Y a-t-il des ghettos en France ?

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le Centre d'analyse stratégique ouvre le débat, à l'approche d'une réforme de la politique de la Ville.

La politique relève parfois d'une affaire de sémantique. Aussi le Centre d'analyse stratégique s'est-il demandé si la désignation de "ghettos" français relevait d'un « abus de langage » ou de la « réalité ». Cela afin d'éclairer le débat sur la politique de la Ville, dont la réforme devrait redéfinir, d'ici à 2011, les logiques de "zonage" du territoire, ainsi que la distribution des moyens financiers. « Un traitement trop strictement spatialisé des problèmes sociaux fait l'objet de critiques en ce qu'il pourrait contribuer à solidifier ce qu'il a pour objectif de défaire », préviennent Marine Boisson et Catherine Collombet.

Le spectre de la "ghettoïsation" serait apparu dans les années soixante-dix, où les populations immigrées furent « les dernières à entrer dans ces grands quartiers d'habitat social en cours de dépréciation, lorsque celles nées en France et les classes moyennes [commençaient] à en sortir ». Trente ans plus tard, les "zones urbaines sensibles" (ZUS) compteraient 23,6 % d'immigrés, contre une moyenne de 3,7 % dans les autres quartiers. « Selon l'étude menée par Michèle Tribalat et Bernard Aubry, en 2005, la proportion des jeunes issus de familles dont au moins un des parents est étranger ou immigré s'élevait à moins de 20 % sur l'ensemble du territoire mais dépassait les 60 % dans vingt communes. [...] Outre les raisons historiques à la concentration urbaine de l'immigration, les immigrés sont orientés vers ces zones en raison de la forte proportion de logements sociaux à bas loyer et de la taille des logements. En 2006, sur 2,3 millions de ménages immigrés [...], 700 000 étaient locataires dans le parc HLM, la part résidant dans le parc social n'ayant cessé d'augmenter (+ 9 points entre 1996 et 2006). [...] Les ménages qui recourent le plus au parc social sont originaires d'Algérie (70 % des ménages locataires d'origine algérienne le sont dans le parc social), du Maroc (64 %) et d'Afrique subsaharienne (60,5 %) quand, à l'inverse, seul un ménage locataire immigré d'Asie sur trois réside en logement social. »

Quelle mixité ?

Outre ce phénomène de concentration, les « conduites d'adaptation à la marginalisation » des habitants pourraient traduire, également, un processus de ghettoïsation. Les trafics ou la rupture radicale avec l'ordre scolaire participeraient d'une organisation et d'une ambiance « devenues "autoréférentielles, comme tournées vers l'intérieur de la cité", où les personnes, en réponse à une situation vécue de relégation, jouent un rôle actif : affirmation d'un clivage vis-à-vis de l'extérieur, violence et racialisation omniprésente des rapports sociaux ». Cela dit, « on serait encore loin de l'homogénéité ethnique et du degré de déshérence des ghettos américains ». En effet, les banlieues françaises mêlent des dizaines d'origines géographiques, et les taux de pauvreté et de criminalité n'auraient « aucune commune mesure » avec ceux observés dans le South Side de Chicago. En outre, bien que soient régulièrement stigmatisées des "zones de non droit", l'État demeurerait « très présent dans ces quartiers. [...] En attestent l'augmentation de la part de la population dépendante des prestations sociales (allocations chômage, RSA, etc.) ; l'effort mis en œuvre par la politique de la Ville (plus de 5 milliards d'euros en 2009) ; la présence continue et parfois conflictuelle des policiers dans ces territoires. »

Tandis qu'on oppose couramment « l'idéal de mixité sociale » au délabrement des banlieues, les rapporteurs expriment quelques réserves qui donnent à réfléchir : « Il n'est pas toujours évident que le fait de mélanger des populations différentes permette de générer entre elles des relations sociales fructueuses. Dès 1970, des études ont mis en évidence des tensions et des conflits de cohabitation dans les grands ensembles, du fait même de regroupements hétérogènes contraints. Des travaux sociologiques [...] ont pu a contrario démontrer que des concentrations urbaines de type communautaire [...] peuvent être, à certains moments de la trajectoire des individus, des vecteurs de soutien et d'accès au travail. [...] La question n'est ainsi pas forcément de faire disparaître la concentration, ni de réduire les écarts de ces quartiers par rapport à d'autres, ni de les démolir comme hier on voulait les normaliser, ni d'empêcher de nouveaux immigrés d'y entrer. L'enjeu peut aussi être d'affirmer la spécialisation de ces quartiers, d'y garantir l'accueil et la promotion sociale, d'adapter les services publics à une même population ainsi regroupée. » Mais cela dans une perspective d'assimilation.

Résolution d'un nouveau genre

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Un parlementaire veut insérer l'homosexualité et le "genre" dans un accord international. Cela sans tenir du compte du calendrier des négociations, ni respecter la nature des résolutions européennes du Sénat.

L'invocation des "droits de l'homme" serait-elle dépassée ? Sans doute a-t-elle une portée trop générale aux yeux de Mme Alima Boumediene-Thiery, sénateur Vert de Paris. Forte du soutien d'une vingtaine de collègues, parmi lesquels on reconnaît les noms de Robert Badinter, Catherine Tasca ou Dominique Voynet, elle a déposé une proposition de résolution européenne portant sur l'insertion d'« une clause de non discrimination en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre » dans l'accord de Cotonou.

Inconséquence

Signé  le 23 juin 2000, ce texte fixe le cadre du partenariat liant les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) à l'Union européenne. Conclu pour une durée de vingt ans, il est néanmoins révisé tous les cinq ans. À cet effet, les dernières négociations ont été ouvertes en mai 2009, et conclues en mars dernier – ce que semblait ignorer Mme Boumediene-Thiery, soucieuse d'orienter une discussion qui se trouve déjà close. « C'est en réalité en février 2009, au moment où était adopté le mandat de négociation de la Commission européenne, qu'une telle invitation aurait trouvé sa place », souligne Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour la commission des Lois du Sénat. Par ailleurs, en invitant les États ACP à respecter le principe de non discrimination, sa collègue a méconnu « la logique des résolutions européennes », censées délivrer un message politique au gouvernement ou aux instances européennes, mais non à des pays tiers.

La Halde veille

De toute façon, précise M. Hyest, les États ACP se sont « résolument opposés » à toute référence à l'homosexualité et au "genre", « en dépit de la demande renouvelée de la Commission européenne ». Sur le continent africain, l'homosexualité ne serait "légale" que dans treize pays ; en Mauritanie, au Nigéria, en Somalie et au Soudan, elle serait même passible de la peine capitale. Quant à la France, elle « semble connaître depuis peu des cas de discrimination à l'égard des personnes transgenres », déplore le sénateur : « Comme le souligne une récente délibération de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour la promotion de l'égalité (HALDE), ces personnes "sont souvent victimes de discrimination durant la période d'adaptation et de conversion sexuelle". [...] Une autre délibération, un peu plus ancienne, de cette même autorité a recommandé à la Caisse nationale d'assurance maladie de prévoir une circulaire à destination de ses services afin qu'ils soient vigilants sur l'immatriculation sociale du patient en tenant compte du changement d'état civil des personnes transgenres. Dans cette affaire, l'apparence physique de la réclamante et son immatriculation à la Sécurité sociale ne coïncidant plus, elle avait été contrainte de révéler son changement de sexe à son employeur. À la suite de cette révélation, elle a été victime de moqueries et de pressions qui l'ont contrainte à démissionner. »

Passer d'un sexe à l'autre en toute liberté

Le mois dernier, le ministère de la Justice a diffusé une circulaire invitant le ministère public à émettre un avis favorable aux demandes de changement de sexe à l'état civil, dès lors que les traitements conférant une apparence physique et un comportement social correspondant au sexe revendiqué ont bien entraîné un changement définitif et irréversible, même en l'absence d'opération chirurgicale d'ablation des organes génitaux. Selon Jean-Jacques Hyest, « le droit à la vie privée justifie que l'état civil indique le sexe dont la personne a désormais l'apparence ».

Réunie le mercredi 9 juin, la commission des Lois a donc approuvé la proposition de  Mme Alima Boumediene-Thiery, « mais en retenant une rédaction plus conforme à la logique d'une résolution européenne ». Ce faisant, sans doute a-t-elle confirmé l'emprise croissante de l'idéologie du genre sur les élites républicaines.

Sarkozy joue avec le feu

20 mai 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le vote d'une loi contre le port du voile intégral rassurerait peut-être l'électorat courtisé par l'UMP, mais il pourrait fournir à cette pratique une publicité inespérée, faute de s'appuyer sur des bases juridiques suffisamment solides.

Un projet de loi prohibant le port de voile intégral ou, plus vraisemblablement, la dissimulation du visage dans l'espace public, devait être présenté en Conseil des ministres mercredi dernier, 19 mai. Dans l'attente d'en découvrir la teneur, on se demandait par quelle prouesse juridique le garde ses Sceaux prétendrait dissiper les menaces de censure soulignées le 25 mars par le Conseil d 'État.

Une conception élargie de l'ordre public

Inutile d'invoquer la laïcité : « Elle ne peut s'imposer directement à la société ou aux individus qu'en raison des exigences propres à certains services publics (comme c'est le cas des établissements scolaires). » La sauvegarde de la dignité humaine ne serait pas une base beaucoup plus solide. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme l'a jugée indissociable de la protection du "libre arbitre", tandis qu'elle se penchait sur les évanouissements d'une femme soumise aux sévices de deux complices : les salafistes peuvent compter sur le soutien des sadomasochistes ! Quant à la sécurité publique, elle constituerait « un fondement très solide pour une interdiction de la dissimulation du visage, mais seulement dans des circonstances particulières » ; en l'absence de troubles avérés, une interdiction générale reposerait « sur une logique artificiellement préventive » – laquelle n'a jamais été admise par la jurisprudence.

En définitive, seule une acception élargie de "l'ordre public" pourrait s'accommoder de la lubie présidentielle. Il faudrait y voir, selon les termes du Conseil d'État, « le socle d'exigences réciproques et de garanties fondamentales de la vie en société ». « Mais une telle conception, juridiquement sans précédent, serait exposée à un sérieux risque de censure constitutionnelle ou conventionnelle, ce qui interdit de la recommander », ont conclu les magistrats.

1 900 cas en France

Or, une censure de loi « sonnerait comme une défaite de la République. Il est donc essentiel de bien peser les enjeux et les risques d'une telle interdiction », avait prévenu la mission d'information parlementaire sur le voile intégral, dans son rapport publié en janvier dernier. Les élections régionales et la déroute de l'UMP auront ouvert la voie aux plus téméraires.... Au risque de faire la publicité d'une pratique certes en progression, mais qui demeure marginale.

1 900 femmes porteraient le voile intégral sur le territoire national, selon les estimations du ministère de l'Intérieur (dont 270 établies dans les collectivités d'outre-mer). La moitié seraient âgées de moins de trente ans, et l'immense majorité (90 %) auraient moins de quarante ans. Les deux tiers seraient des Françaises, parmi lesquelles la moitié appartiendraient aux deuxième et troisième générations issues de l'immigration.  Fait remarquable, un quart des femmes intégralement voilées seraient des converties.

En quête d'identité

« Il s'agit d'une pratique anté-islamique importée ne présentant pas le caractère d'une prescription religieuse », a rapporté Éric Raoult au nom de la mission parlementaire. « Elle participe de l'affirmation radicale de personnalités en quête d'identité dans l'espace social mais aussi de l'action de mouvements intégristes extrémistes ; elle représente un défi pour de nombreux pays. »  Et de citer Mme Nilüfer Göle, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, faisant le constat que « les filles portant le foulard en France sont plutôt en rupture avec la manière traditionnelle dont le portait leur mère ou leur grand-mère ». La même analyse serait valable au sujet des femmes portant volontairement le niqab, auxquelles la mission a attribué deux motivations : « en premier lieu, la recherche de pureté dans la pratique d'un culte plus austère ; en second lieu, la volonté de prendre ses distances avec une société jugée pervertie ».

De grands principes

Prenant acte de la situation, les parlementaires ont proposé, entre autres, de « renforcer la formation civique délivrée dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration ». Si la l'interdiction devait être votée – puis appliquée... –, des stages de "citoyenneté" seraient peut-être imposés aux contrevenants. Sans doute y inculquerait-on le principe de laïcité, censé permettre, selon nos députés schizophrènes, « l'intégration à la communauté nationale de ceux qui rejoignent la France pour y travailler et y vivre », mais « n'interférant pas dans leur culture et leur religion ». « Lutter contre le port du voile intégral c'est [...] faire œuvre de libération », a encore proclamé le rapport parlementaire. « C'est notre vivre ensemble fondé sur l'esprit des Lumières qui est bafoué », a confirmé André Gérin.

Les pouvoirs publics se fourvoient dans l'idéologie contractualiste. Laquelle exclut fort logiquement la perspective d'assimilation – un processus dont l'aboutissement tient moins aux volontés individuelles qu'à l'enracinement progressif des générations. Renouant avec ses grands principes, la République se remémorera-t-elle également ses velléités totalitaires ? Selon les révélations du Figaro (04/05/2010), le ministre Éric Besson serait « disposé » à exposer à la déchéance de leur nationalité des Français coupables d'« atteintes caractérisées aux valeurs fondamentales de notre République ». Les royalistes sont prévenus.

La République démissionne

20 mai 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Confrontés à la crise des dettes souveraines, les dirigeants politiques peinent à assumer leurs responsabilités. Le long terme étant étranger à leur horizon, ils n'inspirent aucune confiance aux marchés et doivent se réfugier derrière l'Europe...

Après avoir livré les traders à la vindicte populaire, les responsables politiques ont désigné un nouveau bouc émissaire, en l'occurrence les agences de notation. Leur influence est incontestable : le 28 avril, après la rétrogradation de l'Espagne par Standard & Poor's, l'indice Ibex-35 de la bourse de Madrid avait brusquement chuté, terminant en baisse de 2,99 %, tandis que, face au dollar, l'euro tombait à son plus bas niveau depuis un an. Cela dit, c'est somme toute injustement qu'on a accusé ces agences de promettre la faillite de la Grèce : tout au plus en ont-elles évalué le risque à 25 %. De quoi effrayer investisseurs et spéculateurs, au demeurant. Au point que ceux-ci ont pu juger Athènes moins fiable que Buenos Aires ou Caracas.

Prééminence du politique

Irrationnels, les marchés ? Sans doute, puisqu'ils concèdent à la France des taux préférentiels en dépit de son déficit abyssal. Saluons les miracles accomplis par l'Agence France Trésor : la dette dont elle a la charge avoisinait fin 2009 les 1 500 milliards d'euros, culminant à 77,6 % du produit intérieur brut. Mais les arbres ne montent pas jusqu'au ciel... La défiance des marchés vient rappeler à l'ordre des dirigeants irresponsables – démocratie oblige.

De ce point de vue, loin de constituer une négation du politique, la crise des dettes souveraines en souligne la prééminence.  « Que les dirigeants européens accusent la spéculation, c'est de bonne guerre », commente Marc de Scitivaux (blog de l'Institut Turgot, 13/05/2010)) « Mais ils font une erreur d'analyse qui risque de leur coûter cher dans l'avenir. Car ce n'est pas la spéculation qui a attaqué la Grèce avant-hier, le Portugal ou l'Espagne hier et, qui sait, la France demain, même si celle-ci peut amplifier les mouvements. C'est infiniment plus sérieux et plus fondamental : c'est l'épargne mondiale qui marque sa méfiance et se détourne des "États providence" financés par la dette. »

Des États dont l'impuissance apparaîtra d'autant plus criante qu'ils prétendront à l'omnipotence. Faut-il que le ministère de la Culture s'obstine à offrir leur premier livre à des nouveaux-nés ? Qu'importe l'amour de Frédéric Mitterrand pour les enfants, la France dispose sans aucun doute de meilleures nourrices ! En revanche, le Premier ministre eût été bien inspiré de jouer les pédagogues. Sans doute l'opinion serait-elle plus disposée que jamais à s'entendre dire que la nation ne pourra pas vivre éternellement à crédit. Hélas, François Fillon s'avoue tétanisé par la « rigueur ».

Les girouettes de l'UMP

Quant aux girouettes de l'UMP, elles ont fait la preuve de leur lâcheté en s'attaquant au bouclier fiscal. Un bouclier dont la construction releva certes du bricolage, et dont on peut discuter l'intérêt. Reste qu'il suffit de quelques atermoiements pour le fragiliser durablement. Les candidats à l'évasion fiscale savent ce que vaut la parole d'un État républicain ! Dans ces conditions, quelle crédibilité les marchés financiers peuvent-ils accorder aux pouvoirs publics érigeant en « priorité » la réduction des déficits publics ?

Apparemment, l'Europe demeure la seule voie de salut. Les circonstances forçant la main aux gouvernements, la Commission de Bruxelles avance ses pions. Selon la traduction que l'on fait de sa communication du 12 mai, disponible uniquement dans la langue de Shakespeare, elle propose que lui soient présentés ou soumis à l'avenir les projets de budgets nationaux. Les souverainistes les plus alarmistes dénoncent un nouvel abandon de souveraineté. À l'inverse, certains y voient un moyen, pour les Exécutifs nationaux, de s'émanciper via Bruxelles de la pression parlementaire. Le cas échéant, la technocratie européenne n'en demeurerait pas moins le paravent de la déliquescence du politique. Triste constat.

Inconséquence parlementaire

12 mai 2010

Un député veut élire en 2012 un vice-président de la République.

Une proposition de loi constitutionnelle « visant à instituer une fonction de vice-président de la République » a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 13 avril 2010. Son auteur, Michel Hunault, député Nouveau Centre de Loire-Atlantique, entend rebondir sur la mort du président polonais Lech Kaczynski, dont l'accident ne peut, selon lui, « laisser indifférent sur l'organisation institutionnelle de notre démocratie ».

Feignant d'ignorer la mission de suppléance conférée au président du Sénat, il prétend que « l'instauration d'un poste de Vice-président permettrait [...] dans des circonstances exceptionnelles d'assurer la continuité de l'État ». Rédigé dans un style négligé, l'exposé des motifs témoigne d'une indigence affligeante. Mais sans doute est-il à l'image d'une démarche quelque peu hasardeuse. En effet, M. Hunault ne verrait apparemment aucun inconvénient à abroger les dispositions constitutionnelles stipulant selon quelles modalités doit être constaté l'empêchement du chef de l'État.

Un travail typiquement parlementaire ?

Poisson d'avril

7 mai 2010

Du droit des femmes à porter un pantalon.

Dix députés (1), radicaux de gauche et apparentés, prétendent honorer l'objectif de « délégifération » que le le président de la République aurait assigné au Parlement. À cet effet, ils ont déposé le 1er avril une proposition de loi censée « mettre en évidence toute la portée concrète de cette notion innovante ».

Ainsi ont-ils identifié deux chantiers prioritaires : d'une part, la suppression de références obsolètes à la peine de mort demeurant dans le Code civil ; d'autre part, l'abrogation des dispositions de la loi du 26 brumaire an VIII précisant que « toute femme désirant s'habiller en homme doit se présenter à la préfecture de Police pour en obtenir l'autorisation » – dispositions modifiées par deux circulaires de 1892 et 1909 autorisant le port du pantalon « si la femme tient par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d'un cheval ».

(1) Gérard Charasse, Chantal Berthelot, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel et Chantal Robin-Rodrigo,

Le bric-à-brac parlementaire du 1er avril

15 avril 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Loups et béliers, forte corpulence, parrainage dans l'entreprise, affichage solennel de la Déclaration des droits de l'homme dans les écoles... Autant de sujets sur lesquels les députés voudraient légiférer.

À la différence des projets de loi, présentés par le gouvernement, les propositions sont déposées par des parlementaires. La plupart de ces textes enregistrés à la présidence de l'Assemblée nationale le 1er avril, parfois insolites, sinon grotesques, demeureront vraisemblablement sans lendemain.

Traditions mises à mal

Bravant certains écologistes, Mme Henriette Martinez, soutenue par quelques collègues, demande la mise en place d'un plan de gestion du loup : « Avec un nombre d'attaques et de victimes en constante progression », le prédateur menace selon elle « la pratique du pastoralisme avec de graves conséquences pour l'élevage mais aussi pour la survie de la biodiversité de la montagne ». Marc Le Fur et quatre autres députés déplorent les mésaventures juridiques des organisateurs d'un tournoi de lutte bretonne, dont le gagnant recevait traditionnellement un bélier : « Une nouvelle fois le patrimoine local et les traditions ancestrales sont mis à mal par une vision réductrice du droit. » En conséquence, ils souhaitent « permettre l'attribution en lot ou prime d'animaux vivants dans le cadre des manifestations sportives et folkloriques régionales traditionnelles ».

Changement de registre avec Mme Valérie Boyer. Soulignant l'augmentation du tour de taille moyen de 4,7 centimètres entre 1997 et 2009, elle mobilise la chambre basse pour « interdire de surtaxer une personne de forte corpulence qui achète un billet d'avion ». Sa proposition de loi prie le gouvernement d'établir les conditions d'application d'une telle disposition. Faudra-t-il communiquer ses mensurations lors de l'achat d'un billet d'avion ? Le cas échéant, comment les compagnies pourront-elle s'assurer de la bonne foi de leurs clients, tentés de s'approprier deux sièges pour le prix d'un quelle que soit leur corpulence ? À travers ces questions quelque peu triviales, on mesure l'irresponsabilité des parlementaires.

Michel Zumkeller peut se vanter, quant à lui, d'un travail prolifique, mené de plus en solitaire – un signe du crédit que lui accordent ses collègues ? Le député juge « très important d'instaurer la possibilité d'un parrainage de deux ans entre ceux qui vont quitter l'entreprise pour partir en retraite, et ceux qui doivent entrer dans la vie active ». À cet effet, il a présenté un texte dont la rédaction nous semble hasardeuse – En quoi cette « possibilité » est-elle aujourd'hui exclue ? –, et dont l'objet devrait plutôt être discuté par les organisations professionnelles.

Le règne du bon sens

Promoteur de dispositions inutiles, M. Zumkeller demande également que « tout produit vendu en France comporte une étiquette précisant que la fabrication de ce produit est conforme à notre modèle social, principalement en matière de travail des enfants ». Encore faudrait-il s'en assurer...

Le député du Territoire-de-Belfort propose, en outre, de « rendre obligatoire l'affichage de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 à l'entrée de tous les établissements publics d'enseignement scolaire de France ». De son point de vue, « un tel affichage solennel s'impose d'autant plus aujourd'hui qu'élèves et enseignants sont souvent victimes d'atteintes à leurs droits ou auteurs d'atteintes aux droits ». Autrement dit, ce serait une réponse à « la violence entre les élèves ou contre les professeurs ». Selon le scénario échafaudé par M. Zumkeller, « lorsque se produira un incident dans ou autour de l'école », « des rassemblements pourraient alors être organisés devant ce texte fondateur ». De quoi inculquer la discipline aux sauvageons.

Un peu de sérieux

Plus sérieusement, Bruno Le Roux et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche entendent « renforcer l'exigence de parité des candidatures aux élections législatives ». Thierry Mariani voudrait « rétablir la manifestation de volonté » et instituer un « serment républicain » préalables à l'obtention de la nationalité après un mariage ou par des enfants nés en France de parents étrangers. Enfin, Jacques Remiller réclame la reconnaissance des votes blancs et l'annulation des scrutins où ceux-ci représenteraient plus de 30 % des bulletins. Peut-être sa proposition mérite-t-elle d'être débattue, mais sans doute son application aurait-elle pour principale conséquence de rendre la démocratie un peu plus coûteuse.

Gribouille dans les quartiers

18 mars 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Les initiatives en faveur de l'éducation se sont multipliées dans les "quartiers sensibles". Mais cela s'est fait de façon éparse, sans que les pouvoirs publics soient en mesure d'évaluer l'incidence des efforts consentis.

La loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 avait inscrit l'éducation parmi les orientations prioritaires de la politique de la ville. Aussi la commission des Finances du Sénat s'est-elle interrogée sur « l'émergence d'un domaine de compétences partagées » avec l'Éducation nationale.

Prolifération

Dans un rapport publié le 2 mars, Philippe Dallier et Gérard Longuet présentent quelques difficultés posées par « la prolifération des interventions éducatives dans les quartiers sensibles » : « méconnaissance des dispositifs, effets de concurrence ou de redondance entre les dispositifs, difficultés de coordination entre des intervenants nombreux qui ne peuvent de surcroît agir que dans un laps de temps par définition limité ».

Entre autres opérations censées contribuer « à l'insertion sociale et à la prévention de l'exclusion, à l'éducation à la citoyenneté et à l'environnement, mais également pour une part à la prévention de la délinquance et à l'amélioration de la tranquillité publique » : les Internats d'excellence ; les Projets de réussite éducative, offrant un accompagnement « sur toutes les dimensions » (scolarité, santé, éducation, culture, sports...) ; les Écoles de la deuxième chance, qui visent l'insertion professionnelle de jeunes sans diplôme ou qualification ; le parrainage de lycéens par des étudiants de grandes écoles ; le "busing" « destinée à "casser" les ghettos scolaires en école élémentaire en organisant la poursuite du cycle éducatif dans une autre école de la même ville » ; l'École ouverte, qui consiste à ouvrir les lycées et collèges les mercredis et samedis et pendant les vacances.

On compterait 800 000 bénéficiaires, âgés principalement de onze à dix-huit ans. Évalué à 160 millions d'euros, le coût de ces dispositifs apparaîtrait « sans commune mesure avec les montants mis en place au titre de l'Éducation nationale ». Selon la Rue de Grenelle, les établissements de l'éducation prioritaire bénéficieraient de 15 % de moyens supplémentaires par rapport aux établissements de droit commun.

Paradoxe

En pratique, on relève des situations paradoxales mises en exergue par la Cour des comptes : « Les élèves sont ainsi plus nombreux par classe (24 en moyenne) dans les écoles primaires classées en éducation prioritaire dans l'académie de Créteil qu'ils ne le sont dans la moyenne nationale des écoles primaires classées hors éducation prioritaire (23,5) ! »

D'un façon générale, la déclinaison des politiques nationales au niveau local ne serait pas réellement connue. Les parlementaires fustigent une « approximation dans le recensement des moyens publics » qui ne permettrait pas « de créer une dynamique vertueuse entre la mise en œuvre de la politique, son évaluation et l'ajustement financier et technique des actions en fonction des résultats de performance ».

Sigles charmeurs

Tandis que la coordination « resterait tributaire de la bonne volonté individuelle des acteurs locaux », les pouvoirs publics paraissent réduits à faire du bricolage. « La Cour des comptes relève que "le foisonnement et l'empilement des dispositifs d'intervention éducative en direction des quartiers sensibles induisent une complexité qui constitue un obstacle à l'appropriation, et donc à l'efficacité et à l'efficience des dispositifs". Ainsi huit configurations sont possibles selon que l'élève est scolarisé, ou non, dans un établissement de l'éducation prioritaire ou qu'il réside, ou non, dans le périmètre d'un CUCS [contrat urbain de cohésion sociale] ou d'une ZUS [zone urbaine sensible]... »

Une clarification s'impose, mais l'inertie semble de mise. La première révision du "zonage" des quartiers bénéficiaires d'un soutien particulier devait intervenir en 2009. « Son report témoigne de la difficulté à entrer dans une logique évolutive qui s'écarte du principe de la garantie des droits acquis », déplorent les sénateurs. Dans ces conditions, « on peut douter de l'efficacité d'un accroissement des moyens sans révision des modalités de fonctionnement ».

Journée nationale de la laïcité (2)

12 mars 2010

Un sénateur demande que la République instaure « une Journée nationale de la laïcité et de la cohésion républicaine ».

Une complice du député Jacques Myard sévit à la chambre haute. Mme Sophie Joissains, sénateur des Bouches-du-Rhône, membre du Parti radical, « demande que la République française instaure une Journée nationale de la laïcité et de la cohésion républicaine ». À cet effet, elle a déposé une proposition de résolution, enregistrée à la présidence du Sénat le 23 février.

« Force est malheureusement de constater qu'aujourd'hui [la laïcité] est de plus en plus remise en question par des mouvements communautaristes, corporatistes, intégristes ou racistes », déplore-t-elle dans l'exposé des motifs. « La France est, et doit rester, une et indivisible », affirme-t-elle. Aussi le Sénat devrait-il « proclamer solennellement son attachement à ce principe constitutionnel ».

« Non fériée ni chômée », cette journée serait fixée au 9 décembre, « date anniversaire de la loi concernant la séparation des Églises et de l'État, du temporel et de l'intemporel » [sic]. Elle permettrait « chaque année de faire le point sur les différentes actions menées en la matière tant par les ministères concernés que par les associations et les sociétés ». Il serait même « judicieux » qu'elle « devienne également le jour référent pour la Journée défense et citoyenneté, reflet de l'attachement à notre pays et aux valeurs républicaines qui sont les siennes ».

Fait remarquable, Mme Joissains a préféré « que ce dispositif soit présenté dans le cadre d'une résolution, conformément au souhait exprimé par la commission des Lois du Sénat en février 2002 qui estimait que l'instauration d'une journée nationale revêtait "un caractère plus symbolique que normatif" ».

Chronique parlementaire

4 mars 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Les propositions de loi présentées à l'Assemblée nationale revêtent parfois un caractère insolite.

Parmi les textes enregistrés le 24 janvier à la présidence de la chambre basse, on remarque celui signé par Lionel Lucas et treize autres députés, « visant à modifier le statut juridique du cheval en le faisant passer d'animal de rente à animal de compagnie ». À ce jour, déplorent les parlementaires, le cheval est « toujours assimilé à un animal de rente dont le destin final est l'abattoir ».

Jean-Claude Bouchet, Jacques Remiller et Bernard Reynès, quant à eux, voudraient « valoriser la qualité et l'origine des fruits et légumes produits sur le territoire national ». À cet effet, ils proposent « d'introduire l'obligation d'apposer une pastille autocollante tricolore sur tous les fruits et légumes produits sur le territoire national ».

Contre l'obésité

Prenant les citoyens par la main, un groupe de députés affirme que « dans un contexte d'accroissement de l'obésité en France, l'éducation à la nutrition et à l'alimentation dans les établissements d'enseignement des premier et second degrés paraît plus que jamais nécessaire ».

Un autre promeut « l'installation de distributeurs automatiques de produits sains dans les lieux publics et les entreprises ». Selon ces parlementaires, « rendre indissociable l'installation de distributeurs automatiques de produits de "snacking" de l'installation de distributeurs de produits sains est un moyen de permettre aux consommateurs de ne pas uniquement avoir accès à des produits qui peuvent contribuer au déséquilibre alimentaire. [...] Cette proposition de loi prévoit que toute administration publique, toute entreprise publique ou privée doit installer des distributeurs automatiques de fruits et légumes ou de boissons non sucrées là où existent déjà des distributeurs automatiques de boissons sucrées et de produits alimentaires à forte teneur en sucre, en sel ou en matière grasse. »

Intentions louables,  dont on se demande toutefois si la poursuite ne contribue pas à entretenir l'obésité de l'État – qui se mêle de tout – et les lourdeurs administratives.