Le pari sportif du Quai d'Orsay

3 août 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

La dimension politique du sport est régulièrement soulignée à l'occasion des Jeux olympiques. Cependant, les diplomates lui portent un intérêt croissant.

Vendredi prochain, 5 août 2016, s'ouvriront au Brésil les XXXIe Jeux olympiques de l'ère moderne. Entre 2010 et 2020, la plupart des grandes manifestations sportives se seront tenues dans des pays dits "émergents" – dix sur treize, selon le décompte proposé par les députés Valérie Fourneyron (PS) et François Rochebloine (UDI) dans un rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2016. Faut-il s'en étonner ? Comme le remarque Valérie Fourneyron, « le sport est un révélateur de la marche du monde » ; « il permet aux États de se mettre en scène ». De son point de vue, les Jeux de Sotchi, organisés en Russie à l'hiver 2014, s'inscrivaient dans la « diplomatie des muscles » mise en œuvre par Vladimir Poutine. Quant aux États-Unis, qui traquent la corruption dans les instances internationales du sport, ils lui semblent « fidèles en cela à leur idéologie de la "destinée manifeste", mélange de doctrine interventionniste, de volonté de se poser en justiciers du monde et de diffuser un modèle de démocratie libérale ». Le Qatar n'est pas en reste : « le sport accompagne une politique de diversification d'investissements en apportant une dimension de prestige essentielle aux ambitions de l'Émirat », observe-t-elle avec François Rochebloine.

Un catalyseur de changements

Les États ou les villes qui accueillent de tels événements en attendent des retombées économiques. Cela « malgré des chiffrages épars » dont les rapporteurs jugent la fiabilité « inégale ». Attention aux déconvenues : « il n'y a pas eu à Londres plus de touristes lors des Jeux de 2012 qu'en temps ordinaire », soulignent les députés. Cela étant, « c'est dans une dynamique de long terme que l'impact touristique doit être appréhendé ». Tout comme la construction des infrastructures. À ce titre, « Barcelone est devenue le modèle de régénération urbaine réussie grâce aux Jeux, avant d'être détrônée par Londres vingt ans plus tard ». Ainsi les JO de 2012 ont-ils été « utilisés à des fins de développement territorial de l'Est londonien, déshérité ». La construction du stade de France, à l'approche de la Coupe du monde de football de 1998, s'est elle-même inscrite dans le développement plus général de la plaine Saint-Denis. En résumé, « les grandes compétitions internationales constituent des catalyseurs de changements pour une ville, un territoire ; et à plus grande échelle, pour un pays ».

Des opportunités à saisir

Bien des opportunités sont à saisir. S'agissant du Japon, par exemple, « il est notable que si Paris devait être sélectionné pour accueillir les Jeux en 2024, l'intérêt se trouverait accru de construire des partenariats avec des entreprises françaises » ; dans cette perspective, préviennent les rapporteurs, « il convient d'entretenir la dynamique actuelle en capitalisant sur l'image du charismatique entraîneur de la sélection nationale de football Vahid Halilhodzik (ancien joueur du FC Nantes, ancien entraineur du PSG) et en systématisant les invitations de hautes personnalités japonaises aux grandes manifestations sportives organisées en France ». En Amérique latine, « le sport est un excellent point d'entrée, parce qu'il est populaire, outil de cohésion sociale et que les sports par lesquels il est possible de développer une diplomatie d'influence sont assez peu ou pas pratiqués aux États-Unis (football, rugby notamment) ou plus européens qu'américains (cyclisme) » ; « ce raisonnement vaut aussi pour le handball en Afrique », précisent les députés. Selon eux, il s'agit aussi d'« atteindre les cœurs et les esprits des populations sans mettre en jeu l'État (concept de "public diplomacy") ».

Ambassadeur pour le sport

La France saura-t-elle y parvenir ? Le ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI) « a clairement intégré le sport comme un vecteur d'influence potentiellement intéressant », se félicitent les rapporteurs. Un ambassadeur pour le sport a même été nommé en 2013. Mais les ressources mises à sa disposition semblent dérisoires : « La ligne budgétaire est de l'ordre de 8 000 euros de voyages annuels ! » La situation demeure « brouillonne », comme en témoigne la préparation de l'Euro 2016, où « des tiraillements sont apparus entre le MAEDI qui assure le pilotage politique et le ministère de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique qui détient les moyens ». Rattachée aujourd'hui au ministère des Sports, la Délégation interministérielle aux grands événements sportifs (DIGES) devrait être placée auprès du Premier ministre, selon les recommandations des députés : ce serait « une des clés de l'amélioration du dispositif national, que tout le monde décrit comme éclaté et illisible ».

Apprendre à jouer collectif

Il faut « que les acteurs publics soient rassemblés et entraînent les acteurs non étatiques pour former une véritable "équipe France" », martèlent les rapporteurs. À l'exception notable de celles réunies dans le "Cluster Montagne", nos entreprises « ne jouent pas toujours "collectif" » déplorent-ils. Or, « la diplomatie sportive française ne peut exister sans parvenir à susciter cette alchimie qui existe spontanément dans certains pays malgré la concurrence commerciale ». Selon les parlementaires, il « revient à l'État de structurer et rassembler les acteurs », comme il s'y essaie au Japon, « un pays laboratoire pour la diplomatie économique française en matière de sport ».

Puissance et influence

L'« État stratège » cher au Front national sera-t-il édifié sous la houlette d'un gouvernement socialiste ? Sans doute Valérie Fourneyron et François Rochebloine partagent-ils avec Marine Le Pen une certaine bienveillance à l'égard de de l'intervention publique : « les résultats sont beaucoup plus facilement au rendez-vous quand l'État est à la manette », écrivent-ils notamment. Cependant, dans le cas présent, il ne s'agit pas de protéger les entreprises françaises exposées à la concurrence étrangère, mais de les accompagner dans la compétition internationale. Les rapporteurs disent avoir mené un « travail de pédagogie sur le concept de puissance telle qu'elle s'exerce aujourd'hui dans le monde ». Selon Valérie Fourneyron, précisément, « la puissance de la France au XXIe siècle résultera de la conjugaison intelligente des différents leviers de l'influence ». Incidemment, loin de combattre la mondialisation, elle propose de mieux y intégrer la France.

Cartes postales – Le 24 juillet 2016 s'est achevée la cent-troisième édition du Tour de France. Dans leur rapport évoqué ci-dessus, les députés Valérie Fourneyron et François Rochebloine proposent un vibrant éloge de cette compétition. Il y voient « un monument du sport mondial et un ambassadeur de la France à l'étranger ». Le Tour de France est diffusé dans cent-quatre-vingt-douze pays, précisent-ils ; « c'est la troisième diffusion audiovisuelle mondiale » ! « Au-delà du spectacle sportif », se félicitent les parlementaires, « le Tour de France assume un rôle de promotion de la France, de son patrimoine et de ses régions, de la beauté et de la diversité des paysages français » ; en effet, « ce sont chaque jour des cartes postales de la France qui passent sur des millions d'écrans ».

Euro radin – Alors que la France accueillait l'Euro 2016 de football, l'État a acheté vingt mille places « à vocation sociale ». Cela « sans rabais », déplorent les députés Valérie Fourneyron et François Rochebloine. Les pouvoirs publics auraient bénéficié de quatre-vingts places gratuites. Un nombre très insuffisant aux yeux des parlementaires. C'est « inacceptable », écrivent-ils dans leur rapport.

Lectures d'été – À l'approche des Jeux olympiques, « les enjeux du sport » – « économie, géopolitique, société, identité » – sont à la une de la revue Conflits (n° 10, été 2016, 9,90 euros). On y trouve notamment un entretien avec Pascal Boniface, auteur du livre JO politiques – Sport et relations internationales, paru en juin dernier (éditions Eyrolles, 202 pages, 16 euros). C'est aussi l'occasion de relire les Lettres des Jeux olympiques de Charles Maurras, préfacées par Axel Tisserand, publiées en poche en 2004 (éditions Flammarion, 183 pages, 8,90 euros).

Détricoter la Toile islamiste

3 août 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Facebook et Twitter sont pointés du doigt tandis que leurs services sont mis à profit par les propagandistes islamistes.

Tandis que se multiplient les attentats terroristes, certains de nos confrères ont annoncé qu'ils ne diffuseraient plus ni les noms, ni les photographies des islamistes responsables de ces forfaits. Les députés Marine Brenier (LR) et Meyer Habib (UDI) ont même déposé une proposition de loi afin d'y contraindre tous les médias. De leur point de vue, « refuser un nom et un visage aux terroristes, c'est leur refuser la victoire » ; « il faut cesser d'entretenir le phénomène malsain de starification des criminels », ont-ils expliqué, soulignant toutefois que cela n'empêcherait pas « d'accomplir un véritable travail d'enquête et de fond sur les profils des terroristes ». Dans les colonnes du Monde, Patrick Eveno, président de l'Observatoire de la déontologie de l'information, s'étonne que « des élus garants des libertés fondamentales se rallient à cette demande de censure, quand ils ne la suscitent pas » ; de toute façon, cela lui semble « illusoire au temps des réseaux sociaux ».

Des blocages administratifs sans conséquence

Dans un rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 13 juillet dernier (2016), Kader Arif, député (PS) de la Haute-Garonne, déplore, à ce propos, « la facilité avec laquelle il a pu accéder en quelques clics aux publications françaises de Daech ». « Chaque jour », précise-t-il, « trois nouvelles vidéos rattachées à Daech sur des réseaux comme Facebook ou Youtube sont diffusées, leur publicité étant assurée notamment sur Twitter ». Un « djihadiste facilitateur » affirme d'ailleurs qu'il « attrape partout sur Facebook » !

En réaction, les pouvoirs publics ordonnent des blocages administratifs, en application de la loi du 13 novembre 2014. Avec un résultat mitigé : « en plus des nombreuses possibilités de contournement des blocages, les sites terroristes effectivement bloqués ne sont en fait pas du tout visités », observe le rapporteur ; de mars à décembre 2015, moins de cinq cents tentatives de connexion auraient ainsi été mises en échec. Comme le rappelle Kader Arif, la loi du 24 juillet 2015 prévoit, quant à elle, la mise en place de « dispositifs techniques d'interception automatique visant à repérer au sein du flux massif de données de communications les métadonnées identifiant des comportements suspects en matière de terrorisme ». Or, déplore-t-il, « les plateformes semblent très réticentes envers le développement de tels outils, estimant qu'il est difficile de qualifier en amont des contenus terroristes et qu'une contextualisation du contenu est nécessaire ».

D'un contexte à l'autre

Selon le contexte, en effet, un même contenu pourra être diffusé à des fins d'apologie ou de dénonciation. « Il est ainsi mentionné dans les conditions générales d'utilisation de certains de ces réseaux sociaux, que les contenus apologétiques en matière de terrorisme ou de violences ne peuvent être retirés que lorsqu'ils ne sont pas accompagnés d'un commentaire de l'auteur de la publication désapprouvant formellement ces contenus » ; faut-il le regretter avec le rapporteur ? Tous les contributeurs de la "réinfosphère" ne partagent pas son avis. En février dernier, la mésaventure de l'abbé Guy Pagès y avait suscité l'indignation : prétendant lutter contre l'islam à la lumière des atrocités commises en son nom, ce prêtre avait mis en ligne des images insoutenables, si bien que les serveurs hébergeant son site Internet avaient été saisis ; cela « sous les auspices des nouvelles dispositions légales relatives à la lutte contre le terrorisme », si l'on en croit son témoignage rapporté par Riposte laïque.

En tout cas, aux yeux du rapporteur, il apparaît « nécessaire de renforcer le contrôle sur les réseaux sociaux, qui [...] ne jouent pas toujours le jeu ». En février, Twitter a révélé qu'il avait suspendu cent vingt-cinq mille comptes depuis le milieu de l'année dernière. Il emploierait à cet effet une centaine de personnes. C'est « extrêmement peu compte tenu le volume de contenus et de signalements des utilisateurs », dénonce Kader Arif. Selon lui, « ce manque de moyens humains peut expliquer qu'une vidéo comme celle revendiquant les meurtres de Magnanville le 14 juin 2016, postée sur Facebook Live en direct, n'ait été [...] retirée de Facebook que onze heures après sa diffusion ».

Censure pudibonde

Ce manque de réactivité peut sembler trancher avec la fermeté qu'observe Facebook à l'égard des utilisateurs coupables de braver le puritanisme américain. Les Femen en ont déjà fait les frais, par exemple, tous comme leurs détracteurs accompagnant d'une illustration sans floutage ni artifice la dénonciation de leurs manifestations "topless". La censure d'une reproduction de L'Origine du monde, le célèbre tableau de Gustave Courbet, a même suscité une bataille judiciaire dont l'un des enjeux a été de déterminer si les institutions françaises étaient compétentes pour juger Facebook. Cela renvoie à « la nature même des outils numériques, c'est-à-dire leur caractère transnational », que ne manque pas de souligner le rapporteur. Selon lui, « la coopération internationale doit donc être accrue sur ces sujets », en premier lieu au niveau européen, « afin d'éviter de donner la possibilité aux acteurs de jouer entre les différents pays pour se protéger des blocages techniques mis en œuvre localement ».

Mais si Facebook et Twitter sont aujourd'hui des outils fondamentaux de la propagande djihadiste, cela n'a pas toujours été le cas, comme le rappelle Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri (Institut français des relations internationales) : « Nombre de djihadistes se montrent méfiants à l'égard des grands réseaux sociaux, créés aux États-Unis et soupçonnés par les radicaux d'être mités aux services de renseignement américains. La donne change réellement à partir de 2012, année où le djihad en Syrie commence à attirer un flux important de volontaires étrangers. Parmi eux se trouvent des centaines puis des milliers de jeunes occidentaux, habitués à utiliser Facebook, Twitter et Youtube. » McDonald's finira-t-il par ouvrir un restaurant dans les territoires conquis par l'État islamique ? Ironie mise à part, l'islamisme apparaît à bien des égards comme un produit typique de la mondialisation.

Face à Bruxelles, la France se rebiffe

20 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Europe communautaire et sa politique commerciale n'ont pas la cote. Sans les remettre radicalement en cause, le Gouvernement en tient compte et infléchit son discours.

Le référendum en faveur du Brexit annonce-t-il le détricotage de l'Union européenne (UE) ? Dans l'immédiat, tenant compte de la défiance qu'elle inspire, le Gouvernement français s'est manifestement décidé à infléchir son discours, sinon sa politique. « Quand l'Europe n'est pas le bon niveau de décision, alors elle doit s'effacer, et laisser les États décider », a ainsi déclaré Manuel Valls, devant quelque deux cents militants socialistes réunis à Belleville-sur-Mer le 26 juin, comme le rapporte Euractiv. Dans ce contexte, la politique commerciale, censée relever de la compétence exclusive de l'UE, s'avère particulièrement exposée aux critiques. Sans doute la hantise des poulets américains traités au chlore n'aura-t-elle rien arrangé... Au point où en sont les discussions, « il ne peut pas y avoir d'accord de traité transatlantique », a même prévenu le Premier ministre.

Accord avec le Canada

Un "Accord économique et commercial global" (AECG ou CETA) n'en a pas moins été conclu dernièrement avec le Canada. Sa version définitive a été validé le 13 mai par le Conseil européen des chefs d'État ou de gouvernement, plus de neuf ans après l'ouverture des discussions. Paris a salué « un accord ambitieux, équilibré et mutuellement bénéfique ». D'autant que « le Gouvernement de Justin Trudeau s'est rallié à la proposition européenne de Cour de justice des investissements ». « Porté par la France, ce nouveau dispositif rompt définitivement avec l'ancien système d'arbitrage privé », s'est félicité le Quai d'Orsay. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du Commerce extérieur, de la promotion du Tourisme et des Français de l'étranger, en a fait la promotion devant ses homologues du G20 le 10 juillet ; ce dispositif aurait « vocation, à terme, à devenir une cour multilatérale des investissements », explique le ministère des Affaires étrangères.

La mixité controversée

Chacun des États membres de l'Union européenne devra ratifier l'accord conclu avec le Canada. Pourtant, « sur le plan juridique, seule l'UE est compétente sur les domaines couverts par l'accord CETA », si l'on en croit la Suédoise Cécilia Malmström, commissaire européen au Commerce. Bruxelles se serait résigné à le considérer comme un accord "mixte" sous la pression de Paris et Berlin. C'est d'autant plus remarquable que l'accord d'association avec l'UKraine s'était heurté, en avril dernier, à l'écueil d'un référendum consultatif organisé aux Pays-Bas... « Si nous ne sommes pas capables de ratifier l'AECG, à l'avenir, avec qui pourrons-nous négocier ? », s'inquiète un fonctionnaire européen, cité par Les Échos ; « ce serait la fin de la politique commerciale unique », prévient-il. « Ce qui se joue, c'est le maintien de la compétence de la Commission en matière de commerce », confirme la Néerlandaise Marietje Schaake, député au Parlement européen ; or, poursuit-elle, « si cela lui échappait, chaque pays européen serait amené à négocier des accords commerciaux de son côté et c'en serait alors fini du marché commun ». Lequel constitue le principal pilier de l'Union européenne...

De toute façon, « la France s'était engagée à ce que le Parlement ait le dernier mot », a rappelé Matthias Fekl. « Les parlementaires français auront donc à se prononcer par un vote sur la ratification ou non du CETA », s'est-il félicité. De son point de vue, « c'est une question de principe essentielle pour assurer l'adhésion des citoyens européens aux politiques commerciales conduites en leur nom ». Le cas échéant, pourquoi s'abrite-il encore une fois derrière Bruxelles ? Rien n'interdirait au Gouvernement de solliciter l'avis du Parlement à l'approche des réunions du Conseil des ministre de l'UE, où les textes européens sont soumis à son approbation ; au Danemark et en Finlande, par exemple, il en a même l'obligation ! Quoi qu'il en soit, force est de le constater : sous la pression populiste, on dirait bien que l'Europe communautaire recule à petits pas.

NB – Le Parlement français n'est pas le seul à tenter de faire entendre sa voix au niveau européen. Dans le cadre du débat sur le travail détaché, les Parlements de onze États  (Danemark, Bulgarie, Hongrie, Croatie, République tchèque, Pologne, Estonie, Roumanie, Lituanie, Lettonie et Slovaquie) ont adressé un "carton jaune" à la Commission. Une première depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Comme le rappelle Euractiv, « cette procédure, instaurée par le traité de Lisbonne, permet aux parlements  d'un pays de contester la compétence de l'UE sur un projet législatif européen ». Cependant, dans le cas présent, il s'agit de défendre une position vraisemblablement opposée à celle de Paris.

Belgique : une autre collaboration

6 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Un livre signé Luc Beyer de Ryke.

Tandis qu'on commémore le centenaire du premier conflit mondial, se souvient-on que la Belgique fut « un des rares – sinon le seul – pays à avoir connu une collaboration dès la Grande Guerre », comme le rappelle Luc Beyer de Ryke ?

À cet égard, le nationalisme flamand constitua un « vivier » que ne manqua pas d'exploiter à chaque fois l'occupant allemand. Lequel fut accueilli comme un « libérateur » par certains militants indépendantistes, emprisonnés à titre préventif... Leur défiance était entretenue au sein même de l'armée belge, où « des intellectuels [...] s'indignèrent de l'état de sujétion auquel était réduite la piétaille des tranchées » – « la plupart du temps rurale, flamande et patoisante ». La hantise du communisme aidant, la Flamenpolitik « exerça des ravages », rapporte Luc Beyer de Ryke.

Observant « la braise toujours incandescente [...] de la collaboration », il en a rencontré les acteurs ou leurs descendants, livrant leurs témoignages dans un style vivant, brossant des portraits souvent pittoresques. Francophone de Flandre, l'auteur s'est attaché à « mieux comprendre l'histoire [des] fractures et [des] déchirements » de son pays. Dans l'espoir, sans doute, de mieux en protéger la fragile unité.

Luc Beyer de Ryke, Ils avaient leurs raisons, éditions Mols, mars 2016, 205 pages, 21,50 euros.

La défense à l'épreuve du Brexit

6 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Coopération franco-britannique, défense européenne, Alliance atlantique : aperçu des perspectives ouvertes par le vote du 23 juin 2016 en faveur du Brexit.

Le 24 juin 2016, alors que venait d'être annoncée l'issue du référendum en faveur du Brexit, le président de la République a promis que Paris serait « à l'initiative pour que l'Europe se concentre sur l'essentiel » – à savoir, tout d'abord, « la sécurité et la défense de notre continent ». Or, si le Royaume-Uni quitte effectivement l'Union européenne (UE), « la France [...] continuera à travailler avec ce grand pays », y compris en cette matière, où « nos relations étroites [...] seront préservées », a assuré François Hollande.

Gare aux punitions

« Qu'ils soient dans ou en dehors de l'UE, les Britanniques restent à échéance visible nos partenaires les plus crédibles et les plus sérieux en matière de défense sur le continent européen », confirme Pierre Razoux, dans une note de l'Irsem (Institut de recherche stratégique de l'École militaire). « Nous partageons des intérêts similaires (vision mondiale, siège permanent au Conseil de sécurité, détention de l'arme nucléaire, nombreux territoires d'outre-mer à protéger, intérêts géostratégiques largement convergents) que le Brexit ne modifiera pas », explique-t-il. « Sur le plan industriel », précise-t-il, « nous sommes engagés dans des projets structurants en cours de développement (missile antinavire léger, système de combat aérien futur) qui restent strictement bilatéraux ». Par conséquent, prévient-il, « il est crucial que la France continue de traiter le Royaume-Uni avec respect, de manière sereine et dépassionnée, sans l'esprit de "punition" que certains pourraient être tentés d'instrumentaliser ».

Ce partenariat s'appuie sur les accords de Lancaster House signés en 2010. Lesquels sont « une façon de "faire l'Europe sans l'Union européenne", pour reprendre les propos de l'ambassadrice de France en Grande-Bretagne », citée par Florent de Saint-Victor dans un entretien au Marin. En fait, c'est une façon parmi beaucoup d'autres... Londres participe également à l'Occar (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement), par exemple, sous l'égide de laquelle a été développé l'Airbus A400M. En revanche, à la différence de Paris, il est resté en marge du Commandement européen du transport aérien (EATC). Force est de le constater : "l'Europe des États" chère aux souverainistes existe d'ores et déjà. En effet, ces structures-là sont indépendantes de l'UE et de sa Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), à laquelle la contribution du Royaume-Uni s'avère d'ailleurs modeste, au regard de ses capacités.

Londres préfère l'Otan

« Durant l'opération Eunavfor Atalanta contre la piraterie, Londres n'a mis à disposition qu'un navire depuis 2008 », souligne ainsi Nicolas Gros-Verheyde, animateur du blog Bruxelles 2. « Et ce pendant quelques mois à peine », précise-t-il, « soit à peine plus que les... Ukrainiens » ; « pendant ce temps », poursuit-il, « les Luxembourgeois mettaient à disposition deux avions de patrouille maritime durant plusieurs années ». De fait, observe-t-il, « le Royaume-Uni préférait mettre ses navires à disposition de l'Otan ou des Américains ». Étonnement, Pierre Razoux n'en estime pas moins que la perspective d'un Brexit « laisse présager la démonétisation » de la PSDC. Pourtant, Londres était régulièrement accusé d'en freiner le développement, s'opposant  à la création d'un QG militaire de l'Union, ainsi qu'à l'accroissement du budget de l'Agence européenne de défense (AED). Selon le collaborateur de l'Irsem, « si les Britanniques ne peuvent plus jouer au sein de l'UE, certains d'entre eux pourraient être tentés de torpiller la PSDC et de convaincre leurs anciens partenaires de l'inutilité de cet outil dont ils ne font plus partie ». Cependant, souligne Nicolas Gros-Verheyde, « un départ du Royaume-Uni n'empêcherait pas qu'il puisse continuer à contribuer, de manière extérieure, aux opérations militaires européennes, comme le font aujourd'hui nombre de pays tiers, de la Géorgie à la Colombie, en passant par la Suisse, la Norvège, la Serbie ou les États-Unis ».

Quoi qu'il en soit, « la France aurait tout à gagner à se présenter comme l'intermédiaire naturel entre le Royaume-Uni et l'UE », selon Pierre Razoux. Ce dernier entrevoit également « une opportunité de coopération supplémentaire entre l'Allemagne et la France » au sein de l'Alliance atlantique. Dans quelle mesure celle-ci serait-elle affectée par un Brexit ? Les avis sont partagés. Un analyste russe, cité par le Courrier international, anticipe « le renforcement du rôle de l'Otan, comme "dernière structure unifiant l'Europe" » ; si bien que le Brexit contribuerait « non pas à un infléchissement du rôle des États-Unis en Europe, mais au contraire à son renforcement ». À l'inverse, sur Royal Artillerie, Catoneo annonce que « nous gagnerons en autonomie par rapport aux États-Unis ».

Nouveaux équilibres

La donne serait davantage bouleversée si le Brexit s'accompagnait d'un éclatement du Royaume-Uni. Celui-ci apparaît « menacé de déclassement à la fois économique et stratégique avec l'indépendance plausible de l'Écosse », selon Pierre Razoux. Dans l'immédiat, les spéculations vont bon train quant aux nouveaux équilibres géopolitiques qui pourraient se dessiner à l'occasion du Brexit. Le vote "leave" a été « accueilli très favorablement par la Russie, la Turquie et la Chine, et de manière dubitative par les États-Unis », croit savoir Pierre Razoux. « Le retrait britannique change les termes du processus décisionnel (modifiant la minorité de blocage), modifie les équilibres au détriment de la sensibilité libérale, et laisse Paris et Berlin dans un inconfortable face à face », analyse Frédéric Charillon dans The Conversation. « Ceux qui se réjouissent aujourd'hui de la sortie annoncée du Royaume-Uni pourraient être demain les premiers à dénoncer les ambitions géopolitiques et militaires d'une Allemagne décomplexée », s'inquiète même Pierre Razoux. « Si les Britanniques n'étaient pas favorables à une politique étrangère commune digne de ce nom, la contribution du Foreign and Commonwealth Office à la diplomatie européenne renforçait considérablement l'analyse et la crédibilité de celle-ci », affirme encore celui-là. À ce propos, les chefs d'État ou de gouvernement de l'UE viennent d'adopter le 28 juin une nouvelle stratégie pour la politique extérieure et de sécurité. Y compris David Cameron donc. Brexit ou pas, l'Europe continue. Sous de multiples formes.

Alain Minc dans les pas de Charles Maurras

1 juillet 2016

Un billet teinté d'ironie soufflé par le camarade Philippe.

Le vote "leave" l'a donc emporté le 23 juin 2016. « Ce référendum n'est pas la victoire des peuples sur les élites, mais des gens peu formés sur les gens éduqués », a commenté l'inénarrable Alain Minc, suscitant l'indignation de notre confrère Louis Hausalter. Dans la foulée, bien des "réinformateurs" auront dénoncé la condescendance prêtée au Pays légal. Celui-ci serait-il peuplé de nouveaux réactionnaires ?

De fait, les propos d'Alain Minc ne sont pas sans rappeler (dans une certaine mesure, n'est-ce pas ?) ceux tenus jadis par Charles Maurras. Le 28 juin 1941, dans les colonnes de L'Action Française, ce dernier se défendait du « reproche imprévu de mépriser le peuple », tandis qu'il lui refusait « le hochet d'une fausse souveraineté, qu'il ne peut même pas exercer et que l'on ne peut même pas concevoir ». Et d'expliquer : « Nous respectons trop le peuple pour aller lui dire : "Il suffit de compter les voix des incompétents, pour résoudre les questions d'intérêt très général qui exigent de longues années d'étude, de pratique ou de méditation. Il suffit de recueillir et d'additionner les suffrages des premiers venus pour réussir dans les choix les plus délicats." »

« Dire au peuple ce qui n'est pas serait lui manquer de respect », poursuivait-il ; « lui débiter des fables pernicieuses, c'est tantôt le haïr, tantôt le mal aimer » ; « profiter, pour lui faire ce mensonge, de la confiance naïve qu'il a voulu placer en vous, c'est abuser de lui, le trahir et vous dégrader vous-même ». Qu'on se le dise : au moins Alain Minc a-t-il préservé sa dignité !

NB – Les citations sont tirées du Dictionnaire politique et critique.

Brexit : une solution miracle pour sortir de l'imbroglio britannique

29 juin 2016

Avis aux spécialistes des questions européennes : pourquoi l'Angleterre ne deviendrait-elle pas un "pays et territoire d'outre-mer" (PTOM) ?

Londres se trouve manifestement dans l'embarras : une majorité de Britanniques ont voté pour le Brexit sans vraiment s'interroger sur la suite. Sortir de l'UE, pour quoi faire ? Nul ne le sait ! C'est affligeant, mais il appartient désormais à David Cameron et à ses successeurs d'assumer les conséquences de ce calcul électoral. Afin de préserver les intérêts du Royaume-Uni vis-à-vis de l'Union, mais aussi son intégrité vis-à-vis des velléités d'indépendance de l'Écosse, voire davantage.

Dans cette perspective, peut-être une solution s'offrirait-elle à Londres : plutôt que de notifier au Conseil européen la volonté du Royaume-Uni de sortir de l'Union européenne, il pourrait solliciter l'accession de l'Angleterre au statut de "pays et territoire d'outre-mer" (PTOM). Comme expliqué sur Wikipédia, ces territoires « ne font pas partie de l'Union européenne [...] bien qu'ils dépendent de pays en faisant partie ». C'est le cas du Groenland, mais aussi de Saint-Barthélémy, comme nous l'avions déjà expliqué, et même de plusieurs territoires rattachés au Royaume-Uni, comme le rappelle encore l'encyclopédie participative : « Anguilla, les Bermudes, les Îles Caïmans, la Géorgie du Sud-et-les Îles Sandwich du Sud, les îles Malouines (Falkland), Montserrat, les îles Pitcairn, Sainte-Hélène, Ascension et Tristan da Cunha, le Territoire antarctique britannique, le Territoire britannique de l'océan Indien, les îles Turques-et-Caïques et les îles Vierges britanniques ».

Bien sûr, le statut de PTOM s'en trouverait détourné de sa vocation, mais rien n'interdirait d'amender les traités à la marge si nécessaire. Par ce biais, Londres pourrait donner une traduction au vote "leave", majoritaire en Angleterre, tout en coupant l'herbe sous le pied des indépendantistes écossais. À vrai dire, cela nous semblerait presque trop facile, et nous nous étonnons qu'aucune mention à cette "solution miracle" ne semble apparaître dans les actualités recensées par Google. Mais il est vrai que les questions européennes intéressent peu nos confrères journalistes. Qu'en pensent leurs meilleurs spécialistes ?

Éric Ciotti veut mettre les écoles au pas

22 juin 2016

Que les écoles libres servent la République, ou bien qu'elles disparaissent, clame, en substance, le député des Alpes-Maritimes.

La République semble s'incarner sous son pire visage en la personne d'Éric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes. Appelant manifestement à une croisade contre l'islam, ce dernier se fait le chantre d'une laïcité sectaire, comme nous l'avions déjà signalé, mais aussi l'ennemi des libertés scolaires, comme en témoigne sa proposition de loi « visant à renforcer l'encadrement des établissements privés hors contrat et à limiter les possibilités de dérogation à l'obligation scolaire ». Déposé le 27 avril, ce texte n'est apparu qu'aujourd'hui, mardi 21 juin 2016, dans le flux RSS de l'Assemblée nationale – il était temps ! Il a été présenté avec le soutien de plusieurs parlementaires, dont  Bernard Accoyer, Éric Woerth, mais aussi Bernard Debré, généralement mieux inspiré.

Dans l'exposé des motifs, Éric Ciotti dénonce « l'émergence de deux phénomènes particulièrement préoccupants : la déscolarisation d'un nombre croissant d'enfants, surtout des filles, pour des motifs d'ordre essentiellement religieux d'une part, et la multiplication d'écoles privées hors contrat prônant un islam radical, d'autre part ». Loin d'examiner la diversité des situations incriminées, il se garde bien d'analyser les motivations des parents, se bornant à déplorer que les enfants soient « alors victimes de propagande idéologique sous couvert de programmes éducatifs alternatifs ». C'est dire la considération qu'il porte aux écoles Montessori, par exemple.

Selon son rédacteur, cette proposition de loi aurait pour « premier objet » de « durcir les conditions d'ouverture d'un établissement hors contrat ». Ce faisant, il s'agirait de « prévenir l'ouverture d'établissements où s'expriment des formes d'intégrisme religieux ». Les catholiques en marge de l'Église sont-ils visés eux aussi ? Vraisemblablement : « l'objectif est d'éviter que les enseignants ne fassent passer le prosélytisme avant l'éducation des enfants », explique Éric Ciotti. Par conséquent, poursuit-il, ce texte « prévoit de renforcer les contrôles de ces écoles en les étendant à l'existence d'atteinte aux valeurs de la République », au premier rang desquelles figureraient « le respect des institutions » et « l'égalité homme-femme ».

« Les écoles doivent demeurer des lieux où se transmettent les savoirs et non les idéologies », écrit le député des Alpes-Maritimes. C'est effectivement ce qui devrait être exigé des écoles publiques – mais pas des autres. Or, c'est exactement l'inverse que réclame Éric Ciotti. « Les lieux d'enseignements doivent rester des sanctuaires préservés de toute influence idéologique ou politique contraire aux valeurs républicaines », précise-t-il. Autrement dit, si elle s'avérait conforme à ses propres valeurs, cette « influence idéologique ou politique » apparaîtrait tout à fait légitime aux yeux d'Éric Ciotti. Au moins les choses sont-elles claires.

Mais les établissements scolaires ne sont pas seuls en cause. Un article de cette proposition de loi « soumet l'instruction à domicile à l'autorisation préalable de l'inspecteur d'académie qui ne pourra y donner droit que dans l'une des hypothèses suivantes : l'exigence de soins médicaux, situation de handicap en attente de scolarisation dans un établissement médico-social, activités sportives ou artistiques, parents itinérants,  éloignement géographique d'un établissement scolaire ». De plus, l'inspecteur d'académie devrait alors vérifier « que l'enfant ne fait l'objet d'aucune influence idéologique ou politique contraire aux valeurs de la République ».

Les sympathisants du Front national étant réputés ne pas les partager, seraient-ils privés de l'exercice de ces quelques libertés résiduelles ? Peut-être pourrait-on carrément leur retirer leurs enfants ! Éric Ciotti n'est pas loin de le suggérer. Que de telles velléités, proprement totalitaires, puissent émaner d'un parti de gouvernement, voilà qui devrait nous inquiéter bien davantage que le péril frontiste – quoique ceci ne soit pas sans incidence sur cela. En tout cas, alors que le pouvoir socialiste planche lui-même sur le sujet, on se demande s'il se trouvera quelque député pour se soucier des libertés quand la question sera débattue sur les bancs de l'Assemblée. Affaire à suivre.

Être ou ne pas être dans l'Europe : un éternel débat

15 juin 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

La question posée aujourd'hui, à l'approche du référendum sur le Brexit, l'a déjà été à maintes reprises, comme en témoignent les archives d'Aspects de la France.

En 1950, alors que fut proposée la création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier), le gouvernement britannique « considérait que l'appartenance à un groupement exclusivement européen affaiblirait ses liens avec le Commonwealth et la défense atlantique », comme l'explique Helen Parr dans le Dictionnaire critique de l'Union européenne (Armand Colin, 2008). Cependant, Londres ne tarda pas à reconsidérer sa position, tandis que se développait le Marché commun. En effet, « celui-ci était devenu le premier partenaire commercial de la Grande-Bretagne ». De plus, « la Communauté était en train de s'imposer sur la scène internationale, au risque d'isoler la Grande-Bretagne ». Aussi sa demande d'adhésion fut-elle présentée en juillet 1961.

L'Action française contre l'élargissement

Albion se heurta toutefois à l'hostilité de Paris. Dans les colonnes d'Aspects de la France, on était loin de le déplorer : « pas d'élargissement du Marché commun sans révision du traité de Rome », résumait le titre d'un article signé Finex, publié dans le numéro du 7 décembre 1967 ; sans quoi, expliquait-il, « le poids [...] du vote de la France [...] serait diminué en valeur relative ». « Ceux qui prônent l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun n'avancent aucun argument relevant de l'intérêt français », tranchait Pierre Pujo ; « on ne nous a pas encore dit comment l'économie française supporterait la concurrence anglaise », déplorait-il notamment.

Un traité n'en fut pas moins signé quatre ans plus tard. « Il faut écarter d'emblée la théorie selon laquelle tout élargissement d'une aire économique serait un bien », commentait Georges Mollard, dans le numéro du 27 janvier 1972. De son point de vue, l'économie était manifestement un jeu à somme nulle ; qu'importent Ricardo et ses "avantages comparatifs" : « toute l'expérience acquise tend au contraire à montrer que ce qui serait bon pour l'un serait mauvais pour un autre ». En tout cas, « les nouveaux arrivants ne sont pas disposés à oublier leurs intérêts nationaux », prévenait Pierre Pujo ; la « cohésion » de la Communauté européenne s'en trouvera même fragilisée, annonçait-il. La hantise d'une Europe fédérale n'en continuait pas moins d'animer les collaborateurs du journal. Le 15 mai 1975, par exemple, Aspects de la France dénonçait la « chimère européenne » du président Valéry Giscard d'Estaing.

Déjà un référendum en 1975

Le mois suivant, les Britanniques étaient appelés, déjà, à s'exprimer sur le maintien de leur pays dans la Communauté européenne. Comme l'expliquait Pierre Pujo dans son éditorial du 12 juin 1975, le chef du gouvernement britannique avait « cru trouver dans le recours à la procédure du référendum [...] le moyen d'esquiver ses responsabilités de Premier ministre et de surmonter la division de son parti sur la question européenne ». L'histoire se répète ! « Malgré le référendum britannique, "l'Europe" recule », titrait alors Aspects de la France. Échec venait d'être fait au Brexit. « Les partenaires de la Grande-Bretagne [...] auraient tort de croire qu'ils trouveront désormais en elle un associé animé d'un grand enthousiasme communautaire », prévenait Pierre Pujo.

« La prétention de nos gouvernants de se présenter comme les meilleurs "européens" peut être de bonne tactique dans les négociations », concédait-il de façon plus étonnante « Travaillons à réaliser le concert des nations européennes tant sur les problèmes politiques et de défense que sur les questions économiques et monétaires », poursuivait-il ; « mais n'oublions pas que la France ne tiendra son rang, tant vis-à-vis des superpuissances que de ses partenaires européens, que dans la mesure où elle représentera elle-même, sur tous les plans, une force ». En effet, qu'est-ce que la souveraineté sans la puissance ?

Verdun souillé par les nationalistes

25 mai 2016

Billet d'humeur au titre délibérément racoleur.

Le Sénat vient de rejeter hier (mardi 24 mai 2016) l'aménagement des quotas de chansons francophones à la radio qu'avait proposé le Gouvernement. Quel rapport avec Verdun, nous direz-vous ? Il s'agit de revisser un dispositif mis en place dans les années quatre-vingt-dix, dont l'incidence fut déterminante dans l'émergence du rap en France, à la faveur d'un pari gagné par Skyrock et son directeur des programmes, Laurent Bounneau. Autrement dit, sans ces quotas institués par Jacques Toubon, peut-être Black M n'aurait-il jamais percé. Sans doute le protectionnisme ne produit-il pas toujours les effets escomptés...

Cela étant, si d'autres voies avaient été empruntées par l'industrie musicale, d'autres candidats se seraient vraisemblablement présentés pour animer cet événement festif que constitue, assurément, la commémoration d'une bataille si sanglante. Force est de le constater : l'indécence est une vertu communément partagée, comme en témoigne l'indignation qu'elle a elle-même suscitée. Beaucoup se sont déchaînés contre ce malheureux rappeur ; mais rares sont ceux qui auront porté un quelconque intérêt à la multiplicité des manifestations organisées à l'occasion de ce centenaire (votre serviteur ne fait pas exception, sinon par nécessité professionnelle). Ce satané concert étant annulé, nulle protestation n'étant donc à l'ordre du jour, il n'y a plus guère de raison d'aller à Verdun, nous souffle-t-on à l'oreille. CQFD.