6 janvier 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Déchoir des Français de naissance de leur
nationalité : telle est la mesure la plus controversée du
projet de révision de la Constitution présenté par le gouvernement.
Tandis que l'exécutif socialiste est accusé d'empiéter sur les
plates-bandes du Front national, l'opposition peine à faire entendre sa
voix. Ainsi Nathalie Kosciusko-Morizet s'essaie-t-elle à défendre
« la cohésion nationale » : « la
France se divise sur la déchéance de nationalité »,
regrette-t-elle sur
son blog. 85 % de nos compatriotes seraient pourtant
favorables à la révision de la Constitution proposée par le
gouvernement, selon
un sondage Opinionway pour Le Figaro...
Aussi cette question agite-t-elle surtout le pays légal !
L'enjeu apparaît d'autant plus symbolique que bien des dispositions
permettent d'ores et déjà de déchoir un Français de sa nationalité.
Nationalité mal acquise
Hervé Mariton, quant à lui, appelle à débattre non pas de la
déchéance, mais des conditions d'attribution de la nationalité. Selon
lui, « le principe directeur doit être le droit du sang,
naturellement enrichi par la vie » – autrement dit, par
« la naturalisation ». « Aussi horribles que soient
les actes commis par les enfants de France, je souhaite une nationalité
qui soit irréfragable, irréversible », a-t-il
expliqué au micro de France Inter.
« Je souhaite que cette nationalité ne soit pas supposée mal
acquise, qu'elle ne soit pas fragile pour les uns, moins fragile pour
d'autres », a-t-il poursuivi.
Implicitement, le député de la Drôme semble récuser toute
conception contractualiste de la nation. Une conception que nourrit, à
certains égards, le projet de loi présenté par le gouvernement. Cela
n'a pas échappé à Manuel Valls : accusé de trahir la gauche,
le Premier ministre prétend au contraire la servir en défendant une
« conception historique ouverte de la nation française, fondée
sur l'adhésion à l'idéal républicain et sur la volonté commune de
vivre-ensemble ». À l'inverse, s'exprimant
sur Facebook, il a rejeté l'idée de « fonder la
nationalité [...] sur ce qui par nature ne peut jamais être
révoqué ».
Double allégeance
Ce faisant, peut-être croit-il nous rassurer, entretenant, à
son corps défendant, l'illusion que la France pourrait se
débarrasser de ses brebis galeuses ? Un anthropologue s'en
inquiète dans les colonnes du Monde : «
cette proposition de déchéance de nationalité pose le postulat que
l'engagement dans le terrorisme ne concerne que les immigrés de
confession musulmane », déplore
ainsi Dounia Bouzar. Avec quelque maladresse, il semble
vouloir exprimer sa préoccupation quant aux conversions soudaines à un
islam d'emblée radical. Un symptôme parmi d'autres du mal qui gangrène
la France ?
En tout cas, plus encore que le droit du sol (dont
l'application s'avère d'ailleurs relative), c'est la double nationalité
qui semble mise en accusation. Parmi ses bénéficiaires, beaucoup ont
reçu leur seconde nationalité en héritage, par le sang donc ;
de ce point de vue, le droit du sol serait effectivement égratigné.
Mais d'autres ont pu l'acquérir... À l'image de Gérard Depardieu, par
exemple ! Dans quelle mesure les faveurs que lui accorde
Vladmiir Poutine affaiblissent-elles les liens qui l'unissent à la
France ? Incidemment, les suspicions associées à la critique
d'une "double allégeance" pourraient donc faire l'objet d'une timide
traduction juridique.
La hantise des apatrides
Il est vrai que le gouvernement n'envisage de retirer leur
nationalité qu'à des Français qui demeureraient alors les
ressortissants d'un pays tiers. Il n'est pas question de créer des
apatrides, martèle-t-on à l'envi. De toute façon, nous dit-on, les
engagements internationaux souscrits par la France le lui
interdiraient. C'est précisément ce que conteste François-Xavier
Berger, dans
un article publié par Mediapart. Quoi
qu'il en soit, peut-être cette hantise-là reflète-t-elle une conscience
plus ou moins confuse des limites d'un certain idéal individualiste. Sur
Contrepoints, Nafy-Nathalie rappelle
opportunément ces propos d'Hannah Arendt : « Être
déchu de sa citoyenneté, c'est être privé de son appartenance au
monde. »
Publié dans Droit, Immigration, Politique, Société | Pas de commentaires
3 décembre 2015
N'en déplaise à certains socialistes indignés, déchoir des
Français de leur nationalité participerait d'une démarche typiquement
progressiste.
À l'instant, sur France Info (Les
Informés, émission animée par Jean-Mathieu Pernin,
3 décembre 2015), un certain nombre d'intervenants s'étonnent
– et même s'émeuvent – qu'un pouvoir socialiste envisage de déchoir de
leur nationalité des individus nés français. En effet, un projet de
révision de la Constitution devrait être présenté prochainement en ce
sens.
François Hollande et son gouvernement ne sont pas animés par
des motivations idéologiques, mais politiques : il s'agit de
flatter une opinion publique xénophobe, donner l'illusion d'une action
résolue contre le terrorisme, couper l'herbe sous le pied de
l'opposition, etc. Cependant, n'est-est-ce pas à
gauche, un peu plus qu'ailleurs, qu'on nous explique qu'être français,
ce serait, précisément, adhérer à des "valeurs", en l'occurrence celles
de la République ?
Dans cette perspective, la participation à l'organisation d'un
attentat exprimant manifestement leur reniement, c'est tout
naturellement qu'elle devrait se traduire, juridiquement, par la
déchéance de nationalité. Autrement dit, il s'agirait de prendre acte
d'un choix délibéré, en application d'une conception volontariste de la
nationalité.
Ce serait donc une mesure progressiste, émancipant l'individu
d'un héritage imposé par sa naissance. Tout comme la lutte contre les
"stéréotypes" est censée l'affranchir de déterminismes sociaux, voire
biologiques, par exemple.
De notre point de vue, cela n'est pas à son honneur, mais
force est de le constater : sous la houlette de François
Hollande, la gauche demeure fidèle à ses idéaux.
À lire sur le même sujet :
Publié dans Droit, France, Humeur, Idées, Polémique, Société | Pas de commentaires
27 juillet 2015
Vincent Lambert doit mourir, tout comme le capitaine Dreyfus
devait être jugé coupable : tel est, en substance, le message
délivré par notre confrère Bruno Roger-Petit.
La situation de Vincent Lambert relève-t-elle de
la fin de vie ou bien du grand handicap ? Tandis que
sa famille se déchire sous le regard obscène des médias (dont nous
sommes), son destin n'en finit pas d'être balloté au gré des procédures
judiciaires. « Face à cette tragédie, l'humilité est de
rigueur », soutient Bruno Roger-Petit. Sur ce point, au moins,
nous sommes d'accord !
Mais alors, que faire ? Faut-il mettre un terme à ses
souffrances, comme le demande sa femme ? Ou bien le placer
durablement dans un établissement plus adapté, comme le réclament ses
parents ? Certainement pas ! « La première
des urgences », martèle notre confrère, « c'est [...]
de faire en sorte que le destin de Vincent Lambert ne soit plus pris en
otage par des militants intégristes ».
Car « à la fin », explique-t-il
dans Challenges, « il y a le
droit ». Or, poursuit-il, « le droit s'est prononcé
de telle façon qu'il a reconnu que, dans le cadre de la loi française,
il était possible, si besoin était, de prendre la décision d'arrêter ce
qui est médicalement vain » ; « et le droit
qui a été dit doit être respecté par tous et partout, y compris quand
il peut déplaire à une conscience subjective » – « y
compris celle de croyants intégristes qui placent leur foi au-dessus du
droit, donc de la République. » Nous y voilà !
« De ce point de vue », souligne-t-il,
« c'est devenu une affaire de principe ».
Dans ces conditions, peu importe le destin d'un malheureux
individu. De toute façon, « personne ne peut dire quelle est
la juste solution à l'écrasant problème que pose la situation de
Vincent Lambert », remarque Bruno Roger-Petit. Autrement dit,
puisqu'il est impossible de résoudre l'affaire Lambert d'un point de
vue moral, autant l'exploiter dans une perspective partisane. Pour un
certain nombre de « militants intégristes », déplore
notre confrère, Vincent Lambert serait devenu « un objet de
communication destiné à populariser leur combat "pour la
vie" ». Certes. Mais loin de soustraire Vincent Lambert à ceux
qui se le seraient approprié, Bruno Roger-Petit le réduit à la querelle
dont il est précisément l'otage. Quel est, en substance, le message
délivré par notre confrère ? Selon lui, Vincent Lambert doit
mourir, non parce qu'il serait juste d'interrompre les soins dont il bénéficie, mais
parce que c'est légal, et surtout parce que sa disparition
indisposerait « des militants intégristes » exécrés.
À certains égards, on se croirait en pleine affaire
Dreyfus ! À l'époque, déjà, c'était une « affaire de
principe », comme dirait Bruno Roger Petit. Maurras l'avait
lui-même revendiqué,
comme en témoignent ses propos rapportés par François Huguenin :
« Mon premier avis là-dessus avait été que, si Dreyfus était
innocent, il fallait le nommer maréchal de France, mais fusiller une
douzaine de ses principaux défenseurs pour le triple tort qu'ils
faisaient à la France, à la paix et à la raison. » Autrement
dit, ce n'était pas la responsabilité du pauvre capitaine qui
importait, mais l'identité de ses défenseurs – et l'honneur de
l'Armée à laquelle ceux-ci se seraient attaqué en prenant son parti.
Aujourd'hui, ce ne sont plus l'Armée et la sécurité nationale
qui sont menacés, mais la République et l'État de droit, nous dit Bruno
Roger-Petit. Ils le sont par « des militants
intégristes » que l'on sait aux protes du pouvoir. Des gens
dont la foi n'est souvent que le paravent d'une orgueil détestable, à
l'image des pharisiens vilipendés dans l'Évangile, mais qui ne
dérangent vraiment que ceux qui en font une obsession... À l'image de
Bruno Roger-Petit, donc, qui semble virer anti-dreyfusard par hantise
de l'extrême droite – un comble !
Publié dans Polémique, Société | Pas de commentaires
24 juillet 2015
Marine Le Pen laisse entendre que l'Europe imposerait
à la France d'interrompre les soins dispensés à Vincent Lambert – un
mensonge flagrant.
Marine Le Pen vole « au secours de Vincent
Lambert », annonce
Nouvelles de France. « Le débat
consistant à s'interroger sur le droit de tuer quelqu'un, de tribunaux
en tribunaux et de journaux télévisés en journaux télévisés, est
épouvantable », aurait déclaré, jeudi dernier,
23 juillet 2015, la présidente du Front national, comme
le rapportent nos confères du Figaro.
Et d'ajouter : « Un pays doit pouvoir
conserver sa liberté totale, notamment dans ce domaine, et n'a pas à se
soumettre aux exigences, y compris de la Cour européenne des droits de
l'homme (CEDH). Surtout quand cette cour ne semble pas avoir le souci
véritable de défendre Vincent Lambert. »
Or, en l'espèce, que dit la CEDH ? Sa décision,
rendue le 5 juin dernier, stipule « qu'il n'y aurait pas
violation » de la Convention européenne des droits de l'homme
« en cas de mise en œuvre de la décision du Conseil d'État
autorisant l'arrêt des soins» (voir
le résumé de l'affaire proposé par Wikipédia). Autrement dit,
il s'agit plus ou moins d'un blanc-seing donné à la justice
française !
Bref, contrairement à ce qu'insinue
Mme Le Pen, en dépit de ses engagements
internationaux, la France est libre d'instruire cette affaire comme
elle l'entend.
L'Europe a bon dos !
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26 juin 2015
En bref : l'idéologie poussée à son comble ;
les électeurs du Front national moins jacobins qu'on aurait pu le
craindre ; une réforme en Suisse sur le financement de
l'audiovisuel public.
Idéologie
Le
mois prochain devrait se tenir le procès d'un ancien responsable du
Front national de Seine-et-Marne, accusé, entre autres, d'avoir
incendié pas moins de treize voitures dans la nuit du 7 au 8
avril derniers. Cela afin d'illustrer l'insécurité censée
régner dans sa commune de Mitry-Mory ! Ce type a fait très
fort, mais il n'est pas le seul à agir de la sorte. Témoignage
personnel : des militants d'extrême nous ont déjà rapporté
avoir diffusé des autocollants avec la mention « on va te
niquer ta race sale français » – pour « faire réagir
nos concitoyens », comme ils me l'avaient expliqué. Preuve que
la réalité n'y suffisait pas... Les tenants de la "réinformation"
s'inscrivent dans leur sillage. Surpris à véhiculer de fausses
informations (visant à dénigrer Najat Vallaud-Belkacem ou nos
compatriotes musulmans, par exemple), ils se justifient sans trop
de complexes en arguant de la prétendue crédibilité des rumeurs.
Crédibilité qui n'a de valeur qu'au regard de leur idéologie, dont tout
cela illustre, précisément, l'acception la plus caricaturale.
Régionalisme
« 72%
des Français se disent favorables à la reconnaissance officielle des
langues régionales. » Chez les sympathisants du
Front national, cette proportion atteindrait même
76 % ! Peut-être les électeurs du FN sont-ils moins
jacobins que les dirigeants du parti ne prétendent l'être
eux-mêmes ? Selon
Florian Philippot, en effet, la ratification de la Charte
européenne des langues régionales et minoritaires ne constituerait rien
de moins qu'un « nouvel attentat contre l'unité de la France
et l'indivisibilité de la République ». Les populistes ont le
sens de la mesure !
Redevance
« Les
électeurs suisse ont adopté de justesse une modification du système de
redevance pour la radio télévision qui fera que tout foyer devra payer
même s'il n'a ni téléviseur ni radio. » Appliquée en
France, une telle mesure ne ferait pas les affaires de votre serviteur.
Mais si l'entretien d'une télévision publique relevait effectivement du
bien commun (avec des si...), l'ensemble des contribuables ne
devraient-ils pas participer à son financement ? La situation actuelle
s'avère manifestement aberrante. Loin de nous, cependant, l'idée qu'il
conviendrait de racketter les quelques marginaux réfractaires à l'achat
d'un téléviseur. Que l'État se débarrasse plutôt du boulet de France
Télévision ! La production de Plus belle la vie
payée par les impôts, franchement, ça craint...
Publié dans Humeur, Politique, Société | Pas de commentaires
2 avril 2015
Galvanisés par leurs élites politiques, quelques citoyens
exemplaires se décident enfin à en venir aux mains pour défendre les
valeurs de la République.
Une femme enceinte aurait été agressée à Toulouse « à
cause de son voile islamique », rapporte
Le Figaro. Curieusement,
précisent nos confrères, Manuel Valls, « a fait part de son
"indignation" ». Ces derniers temps, pourtant, le Premier
ministre nous avait habitué à davantage de fermeté. Peut-être s'est-il
épuisé à vilipender le Front national ? Au moins Nicolas
Sarkozy a-t-il gardé la tête froide : « la France est
une République, pas seulement une démocratie », a-t-il
martelé. « Dans une démocratie, chacun fait ce qu'il
veut tant que cela ne fait pas de mal aux autres », a-t-il
expliqué. Mais « dans une République, on est plus
exigeant ». Or, a-t-il rappelé, « la République,
c'est la laïcité ».
À l'UMP, quelques personnalités sont manifestement en passe
d'en devenir les champions. Dernièrement, François Fillon s'est
heureusement distingué de l'ancien président de la
République : « la laïcité ce n'est pas l'oppression
des religions, c'est le respect des différences », a-t-il
déclaré. C'est pourtant un ministre de son gouvernement, Luc
Chatel, qui avait banni des sorties scolaires les mamans les moins
enclines à se promener cheveux au vent. C'est également en son nom qu'avait
été présenté le projet de loi « interdisant la
dissimulation du visage dans l'espace public ». L'islamophobie
aidant, les libertés les plus élémentaires s'avèrent faciles à
piétiner !
D'autres exemples ? En juin dernier, s'inscrivant
dans la continuité de cette politique, Richard Trinquier, maire UMP de
Wissous (Essonne), avait
chassé d'une plage éphémère deux mères de famille coupables
de porter un voile recouvrant non seulement les cheveux... mais aussi
les oreilles – un vrai scandale ! Quant à l'inénarrable Nadine
Morano, au mois d'octobre, elle
s'était empressée de dénoncer à un policier la femme
intégralement voilée qu'elle avait croisée gare de l'Est, après l'avoir
sommée, en vain, de rendre son visage à la vue du public.
Remarquable initiative, dont on apprend donc aujourd'hui
qu'elle a peut-être fait quelques émules, à l'image de ces républicains
exemplaires qui viennent, paraît-il, d'agresser la malheureuse
Toulousaine. Découvrant qu'elle était enceinte, ils auraient décidé de
l'épargner. C'est dommage : sans doute cela les privera-t-il
de la Légion d'honneur. Qu'on se le dise : la République, ça
se mérite !
Publié dans Humeur, Islam, Société | Pas de commentaires
1 avril 2015
Article publié dans L'Action Française 2000
Attisant le feu du communautarisme, Nicolas Sarkozy espère
vraisemblablement tirer profit de la hantise suscitée par l'islam, au
risque de priver les Français d'origine étrangère de toute perspective
d'assimilation.
La République s'accommode mal de la diversité. Jadis, à la
grande époque des hussards noirs, les petits Français surpris dans la
cour de récréation à parler un patois familial étaient passibles d'une
punition. Demain, les enfants refusant le porc qui leur sera proposé à
la cantine seront-ils systématiquement montrés du doigt ? «
Dans les cantines d'écoles publiques, je suis opposé à ce qu'on appelle
les repas de substitution où, en fonction de l'origine des enfants, de
la religion des parents, on choisit des repas différents », a
déclaré Nicolas Sarkozy, interrogé le mois dernier par nos confrères de
TF1. Ainsi l'ancien président de la République
s'est-il engouffré dans la brèche médiatique ouverte quelques jours
plus tôt par Gilles Platret, maire UMP de Chalon-sur-Saône, qui venait
d'annoncer qu'un « menu unique » serait servi dans
les écoles de sa commune à la rentrée prochaine. Ce faisant, rapporte Le Figaro,
l'édile « a mis fin à une pratique vieille de trente et un
ans, au nom, explique-t-il, du "principe de laïcité" et du
"vivre-ensemble" ».
La laïcité dévoyée
Or, selon l'Observatoire de la laïcité, celle-ci « ne
saurait être invoquée pour refuser la diversité des menus ».
En effet, selon son acception à laquelle demeure cantonnée la majeure
partie du droit, elle requiert la neutralité des institutions, mais
protège la liberté des individus. Nul n'est dupe des ressorts de la
confusion entretenue aujourd'hui par Nicolas Sarkozy :
« parler de laïcité devient une façon de revendiquer une
France blanche et chrétienne, où tout le monde partage la même culture
et les mêmes mœurs », comme l'observe le sociologue François
Dubet, cité par nos confrères du Monde ;
en résumé, c'est « une façon de dire qu'on ne veut pas des
musulmans ».
Cela étant, s'agit-il effectivement de protéger une identité
millénaire, ou bien d'en construire une nouvelle, fondée non pas sur le
respect d'un héritage, mais sur la hantise de l'islam ?
Jusqu'à présent, les rondelles de saucisson et autres bouteilles de
pinard n'avaient jamais figuré sur aucun étendard national...
« Voilà que les jupes longues, les tenues sombres ou amples
sont suspectées d'être des signes religieux », s'inquiète
notre consœur Aurélie Collas ! Revigoré par l'islamophobie, le
laïcisme menace d'ailleurs les traditions d'origine chrétienne les plus
sécularisées, comme en ont témoigné, ici ou là, les tentatives de
bannir les crèches de Noël de lieux réputés "publics". Or, quelles
perspectives d'assimilation peut offrir un pays reniant ainsi sa propre
histoire ?
L'apaisement, vraiment ?
Pire : tandis que le chef du gouvernement prétend
s'inquiéter d'un « apartheid » social, d'aucuns
voudraient délibérément susciter la ségrégation scolaire ! Le
communautarisme a tout à y gagner, sous ses formes les plus variées.
Ainsi Allain Bougrain-Dubourg, Aymeric Caron et Franz-Olivier Giesbert
viennent-ils d'appeler « à ce que la loi française impose dans
chaque cantine scolaire, mais aussi dans les restaurants universitaires
et les administrations, une alternative végétarienne, voire
végétalienne ». De leur point de vue, « il s'agirait
d'une avancée citoyenne majeure et d'un geste fort en faveur de
l'environnement et de ce "vivre-ensemble" que tant invoquent sans rien
faire pour le promouvoir ». N'en déplaise à
M. Platret, selon lequel les cantines scolaires devraient
« redevenir des espaces de neutralité », cet objectif
ne pourra être approché que dans le respect des aspirations de chacun.
Cela peut s'accommoder d'une relative indifférence à l'égard de la
religion : nulle prière n'est requise pour servir du poisson à
un petit musulman. En revanche, le politique ne saurait l'ignorer au
point de nier sa prégnance.
Thibaud Collin l'avait expliqué en décembre 2013 dans les
colonnes de L'Action Française 2000 :
« La laïcité est un régime de fermeture dans le sens où elle
procède par abstraction. Je considère telle personne en faisant
abstraction de ses croyances pour ne voir en elle que son humanité ou
son statut de citoyen. Cela implique donc de se fermer, c'est-à-dire
d'ignorer volontairement et consciemment une dimension pourtant
essentielle de la personne humaine, pour mieux faire ressortir un
aspect commun censé être principe de cohésion sociale. »
Disons que la laïcité procède d'une conception potentiellement
sectaire, sinon totalitaire, du fameux "vivre-ensemble". Sans doute
a-t-elle contribué aux dizaines de morts survenues, à l'étranger, lors
des manifestations consécutives à la publication d'une nouvelle
caricature de Mahomet dans Charlie Hebdo, dont la
France tout entière se revendiquait alors... Indiscutablement, comme le
dit le Premier ministre Manuel Valls, « la laïcité, c'est donc
l'apaisement ».
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1 janvier 2015
Article publié dans L'Action Française 2000
En suscitant de nouveaux usages, le numérique contribue à
redistribuer les pouvoirs, au risque de léser certains intérêts, non
sans provoquer quelque résistance politique.
Le déploiement du numérique « redonne aux citoyens un
pouvoir », a remarqué le président François Hollande, dans un
discours prononcé début décembre (2014). Pour le meilleur ou pour le
pire, aurait-il pu ajouter. Quoique cela soit peut-être une affaire de
point de vue. De fait, l'intérêt des taxis s'accorde mal avec celui des
chauffeurs occasionnels, dont l'activité s'était développée
dernièrement à la faveur du service Uber Pop. Celui-ci sera interdit à
partir du 1er janvier 2015, a annoncé le gouvernement, qui
menace de lourdes sanctions ceux qui se risqueraient à le maintenir ou
à lui proposer un successeur : deux ans de prison et
300 000 euros d'amende.
Pas de TVA entre particuliers
Le message est clair : toutes les opportunités
offertes par la Toile ne seront pas tolérées par le pouvoir. Constatant
la multiplication des transactions immobilières réalisées directement
entre particuliers, deux députés socialistes, Sylviane Bulteau et
Jacques Cresta, s'en sont inquiétés auprès du gouvernement :
sans doute conviendrait-il de protéger les agences dont l'activité est
assujettie à la TVA, avaient-ils plaidé en substance au mois d'octobre.
Moult grains de sable pourraient se glisser demain dans les rouages du
pouvoir, dans la foulée de l'initiative visant a faire racheter par des
citoyens lambda les 49,9 % du capital de l'aéroport de
Toulouse-Blagnac cédés par l'État... Finalement, c'est un investisseur
chinois qui a empoché la mise. L'essor du "financement participatif"
(crowdfunding) n'en continue pas moins de nourrir les projets les plus
divers. Inévitablement, l'heure est venue des premières
déconvenues : ainsi une PME a-t-elle été placée en
redressement judiciaire le 27 novembre dernier,
« trois mois à peine après avoir emprunté
75 000 euros », comme
le rapporte Alexis Vintray. « Les trois cent
vingt-neuf petits investisseurs qui auront prêté à la société Smok-it
n'ont même pas le droit d'imputer ces pertes sur les intérêts
d'emprunts des autres prêts qu'ils auraient faits », déplore-t-il
sur Contrepoints. Selon lui,
« ce cadre défavorable risque bien de freiner le crowdfunding,
alors que la France affirme vouloir en devenir un leader ».
Quant au Bitcoin, la plus populaire des crypto-monnaies, si
son succès se confirmait, il pourrait ébranler le pouvoir des banques,
voire la mainmise des États sur les affaires monétaires. De là à
envisager un monde émancipé du politique (un peu comme dans le film
Elysium, où la cité est administrée par un programme informatique...),
il reste un pas que nous nous garderons de franchir : bien que
le numérique rebatte les cartes, il est loin de l'avoir rendu caduc. En
témoigne ces révélations de Bloomberg, selon lesquelles l'explosion
survenue en 2008 dans un oléoduc turc aurait été le fait d'une
cyberagression, vraisemblablement perpétrée à la demande de Moscou.
« L'opération est déclenchée le 5 août 2008, deux
jours avant la guerre contre la Géorgie », souligne
Olivier Kempf, animateur du blog Egea.
« En coupant le réseau de distribution de pétrole (et donc une
ressource économique cruciale), il s'agissait d'affaiblir l'ennemi
géorgien. » À côté des Russes, les pirates nord-coréens
soupçonnés de chercher des noises à Sony Pictures font bien pâle
figure !
Publié dans Société | Pas de commentaires
10 décembre 2014
Entre autres dispositions, le projet de loi « pour la
croissance et l'activité », présenté aujourd'hui, mercredi
10 décembre 2014, en conseil des ministres, prévoit d'assouplir
les règles restreignant le travail dominical. Au grand dam des
conservateurs, dont tous les arguments ne sont pas recevables – c'est
le moins que l'on puisse dire !
Pourquoi nos compatriotes désargentés se risqueraient-ils à
faire le dimanche des achats qu'ils ne pourraient pas s'autoriser les
autres jours, se demandent-ils naïvement. Esquissons un raisonnement
par l'absurde : si cette question était pertinente, les distributeurs
n'auraient-ils pas intérêt à ce que leurs magasins soient ouverts
chaque semaine non pas un jour de plus, mais un jour de
moins ? À chiffre d'affaires équivalent, cela réduirait leurs
frais, au bénéfice de leurs marges ! Manifestement, telle
n'est pas leur revendication. Pourquoi n'en est-il pas ainsi ?
Tout simplement parce que l'économie n'est pas un jeu à somme nulle.
Les travailleurs du dimanche bénéficient d'une rémunération
inévitablement réinjectée dans le circuit économique, que ce soit par
la consommation ou l'épargne. Et si leur employeur consent à les
rétribuer, c'est, précisément, parce qu'ils participent à une "création
de richesse" – en l'occurrence, la mise à disposition de produits ou
services. De quoi susciter une hypothétique inflation, mais aussi
ouvrir la voie à de nouvelles stratégies de consommation :
certains ménages optimiseront leurs achats, feront des économies ici
pour dépenser davantage ailleurs...
Cela au détriment de leur vie familiale ? Peut-être,
mais pas forcément. À vrai dire, l'inverse est tout à fait
envisageable : les heures de travail étant réparties sur une
plage élargie, il n'est pas impossible que la prise en compte des
attentes des uns et des autres s'en trouve facilitée. Concrètement,
peut-être deux conjoints auront-ils d'autant plus de chances de
bénéficier d'un jour de repos commun, quand l'un d'entre eux travaille déjà dans la restauration, par exemple (nous l'avons observé dans notre
entourage) ; et peut-être une mère de famille
abandonnera-t-elle volontiers ses enfants quelques heures chaque week-end,
si cela lui permet de les embrasser chaque soir avant qu'ils ne
s'endorment, ou, mieux encore, d'aller les chercher tous les jours à la
l'école...
Il y a comme un déni du réel dans l'affirmation que le travail
dominical saperait nécessairement la vie des familles. Ainsi qu'une
certaine forme d'intolérance, les uns voulant imposer aux autres le
partage de leurs propres habitudes. Mais peut-être effleure-t-on ici le
principal enjeu du débat : y aurait-il un quelconque intérêt à
ce que non pas tous les membres d'une même famille, mais la plupart des
citoyens d'une nation tout entière, partagent un jour de repos
commun ? Nous serions curieux d'entendre les arguments avancés
en faveur de cette thèse, sans cacher que notre attachement croissant
aux libertés rend leur sacrifice de plus en plus difficilement
justifiable à nos yeux.
Publié dans Économie et Industrie, Société | Pas de commentaires
7 octobre 2014
Réaction amusée à la lecture d'un article du Courrier
international.
Un
million d'enfants seraient nés à la faveur des rencontres suscitées par
le programme Erasmus, en application duquel des universités
européennes échangent des étudiants depuis 1987. Quoique
ces chiffres soient sujets à caution, leur communication
apportait quelque fraîcheur à la morne machine administrative
européenne.
Cela nous a fait sourire, donc, mais tout le monde de l'a pas
entendu de cette oreille. Ainsi Yeni Safak a-t-il dénoncé « un
projet suscitant la dégénérescence et visant à créer une masse d'idiots
idolâtrant le sexe ». Erasmus, déplore-t-il, « c'est
un programme visant à fabriquer une génération de païens mondialisés
sans racines ».
M. Safak serait-il membre du Parti chrétien démocrate, de
Civitas ou d'une autre officine réactionnaire ? Oui et
non : c'est un journaliste turc, réputé proche de l'AKP, selon
le Courrier international.
Finalement, peut-être Alain Escada et Farida Belghoul ne se
sont-ils pas acoquinés sans raison ! 😉
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