3 août 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
La dimension politique du sport est régulièrement soulignée à l'occasion
des Jeux olympiques. Cependant, les diplomates lui portent un intérêt
croissant.
Vendredi prochain, 5 août 2016, s'ouvriront au Brésil les XXXIe
Jeux olympiques de l'ère moderne. Entre 2010 et 2020, la plupart des
grandes manifestations sportives se seront tenues dans des pays dits
"émergents" – dix sur treize, selon le décompte proposé par les députés
Valérie Fourneyron (PS) et François Rochebloine (UDI) dans
un rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le
8 juin 2016. Faut-il s'en étonner ? Comme le remarque
Valérie Fourneyron, « le sport est un révélateur de la marche du
monde
» ; « il permet aux États de se mettre en
scène
». De son point de vue, les Jeux de Sotchi, organisés en
Russie à l'hiver 2014, s'inscrivaient dans la « diplomatie des
muscles
» mise en œuvre par Vladimir Poutine. Quant aux
États-Unis, qui traquent la corruption dans les instances internationales
du sport, ils lui semblent « fidèles en cela à leur idéologie de
la "destinée manifeste", mélange de doctrine interventionniste, de
volonté de se poser en justiciers du monde et de diffuser un modèle de
démocratie libérale
». Le Qatar n'est pas en reste :
« le sport accompagne une politique de diversification
d'investissements en apportant une dimension de prestige essentielle aux
ambitions de l'Émirat
», observe-t-elle avec François
Rochebloine.
Un catalyseur de changements
Les États ou les villes qui accueillent de tels événements en attendent
des retombées économiques. Cela « malgré des chiffrages épars
»
dont les rapporteurs jugent la fiabilité « inégale
».
Attention aux déconvenues : « il n'y a pas eu à Londres plus
de touristes lors des Jeux de 2012 qu'en temps ordinaire
»,
soulignent les députés. Cela étant, « c'est dans une dynamique de
long terme que l'impact touristique doit être appréhendé
».
Tout comme la construction des infrastructures. À ce titre, « Barcelone
est devenue le modèle de régénération urbaine réussie grâce aux Jeux,
avant d'être détrônée par Londres vingt ans plus tard
». Ainsi
les JO de 2012 ont-ils été « utilisés à des fins de développement
territorial de l'Est londonien, déshérité
». La construction du
stade de France, à l'approche de la Coupe du monde de football de 1998,
s'est elle-même inscrite dans le développement plus général de la plaine
Saint-Denis. En résumé, « les grandes compétitions internationales
constituent des catalyseurs de changements pour une ville, un
territoire ; et à plus grande échelle, pour un pays
».
Des opportunités à saisir
Bien des opportunités sont à saisir. S'agissant du Japon, par exemple,
« il est notable que si Paris devait être sélectionné pour
accueillir les Jeux en 2024, l'intérêt se trouverait accru de construire
des partenariats avec des entreprises françaises
» ; dans
cette perspective, préviennent les rapporteurs, « il convient
d'entretenir la dynamique actuelle en capitalisant sur l'image du
charismatique entraîneur de la sélection nationale de football Vahid
Halilhodzik (ancien joueur du FC Nantes, ancien entraineur du PSG) et en
systématisant les invitations de hautes personnalités japonaises aux
grandes manifestations sportives organisées en France
». En
Amérique latine, « le sport est un excellent point d'entrée, parce
qu'il est populaire, outil de cohésion sociale et que les sports par
lesquels il est possible de développer une diplomatie d'influence sont
assez peu ou pas pratiqués aux États-Unis (football, rugby notamment) ou
plus européens qu'américains (cyclisme)
» ; « ce
raisonnement vaut aussi pour le handball en Afrique », précisent
les députés. Selon eux, il s'agit aussi d'« atteindre les cœurs et
les esprits des populations sans mettre en jeu l'État (concept de
"public diplomacy")
».
Ambassadeur pour le sport
La France saura-t-elle y parvenir ? Le ministère des Affaires
étrangères et du Développement international (MAEDI) « a
clairement intégré le sport comme un vecteur d'influence potentiellement
intéressant
», se félicitent les rapporteurs. Un ambassadeur
pour le sport a même été nommé en 2013. Mais les ressources mises à sa
disposition semblent dérisoires : « La ligne budgétaire est
de l'ordre de 8 000 euros de voyages annuels !
» La
situation demeure « brouillonne
», comme en témoigne la
préparation de l'Euro 2016, où « des tiraillements sont apparus
entre le MAEDI qui assure le pilotage politique et le ministère de
l'Économie, de l'Industrie et du Numérique qui détient les moyens
».
Rattachée aujourd'hui au ministère des Sports, la Délégation
interministérielle aux grands événements sportifs (DIGES) devrait être
placée auprès du Premier ministre, selon les recommandations des
députés : ce serait « une des clés de l'amélioration du
dispositif national, que tout le monde décrit comme éclaté et illisible
».
Apprendre à jouer collectif
Il faut « que les acteurs publics soient rassemblés et entraînent
les acteurs non étatiques pour former une véritable "équipe France"
»,
martèlent les rapporteurs. À l'exception notable de celles réunies dans le
"Cluster Montagne", nos entreprises « ne jouent pas toujours
"collectif"
» déplorent-ils. Or, « la diplomatie
sportive française ne peut exister sans parvenir à susciter cette
alchimie qui existe spontanément dans certains pays malgré la
concurrence commerciale
». Selon les parlementaires, il « revient
à l'État de structurer et rassembler les acteurs
», comme il
s'y essaie au Japon, « un pays laboratoire pour la diplomatie
économique française en matière de sport
».
Puissance et influence
L'« État stratège
» cher au Front national sera-t-il
édifié sous la houlette d'un gouvernement socialiste ? Sans doute
Valérie Fourneyron et François Rochebloine partagent-ils avec Marine Le
Pen une certaine bienveillance à l'égard de de l'intervention
publique : « les résultats sont beaucoup plus facilement au
rendez-vous quand l'État est à la manette
», écrivent-ils
notamment. Cependant, dans le cas présent, il ne s'agit pas de protéger
les entreprises françaises exposées à la concurrence étrangère, mais de
les accompagner dans la compétition internationale. Les rapporteurs disent
avoir mené un « travail de pédagogie sur le concept de puissance
telle qu'elle s'exerce aujourd'hui dans le monde
». Selon
Valérie Fourneyron, précisément, « la puissance de la France au
XXIe siècle résultera de la conjugaison intelligente des différents
leviers de l'influence
». Incidemment, loin de combattre la
mondialisation, elle propose de mieux y intégrer la France.
Cartes postales – Le 24 juillet 2016 s'est achevée
la cent-troisième édition du Tour de France. Dans leur rapport évoqué
ci-dessus, les députés Valérie Fourneyron et François Rochebloine
proposent un vibrant éloge de cette compétition. Il y voient « un
monument du sport mondial et un ambassadeur de la France à l'étranger
».
Le Tour de France est diffusé dans cent-quatre-vingt-douze pays,
précisent-ils ; « c'est la troisième diffusion audiovisuelle
mondiale
» ! « Au-delà du spectacle sportif
»,
se félicitent les parlementaires, « le Tour de France assume un rôle
de promotion de la France, de son patrimoine et de ses régions, de la
beauté et de la diversité des paysages français
» ; en
effet, « ce sont chaque jour des cartes postales de la France qui
passent sur des millions d'écrans
».
Euro radin – Alors que la France accueillait l'Euro 2016
de football, l'État a acheté vingt mille places « à vocation
sociale
». Cela « sans rabais
», déplorent les
députés Valérie Fourneyron et François Rochebloine. Les pouvoirs publics
auraient bénéficié de quatre-vingts places gratuites. Un nombre très
insuffisant aux yeux des parlementaires. C'est « inacceptable
»,
écrivent-ils dans leur rapport.
Lectures d'été – À l'approche des Jeux olympiques,
« les enjeux du sport
» – « économie,
géopolitique, société, identité
» – sont à la une de la revue Conflits
(n° 10, été 2016, 9,90 euros). On y trouve notamment un
entretien avec Pascal Boniface, auteur du livre JO politiques –
Sport et relations internationales, paru en juin dernier
(éditions Eyrolles, 202 pages, 16 euros). C'est aussi l'occasion
de relire les Lettres des Jeux olympiques de Charles
Maurras, préfacées par Axel Tisserand, publiées en poche en 2004 (éditions
Flammarion, 183 pages, 8,90 euros).
Publié dans International, Monde, Mondialisation | Pas de commentaires
3 août 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Facebook et Twitter sont pointés du doigt tandis que leurs services sont
mis à profit par les propagandistes islamistes.
Tandis que se multiplient les attentats terroristes, certains de nos
confrères ont annoncé qu'ils ne diffuseraient plus ni les noms, ni les
photographies des islamistes responsables de ces forfaits. Les députés
Marine Brenier (LR) et Meyer Habib (UDI) ont même déposé une proposition
de loi afin d'y contraindre tous les médias. De leur point de vue, « refuser
un nom et un visage aux terroristes, c'est leur refuser la victoire
» ;
« il faut cesser d'entretenir le phénomène malsain de
starification des criminels
», ont-ils
expliqué, soulignant toutefois que cela n'empêcherait pas « d'accomplir
un véritable travail d'enquête et de fond sur les profils des
terroristes
». Dans
les colonnes du Monde, Patrick Eveno, président de
l'Observatoire de la déontologie de l'information, s'étonne que « des
élus garants des libertés fondamentales se rallient à cette demande de
censure, quand ils ne la suscitent pas
» ; de toute façon,
cela lui semble « illusoire au temps des réseaux sociaux
».
Des blocages administratifs sans conséquence
Dans
un rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le
13 juillet dernier (2016), Kader Arif, député (PS) de la
Haute-Garonne, déplore, à ce propos, « la facilité avec laquelle
il a pu accéder en quelques clics aux publications françaises de Daech
».
« Chaque jour
», précise-t-il, « trois nouvelles
vidéos rattachées à Daech sur des réseaux comme Facebook ou Youtube sont
diffusées, leur publicité étant assurée notamment sur Twitter
».
Un « djihadiste facilitateur
» affirme d'ailleurs qu'il
« attrape partout sur Facebook
» !
En réaction, les pouvoirs publics ordonnent des blocages administratifs,
en application de la loi du 13 novembre 2014. Avec un résultat
mitigé : « en plus des nombreuses possibilités de
contournement des blocages, les sites terroristes effectivement bloqués
ne sont en fait pas du tout visités
», observe le
rapporteur ; de mars à décembre 2015, moins de cinq cents tentatives
de connexion auraient ainsi été mises en échec. Comme le rappelle Kader
Arif, la loi du 24 juillet 2015 prévoit, quant à elle, la mise en
place de « dispositifs techniques d'interception automatique
visant à repérer au sein du flux massif de données de communications les
métadonnées identifiant des comportements suspects en matière de
terrorisme
». Or, déplore-t-il, « les plateformes
semblent très réticentes envers le développement de tels outils,
estimant qu'il est difficile de qualifier en amont des contenus
terroristes et qu'une contextualisation du contenu est nécessaire
».
D'un contexte à l'autre
Selon le contexte, en effet, un même contenu pourra être diffusé à des
fins d'apologie ou de dénonciation. « Il est ainsi mentionné dans
les conditions générales d'utilisation de certains de ces réseaux
sociaux, que les contenus apologétiques en matière de terrorisme ou de
violences ne peuvent être retirés que lorsqu'ils ne sont pas accompagnés
d'un commentaire de l'auteur de la publication désapprouvant
formellement ces contenus
» ; faut-il le regretter avec le
rapporteur ? Tous les contributeurs de la "réinfosphère" ne partagent
pas son avis. En février dernier, la mésaventure de l'abbé Guy Pagès y
avait suscité l'indignation : prétendant lutter contre l'islam à la
lumière des atrocités commises en son nom, ce prêtre avait mis en ligne
des images insoutenables, si bien que les serveurs hébergeant son site
Internet avaient été saisis ; cela « sous les auspices des
nouvelles dispositions légales relatives à la lutte contre le terrorisme
»,
si l'on en croit son
témoignage rapporté par Riposte laïque.
En tout cas, aux yeux du rapporteur, il apparaît « nécessaire de
renforcer le contrôle sur les réseaux sociaux, qui
[...] ne
jouent pas toujours le jeu
». En février, Twitter a révélé
qu'il avait suspendu cent vingt-cinq mille comptes depuis le milieu de
l'année dernière. Il emploierait à cet effet une centaine de personnes.
C'est « extrêmement peu compte tenu le volume de contenus et de
signalements des utilisateurs
», dénonce Kader Arif. Selon lui,
« ce manque de moyens humains peut expliquer qu'une vidéo comme
celle revendiquant les meurtres de Magnanville le 14 juin 2016,
postée sur Facebook Live en direct, n'ait été
[...] retirée de
Facebook que onze heures après sa diffusion
».
Censure pudibonde
Ce manque de réactivité peut sembler trancher avec la fermeté qu'observe
Facebook à l'égard des utilisateurs coupables de braver le puritanisme
américain. Les Femen en ont déjà fait les frais, par exemple, tous comme
leurs détracteurs accompagnant d'une illustration sans floutage ni
artifice la dénonciation de leurs manifestations "topless". La censure
d'une reproduction de L'Origine du monde, le célèbre tableau
de Gustave Courbet, a même suscité une bataille judiciaire dont l'un des
enjeux a été de déterminer si les institutions françaises étaient
compétentes pour juger Facebook. Cela renvoie à « la nature même
des outils numériques, c'est-à-dire leur caractère transnational
»,
que ne manque pas de souligner le rapporteur. Selon lui, « la
coopération internationale doit donc être accrue sur ces sujets
»,
en premier lieu au niveau européen, « afin d'éviter de donner la
possibilité aux acteurs de jouer entre les différents pays pour se
protéger des blocages techniques mis en œuvre localement
».
Mais si Facebook et Twitter sont aujourd'hui des outils fondamentaux de
la propagande djihadiste, cela n'a pas toujours été le cas, comme le
rappelle Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri
(Institut français des relations internationales) : « Nombre de
djihadistes se montrent méfiants à l'égard des grands réseaux sociaux,
créés aux États-Unis et soupçonnés par les radicaux d'être mités aux
services de renseignement américains. La donne change réellement à
partir de 2012, année où le djihad en Syrie commence à attirer un flux
important de volontaires étrangers. Parmi eux se trouvent des centaines
puis des milliers de jeunes occidentaux, habitués à utiliser Facebook,
Twitter et Youtube.
» McDonald's finira-t-il par ouvrir un
restaurant dans les territoires conquis par l'État islamique ? Ironie
mise à part, l'islamisme apparaît à bien des égards comme un produit
typique de la mondialisation.
Publié dans Défense, Internet, Islam, Société | Pas de commentaires
20 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
L'Europe communautaire et sa politique commerciale n'ont pas la cote.
Sans les remettre radicalement en cause, le Gouvernement en tient compte
et infléchit son discours.
Le référendum en faveur du Brexit annonce-t-il le détricotage de l'Union
européenne (UE) ? Dans l'immédiat, tenant compte de la défiance
qu'elle inspire, le Gouvernement français s'est manifestement décidé à
infléchir son discours, sinon sa politique. « Quand l'Europe n'est
pas le bon niveau de décision, alors elle doit s'effacer, et laisser les
États décider
», a ainsi déclaré Manuel Valls, devant quelque
deux cents militants socialistes réunis à Belleville-sur-Mer le
26 juin, comme
le rapporte Euractiv. Dans ce contexte, la politique
commerciale, censée relever de la compétence exclusive de l'UE, s'avère
particulièrement exposée aux critiques. Sans doute la hantise des poulets
américains traités au chlore n'aura-t-elle rien arrangé... Au point où en
sont les discussions, « il ne peut pas y avoir d'accord de traité
transatlantique
», a même prévenu le Premier ministre.
Accord avec le Canada
Un "Accord économique et commercial global" (AECG ou CETA) n'en a pas
moins été conclu dernièrement avec le Canada. Sa version définitive a été
validé le 13 mai par le Conseil européen des chefs d'État ou de
gouvernement, plus de neuf ans après l'ouverture des discussions. Paris
a salué « un accord ambitieux, équilibré et mutuellement
bénéfique
». D'autant que « le Gouvernement de Justin
Trudeau s'est rallié à la proposition européenne de Cour de justice des
investissements
». « Porté par la France, ce nouveau
dispositif rompt définitivement avec l'ancien système d'arbitrage privé
»,
s'est félicité le Quai d'Orsay. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du
Commerce extérieur, de la promotion du Tourisme et des Français de
l'étranger, en a fait la promotion devant ses homologues du G20 le
10 juillet ; ce dispositif aurait « vocation, à terme, à
devenir une cour multilatérale des investissements
», explique
le ministère des Affaires étrangères.
La mixité controversée
Chacun des États membres de l'Union européenne devra ratifier l'accord
conclu avec le Canada. Pourtant, « sur le plan juridique, seule
l'UE est compétente sur les domaines couverts par l'accord CETA
»,
si
l'on en croit la Suédoise Cécilia Malmström, commissaire européen au
Commerce. Bruxelles se serait résigné à le considérer comme un accord
"mixte" sous la pression de Paris et Berlin. C'est d'autant plus
remarquable que l'accord d'association avec l'UKraine s'était heurté, en
avril dernier, à l'écueil d'un référendum consultatif organisé aux
Pays-Bas... « Si nous ne sommes pas capables de ratifier l'AECG, à
l'avenir, avec qui pourrons-nous négocier ?
», s'inquiète
un fonctionnaire européen, cité
par Les Échos ; « ce serait la fin
de la politique commerciale unique
», prévient-il. « Ce
qui se joue, c'est le maintien de la compétence de la Commission en
matière de commerce
», confirme la Néerlandaise Marietje
Schaake, député au Parlement européen ; or, poursuit-elle, « si
cela lui échappait, chaque pays européen serait amené à négocier des
accords commerciaux de son côté et c'en serait alors fini du marché
commun
». Lequel constitue le principal pilier de l'Union
européenne...
De toute façon, « la France s'était engagée à ce que le Parlement
ait le dernier mot
», a
rappelé Matthias Fekl. « Les parlementaires français auront
donc à se prononcer par un vote sur la ratification ou non du CETA
»,
s'est-il félicité. De son point de vue, « c'est une question de
principe essentielle pour assurer l'adhésion des citoyens européens aux
politiques commerciales conduites en leur nom
». Le cas
échéant, pourquoi s'abrite-il encore une fois derrière Bruxelles ?
Rien n'interdirait au Gouvernement de solliciter l'avis du Parlement à
l'approche des réunions du Conseil des ministre de l'UE, où les textes
européens sont soumis à son approbation ; au Danemark et en Finlande,
par exemple, il en a même l'obligation ! Quoi qu'il en soit, force
est de le constater : sous la pression populiste, on dirait bien que
l'Europe communautaire recule à petits pas.
NB – Le Parlement français n'est pas le seul à tenter de faire entendre
sa voix au niveau européen. Dans le cadre du débat sur le travail détaché,
les Parlements de onze États (Danemark, Bulgarie, Hongrie,
Croatie, République tchèque, Pologne, Estonie, Roumanie, Lituanie,
Lettonie et Slovaquie) ont adressé un "carton jaune" à la Commission. Une
première depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Comme
le rappelle Euractiv, « cette procédure,
instaurée par le traité de Lisbonne, permet aux parlements d'un
pays de contester la compétence de l'UE sur un projet législatif
européen
». Cependant, dans le cas présent, il s'agit de
défendre une position vraisemblablement opposée à celle de Paris.
Publié dans Économie et Industrie, Europe | Pas de commentaires
6 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Un livre signé Luc Beyer de Ryke.
Tandis qu'on commémore le centenaire du premier conflit mondial, se
souvient-on que la Belgique fut « un des rares – sinon le seul –
pays à avoir connu une collaboration dès la Grande Guerre
»,
comme le rappelle Luc Beyer de Ryke ?
À cet égard, le nationalisme flamand constitua un « vivier
»
que ne manqua pas d'exploiter à chaque fois l'occupant allemand. Lequel
fut accueilli comme un « libérateur
» par certains
militants indépendantistes, emprisonnés à titre préventif... Leur défiance
était entretenue au sein même de l'armée belge, où « des
intellectuels
[...] s'indignèrent de l'état de sujétion auquel
était réduite la piétaille des tranchées
» – « la
plupart du temps rurale, flamande et patoisante
». La hantise
du communisme aidant, la Flamenpolitik « exerça des ravages
»,
rapporte Luc Beyer de Ryke.
Observant « la braise toujours incandescente
[...] de la
collaboration
», il en a rencontré les acteurs ou leurs
descendants, livrant leurs témoignages dans un style vivant, brossant des
portraits souvent pittoresques. Francophone de Flandre, l'auteur s'est
attaché à « mieux comprendre l'histoire
[des] fractures et
[des] déchirements
» de son pays. Dans l'espoir, sans doute,
de mieux en protéger la fragile unité.
Luc Beyer de Ryke, Ils avaient leurs raisons, éditions
Mols, mars 2016, 205 pages, 21,50 euros.
Publié dans Histoire | Pas de commentaires
6 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Coopération franco-britannique, défense européenne, Alliance
atlantique : aperçu des perspectives ouvertes par le vote du
23 juin 2016 en faveur du Brexit.
Le 24 juin 2016, alors que venait d'être annoncée l'issue du
référendum en faveur du Brexit, le
président de la République a promis que Paris serait « à
l'initiative pour que l'Europe se concentre sur l'essentiel
» –
à savoir, tout d'abord, « la sécurité et la défense de notre
continent
». Or, si le Royaume-Uni quitte effectivement l'Union
européenne (UE), « la France
[...] continuera à travailler
avec ce grand pays
», y compris en cette matière, où « nos
relations étroites
[...] seront préservées
», a assuré
François Hollande.
Gare aux punitions
« Qu'ils soient dans ou en dehors de l'UE, les Britanniques
restent à échéance visible nos partenaires les plus crédibles et les
plus sérieux en matière de défense sur le continent européen
»,
confirme Pierre Razoux, dans
une note de l'Irsem (Institut de recherche stratégique de l'École
militaire). « Nous partageons des intérêts similaires (vision
mondiale, siège permanent au Conseil de sécurité, détention de l'arme
nucléaire, nombreux territoires d'outre-mer à protéger, intérêts
géostratégiques largement convergents) que le Brexit ne modifiera pas
»,
explique-t-il. « Sur le plan industriel
», précise-t-il,
« nous sommes engagés dans des projets structurants en cours de
développement (missile antinavire léger, système de combat aérien futur)
qui restent strictement bilatéraux
». Par conséquent,
prévient-il, « il est crucial que la France continue de traiter le
Royaume-Uni avec respect, de manière sereine et dépassionnée, sans
l'esprit de "punition" que certains pourraient être tentés
d'instrumentaliser
».
Ce partenariat s'appuie sur les accords de Lancaster House signés en
2010. Lesquels sont « une façon de "faire l'Europe sans l'Union
européenne", pour reprendre les propos de l'ambassadrice de France en
Grande-Bretagne
», citée par Florent de Saint-Victor dans
un entretien au Marin. En fait, c'est une façon parmi
beaucoup d'autres... Londres participe également à l'Occar (Organisation
conjointe de coopération en matière d'armement), par exemple, sous l'égide
de laquelle a été développé l'Airbus A400M. En revanche, à la différence
de Paris, il est resté en marge du Commandement européen du transport
aérien (EATC). Force est de le constater : "l'Europe des États" chère
aux souverainistes existe d'ores et déjà. En effet, ces structures-là sont
indépendantes de l'UE et de sa Politique de sécurité et de défense commune
(PSDC), à laquelle la contribution du Royaume-Uni s'avère d'ailleurs
modeste, au regard de ses capacités.
Londres préfère l'Otan
« Durant l'opération Eunavfor Atalanta contre la piraterie,
Londres n'a mis à disposition qu'un navire depuis 2008
», souligne
ainsi Nicolas Gros-Verheyde, animateur du blog Bruxelles 2.
« Et ce pendant quelques mois à peine
»,
précise-t-il, « soit à peine plus que les... Ukrainiens
» ;
« pendant ce temps
», poursuit-il, « les
Luxembourgeois mettaient à disposition deux avions de patrouille
maritime durant plusieurs années
». De fait, observe-t-il,
« le Royaume-Uni préférait mettre ses navires à disposition de
l'Otan ou des Américains
». Étonnement, Pierre Razoux n'en estime
pas moins que la perspective d'un Brexit « laisse présager la
démonétisation
» de la PSDC. Pourtant, Londres était
régulièrement accusé d'en freiner le développement, s'opposant à la
création d'un QG militaire de l'Union, ainsi qu'à l'accroissement du
budget de l'Agence européenne de défense (AED). Selon le collaborateur de
l'Irsem, « si les Britanniques ne peuvent plus jouer au sein de
l'UE, certains d'entre eux pourraient être tentés de torpiller la PSDC
et de convaincre leurs anciens partenaires de l'inutilité de cet outil
dont ils ne font plus partie
». Cependant, souligne Nicolas
Gros-Verheyde, « un départ du Royaume-Uni n'empêcherait pas qu'il
puisse continuer à contribuer, de manière extérieure, aux opérations
militaires européennes, comme le font aujourd'hui nombre de pays tiers,
de la Géorgie à la Colombie, en passant par la Suisse, la Norvège, la
Serbie ou les États-Unis
».
Quoi qu'il en soit, « la France aurait tout à gagner à se
présenter comme l'intermédiaire naturel entre le Royaume-Uni et l'UE
»,
selon Pierre Razoux. Ce dernier entrevoit également « une
opportunité de coopération supplémentaire entre l'Allemagne et la France
»
au sein de l'Alliance atlantique. Dans quelle mesure celle-ci serait-elle
affectée par un Brexit ? Les avis sont partagés. Un analyste russe, cité
par le Courrier international, anticipe « le
renforcement du rôle de l'Otan, comme "dernière structure unifiant
l'Europe"
» ; si bien que le Brexit contribuerait « non
pas à un infléchissement du rôle des États-Unis en Europe, mais au
contraire à son renforcement
». À l'inverse, sur
Royal Artillerie, Catoneo annonce que « nous
gagnerons en autonomie par rapport aux États-Unis
».
Nouveaux équilibres
La donne serait davantage bouleversée si le Brexit s'accompagnait d'un
éclatement du Royaume-Uni. Celui-ci apparaît « menacé de
déclassement à la fois économique et stratégique avec l'indépendance
plausible de l'Écosse
», selon Pierre Razoux. Dans l'immédiat,
les spéculations vont bon train quant aux nouveaux équilibres
géopolitiques qui pourraient se dessiner à l'occasion du Brexit. Le vote
"leave" a été « accueilli très favorablement par la Russie, la
Turquie et la Chine, et de manière dubitative par les États-Unis
»,
croit savoir Pierre Razoux. « Le retrait britannique change les
termes du processus décisionnel (modifiant la minorité de blocage),
modifie les équilibres au détriment de la sensibilité libérale, et
laisse Paris et Berlin dans un inconfortable face à face
»,
analyse Frédéric Charillon dans
The Conversation. « Ceux qui se réjouissent
aujourd'hui de la sortie annoncée du Royaume-Uni pourraient être demain
les premiers à dénoncer les ambitions géopolitiques et militaires d'une
Allemagne décomplexée
», s'inquiète même Pierre Razoux. « Si
les Britanniques n'étaient pas favorables à une politique étrangère
commune digne de ce nom, la contribution du Foreign and Commonwealth
Office à la diplomatie européenne renforçait considérablement l'analyse
et la crédibilité de celle-ci
», affirme encore celui-là. À ce
propos, les chefs d'État ou de gouvernement de l'UE viennent d'adopter le
28 juin une nouvelle stratégie pour la politique extérieure et de
sécurité. Y compris David Cameron donc. Brexit ou pas, l'Europe continue.
Sous de multiples formes.
Publié dans Défense, Europe, International, Monde | Pas de commentaires
1 juillet 2016
Un billet teinté d'ironie soufflé par le camarade Philippe.
Le vote "leave" l'a donc emporté le 23 juin 2016. « Ce
référendum n'est pas la victoire des peuples sur les élites, mais des
gens peu formés sur les gens éduqués
», a commenté l'inénarrable
Alain Minc, suscitant
l'indignation de notre confrère Louis Hausalter. Dans la foulée,
bien des "réinformateurs" auront dénoncé la condescendance prêtée au Pays
légal. Celui-ci serait-il peuplé de nouveaux réactionnaires ?
De fait, les propos d'Alain Minc ne sont pas sans rappeler (dans une
certaine mesure, n'est-ce pas ?) ceux tenus jadis par Charles Maurras. Le
28 juin 1941, dans les colonnes de L'Action Française,
ce dernier se défendait du « reproche imprévu de mépriser le
peuple
», tandis qu'il lui refusait « le hochet d'une
fausse souveraineté, qu'il ne peut même pas exercer et que l'on ne peut
même pas concevoir
». Et d'expliquer : « Nous
respectons trop le peuple pour aller lui dire : "Il suffit de
compter les voix des incompétents, pour résoudre les questions d'intérêt
très général qui exigent de longues années d'étude, de pratique ou de
méditation. Il suffit de recueillir et d'additionner les suffrages des
premiers venus pour réussir dans les choix les plus délicats."
»
« Dire au peuple ce qui n'est pas serait lui manquer de respect
»,
poursuivait-il ; « lui débiter des fables pernicieuses, c'est
tantôt le haïr, tantôt le mal aimer
» ; « profiter,
pour lui faire ce mensonge, de la confiance naïve qu'il a voulu placer
en vous, c'est abuser de lui, le trahir et vous dégrader vous-même
».
Qu'on se le dise : au moins Alain Minc a-t-il préservé sa
dignité !
NB – Les citations sont tirées du Dictionnaire
politique et critique.
Publié dans Action française, Idées, Polémique | Pas de commentaires
29 juin 2016
Avis aux spécialistes des questions européennes : pourquoi l'Angleterre
ne deviendrait-elle pas un "pays et territoire d'outre-mer" (PTOM) ?
Londres se trouve manifestement dans l'embarras : une majorité de
Britanniques ont voté pour le Brexit sans vraiment s'interroger sur la
suite. Sortir de l'UE, pour quoi faire ? Nul ne le sait ! C'est
affligeant, mais il appartient désormais à David Cameron et à ses
successeurs d'assumer les conséquences de ce calcul électoral. Afin de
préserver les intérêts du Royaume-Uni vis-à-vis de l'Union, mais aussi son
intégrité vis-à-vis des velléités d'indépendance de l'Écosse, voire
davantage.
Dans cette perspective, peut-être une solution s'offrirait-elle à Londres
: plutôt que de notifier au Conseil européen la volonté du Royaume-Uni de
sortir de l'Union européenne, il pourrait solliciter l'accession de
l'Angleterre au statut de "pays et territoire d'outre-mer" (PTOM). Comme
expliqué sur Wikipédia, ces territoires « ne
font pas partie de l'Union européenne
[...] bien qu'ils
dépendent de pays en faisant partie
». C'est le cas du
Groenland, mais aussi de Saint-Barthélémy, comme
nous l'avions déjà expliqué, et même de plusieurs territoires
rattachés au Royaume-Uni, comme
le rappelle encore l'encyclopédie participative : « Anguilla,
les Bermudes, les Îles Caïmans, la Géorgie du Sud-et-les Îles Sandwich
du Sud, les îles Malouines (Falkland), Montserrat, les îles Pitcairn,
Sainte-Hélène, Ascension et Tristan da Cunha, le Territoire antarctique
britannique, le Territoire britannique de l'océan Indien, les îles
Turques-et-Caïques et les îles Vierges britanniques
».
Bien sûr, le statut de PTOM s'en trouverait détourné de sa vocation, mais
rien n'interdirait d'amender les traités à la marge si nécessaire. Par ce
biais, Londres pourrait donner une traduction au vote "leave", majoritaire
en Angleterre, tout en coupant l'herbe sous le pied des indépendantistes
écossais. À vrai dire, cela nous semblerait presque trop facile, et nous
nous étonnons qu'aucune mention à cette "solution miracle" ne semble
apparaître dans les actualités recensées par Google. Mais il est vrai que
les questions européennes intéressent peu nos confrères journalistes.
Qu'en pensent leurs meilleurs spécialistes ?
Publié dans Europe | Pas de commentaires
22 juin 2016
Que les écoles libres servent la République, ou bien qu'elles disparaissent, clame, en substance, le député des Alpes-Maritimes.
La République semble s'incarner sous son pire visage en la personne
d'Éric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes. Appelant manifestement à
une croisade contre l'islam, ce dernier se fait le chantre d'une laïcité
sectaire, comme
nous l'avions déjà signalé, mais aussi l'ennemi des libertés
scolaires, comme
en témoigne sa proposition de loi « visant à renforcer
l'encadrement des établissements privés hors contrat et à limiter les
possibilités de dérogation à l'obligation scolaire
». Déposé le
27 avril, ce texte n'est apparu qu'aujourd'hui, mardi 21 juin
2016, dans le flux RSS de l'Assemblée nationale – il était temps ! Il
a été présenté avec le soutien de plusieurs parlementaires, dont
Bernard Accoyer, Éric Woerth, mais aussi Bernard Debré, généralement mieux
inspiré.
Dans l'exposé des motifs, Éric Ciotti dénonce « l'émergence de
deux phénomènes particulièrement préoccupants : la déscolarisation
d'un nombre croissant d'enfants, surtout des filles, pour des motifs
d'ordre essentiellement religieux d'une part, et la multiplication
d'écoles privées hors contrat prônant un islam radical, d'autre part
».
Loin d'examiner la diversité des situations incriminées, il se garde bien
d'analyser les motivations des parents, se bornant à déplorer que les
enfants soient « alors victimes de propagande idéologique sous
couvert de programmes éducatifs alternatifs
». C'est dire la
considération qu'il porte aux écoles Montessori, par exemple.
Selon son rédacteur, cette proposition de loi aurait pour « premier
objet
» de « durcir les conditions d'ouverture d'un
établissement hors contrat
». Ce faisant, il s'agirait de
« prévenir l'ouverture d'établissements où s'expriment des formes
d'intégrisme religieux
». Les catholiques en marge de l'Église
sont-ils visés eux aussi ? Vraisemblablement : « l'objectif
est d'éviter que les enseignants ne fassent passer le prosélytisme avant
l'éducation des enfants
», explique Éric Ciotti. Par
conséquent, poursuit-il, ce texte « prévoit de renforcer les
contrôles de ces écoles en les étendant à l'existence d'atteinte aux
valeurs de la République
», au premier rang desquelles figureraient
« le respect des institutions
» et « l'égalité
homme-femme
».
« Les écoles doivent demeurer des lieux où se transmettent les
savoirs et non les idéologies
», écrit le député des
Alpes-Maritimes. C'est effectivement ce qui devrait être exigé des écoles
publiques – mais pas des autres. Or, c'est exactement l'inverse que
réclame Éric Ciotti. « Les lieux d'enseignements doivent rester
des sanctuaires préservés de toute influence idéologique ou politique
contraire aux valeurs républicaines
», précise-t-il. Autrement
dit, si elle s'avérait conforme à ses propres valeurs, cette « influence
idéologique ou politique
» apparaîtrait tout à fait légitime
aux yeux d'Éric Ciotti. Au moins les choses sont-elles claires.
Mais les établissements scolaires ne sont pas seuls en cause. Un article
de cette proposition de loi « soumet l'instruction à domicile à
l'autorisation préalable de l'inspecteur d'académie qui ne pourra y
donner droit que dans l'une des hypothèses suivantes : l'exigence
de soins médicaux, situation de handicap en attente de scolarisation
dans un établissement médico-social, activités sportives ou artistiques,
parents itinérants, éloignement géographique d'un établissement
scolaire
». De plus, l'inspecteur d'académie devrait alors
vérifier « que l'enfant ne fait l'objet d'aucune influence
idéologique ou politique contraire aux valeurs de la République
».
Les sympathisants du Front national étant réputés ne pas les partager,
seraient-ils privés de l'exercice de ces quelques libertés résiduelles ?
Peut-être pourrait-on carrément leur retirer leurs
enfants ! Éric Ciotti n'est pas loin de le suggérer. Que de telles
velléités, proprement totalitaires, puissent émaner d'un parti de
gouvernement, voilà qui devrait nous inquiéter bien davantage que le péril
frontiste – quoique ceci ne soit pas sans incidence sur cela. En tout cas,
alors que le pouvoir socialiste planche lui-même sur le sujet, on se
demande s'il se trouvera quelque député pour se soucier des libertés quand
la question sera débattue sur les bancs de l'Assemblée. Affaire à suivre.
Publié dans Libertés, Politique | Pas de commentaires
15 juin 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
La question posée aujourd'hui, à l'approche du référendum sur le Brexit,
l'a déjà été à maintes reprises, comme en témoignent les archives d'Aspects
de la France.
En 1950, alors que fut proposée la création de la CECA (Communauté
européenne du charbon et de l'acier), le gouvernement britannique « considérait
que l'appartenance à un groupement exclusivement européen affaiblirait
ses liens avec le Commonwealth et la défense atlantique
»,
comme l'explique Helen Parr dans le Dictionnaire critique de
l'Union européenne (Armand Colin, 2008). Cependant, Londres ne
tarda pas à reconsidérer sa position, tandis que se développait le Marché
commun. En effet, « celui-ci était devenu le premier partenaire
commercial de la Grande-Bretagne
». De plus, « la
Communauté était en train de s'imposer sur la scène internationale, au
risque d'isoler la Grande-Bretagne
». Aussi sa demande
d'adhésion fut-elle présentée en juillet 1961.
L'Action française contre l'élargissement
Albion se heurta toutefois à l'hostilité de Paris. Dans les colonnes d'Aspects
de la France, on était loin de le déplorer : « pas
d'élargissement du Marché commun sans révision du traité de Rome
»,
résumait le titre d'un article signé Finex, publié dans le numéro du
7 décembre 1967 ; sans quoi, expliquait-il, « le poids
[...] du vote de la France
[...] serait diminué en valeur
relative
». « Ceux qui prônent l'entrée de la
Grande-Bretagne dans le Marché commun n'avancent aucun argument relevant
de l'intérêt français
», tranchait Pierre Pujo ; « on
ne nous a pas encore dit comment l'économie française supporterait la
concurrence anglaise
», déplorait-il notamment.
Un traité n'en fut pas moins signé quatre ans plus tard. « Il
faut écarter d'emblée la théorie selon laquelle tout élargissement d'une
aire économique serait un bien
», commentait Georges Mollard,
dans le numéro du 27 janvier 1972. De son point de vue, l'économie
était manifestement un jeu à somme nulle ; qu'importent Ricardo et
ses "avantages comparatifs" : « toute l'expérience acquise
tend au contraire à montrer que ce qui serait bon pour l'un serait
mauvais pour un autre
». En tout cas, « les nouveaux
arrivants ne sont pas disposés à oublier leurs intérêts nationaux
»,
prévenait Pierre Pujo ; la « cohésion
» de la Communauté
européenne s'en trouvera même fragilisée, annonçait-il. La hantise d'une
Europe fédérale n'en continuait pas moins d'animer les collaborateurs du
journal. Le 15 mai 1975, par exemple, Aspects de la France
dénonçait la « chimère européenne
» du président Valéry
Giscard d'Estaing.
Déjà un référendum en 1975
Le mois suivant, les Britanniques étaient appelés, déjà, à s'exprimer sur
le maintien de leur pays dans la Communauté européenne. Comme l'expliquait
Pierre Pujo dans son éditorial du 12 juin 1975, le chef du
gouvernement britannique avait « cru trouver dans le recours à la
procédure du référendum
[...] le moyen d'esquiver ses
responsabilités de Premier ministre et de surmonter la division de son
parti sur la question européenne
». L'histoire se répète !
« Malgré le référendum britannique, "l'Europe" recule
»,
titrait alors Aspects de la France. Échec venait d'être fait
au Brexit. « Les partenaires de la Grande-Bretagne
[...] auraient
tort de croire qu'ils trouveront désormais en elle un associé animé d'un
grand enthousiasme communautaire
», prévenait Pierre Pujo.
« La prétention de nos gouvernants de se présenter comme les
meilleurs "européens" peut être de bonne tactique dans les négociations
»,
concédait-il de façon plus étonnante « Travaillons à réaliser le
concert des nations européennes tant sur les problèmes politiques et de
défense que sur les questions économiques et monétaires
»,
poursuivait-il ; « mais n'oublions pas que la France ne
tiendra son rang, tant vis-à-vis des superpuissances que de ses
partenaires européens, que dans la mesure où elle représentera
elle-même, sur tous les plans, une force
». En effet, qu'est-ce
que la souveraineté sans la puissance ?
Publié dans Action française, Europe, Histoire | Pas de commentaires
25 mai 2016
Billet d'humeur au titre délibérément racoleur.
Le Sénat vient
de rejeter hier (mardi 24 mai 2016) l'aménagement des
quotas de chansons francophones à la radio qu'avait proposé le
Gouvernement. Quel rapport avec Verdun, nous direz-vous ? Il s'agit
de revisser un dispositif mis en place dans les années quatre-vingt-dix,
dont l'incidence fut déterminante dans l'émergence du rap en France, à
la faveur d'un pari gagné par Skyrock et son directeur des programmes,
Laurent Bounneau. Autrement dit, sans ces quotas institués par
Jacques Toubon, peut-être Black M n'aurait-il jamais percé. Sans
doute le protectionnisme ne produit-il pas toujours les effets
escomptés...
Cela étant, si d'autres voies avaient été empruntées par
l'industrie musicale, d'autres candidats se seraient vraisemblablement
présentés pour animer cet événement festif que constitue, assurément, la
commémoration d'une bataille si sanglante. Force est de le
constater : l'indécence est une vertu communément partagée, comme en
témoigne l'indignation qu'elle a elle-même suscitée. Beaucoup se sont
déchaînés contre ce malheureux rappeur ; mais rares sont ceux qui
auront porté un quelconque intérêt à la
multiplicité des manifestations organisées à l'occasion de ce centenaire
(votre serviteur ne fait pas exception, sinon par nécessité professionnelle).
Ce satané concert étant annulé, nulle protestation n'étant donc à l'ordre du jour,
il n'y a plus guère de raison d'aller à
Verdun, nous souffle-t-on à l'oreille. CQFD.
Publié dans Humeur | Pas de commentaires