À l'ouest du cyberespace

23 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que l'Union européenne s'immisce dans la sécurité des réseaux informatiques, les services secrets français se prennent les pieds dans le tapis en tentant de censurer la Toile.

Les attentats de Boston ont ravivé le spectre d'un terrorisme sanglant, éminemment visible. Mais d'autres menaces, plus insidieuses, planent sur la sécurité des sociétés occidentales. Notamment dans le cyberespace - un milieu que les stratégistes commencent seulement à appréhender. L'année dernière, le Sénat a d'ailleurs invité l'État à se doter d'une "doctrine de lutte informatique offensive" – comme il l'avait fait, dans les années soixante, en matière de dissuasion nucléaire. Le 7 février dernier, Bruxelles a proposé, plus modestement, une « stratégie de cybersécurité » pour l'Union européenne.

Prise de conscience

Cette initiative « témoigne d'une véritable prise de conscience de ces enjeux de la part de la Commission européenne », selon les sénateurs Jacques Berthou (PS) et Jean-Marie Bockel (UDI). Dans une proposition de résolution, ils se félicitent « de l'accent mis sur les aspects industriels ». « Afin de garantir la souveraineté des opérations stratégiques ou la sécurité de nos infrastructures vitales », expliquent-ils, « il est, en effet, crucial de s'assurer de la maîtrise de certaines technologies fondamentales, dans des domaines comme la cryptologie, l'architecture matérielle et logicielle et la production de certains équipements de sécurité ou de détection. Garder cette maîtrise, c'est protéger nos entreprises, notamment face au risque d'espionnage informatique. » De concert avec Bruxelles, les sénateurs prônent « l'instauration d'une obligation de déclaration des incidents informatiques significatifs à l'autorité nationale compétente qui serait applicable aux administrations publiques et aux opérateurs critiques, tels que les entreprises de certains secteurs jugés stratégiques, comme les banques, la santé, l'énergie et les transports ». Cependant, préviennent les parlementaires, c'est aux États, et non à la Commission, qu'il appartient d'en définir les modalités d'application. Par ailleurs, on ne saurait exiger des autorités nationales qu'elles notifient à Bruxelles les incidents dont elles ont connaissance. « Outre sa lourdeur bureaucratique, une telle mesure paraît susceptible de soulever des difficultés au regard de la sécurité nationale, notamment dans le cas d'attaques informatiques à des fins d'espionnage », plaident MM. Berthou et Bockel. « Il faut savoir que, si les soupçons se portent le plus souvent sur la Chine ou la Russie, d'autres pays, y compris parmi nos proches alliés, sont aussi soupçonnés d'être à l'origine de telles attaques. Or, informer la Commission européenne et l'ensemble des États membres de l'Union européenne de l'attaque informatique dont on fait l'objet risquerait d'alerter également - directement ou indirectement - l'auteur de cette attaque. Celui-ci pourrait alors prendre des mesures afin de se dissimuler davantage ou augmenter encore le niveau de son attaque. »

Nouveaux acteurs

En tout cas, s'il est nécessaire de prévenir les piratages et autres tentatives d'espionnage, voire d'y répliquer, il convient aussi de s'acclimater à la nouvelle donne sociale et politique. Des acteurs jusqu'alors inconnus se dressent face aux États, à commencer par les cyberactivistes – voire cyberterroristes - d'Anonymous. Dernièrement, ils ont interféré dans la crise coréenne, révélant les noms de quelque quinze mille ressortissants du Sud habitués à consulter les informatisations mises en ligne par le Nord... Autant de traitres potentiels aux yeux de Séoul ! Quant aux banque centrales, elles voient leur monopole monétaire con-testé à la marge : jeudi dernier, 11 avril, sur BFM TV, notre con-frère Nicolas Doze s'est interrogé sur la flambée erratique du Bitcoin, un substitut aux monnaies traditionnelles créé par un programmeur anonyme.

Maladresse sidérante

Apparemment, les autorités sont loin d'avoir tiré toutes les conséquences des bouleversements en cours. Les déboires de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) viennent d'en témoigner. Jugeant sensible le contenu d'un article publié sur Wikipedia  présentant la station militaire hertzienne de Pierre-sur-Haute, ses services auraient sommé ses collaborateurs de le retirer. Cela avec une maladresse sidérante. Si bien que les 6 et 7 avril, le texte incriminé aurait été le plus consulté de tous les articles francophones de Wikipedia. Chapeau ! Dans la foulée, il a fait l'objet de quelques traductions. En outre, il figure désormais parmi les « exemples majeurs » de "l'effet Streisand" : « un phénomène Internet qui se manifeste par l'augmentation considérable de la diffusion d'informations ou de documents par le simple fait d'avoir été l'objet d'une tentative de retrait ou de censure ». Dans ces conditions, l'État est-il condamné à l'impuissance ? Loin s'en faut. Qu'on songe seulement aux "printemps arabes", sur lesquelles l'influence américaine s'est précisément exercée par l'entremise des réseaux sociaux en ligne...

La Défense nationale, une école féministe

23 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Les résidus du service national profitent désormais à la propagande en faveur de l'égalité hommes-femmes.

Qu'est-ce que la "journée défense et citoyenneté" ? Un « rendez-vous essentiel de la promotion de l'esprit de défense et des valeurs républicaines », selon la Direction du service national. Le 8 mars dernier, elle a pris une coloration féministe. Notamment en Bretagne, où est intervenue Mme Françoise Kieffer, délégué régional aux droits des femmes et à l'égalité. Après avoir rendu compte du « long cheminement vers l'égalité » qui aurait été entamé au XIXe siècle, celle-ci a soumis son jeune public à un "quiz"  censé « faire tomber les préjugés », comme le rapporte l'Hôtel de Brienne.

Un quiz caricatural

Rédigées dans un français approximatif, les questions exploitaient les clichés de l'égalitarisme en vogue. On frisait la caricature, comme en témoignent ces quelques exemples : « À votre avis, d'être une fille ou un garçon a une influence sur les choix d'orientation ? » « Pensez-vous personnellement que les femmes sont plus aptes à certains métiers ou fonctions, et que les hommes plus aptes à d'autres ? » « Dans un couple avec enfant-s, le père a le statut de chef de famille ? » Naturellement, les réponses attendues ne versaient pas dans la nuance... Les participants ont été invités, par ailleurs, à féminiser les noms de fonctions. Aux yeux de l'État et de ses délégués, en dépit des recommandations de l'Académie française, c'est une priorité. De quoi justifier, vraisemblablement, que la syntaxe soit reléguée au second plan...

Le populisme à la fête

23 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Une vague populiste est-elle en train de submerger l'Europe ? Sous la pression de mouvements émergents, les partis de gouvernement infléchissent leurs politiques.

Il y a le feu dans la maison Europe, s'inquiète Gérard Grunberg, directeur de recherche au CNRS. « C'est l'ensemble des élites politiques européennes favorables à l'intégration européenne qui [...] sont immobiles, voire pétrifiées, face à la marée populiste montante », déplore-t-il sur Telos. De fait, selon un sondage Harris Interactive pour LCP, un nombre croissant de Français jugeraient que Marine Le Pen « ferait une bonne présidente de la République ». Par ailleurs, dimanche dernier, 14 avril, s'est tenu le congrès fondateur d'Alternative pour l'Allemagne, un parti prônant « une dissolution ordonnée » de l'Union économique et monétaire - autrement dit, le retour au mark. Bien que la défiance à l'égard de l'euro semble faiblir outre-Rhin, et quoique Angela Merkel bénéficie d'une popularité record, ce nouveau venu pourrait rafler quelques voix à la CDU-CSU lors des élections législatives programmées en septembre, perturbant quelque peu le jeu politique.

Partout en Europe...

À l'image du Mouvement 5 étoiles (M5S) de l'autre côté des Alpes ? Celui-ci compte des militants parmi les Italiens expatriés en Allemagne, comme le rapporte le magazine Cicero, cité par le Courrier international. « Quand il n'y aura plus de politiciens professionnels au Parlement, mais qu'il y aura seulement des membres de la société civile, qui ne s'inscrivent que pour un temps déterminé dans les institutions, le M5S ne sera plus nécessaire », assure l'un d'entre eux. De là à proposer l'institution d'une représentation organique de la nation, il n'y a qu'un pas. En France, les royalistes l'ont franchi de longue date !

« Sans un sursaut politique au niveau européen, les partis de gouvernement seront amenés, chacun dans son pays, à tenir compte de la poussée populiste et à atténuer leur discours pro-européen », prévient encore M. Grunberg. N'est-ce pas déjà le cas ? La crise aidant, la fraternité universelle n'a plus la cote. La hantise du plombier polonais suscitait jadis quelque suspicion morale. Mais aujourd'hui, à Paris, un chantre de la "démondialisation" siège au Conseil des ministres, vilipendant Chinois, Coréens et autres envahisseurs responsables du déclin français. À Madrid, le gouvernement entend restreindre les conditions d'obtention de la nationalité espagnole. À Copenhague, on somme les chômeurs étrangers d'apprendre le danois, sous peine de réduire leurs indemnités.

Le cas britannique

À Londres, enfin, « le chancelier de l'Échiquier, George Osborne s'est publiquement demandé, à propos d'un homme vivant de l'aide sociale et reconnu coupable d'avoir provoqué l'incendie qui a causé la mort de ses six enfants : "Pourquoi l'État devrait-il soutenir des gens comme Philpott ?" » Selon The Daily Telegraph, cité par le Courrier international, « Osborne est applaudi par ses alliés tories mais accusé par le Labour "d'exploiter cyniquement les crimes de Philpott pour faire passer sa réforme controversée" ».  Les grandes lignes en ont été présentées le 25 mars par le Premier ministre David Cameron, dont le projet vise à réduire l'immigration des ressortissants de l'Espace économique européen. « Plusieurs mesures ont été mises en avant et notamment la fin du versement de l'aide perçue par un immigré au chômage au bout de six mois s'il n'a aucune perspective d'emploi, ainsi que la restriction des droits des immigrés en matière d'aide au logement et d'accès au système de santé », rapporte la Fondation Robert Schuman.

Voilà seulement quelques années, l'Europe entière aurait crié au scandale ! Reste à savoir comment cette pression populiste se conjuguera aux facteurs économiques... « Un détricotage de la zone euro, puis de l'Union européenne elle-même, risque [...] de s'opérer », prévient  Gérard Grunberg. Affaire à suivre.

Livre blanc : les armées en sursis

4 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

La publication du nouveau livre blanc sur la défense est imminente. Dans la foulée sera adoptée une loi de programmation militaire, dont le président de la République a promis qu'elle ne déshériterait pas les armées.

À l'approche de la publication du nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, parlementaires et industriels sont montés au créneau, appelant le chef de l'État à "limiter la casse". Sans doute ont-ils été rassurés par son intervention télévisée du 28 mars : au profit de la Défense, « nous dépenserons en 2014 le même montant qu'en 2013 », a-t-il promis ce soir-là. Auparavant, le Premier ministre avait tempéré les inquiétudes dont Jean-Pierre Raffarin s'était fait l'écho au Sénat : « si le président de la République a pris la décision d'engager nos forces au Mali, ce n'est pas pour, demain, entraver les capacités de notre armée », avait-il déclaré.

Incertitudes budgétaires

Qu'en sera-t-il au juste ? Bien qu'il ait exclu les "scénarios catastrophe" détaillés par nos confrères, François Hollande est demeuré évasif quant à l'ampleur du budget pris en référence. Selon que l'on considère le budget annoncé ou celui effectivement exécuté, que l'on y inclue ou non des recettes exceptionnelles (des ventes de fréquences ou des cessions immobilières, par exemple), les chiffres ne sont pas les mêmes... En outre, selon la formule du général Georgelin, ancien chef d'état-major des armées, cité par notre confrère Jean-Dominique Merchet, animateur du blog Secret Défense, « la Défense gagne en général les batailles stratégiques contre Bercy, mais elle perd ensuite tous les combats tactiques ».

Alors que l'adoption d'une loi de programmation militaire (LPM) a été reportée à l'automne, rien ne permet d'assurer qu'elle sera durablement respectée. C'est même le contraire qui serait étonnant. Fin janvier, La Tribune signalait déjà une « première encoche » au budget annuel de la Défense, priée de contribuer au financement des surcoûts éventuels de la politique de l'emploi. Alors qu'il était encore ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac avait toutefois promis « de piocher dans la réserve de précaution si la facture des opérations extérieures (Opex) était supérieure aux 630 millions d'euros déjà budgétés », précise notre confrère Michel Cabirol.

Quelles nouveautés ?

Ces aléas budgétaires nourrissent l'indécision chronique de l'État, contre laquelle s'élèvent les industriels, à l'image du missilier MBDA. Paris n'en finit pas de différer ses arbitrages portant sur deux programmes phare, « l'un très important pour toute la filière industrielle missilier française » (le missile moyenne portée, appelé à succéder au missile Milan), et l'autre « crucial pour la coopération britannique » (l'anti-navire léger), rapporte encore La Tribune. Or, sous la pression de ses actionnaires, l'entreprise pourrait stopper certains développements, prévient son P-DG Antoine Bouvier.

La publication d'un nouveau livre blanc confirmera vraisemblablement la nécessaire montée en puissance de la cyberdéfense. « Depuis 2008, la France a commencé à combler son retard » en la matière, selon Jean-Louis Carrère, le président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. « Une agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (l'ANSSI) a été créée en 2009 et notre pays s'est doté en 2011 d'une stratégie dans ce domaine. Pourtant, en dépit de ces progrès, le sentiment qui prédomine aujourd'hui est que la menace a été largement sous-estimée et que notre dispositif connaît encore d'importantes lacunes. » Par ailleurs, comparé au précédent, le prochain livre blanc devrait accorder une attention renouvelée à l'Afrique - Mali oblige -ainsi qu'aux enjeux maritimes - « une des données majeures de l'évolution du contexte stratégique depuis dix ans », soutient M. Carrère.

Océan Pacifique

D'ores et déjà, « 41 % du trafic maritime de biens de consommation à destination de la métropole passe en mer de Chine du Sud. Par conséquent, nos intérêts économiques quotidiens sont directement tributaires de la sécurité de ces eaux », a souligné le vice-amiral Jean-Louis Vichot, lors d'un colloque au Sénat consacré au Pacifique. De plus, « c'est outre-mer que nous allons trouver les ressources minérales, alimentaires, biologiques qui vont nous permettre de développer la recherche et l'industrie en France, outre-mer et en métropole », a-t-il plaidé. « À Wallis et Futuna, ont été découverts des encroûtements minéraux d'une rare qualité. En Polynésie française, on espère une forte croissance de la pêche avec le réchauffement climatique. Celui-ci n'apporte pas que des catastrophes puisqu'il va déplacer la ceinture du thon vers le Sud, vers la ZEE [zone économique exclusive] de la Polynésie française. » De quoi susciter des convoitises...

Aussi la présence française dans le Pacifique requiert-elle des patrouilleurs - « suffisamment gros pour affronter la houle du Pacifique » -, des frégates - « les seules à avoir assez d'autonomie et de moyens militaires pour maintenir une présence dans l'ensemble du Pacifique, sur les côtes d'Asie et d'Amérique », mais aussi des avions et des satellites d'observation. Or, comme l'a rappelé l'amiral Vichot, « les conclusions du livre blanc de 2008 [avaient] préconisé de réduire de moitié les capacités militaires françaises dans le Pacifique, y laissant des forces à peine suffisantes pour exprimer la souveraineté de notre pays sur ces territoires ». À l'époque, on avait considéré « que les îles du Pacifique étaient suffisamment protégées par les étendues océaniques qui les entouraient, à une nuance près pour la Nouvelle-Calédonie ». Le tir sera-t-il rectifié ? Réponse courant avril.

Bioéthique : débat embryonnaire à l'Assemblée

4 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'obstruction parlementaire offre un sursis aux embryons humains : dans l'immédiat, ceux-ci continueront de ne pouvoir faire l'objet de recherches qu'à titre dérogatoire – au moins en apparence.

En février 2012, alors qu'il était en campagne, François Hollande avait annoncé que, s'il était élu président de la République, la loi encadrant les recherches sur l'embryon serait à nouveau révisée. Ce faisant, avait-il déclaré, « nous rattraperons notre retard sur d'autres pays et nous favoriserons le retour des post-doctorants partis à l'étranger » - notamment aux États-Unis, où la loi n'impose aucune restriction en la matière. Sa promesse semblait en passe d'être tenue : à cet effet, une proposition de loi devait être votée par l'Assemblée nationale mardi dernier, 2 avril. C'était compter sans la résistance de quelques députés UMP, qui ont noyé le texte sous une pluie d'amendements, empêchant son examen dans les délais impartis.

Ambiguïtés légales

Dans l'immédiat, la législation conservera donc ses ambiguïtés : si elle autorise la recherche sur l'embryon, c'est, formellement, à titre dérogatoire, quoique de façon pérenne – comme s'il fallait maintenir un interdit symbolique tout en s'en affranchissant dans les faits. Autant en finir avec l'hypocrisie ! C'était l'objet de la proposition de loi en débat, dont l'adoption aurait néanmoins constitué « un bouleversement éthique et juridique », selon Théophane Le Méné. De son point de vue, elle aurait entériné « la réification de la personne humaine, la suprématie de la technique sur l'homme et son asservissement à la logique utilitariste des laboratoires ». En effet, a-t-il expliqué sur Causeur, « le principe allait devenir l'exception et l'exception le principe ».

Aujourd'hui, trente-six équipes de recherche travailleraient, en France, sur des cellules embryonnaires. Elles y ont été autorisées par l'Agence de la biomédecine, avec la bénédiction des ministres chargés de la Santé et de la Recherche, mais aussi le consentement des individus à l'origine des "embryons surnuméraires" conçus in vitro dans le cadre d'une procréation médicalement assistées, les seuls pouvant faire l'objet de recherches au regard du droit. Avant d'agréer un protocole, les autorités sont censées s'assurer que soient réunies les conditions suivantes, résumées par Mme Dominique Orliac, député PRG du Lot, rapporteur du texte soumis à l'Assemblée : « la pertinence scientifique du projet de recherche est établie ; la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ; il est expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ».

La hantise des recours

Autant d'éléments dont l'appréciation est sujette à discussion. « S'il est vrai que les chiffres de l'Agence de biomédecine révèlent un véritable dynamisme de la recherche française en la matière, la rédaction actuelle de la loi est source de contentieux qui retardent le lancement de certains projets scientifiques », déplore Mme Orliac. De fait, explique-t-elle, « la Cour administrative d'appel de Paris a déduit de l'existence de l'interdiction de principe de la recherche qu'il appartenait à l'Agence de la biomédecine de faire la preuve que des recherches employant des moyens alternatifs ne pouvaient parvenir au résultat escompté. Elle a en conséquence annulé l'autorisation accordée trois ans auparavant à une recherche. » Apparemment, la loi proposée répondrait surtout à la Fondation Jérôme Lejeune, dont les recours feraient peser sur les chercheurs « une véritable insécurité juridique ». Onze affaires seraient en cours d'instruction, s'inquiète Dominique Orliac, au motif que l'Agence de biomédecine « n'avait pas prouvé l'impossibilité de mener ces recherches par d'autres méthodes ». Or, prévient-elle, « en matière de recherche fondamentale, une telle preuve ne peut pas être apportée ». Cependant, poursuit-elle, « les recherches sur les cellules souches adultes et les cellules reprogrammées n'ont pas vocation à se substituer, en l'état des connaissances scientifiques, à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mais en sont le complément nécessaire ».

Alternative prometteuse

Voilà précisément ce que conteste, par exemple, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France. Étant donné les perspectives offertes par les ressources du sang placentaire ou la reprogrammation cellulaire, l'engagement en faveur de la recherche sur l'embryon serait « un combat d'arrière-garde » selon lui,  Ce combat n'est mené « que pour contester la valeur intrinsèque de l'embryon », a-t-il déclaré dans un entretien à Radio Notre-Dame retranscrit par France catholique. Évidemment, les chercheurs s'en défendent : « il n'y a aucune "appétence" particulière des scientifiques pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires et si, à l'avenir, d'autres méthodes s'avèrent être plus efficaces, elles évinceront naturellement cette dernière », soutient Mme Orliac.

Les projets les plus prometteurs, à brève échéance, viseraient à traiter la maladie de Steinert, qui se traduit par des anomalies musculaires et neuronales, ou la dégénérescence maculaire, affectant plus particulièrement la vue des personnes âgées. Les patients concernés peuvent-ils, dès lors, espérer une guérison prochaine ? Mgr Vingt-Trois entend dissiper de faux espoirs : « c'est une tromperie à l'égard des gens que de leur faire croire que grâce à cela ils vont avoir des traitements pour Alzheimer, Parkinson, etc. », a-t-il prévenu. « Cela n'aboutira pas. » Un jugement sans appel.

Livre blanc : « La patrie est en danger »

21 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

François Hollande sera-t-il le fossoyeur des armées françaises ? Dans l'attente de ses arbitrages, préalables à la publication d'un nouveau livre blanc, les inquiétudes vont croissant.

La publication d'un nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale semble imminente. Dans la foulée, une loi de programmation militaire devrait être adoptée d'ici l'été. Dans l'attente des ultimes arbitrages du chef de l'État, alors qu'un bras de fer serait engagé entre Bercy et l'Hôtel de Brienne, les spéculations vont bon train. Jean-Louis Carrère, le président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, a exprimé des inquiétudes largement partagées. « La patrie est en danger », a-t-il déclaré le 13 mars 2013, paraphrasant explicitement Danton. « Le passage d'un effort de défense de 1,56 % en 2011 à 1,1 % en 2025, tel qu'il est envisagé, ne permettrait plus aux autorités de notre pays de maintenir le rôle de la France au niveau qui est le sien aujourd'hui », a-t-il prévenu.

Quelles économies ?

Une fois n'est pas coutume, son discours pourrait bénéficier des faveurs de l'opinion. « Deux Français sur trois pensent que le budget de la défense doit être maintenu, voire augmenté », signale notre confrère Jean-Dominique Merchet, animateur du blog Secret Défense, citant les conclusions d'un sondage Ipsos. Faut-il, dés lors, alarmer nos compatriotes jusqu'à leur promettre l'Apocalypse ? Gardons-nous de crier au loup : préparés au pire, les esprits consentiront d'autant plus facilement les sacrifices imposés prochainement à nos armées... D'aucuns s'imaginent que le porte-avions Charles-de-Gaulle pourraient être mis sous cloche ! D'autres envisagent, sans doute plus sérieusement, d'abandonner la composante aérienne de la dissuasion nucléaire, dont les sous-marins deviendraient alors les seuls vecteurs. C'est une proposition récurrente, dont les promoteurs prétendent appliquer le principe de "stricte suffisance" cher à la France. Le plateau d'Albion n'a-t-il pas déjà été démantelé dans les années quatre-vingt-dix ?

Bénéfique dissuasion

Ce projet relèverait toutefois d'un mauvais calcul, selon l'analyse de Philippe Wodka-Gallien, chercheur associé à l'Institut français d'analyse stratégique (IFAS). Lors d'une conférence prononcée le 14 mars à l'invitation de l'Alliance géostratégique, il a estimé à cinquante millions d'euros le coût de la composante aérienne de la dissuasion. Un investissement somme toute modeste de son point de vue. D'autant qu'il permettrait de palier la perte potentielle d'un sous-marin, contribuant à dissiper la hantise d'un « Mers el-Kébir nucléaire ». Par ailleurs, étant donné les exigences qu'elle requiert, la dissuasion bénéficierait continûment aux forces conventionnelles. « Si le Rafale est le meilleur avion du monde », c'est parce qu'il a été conçu pour délivrer le feu nucléaire, nous a expliqué Philippe Wodka-Gallien. Quant aux équipages formés à ces missions, ils bénéficient simplement d'une qualification supplémentaire. En Libye, par exemple, des missiles ont été tirés par les Forces aériennes stratégiques, dont on voit qu'elles ne sont pas cantonnées au tir improbable d'une charge nucléaire.

L'heure des choix

Dans son ensemble, la dissuasion nucléaire française représenterait 10 % du budget de la Défense... soit 0,15 % du budget national. Un coût équivalent aux recettes fiscales perdues après la baisse du taux de TVA dans la restauration, selon une comparaison proposée par  Philippe Wodka-Gallien. De quoi éclairer les arbitrages à venir... « Le spectre de la guerre ne peut être écarté », martèle l'amiral Guillaud, chef d'état major des armées. En dépit de l'actualité, la nation semble réticente à l'admettre. En témoigne le scandale déclenché par un légionnaire arborant quelque symbole guerrier tandis qu'il risquait sa vie au Mali. Ou l'avertissement que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a adressé à France 2, après que la chaîne eut diffusé, le 7 février, des images illustrant l'horreur des exactions commises dans ce pays. « La guerre du Mali n'a pas eu lieu », lisait-on, le mois dernier, à la une de L'Action Française 2000. Peut-être n'a-t-on pas voulu la voir ? Dans l'"affrontement des volontés" que constitue chaque conflit armé, la France se trouve confrontée à ses propres faiblesses, qui sont loin d'être seulement matérielles, à l'image d'une certaine irrésolution propre aux démocraties occidentales... Alors, "politique d'abord" ?

Le sexisme, voilà l'ennemi !

21 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Les "études de genre" inspirent décidément moult politiques publiques. Un exemple parmi d'autres nous en est donné en Seine-Saint-Denis, où le Conseil général a lancé une initiative à l'intention des collégiens.

À l'occasion de la journée de la femme, célébrée le 8 mars 2013, le gouvernement a réaffirmé sa volonté d'œuvrer quotidiennement en faveur de l'égalité des sexes. Cela avec le soutien des collectivités locales et du monde associatif, comme en témoigne la présentation d'un calendrier recensant autant d'événements organisés en ce sens qu'il y a de jours dans l'année.

Changer la langue

Parmi les initiatives mises en exergue figure celle du conseil général de Seine-Saint-Denis, dont le président, le socialiste Stéphane Troussel, s'inspire manifestement des "études de genre". Selon lui, en effet, « de la crèche au monde du travail, en passant par l'école et l'université, nombreuses sont encore les occasions d'observer des comportements sexistes, hérités d'une domination  masculine  ancestrale  qui  assigne  à  chaque  sexe  des  rôles  et  des fonctions dans la vie professionnelle et familiale ». Aussi son département s'est-il attaché à mobiliser les « jeunes contre le sexisme ». Lequel consiste, selon le conseil général de Seine-Saint-Denis, « à inscrire la différence entre les hommes et les femmes dans un rapport hiérarchique de domination et à considérer, comme en grammaire, que le masculin l'emporte sur le féminin ». D'où l'inclination de M. Troussel  à revisiter la langue française : « nous n'entendons pas seulement déconstruire les idées reçues à partir d'une réflexion théorique, mais aussi et surtout travailler avec tou-te-s les professionnel-le-s concerné-e-s  pour  partager  les  expériences  et  mutualiser  les bonnes pratiques », explique-t-il dans un jargon devenu convenu.

Poupées et pistolets

Chaque année, mille cinq cents collégiens (des élèves de troisième) sont donc conviés à des représentations théâtrales où se jouent, avec leur participation, « des scènes sur des situations de discriminations ou de violences sexistes ». S'ensuivent des discussions en classe, la désignation de délégués censés « dialoguer avec les élu-e-s et présenter des propositions pour lutter contre les comportements sexistes », puis leur concrétisation sous forme d'affiches ou de DVD, par exemple. Preuve que le message est passé, dans un collège de Montreuil, la définition suivante a été élaborée : « Le sexisme, c'est habituer les garçons à jouer avec des jeux plutôt violents et de domination et habituer les filles à jouer à la dînette et aux barbies. » Dans la plupart des établissements, cependant, il semblerait que l'enfumage idéologique soit relégué au second plan : la dénonciation des "mains aux fesses", la prévention des viols, la critique des grands frères trop possessifs, voire la hantise des mariages forcés, occupent apparemment le devant de la scène. « En somme, ce que les adolescents de  Seine-Saint-Denis ont exprimé, par leur participation au théâtre-forum, c'est l'idée que la différence qui les sépare en garçons et filles est, certes, une différence incontournable, mais qui fait d'eux des être plutôt complémentaires », analyse l'anthropologue Françoise Douaire-Marsaudon.

L'image de la mère

En Île-de-France, où un dispositif similaire a été mis en œuvre à l'intention des lycéens, Mme Henriette Zoughebi, vice-présidente du conseil régional, n'en continue pas moins de dénoncer « l'instrumentalisation des différences biologiques entre les filles et les garçons » sur lesquelles reposeraient des inégalités d'autant moins justifiées qu'il y aurait, selon elle, « autant de différences entre une fille et un garçon, qu'entre deux garçons ou deux filles ». Cela aura vraisemblablement échappé au jeune Ahmed, qui dit respecter les femmes parce que « c'est dans leur ventre qu'on s'est formé ». Mais aussi à Mme Valérie Trierweiler, qui a visité une maternité – précisément en Seine-Saint-Denis - pour fêter, à sa façon, la journée de la femme. Une démarche éminemment "sexiste" au regard des conceptions de Mme Zoughebi, selon laquelle « nos envies, nos projets ne doivent pas être réduits par un facteur biologique, le sexe ». De son point de vue, « quand nous nous laissons enfermer dans des identités sexuées, nous renonçons à une part de notre liberté ». En est-elle vraiment convaincue ?

Pour en finir avec les Femen

7 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Fortes d'une notoriété croissante, les activistes du mouvement Femen prétendent incarner un féminisme d'un nouveau genre. Mais en dépit du bruit médiatique, des constantes demeurent...

A l'approche de la journée de la femme, qui sera célébrée vendredi prochain (le 8 mars 2013), les activistes féministes du mouvement Femen bénéficient d'une exposition médiatique inédite. France 2 vient de diffuser un film qui leur était consacré, la veille du jour où devait paraître le livre signé de leurs fondatrices ukrainiennes. D'aucuns jugeront leur notoriété inespérée : dans l'Hexagone, elles ne compteraient qu'une quinzaine de militantes, si l'on en croit Menly.

Complaisances

Civitas n'a pas manqué de dénoncer la « collusion » que nos confrères entretiendraient avec cette « milice antichrétienne ». Il la dénonce sans relâche, depuis le jour où ses militants s'y sont heurtés. C'était le 18 novembre dernier, à l'occasion d'une manifestation organisée contre le "mariage homo". Très complaisante à l'époque, la classe politique s'est montrée plus réservée après que les "sextrémistes" se furent données en spectacle le 12 février dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. « Les Femen ont probablement perdu leur aura dans cette provocation de trop », a commenté l'abbé Guillaume de Tanoüarn. Seuls 14 % des Français déclareraient approuver leur initiative, « tant sur le mode d'action choisi que sur les idées qu'elles y ont défendues », selon une étude Harris Interactive pour VSD. À l'inverse, 44 % s'y montreraient hostiles à tous points de vue. Confrontées à ce relatif désaveu, les Femen pointent les réactions schizophrènes de nos compatriotes : « Quand les Pussy Riot font un happening dans une église moscovite ou quand Inna coupe une croix orthodoxe à la tronçonneuse à Kiev, ça passe parce que c'est à l'étranger », a déclaré Éloïse Bouton, l'une de leurs militantes, citée par le quotidien Métro. « Ça choque parce qu'on touche à quelque chose qui pose problème », a-t-elle expliqué. Et d'affirmer que « la France n'est pas aussi laïque qu'elle le croit ». « Nous ne nous attaquons pas particulièrement à l'Église », nuance Elvire Duvelle-Charles, dans un entretien accordé à Menly. « Mais on a forcément une réticence envers l'Église parce qu'elle est sexiste, rétrograde, misogyne, en retard sur beaucoup de sujets comme le Pacs ou l'avortement. » De son point de vue, c'est la survivance d'un certain patriarcat qu'il s'agirait d'abattre.

« En enlevant nos tee-shirts, nous dénonçons le système machiste de manière bien plus efficace que si nous prononcions de beaux discours », soutient sa camarade Anna Hutsol, citée par Le Journal du dimanche. Vraiment ? Peut-être devrait-elle méditer les résultats des enquêtes d'opinion. Toujours selon le même sondage, « les hommes semblent porter un regard plus positif sur le choix des Femen de manifester seins nus dans Notre-Dame de Paris : 21 % approuvent à la fois le fond et la forme de l'intervention, contre 9 % chez les femmes ». Ces messieurs seraient-ils émoustillés ? Cela n'est pas sans rappeler l'histoire de Phryné, cette hétaïre grecque qui obtint la clémence de ses juges après que son avocat l'eut dénudée devant eux... Par ailleurs, au risque de verser dans la psychologie de comptoir, nous attribuerons à quelque refoulement l'inclination des plus critiques à dénigrer le physique de ces demoiselles...

Un vieux fantasme

« On veut donner une autre image de la nudité, laquelle n'est pas destinée qu'à la séduction », poursuit Elvire Duvelle-Charles. Ce serait « le symbole de la femme forte, combattante, vindicative ». Mais cette force propre aux femmes ne procède-t-elle pas précisément, dans une certaine mesure, du désir qu'elles suscitent chez les hommes ? « La nudité est notre armure », explique-t-elle encore. Ce faisant, s'érigeant en guerrière, elle arbore le costume d'une amazone – laquelle hante les fantasmes masculins depuis la nuit des temps, jusqu'aux jeux vidéo les plus récents, où les héroïnes à forte poitrine sont légion.

La démarche des Femen s'inscrit d'ailleurs dans une tradition historique. On ne compte plus les causes pour lesquelles des volontaires sont prêts à se déshabiller – de la protection des animaux à la récolte de fonds pour Emmaüs, en passant par le financement d'une association de parents d'élèves. Dans un registre plus militant, on se remémorera les "journées sans soutif", ou l'initiative des Tumultueuses s'exhibant topless dans les piscines de Paris il y a quatre ou cinq ans. Dans les années quatre-vingt, Ilona Staller, la "Cicciolina", avait même été élue au parlement italien après avoir fait campagne en tenue légère.

De fait, « l'intimité féminine, dans ce qu'elle a de plus visible, a toujours été l'enjeu de luttes politiques qui mobilisent tout le corps social », comme l'observent Caroline Pochon et Allan Rothschild dans leur ouvrage consacré au « culte des seins ». Les Femen n'ont rien inventé ! « Nous savons que nous ne pouvons changer le monde toutes seules », confesse  Elvire Duvelle-Charles. Avec ses congénères, peut-être nous en rappelle-t-elle, paradoxalement, la vraie nature, dont les activistes féministes sont prisonnières comme tout un chacun.

De Cayenne à Bruxelles

7 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'adoption d'un nouveau cadre financier pluriannuel pour l'Union européenne pourrait affecter la Guyane française, « en quête de singularité » vis-à-vis de Bruxelles, selon l'intitulé d'un rapport parlementaire.

Couramment vilipendée en raison du libéralisme censé l'inspirer, l'Union européenne n'en pratique pas moins la redistribution à l'échelle du Vieux-Continent, voire au-delà, dans ses régions ultrapériphériques (RUP), parmi lesquelles figure la Guyane française. Entre 2007 et 2013, plus de 500 millions d'euros de subventions lui auront été attribués par Bruxelles. Une somme investie, entre autres, dans la réfection d'un aérodrome et l'extension du réseau d'eau potable. Toutefois, « malgré les progrès réalisés durant les dernières décennies, la Guyane manque encore de certains équipements structurants », selon les sénateurs PS Georges Patient et Simon Sutour, auteurs d'un rapport d'information déposé le 20 février 2013. D'autant que « la vulnérabilité des infrastructures au climat tropical rend les projets d'investissements particulièrement coûteux et peu rentables ».

Au regard du PIB par habitant (53 % de la "base européenne" en 2009, selon les données d'Eurostat), la Guyane compte, sans surprise, parmi les territoires les moins favorisés de l'Union. De fait, soulignent les rapporteurs, « elle se retrouve en-deçà des performances des autres départements d'outre-mer français (67 % pour la Réunion, 66 % pour la Guadeloupe et 73 % pour la Martinique) et bien loin derrière les autres régions ultrapériphériques que sont les Açores avec 75 % du PIB communautaire, Madère avec 105 % et les Canaries avec 87 % ». De ce point de vue, la situation de la Guyane est comparable à celle des régions de Roumanie, de Bulgarie et de Pologne. Mais ses perspectives de développement sont tout autres.

Un budget en baisse

En effet, « la préfecture de Guyane fait le constat d'un territoire triplement enclavé : une région européenne participant au marché commun, mais handicapée par les surcoûts liés à l'éloignement ; un territoire recouvert à plus de 90 % par la forêt, rendant l'accès aux communes de l'intérieur difficile et les besoins en infrastructures de transport énormes ; l'unique territoire européen sur le continent sud-américain, mais séparé de lui par deux fleuves et sur lequel s'applique une réglementation plus contraignante que celle de ses voisins ». De quoi justifier, aux yeux de Cayenne, la pérennité du soutien communautaire.

En dépit de l'élargissement de l'Union européenne à l'Est, « un financement satisfaisant » avait été maintenu jusqu'à présent, estiment les rapporteurs. À l'avenir, cependant, les régions ultrapériphériques pourraient faire les frais de l'accord survenu lors du dernier Conseil européen, où fut adopté un projet de budget pour les six prochaines années. « Alors que le montant de l'aide spécifique pour les RUP était de 35 euros par habitant et par an lors de l'exercice précédent, celui-ci serait de 30 euros pour la période 2014-2020. Cela représente une diminution de 15 % de cette aide, alors que le budget total de l'Union ne subirait qu'une baisse limitée à 3,5 % », déplorent MM. Patient et Sutour. L'annonce « d'une nouvelle initiative pour lutter contre le chômage des jeunes » ne compenserait qu'en partie cette « déception ».

Multiples aberrations

Cependant, l'ampleur de la manne financière est loin d'être seule en jeu. La Guyane, comme les autres régions ultrapériphériques de l'Union, réclame l'assouplissement des critères auxquels doivent satisfaire ses projets pour être éligibles aux fonds européens. L'un d'entre eux, le Feder, privilégie les investissements portant sur la recherche et l'innovation, la compétitivité des PME, les émissions de CO2, l'accès aux technologies de l'information et de la communication. « Or, comme le rappelle Rodolphe Alexandre, président du Conseil régional de Guyane, comment demander à notre région de prioriser l'utilisation des crédits Feder sur ces quatre thèmes, alors que dans le même temps une proportion non négligeable d'habitants de notre territoire n'a pas encore accès à l'eau et à l'électricité ? » Au final, préviennent les rapporteurs, « la future politique de cohésion pourrait avoir l'effet inverse de ce pour quoi elle a été conçue. Avec un budget en baisse et des objectifs toujours plus éloignés d'une région en rattrapage, le risque est grand de voir diminuer la consommation des crédits et par là-même de voir l'écart entre les régions se creuser toujours plus ! »

Bien d'autres aberrations émanent de la technocratie bruxelloise. « Il est des cas précis et concrets où des aménagements des normes européennes sont nécessaires et parfois vitaux », soulignent les rapporteurs, qui mentionnent quelques exemples. « Comment comprendre l'application sans aménagement d'une politique de gestion des déchets prévue pour des communes européennes sur un territoire aussi particulier que la jungle amazonienne ? », s'interrogent-ils. Dans la Communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG), « la mise en œuvre des directives européennes demanderait un investissement de 27 millions d'euros en infrastructures, mais entraînerait le doublement du budget de fonctionnement. Or, il est impossible de prévoir de nouvelles ressources à la hauteur des dépenses. [...] Certes les investissements seraient en partie financés par l'Union européenne et par l'État, et la CCOG pourrait bénéficier de matériels performants et efficaces, mais elle n'aurait pas les moyens de les gérer ! » Autrement dit, « parce qu'elle refuse de prendre en compte la spécificité d'un territoire unique en son sein, l'Union européenne est prête à dépenser à perte des sommes importantes en investissement pour mette en œuvre une politique qui va conduire une collectivité publique dans l'impasse financière ».

La Marine démunie

Les restrictions d'usage des pesticides affectent la culture du riz, alors que « la pression parasitaire, propre au climat d'une région équatoriale, est beaucoup plus importante qu'en Europe ». Par ailleurs, la Guyane « gère depuis longtemps ses ressources halieutiques selon les normes européennes de conservation et d'exploitation durables, contrairement à ses voisins, le Brésil et le Suriname ». Comme le précise Georges Patient, « alors que les pêcheurs guyanais, en application des règles européennes, emploient des filets à grandes mailles pour préserver les espèces, les pêcheurs brésiliens utilisent des filets avec de petites mailles qui épuisent la ressource ».

Or, poursuivent les rapporteurs, « face à l'épuisement de leurs stocks en raison de la surpêche qu'ils ont pratiquée, les pêcheurs surinamais et surtout brésiliens viennent depuis plusieurs années piller les eaux guyanaises ». À tel point que, selon l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), « la ressource serait davantage exploitée par les navires étrangers [...] que par les embarcations locales ». Pourtant, la Marine nationale ne disposerait que de navires hauturiers inadaptés à la poursuite des embarcations clandestines au faible tirant d'eau... En la matière, cela va sans dire, il n'y a rien à attendre de Bruxelles.

Cacophonie islamophobe

7 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale afin d'interdire « le financement par des États étrangers des cours d'arabe donnés en France ».

Son auteur, Damien Meslot, député UMP de Belfort, déplore que « dans certains quartiers sensibles, des cours d'arabe, financés par des réseaux occultes venant de l'étranger, prodiguent des enseignements dont le contenu véhicule des messages extrémistes ». Lesquels constitueraient, selon lui, « des appels aux troubles de l'ordre public ».

Son argumentation nous apparaît quelque peu bancale. En effet, si ces cours constituaient effectivement « un danger pour la sécurité de notre territoire national », pourquoi faudrait-il les interdire au regard de leur financement, et non de leur nature même ? Quant à la volonté de préserver la France de l'influence étrangère, elle n'est pas manifeste, le texte proposé visant seulement à la protéger des États « non partie à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Autrement dit, Washington et Ryad seraient affectés, mais pas Berlin et Ankara, par exemple.

Aussi cette proposition de loi relève-t-elle, à nos yeux, du pur affichage. De fait, la hantise de l'islam se prête à la démagogie tout autant que son apologie. En outre, si ce texte devait être examiné par l'Assemblée, celle-ci se trouverait confrontée à deux écueils. D'une part, elle devrait s'inquiéter des réactions internationales, et notamment des représailles susceptibles d'entraver la "diplomatie d'influence" mise en œuvre par la France, forte d'un vaste réseau d'enseignement à l'étranger. D'autre part, elle risquerait de museler la liberté d'expression à nos propres dépens. En effet, tandis qu'il fustige l'islamisme. M. Meslot pointe « des messages contraires aux valeurs de la République ». Si bien que les royalistes pourraient être les premiers à faire les frais de sa politique... Prudence !