Les déboires de l'euro, symbole d'une République en faillite

26 janvier 2012

Chronique enregistrée pour RFR le lundi 23 janvier 2012.

L'année dernière, quelques prophètes avaient annoncé que l'euro ne survivrait pas à 2011 – c'était le cas, on s'en souvient, d'Emmanuel Todd. L'entrée dans la nouvelle année les a couverts de ridicule ! Bien sûr, le spectre d'un éclatement de l'Union économique et monétaire hante les esprits. Mais si l'on s'en tient au cours des devises, en dépit d'une inflexion récente à la baisse, force est de constater que l'euro inspire toujours confiance. Quant à nos auditeurs, je doute qu'aucun commerçant les ait jamais priés de régler leurs achats en or ou en dollars. Chacun peut donc le constater au quotidien : l'euro n'est pas en crise. Du moins, pas au sens strict.

D'ailleurs, la crise de la dette est loin d'affecter les seuls États partageant la monnaie unique, quoique celle-ci leur complique effectivement la tâche pour en sortir. Le redressement des comptes publics est devenu une préoccupation majeure au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Japon aussi. C'est dire la légèreté avec laquelle on attribue parfois à l'euro la responsabilité de tous nos malheurs.

En fait, les souverainistes me rappellent ces gens qui, au lieu de condamner les violeurs, incriminent leurs victimes, coupables de les avoir tentés en affichant leur féminité. Tu portais une mini-jupe ? C'est bien fait pour ta gueule ! Cool... On sait que les Grecs ont maquillé leurs comptes publics ; mais ils en sont tout excusés, puisque c'était pour coller aux critères de convergence du traité de Maastricht. Ils se sont trop endettés : c'est encore la faute de l'euro, puisque celui-ci leur a permis de le faire à moindre coût. Parallèlement, on nous explique que la France pâtirait non pas de l'ampleur de ses emprunts, mais de leur coût depuis qu'ils sont souscrits sur les marchés financiers. Bonjour la cohérence.

Tout cela me semble symptomatique d'une démarche idéologique. Évoquant l'"empirisme organisateur" cher à l'AF,  Maurras.net explique qu'il s'agit « de "voir les faits", de se laisser guider par eux, sans faire intervenir un vocabulaire sentimental. Rien ici n'est de l'ordre de la détestation, de l'indisposition, ou d'un mouvement de l'âme si cher aux politiques romantiques et, plus tard, aux démagogues électoraux qui y trouvent le moyen de remuer les foules d'électeurs ou d'émeutiers. » Présentant l'attitude de Maurras à l'égard des colonies, le site précise que celles-ci n'étaient jugées « ni bonnes ni mauvaises métaphysiquement ». En effet, « ce sont les conditions objectives de leur développement, de leur maintien, de leur profit pour la nation qu'il s'agit d'examiner ». Sans préjuger des conclusions, je pense qu'il faudrait faire de même avec l'euro. D'autant que s'en débarrasser, c'est autre chose que de ne pas l'avoir adopté...

J'en vois déjà certains sauter sur leur chaise comme des cabris en disant "souveraineté", "souveraineté". Mais cela ne recouvre rien de concret. Leur discours n'est que le paravent d'un idéalisme républicain, dont participe la dénonciation récurrente du "déficit démocratique". Par cette expression, on ne pointe pas la capacité des responsables politiques à décider ou non en toute indépendance, mais leur inclination à court-circuiter le Sénat et l'Assemblée par l'entremise des institutions européennes. Marine Le Pen n'a pas manqué de verser dans cette rhétorique : dans son projet présidentiel, elle se félicite de l'élection des eurodéputés au suffrage universel direct, et déplore que leurs pouvoirs n'aient pas été davantage accrus. C'est un comble ! En effet, des trois sommets constituant le "triangle institutionnel" de l'Union européenne, le Parlement est clairement le plus fédéral.

Parlons plutôt de puissance et d'indépendance, mais sans faire de celle-ci un absolu. Laisser sa voiture au garage, pour lui préférer le train, voire l'avion, c'est sacrifier un peu de son indépendance, mais cela n'en reste pas moins un choix souverain, motivé, vraisemblablement, par la volonté de s'ouvrir de nouveaux horizons. Quant à l'achat d'une voiture, cela va sans dire, il présenterait peu d'intérêt pour un individu qui ne serait pas en mesure de conduire. C'est pourquoi la perspective d'un retour au franc ne devrait susciter qu'un enthousiasme modéré. En effet, si l'État disposait à nouveau du levier monétaire, saurait-il l'actionner à bon escient ? Déplorant les dévaluations à répétition, Jacques Bainville en a jadis douté.

Quoi qu'il en soit, la question mérite d'être posée. D'autant qu'il ne faudrait pas prendre nos politiciens pour plus bêtes qu'ils ne sont. Ils savaient bien à quels impératifs devait nous soumettre l'adoption d'une monnaie unique. En l'occurrence, une stricte discipline budgétaire, ainsi qu'une grande flexibilité économique censée compenser les écarts de compétitivité. Or, depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, la France a fait voler en éclats le Pacte de stabilité, tout en rechignant à libéraliser davantage son économie.

Peut-être avons-nous échappé au pire, me direz-vous. La République n'en apparaît pas moins incapable d'assumer les conséquences de ses propres décisions, bonnes ou mauvaises. En cela, les déboires de l'euro sont le symbole d'une République en faillite. À l'approche de l'élection présidentielle, les royalistes seraient bien inspirés de le marteler.

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Saint-Barthélémy : Bruxelles chassé des Antilles

24 janvier 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Bien qu'elle conserve l'euro, l'île de Saint-Barthélémy vient de s'émanciper de l'influence de l'UE, jugée trop pesante en l'absence de compensations financières.

En dépit des incertitudes pesant sur l'Union économique et monétaire, un territoire ultramarin s'accroche à l'euro : conformément au souhait exprimé par les autorités de Saint-Barthélémy, un traité négocié avec l'UE vient d'être ratifié par la France afin d'y maintenir la monnaie unique. Depuis le 1er janvier 2012, cette île des Antilles n'est plus comptée au nombre des régions ultra-périphériques (RUP) de l'Union européenne. C'est pourquoi, en l'absence d'un tel accord, elle aurait dû se doter de sa propre devise, fondée vraisemblablement sur le dollar américain, si l'on en croit Éric Doligé, sénateur du Loiret et vice-président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer.

De la RUP au PTOM

Bénéficiant d'un "régime d'association", Saint-Barthélémy se range désormais, aux yeux de Bruxelles, parmi les pays et territoires d'outre-mer (PTOM). S'étendant sur 25 km², peuplée aujourd'hui de 8 500 habitants, l'île fut cédée par Louis XVI à la Suède en 1684, avant de redevenir française en 1878. Elle demeura rattachée à la Guadeloupe, en qualité de commune, jusqu'au 15 juillet 2007, date à laquelle elle se mua en collectivité d'outre-mer, à la suite d'un référendum organisé quatre ans plus tôt. Sa transformation en PTOM s'inscrit dans la continuité de cette évolution, quoique les statuts français et européens soient indépendants l'un de l'autre : « Saint-Barthélemy aurait pu conserver, comme Saint-Martin par exemple, le statut de RUP, tout en étant devenue une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution », souligne Éric Doligé. Cela étant, selon son conseil territorial, « l'évolution du statut européen de Saint-Barthélemy exclut toute idée d'indépendance de Saint-Barthélemy [qui] est, et restera, partie intégrante de la France ».

« L'île a souhaité gagner une certaine liberté par rapport aux règles européennes en devenant PTOM, notamment pour pouvoir commercer avec sa zone géographique », explique le sénateur. Dorénavant, conformément au code général des collectivités territoriales, Saint-Barthélémy « est compétente en matière douanière, à l'exception des mesures de prohibition à l'importation et à l'exportation qui relèvent de l'ordre public et des engagements internationaux de la France, des règles relatives aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions pénales et des procédures contentieuses en  matière douanière ».

Fonds structurels

Entre autres considérations invoquées par les autorités locales, figurait la crainte que l'harmonisation progressive des législations européennes remette en cause, à terme, la fiscalité spécifique applicable à leur territoire. Surtout, la stricte application des normes européennes n'irait pas sans effets pervers : ainsi, l'abaissement de la teneur en benzène dans l'essence sans plomb, de 3 à 1 %, aurait conduit à majorer de 22 centimes d'euros le prix du litre de carburant distribué sur l'île. Éric Doligé critique ouvertement la technocratie bruxelloise : « J'ai toujours été frappé par l'imposition de normes ne correspondant pas à la réalité des territoires d'outre-mer, obligés d'importer d'Europe, à 10 000 kilomètres, des produits qu'ils pourraient trouver à 100 kilomètres », a-t-il déclaré lors d'une réunion en commission. Saint-Barthélémy ne serait pas le seul territoire concerné : « La Guyane n'a pas le droit d'utiliser l'essence brésilienne, beaucoup moins chère, parce que sa composition ne correspond pas aux normes européennes », déplore le sénateur.

Forte d'un PIB par habitant supérieur à 75 % de la moyenne européenne, l'île de Saint-Barthélémy n'est pas éligible au bénéfice des fonds structurels de l'UE. D'ailleurs, souligne  Éric Doligé, elle est « le seul territoire qui, au lieu de recevoir de l'argent de la métropole, est un contributeur net ». Dans ces conditions, estime-t-il, en tant que RUP, elle ne pouvait « rien » obtenir de l'Union européenne. « Ceux qui en ont les moyens souhaitent changer de statut », affirme-t-il. Et « ceux qui ne les ont pas restent dans le cadre des règles européennes, en attendant... La Guyane sera peut-être un jour, avec son pétrole, son bois, son or qu'on lui empêche d'exploiter, suffisamment riche pour sortir du statut de DOM et de RUP. » Lorgnant sur la manne des fonds structurels Mayotte n'en formule pas moins le vœu d'accéder aussi vite que possible au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne...

Sur le front de l'euro

3 novembre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Si les désillusions étaient inéluctables après elles sommet du 26 octobre, elles sont survenues plus vite que prévu...

Dans la nuit du 26 au 27 octobre 2011, le président de la République a salué « le caractère historique » des décisions négociées par les Dix-Sept. « Enfin, nous avons mis en place concrètement le gouvernement économique de la zone euro », s'est-il félicité. De fait, il s'agira seulement d'organiser des réunions plus régulières des chefs d'État ou de gouvernement. Pour le reste, commente Jacques Rosselin, directeur de la rédaction de La Tribune, cet accord « ressemble plus à l'exercice de créativité financière d'une banque d'affaires qu'à une décision de gouvernants animés par une vision ou, restons modestes, une simple volonté politique ». Quant au caractère « durable » de la solution envisagée pour résoudre la crise, elle a d'emblée été nuancée par Traian Basescu, le ministre roumain des Finances : « Que le montant de la recapitalisation des banques soit de 100 ou 200 milliards d'euros, il sera suffisant pour les six ou sept premiers mois », a-t-il déclaré. « Voilà un horizon que notre président de la République sait maîtriser », ironisait notre confrère. C'était compter sans l'annonce d'un référendum en Grèce censé valider cet énième plan de sauvetage. Cela remet encore tout à plat ! Étant donné l'incertitude qui plane désormais sur la ratification de l'accord, les créanciers d'Athènes consentiront moins volontiers à la décote de leurs titres, qui devait atteindre 50 %.

Appel à l'aide

Lors de sa conférence de presse, le chef de l'État a veillé à exprimer en dollars les futures capacités du Fonds européen de stabilité financière (FESF). « Je donne cette information pas tant pour les marchés européens, mais pour les marchés mondiaux », a-t-il expliqué. Or l'implication des "pays émergents" se heurte à différents écueils identifiés par notre consœur Marie-Christine Corbier. La Chine privilégierait une intervention auprès des entreprises, ou via le FMI afin d'y renforcer son influence, a-t-elle souligné dans Les Échos. Par ailleurs, les Européens souhaiteraient se prémunir d'un renchérissement de la monnaie unique. « D'où la proposition [...] que le FESF émette des obligations libellées en yuans ». Ce qui supposerait l'accord de Pékin, peu disposé à lâcher du lest quant au contrôle de sa monnaie ! Enfin, ces discussions risquent d'interférer avec les négociations commerciales, au moment où l'UE était tentée d'exiger, notamment, un plus large accès aux marchés publics chinois. On envisageait même des mesures de rétorsion, quoique l'Allemagne y soit réticente. Autant les oublier : qui paie commande.

Remontrances européennes

19 octobre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Nouvelles mises en cause en provenance de Bruxelles.

Un avertissement a été lancé par Bruxelles le 29 septembre : « les États membres doivent d'urgence s'employer avec plus de vigueur à transposer la réglementation européenne », prévient la Commission.

Tandis que la Belgique décroche le bonnet d'âne, la France se distingue par le retard avec lequel elle se conformerait aux arrêts de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) : il faudrait compter deux ans en moyenne, contre dix-sept mois dans l'ensemble de l'UE

Dernièrement, Paris a été prié : de garantir l'ouverture à la concurrence du tunnel sous la Manche ; de réduire les contrainte administratives pesant sur les PME ; de se conformer aux règles communautaires applicables aux pratiques commerciales déloyales ; d'assurer une attribution « non discriminatoire » des fréquences de télédiffusion numérique ; et de respecter la directive TVA pour les bateaux. Dans cette "moisson de remontrances", la France est visée par une "mise en demeure", trois "avis motivés" et une traduction devant la CJUE.

Europe : la fuite en avant

6 octobre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Le marasme financier se prête à la surenchère fédéraliste. Avec le risque, pour l'Union européenne, d'essuyer de nouveaux échecs dont l'économie ferait les frais.

Une réforme de la "gouvernance économique" de l'UE a été approuvée par le Parlement européen le 28 septembre. Selon ses promoteurs, la discipline budgétaire des États membres devrait s'en trouver renforcée, ainsi que la surveillance des déséquilibres macro-économiques. Cela étant, les fantasmes des européistes les plus fervents sont loin d'être réalisés. Dans un entretien accordé à La Tribune, le Français Joseph Daul, chef de file des eurodéputés PPE, prône un "big bang" fédéral. Ce serait « très simple » selon lui : « Les gouvernements [...] devraient décider de s'attaquer de façon drastique à leur endettement en prenant, en bloc et le même jour, des mesures telles que la convergence vers le haut de l'âge de la retraite et de la durée hebdomadaire du travail, ou encore l'harmonisation de leur fiscalité. » Des paroles en l'air.

Multiples précédents

D'autres évoquent une nouvelle révision des traités européens. « Parmi les mesures envisagées figure notamment la transformation de l'Eurogroupe en une institution à part entière, disposant d'un secrétariat renforcé et de procédures propres afin d'assurer la continuité des travaux entre chaque réunion mensuelle des ministres des Finances de la monnaie unique », croit savoir La Tribune. Cela serait-il inenvisageable en l'état du droit ? Des années durant, le Conseil européen des chefs d'État ou de gouvernement de l'Union s'était réuni en marge du formalisme juridique... Étant donné la gestation délicate du Fonds européen de stabilité financière, la ratification laborieuse du traité de Lisbonne, le fiasco du traité établissant une constitution pour l'Europe, peut-être faudrait-il s'épargner des péripéties supplémentaires. D'autant qu'une telle aventure nourrirait vraisemblablement l'incertitude honnie par l'économie.

L'immunité européenne à tort et à travers

15 septembre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand le Parlement européen se fait taper sur les doigts par les juges de Luxembourg.

En vertu de l'immunité dont ils bénéficient, les députés au Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis pour des opinions exprimées dans l'exercice de leurs fonctions.

On se souvient que cela n'avait été d'aucun secours à Bruno Gollnisch, tandis qu'il était trainé en justice par quelque ligue de vertu, avec la bénédiction de l'assemblée. Il y a deux ans, celle-ci s'était montrée plus solidaire à l'égard de l'Italien Aldo Patriciello, mis en cause pour dénonciation calomnieuse.

L'intérêt général vu par les eurodéputés

Au cours d'une altercation sur un parking public, ce dernier aurait accusé un agent de police de falsifier des procès-verbaux, aux dépens des automobilistes donc. Ce faisant, à en croire la majorité de ses collègues eurodéputés, il aurait agi dans l'intérêt général de son électorat. Cela n'a pas convaincu la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE). En effet, les déclarations de M. Patriciello lui sont apparues « relativement éloignées de ses fonctions de membre du Parlement européen ». Or, dans son arrêt rendu le 6 septembre, la Cour « considère que l'immunité peut être accordée seulement lorsque le lien entre l'opinion exprimée et les fonctions parlementaires est direct et évident ».

Ce principe étant posé, c'est toutefois aux juridictions nationales qu'il appartient de l'appliquer. Et cela indépendamment de l'opinion exprimée par le Parlement européen, dont la Cour souligne que « la décision de défense de l'immunité [...] constitue uniquement un avis sans aucun effet contraignant à l'égard des juridictions nationales ».

Brèches à foison dans l'UE

15 septembre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Le navire européen prend l'eau de toutes parts. En dépit du zèle manifesté par le Parlement français, la mise en œuvre du "plan de sauvetage" de la Grèce, arrêté en juillet dernier, n'est pas assurée.

Un timide soulagement s'est emparé des capitales européennes dans la matinée du 7 septembre. Ce jour-là, le tribunal constitutionnel allemand a validé (entre autres) la création du Fonds européen de stabilité financière (FESF) – le principal instrument dont se sont dotés les États européens pour combattre la crise des dettes souveraines.  « Andreas Vobkuhle, le président de la cour de Karlsruhe [...] a toutefois insisté sur la nécessité pour le Bundestag d'exercer l'entièreté de ses compétences budgétaires, et de ne jamais y renoncer », rapportent Les Échos. « Il a précisé que le gouvernement doit solliciter l'approbation de la commission budgétaire du Bundestag pour toute nouvelle aide. »

Calendes grecques

Cette inclination à protéger les prérogatives d'un parlement national est volontiers montrée en exemple par les souverainistes républicains : ils y voient, naturellement, un garde-fou contre les velléités fédéralistes de l'Union européenne. Mais c'est aussi un frein à l'action du gouvernement, dont les marges de manœuvre se trouvent réduites dans les négociations internationales. De fait, les considérations de politique intérieure pourraient ruiner le travail des diplomates qui s'évertuant, bon an, mal an, à échafauder le "sauvetage" de la Grèce. Outre la volte-face d'Helsinki, on signalera la défiance de Bratislava, tout disposé à reporter aux calendes grecques, justement, le renforcement du FESF : la Slovaquie sera le dernier État de la zone euro à voter le nouveau plan d'aide à Athènes, a annoncé le Premier ministre Iveta Radicová.

Ce projet, dévoilé le 21 juillet, sera-t-il jamais ratifié par chacune des parties ? Le cas échéant, l'impact à court terme sera limité pour les finances publiques de la France. En effet, sa contribution ne se fera pas sous forme de liquidités, mais par un apport de garanties au FESF, en charge d'émettre les obligations qui lui permettront, ensuite, de prêter lui-même à la Grèce. Toutefois, expliquent Les Échos, « la dette publique brute de la France sera augmentée à mesure des émissions du FESF, ce qui représentera près de 15 milliards d'ici à 2014 (0,7 % de PIB), auxquels il faut ajouter le premier plan d'aide ainsi que les émissions au bénéfice de l'Irlande et du Portugal ». Au total, l'aide apportée aux pays en difficulté devrait représenter 40 milliards d'euros, soit 2 % du PIB, selon le député UMP Gilles Carrez, rapporteur du collectif budgétaire.

Un cap impossible

Outre la volonté idéologique de "sauver l'euro", celle d'éviter un "saut dans l'inconnu" peut motiver cette démarche. D'autant que les banques françaises sont parmi les plus exposées à la dette hellène. Mais encore faudrait-il s'accorder sur un cap à moyen terme, sans quoi la confiance sera bien difficile à rétablir, quelles que soient les sommes déversées dans le tonneau des Danaïdes. Étant donné la prégnance du fait national et l'interférence des échéances électorales, peut-être cela s'avère-t-il impossible ? Telle est la conviction qui pourrait bien gagner l'Europe. En tout cas, certains tabous sont en passe d'être brisés : le gouvernement allemand étudierait désormais l'hypothèse d'un retour au drachme, affirment nos confrères du Spiegel.

Peut-être s'agit-il d'une rumeur délibérément diffusée afin d'exercer une pression sur Athènes. Quoique les circonstances y suffiraient vraisemblablement : la Grèce pourrait se trouver à court de liquidités dès le mois prochain. On devine la tension qui doit animer les discussions avec la BCE et la Commission européenne, suspendues quelques jours durant à l'occasion d'un différend... Des dissensions se font jour de toutes parts – jusque dans les couloirs feutrés de la Banque centrale européenne ! Alors que les ministres des Affaires européennes des Vingt-Sept se réunissaient à Bruxelles lundi dernier, 12 septembre, les représentants de sept États sont montés au créneau pour dénoncer leur mise à l'écart des négociations portant sur la réforme de l'Union économique et monétaire. « Nous sommes insatisfaits de la rencontre Merkel-Sarkozy et de ses effets », a même déclaré Donald Tusk, le chef du gouvernement polonais, qui attendait – « et attend toujours » – « des décisions beaucoup plus fermes ».

Serait-il déçu par la règle d'or promise par le président de la République ? D'autres ont déjà manifesté leur scepticisme à ce propos, tel Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen. Fidèle à la mission que lui assigne son mandat, il exhorte néanmoins les responsables européens à serrer les rangs. En vain. Reste la proposition de l'Allemand Günther Oettinger, commissaire européen en charge de l'Énergie : selon lui, il conviendrait de mettre en berne, à l'abord des édifices communautaires, les drapeaux des États sortant des clous du Pacte de stabilité. Voilà qui devrait nous tirer d'affaire.

Crise de la dette : la solidarité mise à mal

1 septembre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Soumis aux pressions des opinions publiques, les gouvernements européens se montrent incapables de parler d'une seule voix, révélant la fragilité d'une illusoire solidarité budgétaire.

L'euro a-t-il été créé dans la précipitation ? C'est, apparemment, l'opinion du président de la République. Le 16 aout , à l'issue d'une rencontre avec le chancelier allemand, il a déploré que la monnaie unique ait été établie « sans prévoir au préalable l'harmonisation des compétitivités » – tâche à laquelle il prétend désormais s'atteler. À moyen terme, un impôt sur les sociétés harmonisé de part et d'autre du Rhin pourrait symboliser la convergence accrue des économies européennes.

Une intégration ambiguë

Chantre de l'"intégration", Nicolas Sarkozy se défend néanmoins de toute velléité fédéraliste : « L'Europe des vingt-sept et bientôt des trente [...] ira de plus en plus vers la confédération », a-t-il annoncé. La nature du futur « gouvernement économique » de la zone euro pourrait le confirmer – du moins formellement : selon le vœu de Paris et Berlin, en effet, cette responsabilité ne serait pas confiée à la Commission européenne, mais à la réunion des chefs d'État ou de gouvernement. Quant à la mutualisation des dettes publiques, elle apparaît pour l'heure exclue. « Cela consisterait à garantir par [notre] triple A la dette de tous les pays de la zone euro », a expliqué le chef de l'État. « Cela voudrait donc dire que nous garantirions la totalité de la dette sans avoir la maîtrise de la dépense et de la création de la dette », a-t-il prévenu.

Or la priorité est donnée au respect de la discipline budgétaire, que serait censée garantir l'adoption, d'ici l'été 2012, d'une "règle d'or" par les dix-sept États membres de la zone euro. En vertu d'une telle disposition, les lois de finance annuelles seraient soumises à un objectif de retour à l'équilibre budgétaire. « Cela ne dépend pas que du droit européen », a souligné Angela Merkel. « Inscrire cela dans son droit national, c'est la meilleure façon de nous engager », a-t-elle déclaré. D'autant qu'en cas de manquement « la plus grande sanction ne viendrait pas [...] de la Commission mais de l'intérieur ».

Hochet présidentiel

Un consensus transpartisan vient d'être négocié en Espagne afin de modifier la constitution en ce sens. En France, « un certain nombre de personnalités qui n'appartiennent pas à la majorité ont déjà fait savoir qu'[elles] étaient favorables à l'adoption de cette règle », a assuré le président de la République. Peut-être se feront-elles davantage entendre après la primaire socialiste ? À l'approche de l'élection présidentielle, la tentation est d'autant plus grande d'instrumentaliser le débat. Y compris à droite, où l'on pourrait fort bien s'accommoder de l'opposition socialiste, censée souligner, par contraste, le sens des responsabilités propre à l'UMP.

C'est dire combien les calendriers électoraux et autres calculs politiciens interfèrent dans les négociations internationales. Au risque de faire capoter les tentatives de résolution de la crise des dettes souveraines. « Devoir mettre la main à la poche pour sauver la Grèce endettée ne semble faire ni chaud ni froid aux Français », constatait le Courrier international en juillet dernier. En fait, ils feraient « rarement le lien entre l'argent du gouvernement et leur impôt », selon The Economist. Quoi qu'il en soit, comme le rappelait le magazine britannique, « chez tous les autres pays créditeurs de la zone euro [...], le coût de ces sauvetages a fait l'objet de débats animés ». Confronté à la pression des Vrais Finlandais, Helsinki s'est distingué en exigeant d'Athènes des garanties bilatérales en échange de sa participation au plan de soutien présenté le 21 juillet. « Dès le lundi 22 août, Moody's a expliqué que "l'accord entre la Grèce et la Finlande, en lui-même de faible ampleur, n'en est pas moins très significatif" », rapporte Euractiv. « La solidarité européenne ne serait ainsi pas sans faille. » En dépit de l'interdépendance des économies, autant dire qu'elle repose sur du sable !

Controverse à Francfort

Alors que les emprunts d'État rachetés par la Banque centrale européenne dépassent désormais les 100 milliards d'euros, La Tribune signale que le président de la République fédérale d'Allemagne, Christian Wulff, a fustigé une pratique « contestable juridiquement ». Quant à la Bundesbank, si l'on en croit Les Échos, elle aurait critiqué « avec une ardeur peu commune » l'esquisse d'une solidarité budgétaire européenne. Celle-ci est accusée d'affaiblir « les fondements de la responsabilité budgétaire en zone euro et la discipline des marchés de capitaux, sans qu'en contrepartie les possibilités de contrôle et d'influence sur les politiques financières nationales aient été sensiblement renforcées ». La cacophonie aidant, les tensions semblent appelées à durer sur les marchés obligataires.

Une crise chronique

7 juillet 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Le vote du Parlement hellénique préserve une timide accalmie sur le front des marchés. Cela étant, bien que les banques semblent disposées à participer à l'opération, le "sauvetage" de la Grèce n'est toujours pas assuré.

Un soupir de soulagement a traversé l'Europe le mercredi 29 juin. En dépit des manifestations qui agitaient la Grèce, le Parlement hellénique a validé le programme de réformes et de privatisations négocié avec la Commission européenne, la BCE et le FMI. Ceux-ci en avaient fait un préalable au versement d'une nouvelle tranche de prêts de 12 milliards d'euros, sans lesquels Athènes n'aurait plus été en mesure d'honorer ses dettes dès cet été. Le vote a été emporté à la faveur de 155 voix contre 138. Le Premier ministre George Papandréou est donc parvenu à rassembler ses troupes, un seul élu socialiste s'étant refusé à rentrer dans le rang.

L'opposition veut plus de rigueur

Quant à l'opposition, elle est loin de faire écho à toutes les protestations de la rue. « Nous aurions voté en faveur de plusieurs mesures du plan du gouvernement si celui-ci n'avait pas imposé un vote unique », souligne le député Christos Staikouras. Son parti « estime que la situation réclame plus d'agressivité dans les coupes des dépenses courantes et dans la restructuration des entreprises nationalisées », résume notre confrère Massimo Prandi (Les Échos, 28/06/2011). Tandis qu'on peine à distinguer les voix proposant une véritable alternative, Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, verse dans un relatif cynisme : « Quand on exécute le programme d'assainissement budgétaire année après année, on doit passer un mauvais moment mais la confiance finit par revenir », a-t-il déclaré.

Les Européens vont-ils se résoudre à restructurer la dette contractée par la Grèce ? On semble s'y préparer, bien que cette perspective demeure exclue par les gardiens de l'orthodoxie monétaire, tel Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France. « C'est une illusion dangereuse », a-t-il prévenu dans la lettre introductive de son rapport annuel. Selon lui, une réduction ou un rééchelonnement « entraînent toujours, au moins dans un premier temps, une réduction supplémentaire de la confiance et de moindres apports de capitaux, ce qui augmente l'effort nécessaire ». En filigrane, des rivalités institutionnelles confortent peut-être la prudence des banquiers centraux. La BCE ayant racheté des obligations grecques sur le marché secondaire, « une décote de ces actifs la rendrait extrêmement vulnérable, et très dépendante des États de la zone euro, qui devraient la recapitaliser », explique notre confrère Robert Jules (La Tribune, 13/06/2011).

Équilibristes

Cela étant, le spectre d'une "contagion" nourrit des inquiétudes légitimes. Pour l'heure, les responsables politiques s'essaient à un numéro d'équilibriste, afin d'impliquer les institutions privées dans le "sauvetage" de la Grèce sans déclencher un "événement de crédit". Des discussions fructueuses auraient été entamées à cet effet entre Bercy et les principaux créanciers français. Ceux-ci seraient disposés à réinvestir 70 % de la valeur des titres arrivant à échéance... à des conditions toutefois suffisamment avantageuses pour être jugées incitatives. Aux yeux de Standard & Poor's, le plan esquissé n'en constituerait pas moins un "défaut sélectif" (Athènes restructurant effectivement une partie, mais non la totalité, de sa dette obligataire). Dans le cas présent, il conviendrait toutefois de relativiser l'influence des agences de notation. « Ce n'est pas parce qu'une agence décrète un défaut que les détenteurs de titres enregistrent une perte », tempère notre consœur Isabelle Couet (Les Échos, 04/07/2011). « S&P laisse entendre que le classement en "défaut" ne serait que temporaire et reconnaît en filigrane que le plan de la [Fédération bancaire française] pourrait même améliorer la note de la Grèce a posteriori ». Dès lors, conclut-elle, « même la Banque centrale européenne (BCE) ne serait pas véritablement menacée ».

Défiance populaire

Reste le second front : celui de l'opinion. D'abord en Grèce : « Pour que le plan de sauvetage [...] ait la moindre chance de réussite, le gouvernement Papandréou devra par tous les moyens convaincre les électeurs que l'austérité est le prix à payer pour un avenir meilleur - et pas seulement pour satisfaire les exigences des créanciers étrangers », martèle Dani Rodrik, professeur à l'université de Harvard (La Tribune, 17/06/200). Mais aussi outre-Rhin, où l'on connaît la défiance de l'opinion publique à l'égard de la Grèce. Cela doit éclairer les propos de Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe, tenus au magazine allemand Focus, où il annonce sans détour que « la souveraineté de la Grèce sera extrêmement restreinte ». Berlin doit compter également avec le tribunal constitutionnel de Karlsruhe, devant lequel un "échange de vues" s'est tenu mardi dernier à propos des mesures de solidarité budgétaire européenne... La crise des dettes souveraines n'a pas fini de faire la une de l'actualité.

Remontrances européennes

3 juin 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Tous les mois, une pluie de remontrances en provenance de Bruxelles s'abat sur les États membres de l'UE. Parmi les communiqués diffusés le 19 mai par la Commission européenne, six concernaient la France.

Ainsi Paris est-il suspecté de ne pas avoir transposé une directive portant sur la gestion des déchets. Ou de mettre en œuvre des projets d'infrastructures sans procéder aux évaluations nécessaires portant sur la sécurité routière. Il négligerait par ailleurs la qualité de l'air, alors que le taux de particules en suspension dépasserait les valeurs limites dans seize zones du territoire national. Bruxelles pointe également les cagoules des sapeurs-pompiers, pour lesquelles Paris exige des conditions de sécurité étrangères aux dispositions communautaire – au risque d'« entraîner une distorsion sur le marché intérieur ». En outre, il est reproché à la France de restreindre l'accès à son marché du lait de brebis, du lait de chèvre et de leurs produits dérivés, et d'invoquer à cet effet un prétexte fallacieux, la crainte de la tremblante (l'équivalent, chez les ovins et les caprins, de la "maladie de la vache folle") étant jugée déplacée.

Fiscalité et "libre circulation"

La fiscalité n'est pas en reste. Elle se heurte, à nouveau, au principe de "libre circulation", dont on sait que l'acception européenne est très large. En cause : le code général des impôts, affectant d'une retenue à la source les dividendes versés à l'étranger. « Du fait de cette discrimination, les fonds de pension et d'investissement établis dans d'autres pays de l'UE [...] sont désavantagés par rapport à leurs contreparties établies en France, et les clients français risquent donc de bénéficier d'un choix de fonds de pension et d'investissement moins important », soutient la Commission. L'année dernière, la France aurait introduit de nouvelles dispositions en vertu desquelles les revenus d'actions distribués aux organismes sans but lucratif (y compris les fonds de pension), qu'ils soient ou non établis en France, seraient imposés au taux forfaitaire de 15 %. Toutefois, relève Bruxelles, « il semble qu'en l'absence de modalités d'exécution administratives plus détaillées, ces changements n'aient pas été appliqués dans la pratique ».

Enfin, la profession de notaire pourra désormais être exercée par des ressortissants étrangers. Ainsi en a décidé la Cour de Justice de l'Union européenne le 24 mai, au motif que cette activité ne relève pas, selon son interprétation, de « l'exercice de l'autorité publique ». Le cas échéant, l'Union européenne consent tout de même à s'accommoder de quelque préférence nationale.