Et d'abord le lancement d'une "revue de presse" grâce à
laquelle nous partagerons désormais les fruits de notre travail de
veille : parmi les multiples articles, rapports ou communiqués
que nous parcourons chaque semaine, certains retiennent plus
particulièrement notre attention ; ils seront dorénavant mentionnés
sous forme de liens, agrémentés d'un bref commentaire.
17 mars 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Accusées de faire la pluie et le beau temps sur les marchés
financiers, où elles influencent les taux d'emprunt, les agences de
notation demeurent dans le collimateur des politiques. Mais les
responsabilités sont partagées.
L'horizon semble loin de se dégager pour la Grèce. Le
7 mars, Moody's a dégradé de trois crans sa notation
souveraine, suscitant la colère d'Athènes. Paris est lui aussi monté au
créneau : les agences « ne devraient pas noter des
pays qui sont sous contrat avec la Commission européenne, le FMI et la
BCE », a déclaré Christine Lagarde à l'antenne de France
Culture (Les Échos, 11/03/2011).
Fourvoiement
Le ministre de l'Économie va-t-il ouvrir des discussions en
conséquence ? Le cas échéant, souhaitons-lui bon
courage : cela supposerait, vraisemblablement, de réviser la
constitution américaine – dont le premier amendement garantit la
liberté d'expression –, à défaut d'empêcher la circulation des
informations de part et d'autre de l'Atlantique. Vaste programme, à
l'aune duquel on mesure la démagogie du propos. Les responsables
politiques sont coutumiers de ces fourvoiements volontaristes, grâce
auxquels ils flattent peut-être l'opinion, mais entretiennent aussi le
fatalisme ambiant, en revendiquant paradoxalement leur impuissance.
Les agences de notation ont certes prêté le flanc à la
critique. Comme le rappelle Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité
des marchés financiers (AMF), elles se sont montrées « parfois
dépassées par la complexité des produits qu'il leur était demandé de
noter » – tels les CPDO (Constant Proportion Debt
Obligation), élaborés à partir des couvertures de
défaillance (CDS), dont la valeur s'est effondrée avec la crise en
dépit du "triple A" qui leur avait été attribué (Cahiers
de l'évaluation, n° 5, février 2011). Norbert
Gaillard, consultant pour la Banque mondiale, pointe, quant à lui,
l'erreur « d'avoir surnoté la Grèce et, dans une moindre
mesure, le Portugal et l'Espagne au cours des années 2000, c'est-à-dire
lors des premières années d'existence de la zone euro » –
comme si la monnaie unique avait dissipé tout risque de défaut de
paiement. « Entre 1999 et 2003, Fitch et S&P ont
relevé la note de la Grèce de trois et quatre crans sans qu'il y ait de
véritables justifications économiques ou financières. [...]
Aujourd'hui, les agences tentent de rattraper leur erreur, mais elles
dégradent trop tard et sont donc obligées de le faire
massivement. » Ce faisant, elles nourrissent la défiance des
investisseurs à l'égard des États emprunteurs, alimentant d'autant la
crise des dettes souveraines – on parle d'une action
« pro-cyclique ».
Cela dit, « même si des événements ponctuels – dont
il ne s'agit pas de minorer l'importance – relancent les débats publics
sur l'adéquation des niveaux de rating, la seule
mesure "réaliste" de la performance des agences – la capacité à trier
les risques avec un succès statistique – plaide pour [elles], en tous
cas celles qui ont un recul historique », affirme Pierre
Cailleteau, ancien responsables de la notation des États pour Moody's
Investors Service. En outre, « comme le rappellent souvent les
agences de notation, si elles étaient parfaitement prescientes, elles
n'auraient que deux types de ratings :
fera défaut – ne fera pas défaut ».
Médiation nécessaire
Or, la médiation qu'elles opèrent entre émetteurs et
souscripteurs d'un titre obligataire apparaît indispensable, ceux-ci
n'étant disposés à prêter à ceux-là que s'ils sont en mesure d'évaluer
le risque encouru. Reste que le marché de la notation se trouve
concentré autour de trois agences. Les deux principales, Moody's et
Standard & Poor's, en détiendraient même
80 %. « Dans la mesure où de nombreux émetteurs
exigent une double notation, ces agences se retrouvent parfois en
situation de quasi-monopole », observe Jean Tirole, membre du
Conseil d'analyse économique auprès du Premier ministre. Aussi l'AMF
s'est-elle fixé pour objectif de « promouvoir les solutions
alternatives à l'évaluation de crédit par les agences de notation, en
responsabilisant les acteurs qui investissent dans ces
produits ». « Les grandes banques peuvent très bien
[...] recourir à des modèles de notation interne », remarque
Jean-Pierre Jouyet. D'autres plaident en faveur d'une agence publique,
dont l'indépendance serait néanmoins garantie sous la houlette de la
Banque centrale européenne ou du Fonds monétaire international. On n'en
est pas encore là.
Dans l'immédiat, il appartient au régulateur de réviser les
règles prudentielles dont on mesure aujourd'hui la perversité. Si les
politiques stigmatisent désormais le rôle des agences, ils ont
auparavant contribué à les ériger en acteurs clefs du système
financier. « Ces dernières sont devenues au cours du temps des
"auxiliaires de régulation" et retirent de ce statut des revenus
considérables », souligne Jean Tirole. « Les
institutions régulées (banques, compagnies d'assurance, [courtiers],
fonds de pension) voient leurs exigences en capital diminuer
sérieusement lorsqu'elles détiennent des créances bien
notées. » Cela en application des accords de Bâle II.
« Pour lutter contre l'effet pro-cyclique que les notations
peuvent avoir, il est effectivement très souhaitable de conduire une
revue approfondie des différents dispositifs réglementaires afin de les
purger, autant que faire se peut, de références aux notations
externes », reconnaît Jean-Pierre Jouyet. Preuve qu'à l'heure
de la mondialisation, le "politique d'abord" n'est pas inopérant.
17 mars 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Au programme : prime d'assurance, quotas dans les
entreprises et lutte contre les "stéréotypes".
Le verdict est tombé le 1er mars :
« La prise en compte du sexe de l'assuré en tant que facteur
de risques dans les contrats d'assurance constitue une
discrimination. » En conséquence, « la règle des
primes et des prestations unisexes s'appliquera à compter du
21 décembre 2012 », a annoncé la Cour de Justice de l'Union
européenne.
Bien qu'il mette les assureurs dans un relatif embarras, cet
arrêt n'a pas tempéré la frénésie féministe qui gangrène l'Union
européenne. Dès le lendemain, en effet, la commission des Droits de la
femme du Parlement européen s'est prononcée en faveur de quotas afin
d'imposer une représentation égalitaire de chacun des sexes dans les
entreprises. (Il s'agit toutefois d'un simple avis.)
Quant au Conseil des ministres, il a adopté le 7 mars
un « nouveau pacte européen pour l'égalité entre les hommes et
les femmes ». Une fois n'est pas coutume, il n'y est pas
question de « genre », mais de
« sexe ». Cela excepté, le document ne recèle aucune
surprise, bien que l'on continue de s'interroger quant au projet de
« mettre un terme à la conception stéréotypée des rôles de
l'homme et de la femme ». À cet effet, « le Conseil
demande instamment que des mesures soient prises au niveau des états
membres et, le cas échéant, au niveau de l'Union ». En toute
logique, s'ils tenaient leur engagement, les Vingt-Sept ne
devraient-ils pas réprimander les parents offrant des poupées à leurs
filles et réservant les voitures aux garçons ?
Dans un communiqué publié le 8 mars, à l'occasion de
la journée internationale de la femme,l'Élysée s'est en tout cas gardé
de verser dans de telles extrémités : « Rappelant que
l'un des facteurs d'inégalité professionnelle reste la maternité et
qu'une partie de celles qui interrompent leur activité professionnelle
le font par manque de mode de garde adapté, le président de la
République a indiqué que le rythme de créations de solutions de garde
serait poursuivi, ainsi que leur diversification notamment en
s'appuyant sur les crèches d'entreprises. »
17 mars 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Une pluie de remontrances s'est abattue sur les États membres
de l'Union européenne le 14 mars.
Parmi les communiqués diffusés ce jour-là par Bruxelles, trois
concernaient la France. Destinataire d'un "avis motivé", Paris est prié
d'ouvrir à la concurrence les marchés publics portant sur l'achat de
certaines données géographiques ; aujourd'hui, en effet,
services et établissements publics de l'État sont tenus de solliciter
l'Institut géographique national (IGN). Par ailleurs, faute d'avoir
renouvelé les autorisations d'une soixantaine d'établissements à fort
potentiel de pollution, la France se voit trainée devant la Cour de
justice de l'Union européenne (CJUE). Laquelle sera également appelée à
se prononcer sur la "taxe télécom" ; introduite en 2009 pour
contribuer au financement de l'audiovisuel public, celle-ci violerait
la législation européenne, selon laquelle un tel prélèvement devrait
être directement lié à la couverture des coûts de la réglementation du
secteur des télécommunications.
Une fois n'est pas coutume, ce blog s'écarte de ses
thématiques habituelles pour se plonger dans la presse automobile des
années quatre-vingt-dix.
Il y a vingt ans jour pour jour, le 7 mars 1991,
s'ouvrait le salon automobile de Genève où fut présentée au public
l'Alpine A610 – dernière immixtion d'un grand constructeur tricolore
sur le segment du grand tourisme.
Pureté du profil
L'Alpine « a pris des formes et du poids »,
commente Auto Moto en avril 1991. Quoique la
ligne se trouve quelque peu alourdie, le profil conserve sa pureté.
Henri Pescarolo ne s'y trompe pas : « l'Alpine joue
la continuité dans une finesse et une élégance très latine »,
écrit-il dans L'Action automobile et touristique
de mars 1991. « Entre la [Porsche] Carrera, dont la ligne
carrément rétro a peu évolué depuis trente ans, et la Nissan
[300 ZX] d'un dessin moderne très japonais »,
l'Alpine lui apparaît « toujours aussi
impressionnante ». D'autant que « si vous vous
appuyez sur les ailes avant, vous serez surpris : elles
s'enfoncent sous votre poids et reprennent aussitôt leurs
formes ».
À la différence de la carrosserie et du volant, le moteur
demeure signé d'un losange. Nouvelle évolution du V6 PRV, porté à 3
litres et suralimenté par un turbo au temps de réponse minimisé, il ne
revendique pas la noblesse d'un flat six
germanique. Cela dit, ses 250 chevaux supportent la
comparaison sans rougir. « Cette Alpine n'a plus rien à envier
aux Porsche, ni même aux Ferrari », s'enthousiasme Auto
Moto. Le premier kilomètre est abattu en
25 secondes et la vitesse de pointe frôle les
270 km/h, selon les mesure de L'Action auto.
Dépassant les 35 mkg, le couple est jugé
« phénoménal » par Auto Moto.
« À l'utilisation, cette caractéristique apparaît
effectivement sous la forme d'une excellente disponibilité et d'une
impression d'invincibilité en reprises », rapporte, à la
mi-mars, Le Moniteur automobile.
« C'est surtout aux allures élevées que les capacités de
remise en vitesse de l'Alpine sont impressionnantes. Entre 150 et 200
km/h, elle paraît ainsi en mesure de tenir tête à n'importe quel caïd
des autobahn. »
Vive et maniable
« On peut aisément soutenir le 250 km/h
compteur sans se faire peur au passage des ponts », poursuit
le magazine. Certes, Henri Pescarolo aurait « apprécié une
meilleure stabilité à très haute vitesse ». Il déplore, en
outre, « le manque d'un autobloquant [qui] autorise des
patinages de la roue intérieure en virage très serré ». Le
pilote n'en tarit pas moins d'éloges au sujet de l'A610 :
« Elle est merveilleusement vive et maniable, mais elle offre
en même temps une bonne neutralité en appui, pour devenir survireuse à
la limite. » Le comportement routier bénéficie d'une
répartition des masses optimisée, seuls 43 % du poids
s'exerçant sur l'essieu avant ; c'était une gageure, étant
donné l'implantation du moteur en porte-à-faux-arrière – une
architecture héritée de la 4CV, et partagée avec la 911 qui la tenait
elle-même de la Coccinelle !
Moins de trois ans après sa sortie, en décembre 1993, l'A610
se trouve confrontée à la Safrane Biturbo dans les colonnes de L'Action auto :
« La prise de conscience de la vitesse y est plus rapide et la
consommation d'influx nerveux plus importante. La sécurité n'est
vraiment pas négligée mais la conduite, moins assistée, de l'A610 est
plus complète, plus authentique. » En résumé,
« déplacer une Alpine est aisé, la mener rapidement,
envisageable, mais jouer avec ses limites exige du talent.
Heureusement, elle s'avère assez tolérante si l'on prend soin de ne pas
rater de leçons de la bible du pilotage. » Facile, donc, mais
nullement aseptisée ! « C'est l'Alpine qui se montre
la plus généreuse en sensations », conclut Henri Pescarolo,
qui la compare aux Carrera et 300 ZX. « L'Alpine A610
reste une authentique GT, de celles qui font vibrer les cœurs et
mouiller la combinaison », renchérit Auto Moto,
dont la rédaction salue, en septembre 1992, « une véritable
sportive quatre places, ni trop pure, ni trop dure ».
Exceptionnelle et familière à la fois
« Reste le prix », jugé
« prohibitif », un an plus tard, par L'Action
auto, « surtout si l'on tient compte [...] des prix
pratiqué par la concurrence : une Mazda RX-7 coûte près de
100 000 francs de moins ! » Le temps ayant passé, ces
considérations mesquines ne sont plus de mise. Étant donné
les témoignages recueillis dans la presse, l'absence de coffre
constitue, à nos yeux, le seul défaut de cette excellente voiture. Les
sacs de voyage trouvent refuge à l'arrière, où sont aménagées deux
places confinées, séparées par un large tunnel.... Ambiance !
En cas de crevaison, l'emplacement réservé à a roue de secours, sous
le capot avant, s'avère trop étroit pour accueillir la roue
défectueuse. Aussi Le Moniteur automobile
s'interroge-t-il avec philosophie : « Si une housse a
été prévue pour emballer la roue [...] et si des sangles permettent de
l'arrimer sur les dossiers rabattus des sièges arrière, on ne sait pas
encore où l'on mettra les passagers ou les bagages qui s'y trouvaient
en cas de crevaison. Glorieuse incertitude de la voiture de
sport. »
Bien que le volant ne soit pas réglable, « la
position de conduite est parfaite et donne le sentiment de faire
vraiment corps avec la machine », assure Jean-Luc Colin.
S'exprimant dans L'Action auto en
octobre 1992, il juge toutefois « affligeante » la
présentation de la planche de bord. « La finition inspire
[...] globalement confiance », mais « tout cela
manque terriblement de classe », confirme Le Moniteur
automobile. Henri Pescarolo se montre moins critique à l'égard du
tableau de bord : « sans être un exemple
d'harmonie », il lui semble « élégant, clair et
très lisible ». C'est l'avis d'un pilote, qu'on se le dise !
Manifestement, on reprochait à l'Alpine de ne pas suffisamment
cacher ses origines. L'A610 partage effectivement des gènes avec de
banales familiales, telles les R11 TXE et 21 TSE dans
lesquelles nous avons jadis voyagé. « Les commodos d'origine
Renault font pâle figure », regrette Auto Moto
en septembre 1992. « C'est toujours un peu gênant de retrouver
dans une voiture chère et luxueuse les mêmes éléments que dans les
modèles du bas de gamme », estime Henri Pescarolo.
Vraiment ? Exceptionnelle à plus d'une titre, l'A610 nous
apparaît néanmoins familière. La nostalgie aidant, cela participe de
son charmé. Puisse sa côte ne pas trop flamber, dans l'attente du jour
où nous partirons, peut-être, en quête d'un exemplaire !
3 mars 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Avant de quitter l'Hôtel de Brienne, Alain Juppé a réaffirmé sa
volonté de « relancer la défense européenne » - un
concept dont les contours flous masquent à peine la faiblesse des
avancées.
Une réunion "informelle" des ministres de la Défense de
l'Union européenne s'est tenue à Budapest les 24 et
25 février. Au programme des discussions, notamment :
la crise libyenne, la lutte contre la piraterie (dont la violence
s'accroit au large de la Somalie) et la mutualisation des capacités.
Cette rencontre devait être l'occasion de « concrétiser les
travaux engagés l'année précédente », selon l'Hôtel de
Brienne. Mais tandis que Paris promet « la relance
de la défense européenne », les structures de la Politique
européenne de sécurité et de défense (PSDC), intégrées à l'UE,
souffriraient déjà de sous-effectifs, pointés par notre confrère
Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles 2,
23/02/2011).
Si des avancées sont à observer, c'est plutôt dans les cadres
bilatéraux, quoique les engagements restent, là aussi, à concrétiser.
Ainsi Berlin et Budapest viennent-ils de signer un protocole d'accord
portant sur la logistique. De leur côté, Londres et Ankara négocient un
pacte de coopération : « Les Britanniques pourraient
ainsi entraîner leurs pilotes d'hélicoptères en Turquie, qui présente
un terrain (chaud et montagneux) proche de l'Afghanistan. Des officiers
turcs pourraient être admis au Royal College of Defence Studies. Et
vice versa. Des exercices en commun pourraient aussi être organisés.
Enfin, les Britanniques souhaitent embarquer les Turcs dans la
construction des futures frégates Type 26, prévues à l'horizon
2020. » (Bruxelles 2,
16/02/2011) En France, un projet de loi autorisant la ratification d'un
traité avec le Royaume-Uni a été présenté en Conseil des ministre le
23 février. Conclu pour au moins cinquante ans, l'accord
prévoit la construction et l'exploitation conjointes à Valduc, en
Bourgogne. d'une installation de physique expérimentale.
« Elle permettra de réaliser des expériences de laboratoire
indispensables à la garantie du fonctionnement et à la sécurité des
armes nucléaires des deux États », assure l'Exécutif.
Utopies néo-gaulliennes
« L'accord bilatéral avec le Royaume-Uni est un
accord de coopération en Europe, mais pas un accord de coopération
européenne » analyse Jean-Michel Boucheron, député socialiste
d'Ille-et-Vilaine. S'exprimant, le 16 février, devant la
commission de la Défense nationale et des forces armées de l'Assemblée
nationale, Alain Juppé a cultivé l'ambiguïté : « Dans
ce que les Britanniques définissent comme un accord strictement
bilatéral, nous voyons une brique d'une construction plus
globale », a-t-il déclaré. Ce faisant, peut-être cherche-t-il
à entretenir quelque illusion, tandis qu'il proclame « notre
ambition d'édifier une Europe politique ». Ce serait, selon
lui, « un objectif réaliste », en dépit du constat
selon lequel « l'idée de l'Europe comme pôle d'influence, sans
même parler d'une Europe puissance, n'est pas partagée par
tous ». « C'est essentiellement une idée
française », a reconnu Alain Juppé, « et qui ne fait
d'ailleurs même pas l'unanimité chez nous ».
Dans ces conditions, les partisans des vieilles utopies
néo-gaulliennes continueront, vraisemblablement, de se raccrocher à
quelques symboles. La Cour des comptes ne s'y est pas trompée. Dans son
rapport annuel, elle dénombre huit corps militaires européens auxquels
la France participe, de nature et d'importance variables (Brigade
franco-allemande, Eurocorps, Eurofor, Force navale franco-allemande,
Euromarfor, Joint Force air component command, Commandement européen du
transport aérien, Eurogendfor). « La réalité est que ces
forces n'ont d'européen que le nom », souligne-t-elle.
« En face de cela, l'Union européenne ne dispose [...] que
d'un état-major général, sans chaîne de commandement. » En
outre, « sans méconnaitre les lourdeurs inhérentes à toute
décision d'emploi d'un corps multinational », la Cour
« s'interroge cependant sur les motifs justifiant le maintien
et le développement de ces structures militaires
permanentes ». Et d'appeler à « revoir l'ensemble de
ces dispositifs, dans une perspective de refonte et de réorganisation,
voire de suppression ». Un désaveu cinglant.
3 mars 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Critique du mécanisme de "solidarité" européenne.
Le nouveau gouvernement irlandais, issu des élections
législatives du 25 février, devrait renégocier les conditions
du soutien financier proposé à l'Eire par l'Union européenne et le FMI.
En cause, notamment : l'ampleur des taux d'intérêt associés
aux prêts.
Outre l'opinion publique allemande, des économistes libéraux
jugeaient déjà la solidarité européenne déplacée. Tel Guillaume
Vuillemey, chercheur associé à l'Institut Turgot, pour qui
« le défaut de paiement d'un État joue un rôle économique
essentiel. Non seulement il est une sanction pour ceux qui ont mal
utilisé des ressources, mais aussi pour ceux qui ont apporté des
capitaux sans prendre suffisamment de précautions. » De son
point de vue, « créer un fonds européen pour se prémunir contre tout
défaut d'un État supprime une discipline essentielle. [...] Le risque
est collectivisé et la responsabilité individuelle diluée. [...] Quant
au problème de fond [...] il n'est pas réglé, seulement transféré à un
niveau plus élevé... »
Bruno Gollnisch serait-il du même avis ? Intervenant
devant le Parlement européen le 15 février, il a critiqué la
pérennisation du Fonds européen de stabilité financière. En effet,
s'est-il demandé, « qu'est-ce que ce fonds, sinon la
possibilité de créer une dette européenne, assumée finalement par des
États déjà surendettés et qui pourraient se voir dans l'obligation de
la rembourser avant de rembourser leurs propres dettes ? C'est
en quelque sorte la politique financière du sapeur Camember, ce soldat,
objet d'un livre humoristique en France, qui se voit ordonner de
boucher le trou dans la cour de la caserne et qui, pour le boucher, en
crée un autre aussitôt à côté. »
Dans ces conditions, on comprend que la tension perdure sur
les marchés financiers.
3 mars 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Quand la fiscalité se heurte au principe de libre circulation
des capitaux.
Les lois Périssol, Besson, de Robien et Borloo ont-elles été
appliquées au mépris du droit communautaire ? Elles
conféraient un amortissement accéléré aux investissements dans
l'immobilier résidentiel neuf. À condition que ceux-ci soient réalisés
sur le territoire national. Or, selon la Commission européenne,
« ces dispositions sont incompatibles avec la libre
circulation des capitaux garantie par [les traités], puisqu'elles
dissuadent les contribuables résidents d'investir dans des biens
immobiliers situés à l'étranger. »
Si elle était saisie, la Cour de Justice de l'UE approuverait
vraisemblablement la Commission. En octobre 2009, elle s'était
prononcée sur des dispositions similaires en vigueur à l'étranger.
Selon ses conclusions, « à supposer même que l'objectif
d'inciter la construction de logements à usage locatif afin de
satisfaire aux besoins [...] de la population nationale soit de nature
à justifier une restriction à la libre circulation des capitaux, il
n'apparaît pas qu'une telle mesure [...] soit propre à garantir sa
réalisation. En effet, au lieu de cibler des endroits où la pénurie de
tels logements serait particulièrement marquée, la disposition
nationale en cause fait abstraction des besoins différents d'une région
à l'autre dans l'État membre concerné. De plus, toute catégorie de
logement à usage locatif, du plus simple au plus luxueux, peut faire
l'objet d'un amortissement dégressif. Dans ces conditions, il ne
saurait être présumé que les investisseurs privés, motivés notamment
par des considérations financières, satisfassent à l'objectif
prétendument sociopolitique de cette disposition. »
Réagissant à des propositions, sinon radicales, du moins
provocatrices, le blog de l'Action française a traité avec désinvolture
le remboursement de la dette publique. C'est l'occasion d'insuffler un
peu de polémique dans le microcosme royaliste ! 😉
Michel de Poncins n'est pas le meilleur inspirateur de
l'Action française. Faute de le connaître suffisamment, nous nous
garderons de prendre sa défense. En revanche, nous discuterons avec ses
détracteurs, qui l'ont affublé de l'étiquette infamante
d'« ultra-libéral ». Un qualificatif impossible à
définir, mais qui fait recette dans un pays où le désintérêt pour
l'économie est manifeste.
En la matière, les royalistes se complaisent dans un
conformisme peu responsable. D'ailleurs, bien qu'ils prétendent avoir
pénétré « le subconscient de Nicolas Sarkozy », ils
entretiennent, par leur dédain des questions financières, les poncifs
sur lesquels celui-ci surfe à l'envie. Témoin, dernièrement, la
stigmatisation de la « spéculation » : le
chef de l'État a pu l'accuser d'avoir provoqué les émeutes de la faim
sans craindre de déclencher l'hilarité générale, c'est dire la
crédulité de l'opinion publique ! Ce faisant, donc, nos
camarades confortent les préjugés, ici fondés, selon lesquels ils
n'auraient pas les pieds sur terre, tout en négligeant la
« défense de l'héritage ». C'est d'autant plus
regrettable que la dette abyssale contractée par la République leur
fournirait une illustration flagrante de l'incurie d'un régime condamné
au sauve-qui-peut.
En effet, c'est de la dette qu'il s'agit, Michel de Poncins
ayant avancé l'idée saugrenue de financer son remboursement par la
dilapidation du patrimoine public. « La dette l'empêche de
dormir » commente, avec ironie, le blog de l'AF.
« Grand bien lui fasse ! » L'enjeu est
certes anecdotique : la charge de la dette, c'est-à-dire le
remboursement des seuls intérêts, ne représente encore que le deuxième
poste budgétaire de l'État ; en outre, étant donné l'ampleur
des déficits accumulés en Europe, au Japon et aux États-Unis, c'est,
tout au plus, l'économie de la planète entière qui se trouve menacée.
Pourquoi s'inquiéter ? On n'est même plus en mesure d'assurer
que nos enfants paieront !
Dans ces conditions, « satisfaire la finance
internationale », comme disent nos petits camarades, cela
consiste à tempérer la pression des (nouveaux) créanciers, voire à s'en
émanciper peu à peu – autrement dit, conférer à l'État quelque marge de
manœuvre. N'est-ce pas l'objectif qu'ils prétendent plus ou moins
assigner à la puissance publique – dont ils défendaient
traditionnellement l'indépendance –, tout en réprouvant les moyens d'y
parvenir ? Peut-être nous objecteront-ils une alternative,
agitant l'exemple du quantitative easing
américain, à moins d'appeler carrément à la banqueroute, dans l'espoir
qu'un monde meilleur émergera du chaos... Ce ne sera jamais que le
paravent d'une revendication portant sur des valeurs, suivant l'échelle
desquelles le patrimoine mérite – naturellement ! – une
considération tout autre que des titres obligataires. Reste qu'en
transposant sur le plan politique une hiérarchie somme toute morale, on
se fourvoie dans le romantisme... Que reste-t-il du "politique d'abord"
dans notre vieille maison ?