La nationalité en éternel débat

6 janvier 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Déchoir des Français de naissance de leur nationalité : telle est la mesure la plus controversée du projet de révision de la Constitution présenté par le gouvernement.

Tandis que l'exécutif socialiste est accusé d'empiéter sur les plates-bandes du Front national, l'opposition peine à faire entendre sa voix. Ainsi Nathalie Kosciusko-Morizet s'essaie-t-elle à défendre « la cohésion nationale » : « la France se divise sur la déchéance de nationalité », regrette-t-elle sur son blog. 85 % de nos compatriotes seraient pourtant favorables à la révision de la Constitution proposée par le gouvernement, selon un sondage Opinionway pour Le Figaro... Aussi cette question agite-t-elle surtout le pays légal ! L'enjeu apparaît d'autant plus symbolique que bien des dispositions permettent d'ores et déjà de déchoir un Français de sa nationalité.

Nationalité mal acquise

Hervé Mariton, quant à lui, appelle à débattre non pas de la déchéance, mais des conditions d'attribution de la nationalité. Selon lui, « le principe directeur doit être le droit du sang, naturellement enrichi par la vie » – autrement dit, par « la naturalisation ». « Aussi horribles que soient les actes commis par les enfants de France, je souhaite une nationalité qui soit irréfragable, irréversible », a-t-il expliqué au micro de France Inter. « Je souhaite que cette nationalité ne soit pas supposée mal acquise, qu'elle ne soit pas fragile pour les uns, moins fragile pour d'autres », a-t-il poursuivi.

Implicitement, le député de la Drôme semble récuser toute conception contractualiste de la nation. Une conception que nourrit, à certains égards, le projet de loi présenté par le gouvernement. Cela n'a pas échappé à Manuel Valls : accusé de trahir la gauche, le Premier ministre prétend au contraire la servir en défendant une « conception historique ouverte de la nation française, fondée sur l'adhésion à l'idéal républicain et sur la volonté commune de vivre-ensemble ». À l'inverse, s'exprimant sur Facebook, il a rejeté l'idée de « fonder la nationalité [...] sur ce qui par nature ne peut jamais être révoqué ».

Double allégeance

Ce faisant, peut-être croit-il nous rassurer, entretenant, à son corps défendant,  l'illusion que la France pourrait se débarrasser de ses brebis galeuses ? Un anthropologue s'en inquiète dans les colonnes du Monde : « cette proposition de déchéance de nationalité pose le postulat que l'engagement dans le terrorisme ne concerne que les immigrés de confession musulmane », déplore ainsi Dounia Bouzar. Avec quelque maladresse, il semble vouloir exprimer sa préoccupation quant aux conversions soudaines à un islam d'emblée radical. Un symptôme parmi d'autres du mal qui gangrène la France ?

En tout cas, plus encore que le droit du sol (dont l'application s'avère d'ailleurs relative), c'est la double nationalité qui semble mise en accusation. Parmi ses bénéficiaires, beaucoup ont reçu leur seconde nationalité en héritage, par le sang donc ; de ce point de vue, le droit du sol serait effectivement égratigné. Mais d'autres ont pu l'acquérir... À l'image de Gérard Depardieu, par exemple ! Dans quelle mesure les faveurs que lui accorde Vladmiir Poutine affaiblissent-elles les liens qui l'unissent à la France ? Incidemment, les suspicions associées à la critique d'une "double allégeance" pourraient donc faire l'objet d'une timide traduction juridique.

La hantise des apatrides

Il est vrai que le gouvernement n'envisage de retirer leur nationalité qu'à des Français qui demeureraient alors les ressortissants d'un pays tiers. Il n'est pas question de créer des apatrides, martèle-t-on à l'envi. De toute façon, nous dit-on, les engagements internationaux souscrits par la France le lui interdiraient. C'est précisément ce que conteste François-Xavier Berger, dans un article publié par Mediapart. Quoi qu'il en soit, peut-être cette hantise-là reflète-t-elle une conscience plus ou moins confuse des limites d'un certain idéal individualiste. Sur Contrepoints, Nafy-Nathalie rappelle opportunément ces propos d'Hannah Arendt : « Être déchu de sa citoyenneté, c'est être privé de son appartenance au monde. »

Déchéance de nationalité : la gauche fidèle à ses idéaux

3 décembre 2015

N'en déplaise à certains socialistes indignés, déchoir des Français de leur nationalité participerait d'une démarche typiquement progressiste.

À l'instant, sur France Info (Les Informés, émission animée par Jean-Mathieu Pernin, 3 décembre 2015), un certain nombre d'intervenants s'étonnent – et même s'émeuvent – qu'un pouvoir socialiste envisage de déchoir de leur nationalité des individus nés français. En effet, un projet de révision de la Constitution devrait être présenté prochainement en ce sens.

François Hollande et son gouvernement ne sont pas animés par des motivations idéologiques, mais politiques : il s'agit de flatter une opinion publique xénophobe, donner l'illusion d'une action résolue contre le terrorisme, couper l'herbe sous le pied de l'opposition, etc. Cependant, n'est-est-ce pas à gauche, un peu plus qu'ailleurs, qu'on nous explique qu'être français, ce serait, précisément, adhérer à des "valeurs", en l'occurrence celles de la République ?

Dans cette perspective, la participation à l'organisation d'un attentat exprimant manifestement leur reniement, c'est tout naturellement qu'elle devrait se traduire, juridiquement, par la déchéance de nationalité. Autrement dit, il s'agirait de prendre acte d'un choix délibéré, en application d'une conception volontariste de la nationalité.

Ce serait donc une mesure progressiste, émancipant l'individu d'un héritage imposé par sa naissance. Tout comme la lutte contre les "stéréotypes" est censée l'affranchir de déterminismes sociaux, voire biologiques, par exemple.

De notre point de vue, cela n'est pas à son honneur, mais force est de le constater : sous la houlette de François Hollande, la gauche demeure fidèle à ses idéaux.

Vincent Lambert doit mourir... pour l'amour de la République !

27 juillet 2015

Vincent Lambert doit mourir, tout comme le capitaine Dreyfus devait être jugé coupable : tel est, en substance, le message délivré par notre confrère Bruno Roger-Petit.

La situation de Vincent Lambert relève-t-elle de la fin de vie ou bien du grand handicap ? Tandis que sa famille se déchire sous le regard obscène des médias (dont nous sommes), son destin n'en finit pas d'être balloté au gré des procédures judiciaires. « Face à cette tragédie, l'humilité est de rigueur », soutient Bruno Roger-Petit. Sur ce point, au moins, nous sommes d'accord !

Mais alors, que faire ? Faut-il mettre un terme à ses souffrances, comme le demande sa femme ? Ou bien le placer durablement dans un établissement plus adapté, comme le réclament ses parents ? Certainement pas ! « La première des urgences », martèle notre confrère, « c'est [...] de faire en sorte que le destin de Vincent Lambert ne soit plus pris en otage par des militants intégristes ».

Car « à la fin », explique-t-il dans Challenges, « il y a le droit ». Or, poursuit-il, « le droit s'est prononcé de telle façon qu'il a reconnu que, dans le cadre de la loi française, il était possible, si besoin était, de prendre la décision d'arrêter ce qui est médicalement vain » ; « et le droit qui a été dit doit être respecté par tous et partout, y compris quand il peut déplaire à une conscience subjective » – « y compris celle de croyants intégristes qui placent leur foi au-dessus du droit, donc de la République. » Nous y voilà ! « De ce point de vue », souligne-t-il, « c'est devenu une affaire de principe ».

Dans ces conditions, peu importe le destin d'un malheureux individu. De toute façon, « personne ne peut dire quelle est la juste solution à l'écrasant problème que pose la situation de Vincent Lambert », remarque Bruno Roger-Petit. Autrement dit, puisqu'il est impossible de résoudre l'affaire Lambert d'un point de vue moral, autant l'exploiter dans une perspective partisane. Pour un certain nombre de « militants intégristes », déplore notre confrère, Vincent Lambert serait devenu « un objet de communication destiné à populariser leur combat "pour la vie" ». Certes. Mais loin de soustraire Vincent Lambert à ceux qui se le seraient approprié, Bruno Roger-Petit le réduit à la querelle dont il est précisément l'otage. Quel est, en substance, le message délivré par notre confrère ? Selon lui, Vincent Lambert doit mourir, non parce qu'il serait juste d'interrompre les soins dont il bénéficie, mais parce que c'est légal, et surtout parce que sa disparition indisposerait « des militants intégristes » exécrés.

À certains égards, on se croirait en pleine affaire Dreyfus ! À l'époque, déjà, c'était une « affaire de principe », comme dirait Bruno Roger Petit. Maurras l'avait lui-même revendiqué, comme en témoignent ses propos rapportés par François Huguenin : « Mon premier avis là-dessus avait été que, si Dreyfus était innocent, il fallait le nommer maréchal de France, mais fusiller une douzaine de ses principaux défenseurs pour le triple tort qu'ils faisaient à la France, à la paix et à la raison. » Autrement dit, ce n'était pas la responsabilité du pauvre capitaine qui importait, mais l'identité de ses défenseurs – et l'honneur de l'Armée à laquelle ceux-ci se seraient attaqué en prenant son parti.

Aujourd'hui, ce ne sont plus l'Armée et la sécurité nationale qui sont menacés, mais la République et l'État de droit, nous dit Bruno Roger-Petit. Ils le sont par « des militants intégristes » que l'on sait aux protes du pouvoir. Des gens dont la foi n'est souvent que le paravent d'une orgueil détestable, à l'image des pharisiens vilipendés dans l'Évangile, mais qui ne dérangent vraiment que ceux qui en font une obsession... À l'image de Bruno Roger-Petit, donc, qui semble virer anti-dreyfusard par hantise de l'extrême droite – un comble !

Désinformation : Marine Le Pen instrumentalise Vincent Lambert

24 juillet 2015

Marine Le Pen laisse entendre que l'Europe imposerait à la France d'interrompre les soins dispensés à Vincent Lambert – un mensonge flagrant.

Marine Le Pen vole « au secours de Vincent Lambert », annonce Nouvelles de France. « Le débat consistant à s'interroger sur le droit de tuer quelqu'un, de tribunaux en tribunaux et de journaux télévisés en journaux télévisés, est épouvantable », aurait déclaré, jeudi dernier, 23 juillet 2015, la présidente du Front national, comme le rapportent nos confères du Figaro.

Et d'ajouter : « Un pays doit pouvoir conserver sa liberté totale, notamment dans ce domaine, et n'a pas à se soumettre aux exigences, y compris de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Surtout quand cette cour ne semble pas avoir le souci véritable de défendre Vincent Lambert. »

Or, en l'espèce, que dit la CEDH ? Sa décision, rendue le 5 juin dernier, stipule « qu'il n'y aurait pas violation » de la Convention européenne des droits de l'homme « en cas de mise en œuvre de la décision du Conseil d'État autorisant l'arrêt des soins» (voir le résumé de l'affaire proposé par Wikipédia). Autrement dit, il s'agit plus ou moins d'un blanc-seing donné à la justice française !

Bref, contrairement à ce qu'insinue Mme Le Pen, en dépit de ses engagements internationaux, la France est libre d'instruire cette affaire comme elle l'entend.

L'Europe a bon dos !

Premières miscellanées d'été

26 juin 2015

En bref : l'idéologie poussée à son comble ; les électeurs du Front national moins jacobins qu'on aurait pu le craindre ; une réforme en Suisse sur le financement de l'audiovisuel public.

Idéologie

Le mois prochain devrait se tenir le procès d'un ancien responsable du Front national de Seine-et-Marne, accusé, entre autres, d'avoir incendié pas moins de treize voitures dans la nuit du 7 au 8 avril derniers. Cela afin d'illustrer l'insécurité censée régner dans sa commune de Mitry-Mory ! Ce type a fait très fort, mais il n'est pas le seul à agir de la sorte. Témoignage personnel : des militants d'extrême nous ont déjà rapporté avoir diffusé des autocollants avec la mention « on va te niquer ta race sale français » – pour « faire réagir nos concitoyens », comme ils me l'avaient expliqué. Preuve que la réalité n'y suffisait pas... Les tenants de la "réinformation" s'inscrivent dans leur sillage. Surpris à véhiculer de fausses informations (visant à dénigrer Najat Vallaud-Belkacem ou nos compatriotes musulmans, par exemple), ils se justifient sans trop de complexes en arguant de la prétendue crédibilité des rumeurs. Crédibilité qui n'a de valeur qu'au regard de leur idéologie, dont tout cela illustre, précisément, l'acception la plus caricaturale.

Régionalisme

« 72% des Français se disent favorables à la reconnaissance officielle des langues régionales. » Chez les sympathisants du Front national, cette proportion atteindrait même 76 % ! Peut-être les électeurs du FN sont-ils moins jacobins que les dirigeants du parti ne prétendent l'être eux-mêmes ? Selon Florian Philippot, en effet, la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires ne constituerait rien de moins qu'un « nouvel attentat contre l'unité de la France et l'indivisibilité de la République ». Les populistes ont le sens de la mesure !

Redevance

« Les électeurs suisse ont adopté de justesse une modification du système de redevance pour la radio télévision qui fera que tout foyer devra payer même s'il n'a ni téléviseur ni radio. » Appliquée en France, une telle mesure ne ferait pas les affaires de votre serviteur. Mais si l'entretien d'une télévision publique relevait effectivement du bien commun (avec des si...), l'ensemble des contribuables ne devraient-ils pas participer à son financement ? La situation actuelle s'avère manifestement aberrante. Loin de nous, cependant, l'idée qu'il conviendrait de racketter les quelques marginaux réfractaires à l'achat d'un téléviseur. Que l'État se débarrasse plutôt du boulet de France Télévision ! La production de Plus belle la vie payée par les impôts, franchement, ça craint...

L'islamophobie, un devoir civique

2 avril 2015

Galvanisés par leurs élites politiques, quelques citoyens exemplaires se décident enfin à en venir aux mains pour défendre les valeurs de la République.

Une femme enceinte aurait été agressée à Toulouse « à cause de son voile islamique », rapporte Le Figaro. Curieusement, précisent nos confrères, Manuel Valls, « a fait part de son "indignation" ». Ces derniers temps, pourtant, le Premier ministre nous avait habitué à davantage de fermeté. Peut-être s'est-il épuisé à vilipender le Front national ? Au moins Nicolas Sarkozy a-t-il gardé la tête froide : « la France est une République, pas seulement une démocratie », a-t-il martelé. « Dans une démocratie, chacun fait ce qu'il veut tant que cela ne fait pas de mal aux autres », a-t-il expliqué. Mais « dans une République, on est plus exigeant ». Or, a-t-il rappelé, « la République, c'est la laïcité ».

À l'UMP, quelques personnalités sont manifestement en passe d'en devenir les champions. Dernièrement, François Fillon s'est heureusement distingué de l'ancien président de la République : « la laïcité ce n'est pas l'oppression des religions, c'est le respect des différences », a-t-il déclaré. C'est pourtant un ministre de son gouvernement, Luc Chatel, qui avait banni des sorties scolaires les mamans les moins enclines à se promener cheveux au vent. C'est également en son nom qu'avait été présenté le projet de loi « interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public ». L'islamophobie aidant, les libertés les plus élémentaires s'avèrent faciles à piétiner !

D'autres exemples ? En juin dernier, s'inscrivant dans la continuité de cette politique, Richard Trinquier, maire UMP de Wissous (Essonne), avait chassé d'une plage éphémère deux mères de famille coupables de porter un voile recouvrant non seulement les cheveux... mais aussi les oreilles – un vrai scandale ! Quant à l'inénarrable Nadine Morano, au mois d'octobre, elle s'était empressée de dénoncer à un policier la femme intégralement voilée qu'elle avait croisée gare de l'Est, après l'avoir sommée, en vain, de rendre son visage à la vue du public. 

Remarquable initiative, dont on apprend donc aujourd'hui qu'elle a peut-être fait quelques émules, à l'image de ces républicains exemplaires qui viennent, paraît-il, d'agresser la malheureuse Toulousaine. Découvrant qu'elle était enceinte, ils auraient décidé de l'épargner. C'est dommage : sans doute cela les privera-t-il de la Légion d'honneur. Qu'on se le dise : la République, ça se mérite !

Chassons la République de nos assiettes !

1 avril 2015
Article publié dans L'Action Française 2000

Attisant le feu du communautarisme, Nicolas Sarkozy espère vraisemblablement tirer profit de la hantise suscitée par l'islam, au risque de priver les Français d'origine étrangère de toute perspective d'assimilation.

La République s'accommode mal de la diversité. Jadis, à la grande époque des hussards noirs, les petits Français surpris dans la cour de récréation à parler un patois familial étaient passibles d'une punition. Demain, les enfants refusant le porc qui leur sera proposé à la cantine seront-ils systématiquement montrés du doigt ? « Dans les cantines d'écoles publiques, je suis opposé à ce qu'on appelle les repas de substitution où, en fonction de l'origine des enfants, de la religion des parents, on choisit des repas différents », a déclaré Nicolas Sarkozy, interrogé le mois dernier par nos confrères de TF1. Ainsi l'ancien président de la République s'est-il engouffré dans la brèche médiatique ouverte quelques jours plus tôt par Gilles Platret, maire UMP de Chalon-sur-Saône, qui venait d'annoncer qu'un « menu unique » serait servi dans les écoles de sa commune à la rentrée prochaine. Ce faisant, rapporte Le Figaro, l'édile « a mis fin à une pratique vieille de trente et un ans, au nom, explique-t-il, du "principe de laïcité" et du "vivre-ensemble" ».

La laïcité dévoyée

Or, selon l'Observatoire de la laïcité, celle-ci « ne saurait être invoquée pour refuser la diversité des menus ». En effet, selon son acception à laquelle demeure cantonnée la majeure partie du droit, elle requiert la neutralité des institutions, mais protège la liberté des individus. Nul n'est dupe des ressorts de la confusion entretenue aujourd'hui par Nicolas Sarkozy : « parler de laïcité devient une façon de revendiquer une France blanche et chrétienne, où tout le monde partage la même culture et les mêmes mœurs », comme l'observe le sociologue François Dubet, cité par nos confrères du Monde ; en résumé, c'est « une façon de dire qu'on ne veut pas des musulmans ».

Cela étant, s'agit-il effectivement de protéger une identité millénaire, ou bien d'en construire une nouvelle, fondée non pas sur le respect d'un héritage, mais sur la hantise de l'islam ? Jusqu'à présent, les rondelles de saucisson et autres bouteilles de pinard n'avaient jamais figuré sur aucun étendard national... « Voilà que les jupes longues, les tenues sombres ou amples sont suspectées d'être des signes religieux », s'inquiète notre consœur Aurélie Collas ! Revigoré par l'islamophobie, le laïcisme menace d'ailleurs les traditions d'origine chrétienne les plus sécularisées, comme en ont témoigné, ici ou là, les tentatives de bannir les crèches de Noël de lieux réputés "publics". Or, quelles perspectives d'assimilation peut offrir un pays reniant ainsi sa propre histoire ?

L'apaisement, vraiment ?

Pire : tandis que le chef du gouvernement prétend s'inquiéter d'un « apartheid » social, d'aucuns voudraient délibérément susciter la ségrégation scolaire ! Le communautarisme a tout à y gagner, sous ses formes les plus variées. Ainsi Allain Bougrain-Dubourg, Aymeric Caron et Franz-Olivier Giesbert viennent-ils d'appeler « à ce que la loi française impose dans chaque cantine scolaire, mais aussi dans les restaurants universitaires et les administrations, une alternative végétarienne, voire végétalienne ». De leur point de vue, « il s'agirait d'une avancée citoyenne majeure et d'un geste fort en faveur de l'environnement et de ce "vivre-ensemble" que tant invoquent sans rien faire pour le promouvoir ». N'en déplaise à M. Platret, selon lequel les cantines scolaires devraient « redevenir des espaces de neutralité », cet objectif ne pourra être approché que dans le respect des aspirations de chacun. Cela peut s'accommoder d'une relative indifférence à l'égard de la religion : nulle prière n'est requise pour servir du poisson à un petit musulman. En revanche, le politique ne saurait l'ignorer au point de nier sa prégnance.

Thibaud Collin l'avait expliqué en décembre 2013 dans les colonnes de L'Action Française 2000 : « La laïcité est un régime de fermeture dans le sens où elle procède par abstraction. Je considère telle personne en faisant abstraction de ses croyances pour ne voir en elle que son humanité ou son statut de citoyen. Cela implique donc de se fermer, c'est-à-dire d'ignorer volontairement et consciemment une dimension pourtant essentielle de la personne humaine, pour mieux faire ressortir un aspect commun censé être principe de cohésion sociale. » Disons que la laïcité procède d'une conception potentiellement sectaire, sinon totalitaire, du fameux "vivre-ensemble". Sans doute a-t-elle contribué aux dizaines de morts survenues, à l'étranger, lors des manifestations consécutives à la publication d'une nouvelle caricature de Mahomet dans Charlie Hebdo, dont la France tout entière se revendiquait alors... Indiscutablement, comme le dit le Premier ministre Manuel Valls, « la laïcité, c'est donc l'apaisement ».

NB – Nouvelle illustration de l'invocation de la laïcité à tort et à travers : « la RATP retoque un soutien aux chrétiens d'Orient sur une affiche », comme le rapportent nos confrères du Figaro.

Source de l'illustration : http://large.canalblog.com/archives/2010/04/22/17655849.html

Des libertés à portée de clic ?

1 janvier 2015
Article publié dans L'Action Française 2000

En suscitant de nouveaux usages, le numérique contribue à redistribuer les pouvoirs, au risque de léser certains intérêts, non sans provoquer quelque résistance politique.

Le déploiement du numérique « redonne aux citoyens un pouvoir », a remarqué le président François Hollande, dans un discours prononcé début décembre (2014). Pour le meilleur ou pour le pire, aurait-il pu ajouter. Quoique cela soit peut-être une affaire de point de vue. De fait, l'intérêt des taxis s'accorde mal avec celui des chauffeurs occasionnels, dont l'activité s'était développée dernièrement à la faveur du service Uber Pop. Celui-ci sera interdit à partir du 1er janvier 2015, a annoncé le gouvernement, qui menace de lourdes sanctions ceux qui se risqueraient à le maintenir ou à lui proposer un successeur : deux ans de prison et 300 000 euros d'amende.

Pas de TVA entre particuliers

Le message est clair : toutes les opportunités offertes par la Toile ne seront pas tolérées par le pouvoir. Constatant la multiplication des transactions immobilières réalisées directement entre particuliers, deux députés socialistes, Sylviane Bulteau et Jacques Cresta, s'en sont inquiétés auprès du gouvernement : sans doute conviendrait-il de protéger les agences dont l'activité est assujettie à la TVA, avaient-ils plaidé en substance au mois d'octobre. Moult grains de sable pourraient se glisser demain dans les rouages du pouvoir, dans la foulée de l'initiative visant a faire racheter par des citoyens lambda les 49,9 % du capital de l'aéroport de Toulouse-Blagnac cédés par l'État... Finalement, c'est un investisseur chinois qui a empoché la mise. L'essor du "financement participatif" (crowdfunding) n'en continue pas moins de nourrir les projets les plus divers. Inévitablement, l'heure est venue des premières déconvenues : ainsi une PME a-t-elle été placée en redressement judiciaire le 27 novembre dernier, « trois mois à peine après avoir emprunté 75 000 euros », comme le rapporte Alexis Vintray. « Les trois cent vingt-neuf petits investisseurs qui auront prêté à la société Smok-it n'ont même pas le droit d'imputer ces pertes sur les intérêts d'emprunts des autres prêts qu'ils auraient faits », déplore-t-il sur Contrepoints. Selon lui, « ce cadre défavorable risque bien de freiner le crowdfunding, alors que la France affirme vouloir en devenir un leader ».

Quant au Bitcoin, la plus populaire des crypto-monnaies, si son succès se confirmait, il pourrait ébranler le pouvoir des banques, voire la mainmise des États sur les affaires monétaires. De là à envisager un monde émancipé du politique (un peu comme dans le film Elysium, où la cité est administrée par un programme informatique...), il reste un pas que nous nous garderons de franchir : bien que le numérique rebatte les cartes, il est loin de l'avoir rendu caduc. En témoigne ces révélations de Bloomberg, selon lesquelles l'explosion survenue en 2008 dans un oléoduc turc aurait été le fait d'une cyberagression, vraisemblablement perpétrée à la demande de Moscou. « L'opération est déclenchée le 5 août 2008, deux jours avant la guerre contre la Géorgie », souligne Olivier Kempf, animateur du blog Egea. « En coupant le réseau de distribution de pétrole (et donc une ressource économique cruciale), il s'agissait d'affaiblir l'ennemi géorgien. » À côté des Russes, les pirates nord-coréens soupçonnés de chercher des noises à Sony Pictures font bien pâle figure ! 

Travail dominical : pour en finir avec les inepties

10 décembre 2014

Entre autres dispositions, le projet de loi « pour la croissance et l'activité », présenté aujourd'hui, mercredi 10 décembre 2014, en conseil des ministres, prévoit d'assouplir les règles restreignant le travail dominical. Au grand dam des conservateurs, dont tous les arguments ne sont pas recevables – c'est le moins que l'on puisse dire !

Pourquoi nos compatriotes désargentés se risqueraient-ils à faire le dimanche des achats qu'ils ne pourraient pas s'autoriser les autres jours, se demandent-ils naïvement. Esquissons un raisonnement par l'absurde : si cette question était pertinente, les distributeurs n'auraient-ils pas intérêt à ce que leurs magasins soient ouverts chaque semaine non pas un jour de plus, mais un jour de moins ? À chiffre d'affaires équivalent, cela réduirait leurs frais, au bénéfice de leurs marges ! Manifestement, telle n'est pas leur revendication. Pourquoi n'en est-il pas ainsi ? Tout simplement parce que l'économie n'est pas un jeu à somme nulle.

Les travailleurs du dimanche bénéficient d'une rémunération inévitablement réinjectée dans le circuit économique, que ce soit par la consommation ou l'épargne. Et si leur employeur consent à les rétribuer, c'est, précisément, parce qu'ils participent à une "création de richesse" – en l'occurrence, la mise à disposition de produits ou services. De quoi susciter une hypothétique inflation, mais aussi ouvrir la voie à de nouvelles stratégies de consommation : certains ménages optimiseront leurs achats, feront des économies ici pour dépenser davantage ailleurs...

Cela au détriment de leur vie familiale ? Peut-être, mais pas forcément. À vrai dire, l'inverse est tout à fait envisageable : les heures de travail étant réparties sur une plage élargie, il n'est pas impossible que la prise en compte des attentes des uns et des autres s'en trouve facilitée. Concrètement, peut-être deux conjoints auront-ils d'autant plus de chances de bénéficier d'un jour de repos commun, quand l'un d'entre eux travaille déjà dans la restauration, par exemple (nous l'avons observé dans notre entourage) ; et peut-être une mère de famille abandonnera-t-elle volontiers ses enfants quelques heures chaque week-end, si cela lui permet de les embrasser chaque soir avant qu'ils ne s'endorment, ou, mieux encore, d'aller les chercher tous les jours à la l'école...

Il y a comme un déni du réel dans l'affirmation que le travail dominical saperait nécessairement la vie des familles. Ainsi qu'une certaine forme d'intolérance, les uns voulant imposer aux autres le partage de leurs propres habitudes. Mais peut-être effleure-t-on ici le principal enjeu du débat : y aurait-il un quelconque intérêt à ce que non pas tous les membres d'une même famille, mais la plupart des citoyens d'une nation tout entière, partagent un jour de repos commun ? Nous serions curieux d'entendre les arguments avancés en faveur de cette thèse, sans cacher que notre attachement croissant aux libertés rend leur sacrifice de plus en plus difficilement justifiable à nos yeux.

NB – Un argumentaire à lire en faveur du travail dominical – fût-ce pour le récuser intelligemment, ce qui ne nous a pas encore été donné à voir (mais peut-être n'avons-nous pas suffisamment cherché, trompé par les "mauvais amis" du repos dominical).

Christine Boutin et Alain Escada prendront-ils leur carte à l'AKP ?

7 octobre 2014

Réaction amusée à la lecture d'un article du Courrier international.

Un million d'enfants seraient nés à la faveur des rencontres suscitées par le programme Erasmus, en application duquel des universités européennes échangent des étudiants depuis 1987. Quoique ces chiffres soient sujets à caution, leur communication apportait quelque fraîcheur à la morne machine administrative européenne.

Cela nous a fait sourire, donc, mais tout le monde de l'a pas entendu de cette oreille. Ainsi Yeni Safak a-t-il dénoncé « un projet suscitant la dégénérescence et visant à créer une masse d'idiots idolâtrant le sexe ». Erasmus, déplore-t-il, « c'est un programme visant à fabriquer une génération de païens mondialisés sans racines ».

M. Safak serait-il membre du Parti chrétien démocrate, de Civitas ou d'une autre officine réactionnaire ? Oui et non : c'est un journaliste turc, réputé proche de l'AKP, selon le Courrier international

Finalement, peut-être Alain Escada et Farida Belghoul ne se sont-ils pas acoquinés sans raison ! 😉