'au prix d'atroces mutilations. Pourquoi ne pas avoir souligné cette continuité historique, par exemple ?  C'eût été d'autant plus opportun que, juste à côté de ce tableau, sont projetés des extraits de films traitant précisément des « métamorphoses ».

Peut-être cela a-t-il été fait à dessein ? Dans ces conditions, cette exposition peut constituer un bon support pédagogique, mais elle ne saurait se suffire à elle-même. Pour nous, sa visite fut un prétexte pour revenir au Louvre, en compagnie d'un guide coutumier des lieux, qui nous entraîna ensuite sur les chemins de la Mésopotamie, à la découverte de statues aussi majestueuses qu'impressionnantes... Aucun regret donc ! Mais qu'en sera-t-il des plus jeunes, ouvertement visés, auxquels on aura promis qu'ils allaient en découdre au sabre-laser ? Déception oblige, leur première visite au Louvre risque de leur laisser un souvenir mitigé.

La guerre, une affaire culturelle

4 novembre 2015
Article publié dans L'Action Française 2000

Projetées au cœur de populations dont elles connaissent mal la culture, les armées occidentales sont encore loin de maîtriser ce nouvel art de la guerre, où les sciences sociales vont jouer un rôle croissant.

Alors que des abus sexuels étaient commis contre des enfants en Afghanistan, des soldats américains, témoins de ces horreurs, se seraient vu « ordonner [...] de détourner leur regard car cela fait partie de la culture locale », selon les révélations du New York Times, cité par le Courrier international (en ligne) le 22 septembre 2015. Pareil cynisme semble effroyable, mais peut-être cela reflète-t-il la difficulté des armées occidentales à relever le défi de « l'interculturalité dans les opérations militaires », auquel Nathalie Ruffié consacre précisément un petit livre.

Des écoles dont personne ne veut

En effet, nous dit-elle, « les exemples ne manquent pas quant aux perceptions culturelles erronées des militaires ». Comme en Irak, où des soldats américains, arrêtant des hommes, les mettaient face contre terre – « une position interdite par l'islam sauf pendant la prière » – au risque de choquer les détenus, mais aussi les passants. Ou comme dans le Sud de l'Afghanistan, où le puits construit à l'initiative des Occidentaux « fut détruit non pas par les Talibans mais par les femmes du village », celles-ci préférant « aller chercher l'eau à la rivière [...] loin de la surveillance des hommes ». L'auteur rapporte encore l'obstination de militaires danois à proposer la construction d'une école dans un village afghan, dont la population « est alors plus préoccupée par la perte d'une vache lors d'un bombardement ou le piétinement d'un champ de culture par le passage des soldats ».

À l'inverse, au Mali, après avoir chassé les djihadistes de la ville de Gao, l'armée française s'est attiré les sympathies de la population en y reconstruisant un marché, contribuant ainsi à relancer la vie économique et sociale. « Au niveau tactique », poursuit Nathalie Ruffié, « la compréhension des effets de genre ou de la famille peut sauver des vies ». Prêts à mourir sous le feu d'un bombardier B-52, des combattants musulmans préférèrent se rendre quand ils apprirent que l'appareil était piloté par une femme... Un succès ponctuel qui ne saurait masquer l'ampleur du défi stratégique : étant donné leur rapport au temps, « les guerriers afghans ont la capacité de s'engager dans leur cause sur de très longues périodes, ce qui peut être un facteur décisif de victoire ».

Cependant, actionné à bon escient, le "levier culturel" produit parfois des effets spectaculaires au bénéfice des armées occidentales. En juillet 2009, toujours en Afghanistan, huit cents Marines envoyés en renfort parcoururent en petites équipes la province d'Helmand, allant à la rencontre de la population. « Cinq mois plus tard, la province avait changé de profil : les insurgés avaient du mal à investir le terrain sans être dénoncés par les fermiers. » Les attentats perpétrés à l'aide de bombes artisanales avaient même chuté de 90 %. Or, souligne l'auteur, « aucune information ne fut trouvée sur ces changements dans les rapports officiels au niveau du quartier général » !

C'est dire la profondeur des lacunes affectant l'organisation des armées occidentales – voire leur culture. À l'avenir, peut-être de nouveaux outils informatiques permettront-ils de les combler – l'auteur y consacre d'ailleurs toute une partie de son livre. Dans l'immédiat, observe-t-elle, « la communauté de renseignement lutte à intégrer les analyses socio-culturelles au sein des analyses traditionnelles car [ses] structures restent concentrées sur l'État, modèle de la Guerre froide ». Les effectifs déployés sur le terrain étant relevés généralement tous les six mois, cela n'arrange rien : « les mêmes propositions reviennent en boucle malgré les échecs précédents », tandis que « les interlocuteurs afghans – qui eux restent en place – peuvent utiliser les failles »...

Il faut réviser les doctrines

Peut-être cette étude contribuera-t-elle à la révision des doctrines... À vrai dire, sa publication semble s'adresser aux spécialistes, en quête de références bibliographiques, davantage qu'aux profanes, avides d'anecdotes, somme toute peu nombreuses. Sa lecture n'en reste pas moins aisée, quoique les citations non traduites de l'anglais puissent en gêner certains. On regrettera, par ailleurs, que l'orthographe et la syntaxe ne soient pas d'une rigueur absolue. Saluons toutefois l'initiative des éditions du Cygne, qui proposent, outre la traditionnelle version papier, le téléchargement d'un fichier libre de tout verrou numérique (DRM) – un exemple à suivre !

Nathalie Ruffié, L'Interculturalité dans les opérations militaires – Le cas américain en Irak et en Afghanistan, éditions du Cygne, juin 2015, 138 pages, 14,00 euros (version numérique, Epub ou PDF sans DRM, 12,60 euros).

Je suis féministe, je sauve le climat !

21 octobre 2015

À l'approche de la COP 21, la priorité devrait être donnée à l'égalité hommes-femmes, nous disent les sénateurs.

Le président de la République l'avait annoncé le 27 septembre, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies : « Je demanderai que dans les moyens financiers que nous dégagerons dans la conférence de Paris, les projets présentés par les femmes soient considérés comme prioritaires. » Voilà qui devrait satisfaire Mme Chantal Jouanno (UDI), auteur d'un rapport d'information « sur l'égalité entre hommes et femmes pour la justice climatique », établi au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat, qui vient tout juste d'être rendu public.

« Il est [...] indispensable que l'égalité entre femmes et hommes et la prise en compte des conséquences pour les femmes des changements climatiques soient une dimension spécifique de la COP 21 qui s'ouvrira dans quelques semaines à Paris », explique-t-elle notamment. « Comme l'a souligné la représentante d'ONU Femmes-France », poursuit-elle, « l'égalité doit être un "principe central, directeur et transversal de l'accord" ; "les droits des femmes devront figurer dans chaque partie opérationnelle du texte" ». Cette démarche s'inscrirait apparemment dans la continuité du « tournant » qui s'était « manifesté lors de la COP 18 de Doha, avec la décision de tenir une "journée du genre" dans les sessions à venir ». Cependant, regrette le rapporteur, « un tiers seulement des contributions nationales à la COP 21 déposées à ce jour mentionnent l'égalité entre hommes et femmes comme principe directeur du futur accord de Paris ». Ça craint, n'est-ce pas ?

« Le lien particulier entre le renforcement de l'autonomie et des droits des femmes et la lutte contre le réchauffement climatique n'est toujours pas universellement reconnu », déplore encore Mme Jouanno. Quelle surprise ! Quoi qu'elle en dise, à la lumière des arguments (si l'on peut dire) présentés dans son rapport, cela n'a vraiment rien d'évident... Ainsi les « conséquences du réchauffement climatique sur la santé des femmes » apparaitraient-elles « par exemple à travers leur exposition à la pollution de l'air domestique, accentuée par l'utilisation d'énergies polluantes pour la cuisson des aliments et le chauffage ». Or, dans le cas présent, ce n'est pas le réchauffement climatique qui est en cause, mais la qualité de l'air, preuve que la démonstration se veut très rigoureuse...

Entre autres recommandations, il est dit que « le soutien des savoir-faire traditionnels doit être renforcé dans la mise en œuvre des mesures d'adaptation et d'atténuation, car cette orientation met en valeur les compétences des femmes ». S'il convient effectivement de lutter contre le réchauffement climatique, et s'il s'avère que des savoir-faire traditionnels peuvent y aider, alors, oui, soutenons leurs dépositaires ! Mais pour leur valeur propre, pas en fonction du sexe de ceux qui les perpétuent... Nos sénateurs marchent sur la tête !

Les abeilles du FN mettent le PS et LR au pied du mur

18 octobre 2015

Menacés par la percée du Front national, les eurodéputés socialistes et Les Républicains cultivent sans vergogne le sectarisme partisan. Cependant, leurs rivaux populistes ne trouvent pas davantage grâce à nos yeux.

Voilà que le Front national appelle l'Union européenne à s'aligner sur les États-Unis ! En cause : l'autorisation donnée par la Commission européenne, en juillet dernier, à la commercialisation du Sulfoxaflor, un pesticide accusé de nuire aux abeilles, interdit outre-Atlantique.

Sylvie Goddyn, député français au Parlement européen, explique avoir « engagé une procédure d'urgence pour faire obstacle à ce produit ». À tort ou à raison, la plupart de ses collègues partagent apparemment sa défiance à l'égard du Sulfoxaflor. Mais il se trouve que Mme Goddyn a été élue sous les couleurs du Front national... Or, « pour les socialistes français », rapporte notre consœur Aline Robert, « la ligne de conduite est très claire : pas question de voter le moindre amendement FN ou de négocier le moindre compromis ». D'ailleurs, loin de s'arrêter en si bon chemin, « le groupe socialiste et démocrate planche [...] sur l'établissement d'une position commune pour éviter qu'un élu de sa formation ne soutienne des amendements du groupe » où siègent les eurodéputés du Front national. « La même initiative a été prise à droite au PPE, où Alain Lamassoure et Françoise Grossetête [...] veulent aussi mettre le sujet sur la table. Il s'agit de convaincre leurs collègues [...] de ne pas voter les amendements FN. »

« Nous ne pouvons pas soutenir des gens qui veulent détruire l'Europe », se justifie le socialiste Guillaume Balas, cité par Euactiv. Comme si le Front national la menaçait en quoi que ce soit... Comme l'expliquait un collaborateur de Contrepoints, « la présence de ces députés opposés à l'UE n'a jamais altéré le fonctionnement de l'UE mais elle leur permet de bénéficier des largesses financières de l'Union européenne » – ainsi que d'une tribune, dont Marine Le Pen a fait un usage particulièrement médiatisé le 7 octobre dernier.

Ce jour-là, on s'en souvient, alors que le président de la République venait de s'exprimer devant le Parlement européen aux côtés du chancelier allemand, la présidente du Front national l'avait affublé du tire de « vice-chancelier administrateur de la province France », l'accusant de « se soumettre aveuglement à une politique décidée à Berlin, Bruxelles ou Washington ». Des propos éminemment grotesques : si l'Élysée était effectivement une antenne de la Maison-Blanche, sans doute Paris investirait-il davantage dans sa défense, conformément aux recommandations de l'Otan, par exemple ; et si Bercy rendait des comptes à Berlin, ce n'est pas un tel laxisme qui gouvernerait le budget de l'État !

En tout cas, cela tranche avec l'attitude d'une Marie-France Garaud, qui disait s'interdire de critiquer la politique de son pays hors de ses frontières (1)... C'est à Strasbourg que Marine Le Pen s'est illustrée, nous rétorquera-t-on. Strasbourg, qui se trouve toujours en France donc. Certes, mais qu'est-ce que le Parlement européen ? La représentation plus ou moins légitime de vingt-huit États, ou bien celle d'un improbable peuple européen ? Aux yeux de Paris, rappelons-le, la participation de la France à l'UE relève encore, à bien des égards, de la politique étrangère, comme en témoigne la tutelle du ministre des Affaires étrangères sous laquelle est toujours placé le secrétaire d'État aux Affaires européennes.

Paradoxalement, Marine Le Pen semble vouloir nous faire croire le contraire, se faisant complice d'une propagande européiste. Pas la peine de l'accabler, cependant : elle n'est que le rouage, certes complaisant, d'un système institutionnel qui la dépasse ; de toute façon, un nouvel acteur la remplacerait vraisemblablement dans son rôle si elle avait la décence d'y renoncer... Il n'empêche : si le souverainisme était conséquent, ses tenants n'applaudiraient pas la prestation de l'égérie populiste ; ils dénonceraient plutôt l'existence même du Parlement européen, ou du moins son mode de fonctionnement, où un pareil affrontement, opposant, devant l'Europe entière, la première délégation nationale au chef de l'État, devrait leur paraître insupportable. Mais avec des "si"...

(1) Nous nous souvenons l'avoir entendue revendiquer une telle conduite lors d'un entretien à la radio. En toute rigueur, cependant, sans doute conviendrait-il d'examiner ses interventions au Parlement européen.... Avis aux historiens !

Laurent Fabius et la Syrie : un soupçon de réalisme

18 octobre 2015

Un petit billet écrit pour L'AF2k.

Héraut des droits de l'homme, Laurent Fabius a jeté le gant à Bachar el-Assad, qu'il entend même traîner devant la justice internationale. À certains égards, son discours fait mouche : il est vrai que les médias, plus particulièrement audiovisuels, s'accommodent volontiers d'une vision du monde en noir et blanc...

Morale et efficacité

Poutine étant passé par là, voilà que le Quai d'Orsay met de l'eau dans son vin. « Il ne faut pas opposer d'un côté la morale et de l'autre l'efficacité », martèle désormais le ministre des Affaires étrangères ; « cela va exactement dans le même sens », a-t-il affirmé le 29 septembre 2015 sur le plateau de BFM TV. Le même jour, lors d'un sommet sur le terrorisme, il a jugé « très difficile d'imaginer qu'on puisse avoir [...] une Syrie unie, une Syrie libre, une Syrie qui respecte les communautés si à sa tête il est écrit que sera comme dirigeant celui qui a été à l'origine du chaos ». Et d'appeler à la constitution d'un gouvernement « avec des éléments du régime » (dont seule la figure de proue est désormais fustigée) « et avec des éléments de l'opposition modérée ».

Logique de puissance

On le devine : l'obstination de Paris pourrait presque se décliner sur un mode réaliste, à l'image du discours tenu par Arnaud Danjean, député Les Républicains au Parlement européen. « On peut décapiter Daech, lui infliger des pertes importantes, le contenir, le dégrader », a-t-il expliqué à nos confrères de L'Opinion ; « mais le fond sunnite en ébullition persistera, faute de solutions politiques », a-t-il prévenu. Dans cette perspective, le départ de Bachar el-Assad n'apparaît plus comme une exigence morale, mais comme un gage nécessaire qu'il faudrait donner aux populations sunnites. Cela reste discutable, mais, à défaut d'infléchir encore sa position, pourquoi le Quai d'Orsay ne la défend-il pas de cette façon ? Le gouvernement a beau se proclamer en « guerre » contre le terrorisme, il hésite à s'inscrire clairement dans une logique de puissance. Dans ces conditions, en dépit de ses engagements militaires, la France risque de se montrer relativement passive sur la scène internationale, où la Russie s'engage, à l'inverse, sans aucun complexe.