16 février 2017
Article publié dans L'Action Française 2000
La présentation d'une nouvelle Alpine est imminente. Pour Renault, il s'agit de renouer avec une tradition en sommeil depuis une vingtaine d'années.
L'attente aura été longue : le mois prochain (en mars 2017), à l'occasion du salon de Genève, sera enfin dévoilée la nouvelle Alpine ; plus d'un quart de siècle se sera écoulé depuis la présentation, en mars 1991, au même endroit, de l'A610, ultime héritière d'une dynastie fondée en 1955. Pour peu qu'ils soient chauvins, cela ne manquera pas de réjouir les amateurs de conduite, sinon de pilotage. « À quoi sert la course automobile ?
», avait jadis demandé le général de Gaulle. « À faire gagner la France !
», lui avait répondu Jean Rédélé, fondateur d'Alpine.
Montée en gamme
C'est d'abord sur la route que cette nouvelle voiture se frottera à ses rivales. Moins bourgeoise qu'une Porsche Cayman, elle s'annonce toutefois plus confortable qu'une Lotus Élise. À travers elle, Renault prétend investir le segment du « sport premium
». Sans doute les ventes seront-elles modestes, quoique les quelque deux mille premiers exemplaires ouverts à la réservation aient déjà trouvé preneur. En tout cas, c'est un petit pas vers la montée en gamme du Losange. De toute façon, comme l'expliquait dernièrement Carlos Tavares, ancien directeur général de Renault, aujourd'hui à la tête de PSA, « la course au volume est une dimension d'un autre âge
» (Les Échos) – la priorité étant désormais donnée à l'accroissement des marges.
Reniant l'aspect spartiate de la célèbre A110, ce nouveau modèle se rapprochera davantage, dans sa philosophie, de l'A310 appelée à lui succéder en 1971. Mais pas dans son design ! Se raccrochant aux épisodes les plus glorieux de son histoire, Alpine inscrit son renouveau dans l'héritage quasi-exclusif de la berlinette disparue en 1977. D'un point de vue technique, cependant, sa lointaine descendante s'en distingue à bien des égards. Son moteur ne sera plus disposé en porte-à-faux arrière, mais en position centrale, juste derrière les sièges. De plus, « elle va disposer d'un châssis en aluminium qui est la marque de fabrique de Lotus et non d'Alpine
», s'indigne Jacques Cheinisse, numéro 2 historique de la marque, dans un entretien au site Motor 1. Cela étant, toute tradition n'est-elle pas nécessairement critique ?
Soucieux de renouer avec elle, Renault enracine à Dieppe, siège historique de la marque, la production de la nouvelle Alpine. C'est un choix rationnel dans une optique strictement économique, cette usine étant spécialisée dans les productions de niche et tout particulièrement dans celle des voitures de sport. Mais c'est aussi un atout marketing, les clients potentiels exigeant aujourd'hui, plus ou moins consciemment, des gages d'authenticité. En revanche, le retour du "A fléché" en compétition apparaît, quant à lui, très artificiel : si les victoires sont engrangées sur les circuits des European Le Mans Series, elles le sont en fait par un constructeur tiers (Signatech) dont les voitures ont simplement été repeintes aux couleurs d'Alpine.
Noblesse mécanique
Le public sera-t-il dupe ? On verra bien. Mais peut-être Renault aura-t-il tiré quelque leçon de ses erreurs, parfois récentes. En 2010, il avait tenté une relance bien hasardeuse de Gordini, un nom prestigieux lui aussi, ravalé au rang de simple finition. Par ailleurs, ses modèles sportifs ont souvent pâti d'un manque de noblesse mécanique. Sur ce point, les circonstances jouent en sa faveur : sous les capots des Porsche et autres BMW, par exemple, afin de réduire les consommations, les moteurs quatre cylindres sont désormais légion, si bien que l'Alpine n'aura pas à rougir de la comparaison. Si les acheteurs sont conquis, il sera tentant de transformer l'essai afin d'en récolter des dividendes via la production d'une modèle plus largement diffusé (on parle déjà d'un SUV). Au risque de rompre les fils reliant Alpine à son passé, lesquels sont pourtant la clef du succès escompté.
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8 février 2017
La monnaie unique constitue « un élément de puissance
» selon Christian de Boissieu.
À l'origine de l'Union économique et monétaire, le traité de Maastricht a été signé il y a vingt-cinq ans, le 7 février 1992. À l'occasion de cet anniversaire, une émission des Décodeurs de l'éco vient d'être consacrée à l'euro sur BFM Business.
Un commentaire de Christian de Boissieu a plus particulièrement retenu notre attention : « dans les vingt ans qu ont précédé l'arrivée de l'euro
», a-t-il rappelé au micro de Fabrice Lundy, « nous avions le Système monétaire européen
». Or, s'est-il demandé, « que voulait dire la souveraineté monétaire nationale dans un contexte où le Deutsche Mark était de fait la monnaie principale de l'Europe
» ?
Christian de Boissieu « distingue la souveraineté réelle et l'illusion de la souveraineté
». Selon lui, « le passage à l'euro nous a redonné de la souveraineté en ce sens que la France est autour de la table à travers le gouverneur de la banque centrale
» – tandis qu'auparavant nous subissions « la politique monétaire allemande comme la principale externalité de notre politique économique
».
Autrement dit, de son point de vue, « l'euro est un élément de puissance ». À méditer !
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5 février 2017
Article publié dans L'Action Française 2000
La ratification de l'accord de cogestion conclu entre Paris et Port-Louis est encore une fois reportée. Cependant, cela ne saurait garantir le respect de la souveraineté française outre-mer.
L'île Tromelin, située dans l'océan Indien, s'étend sur une petit kilomètre carré. Mais l'espace maritime qui lui est associé recouvre 280 000 kilomètres carrés – « une surface équivalente aux eaux métropolitaines sous juridiction française
», souligne Gilbert Le Bris, député du Finistère, dans un entretien accordé au Fauteuil de Colbert. Cela traduit, à ses yeux, toute l'importance de ce territoire rattaché aux Terres australes et antarctiques françaises. Le mois dernier, il a orchestré la fronde faisant échec, une nouvelle fois, à la ratification d'un accord en application duquel la France et l'île Maurice en assureraient la cogestion.
Délicate police des pêches
Le Front national tout comme le Medef – entre autres – se sont réjouis de la reculade du Gouvernement. Mais qu'en est-il de Port-Louis ? Étonnamment, alors que ce traité a été signé en juin 2010, il n'en aurait toujours pas lancé la ratification, selon notre confrère Fabien Piliu, collaborateur de La Tribune. Cependant, il n'est pas indifférent au sort de Tromelin. Bien au contraire : il en revendique la souveraineté et prétend même octroyer des permis de pêche à ce titre. De fait, « le contrôle de cette zone a déjà fait l'objet de plusieurs frictions entre la France et la République de Maurice
», comme le rapporte dans Les Échos notre consœur Justine Babin ; « notamment en 2004 lorsque deux navires de pêche japonais y furent arraisonnés après que les autorités françaises avaient découvert qu'ils disposaient de permis de pêches accordés par l'île Maurice
».
Il semblerait toutefois que Paris peine à se faire respecter. Selon Fabien Piliu, « les recours contre les thoniers étant longs, coûteux et administrativement compliqués, ils ne sont que rarement punis
» ; c'est pourquoi, poursuit-il, « une cogestion de ces ressources avec la France pourrait permettre de résoudre ce problème de pillage
[…] sans perdre la main sur les ressources potentielles en pétrole et en gaz
». Autrement dit, à travers cet accord, peut-être Paris espère-t-il sauvegarder une souveraineté en passe de devenir fantoche… Au passage, notre confrère rappelle qu'« un accord autorise déjà les Mexicains à pêcher une certaine quantité de poissons dans la ZEE de Clipperton
».
Quoi qu'il en soit, prévient Gilbert Le Bris, « les gouvernements mauriciens affirment constamment que le traité de cogestion sur Tromelin
[…] n'est qu'une première étape dans l'optique mauricienne de recouvrer une souveraineté pleine et entière sur Tromelin
». En 2015, à la tribune des Nations unies, Sir Anerood Jugnauth, Premier ministre mauricien, s'était dit optimiste : « nous savons pouvoir compter sur la noblesse de la France et ses idéaux de justice et de fraternité pour que la République de Maurice puisse exercer sa souveraineté effective sur Tromelin
», avait-il déclaré. Un simple effet de manche ?
La France manque de navires
Saluant le "sursis" accordé à Tromelin, Gilbert Le Bris et ses collègues frondeurs ont encouragé la France « à éventuellement engager des négociations avec la République de Maurice pour établir un nouvel accord plus respectueux de la pleine souveraineté française
». À quoi bon ? Port-Louis campera vraisemblablement sur ses positions. Quant à Paris, il se fourvoierait en se réfugiant dans une approche strictement juridique. En effet qu'est-ce que la souveraineté sans la puissance ? « Hormis une station météorologique et une piste sommaire d'aviation, le passage régulier d'un patrouilleur de la Marine nationale, un territoire comme Tromelin est tout sauf une charge financière pour la collectivité nationale
», martèle Gilbert Le Bris. Il faudra bien consentir quelque effort pour protéger l'Outre-mer. « De l'avis de tous ceux qui s'intéressent de près aux affaires maritimes, le renouvellement des patrouilleurs et autres avisos
[…] est plus qu'urgent
», constate Laurent Lagneau, animateur du blog Zone militaire. « Cela revêt pour moi une grande importance
», a déclaré à ce sujet l'amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la Marine nationale ; « ce qui est laissé vide sera pillé
», a-t-il souligné devant une commission du Sénat. Au moins sommes-nous prévenus.
NB – Dans le différend opposant Paris et Port-louis quant à la souveraineté qu'ils revendiquent chacun sur l'île Tromelin, il semblerait que Moscou ait pris parti en faveur du second. « Il est fort logique que la Russie attaquée juridiquement sur ce qui s'est passé en Crimée prenne la peine de soulever à nouveau les contestations touchant la souveraineté française sur certaines de ses possessions
», commente Gilbert Le Bris, dans son entretien au Fauteuil de Colbert. Quelle est exactement la position de Moscou ? Sollicitée à ce sujet, l'ambassade de Russie à Paris ne nous a pas répondu. Affaire à suivre.
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14 décembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Critiqué, avant même sa sortie, par les partisans les plus virulents de Donald Trump, Rogue One – A Star Wars Story semble inspiré par les études de genre et l'apologie de la "diversité".
Alors que Dark Vador vient de faire son retour au cinéma, son ombre plane sur la vie politique américaine. Son nom se trouve régulièrement associé à celui de Donald Trump. Un conseiller du président élu, Steve Bannon, s'est lui-même placé sous son patronage, selon des propos, au demeurant confus, rapportés par le Hollywood Reporter (18 novembre 2016). Cela n'a pas échappé à Christopher Suprundec, grand électeur républicain, qui s'en est offusqué dans le New York Times (5 décembre), tout en annonçant qu'en dépit des usages, il n'accorderait pas sa voix à Donald Trump. C'était quelques jours avant la sortie de Rogue One, le nouveau Star Wars, ce mercredi 14 décembre 2016 en France. « Je n'emmènerai pas mes enfants le voir pour célébrer le mal, mais pour leur montrer que la lumière peut en triompher
», a-t-il expliqué. Chris Weitz, coscénariste du film, s'est risqué lui aussi à galvaniser la résistance au trublion républicain. Sur Twitter, le 11 novembre, détournant le logo de l'Alliance rebelle, il lui a associé le slogan suivant : « La Guerre des étoiles contre la haine
». À ses yeux, « l'Empire est une organisation de suprématistes blancs ». À laquelle s'oppose, selon son collègue Gary Whitta, « un groupe multiculturel mené par une femme courageuse
» – les héros de Rogue One. Les partisans les plus virulents de Donald Trump, affiliés au mouvement Alt-Right, ne s'y sont pas trompés : ils appellent au boycott du film. Aussi Bob Iger, P-DG de la Walt Disney Company, propriétaire de Lucasfilm, a-t-il tenté d'éteindre l'incendie : « en aucune façon, il ne s'agit d'un film politique
», a-t-il déclaré à nos confrères du Hollywood Reporter (12 décembre).
Revendications féministes
Kathleen Kennedy, productrice, présidente de Lucasfilm, n'en revendique pas moins un certain engagement. Tout particulièrement vis-à-vis des femmes : « j'espère que nous avons une influence sur la façon dont elles sont vues tant dans les divertissements que dans l'industrie hollywoodienne
», a-t-elle déclaré, comme le rapporte 20 Minutes (5 décembre). Les études de genre semblent avoir influencé l'écriture du rôle principal de Rogue One. Celui-ci n'aurait pas été conçu pour un homme ou pour une femme, au dire du réalisateur, Gareth Edwards ; « Jyn est une personne qui se trouve être une fille
», a-t-il expliqué dans un entretien à Vulture (9 décembre). Échafaudant les théories les plus fantaisistes, certains fans s'imaginent d'ailleurs que Rey, l'héroïne du Réveil de la Force (un autre épisode de la saga), serait la réincarnation d'Anakin Skywalker… Quoi qu'il en soit, comme l'explique l'actrice Felicity Jones, il n'était pas question de « sexualiser
» le personnage qu'elle incarne. Autrement dit, le bikini de la princesse Leia reste au placard. « On ne voit même pas les bras de Jyn
», a-t-elle souligné dans un entretien à Glamour (29 novembre). Faisant la promotion du film, elle n'en a pas moins mis en scène sa féminité sur un plateau de télévision, retirant ses chaussures à talons hauts tandis qu'elle mimait un combat l'opposant à l'animateur Jimmy Fallon (The Tonight Show, NBC, 30 novembre).
Bons sentiments intéressés
Son personnage est le chef de file d'une équipe bigarrée. Diego Luna, un Mexicain, interprète du capitaine Cassian Andor, y voit « un beau message pour le monde dans lequel nous vivons
», comme le rapporte Polygon (2 décembre). « La diversité nous enrichit et nous rend plus forts
», a-t-il expliqué à The Wrap (5 décembre). Ce discours convenu, plein de bons sentiments, n'exclut par quelque considération plus terre-à-terre. « Nous vivons dans un monde de cinéma globalisé
», a souligné Donnie Yen, un Chinois, interprète de Chirrut Îmwe, dans un entretien à Première (12 décembre). Dans les bandes-annonces destinées à l'Empire du Milieu, son personnage est d'ailleurs plus particulièrement mis en avant. Évoquant sur Écran large (12 décembre) « le "multicultularisme" du casting
», Jacques-Henry Poucave soutient qu'il est « bien plus motivé par la nécessité pour le film de cartonner partout dans le monde que par la volonté d'attaquer les pauvres petits caucasiens
». Comme l'écrivait Charles Maurras, dans un tout autre contexte, « les idées
[…] sont toujours le masque des intérêts
» (L'Action Française, 8 novembre 1937).
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7 décembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Quelques citations de Charles Maurras, apôtre de la Realpolitik.
La justice internationale s'incarne aujourd'hui dans l'Organisation des Nations unies, la Cour pénale internationale, la Cour européenne des droits de l'homme… Autant d'institutions s'inscrivant à bien des égards dans la continuité de la Société des nations (SDN), établie en 1920 en application du traité de Versailles.
La SDN vue par l'AF
Sa création fut accueillie avec circonspection par l'Action française. « Nous n'avons jamais rien auguré d'excellent de la Société des nations
», rappelait Charles Maurras dans L'Action Française du 12 décembre 1937. « Elle pouvait avoir, néanmoins, certains avantages
», concédait-il. De son point de vue, « la Société des nations avait un sens tant qu'elle exprimait l'assemblée des nations victorieuses
» de la Grande Guerre. Or l'Allemagne y fut admise en 1926, au grand dam du Martégal : « du moment que l'assassin venait trôner au milieu de ses juges
», déplorait-il, « sa volonté de ne rien expier et d'échapper à toute vindicte, s'étalait, s'affichait en long et en large, et littéralement s'imposait
».
Les intérêts gouvernent
De fait la SDN, s'avérait bien impuissante à faire régner sa loi : dans L'Action Française du 19 avril 1935, Charles Maurras parlait d'« un fouet tout théorique, idéal et moral
» administré aux Allemands. Lesquels s'en plaignaient certes, mais sans vraiment en souffrir selon lui. Il se méfiait de l'invocation de la morale, du droit et plus généralement des idées sur la scène internationale : « les idées y sont toujours le masque des intérêts
», écrivait-il dans L'AF du 8 novembre 1937. « La politique étrangère est réglée par de grands intérêts, souvent d'ailleurs assez mobiles ou variables
», expliquait-il encore dans dans le numéro du 20 juillet 1943.
En pratique, de toute façon, le droit international ne s'applique que si les rapports de force lui laissent le champ libre. Les Philippines viennent d'en faire l'expérience l'été dernier, à l'occasion d'un différend territorial les opposant à la Chine : bien qu'un tribunal international ait tranché en faveur de Manille, Pékin n'en a cure.
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2 novembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Considérations sur l'extraterritorialité de la législation américaine.
Le nouveau locataire de la Maison-Blanche sera désigné mardi prochain, 8 novembre 2016. Quelle que soit l'issue de cette élection, le Vieux-Continent continuera-t-il de subir la volonté de Washington ? Il apparaît « nécessaire de faire valoir auprès des États-Unis que certaines pratiques sont devenues abusives et que la France ne les acceptera plus
», martèle une mission parlementaire présidée par Pierre Lellouche.
Américain par accident
En cause : « l'extraterritorialité de la législation américaine
». BNP-Paribas en a fait les frais voilà deux ans, pour avoir violé des embargos financiers décrétés outre-Atlantique contre Cuba, l'Iran ou le Soudan. Alors qu'Alstom était poursuivi pour corruption, peut-être cette procédure a-t-elle contribué au rachat de sa branche énergie par General Electric. Quant aux Français nés aux États-Unis, américains par accident, l'oncle Sam leur fait les poches ; afin d'échapper à un impôt ubuesque, ils peuvent certes renoncer à la nationalité américaine, mais encore faut-il y mettre le prix : « potentiellement 15 000, voire 20 000 euros
», selon Karine Berger, rapporteur.
La fronde du Congrès
Ces exemples sont-ils la traduction d'un impérialisme délibéré ? Comme l'observent les députés, « les États-Unis ont une "politique juridique extérieure", ce qui n'est sans doute pas le cas de la plupart des autres États
». Ils n'en sont pas moins fragilisés par leurs faiblesses institutionnelles : ainsi que le rapporte la mission d'information, « l'un des meilleurs moyens pour le Congrès de bloquer la politique étrangère de l'exécutif
[...] est d'adopter des lois qui, par leur portée extraterritoriale, sont de nature à empêcher cette politique d'atteindre ses objectifs
» – comme avec l'accord de juillet 2015 sur le nucléaire iranien. Au printemps dernier, Jack Lew, secrétaire au Trésor, s'est lui-même inquiété de ces dérives : « toutes les critiques habituelles en Europe sont présentes dans la bouche du ministre américain
», soulignent les parlementaires : « les risques diplomatiques et économiques, l'agacement qui touche même les proches alliés, le risque de remise en cause du rôle du dollar
».
Les autorités américaines « sont prêtes à la coopération internationale si leurs interlocuteurs répriment efficacement et sévèrement la corruption
», croient savoir les députés. Il est vrai que « d'après les statistiques de l'OCDE sur la répression de la corruption transnationale, la justice américaine est indéniablement beaucoup plus "activiste" que celles de la plupart des pays européens
». La France semble décidée à changer la donne, comme en témoigne le projet de loi « relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
». Il est question, notamment, d'introduire en droit français un mécanisme de transaction pénale. D'ores et déjà, la collaboration transatlantique se trouve facilitée par le parquet national financier, créé en 2014. Mais quand elles répondent aux sollicitations de la justice américaine, les entreprises françaises sont censées le faire sous le contrôle des autorités nationales, en application de la loi du 26 juillet 1968 (dite « loi de blocage
»).
Culture du renseignement
De toute façon, « la mission considère que la seule coopération ne permettra pas de résoudre les problèmes apparus depuis quelques années
». Autrement dit, « un rapport de force doit être instauré
». Ses membres jugent « nécessaire que notre pays dispose en matière de renseignement économique d'outils permettant, sinon d'être "à armes égales" avec les services américains
[...], du moins d'être plus crédibl
e ». Or, rapporté au PIB, l'effort de renseignement français serait sept fois moindre que l'effort américain. « Au-delà même de la question de la très grande disparité des moyens
[...], les travaux de la mission ont mis en lumière une différence de culture considérable, pour le moment, entre les États-Unis et notre pays
», concluent les parlementaires. Il pourrait même « falloir dix ou quinze ans pour parvenir en France au même degré de collaboration et de partage de l'information économique entre services (notamment de renseignement et des grandes administrations économiques et financières) qu'aux États-Unis
». Vaste chantier en perspective.
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2 novembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Demain, les voitures seront autonomes, pilotées par des algorithmes et leur intelligence artificielle. Cette perspective soulève bien des questions.
Dans les embouteillages ou sur autoroute, le conducteur d'une voiture à la pointe de la technologie (ou du marketing...) peut désormais lâcher le volant. Mais c'est de façon plus discrète, sinon sournoise, que des algorithmes prennent d'ores et déjà les commandes. Comme à bord de la BMW 330e iPerformance, une berline équipée d'un moteur hybride : « la voiture gère
[...] la réponse des deux moteurs en fonction du trafic et du profil de la route
», rapporte notre confrère Romain Heuillard ; « elle utilisera ainsi le moteur électrique en montée avant une descente dans laquelle elle pourra profiter de la récupération d'énergie
», explique-t-il sur Clubic (25 mars 2016).
Objectif 2025
Ce n'est qu'un début. « La révolution va venir par étapes
», annonce Carlos Ghosn, président de Renault, dans un entretien au Figaro (6 octobre). « Concernant la voiture sans chauffeur
», précise-t-il, « elle n'arrivera probablement pas avant 2025
». De toute façon, souligne-t-il, « pour que le régulateur franchisse le pas et autorise ces véhicules, il faudra que toutes les conditions soient réunies, notamment en matière de responsabilité
». C'est un défi lancé aux juristes. Voire aux philosophes : en cas d'accident jugé inéluctable, qui faudra-t-il protéger en priorité ? « Clarifier ces questions de droit et d'éthique à long terme demandera un grand débat international
», prévient Mercedes, dans un communiqué cité par Numerama (18 octobre) ; selon la marque à l'Étoile, ce serait « le seul moyen de parvenir à un consensus global et de promouvoir l'acceptation des résultats
».
Les constructeurs automobiles travaillent donc à concrétiser la promesse de la voiture autonome. Tout comme les spécialistes du numérique. Ceux-ci finiront-ils par supplanter ceux-là dans le contrôle de leur propre industrie ? Dans l'immédiat, Apple ayant renoncé à construire sa propre voiture, les uns et les autres semblent enclins à poursuivre leurs recherches main dans la main : Renault et Nissan ont annoncé en septembre dernier un partenariat avec Microsoft sur la voiture connectée, prélude à la voiture autonome ; quant à Fiat et Chrysler, par exemple, ils collaborent timidement avec Google. L'économie hexagonale tirera-t-elle quelque bénéfice ce cette révolution ? Nos confrères d'Industrie et Technologies ont recensé par moins de « vingt technologies made in France qui permettent de lâcher le volant
».
Faire comme un homme
Beaucoup d'investissements ont été consacrés au développement des capteurs. Mais « la conduite requiert des capacités cognitives
[...] de haut niveau, exigeant en outre un apprentissage
», comme l'explique Denis Gingras, professeur à l'université de Sherbrooke au Québec, cité par le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA, 4 octobre). « Aujourd'hui, les algorithmes vérifient qu'ils ne rencontrent pas d'obstacles prédéfinis : pas de piéton, pas de camion, pas de moto, pas de mur, etc.
», souligne Jen-Hsun Huang, directeur général de Nvidia, cité par L'Usine digitale (28 septembre) ; « mais quand on conduit
», poursuit-il, « on n'énumère pas de liste de ce genre, on voit juste que la route est libre
». Voilà précisément ce à quoi devront parvenir les intelligences artificielles.
Celles-ci éviteront probablement des accidents aux automobilistes. Mais peut-être les placeront-elles également sous surveillance. Ainsi Tesla a-t-il annoncé que ses voitures autonomes seraient soumises à des conditions d'utilisation : « pas question pour les taxis d'imaginer revendre leur licence pour devenir propriétaire d'une voiture autonome lucrative, qui irait chercher et déposer toute seule les clients
», résume Guillaume Champeau sur Numerama (21 octobre). Ce faisant, le constructeur de Palo Alto entend privilégier sa propre plate-forme de covoiturage, faisant concurrence à Uber. Ses clients seront-ils prêts à le tolérer ? C'est possible : parmi les acheteurs de livres numériques, par exemple, beaucoup demeurent fidèles à Amazon en dépit des contraintes que celui-ci leur impose. Quoi qu'il en soit, « le véhicule autonome va bouleverser l'industrie automobile dans son business model
», prévient François Jaumain, associé spécialiste des transports chez PWC, cité par le CCFA (27 octobre) ; « le volume des ventes comme indicateur de performance va laisser sa place, peu à peu, aux kilomètres parcourus
», annonce-t-il notamment.
Libérer le code source
Peut-être une garantie de transparence dissiperait-elle un certain nombre d'inquiétudes suscitées par l'émergence de la voiture autonome. Dans l'idéal, les intelligences artificielles appelées à la piloter ne devraient-elles pas constituer un "bien commun" ? Au moins devront-elles s'accorder sur un langage commun : conscients de cette nécessiter, Ford et Jaguar-Land Rover travaillent déjà à faire communiquer leurs véhicules. Udacity, une entreprise californienne, cultive une tout autre ambition : voilà qu'après avoir développé un logiciel de conduite autonome, elle va le diffuser en "open source", comme le rapporte Industrie et Technologies (27 octobre). Un exemple à suivre !
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19 octobre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Faciliter l'accès à la contraception et à l'avortement dans le monde :
tel est l'objectif de la France, qui a présenté une stratégie à cet effet.
L'action extérieure de la France « sur les enjeux de population,
de droits et santé sexuels et reproductifs
» fait l'objet d'une
« stratégie
» pour 2016-2020 qui vient d'être présentée
le 4 octobre 2016. « Aujourd'hui encore
», déplorent
Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères et du Développement
international, et André Vallini, secrétaire d'État chargé du Développement
et de la Francophonie, « plus de trois cent mille femmes dans le
monde meurent chaque année de complications liées à la grossesse ou à
l'accouchement
» ; ce serait même la première cause de
mortalité des adolescentes en Afrique. « Il ne s'agit pas
seulement de donner accès à des services de planification familiale ou à
des produits contraceptifs
», expliquent-ils, « mais de
soutenir des politiques de développement fondées sur les droits
individuels, à travers l'amélioration de la législation et des
politiques familiales et l'évolution des normes sociales
».
Priorité donnée à l'Afrique
Huit pays retiennent plus particulièrement l'attention du Quai
d'Orsay : Bénin, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal, Tchad
et Togo. En 2014, dans un cadre bilatéral, 55 millions d'euros ont
été consacrés à la « santé sexuelle et reproductive
».
Les sommes transitant via des canaux multilatéraux sont plus
importantes : 330 millions d'euros cette année-là. Le ministère
des Affaires étrangères (MAE) rapporte, par exemple, que « la
France finance des projets au Cameroun, au Sénégal et au Togo qui visent
à lutter contre les violences liées au genre en milieu scolaire
» ;
« ces projets contribuent au déploiement d'environnements
scolaires sûrs, inclusifs et propices à l'égalité entre les filles et
les garçons
», se félicite-t-il, sans autre précision.
Long d'une trentaine de pages, son « rapport de stratégie
»
s'avère tout aussi indigent quant à l'exposé des motifs susceptibles de
légitimer pareille politique. S'agit-il de promouvoir des valeurs ?
Le Gouvernement hésite à l'assumer, récusant toute volonté d'« ingérence
» ;
« garantir des droits sexuels et reproductifs
[...] c'est
sauver des vies
», se justifie-t-il. S'agit-il plutôt de
contribuer au développement de l'Afrique ? « La pression
démographique qui pèse sur les secteurs sociaux (éducation, emploi,
santé) et sur la gestion du foncier (géographie et dynamique du marché
agricole) est un facteur d'instabilité (conflits sociaux, migrations
internes, insécurité alimentaire) et fragilise la gouvernance des États
»,
souligne effectivement le MAE.
Enjeux démographiques
« La croissance démographique
[...] est bien sûr une
promesse pour l'avenir, mais aussi un facteur de risque pour la
stabilité du continent où la prévalence des grossesses adolescentes est
la plus importante du monde
», expliquent encore Jean-Marc
Ayrault et André Vallini. Cela étant, « plus aucune politique de
population ne peut freiner ce qui se passe en Afrique
»,
prévient Dominique Kerouedan, docteur en médecine, titulaire de la chaire
"Savoirs contre pauvreté" du Collège de France en 2012-2013. De son point
de vue, « l'enjeu est plutôt de se préparer et accompagner les
pays à assimiler le passage de un à deux milliards d'habitants sur le
continent, dont une immense partie est composée de jeunes
».
Bien qu'il prétende le contraire, le Gouvernement « n'a jamais eu
aucune action sérieuse ni financement conséquent sur ces sujets
»,
nous a-t-elle affirmé. En définitive, peut-être ce semblant de stratégie
contribuera-t-il surtout à rassembler le Gouvernement, sa majorité et ses
électeurs dans un combat qui leur est cher...
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6 octobre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Femme au volant, mort au tournant ? Une délégation du Sénat
s'attaque à ce cliché.
Le Mondial de l'automobile de Paris a ouvert ses portes au public samedi
dernier, 1er octobre 2016. Sans Alpine ni Mazda, Volvo ou Ford. Mais
toujours en présence de jolies hôtesses. Jean-Claude Girot, commissaire
général du salon, l'a pourtant assuré : « s'il est vrai qu'il
y a quelques années, il n'y avait que des femmes qui
[...] étaient
là essentiellement pour la représentation, aujourd'hui ce n'est le plus
cas
». Du moins a-t-il tenté d'en convaincre la délégation aux
droits des femmes du Sénat.
Statistiques à l'appui
Celle-ci s'est penchée sur l'automobile, y voyant « un enjeu de
lutte contre la précarité, d'orientation professionnelle et de
déconstruction des stéréotypes
», selon
l'intitulé du rapport présenté par Chantal Jouanno (UDI-UC) et
Christiane Hummel (LR). « Les clichés sexistes associés à
l'inaptitude des femmes en matière de conduite sont largement démentis
par les statistiques
», soulignent-elles. Mais la hantise des
discriminations interdit désormais aux assureurs d'en tirer quelque
conséquence tarifaire. « La délégation regrette cette évolution
qui a pénalisé les jeunes conductrices
» ; mais peut-être
y contribue-t-elle elle-même...
Constatant la moindre réussite des femmes à l'épreuve pratique du permis
de conduire, Chantal Jouanno et Christiane Hummel l'expliquent par « la
déstabilisation des jeunes candidates que pourrait entraîner le sexisme
»
et par « l'impact de l'intériorisation des stéréotypes
».
Aussi moniteurs et inspecteurs devraient-ils être formés à les
déconstruire, tandis que « des équipes paritaires d'enseignants
»
devraient voir le jour. Curieusement, aucune mention n'est faite de
l'initiative prise à Villefranche-sur-Saône, où les responsables d'une
auto-école s'étaient vantés, l'été dernier, de contrevenir aux canons de
la mixité...
Aujourd'hui, les trois quarts des femmes ont leur permis en poche, mais
cela n'a pas toujours été le cas. Les rapporteurs ne manquent pas de le
rappeler : « en 1967, les femmes ne sont encore que 22 % à
conduire, soit trois fois moins que les hommes
» ; « il
faut attendre 1981 pour qu'une femme sur deux détienne le permis de
conduire, et 2007 pour que cela soit le cas de près de 75 % d'entre
elles
». Sans surprise, la délégation du Sénat met en cause
« la crainte des hommes de voir les femmes s'émanciper et échapper
à la sphère privée par le biais de l'automobile, qui symbolise à ses
débuts le désir de vitesse, de réduction des espaces et la connaissance
de nouveaux horizons
». Une crainte qui prit parfois
l'apparence d'une bienveillance suspecte.
Relecture de l'Histoire
Dans cette perspective, l'Histoire apparaît d'autant plus perverse que
l'accès à la conduite ne fut concédé aux femmes que pour les maintenir
asservies : « les trajets des femmes sont plus courts, plus
segmentés et plus fréquents » ; « le travail domestique y
joue un rôle prépondérant
», déplorent Chantal Jouanno et
Christiane Hummel. Celles-ci relèvent qu'« une polémique durable a
eu lieu sur le genre du substantif "automobile" : masculin entre
1905 et 1920, et féminin seulement après 1920 sur prescription de
l'Académie française
». Elles y voient un « élément
révélateur de la volonté d'exclure les femmes du monde automobile
».
La relecture de l'historie via le prisme de la "guerre des sexes" se prête
manifestement aux interprétations les plus hardies.
NB – En illustration, une publicité comme on n'en fait
plus !
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14 septembre 2016
Soucieux de "franciser" l'islam, le Gouvernement va créer une nouvelle
fondation. Cette expérience sera-t-elle plus fructueuse que les
précédentes ?
La France « s'enorgueillit que l'islam soit la deuxième religion
du pays
». Du moins le Premier ministre, Manuel Valls, l'a-t-il
prétendu dans
les colonnes du Huffington Post (5 septembre
2016). Cette religion n'en demeure pas moins étrangère à la nation aux
yeux des pouvoirs publics : dans
un entretien à La Croix (28 août 2016),
Bernard Cazeneuve n'a-t-il pas exprimé sa volonté de « réussir la
construction d'un islam de France
» ? Cela « dans le
respect des valeurs de la République
», ce qui rend la tâche
d'autant plus ardue... « C'est une cause nationale
», martèle
Jean-Pierre Chevènement. C'est à lui qu'il appartiendra de présider
la Fondation pour l'islam de France, créée à cet effet.
Un aveuglement sidérant
À l'automne 1999, alors qu'il était ministre de l'Intérieur et jetait les
bases du Conseil français du Culte musulman (CFCM), il semblait faire
preuve d'humilité : « le temps est passé où l'État pouvait,
en une telle matière, dicter sa volonté
», avait-il reconnu. Dans un
rapport d'information (5 juillet 2016), les sénateurs Nathalie
Goulet et André Reichardt se montrent dubitatifs quant à la capacité de
l'État à façonner l'islam. D'autant qu'il pourrait être tenté de choisir
des interlocuteurs adhérant à sa propre conception de l'islam, cela
« au risque de conforter une illusion
».
Il est vrai que
les pouvoirs publics n'ont pas toujours fait preuve d'une grande
clairvoyance – c'est le moins que l'on puisse dire. Comme le rappelait
Solenne Jouanneau, maître de conférences à l'Institut d'études politiques
de Strasbourg, dans
un entretien à La Vie des idées (26 mai 2015),
« dans les années 1970, Paul Dijoud, secrétaire d'État aux
travailleurs immigrés, considérait même qu'il existait un intérêt à
favoriser le maintien de la pratique religieuse chez les étrangers,
celle-ci étant de nature à favoriser le retour de ces derniers
».
Par ailleurs, comme le soulignent les rapporteurs du Sénat, « jusqu'à
la fin des années 1980, l'État français abordait ses relations avec la
"communauté musulmane" à travers le prisme des pays d'origine de la
plupart des musulmans vivant dans notre pays
».
Dans les années quatre-vingt-dix, cependant, l'État entreprit de « donner
un "visage" à l'Islam de France
». Il se tourna d'abord vers la
Grande Mosquée de Paris, à laquelle il accorda, quelque temps durant, le
monopole du contrôle des abattages rituels. Mais il fit preuve « d'inconstance
au gré des changements de ministre de l'intérieur
». De ces
tâtonnements émergea finalement le CFCM. Lequel apparaît, aux yeux des
parlementaires, « comme le champ des luttes d'influence qui se
jouent entre les fédérations et, à travers elles, plusieurs pays
étrangers
». Sa légitimité s'avère très contestée : parmi
les représentants d'associations musulmanes auditionnés par Nathalie
Goulet et André Reichardt, « plusieurs d'entre eux ont opposé les
"bledards"en situation de responsabilité dans les instances dirigeantes
des fédérations musulmanes aux musulmans nés en France, développant
leurs actions par des structures de terrain
».
Un produit de l'intégration
Les temps changent. « Avant les années 1990
», par
exemple, « les boucheries halal étaient rares
», rappelle
Florence Bergeaud-Blackle, anthropologue, dans
un entretien au Point (31 août 2016). « Certains
musulmans fréquentaient les boucheries casher
»,
explique-t-elle ; « d'autres abattaient à la ferme, mais
d'autres encore, et on a tendance à l'oublier, considéraient également
comme licite la viande des boucheries conventionnelles
».
Autrement dit, l'islam d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier. Il est le
produit paradoxal d'une certaine intégration. « L'islam qui est
pratiqué en France est un islam profondément français
»,
affirme même Solenne Jouanneau. « Car l'islam pratiqué en France
n'est pas un islam hors sol
», explique-elle ; « il
se nourrit de la confrontation des musulmans aux structures juridiques,
socio-culturelles, politiques de la société française
». Pour
le meilleur ou pour le pire : n'est-il pas question, ces jours-ci, du
dévoiement, au profit du terrorisme islamiste, du féminisme occidental ?
NB – Il s'agit d'une version légèrement plus longue de
l'article publié dans L'Action Française 2000.
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