Le pays légal pète les plombs !

27 janvier 2015

À quel jeu les pouvoirs publics sont-ils donc en train de s'adonner ? Que Valls se fasse mousser à travers Dieudonné, cela passe encore, celui-ci ayant accepté son rôle de bouffon en toute connaissance de cause, quoiqu'il soit la victime d'une raison d'État quelque peu dévoyée... Mais l'heure n'est plus à l'agitation médiatique. Ces jours-ci, ce sont des enfants qui trinquent !

Lu sur Nouvelles de France : « Nantes. Une jeune fille prend le tramway avec ses sœurs et une amie. Des contrôleurs se présentent et demandent leur titre de transport. Après une altercation verbale, la plus jeune leur lance "On est les sœurs Kouachi, on va sortir les kalachnikovs". Les contrôleurs appellent la police, elle est mise en garde à vue puis présentée à un juge en comparution immédiate qui la met en examen pour apologie du terrorisme. Elle a quatorze ans... Toujours à Nantes. Décidément... Un lycéen publie sur son mur Facebook une caricature qu'il trouve particulièrement "marrante" selon ses propres termes. En juillet 2013, Charlie Hebdo sort une couverture qui montre un Égyptien se faire trouer de balles malgré un Coran tenu devant lui avec la légende "Le Coran, c'est de la merde, ça n'arrête pas les balles". Le lycéen trouve sur Internet une parodie de cette caricature qu'il publie. Elle montre un journaliste tenant ce même exemplaire de Charlie Hebdo, troué de balles, avec la légende "Charlie Hebdo, c'est de la merde, ça n'arrête pas les balles". Quelques jours plus tard, il est interpellé par la police chez lui et placé en garde à vue puis déféré le lendemain. Le parquet, requiert son placement en liberté surveillé et sa mise en examen pour apologie du terrorisme. Il a seize ans...

Lu dans le même article : « Jeudi 8 janvier. Un collégien fait une minute de silence avec sa classe en hommage aux victimes des attentats. Vendredi, le professeur de français propose à ses élèves un débat sur ce qui vient de se passer. N'ayant pas bien compris qu'il s'agissait autant d'un piège que d'une réelle volonté de débattre avec les élèves, l'enfant lève la main et dit "ils ont eu raison". Au lieu de demander des explications, d'écouter, puis d'expliquer comme tout bon professeur aurait dû le faire, le censeur lui ordonne immédiatement : "si tu penses ça, sors de ma classe". La suite est hallucinante. L'élève se rend chez la conseillère Principale d'éducation qui lui explique pourquoi il était interdit de penser que les terroristes "ont eu raison". Dimanche, l'enfant va à son match de foot. Il fait une minute de silence avec ses camarades. "C'était bien, on était tous en rond, on se tenait par le cou", raconte-t-il. Lundi matin à l'école, il est convoqué chez le principal. Mardi matin, il est reconvoqué. L'enfant s'excuse et exprime ses regrets. Mardi, le principal le convoque à nouveau, avec ses parents cette fois. Il leur apprend que leur enfant est exclu pour une semaine, "une mesure conservatoire"... En attendant le conseil de discipline où il risque une exclusion définitive. Mercredi, le principal, grand pédagogue devant l'éternel va porter plainte contre l'enfant au commissariat. Jeudi, l'enfant et ses parents se rendent à la convocation de la police "pour être entendu". L'enfant est alors arrêté et placé en garde à vue. Il va passer vingt-quatre heures dans les geôles de la république nationale socialiste. Vendredi matin, menotté, il est présenté au juge pour une mise en examen d'apologie du terrorisme. »

Lu chez Jean-Marc Morandini : « Quatre collégiens français vont être convoqués devant un juge des enfants pour "apologie du terrorisme". Ils risquent théoriquement jusqu'à trois ans et demi de prison. Le message, inscrit en surimpression en bas d'une photo de groupe, a été découvert mardi par un de leurs camarades qui l'a signalé à la direction du collège. Les ados avaient écrit : "On n'est pas Charlie et on saura jamais, bande de petites putes. On sème ce qu'on récolte". Placés en garde à vue puis relâchés, ils sont convoqués le 25 mars devant le juge des enfants "aux fins de mise en examen pour apologie d'actes de terrorisme au moyen d'un réseau public de télécommunications", a indiqué le parquet de Meaux. »

Nous sommes effaré. Tantôt incrédule, tantôt révolté. Quelqu'un pourrait-il nous expliquer quel est le phénomène à l'œuvre ? Un juriste au fait des procédures en cours et des sanctions déjà prononcées pourrait-il nous éclairer sur leur caractère apparemment surréaliste ? Dans l'immédiat, nous n'avons rien trouvé de mieux à faire que publier nous aussi cette image blasphématoire. Disons que que c'est la traduction d'une colère exprimée en toute modestie.

Régis Debray parle du conspirationnisme

26 janvier 2015

« Le conspirationnisme victimaire est la maladie traditionnelle des faibles, qui s'excusent de leur impuissance en prêtant à leurs ennemis une surpuissance maléfique », analyse Régis Debray, cité par Frédéric Taddeï.

« Les gens qui n'ont pas les moyens de participer au grand jeu s'imaginent être victimes de terribles complots par les surpuissants », a-t-il déclaré au micro d'Europe 1 mercredi dernier, 21 janvier 2015 (à partir de la 28e minute). « C'est une façon de s'excuser de ses propres insuffisances », a-t-il poursuivi. « Je n'ai pas du tout une vision complotiste et policière de l'histoire », a-t-il précisé. Selon lui, « il y a beaucoup de faux mystères » ; « les choses sont toujours beaucoup plus simples qu'on ne le pense ». Régis Debray n'en croit pas moins « que les grandes choses se font en silence et dans le dos des gens » ; « je crois aux très lentes maturations », a-t-il expliqué. Derrière le conspirationnisme, a-t-il observé, « il y a l'idée que les officiels nous mentent et que la vérité est derrière les apparences ». « Il y a l'idée aussi que les grandes choses s'expliquent par de grandes causes très complexes et qu'il faut qu'à à un événement majeur correspondent des préparatifs majeurs. On ne pense pas simplement à l'accident, au hasard, à la coïncidence, au fait que tout est bricolé ici-bas. »

De ce point de vue, précisément, peut-être l'extrême droite n'est-elle pas aussi réactionnaire qu'elle y paraît, tant elle s'avère encline à développer une vision constructiviste de l'histoire... À nos yeux, soit dit en passant, du constructivisme au conspirationisme, il n'y qu'un pas, et encore. Un exemple ? Le souverainisme. Celui-ci procède plus ou moins de la conviction que la construction européenne serait le fruit d'une planification patiemment mise en œuvre. Or, les calculs d'intérêts, toujours opérés dans les capitales, en demeurent le plus puissant moteur, comme en témoignent ses dernières avancées : comment expliquer la mutualisation partielle des dettes souveraines et l'union bancaire, sinon par la panique des gouvernements nationaux confrontés à la crise ? Les souverainistes se complaisent dans des illusions volontaristes. En vérité, personne ne tire vraiment les ficelles de "l'Europe". Tout simplement parce qu'ici comme ailleurs, à l'échelle de l'histoire, ces ficelles n'existent pas. C'est en cela que « tout est bricolé ici-bas ». Chez Friedrich Hayek, on parle d'un « ordre spontané ». Oups ! Régis Debray nous pardonnera-t-il d'avoir associé son nom à celui d'une icône libérale ?

Daech, un modèle pour la France

23 janvier 2015

Petit "coup de gueule" poussé contre l'hystérie politico-médiatique qui semble gagner la justice – et cela aux dépens de la concorde sociale.

Le délit de blasphème « n'est pas dans notre droit » et « ne le sera jamais », a déclaré le Premier ministre Manuel Valls. Ces jours-ci, pourtant, bien des échos médiatiques donnent à croire le contraire. Trois agents municipaux travaillant à Lille ne sont-ils pas attiré les foudres de l'édile, par ailleurs cacique socialiste, après avoir refusé d'assister à la grand messe républicaine organisée dans la foulée des attentats ? Aggravant son cas, l'un d'entre eux aurait même justifié son refus de prendre part à cette minute de silence. Pauvre fou ! En conséquence, peut-être se retrouvera-t-il bientôt derrière les barreaux. Une trentaine d'hérétiques ont déjà été condamnés à de la prison ferme, rapportent nos confrères du Figaro. « Petit détail à ne pas négliger », précisent-ils, toutes ces peines « tiennent compte de faits délictuels annexes ».

Le Syndicat de la magistrature n'en dénonce pas moins des procédures « où l'on a examiné et jugé le contexte, à peine les circonstances des faits, si peu l'homme, poursuivi pour avoir fait l'apologie du terrorisme. Non pas pour avoir organisé une manifestation de soutien aux auteurs des attentats, élaboré et diffusé à grande échelle des argumentaires, pris part à des réseaux, mais pour des vociférations, lancées sous le coup de l'ivresse ou de l'emportement : en fait, des formes tristement actualisées de l'outrage. [...] Comme si la justice pénale, devenue l'exutoire de la condamnation morale, pouvait faire l'économie d'un discernement plus que jamais nécessaire en ces temps troublés. »

Prenant ses distances à l'égard du Menhir, alors que celui-ci venait de verser dans des élucubrations conspirationnistes (dédiabolisation oblige), Wallerand de Saint-Just, trésorier du FN, a expliqué que Jean-Marie Le Pen ne comprenait « pas bien la société française actuelle, très compassionnelle et médiatique ». Peut-être la religiosité ici à l'œuvre procède-t-elle effectivement d'un respect absolu des victimes ? Quoi qu'il en soit, l'Inquisition n'entend pas en rester là. « Loin de tirer les conséquences de ces condamnations aveugles et démesurées, d'interroger leur effet sur ceux qui, ainsi labellisés "terroristes", en retirent surtout la certitude légitime de l'injustice », Christiane Taubira « surenchérit », déplore le Syndicat de la magistrature. « Elle annonce sa volonté de modifier le régime juridique des insultes et de la diffamation, qui pourront également être poursuivies en comparution immédiate dès lors qu'elles comportent un caractère raciste, antisémite ou homophobe. »

Dieudonné, quant à lui, est poursuivi pour avoir déclaré sur Facebook qu'il se sentait « Charlie Coulibaly » – ce qui pourrait constituer, nous dit-on, une apologie du terrorisme. Horrifiée, la marie de Limoges, dirigée par l'UMP Émile-Roger Lombertie a dénoncé le « nouveau dérapage » d'un « pseudo-humoriste devenu totalement incontrôlable » – comme si l'État ne devait accorder des libertés aux individus qu'avec la l'assurance qu'il en maîtriserait l'usage ! « Une société qui, par millions, descend dans la rue proclamer son attachement à la liberté d'expression ne peut, sans se contredire, emprisonner sur l'heure celui qui profère des mots hostiles à la loi qui affirme ses valeurs. », prévient, par ailleurs, le Syndicat de la magistrature. Mais peut-être y a-t-il plus consternant encore. « On meurt pour des idées, des mots et même pour des traits de crayons. Alors on peut aller en prison pour des mots », a déclaré Nathalie Rocci-Planes, procureur de la République, lors d'un procès qui s'est tenu dernièrement à Montpellier. Comment ça, « alors » ? Depuis quand la justice française était-elle censée s'inspirer de l'application la plus violente de la charia ? La République devrait-elle s'ériger en pendant soft de l'État islamique, selon le représentant du ministère public ? Les frères kouachi n'en espéraient pas tant !

Charlie, Dieudonné et les journaleux

22 janvier 2015

« Si je dégomme un journaliste, juif de surcroît, ils rouvrent le procès de Nuremberg », s'est amusé Dieudonné, dénonçant, à sa façon, les réflexes corporatistes observés chez nos confrères.

Beaucoup d'autres ont coutume de s'en indigner, notamment à l'extrême droite, dont une incarnation historique se plaisait pourtant à répéter, dans les années quatre-vingt : « J'aime mieux mes filles que mes cousines, mes cousines que mes voisines, mes voisines que les inconnus. »

Or, qu'est-ce qu'un journaliste pour un autre journaliste ? Un prochain – littéralement. Quelqu'un dont on se sent spontanément plus solidaire que de n'importe qui. Sans doute notre métier n'est-il pas étranger au fait que nous nous soyons nous-même dit "Charlie", et c'est bien normal, le travail étant un puissant vecteur d'enracinement social.

Bien qu'ils prétendent pourfendre l'individualisme, les populistes l'instrumentalisent et l'exacerbent...

Pendant quelque temps, soit dit en passant, le mouvement d'Action française n'avait plus appelé à rendre « la France aux Français », mais « les Français à la France » – heureuse initiative !

Chronique du conspirationnisme ordinaire

16 janvier 2015

Quand la mise en cause des médias réputés manipulateurs atteint les sommets du ridicule.

Hier, mercredi 14 janvier 2015, à l'antenne de Radio Courtoisie, dans son Libre Journal de la résistance française, Gérard Marin a interrogé Joachim Véliocas à propos des manifestations islamophobes organisées en Allemagne sous l'impulsion du mouvement Pegida. Un phénomène que l'« on nous [...] cache soigneusement » selon l'animateur ; « les médias aux ordres ne nous en parlent pas », s'est-il indigné. Son invité n'était pas du même avis : « les médias en parlent quand même pas mal » ; c'est notamment le cas « sur France 24 », lui a-t-il été gentiment rétorqué. « Je parlais des médias quasi-officiels », s'est-il alors justifié. Or, si France 24 n'est pas un média « quasi-officiel », on se demande bien quelle chaîne de télévision – et a fortiori quel journal – pourrait être considéré comme tel...

« Je suis Charlie »

8 janvier 2015

« Ils l'ont bien cherché », me souffle-t-on à l'oreille, à propos de nos collègues assassinés hier dans les bureaux de Charlie Hebdo.

Ignoble réaction !

D'autant plus affligeante qu'elle émane d'un collègue volontiers xénophobe, cultivant une hantise paranoïaque de l'islam : autrement dit, quand on crache quotidiennement à la figure de nos paisibles compatriotes musulmans, on témoigne d'autant moins de respect à l'égard de ceux qui défient leurs coreligionnaires les plus fanatiques au péril de leur vie... Quelle honte ! Comble de la mesquinerie, on écarte toute solidarité au motif que les victimes de l'attentat ne seraient pas de notre bord politique ; et l'on s'inquiète surtout à l'idée que ce drame pourrait profiter à la popularité du président Hollande...

Cela nous a mis en colère. Et encouragé à participer modestement à cet élan d'unité nationale, en publiant sur ce blog la vignette qu'on l'on voit partout sur la Toile. Cela ne mange pas de pain : notre vie à nous n'est pas menacée. Dans le cas contraire, nous serions vraisemblablement resté silencieux. Comme tout le monde, ou presque. Raison de plus pour témoigner d'un minimum de respect à l'égard de ceux qui sont sortis du lot.

Des libertés à portée de clic ?

1 janvier 2015
Article publié dans L'Action Française 2000

En suscitant de nouveaux usages, le numérique contribue à redistribuer les pouvoirs, au risque de léser certains intérêts, non sans provoquer quelque résistance politique.

Le déploiement du numérique « redonne aux citoyens un pouvoir », a remarqué le président François Hollande, dans un discours prononcé début décembre (2014). Pour le meilleur ou pour le pire, aurait-il pu ajouter. Quoique cela soit peut-être une affaire de point de vue. De fait, l'intérêt des taxis s'accorde mal avec celui des chauffeurs occasionnels, dont l'activité s'était développée dernièrement à la faveur du service Uber Pop. Celui-ci sera interdit à partir du 1er janvier 2015, a annoncé le gouvernement, qui menace de lourdes sanctions ceux qui se risqueraient à le maintenir ou à lui proposer un successeur : deux ans de prison et 300 000 euros d'amende.

Pas de TVA entre particuliers

Le message est clair : toutes les opportunités offertes par la Toile ne seront pas tolérées par le pouvoir. Constatant la multiplication des transactions immobilières réalisées directement entre particuliers, deux députés socialistes, Sylviane Bulteau et Jacques Cresta, s'en sont inquiétés auprès du gouvernement : sans doute conviendrait-il de protéger les agences dont l'activité est assujettie à la TVA, avaient-ils plaidé en substance au mois d'octobre. Moult grains de sable pourraient se glisser demain dans les rouages du pouvoir, dans la foulée de l'initiative visant a faire racheter par des citoyens lambda les 49,9 % du capital de l'aéroport de Toulouse-Blagnac cédés par l'État... Finalement, c'est un investisseur chinois qui a empoché la mise. L'essor du "financement participatif" (crowdfunding) n'en continue pas moins de nourrir les projets les plus divers. Inévitablement, l'heure est venue des premières déconvenues : ainsi une PME a-t-elle été placée en redressement judiciaire le 27 novembre dernier, « trois mois à peine après avoir emprunté 75 000 euros », comme le rapporte Alexis Vintray. « Les trois cent vingt-neuf petits investisseurs qui auront prêté à la société Smok-it n'ont même pas le droit d'imputer ces pertes sur les intérêts d'emprunts des autres prêts qu'ils auraient faits », déplore-t-il sur Contrepoints. Selon lui, « ce cadre défavorable risque bien de freiner le crowdfunding, alors que la France affirme vouloir en devenir un leader ».

Quant au Bitcoin, la plus populaire des crypto-monnaies, si son succès se confirmait, il pourrait ébranler le pouvoir des banques, voire la mainmise des États sur les affaires monétaires. De là à envisager un monde émancipé du politique (un peu comme dans le film Elysium, où la cité est administrée par un programme informatique...), il reste un pas que nous nous garderons de franchir : bien que le numérique rebatte les cartes, il est loin de l'avoir rendu caduc. En témoigne ces révélations de Bloomberg, selon lesquelles l'explosion survenue en 2008 dans un oléoduc turc aurait été le fait d'une cyberagression, vraisemblablement perpétrée à la demande de Moscou. « L'opération est déclenchée le 5 août 2008, deux jours avant la guerre contre la Géorgie », souligne Olivier Kempf, animateur du blog Egea. « En coupant le réseau de distribution de pétrole (et donc une ressource économique cruciale), il s'agissait d'affaiblir l'ennemi géorgien. » À côté des Russes, les pirates nord-coréens soupçonnés de chercher des noises à Sony Pictures font bien pâle figure ! 

Soft power : le droit à l'export

17 décembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

La première réunion d'un "comité de pilotage sur la stratégie d'influence par le droit" s'est tenue le 3 décembre 2014.

Avocats, notaires, experts comptables et autres juristes seront bientôt conviés à s'y associer, a annoncé le Quai d'Orsay. Dans un avis adopté en septembre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait appelé à mieux coordonner les acteurs concernés. Selon son rapporteur, David Gordon-Krief, « l'enjeu pour la France est de mettre en avant les atouts de l'adoption de notre système de droit continental sur différents segments » : partenariats publics-privés, propriété, protection des données personnelles... À cet égard, précise-t-il, « le CESE juge essentiel d'accorder une meilleure place à l'assistance juridique dans les programmes d'aides au développement ». À titre d'exemple, déplore-t-il, « le nombre d'experts juridiques français mobilisés au plan international est passé de 2 463 en 2001 à 574 en 2014 ».

Paradoxe français

Schématiquement, explique-t-il, « la jurisprudence est la source naturelle du droit dans les systèmes issus de la Common Law [...], alors qu'elle est, du moins d'un point de vue conceptuel, une source "secondaire" du système continental ». Sécurité, fiabilité et prévisibilité caractériseraient le droit continental. Cela étant, bien qu'il s'inscrive dans cette tradition, le droit français ne serait « pas exempt de défauts », au point qu'il serait « devenu moins stable que celui des pays de la Common Law » – un paradoxe. La compétitivité de l'économie nationale s'en trouve dégradée, à l'heure où « certains justiciables, singulièrement les firmes multinationales, sont [...] en situation de choisir le régime juridique qui gouvernera leur activité ».

En outre, soutient le CESE, « au travers de la diffusion d'éléments de son corpus juridique, la France porte un certain nombre de valeurs et au-delà une certaine vision du monde et de la globalisation ». De fait, le "colbertisme" et ses velléités régulatrices s'accommodent mieux du droit continental. Mais si les libéraux s'en méfient, tous ne le condamnent pas : « un droit codifié ne favorise pas nécessairement l'intervention de l'État&;nsbp», écrit ainsi Philippe Fabry sur Contrepoints ; selon lui, « dans la France d'Ancien Régime, ce fut même le contraire ».

Travail dominical : pour en finir avec les inepties

10 décembre 2014

Entre autres dispositions, le projet de loi « pour la croissance et l'activité », présenté aujourd'hui, mercredi 10 décembre 2014, en conseil des ministres, prévoit d'assouplir les règles restreignant le travail dominical. Au grand dam des conservateurs, dont tous les arguments ne sont pas recevables – c'est le moins que l'on puisse dire !

Pourquoi nos compatriotes désargentés se risqueraient-ils à faire le dimanche des achats qu'ils ne pourraient pas s'autoriser les autres jours, se demandent-ils naïvement. Esquissons un raisonnement par l'absurde : si cette question était pertinente, les distributeurs n'auraient-ils pas intérêt à ce que leurs magasins soient ouverts chaque semaine non pas un jour de plus, mais un jour de moins ? À chiffre d'affaires équivalent, cela réduirait leurs frais, au bénéfice de leurs marges ! Manifestement, telle n'est pas leur revendication. Pourquoi n'en est-il pas ainsi ? Tout simplement parce que l'économie n'est pas un jeu à somme nulle.

Les travailleurs du dimanche bénéficient d'une rémunération inévitablement réinjectée dans le circuit économique, que ce soit par la consommation ou l'épargne. Et si leur employeur consent à les rétribuer, c'est, précisément, parce qu'ils participent à une "création de richesse" – en l'occurrence, la mise à disposition de produits ou services. De quoi susciter une hypothétique inflation, mais aussi ouvrir la voie à de nouvelles stratégies de consommation : certains ménages optimiseront leurs achats, feront des économies ici pour dépenser davantage ailleurs...

Cela au détriment de leur vie familiale ? Peut-être, mais pas forcément. À vrai dire, l'inverse est tout à fait envisageable : les heures de travail étant réparties sur une plage élargie, il n'est pas impossible que la prise en compte des attentes des uns et des autres s'en trouve facilitée. Concrètement, peut-être deux conjoints auront-ils d'autant plus de chances de bénéficier d'un jour de repos commun, quand l'un d'entre eux travaille déjà dans la restauration, par exemple (nous l'avons observé dans notre entourage) ; et peut-être une mère de famille abandonnera-t-elle volontiers ses enfants quelques heures chaque week-end, si cela lui permet de les embrasser chaque soir avant qu'ils ne s'endorment, ou, mieux encore, d'aller les chercher tous les jours à la l'école...

Il y a comme un déni du réel dans l'affirmation que le travail dominical saperait nécessairement la vie des familles. Ainsi qu'une certaine forme d'intolérance, les uns voulant imposer aux autres le partage de leurs propres habitudes. Mais peut-être effleure-t-on ici le principal enjeu du débat : y aurait-il un quelconque intérêt à ce que non pas tous les membres d'une même famille, mais la plupart des citoyens d'une nation tout entière, partagent un jour de repos commun ? Nous serions curieux d'entendre les arguments avancés en faveur de cette thèse, sans cacher que notre attachement croissant aux libertés rend leur sacrifice de plus en plus difficilement justifiable à nos yeux.

NB – Un argumentaire à lire en faveur du travail dominical – fût-ce pour le récuser intelligemment, ce qui ne nous a pas encore été donné à voir (mais peut-être n'avons-nous pas suffisamment cherché, trompé par les "mauvais amis" du repos dominical).

Quand Marine Le Pen se prend pour Jack Bauer

10 décembre 2014

Selon la présidente du FN, la police devrait prendre exemple sur les héros des séries télévisées américaines. Cela promet...

L'affaire a déjà fait grand bruit. L'usage de la torture est-il « excusable » dans certaines circonstances ? Interrogée ce matin, mercredi 10 décembre 2014, par Jean-Jacques Bourdin, sur le plateau de BFM TV, Marine Le Pen a répondu sans ambiguïté : « il peut y avoir des cas », a-t-elle déclaré, « quand une bombe – tic, tac ; tic, tac ; tic, tac – doit exploser dans une heure ou dans deux heures, et accessoirement peut faire deux cents ou trois cents victimes civiles, où il est utile de faire parler la personne pour savoir où est la bombe », et cela « avec les moyens qu'on peut » – autrement dit, sous la torture si nécessaire.

Ce faisant, Marine Le Pen ne se contente pas de transgresse un tabou éthique. De sa part, d'ailleurs, cela n'est qu'à moitié surprenant : ne marche-t-elle pas dans les pas de son père ? D'un point de vue politique, peut-être y a-t-il plus grave. En effet, le scénario invoqué par la présidente du FN s'inspire directement des fictions produites outre-Atlantiques, à commencer par 24 heures chrono, dont le héros damné est appelé à mettre la morale au placard pour déjouer un attentat imminent. C'est un comble : Marine Le Pen a beau relayer servilement la propagande de Moscou, son esprit n'en est pas moins perverti par le soft power américain !

Or, tout cela, c'est à la télévision. Dans la "vraie vie", nous doutons qu'aucun agent de la DGSI n'ait jamais été confronté à pareil scénario. Et si certains l'avaient été, sans doute ne se seraient-ils pas mépris quant à la portée de leur action : couper les doigts d'un suspect contribuerait sans doute à le faire parler, mais vraisemblablement pour lui faire dire n'importe quoi.

En vérité, Jack Bauer n'existe pas, et c'est tant mieux comme ça. On s'étonnera néanmoins qu'un personnage prétendant présider aux destinées de l'État puisse s'imaginer le contraire. Selon son père, Marine Le Pen serait pourtant « du gabarit de Mme Merkel ou de Mme Thatcher ». Au moins le Menhir n-a-t-il pas perdu son humour.

Mise à jour – Un collaborateur du Huffington Post a publié un billet du même genre que le nôtre. Nous avions pourtant vérifié que rien n'avait été fait avant de poster !