Chronique enregistrée pour RFR le lundi
23 janvier 2012.
L'année dernière, quelques prophètes avaient annoncé que
l'euro ne survivrait pas à 2011 – c'était le cas, on s'en souvient,
d'Emmanuel Todd. L'entrée dans la nouvelle année les a couverts de
ridicule ! Bien sûr, le spectre d'un éclatement de l'Union
économique et monétaire hante les esprits. Mais si l'on s'en tient au
cours des devises, en dépit d'une inflexion récente à la baisse, force
est de constater que l'euro inspire toujours confiance. Quant à nos
auditeurs, je doute qu'aucun commerçant les ait jamais priés de régler
leurs achats en or ou en dollars. Chacun peut donc le constater au
quotidien : l'euro n'est pas en crise. Du moins, pas au sens
strict.
D'ailleurs, la crise de la dette est loin d'affecter les seuls
États partageant la monnaie unique, quoique celle-ci leur complique
effectivement la tâche pour en sortir. Le redressement des comptes
publics est devenu une préoccupation majeure au Royaume-Uni, aux
États-Unis, au Japon aussi. C'est dire la légèreté avec laquelle on
attribue parfois à l'euro la responsabilité de tous nos malheurs.
En fait, les souverainistes me rappellent ces gens qui, au
lieu de condamner les violeurs, incriminent leurs victimes, coupables
de les avoir tentés en affichant leur féminité. Tu portais une
mini-jupe ? C'est bien fait pour ta gueule ! Cool...
On sait que les Grecs ont maquillé leurs comptes publics ;
mais ils en sont tout excusés, puisque c'était pour coller aux critères
de convergence du traité de Maastricht. Ils se sont trop
endettés : c'est encore la faute de l'euro, puisque celui-ci
leur a permis de le faire à moindre coût. Parallèlement, on nous
explique que la France pâtirait non pas de l'ampleur de ses emprunts,
mais de leur coût depuis qu'ils sont souscrits sur les marchés
financiers. Bonjour la cohérence.
Tout cela me semble symptomatique d'une démarche idéologique.
Évoquant l'"empirisme organisateur" cher à l'AF, Maurras.net
explique qu'il s'agit « de "voir les faits", de se laisser
guider par eux, sans faire intervenir un vocabulaire sentimental. Rien
ici n'est de l'ordre de la détestation, de l'indisposition, ou d'un
mouvement de l'âme si cher aux politiques romantiques et, plus tard,
aux démagogues électoraux qui y trouvent le moyen de remuer les foules
d'électeurs ou d'émeutiers. » Présentant l'attitude de Maurras
à l'égard des colonies, le site précise que celles-ci n'étaient jugées
« ni bonnes ni mauvaises métaphysiquement ». En
effet, « ce sont les conditions objectives de leur
développement, de leur maintien, de leur profit pour la nation qu'il
s'agit d'examiner ». Sans préjuger des conclusions, je pense
qu'il faudrait faire de même avec l'euro. D'autant que s'en
débarrasser, c'est autre chose que de ne pas l'avoir adopté...
J'en vois déjà certains sauter sur leur chaise comme des
cabris en disant "souveraineté", "souveraineté". Mais cela ne recouvre
rien de concret. Leur discours n'est que le paravent d'un idéalisme
républicain, dont participe la dénonciation récurrente du "déficit
démocratique". Par cette expression, on ne pointe pas la capacité des
responsables politiques à décider ou non en toute indépendance, mais
leur inclination à court-circuiter le Sénat et l'Assemblée par
l'entremise des institutions européennes. Marine Le Pen n'a
pas manqué de verser dans cette rhétorique : dans son projet
présidentiel, elle se félicite de l'élection des eurodéputés au
suffrage universel direct, et déplore que leurs pouvoirs n'aient pas
été davantage accrus. C'est un comble ! En effet, des trois
sommets constituant le "triangle institutionnel" de l'Union européenne,
le Parlement est clairement le plus fédéral.
Parlons plutôt de puissance et d'indépendance, mais sans faire
de celle-ci un absolu. Laisser sa voiture au garage, pour lui préférer
le train, voire l'avion, c'est sacrifier un peu de son indépendance,
mais cela n'en reste pas moins un choix souverain, motivé,
vraisemblablement, par la volonté de s'ouvrir de nouveaux horizons.
Quant à l'achat d'une voiture, cela va sans dire, il présenterait peu
d'intérêt pour un individu qui ne serait pas en mesure de conduire.
C'est pourquoi la perspective d'un retour au franc ne devrait susciter
qu'un enthousiasme modéré. En effet, si l'État disposait à nouveau du
levier monétaire, saurait-il l'actionner à bon escient ?
Déplorant les dévaluations à répétition, Jacques Bainville en a jadis
douté.
Quoi qu'il en soit, la question mérite d'être posée. D'autant
qu'il ne faudrait pas prendre nos politiciens pour plus bêtes qu'ils ne
sont. Ils savaient bien à quels impératifs devait nous soumettre
l'adoption d'une monnaie unique. En l'occurrence, une stricte
discipline budgétaire, ainsi qu'une grande flexibilité économique
censée compenser les écarts de compétitivité. Or, depuis l'entrée en
vigueur du traité de Maastricht, la France a fait voler en éclats le
Pacte de stabilité, tout en rechignant à libéraliser davantage son
économie.
Peut-être avons-nous échappé au pire, me direz-vous. La
République n'en apparaît pas moins incapable d'assumer les conséquences
de ses propres décisions, bonnes ou mauvaises. En cela, les déboires de
l'euro sont le symbole d'une République en faillite. À l'approche de
l'élection présidentielle, les royalistes seraient bien inspirés de le
marteler.
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24 janvier 2012 Article publié dans L'Action Française 2000
Bien qu'elle conserve l'euro, l'île de Saint-Barthélémy vient
de s'émanciper de l'influence de l'UE, jugée trop pesante en l'absence
de compensations financières.
En dépit des incertitudes pesant sur l'Union économique et
monétaire, un territoire ultramarin s'accroche à l'euro :
conformément au souhait exprimé par les autorités de Saint-Barthélémy,
un traité négocié avec l'UE vient d'être ratifié par la France afin d'y
maintenir la monnaie unique. Depuis le
1er janvier 2012, cette île des Antilles n'est plus
comptée au nombre des régions ultra-périphériques (RUP) de l'Union
européenne. C'est pourquoi, en l'absence d'un tel accord, elle aurait
dû se doter de sa propre devise, fondée vraisemblablement sur le dollar
américain, si l'on en croit Éric Doligé, sénateur du Loiret et
vice-président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer.
De la RUP au PTOM
Bénéficiant d'un "régime d'association", Saint-Barthélémy se
range désormais, aux yeux de Bruxelles, parmi les pays et territoires
d'outre-mer (PTOM). S'étendant sur 25 km², peuplée aujourd'hui
de 8 500 habitants, l'île fut cédée par Louis XVI à
la Suède en 1684, avant de redevenir française en 1878. Elle demeura
rattachée à la Guadeloupe, en qualité de commune, jusqu'au
15 juillet 2007, date à laquelle elle se mua en
collectivité d'outre-mer, à la suite d'un référendum organisé quatre
ans plus tôt. Sa transformation en PTOM s'inscrit dans la continuité de
cette évolution, quoique les statuts français et européens soient
indépendants l'un de l'autre : « Saint-Barthélemy
aurait pu conserver, comme Saint-Martin par exemple, le statut de RUP,
tout en étant devenue une collectivité régie par l'article 74
de la Constitution », souligne Éric Doligé. Cela étant, selon
son conseil territorial, « l'évolution du statut européen de
Saint-Barthélemy exclut toute idée d'indépendance de Saint-Barthélemy
[qui] est, et restera, partie intégrante de la France ».
« L'île a souhaité gagner une certaine liberté par
rapport aux règles européennes en devenant PTOM, notamment pour pouvoir
commercer avec sa zone géographique », explique le sénateur.
Dorénavant, conformément au code général des collectivités
territoriales, Saint-Barthélémy « est compétente en matière
douanière, à l'exception des mesures de prohibition à l'importation et
à l'exportation qui relèvent de l'ordre public et des engagements
internationaux de la France, des règles relatives aux pouvoirs de
recherche et de constatation des infractions pénales et des procédures
contentieuses en matière douanière ».
Fonds structurels
Entre autres considérations invoquées par les autorités
locales, figurait la crainte que l'harmonisation progressive des
législations européennes remette en cause, à terme, la fiscalité
spécifique applicable à leur territoire. Surtout, la stricte
application des normes européennes n'irait pas sans effets
pervers : ainsi, l'abaissement de la teneur en benzène dans
l'essence sans plomb, de 3 à 1 %, aurait conduit à majorer de
22 centimes d'euros le prix du litre de carburant distribué
sur l'île. Éric Doligé critique ouvertement la technocratie
bruxelloise : « J'ai toujours été frappé par
l'imposition de normes ne correspondant pas à la réalité des
territoires d'outre-mer, obligés d'importer d'Europe, à 10 000
kilomètres, des produits qu'ils pourraient trouver à
100 kilomètres », a-t-il déclaré lors d'une réunion
en commission. Saint-Barthélémy ne serait pas le seul territoire
concerné : « La Guyane n'a pas le droit d'utiliser
l'essence brésilienne, beaucoup moins chère, parce que sa composition
ne correspond pas aux normes européennes », déplore le
sénateur.
Forte d'un PIB par habitant supérieur à 75 % de la
moyenne européenne, l'île de Saint-Barthélémy n'est pas éligible au
bénéfice des fonds structurels de l'UE. D'ailleurs, souligne
Éric Doligé, elle est « le seul territoire qui, au lieu de
recevoir de l'argent de la métropole, est un contributeur
net ». Dans ces conditions, estime-t-il, en tant que RUP, elle
ne pouvait « rien » obtenir de l'Union européenne.
« Ceux qui en ont les moyens souhaitent changer de
statut », affirme-t-il. Et « ceux qui ne les ont pas
restent dans le cadre des règles européennes, en attendant... La Guyane
sera peut-être un jour, avec son pétrole, son bois, son or qu'on lui
empêche d'exploiter, suffisamment riche pour sortir du statut de DOM et
de RUP. » Lorgnant sur la manne des fonds structurels Mayotte
n'en formule pas moins le vœu d'accéder aussi vite que possible au
statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne...
3 novembre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Si les désillusions étaient inéluctables après elles sommet du
26 octobre, elles sont survenues plus vite que prévu...
Dans la nuit du 26 au 27 octobre 2011, le président
de la République a salué « le caractère historique »
des décisions négociées par les Dix-Sept. « Enfin, nous avons
mis en place concrètement le gouvernement économique de la zone
euro », s'est-il félicité. De fait, il s'agira seulement
d'organiser des réunions plus régulières des chefs d'État ou de
gouvernement. Pour le reste, commente Jacques Rosselin, directeur de la
rédaction de La Tribune, cet accord
« ressemble plus à l'exercice de créativité financière d'une
banque d'affaires qu'à une décision de gouvernants animés par une
vision ou, restons modestes, une simple volonté politique ».
Quant au caractère « durable » de la solution
envisagée pour résoudre la crise, elle a d'emblée été nuancée par
Traian Basescu, le ministre roumain des Finances :
« Que le montant de la recapitalisation des banques soit de
100 ou 200 milliards d'euros, il sera suffisant pour les six
ou sept premiers mois », a-t-il déclaré. « Voilà un
horizon que notre président de la République sait maîtriser »,
ironisait notre confrère. C'était compter sans l'annonce d'un
référendum en Grèce censé valider cet énième plan de sauvetage. Cela
remet encore tout à plat ! Étant donné l'incertitude qui plane
désormais sur la ratification de l'accord, les créanciers d'Athènes
consentiront moins volontiers à la décote de leurs titres, qui devait
atteindre 50 %.
Appel à l'aide
Lors de sa conférence de presse, le chef de l'État a veillé à
exprimer en dollars les futures capacités du Fonds européen de
stabilité financière (FESF). « Je donne cette information pas
tant pour les marchés européens, mais pour les marchés
mondiaux », a-t-il expliqué. Or l'implication des "pays
émergents" se heurte à différents écueils identifiés par notre consœur
Marie-Christine Corbier. La Chine privilégierait une intervention
auprès des entreprises, ou via le FMI afin d'y
renforcer son influence, a-t-elle souligné dans Les Échos.
Par ailleurs, les Européens souhaiteraient se prémunir d'un
renchérissement de la monnaie unique. « D'où la proposition
[...] que le FESF émette des obligations libellées en yuans ».
Ce qui supposerait l'accord de Pékin, peu disposé à lâcher du lest
quant au contrôle de sa monnaie ! Enfin, ces discussions
risquent d'interférer avec les négociations commerciales, au moment où
l'UE était tentée d'exiger, notamment, un plus large accès aux marchés
publics chinois. On envisageait même des mesures de rétorsion, quoique
l'Allemagne y soit réticente. Autant les oublier : qui paie
commande.
19 octobre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Nouvelles mises en cause en provenance de Bruxelles.
Un avertissement a été lancé par Bruxelles le
29 septembre : « les États membres doivent
d'urgence s'employer avec plus de vigueur à transposer la
réglementation européenne », prévient la Commission.
Tandis que la Belgique décroche le bonnet d'âne, la France se
distingue par le retard avec lequel elle se conformerait aux arrêts de
la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) : il faudrait
compter deux ans en moyenne, contre dix-sept mois dans l'ensemble de
l'UE
Dernièrement, Paris a été prié : de garantir
l'ouverture à la concurrence du tunnel sous la Manche ; de
réduire les contrainte administratives pesant sur les PME ; de
se conformer aux règles communautaires applicables aux pratiques
commerciales déloyales ; d'assurer une attribution
« non discriminatoire » des fréquences de
télédiffusion numérique ; et de respecter la directive TVA
pour les bateaux. Dans cette "moisson de remontrances", la France est
visée par une "mise en demeure", trois "avis motivés" et une traduction
devant la CJUE.
6 octobre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Le marasme financier se prête à la surenchère fédéraliste.
Avec le risque, pour l'Union européenne, d'essuyer de nouveaux échecs
dont l'économie ferait les frais.
Une réforme de la "gouvernance économique" de l'UE a été
approuvée par le Parlement européen le 28 septembre. Selon ses
promoteurs, la discipline budgétaire des États membres devrait s'en
trouver renforcée, ainsi que la surveillance des déséquilibres
macro-économiques. Cela étant, les fantasmes des européistes les plus
fervents sont loin d'être réalisés. Dans un entretien accordé à La Tribune,
le Français Joseph Daul, chef de file des eurodéputés PPE, prône un
"big bang" fédéral. Ce serait « très simple » selon
lui : « Les gouvernements [...] devraient décider de
s'attaquer de façon drastique à leur endettement en prenant, en bloc et
le même jour, des mesures telles que la convergence vers le haut de
l'âge de la retraite et de la durée hebdomadaire du travail, ou encore
l'harmonisation de leur fiscalité. » Des paroles en l'air.
Multiples précédents
D'autres évoquent une nouvelle révision des traités européens.
« Parmi les mesures envisagées figure notamment la
transformation de l'Eurogroupe en une institution à part entière,
disposant d'un secrétariat renforcé et de procédures propres afin
d'assurer la continuité des travaux entre chaque réunion mensuelle des
ministres des Finances de la monnaie unique », croit savoir La Tribune.
Cela serait-il inenvisageable en l'état du droit ? Des années
durant, le Conseil européen des chefs d'État ou de gouvernement de
l'Union s'était réuni en marge du formalisme juridique... Étant donné
la gestation délicate du Fonds européen de stabilité financière, la
ratification laborieuse du traité de Lisbonne, le fiasco du traité
établissant une constitution pour l'Europe, peut-être faudrait-il
s'épargner des péripéties supplémentaires. D'autant qu'une telle
aventure nourrirait vraisemblablement l'incertitude honnie par
l'économie.
15 septembre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Quand le Parlement européen se fait taper sur les doigts par
les juges de Luxembourg.
En vertu de l'immunité dont ils bénéficient, les députés au
Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis
pour des opinions exprimées dans l'exercice de leurs fonctions.
On se souvient que cela n'avait été d'aucun secours à Bruno
Gollnisch, tandis qu'il était trainé en justice par quelque ligue de
vertu, avec la bénédiction de l'assemblée. Il y a deux ans, celle-ci
s'était montrée plus solidaire à l'égard de l'Italien Aldo Patriciello,
mis en cause pour dénonciation calomnieuse.
L'intérêt général vu par les eurodéputés
Au cours d'une altercation sur un parking public, ce dernier
aurait accusé un agent de police de falsifier des procès-verbaux, aux
dépens des automobilistes donc. Ce faisant, à en croire la majorité de
ses collègues eurodéputés, il aurait agi dans l'intérêt général de son
électorat. Cela n'a pas convaincu la Cour de Justice de l'Union
européenne (CJUE). En effet, les déclarations de
M. Patriciello lui sont apparues « relativement
éloignées de ses fonctions de membre du Parlement européen ».
Or, dans son arrêt rendu le 6 septembre, la Cour
« considère que l'immunité peut être accordée seulement
lorsque le lien entre l'opinion exprimée et les fonctions
parlementaires est direct et évident ».
Ce principe étant posé, c'est toutefois aux juridictions
nationales qu'il appartient de l'appliquer. Et cela indépendamment de
l'opinion exprimée par le Parlement européen, dont la Cour souligne que
« la décision de défense de l'immunité [...] constitue
uniquement un avis sans aucun effet contraignant à l'égard des
juridictions nationales ».
15 septembre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Le navire européen prend l'eau de toutes parts. En dépit du
zèle manifesté par le Parlement français, la mise en œuvre du "plan de
sauvetage" de la Grèce, arrêté en juillet dernier, n'est pas assurée.
Un timide soulagement s'est emparé des capitales européennes
dans la matinée du 7 septembre. Ce jour-là, le tribunal
constitutionnel allemand a validé (entre autres) la création du Fonds
européen de stabilité financière (FESF) – le principal instrument dont
se sont dotés les États européens pour combattre la crise des dettes
souveraines. « Andreas Vobkuhle, le président de la
cour de Karlsruhe [...] a toutefois insisté sur la nécessité pour le
Bundestag d'exercer l'entièreté de ses compétences budgétaires, et de
ne jamais y renoncer », rapportent Les Échos.
« Il a précisé que le gouvernement doit solliciter
l'approbation de la commission budgétaire du Bundestag pour toute
nouvelle aide. »
Calendes grecques
Cette inclination à protéger les prérogatives d'un parlement
national est volontiers montrée en exemple par les souverainistes
républicains : ils y voient, naturellement, un garde-fou
contre les velléités fédéralistes de l'Union européenne. Mais c'est
aussi un frein à l'action du gouvernement, dont les marges de manœuvre
se trouvent réduites dans les négociations internationales. De fait,
les considérations de politique intérieure pourraient ruiner le travail
des diplomates qui s'évertuant, bon an, mal an, à échafauder le
"sauvetage" de la Grèce. Outre la volte-face d'Helsinki, on signalera
la défiance de Bratislava, tout disposé à reporter aux calendes
grecques, justement, le renforcement du FESF : la Slovaquie
sera le dernier État de la zone euro à voter le nouveau plan d'aide à
Athènes, a annoncé le Premier ministre Iveta Radicová.
Ce projet, dévoilé le 21 juillet, sera-t-il jamais
ratifié par chacune des parties ? Le cas échéant, l'impact à
court terme sera limité pour les finances publiques de la France. En
effet, sa contribution ne se fera pas sous forme de liquidités, mais
par un apport de garanties au FESF, en charge d'émettre les obligations
qui lui permettront, ensuite, de prêter lui-même à la Grèce. Toutefois,
expliquent Les Échos, « la dette
publique brute de la France sera augmentée à mesure des émissions du
FESF, ce qui représentera près de 15 milliards d'ici à 2014
(0,7 % de PIB), auxquels il faut ajouter le premier plan
d'aide ainsi que les émissions au bénéfice de l'Irlande et du
Portugal ». Au total, l'aide apportée aux pays en difficulté
devrait représenter 40 milliards d'euros, soit 2 % du
PIB, selon le député UMP Gilles Carrez, rapporteur du collectif
budgétaire.
Un cap impossible
Outre la volonté idéologique de "sauver l'euro", celle
d'éviter un "saut dans l'inconnu" peut motiver cette démarche. D'autant
que les banques françaises sont parmi les plus exposées à la dette
hellène. Mais encore faudrait-il s'accorder sur un cap à moyen terme,
sans quoi la confiance sera bien difficile à rétablir, quelles que
soient les sommes déversées dans le tonneau des Danaïdes. Étant donné
la prégnance du fait national et l'interférence des échéances
électorales, peut-être cela s'avère-t-il impossible ? Telle
est la conviction qui pourrait bien gagner l'Europe. En tout cas,
certains tabous sont en passe d'être brisés : le gouvernement
allemand étudierait désormais l'hypothèse d'un retour au drachme,
affirment nos confrères du Spiegel.
Peut-être s'agit-il d'une rumeur délibérément diffusée afin
d'exercer une pression sur Athènes. Quoique les circonstances y
suffiraient vraisemblablement : la Grèce pourrait se trouver à
court de liquidités dès le mois prochain. On devine la tension qui doit
animer les discussions avec la BCE et la Commission européenne,
suspendues quelques jours durant à l'occasion d'un différend... Des
dissensions se font jour de toutes parts – jusque dans les couloirs
feutrés de la Banque centrale européenne ! Alors que les
ministres des Affaires européennes des Vingt-Sept se réunissaient à
Bruxelles lundi dernier, 12 septembre, les représentants de
sept États sont montés au créneau pour dénoncer leur mise à l'écart des
négociations portant sur la réforme de l'Union économique et monétaire.
« Nous sommes insatisfaits de la rencontre Merkel-Sarkozy et
de ses effets », a même déclaré Donald Tusk, le chef du
gouvernement polonais, qui attendait – « et attend
toujours » – « des décisions beaucoup plus
fermes ».
Serait-il déçu par la règle d'or promise par le président de
la République ? D'autres ont déjà manifesté leur scepticisme à
ce propos, tel Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen.
Fidèle à la mission que lui assigne son mandat, il exhorte néanmoins
les responsables européens à serrer les rangs. En vain. Reste la
proposition de l'Allemand Günther Oettinger, commissaire européen en
charge de l'Énergie : selon lui, il conviendrait de mettre en
berne, à l'abord des édifices communautaires, les drapeaux des États
sortant des clous du Pacte de stabilité. Voilà qui devrait nous tirer
d'affaire.
1 septembre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Soumis aux pressions des opinions publiques, les gouvernements
européens se montrent incapables de parler d'une seule voix, révélant
la fragilité d'une illusoire solidarité budgétaire.
L'euro a-t-il été créé dans la précipitation ? C'est,
apparemment, l'opinion du président de la République. Le
16 aout , à l'issue d'une rencontre avec le chancelier
allemand, il a déploré que la monnaie unique ait été établie
« sans prévoir au préalable l'harmonisation des
compétitivités » – tâche à laquelle il prétend désormais
s'atteler. À moyen terme, un impôt sur les sociétés harmonisé de part
et d'autre du Rhin pourrait symboliser la convergence accrue des
économies européennes.
Une intégration ambiguë
Chantre de l'"intégration", Nicolas Sarkozy se défend
néanmoins de toute velléité fédéraliste : « L'Europe
des vingt-sept et bientôt des trente [...] ira de plus en plus vers la
confédération », a-t-il annoncé. La nature du futur
« gouvernement économique » de la zone euro pourrait
le confirmer – du moins formellement : selon le vœu de Paris
et Berlin, en effet, cette responsabilité ne serait pas confiée à la
Commission européenne, mais à la réunion des chefs d'État ou de
gouvernement. Quant à la mutualisation des dettes publiques, elle
apparaît pour l'heure exclue. « Cela consisterait à garantir
par [notre] triple A la dette de tous les pays de la zone
euro », a expliqué le chef de l'État. « Cela voudrait
donc dire que nous garantirions la totalité de la dette sans avoir la
maîtrise de la dépense et de la création de la dette », a-t-il
prévenu.
Or la priorité est donnée au respect de la discipline
budgétaire, que serait censée garantir l'adoption, d'ici l'été 2012,
d'une "règle d'or" par les dix-sept États membres de la zone euro. En
vertu d'une telle disposition, les lois de finance annuelles seraient
soumises à un objectif de retour à l'équilibre budgétaire.
« Cela ne dépend pas que du droit européen », a
souligné Angela Merkel. « Inscrire cela dans son droit
national, c'est la meilleure façon de nous engager », a-t-elle
déclaré. D'autant qu'en cas de manquement « la plus grande
sanction ne viendrait pas [...] de la Commission mais de
l'intérieur ».
Hochet présidentiel
Un consensus transpartisan vient d'être négocié en Espagne
afin de modifier la constitution en ce sens. En France, « un
certain nombre de personnalités qui n'appartiennent pas à la majorité
ont déjà fait savoir qu'[elles] étaient favorables à l'adoption de
cette règle », a assuré le président de la République.
Peut-être se feront-elles davantage entendre après la primaire
socialiste ? À l'approche de l'élection présidentielle, la
tentation est d'autant plus grande d'instrumentaliser le débat. Y
compris à droite, où l'on pourrait fort bien s'accommoder de
l'opposition socialiste, censée souligner, par contraste, le sens des
responsabilités propre à l'UMP.
C'est dire combien les calendriers électoraux et autres
calculs politiciens interfèrent dans les négociations internationales.
Au risque de faire capoter les tentatives de résolution de la crise des
dettes souveraines. « Devoir mettre la main à la poche pour
sauver la Grèce endettée ne semble faire ni chaud ni froid aux
Français », constatait le Courrier international
en juillet dernier. En fait, ils feraient « rarement le lien
entre l'argent du gouvernement et leur impôt », selon The Economist.
Quoi qu'il en soit, comme le rappelait le magazine britannique,
« chez tous les autres pays créditeurs de la zone euro [...],
le coût de ces sauvetages a fait l'objet de débats animés ».
Confronté à la pression des Vrais Finlandais, Helsinki s'est distingué
en exigeant d'Athènes des garanties bilatérales en échange de sa
participation au plan de soutien présenté le 21 juillet.
« Dès le lundi 22 août, Moody's a expliqué que
"l'accord entre la Grèce et la Finlande, en lui-même de faible ampleur,
n'en est pas moins très significatif" », rapporte Euractiv.
« La solidarité européenne ne serait ainsi pas sans
faille. » En dépit de l'interdépendance des économies, autant
dire qu'elle repose sur du sable !
Controverse à Francfort
Alors que les emprunts d'État rachetés par la Banque centrale
européenne dépassent désormais les 100 milliards d'euros, La
Tribune signale que le président de la République fédérale
d'Allemagne, Christian Wulff, a fustigé une pratique
« contestable juridiquement ». Quant à la Bundesbank,
si l'on en croit Les Échos, elle aurait
critiqué « avec une ardeur peu commune » l'esquisse
d'une solidarité budgétaire européenne. Celle-ci est accusée
d'affaiblir « les fondements de la responsabilité budgétaire
en zone euro et la discipline des marchés de capitaux, sans qu'en
contrepartie les possibilités de contrôle et d'influence sur les
politiques financières nationales aient été sensiblement
renforcées ». La cacophonie aidant, les tensions semblent
appelées à durer sur les marchés obligataires.
7 juillet 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Le vote du Parlement hellénique préserve une timide accalmie
sur le front des marchés. Cela étant, bien que les banques semblent
disposées à participer à l'opération, le "sauvetage" de la Grèce n'est
toujours pas assuré.
Un soupir de soulagement a traversé l'Europe le mercredi
29 juin. En dépit des manifestations qui agitaient la Grèce,
le Parlement hellénique a validé le programme de réformes et de
privatisations négocié avec la Commission européenne, la BCE et le FMI.
Ceux-ci en avaient fait un préalable au versement d'une nouvelle
tranche de prêts de 12 milliards d'euros, sans lesquels
Athènes n'aurait plus été en mesure d'honorer ses dettes dès cet été.
Le vote a été emporté à la faveur de 155 voix contre 138. Le Premier
ministre George Papandréou est donc parvenu à rassembler ses troupes,
un seul élu socialiste s'étant refusé à rentrer dans le rang.
L'opposition veut plus de rigueur
Quant à l'opposition, elle est loin de faire écho à toutes les
protestations de la rue. « Nous aurions voté en
faveur de plusieurs mesures du plan du gouvernement si celui-ci n'avait
pas imposé un vote unique », souligne le député Christos
Staikouras. Son parti « estime que la situation réclame plus
d'agressivité dans les coupes des dépenses courantes et dans la
restructuration des entreprises nationalisées », résume notre
confrère Massimo Prandi (Les Échos,
28/06/2011). Tandis qu'on peine à distinguer les voix proposant une
véritable alternative, Herman Van Rompuy, le président du
Conseil européen, verse dans un relatif cynisme :
« Quand on exécute le programme d'assainissement budgétaire
année après année, on doit passer un mauvais moment mais la confiance
finit par revenir », a-t-il déclaré.
Les Européens vont-ils se résoudre à restructurer la dette
contractée par la Grèce ? On semble s'y préparer, bien que
cette perspective demeure exclue par les gardiens de l'orthodoxie
monétaire, tel Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France.
« C'est une illusion dangereuse », a-t-il prévenu
dans la lettre introductive de son rapport annuel. Selon lui, une
réduction ou un rééchelonnement « entraînent toujours, au
moins dans un premier temps, une réduction supplémentaire de la
confiance et de moindres apports de capitaux, ce qui augmente l'effort
nécessaire ». En filigrane, des rivalités institutionnelles
confortent peut-être la prudence des banquiers centraux. La BCE ayant
racheté des obligations grecques sur le marché secondaire,
« une décote de ces actifs la rendrait extrêmement vulnérable,
et très dépendante des États de la zone euro, qui devraient la
recapitaliser », explique notre confrère Robert Jules (La Tribune,
13/06/2011).
Équilibristes
Cela étant, le spectre d'une "contagion" nourrit des
inquiétudes légitimes. Pour l'heure, les responsables politiques
s'essaient à un numéro d'équilibriste, afin d'impliquer les
institutions privées dans le "sauvetage" de la Grèce sans déclencher un
"événement de crédit". Des discussions fructueuses auraient été
entamées à cet effet entre Bercy et les principaux créanciers français.
Ceux-ci seraient disposés à réinvestir 70 % de la valeur des
titres arrivant à échéance... à des conditions toutefois suffisamment
avantageuses pour être jugées incitatives. Aux yeux de
Standard & Poor's, le plan esquissé n'en
constituerait pas moins un "défaut sélectif" (Athènes restructurant
effectivement une partie, mais non la totalité, de sa dette
obligataire). Dans le cas présent, il conviendrait toutefois de
relativiser l'influence des agences de notation. « Ce n'est
pas parce qu'une agence décrète un défaut que les détenteurs de titres
enregistrent une perte », tempère notre consœur Isabelle Couet
(Les Échos, 04/07/2011).
« S&P laisse entendre que le classement en "défaut" ne
serait que temporaire et reconnaît en filigrane que le plan de la
[Fédération bancaire française] pourrait même améliorer la note de la
Grèce a posteriori ». Dès lors, conclut-elle, « même
la Banque centrale européenne (BCE) ne serait pas véritablement
menacée ».
Défiance populaire
Reste le second front : celui de l'opinion. D'abord
en Grèce : « Pour que le plan de sauvetage [...] ait
la moindre chance de réussite, le gouvernement Papandréou devra par
tous les moyens convaincre les électeurs que l'austérité est le prix à
payer pour un avenir meilleur - et pas seulement pour satisfaire les
exigences des créanciers étrangers », martèle Dani Rodrik,
professeur à l'université de Harvard (La Tribune,
17/06/200). Mais aussi outre-Rhin, où l'on connaît la défiance de
l'opinion publique à l'égard de la Grèce. Cela doit éclairer les propos
de Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois et président
de l'Eurogroupe, tenus au magazine allemand Focus,
où il annonce sans détour que « la souveraineté de la Grèce
sera extrêmement restreinte ». Berlin doit compter également
avec le tribunal constitutionnel de Karlsruhe, devant lequel un
"échange de vues" s'est tenu mardi dernier à propos des mesures de
solidarité budgétaire européenne... La crise des dettes souveraines n'a
pas fini de faire la une de l'actualité.
3 juin 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Tous les mois, une pluie de remontrances en provenance de
Bruxelles s'abat sur les États membres de l'UE. Parmi les communiqués
diffusés le 19 mai par la Commission européenne, six
concernaient la France.
Ainsi Paris est-il suspecté de ne pas avoir transposé une
directive portant sur la gestion des déchets. Ou de mettre en œuvre des
projets d'infrastructures sans procéder aux évaluations nécessaires
portant sur la sécurité routière. Il négligerait par ailleurs la
qualité de l'air, alors que le taux de particules en suspension
dépasserait les valeurs limites dans seize zones du territoire
national. Bruxelles pointe également les cagoules des sapeurs-pompiers,
pour lesquelles Paris exige des conditions de sécurité étrangères aux
dispositions communautaire – au risque d'« entraîner une
distorsion sur le marché intérieur ». En outre, il est
reproché à la France de restreindre l'accès à son marché du lait de
brebis, du lait de chèvre et de leurs produits dérivés, et d'invoquer à
cet effet un prétexte fallacieux, la crainte de la tremblante
(l'équivalent, chez les ovins et les caprins, de la "maladie de la
vache folle") étant jugée déplacée.
Fiscalité et "libre circulation"
La fiscalité n'est pas en reste. Elle se heurte, à nouveau, au
principe de "libre circulation", dont on sait que l'acception
européenne est très large. En cause : le code général des
impôts, affectant d'une retenue à la source les dividendes versés à
l'étranger. « Du fait de cette discrimination, les fonds de
pension et d'investissement établis dans d'autres pays de l'UE [...]
sont désavantagés par rapport à leurs contreparties établies en France,
et les clients français risquent donc de bénéficier d'un choix de fonds
de pension et d'investissement moins important », soutient la
Commission. L'année dernière, la France aurait introduit de nouvelles
dispositions en vertu desquelles les revenus d'actions distribués aux
organismes sans but lucratif (y compris les fonds de pension), qu'ils
soient ou non établis en France, seraient imposés au taux forfaitaire
de 15 %. Toutefois, relève Bruxelles, « il semble
qu'en l'absence de modalités d'exécution administratives plus
détaillées, ces changements n'aient pas été appliqués dans la
pratique ».
Enfin, la profession de notaire pourra désormais être exercée
par des ressortissants étrangers. Ainsi en a décidé la Cour de Justice
de l'Union européenne le 24 mai, au motif que cette activité
ne relève pas, selon son interprétation, de « l'exercice de
l'autorité publique ». Le cas échéant, l'Union européenne
consent tout de même à s'accommoder de quelque préférence nationale.