La prohibition en débat

17 septembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Interdire est une chose. Éradiquer en est une autre...

Un projet de loi autorisant l'ouverture de « salles de consommation contrôlée de stupéfiants » devrait être présenté le 1er octobre. Après que l'Insee eut intégré le trafic de drogues dans le calcul du PIB, s'agit-il d'un pas supplémentaire vers la banalisation d'un certain nombre de psychotropes ? Peut-être la France suivra-t-elle la tendance observée outre-Atlantique, où le Colorado et l'État de Washington ont autorisé l'usage "récréatif" du cannabis.

« Pourquoi, à propos des drogues, faudrait-il faire exception au principe que chacun peut mener sa vie comme il l'entend ? », se demandent, par exemple, les auteurs d'un Dictionnaire du libéralisme (sous la direction de Mathieu Laine, Larousse, 2012). « Pourquoi des mesures simples comme la diffusion d'une information fiable sur les propriétés de ces produits, une règlementation minimale de leur usage et une application stricte du principe de la responsabilité de leurs consommateurs à l'égard des tiers susceptibles d'être concernés ne suffiraient-elles pas, comme c'est aujourd'hui le cas pour l'alcool ? » Le bien commun exige de l'État qu'il se préoccupe de la santé publique, répondent naturellement leurs détracteurs. « La dépénalisation des activités liées à l'usage des drogues ne reviendrait de toute façon pas à vouloir les favoriser », est-il rétorqué à ces derniers. N'est-ce pas ignorer les vertus pédagogiques, sinon morales, que l'on prête à la loi ?

Étant donné le nombre de joints roulés à la vue de tout un chacun, force est de constater les limites de la législation en vigueur. Il est vrai que la volonté de l'appliquer semble faire défaut, en dépit des contrôles organisés ici ou là. Qu'en serait-il dans le cas contraire ? Nos libéraux ont beau jeu de rappeler « l'expérience malheureuse de la "prohibition" aux États-Unis ente 1920 et 1933 ». Comparaison n'est pas raison. Cela étant, peut-être y a-t-il quelque enseignement à en tirer ? Les pouvoirs publics seraient bien inspirés d'y réfléchir, alors qu'ils s'apprêtent à réprimer le recours à la prostitution. Une fois n'est pas coutume, peut-être marcheront-ils dans les pas de saint Louis, qui s'était résigné à tolérer cette pratique, après avoir tenté en vain de l'éradiquer...

Associations de malfaiteurs

3 septembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand l'Éducation nationale parraine des associations, à l'image du Refuge luttant contre l'"homophobie".

Se donnant pour mission de lutter « contre l'homophobie et la transphobie », l'association Le Refuge bénéficie désormais de l'agrément de l'Éducation nationale pour intervenir en milieu scolaire, comme elle a commencé à le faire depuis 2010 dans des lycées du Languedoc-Roussillon, et plus récemment en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en région parisienne. L'année dernière, l'association dit avoir « sensibilisé plus de mille cinq cents élèves aux problématiques de l'homosexualité et de l'homophobie, dont mille cent vingt-sept dans le Sud de la France ». Ses interventions sont jugées « indispensables » par son président, Nicolas Noguier, selon lequel « les préjugés et les stéréotypes sur l'homosexualité et la transsexualité sont très ancrés chez une majorité de lycéens ».

Inventaire à la Prévert

Plus d'une centaine d'associations s'invitent ainsi dans les établissements scolaires avec la bénédiction de la Rue de Grenelle. Quelques-unes poursuivaient d'ores et déjà des objectifs similaires à ceux du Refuge, tels SOS homophobie, mais aussi Contact et Estim'. Le féminisme n'est pas en reste : le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, le Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles, Femmes et Ingénieurs, Femmes et Sciences, le Mouvement du Nid (contribuant « à l'information et à la connaissance des réalités du système de la prostitution »), Ni putes ni soumises, sont autant d'associations bénéficiant d'un agrément national.

Dans la liste publiée par le ministère de l'Éducation nationale, elles côtoient, outre des associations humanitaires, SOS racisme, Ensemble contre la peine de mort, le Mouvement européen... Selon les points de vue, leurs interventions relèveront de la propagande plutôt que de l'éducation... Dans un registre plus insolite y figurent également la Fédération française des motards en colère, ainsi que les Naturalistes de Mayotte, dont la présence apparaît à nos yeux plus légitime, tout comme celle de l'Association française d'astronomie, par exemple, susceptible de participer à la transmission de savoirs, et non d'inculquer des valeurs (républicaines) plus ou moins partagées.

Un précieux label

Selon le code de l'Éducation, « l'agrément est accordé après vérification du caractère d'intérêt général, du caractère non lucratif et de la qualité des services proposés par ces associations, de leur compatibilité avec les activités du service public de l'éducation, de leur complémentarité avec les instructions et programmes d'enseignement ainsi que de leur respect des principes de laïcité et d'ouverture à tous sans discrimination ». Toutefois, il ne constituerait rien d'autre qu'un label. Comme le souligne l'académie de Montpellier, « c'est le chef d'établissement ou le directeur d'école qui autorise l'intervention d'une association agréée dans le respect de la réglementation et des orientations définies par le conseil d'administration ou le conseil d'école ». Afin d'esquiver un débat délicat, certains chefs d'établissement se réfugieront vraisemblablement derrière l'avis du ministère. De fait, à la faveur de son agrément national, le Refuge espère doubler ses interventions en milieu scolaire au cours de l'année qui vient de s'ouvrir.

Internet : une liberté très encadrée

31 juillet 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Les propos à connotation raciste tenus sur la Toile ne sont pas les seuls passibles d'une condamnation judiciaire.

La Toile n'est pas une zone de non droit, clament les responsables politiques. La justice vient de le confirmer récemment. Pour avoir relayé sur Facebook une image comparant Chritiane Taubira à un singe, et l'avoir assumé devant des caméras de télévision, Anne-Sophie Leclère a été condamnée à neuf mois de prison ferme et 50 00 euros d'amende. Avait-elle conscience de la peine encourue ? Le cas échéant, sans doute se serait-elle davantage investie dans sa défense.

L'endroit à éviter

Cela étant, les lois réprimant le racisme sont loin d'être les seules auxquelles s'exposent les internautes. Déçue par un restaurant, une blogueuse avait dénoncé « l'endroit à éviter au Cap-Ferret ». Or, cela « constitue un dénigrement manifeste destiné à faire fuir des clients potentiels avant même toute lecture », a estimé le tribunal de grande instance de Bordeaux. Aussi la critique en herbe a-t-elle été condamnée à verser « 1 500 euros à titre de provision sur dommages et intérêts et 1 000 euros de frais de procédures », rapporte Le Figaro. « La blogueuse, qui s'est dite "très étonnée" de cette décision, ne fera pas appel, en partie pour des raisons financières », précisent nos confrères. Quant au restaurateur, qui aurait porté l'affaire devant la justice sans tenter aucune conciliation amiable au préalable, il s'est attiré les foudres des internautes, si bien qu'en voulant rétablir sa réputation, il a peut-être contribué à l'aggraver... Une fois de plus, la censure s'avère contreproductive. C'est une nouvelle illustration de "l'effet Streisand", dont on se souvient qu'il avait été pitoyablement négligé, voilà un peu plus d'un an, par feue la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), qui s'était attaquée à Wikipedia.

Effet Streisand

Un effet comparable semble à l'œuvre dans l'affaire Taubira-Leclère. « Il est impossible de [...] critiquer » le garde des Sceaux, écrivait Aristide Leucate dans le dernier numéro de L'Action Française 2000 (n° 2890 du 17 juillet 2014). « Par une odieuse mécanique rhétorique », expliquait-il « elle neutralise d'avance toute contestation à son encontre par une assimilation a priori de celle-ci à une attaque à sa propre personne, donc à du racisme ». Considérant la sévérité de la peine infligée par les juges de Cayenne, l'opinion publique ne sera-t-elle pas d'autant plus tentée de lui donner raison ? Nos confrères de Libération s'en sont eux-mêmes inquiétés : « De quelque manière qu'elle s'en défende - si elle se soucie de s'en défendre - Christiane Taubira sera désormais soupçonnée d'avoir manœuvré obliquement le marteau-pilon », observe Daniel Schneidermann. Ce faisant, bien qu'elle prétende enrayer la parole raciste, peut-être la justice et les pouvoirs publics prennent-ils le risque de la légitimer.

Mariage pour tous : ma famille contre la leur

31 juillet 2014

Rebond sur la "trahison" d'un maire résigné à célébrer un "mariage pour tous".

La famille, nous ne l'avons jamais rencontrée. Nous avons connu des familles plus ou moins nombreuses, unies ou déchirées, etc. Mais quant à "la" famille... Si elle existe, c'est bien à notre insu !

Beaucoup ont pourtant prétendu la servir, tandis qu'ils la jugeaient menacée par l'institution du "mariage pour tous". Ce fut le cas de Raymond Bardet, maire de Ville-la-Grand (Haute-Savoie), qui avait promis que jamais il n'unirait de couple homosexuel devant la loi. Voilà qu'il vient de renier son engagement.

« Je n'ai pas changé d'avis », s'est-il justifié auprès du Dauphiné libéré. « Je pense que ce n'est pas ce que veut la nature », a-t-il répété à nos confrères. « Mais mon fils se mariait, il n'était pas question que je le confie à quelqu'un d'autre. Si j'avais demandé à un adjoint de célébrer le mariage, les gens auraient pu penser que je dénigrais mon fils ou que nous étions fâchés. Pas du tout, je suis son père, c'était à moi de célébrer son union, comme je l'avais fait pour sa sœur. » Et d'ajouter : « Je ne connaissais pas son compagnon, c'est quelqu'un de très bien, ils forment un beau couple ensemble. »

Autrement dit, si M. Bardet a trahi "la" famille, c'est par amour pour la sienne. Par amour pour une famille bien réelle, donc. Du genre de celles que Joseph de Maistre aurait pu rencontrer.

Dans cette affaire, qui sont les vrais réactionnaires ?

Genre à l'école : le Sénat s'obstine

17 juillet 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

La délégation sénatoriale aux droits des femmes demande que soient instrumentalisés les manuels scolaires afin d'encourager les élèves à s'émanciper des représentations sexuées.

Quoi qu'il advienne des "ABCD de l'égalité", moult responsables politiques semblent décidés à inculquer aux petits Français les valeurs qui les avaient inspirés. Témoin de cette obstination, le rapport d'information du socialiste Roland Courteau, présenté au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat. Celle-ci « a toujours considéré que c'est dès le plus jeune âge que les stéréotypes doivent être appréhendés et déconstruits ». C'est pourquoi elle s'est intéressée aux manuels scolaires, souhaitant « prendre la mesure de l'évolution des représentations sexuées transmises aujourd'hui à l'école ».

Le poids des images

Avec une relative satisfaction, le rapporteur y observe « l'émergence d'un masculin neutre, à l'image de l'évolution des rapports de sexe dans le reste de la société ». Mais il s'attache surtout à dénoncer « une permanence dans la reproduction des stéréotypes de genre et des préjugés ». Sans surprise, il constate « une association permanente entre le féminin, la maternité, l'éducation et les soins aux enfants, les activités ménagères  ». Soulignant « à quel point les stéréotypes se nichent dans l'iconographie », la délégation demande, notamment, « que le ministère de l'Éducation nationale mette à la disposition des éditeurs privés une banque de ressources iconographiques publiques ». Elle suggère, également, « que des experts, spécialistes des questions d'égalité entre les hommes et les femmes, soient intégrés au sein des groupes de travail pilotés par le CSP [Conseil supérieur des programmes], afin de pouvoir systématiquement procéder à une relecture spécifique des programmes ». À cet effet, est-il précisé, « le respect du délai d'un an entre la publication des programmes et leur entrée en vigueur est essentiel ».

Comment cette démarche se traduirait-elle concrètement ? Dans un manuel de mathématiques, par exemple, un exercice pourrait proposer « d'agréger des ustensiles de cuisine et des outils mécaniques ». Aux yeux du rapporteur, cela serait « bien plus efficace pour éveiller le regard critique de l'enfant qu'une "leçon" sur l'orientation des filles et des garçons ». De fait, « pour les élèves comme pour les enseignants », l'objectif serait « d'ouvrir le regard et de donner la possibilité de remettre en question l'ordre établi », au motif que celui-ci serait injuste.

Façonner les esprits

« Être éducateur au XXIe siècle », soutient la délégation sénatoriale, « c'est permettre à chaque enfant de se développer en fonction de ses potentialités sans être assigné à son sexe ou à sa classe sociale ». Or, « de la même manière que des manuels qui véhiculent des stéréotypes contribuent à l'intériorisation des normes de genre », il lui semble « évident que diversifier les modèles d'hommes et de femmes, de filles et de garçons, encourage les enfants et les jeunes à faire des choix basés sur leurs goûts et leurs aptitudes », ce qui leur conférerait « une plus grande liberté ». En effet, « les limites que crée l'intériorisation de l'assignation de genre » seraient « un frein à un plein épanouissement des filles et des garçons ». En résumé, « traquer les stéréotypes de genre à l'école participe donc à la construction d'un projet d'émancipation ». Autant le dire clairement : « l'enjeu d'une éducation non stéréotypée, c'est de transmettre plus de bonheur » – rien de moins !

Le terrain à la traîne

Reste à savoir dans quelle mesure cette conviction s'avère partagée, voire mise en œuvre. « À l'heure actuelle », regrette Roland Courteau, « la formation des enseignants à la transmission des valeurs d'égalité et de respect n'existe pas véritablement ». Plus précisément, « la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) semble s'accompagner d'une régression de la formation sur ces thématiques ». Selon lui, « la valeur "égalité" » devrait « intégrer tous les concours de recrutement de l'Éducation nationale ». Mais en pratique, explique-t-il « la mobilisation des cadres de l'Éducation nationale dépend essentiellement du niveau académique, rectorat par rectorat ». Dans ces conditions, « un professionnel investi dans telle ou telle académie peut impulser une dynamique positive, comme l'inverse, hélas » – tout étant affaire de point de vue, cela va sans dire. En résumé, si l'on en croit la délégation sénatoriale aux droits des femmes, il y aurait « un décalage certain entre les bonnes intentions affichées du ministère de l'Éducation nationale et la réalité de terrain ». Enfin une bonne nouvelle ?

Prostitution : de l'idéal à la pratique

17 juillet 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

L'abolition de la prostitution, en discussion au Parlement, se traduira-t-elle dans les faits ?

Approuvée l'année dernière par l'Assemblée nationale, la proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel » a été vidée de sa substance, mardi 8 juillet 2014, par une commission du Sénat. Auparavant, son inspiration abolitionniste n'en avait pas moins été soutenue par la délégation aux droits des femmes de la haute assemblée.

Posture morale

Celle-ci « conteste le "droit" qu'auraient les femmes de se vendre et celui [...] qu'auraient les hommes de les acheter », a expliqué Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur d'un rapport d'information rédigé en son nom. Robert Badinter est apparu bien isolé, lui qui, lors d'une audition, « a fait valoir que le droit pénal n'avait pas à intervenir dans le domaine des pratiques sexuelles entre adultes consentants, qui constituait un élément de la liberté individuelle ». « Il n'est pas tolérable qu'un être humain achète les services sexuels d'un autre être humain », a tranché Mme Gonthier-Maurin. À ses yeux, la « valeur pédagogique de la loi est suffisamment importante en soi pour justifier la mise en œuvre de la pénalisation du client en France ».  

Des ébats en public

Qu'en sera-t-il en pratique ? Parmi les prostituées dites "traditionnelles", à l'image de celles, françaises, officiant dans le deuxième arrondissement de Paris, toutes ne s'inquiètent pas du processus législatif en cours. Leur activité n'est pas en cause, leur auraient assuré les forces de l'ordre. Ce sont leurs collègues étrangères qui seraient visées. Celles qui leur succèdent sur le trottoir, une fois la nuit tombée, au grand dam des riverains, indisposés par leurs discussions volubiles, et parfois confrontés à des ébats sexuels sur leur pallier d'immeuble.

Autrement dit, agitée avec discernement, la menace pesant sur les clients serait censée contribuer à préserver la tranquillité publique. Tout comme l'existence du délit de racolage passif, bientôt abrogé, donnait un prétexte aux policiers soucieux, le cas échéant, de soustraire une femme à son proxénète le temps d'un interrogatoire, sans nécessairement engager des poursuites à son encontre. À la faveur du changement de majorité, l'idéalisme de la gauche s'est effectivement substitué à la posture répressive de la droite. Mais dans un cas comme dans l'autre, peut-être ne s'est-il jamais agi que d'un habillage...

Double nationalité : l'idéologie contre la souveraineté

4 juillet 2014

Les débordements accompagnant les victoires de l'Algérie, à l'occasion de la Coupe du monde de football, sinon leur simple célébration, a ravivé la hantise de la double nationalité. Il conviendrait de la « supprimer de notre droit », lit-on ici ou là. Encore faudrait-il qu'elle y figure !

Si l'on en croit Wikipedia, « la double nationalité n'est pas inscrite dans le droit français ». Ce serait à vérifier, mais, a priori, sa mention dans le droit ne nous semblerait nécessaire que pour en restreindre l'octroi ou les effets : par exemple, priver de la protection consulaire un citoyen vivant dans un pays tiers dont il serait ressortissant, comme le font l'Iran ou le Mexique.

La France, quant à elle, ne "reconnaît" la double nationalité que dans la mesure où elle est indifférente, en quelque sorte, aux nationalités tierces. Autrement dit, la nationalité française est octroyée sans interférence étrangère.

En filigrane, donc, apparaît un enjeu de souveraineté : comment la double nationalité pourrait-elle être supprimée sans que soit mise en cause l'indépendance de l'État ? C'est vraisemblablement impossible. Tout au plus nous semblerait-il envisageable d'en restreindre les cas. Mais à quoi bon ? N'en déplaise aux nationalistes plus ou moins contractualistes, les sentiments de ne façonnent pas par la magie du droit.

Quelques précisions émanant d'un site officiel :

« La double nationalité [...] qui n'est pas expressément prévue par le droit français de la nationalité [...] fait l'objet d'aménagements qui résultent le plus souvent d'accords internationaux. [...] En vertu du principe de souveraineté, la France considère le double national comme titulaire de l'ensemble des droits et obligations attaché à la nationalité française, qu'il s'agisse d'un Français ayant acquis une autre nationalité ou d'un étranger devenu français. Un Français binational ne peut cependant faire prévaloir sa nationalité française auprès des autorités de l'autre État dont il possède aussi la nationalité lorsqu'il réside sur son territoire. Ce binational est alors généralement considéré par cet État comme son ressortissant exclusif et il s'en suit que la protection diplomatique de la France ne peut s'exercer contre l'autre État dont dépend le binational et, réciproquement, pour l'État étranger qui ne peut faire bénéficier de sa protection le binational sur le territoire français. [...] Pour le Français ayant acquis une autre nationalité, la nationalité française se perd par manifestation de volonté (déclaration auprès du consulat français du pays de résidence). »

À lire sur le même sujet :

La réinformation par l'exemple

25 juin 2014

N'en déplaise à la réacosphère, comptabiliser des interpellations policières ne rend pas compte des condamnations judiciaires.

Après qu'une victoire de l'Algérie eut été fêtée bruyamment à Lyon par des supporters en manque de racines, Nouvelles de France a publié ce commentaire vindicatif : « La DDSP [Direction départementale de la sécurité publique] a communiqué ce matin les interpellations de la nuit : un jeune âgé de dix-huit ans (à Givors) après avoir visé des policiers avec un laser depuis l'arrière d'une voiture et un individu de vingt et un ans (dans le 7e arrondissement de Lyon) pour avoir insulté des CRS qui bloquaient le pont de la Guillotière. Les incendies et le pillage resteront, eux, impunis... »

Peut-être le resteront-ils effectivement, mais ce n'est pas l'ampleur des interpellations qui permet de le dire. À ce titre, l'expérience de la Manif pour tous apparaît d'ailleurs révélatrice : si l'exécutif a vraisemblablement abusé des interpellations et autres gardes à vue, censées illustrer sa fermeté face au péril réactionnaire, la justice, quant à elle, ne s'est exprimée que dans quelques cas somme toute rarissimes.

N'accablons pas Nouvelles de France, d'autant que ce site-là se distingue par sa culture  journalistique et une certaine ouverture au sein de la réacosphère. Cette confusion n'est pas leur exclusivité, loin s'en faut. Elle est même inhérente au système médiatique, dont les travers n'épargnent pas les "réinformateurs", comme ils aiment à se présenter – bien au contraire !

Le libéralisme à l'épreuve de la prostitution

20 juin 2014

À entendre la plupart de nos camarades, le libéralisme serait le principal inspirateur de nos élites. Outre la politique économique et sociale, la proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel » témoigne du déni dans lequel se complaisent des esprits en quête d'un ennemi imaginaire.

La dénonciation de la "marchandisation du corps humain" relève du lieu commun, repris à l'envi par Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur d'un rapport d'information rédigé au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat, déposé le 5 juin 2014. « Les jeunes filles [...] doivent comprendre que leur dignité et leur sécurité s'opposent à la marchandisation de leur corps contre de l'argent ou des cadeaux, quels qu'ils soient », écrit-elle notamment. « Des siècles durant, des nourrices bretonnes ou bourguignonnes ont, moyennant finances, nourrit au sein les enfants de la bourgeoisie francilienne », rappelle Georges Kaplan. « Le fait est qu'avant la loi du 18 décembre 1989, une femme pouvait, en toute légalité, vendre son lait sans que personne n'y trouve rien à redire. Ce qui caractérise ces trois dernières décennies, ce n'est donc pas la "marchandisation du corps" ; c'est précisément l'inverse : la généralisation du principe d'indisponibilité du corps humain. »

Quoi qu'il en soit, « sensibiliser les enfants à l'égalité entre filles et garçons devrait être entrepris dès le plus jeune âge », selon Mme Gonthier-Maurin. L'Éducation nationale en viendra-t-elle à dissuader les jeunes filles de se laisser inviter au restaurant ? En tout cas, la délégation du Sénat « conteste le "droit" qu'auraient les femmes de se vendre et celui [...] qu'auraient les hommes de les acheter ». Robert Badinter apparaît bien isolé, lui qui, lors de son audition par la commission spéciale du Sénat « a fait valoir que le droit pénal n'avait pas à intervenir dans le domaine des pratiques sexuelles entre adultes consentants, qui constituait un élément de la liberté individuelle ». « Il n'est pas de tolérable qu'un être humain achète les services sexuels d'un autre être humain », martèle Mme Gonthier-Maurin. À ses yeux, la « valeur pédagogique de la loi est suffisamment importante en soi pour justifier la mise en œuvre de la pénalisation du client en France ».

La loi en discussion a pour objectif de « proscrire les rapports sexuels imposés par la contrainte économique », explique-t-elle. « Selon Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du nid, on ne peut [...] parler de consentement s'agissant de personnes qui "se battent pour survivre", de même que, de son point de vue, l'on ne saurait présumer véritablement consentants ceux qui, pressés par le besoin, travaillent pour un salaire inférieur au SMIC... » Voilà une comparaison éclairante. Qu'est-ce que le Smic, en effet ? C'est un seuil défini par l'État, distinguant arbitrairement des emplois qui seraient dignes et d'autres qui ne le seraient pas, et contestant implicitement la capacité des individus à exercer leur liberté sous la pression de circonstances données. Au respect du "libre arbitre", cher aux libéraux, il s'agit de substituer des règles supposées éthiques aux dires de l'État. Le rapporteur ne s'en cache pas : « Au risque que ces propos soient caricaturés au nom d'un prétendu moralisme excessif, le terme de travail doit être vigoureusement proscrit pour qualifier ce qui ne saurait être considéré que comme une aliénation : celle qui consiste, pour un être humain, à louer son corps contre de l'argent. » À l'inverse, sans doute faudra-t-il voir une "libération" dans la responsabilité conférée à l'État d'encadrer la façon d'en disposer. CQFD.

Jean-Jacques Rousseau et la "théorie du genre"

9 mars 2014

Un extrait de l'Émile mis en exergue à l'instant par l'excellent Jean-Louis Bourlanges au micro de France Culture.

En tout ce qui ne tient pas au sexe, la femme est homme : elle a les mêmes organes, les mêmes besoins, les mêmes facultés ; la machine est construite de la même manière, les pièces en sont les mêmes, le jeu de l'une est celui de l'autre, la figure est semblable ; et, sous quelque rapport qu'on les considère, ils ne diffèrent entre eux que du plus au moins.

En tout ce qui tient au sexe, la femme et l'homme ont partout des rapports et partout des différences : la difficulté de les comparer vient de celle de déterminer dans la constitution de l'un et de l'autre ce qui est du sexe et ce qui n'en est pas. Par l'anatomie comparée, et même à la seule inspection, l'on trouve entre eux des différences générales qui paraissent ne point tenir au sexe ; elles y tiennent pourtant, mais par des liaisons que nous sommes hors d'état d'apercevoir : nous ne savons jusqu'où ces liaisons peuvent s'étendre ; la seule chose que nous savons avec certitude est que tout ce qu'ils ont de commun est de l'espèce, et que tout ce qu'ils ont de différent est du sexe. Sous ce double point de vue, nous trouvons entre eux tant de rapports et tant d'oppositions, que c'est peut-être une des merveilles de la nature d'avoir pu faire deux êtres si semblables en les constituant si différemment.

Ces rapports et ces différences doivent influer sur le moral ; cette conséquence est sensible, conforme à l'expérience, et montre la vanité des disputes sur la préférence ou l'égalité des sexes : comme si chacun des deux, allant aux fins de la nature selon sa destination particulière, n'était pas plus parfait en cela que s'il ressemblait davantage à l'autre ! En ce qu'ils ont de commun ils sont égaux ; en ce qu'ils ont de différent ils ne sont pas comparables.

Citation tirée du site Wikisource.