Eurogendfor attaque la Grèce

31 octobre 2013

Des conspirationnistes prêtent à Paris et à quelques-uns de ses partenaires la volonté d'envahir la Grèce.

Voilà que l'Union européenne prépare, paraît-il, l'invasion de la Grèce ! Cette annonce circule sur la Toile francophone, apparemment à l'initiative du Comité Valmy, relayé par quelques souverainistes à la crédulité confondante.

Dans ce tissu d'âneries, il est question de la Force de gendarmerie européenne (FGE). Également dénommée Eurogendfor, celle-ci nous est présentée comme « l'armée privée de l'UE ». Double méprise : d'une part, les effectifs qui lui sont rattachés ne sont pas des mercenaires, mais des militaires ; d'autre part, elle a été créée en marge de l'Union européenne, ce que Mme Élisabeth Guigou avait d'ailleurs regretté lors d'un débat à l'Assemblée nationale.

« On prépare [...] pour la première fois » son engagement, rapportent les imbéciles du Comité Valmy. Or, la FGE a déjà été déployée à trois reprises, en Bosnie-Herzégovine, en Afghanistan ainsi qu'en Haïti. Au regard de ses missions, force est de constater qu'elle n'a pas été créé dans le seul but de mater « des adolescents musulmans immigrés en France », n'en déplaise à ces ignares ! Ceux-ci évoquent une « unité d'intervention spéciale de trois mille hommes », alors qu'elle ne compte, en réalité, qu'une trentaine de permanents. « La FGE [...] possède une capacité initiale de réaction rapide d'environ huit cents personnels sous un délai de trente jours », précise l'Hôtel de Brienne. En fait, chaque opération donne lieu à une "génération de force", sur la base d'un catalogue recensant des capacités déclarées par les États.

Soucieux de nous révéler le dessous des cartes, nos conspirationnistes en herbe soutiennent que la Force de gendarmerie européenne a été « fondée en secret – ni vu, ni connu ». Dans les colonnes de L'Action Française 2000, nous l'avons pourtant déjà évoquée au moins à trois reprises (en février 2010, juillet 2010 et mars 2011)... et toujours sur la base de documents officiels.

L'histoire en otage

2 avril 2009
Article publié dans L'Action Française 2000

Retour sur l'histoire du négationnisme en France.

Le négationnisme s'est immiscé dans l'actualité ces derniers mois. Nos lecteurs intéressés par cette "école" pseudo-historique pourront consulter l'étude que Valérie Igounet a consacrée à ses représentants français (1). L'auteur considère Maurice Bardèche comme l'« initiateur » de la contestation des crimes nazis. Ouvertement fasciste, le beau-frère de Robert Brasillach devint l'éditeur d'un transfuge de la gauche pacifiste, député SFIO puis militant actif de la Fédération anarchiste : Paul Rassinier. Revenu de déportation à Buchenwald et Dora, celui-ci entreprit de relativiser la responsabilité des SS dans les camps, incriminant plutôt les communistes. Ces "précurseurs" ouvrirent la voie à Robert Faurisson, un professeur de lettres amoureux de la vérité selon ses dires, sans aucun doute avide de provocation.

Signe des insuffisances de la recherche historique, il fut, dans les années soixante-dix, l'« un des premiers Français à fouiller dans les archives d'Auschwitz, à comparer des documents et à mettre en évidence des contradictions entre [...] les plans et [...] le terrain ». Se rendant sur place, un pharmacien qui préparait un roman observa moult incohérences, au point de douter à son tour de l'existence des chambres à gaz homicides. Aussi Jean-Claude Pressac travailla-t-il aux côtés de Robert Faurisson pendant quelque temps. La rupture fut consommée après qu'il eut décelé les « traces d'aménagement criminelles » d'un camp qui, en réalité, n'avait pas été conçu dès l'origine à des fins d'extermination. Une découverte fondamentale. Non sans hésitation, Pierre Vidal-Naquet introduisit cet "amateur" dans les milieux universitaires. Ses conclusions, publiées aux États-Unis en 1989 sous le titre Auschwitz - Technique and operation of the gas chambers, devinrent « une des références bibliographiques dans l'histoire du génocide ». Dans un entretien accordé au Spiegel du 9 février dernier, Mgr Williamson s'est engagé à étudier l'ouvrage de ce "négationniste repenti". Celui-ci n'en reste pas moins une personnalité controversée, étant donné son choix de ne considérer que les « données et documents techniques » ; d'autant qu'il révise à la baisse le nombre de victimes.

Valérie Igounet rend compte de la pénétration du négationnisme dans l'idéologie et le discours du Front national, ainsi que des collusions de l'extrême droite avec des courants pro-arabes, voire islamistes. Les sympathies que s'attire aujourd'hui Dieudonné sont à ce titre significatives. L'auteur souligne également le soutien décisif apporté au négationnisme par un microcosme d'extrême gauche mené par Pierre Guillaume, animateur de La Vieille Taupe, une librairie "révolutionnaire". Influencé par Amadeo Bordiga, il a vu dans les horreurs du nazisme « un alibi, utile au capitalisme, pour justifier son exploitation de la classe prolétarienne ».

Fallait-il condamner lourdement les adeptes de cette « métamorphose moderne de l'antisémitisme » ? « Ceux qui sont contre [...] ne vivent pas au milieu des survivants et n'entendent pas leurs cris », déplora Serge Klarsfeld, qui défendait la loi Gayssot en 1990 : « Les poursuites s'imposent dans la période actuelle. Après, une fois que tous les témoins seront morts, ce ne sera plus nécessaire. » Selon Pierre Vidal-Naquet, en revanche, « il n'appartient pas aux tribunaux de définir la vérité historique » : « Faire de la vérité sur la Shoah une vérité légale [...] paraît une absurdité. Le fait de punir l'expression du révisionnisme ne fera que transformer ces gens-là en martyrs. » Un point de vue partagé par Valérie Igounet, qui s'est exprimée à ce sujet le 26 janvier 2004 sur un forum en ligne du Nouvel Observateur. Fort heureusement, le discours des historiens ne se réduit pas à l'écho qu'en renvoie la sphère politico-médiatique. Ne l'oublions pas.

(1) Valérie Igounet : Histoire du négationnisme en France. Éd. du Seuil, mars 2000, 692 p., 28 euros.