Outre-mer : la France s'étend sur l'océan

5 mars 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

À la faveur du droit international, Paris convoite des ressources maritimes situées au-delà de sa zone économique exclusive, notamment dans l'Atlantique Nord, autour de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La délimitation des frontières Amaritimes « est bien l'un des enjeux du XXIe siècle », préviennent les députés Jean-Claude Fruteau (PS), Paul Giacobbi, Annick Girardin et Roger-Gérard Schwartzenberg (affiliés tous les trois au PRG). Dans une proposition de résolution, dont l'Assemblée nationale devait discuter en séance publique mardi dernier,  18 février 2014, ils appellent « à la reconnaissance des droits légitimes de la France sur le plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon ». Au risque de froisser Ottawa, Paris en revendique l'extension, en application du droit international.

Montego Bay

Comme l'expliquent les parlementaires, la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay en 1982 et ratifiée par la France en 1996, « a ouvert la possibilité pour les États côtiers d'étendre leur juridiction sur les ressources se trouvant sur son plateau continental, c'est-à-dire sur les fonds marins et leur sous-sol, et ce, au-delà des deux cent milles marins constitués par la zone économique exclusive de base ». En mai 2009, une lettre d'intention a donc été déposée auprès de la Commission des limites du plateau continental (CLPC), émanation de l'ONU. « Depuis lors les éléments constitutifs de notre revendication se sont renforcés », se réjouissent les députés. « En juillet 2011, une campagne scientifique a été menée au large de l'archipel par le navire le Suroit dans le cadre du grand programme Extraplac, conduit par l'Ifremer, afin de préparer les dossiers de revendication devant la CLPC. Les résultats scientifiques de cette campagne sont probants et montrent que le plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon répond bien géologiquement aux critères juridiquement exigés par le droit international pour permettre l'extension d'un plateau continental au-delà de la limite des deux cents milles marins. »

De quoi nourrir quelque espoir de revanche ? « Saint-Pierre-et-Miquelon est la seule collectivité d'outre-mer française située en Amérique du Nord, à vingt-cinq kilomètres de Terre-Neuve au Canada », rappellent les parlementaires. « Peuplé de 6 311 habitants, Saint-Pierre-et-Miquelon a toujours vécu, depuis le XVIe siècle, de la pêche jusqu'à ce que la diminution des ressources halieutiques et un arbitrage désastreux intervenu en 1992 entre le Canada et notre pays, arbitrage donc les conséquences nous furent particulièrement défavorables – il fut vécu comme une injustice dans l'archipel –, aient condamné ce petit territoire à ne plus pouvoir exploiter les richesses de la mer, compromettant gravement sa survie économique et, à terme, la pérennité même de la présence de nos compatriotes sur ces îles. »

Parfum de revanche

« Aujourd'hui, une nouvelle chance est offerte à Saint-Pierre-et-Miquelon et, plus largement, à notre pays », se félicitent Jean-Claude Fruteau, Paul Giacobbi, Annick Girardin et Roger-Gérard Schwartzenberg. Le président de la République semble décidé à la saisir. Le 24 juillet dernier, il avait promis que « la France défendrait les intérêts de l'archipel concernant l'extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon ». « Le cap est donc clairement fixé », se félicitent les députés. « Reste à déposer concrètement ce dossier de revendication auprès de la CLPC, ce qui incombe au gouvernement. » Affaire à suivre.

Mise au point historique

24 février 2014

Évoquant la Collaboration mise en œuvre par le régime de Vichy, Libération entretient la confusion historique.

« Étape par étape, sous couvert de bonne volonté, l'État se met au diapason de l'ensemble de la politique du Reich : aryanisation des entreprises, obligation du port de l'étoile jaune et déportation de 78 000 Juifs », rapporte notre consœur Sophie Gindensperger. Or, si la police française a participé à la distribution des étoiles jaunes en zone occupée, ce fut en application d'une ordonnance allemande. En outre, comme rappelé sur Wikipedia, « l'étoile jaune n'a pas été portée en zone libre, même après son envahissement, le 11 novembre 1942 ». Bien qu'il ait fait « apposer le tampon "Juif" sur les papiers d'identité », le maréchal Pétain « s'opposa au port de l'étoile jaune en zone libre » : « Tant que je serai vivant, je n'accepterai jamais que cette ignominie qu'est l'étoile jaune soit appliquée en zone Sud », aurait-il déclaré au grand rabbin Schwartz.

Le souvenir de l'Occupation est suffisamment douloureux pour qu'on s'épargne de l'assombrir injustement.

De Tsingtao à Paris

15 janvier 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Alors que les autorités s'apprêtent à célébrer l'amitié franco-chinoise, nous avons interrogé une jeune femme qui l'éprouve au quotidien depuis son arrivée à Paris.

La présence des Chinois est devenue familière en France, du moins pour ceux d'entre nous vivant à Paris. Jing, la trentaine, y est arrivée pour ses études voilà trois ans. Elle est originaire de Tsingtao, une ville de la province du Shandong, construite par les Allemands, célèbre pour sa bière exportée aux quatre coins du monde. À sa naissance, nous raconte-t-elle, il n'y avait pas de télévision dans les foyers, ni même de réfrigérateur - alors qu'aux États-Unis, avait-elle découvert dans des films, chacun avait sa voiture. « C'était incroyable », se souvient-elle. La Chine, à l'époque, « c'était comme la Corée du Nord actuellement », nous explique-t-elle.

Ouverture des portes

Dans les années soixante-dix, l'empire du Milieu a commencé à ouvrir ses portes, nous rappelle-t-elle. Son développement économique, qui s'accélère depuis lors, a franchi un nouveau cap dans les années 2000, à la faveur d'un « boom de la high tech ». La France apparaît « très, très importante » aux yeux de notre interlocutrice. Notamment dans la distribution. « Carrefour est très présent en Chine », nous précise-t-elle. L'influence mondiale de Pékin croît à la mesure de son économie. D'un point de vue politique, « nous sommes de plus en plus forts », observe Jing. Elle énonce ce constat avec réalisme, mais sans orgueil, nous semble-t-il. Consciente des inquiétudes suscitées par l'émergence de son pays, elle lui dénie toute velléité impérialiste. « Nous ne sommes pas belliqueux », se défend elle. La question du Tibet lui tient particulièrement à cœur. Spontanément, elle s'insurge contre la propagande à l'œuvre en France au profit du dalaï-lama. Quant à la multiplication des interventions militaires en Afrique, elle traduirait simplement la poursuite par Paris de ses propres intérêts. Visiblement, les Chinois ne sont pas abusés par les discours lénifiants sur les droits de l'homme.

Romantisme français

En Chine, nous dit-elle, « on pense que les Français sont romantiques ». Qu'en est-il en réalité ? « Cela dépend », nous répond-elle. « Les Français aiment bien les fleurs » ; de plus, « ils font beaucoup de bisous », observe-t-elle avec enthousiasme. Paris demeure associé au luxe dans l'imaginaire chinois, nourri par le souvenir de Louis XIV et le prestige de marques telles que Dior et Chanel. Dans un autre registre, Michelin a lui aussi la cote. Principale ombre au tableau : comparés aux Chinois, « les Français ne sont pas travailleurs », remarque notre interlocutrice ; pour preuve, « ils aiment beaucoup les vacances » !

Reste un privilège réservé aux Français : la liberté. Celle de surfer sur Youtube ou Facebook, notamment. La censure à l'œuvre dans l'empire du Milieu ne lui semble plus vraiment tenable, maintenant que l'Internet a envahi les foyers. D'ailleurs, à la télévision chinoise, on annoncerait de plus en plus de mauvaises nouvelles. « C'est le progrès », a-t-elle répondu à une amie qui lui faisait part de ce constat. Cela étant, la Chine est « un pays vraiment très grand », souligne-t-elle. C'est pourquoi, à certains égards, la liberté serait « vraiment un problème ». En fait, en dehors des plus jeunes, les Chinois se montrent apparemment peu enclins à compliquer la tâche du gouvernement, considérant que cela nuirait, en définitive, à la prospérité du pays. Alors que nous l'invitions à s'exprimer sur la tragédie de la place Tian'anmen – un sujet sur lequel les autorités maintiennent le tabou en Chine -, notre interlocutrice se montre nuancée. Tout en déplorant les souffrances infligées aux manifestants, elle dit « comprendre » la nécessité de remédier au désordre.

Étonnante humilité

Complaisance déplacée, magnanimité irréfléchie ? Chacun jugera. Au fil de la conversation, nous avons relevé comme une forme d'humilité, aux antipodes de l'individualisme revendicatif qui nous caractérise, nous autres Français, prompts à réclamer les fruits sans trop nous soucier de l'arbre nécessaire à leur production. Comparant la situation de la Chine à celle de la Syrie ou de l'Irak, par exemple, Jing considère que ses compatriotes ne sont pas à plaindre. De toute façon, se demande-t-elle, quelle alternative y aurait-il au gouvernement actuel ? Si le pouvoir devenait vacant à Pékin, « ce serait la guerre », s'inquiète-t-elle. Sur le ton de la plaisanterie, nous lui proposons d'échanger nos présidents. « Je ne veux pas changer », proteste-t-elle. De fait, l'évocation de François Hollande suscite chez elle une réaction récurrente : le rire... Sans commentaire.

Quand l'Action française dénonçait la jaunisse gaullienne

15 janvier 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

En pleine Guerre froide, la reconnaissance par la France de la République populaire de Chine fut mal accueillie par l'Action française.

Dans son numéro du jeudi 23 janvier 1964, Aspects de la France dénonça « une politique dont le seul souci apparent » était « de prendre, en toutes circonstances, le contre-pied des États-Unis ». « L'insolence de M. De Gaulle ne fera qu'agacer les Américains et avivera leur désir de prendre ses distances avec un allié de jour en jour plus rétif », était-il déploré dans l'éditorial, signé "AF".

« Nous allons jaunir », se désolait Claude Chavin, prédisant qu'on nous ferait « payer au centuple les coups de boutoir, les crocs-en-jambe et les virages de notre politique extérieure ». Cela dit, nuançait-il, « les fautes » n'étaient « pas que de Paris ». Évoquant la crise du canal de Suez, il rappelait que « les Américains, à leur heure, avaient choisi Nasser ». À ses yeux, le président de la République n'en apparaissait pas moins comme le pendant occidental de Mao, semant la zizanie dans son propre camp. La soif de « grandeur » du général, tout comme sa quête d'« indépendance », lui inspiraient la plus grande circonspection : « Comment ne pas songer en même temps au Second Empire, à Napoléon III, à ses guerres au nom du principe des nationalités [...] tout cela finissant à Sedan  »

Mouvements d'humeur et de vanité

« M. De Gaulle sait fort bien qu'en piquant le colosse américain [...] il touche la fibre cocardière qui existe au cœur des Français », lisait-on encore à la "une" du journal : « La France, voyons, est une nation majeure, indépendante, qui ne veut être à la remorque d'aucune autre, si puissante soit-elle... Hélas, le mot a trop servi pour avoir gardé quelque vertu, surtout, comme l'écrit l'éditorialiste du Bulletin de Paris, "lorsqu'il s'agit d'une nation qui, comme nous, peut être en très peu de quarts d'heure à peu près anéantie par les fusées soviétiques et qui ne doit son existence qu'au bouclier américain". »

Alors que Paris venait de larguer l'Algérie, l'AF ne manifestait pas la moindre complaisance à l'égard du chef de l'État : « Le vrai courage », écrivaient nos prédécesseurs, « celui qui n'ignore pas les réalités, c'est le chancelier Erhard qui l'a eu, lorsqu'il a reconnu que l'Allemagne n'avait pas à rougir d'être protégée militairement par l'Amérique puisque cette protection est la garantie suprême de son existence. Nous ne croyons pas à l'habileté d'une politique qui, hier, amputait le territoire national de quinze départements et qui nous conduit aujourd'hui aux pires aventures. Nous nous refusons à confondre le courage et l'honneur avec des mouvements d'humeur et de vanité. » Dans quelle mesure les temps ont-ils vraiment changé ?

La laïcité, voilà l'ennemi !

15 janvier 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Regard critique sur la loi contre la burqa, qui aurait préparé les esprits à bannir les crèches de Noël de tous les espaces ouverts au public.

Une crèche de Noël « porte-t-elle atteinte au principe de laïcité dans les lieux publics » ? La question a été posée par l'AFP, et reprise par plusieurs de nos confrères, après qu'un usager de la SNCF se fut plaint d'une représentation de la nativité dans la gare de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron). Or, l'envisager, c'est méconnaître la nature de la laïcité telle qu'elle est définie dans le droit français.

Jugeant cette polémique « ridicule », le socialiste Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, a dû le rappeler : « La neutralité s'applique seulement à l'État et aux bâtiments de la fonction publique, comme les mairies ou les écoles. » En conséquence, a-t-il souligné, « il n'y a pas d'impossibilité à installer une crèche dans une gare, car si l'entreprise est privée avec une mission de service public, le lieu de la gare est un espace public, un peu comme la rue ».

De l'école à la rue

La rue où, précisément, le port du voile intégral est proscrit depuis le 11 avril 2011 et l'entrée en vigueur de la loi votée à cet effet. Cela en vertu de la laïcité, s'imagine-t-on vraisemblablement. Prétendant lutter contre une pratique  marginale, au risque d'en faire la promotion, le président Sarkozy et sa majorité auront distillé l'idée que, dorénavant, la laïcité ne devrait plus s'imposer seulement à l'école, mais dans tous les lieux ouverts au public. De là à s'indigner de croiser un curé en soutane, il n'y qu'un pas... Potentiellement blessés par des lois dirigés à leur encontre, nos compatriotes musulmans assistent, de plus, au spectacle d'une France en prise avec sa religion historique. À ce petit jeu-là, personne n'a rien à gagner, sinon quelque politiciens exploitant avec démagogie la hantise croissante de l'islam, sans craindre d'en légitimer les propagateurs les plus radicaux. Chapeau !

Délation 2.0

6 janvier 2014

Projet de billet avorté pour L'Action Française 2000.

Ouvrant la session de l'IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale), l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA), a cité Antonio Gramsci, se demandant s'il était l'auteur d'un constat ou d'une prémonition : « L'ancien monde est en train de mourir, un nouveau monde est en train de naître mais, dans cette période intermédiaire, des monstres peuvent apparaître. »

Pareille inquiétude n'est pas le propre des militaires à l'affut des bouleversements géopolitiques, loin s'en faut. Qu'adviendra-t-il de la société que nous contribuerons à façonner au cours de la nouvelle année ? Tandis que nos faits et gestes sont archivés dans le nuage informatique - quand bien même nous nous refuserions à nous exhiber sur les réseaux sociaux -, la hantise d'une surveillance généralisée est devenue convenue. Des regards accusateurs se sont tournés vers Google, la NSA, la loi de programmation militaire... Mais qu'en est-il de votre voisin ? L'internet offre des opportunités inédites aux activistes politiques. Que ce soit pour organiser la Manif pour tous ou traquer l'ennemi. À la faveur d'un piratage, les coordonnées des sympathisants supposés de Dieudonné ont été livrés à la vindicte militante. On devine que la Toile n'a plus rien de virtuel pour les victimes d'expéditions punitives. S'attaquant à d'autres cibles, les Anonymous s'étaient déjà essayés à la délation en ligne...

Dans le cas présent, le trouble à l'ordre public étant désormais caractérisé, peut-être cela donnera-t-il quelque crédibilité aux gesticulations du ministre de l'Intérieur. Preuve que la politique reprend encore ses droits, fût-ce à mauvais escient ?