Le populisme à la fête

23 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Une vague populiste est-elle en train de submerger l'Europe ? Sous la pression de mouvements émergents, les partis de gouvernement infléchissent leurs politiques.

Il y a le feu dans la maison Europe, s'inquiète Gérard Grunberg, directeur de recherche au CNRS. « C'est l'ensemble des élites politiques européennes favorables à l'intégration européenne qui [...] sont immobiles, voire pétrifiées, face à la marée populiste montante », déplore-t-il sur Telos. De fait, selon un sondage Harris Interactive pour LCP, un nombre croissant de Français jugeraient que Marine Le Pen « ferait une bonne présidente de la République ». Par ailleurs, dimanche dernier, 14 avril, s'est tenu le congrès fondateur d'Alternative pour l'Allemagne, un parti prônant « une dissolution ordonnée » de l'Union économique et monétaire - autrement dit, le retour au mark. Bien que la défiance à l'égard de l'euro semble faiblir outre-Rhin, et quoique Angela Merkel bénéficie d'une popularité record, ce nouveau venu pourrait rafler quelques voix à la CDU-CSU lors des élections législatives programmées en septembre, perturbant quelque peu le jeu politique.

Partout en Europe...

À l'image du Mouvement 5 étoiles (M5S) de l'autre côté des Alpes ? Celui-ci compte des militants parmi les Italiens expatriés en Allemagne, comme le rapporte le magazine Cicero, cité par le Courrier international. « Quand il n'y aura plus de politiciens professionnels au Parlement, mais qu'il y aura seulement des membres de la société civile, qui ne s'inscrivent que pour un temps déterminé dans les institutions, le M5S ne sera plus nécessaire », assure l'un d'entre eux. De là à proposer l'institution d'une représentation organique de la nation, il n'y a qu'un pas. En France, les royalistes l'ont franchi de longue date !

« Sans un sursaut politique au niveau européen, les partis de gouvernement seront amenés, chacun dans son pays, à tenir compte de la poussée populiste et à atténuer leur discours pro-européen », prévient encore M. Grunberg. N'est-ce pas déjà le cas ? La crise aidant, la fraternité universelle n'a plus la cote. La hantise du plombier polonais suscitait jadis quelque suspicion morale. Mais aujourd'hui, à Paris, un chantre de la "démondialisation" siège au Conseil des ministres, vilipendant Chinois, Coréens et autres envahisseurs responsables du déclin français. À Madrid, le gouvernement entend restreindre les conditions d'obtention de la nationalité espagnole. À Copenhague, on somme les chômeurs étrangers d'apprendre le danois, sous peine de réduire leurs indemnités.

Le cas britannique

À Londres, enfin, « le chancelier de l'Échiquier, George Osborne s'est publiquement demandé, à propos d'un homme vivant de l'aide sociale et reconnu coupable d'avoir provoqué l'incendie qui a causé la mort de ses six enfants : "Pourquoi l'État devrait-il soutenir des gens comme Philpott ?" » Selon The Daily Telegraph, cité par le Courrier international, « Osborne est applaudi par ses alliés tories mais accusé par le Labour "d'exploiter cyniquement les crimes de Philpott pour faire passer sa réforme controversée" ».  Les grandes lignes en ont été présentées le 25 mars par le Premier ministre David Cameron, dont le projet vise à réduire l'immigration des ressortissants de l'Espace économique européen. « Plusieurs mesures ont été mises en avant et notamment la fin du versement de l'aide perçue par un immigré au chômage au bout de six mois s'il n'a aucune perspective d'emploi, ainsi que la restriction des droits des immigrés en matière d'aide au logement et d'accès au système de santé », rapporte la Fondation Robert Schuman.

Voilà seulement quelques années, l'Europe entière aurait crié au scandale ! Reste à savoir comment cette pression populiste se conjuguera aux facteurs économiques... « Un détricotage de la zone euro, puis de l'Union européenne elle-même, risque [...] de s'opérer », prévient  Gérard Grunberg. Affaire à suivre.

De Cayenne à Bruxelles

7 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'adoption d'un nouveau cadre financier pluriannuel pour l'Union européenne pourrait affecter la Guyane française, « en quête de singularité » vis-à-vis de Bruxelles, selon l'intitulé d'un rapport parlementaire.

Couramment vilipendée en raison du libéralisme censé l'inspirer, l'Union européenne n'en pratique pas moins la redistribution à l'échelle du Vieux-Continent, voire au-delà, dans ses régions ultrapériphériques (RUP), parmi lesquelles figure la Guyane française. Entre 2007 et 2013, plus de 500 millions d'euros de subventions lui auront été attribués par Bruxelles. Une somme investie, entre autres, dans la réfection d'un aérodrome et l'extension du réseau d'eau potable. Toutefois, « malgré les progrès réalisés durant les dernières décennies, la Guyane manque encore de certains équipements structurants », selon les sénateurs PS Georges Patient et Simon Sutour, auteurs d'un rapport d'information déposé le 20 février 2013. D'autant que « la vulnérabilité des infrastructures au climat tropical rend les projets d'investissements particulièrement coûteux et peu rentables ».

Au regard du PIB par habitant (53 % de la "base européenne" en 2009, selon les données d'Eurostat), la Guyane compte, sans surprise, parmi les territoires les moins favorisés de l'Union. De fait, soulignent les rapporteurs, « elle se retrouve en-deçà des performances des autres départements d'outre-mer français (67 % pour la Réunion, 66 % pour la Guadeloupe et 73 % pour la Martinique) et bien loin derrière les autres régions ultrapériphériques que sont les Açores avec 75 % du PIB communautaire, Madère avec 105 % et les Canaries avec 87 % ». De ce point de vue, la situation de la Guyane est comparable à celle des régions de Roumanie, de Bulgarie et de Pologne. Mais ses perspectives de développement sont tout autres.

Un budget en baisse

En effet, « la préfecture de Guyane fait le constat d'un territoire triplement enclavé : une région européenne participant au marché commun, mais handicapée par les surcoûts liés à l'éloignement ; un territoire recouvert à plus de 90 % par la forêt, rendant l'accès aux communes de l'intérieur difficile et les besoins en infrastructures de transport énormes ; l'unique territoire européen sur le continent sud-américain, mais séparé de lui par deux fleuves et sur lequel s'applique une réglementation plus contraignante que celle de ses voisins ». De quoi justifier, aux yeux de Cayenne, la pérennité du soutien communautaire.

En dépit de l'élargissement de l'Union européenne à l'Est, « un financement satisfaisant » avait été maintenu jusqu'à présent, estiment les rapporteurs. À l'avenir, cependant, les régions ultrapériphériques pourraient faire les frais de l'accord survenu lors du dernier Conseil européen, où fut adopté un projet de budget pour les six prochaines années. « Alors que le montant de l'aide spécifique pour les RUP était de 35 euros par habitant et par an lors de l'exercice précédent, celui-ci serait de 30 euros pour la période 2014-2020. Cela représente une diminution de 15 % de cette aide, alors que le budget total de l'Union ne subirait qu'une baisse limitée à 3,5 % », déplorent MM. Patient et Sutour. L'annonce « d'une nouvelle initiative pour lutter contre le chômage des jeunes » ne compenserait qu'en partie cette « déception ».

Multiples aberrations

Cependant, l'ampleur de la manne financière est loin d'être seule en jeu. La Guyane, comme les autres régions ultrapériphériques de l'Union, réclame l'assouplissement des critères auxquels doivent satisfaire ses projets pour être éligibles aux fonds européens. L'un d'entre eux, le Feder, privilégie les investissements portant sur la recherche et l'innovation, la compétitivité des PME, les émissions de CO2, l'accès aux technologies de l'information et de la communication. « Or, comme le rappelle Rodolphe Alexandre, président du Conseil régional de Guyane, comment demander à notre région de prioriser l'utilisation des crédits Feder sur ces quatre thèmes, alors que dans le même temps une proportion non négligeable d'habitants de notre territoire n'a pas encore accès à l'eau et à l'électricité ? » Au final, préviennent les rapporteurs, « la future politique de cohésion pourrait avoir l'effet inverse de ce pour quoi elle a été conçue. Avec un budget en baisse et des objectifs toujours plus éloignés d'une région en rattrapage, le risque est grand de voir diminuer la consommation des crédits et par là-même de voir l'écart entre les régions se creuser toujours plus ! »

Bien d'autres aberrations émanent de la technocratie bruxelloise. « Il est des cas précis et concrets où des aménagements des normes européennes sont nécessaires et parfois vitaux », soulignent les rapporteurs, qui mentionnent quelques exemples. « Comment comprendre l'application sans aménagement d'une politique de gestion des déchets prévue pour des communes européennes sur un territoire aussi particulier que la jungle amazonienne ? », s'interrogent-ils. Dans la Communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG), « la mise en œuvre des directives européennes demanderait un investissement de 27 millions d'euros en infrastructures, mais entraînerait le doublement du budget de fonctionnement. Or, il est impossible de prévoir de nouvelles ressources à la hauteur des dépenses. [...] Certes les investissements seraient en partie financés par l'Union européenne et par l'État, et la CCOG pourrait bénéficier de matériels performants et efficaces, mais elle n'aurait pas les moyens de les gérer ! » Autrement dit, « parce qu'elle refuse de prendre en compte la spécificité d'un territoire unique en son sein, l'Union européenne est prête à dépenser à perte des sommes importantes en investissement pour mette en œuvre une politique qui va conduire une collectivité publique dans l'impasse financière ».

La Marine démunie

Les restrictions d'usage des pesticides affectent la culture du riz, alors que « la pression parasitaire, propre au climat d'une région équatoriale, est beaucoup plus importante qu'en Europe ». Par ailleurs, la Guyane « gère depuis longtemps ses ressources halieutiques selon les normes européennes de conservation et d'exploitation durables, contrairement à ses voisins, le Brésil et le Suriname ». Comme le précise Georges Patient, « alors que les pêcheurs guyanais, en application des règles européennes, emploient des filets à grandes mailles pour préserver les espèces, les pêcheurs brésiliens utilisent des filets avec de petites mailles qui épuisent la ressource ».

Or, poursuivent les rapporteurs, « face à l'épuisement de leurs stocks en raison de la surpêche qu'ils ont pratiquée, les pêcheurs surinamais et surtout brésiliens viennent depuis plusieurs années piller les eaux guyanaises ». À tel point que, selon l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), « la ressource serait davantage exploitée par les navires étrangers [...] que par les embarcations locales ». Pourtant, la Marine nationale ne disposerait que de navires hauturiers inadaptés à la poursuite des embarcations clandestines au faible tirant d'eau... En la matière, cela va sans dire, il n'y a rien à attendre de Bruxelles.

Mali : l'Europe au pied du mur

21 février 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Moult commentateurs ont pointé l'inconséquence de l'Europe dans le dossier malien. Peut-être sont-ils coupables d'avoir placé en elle trop d'espoirs.

Dans l'affaire malienne, « l'Europe a été nulle », selon les déclarations d'Alain Juppé au micro d'Europe 1. Fidèle à son tropisme néo-gaullien, l'ancien Premier ministre continue manifestement de projeter ses rêves de grandeur à l'échelle du Vieux-Continent. Peut-être serait-il temps de l'admettre : l'"Europe puissance" n'est rien d 'autre qu'un fantasme hexagonal. Au moins Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, semble-t-il l'avoir compris : « Quand l'Europe de la Défense aura la capacité d'intervenir immédiatement, ce sera dans cent cinquante ans ! », a-t-il déclaré à La Voix du Nord. « Le président du Mali nous a appelé à l'aide le 10 », a-t-il précisé. « La décision d'intervenir a été prise par le président le 11 à 12 h 30, j'y étais. Et nos forces ont commencé à arriver à 17 heures. Que vouliez-vous faire ? Consulter les Vingt-Sept ? [...] La vérité, c'est que nous avons la réactivité militaire et le pouvoir de décision. » La capacité "d'entrer en premier" est d'ailleurs une spécificité de l'armée française, qui profite du primat accordé à l'exécutif, habilité à placer le Parlement devant le fait accompli... Preuve que la nature des institutions s'avère toujours décisive : « politique d'abord », disait Maurras !

Heureuse solitude de la France

Apte à réagir dans l'urgence, la France doit toutefois s'accommoder d'une relative solitude dans l'action. L'opposition n'a pas manqué de s'en inquiéter, par la voix de Jean-François Copé, non sans quelque légèreté. En effet, « pour la guerre, être seul est parfois plus efficace », comme le souligne le géopolitologue Olivier Kempf, animateur du blog Egea. « C'est d'ailleurs ce qu'ont beaucoup ressenti les Américains lors de la guerre d'Afghanistan, lorsqu'ils voyaient tout un tas d'alliés européens se défiler dans des zones peu dangereuses. » La France vient de le vérifier à ses dépens. Les Pays-Bas ont certes mis un avion ravitailleur à sa disposition, mais en en restreignant l'emploi, de telle sorte qu'il lui était interdit d'atterrir à Bamako. Quant au C-17 britannique qui s'est posé à Évreux, son équipage a d'abord refusé d'embarquer les rations des soldats, au motif qu'elles comprenaient des allumettes : dans la Royal Air Force, en effet, « on ne mélange pas munitions et dispositif d'allumage dans le même appareil », explique notre confrère Nicolas Gros-Verheyde. « Il a fallu quelques heures de patience et un coup de fil entre les deux chefs d'état-major pour régler la question », a-t-il rapporté sur le blog Bruxelles 2.

À ses yeux, cependant, « sans l'apport précieux et coûteux des alliés, c'est bien simple, l'opération Serval n'aurait pas duré plus de soixante-douze heures ». Selon ses estimations, ce soutien aurait représenté 60 à 100 millions d'euros au cours du premier mois d'intervention. « Soit tout autant que l'engagement français annoncé par le ministre Jean-Yves Le Drian (70 millions d'euros). » Cela étant, cette aide n'émane pas de l'Union européenne en tant que telle. D'ailleurs, parmi les alliés engagés derrière la France figurent le Royaume-Uni et le Danemark, dont Olivier Kempf rappelle qu'ils sont « les plus hostiles à tous nos baratins sur l'Europe de la Défense ».

Mission formation

L'opération Serval en sanctionnerait-elle alors l'échec ? « Pour moi, l'Europe de la Défense, c'est la mise en commun de certains moyens de défense, c'est l'industrie de défense, un certain nombre d'actions communes », plaide Jean-Yves Le Drian, qui cite en exemple l'opération Atalante, luttant contre la piraterie dans l'océan Indien. « L'Europe de la Défense, ce n'est pas l'Europe militaire », explique-t-il encore. Le cas échéant, peut-être pourra-t-elle contribuer à la reconstruction de l'État malien et plus particulièrement de ses forces armées. D'autant qu'en la matière, l'Europe peut légitimement revendiquer une certaine compétence, illustrée notamment par le précédent somalien. Laborieusement, l'Union européenne prépare donc une mission de formation à cet effet. D'ores et déjà connue sous le nom EUTM Mali, elle sera placée sous le commandement d'un officier français, le général Lecointre. « C'est, en fait, le logiciel de l'armée malienne que nous voulons reconstruire », a-t-il confié à Nicolas Gros-Verheyde. Par conséquent, a-t-il prévenu « il faut [...] considérer les choses sur le temps long, au moins le temps moyen, et non sur le court terme ».

Défi américain

Reste un autre défi qui se présente à l'Europe : celui d'une moindre protection américaine. Comparant l'intervention au Mali à celle survenue en Libye deux ans plus tôt, le politologue Zaki Laïdi relève un élément nouveau, Washington ayant envisagé « de faire littéralement payer à la France la location d'avions de transport de troupes ». « C'est un fait tout à fait inédit dans l'histoire des relations transatlantiques », souligne-t-il sur Telos. « Car même si en définitive cette option a été écartée, elle révèle à la fois l'érosion du soutien américain et la détermination de Washington à envoyer des signaux de non-assistance à Européens en danger. » Ceux-ci sauront-ils en tirer les conséquences ?

TSCG : à ratifier sans état d'âme !

7 octobre 2012

Quelques mots sur le Pacte budgétaire européen... et sur ses opposants.

Une opération de communication se conclut ces jours-ci au Parlement, où le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union économique et monétaire (TSCG) est en passe d'être ratifié. Cet accord, intergouvernemental et non communautaire, se résume à l'expression d'un engagement solennel en faveur d'un assainissement progressif des finances publiques - un engagement souscrit à l'intention plus particulière de l'opinion allemande, afin de parer à son aversion pour la "solidarité budgétaire", raison pour laquelle il est censé contribuer à "sauver l'euro".

Ramener les finances publiques à l'équilibre, plutôt que de faire payer aux générations futures non pas les investissements consentis en leur faveur, mais les gaspillages d'un État inutilement dispendieux, voilà un objectif dont la poursuite devrait apparaître impérieuse aux yeux de tous. Hélas, ce serait oublier ces idéologues chaussés de grosses lunettes volontaristes, pas loin de proclamer que l'or pousse sur les arbres, tandis qu'ils exhortent l'État à pointer au guichet de la Banque de France, quitte à plonger la nation dans le chaos monétaire. Que des royalistes appellent à délivrer de nouveaux assignats, voilà une situation tristement ironique. Jacques Bainville nous avait pourtant mis en garde : il n'y a « rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française du 2 novembre 1925.

En vérité, la France n'a rien à gagner à ratifier ce traité, mais elle aurait tout à perdre à s'y refuser, étant donné qu'elle s'orienterait délibérément vers la banqueroute le cas échéant. D'aucuns s'excitent au motif qu'il appartiendra à la Cour de justice de de l'Union européenne (CJUE) de vérifier qu'une "règle d'or" budgétaire aura bien été introduite dans le droit national. Pas de quoi fouetter un chat : les juges de Luxembourg ne seront pas censés statuer sur le fond. En outre, le traité entretient le flou quant au "déficit structurel" qu'il conviendrait de combler, ainsi que sur les "circonstances exceptionnelles" qui permettraient de se soustraire à cet impératif.

Dans ces conditions, la marge d'appréciation conférée à Paris demeurera des plus large. L'immixtion potentielle du juge national dans un domaine jusqu'alors plus ou moins réservé à la Commission pourrait même jouer à la défaveur de Bruxelles. « On comprend pourquoi l'exécutif européen n'est pas très très enthousiaste sur ce texte », relève notre confrère Nicolas Gros-Verheyde. « Celle-ci garde la main sur le mécanisme de correction. Mais elle pourra aussi devoir rendre des comptes et justifier sa position de façon plus étayée que jusqu'ici... »

Cela, certains ne le voient pas, préférant s'honorer de résister à l'édification d'un État européen dont chaque traité multilatéral négocié sur le Vieux-Continent devrait nécessairement constituer une nouvelle pierre. D'ailleurs, on s'amuse de constater le sérieux avec lequel ils accueillent les propositions européistes les plus fantasmatiques, à l'image de celles formulées tout récemment par le "groupe des onze" : élection du président de la Commission par les citoyens de l'Union, définition d'une politique étrangère commune à la majorité qualifiée, création d'une armée communautaire, etc. Ce projet, c'est une « blague », comme l'a observé Jean-Louis Bourlanges, aujourd'hui (dimanche 7 octobre 2012), à l'antenne de France Culture. Ces élucubrations sans lendemain sont légions. Pour être, avec notre confrère Jean Quatremer qu'ils citent très volontiers, les seuls à ne pas s'en lasser, les souverainistes ont l'outrecuidance de revendiquer le monopole du patriotisme. Voilà précisément ce qui les rend insupportables !

Pacte budgétaire : un traité pour quoi faire ?

4 octobre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union économique et monétaire (TSCG), dont le Parlement français débat ces jours-ci, est censé "sauver l'euro". Vaste programme.

Quelques milliers de personnes ont battu le pavé parisien, dimanche dernier, 30 septembre, à l'appel du Front de gauche, pour réclamer que soit soumise à référendum la ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union économique et monétaire (TSCG), ou "Pacte budgétaire". Le cas échéant, toutefois, les manifestants devraient batailler pour faire mentir les sondages : selon une enquête BVA, dont les conclusions ont été publiées lundi par Le Parisien, 64 % des Français voteraient en faveur du traité.

Une fois n'est pas coutume, ils pourraient (presque) le faire en connaissance de cause. À la différence des traités communautaires, en effet, le TSCG, long de vingt-cinq pages seulement, s'avère relativement facile à lire. Contrairement au traité de Lisbonne, par exemple, il ne constitue pas une révision du droit primaire de l'Union européenne. D'ailleurs, seuls vingt-cinq des vingt-sept États membres de l'UE y ont apposé leur signature, le Royaume-Uni et la République tchèque s'y étant refusés. Les parties contractantes s'appuieront néanmoins sur les institutions de l'Union pour mettre en œuvre des engagements souscrits à sa marge, dans un cadre intergouvernemental. Cela ne recèlerait-il pas quelque fragilité juridique ? En tout cas, il est envisagé d'intégrer les innovations du TSCG au cadre juridique de l'Union européenne dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur (comme on le fit des accords de Schengen).

Imboglio juridique

Le droit communautaire s'en trouverait-il bouleversé ? Loin s'en faut. Le TSCG contient moult références au « Pacte de stabilité et de croissance révisé » adopté à l'automne 2011. Le renforcement de la discipline budgétaire, sous la surveillance accrue de la Commission européenne, est acquis de longue date ! Le Pacte budgétaire se distingue par l'introduction « d'objectifs à moyen terme » portant sur la réduction du déficit structurel – un déficit « corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires », selon les termes du TSCG, dont l'ampleur ne devrait pas dépasser 0,5 %, voire 1 % du PIB.

Était-il nécessaire de négocier un nouveau traité à cet effet ? Un texte d'une telle nature solennise l'engagement des responsables politiques en faveur d'un assainissement des finances publiques. En dépit des lourdeurs inhérentes au processus de ratification, c'est, vraisemblablement, tout l'intérêt qu'il présente aux yeux du chancelier allemand, confronté à la défiance d'une opinion publique où l'euroscepticisme va croissant. Au cœur de cette opération de communication, orchestrée par Angela Merkel, donc, figure l'introduction d'une "règle d'or" budgétaire, ou la promesse que sera garantie l'exportation de la rigueur germanique – la contrepartie de la "solidarité budgétaire" consentie par Berlin. De fait, les signataires du TSCG s'engagent à équilibrer leurs comptes « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ».

En négociant un tel engagement, les exécutifs ont délibérément court-circuité leur parlement... Dans le cas de la France, cela se traduira non par une révision constitutionnelle, mais par l'adoption d'une loi organique et, selon le projet du gouvernement, la création d'un Haut Conseil des finances publiques dirigé par le premier président de la Cour des comptes. Cela « va profondément modifier la préparation et le suivi des lois de Finances », analyse, dans Les Échos, notre confrère Étienne Lefebvre. À l'avenir, par exemple, la prévision de croissance sur laquelle se fonde le budget « devra être validée en amont par le Haut Conseil, dont l'avis sera rendu public au moment de la présentation du budget, fin septembre. Un avis négatif ne sera pas suspensif, mais son poids politique sera déterminant. Plus question de s'appuyer sur une prévision trop volontariste. » Un objectif à moyen terme sera désormais fixé dans les lois de programmation des finances publiques, et une trajectoire pluriannuelle définie en conséquence. En cas d'écart, le gouvernement proposera des mesures en application d'un "mécanisme de correction". Il appartiendra au Haut Conseil de donner l'alerte, « en tenant compte », précise le gouvernement, « le cas échéant, de circonstances exceptionnelles ».

Politique d'abord

Les "circonstances exceptionnelles", telles qu'elles sont définies par le TSCG, « font référence à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visées dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l'écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme ». Cela ne pourrait-il pas donner lieu à diverses interprétations, selon que l'on statue à Paris, Berlin, Bruxelles ou Luxembourg ? Telle est l'inquiétude exprimée par Marc Clément, magistrat administratif, dans un article publié par Telos. En définitive, résume-t-il, « le Traité de stabilité instaure à côté des mécanismes européens centrés sur les objectifs maximum de déficit de 3 % et de dette de 60 %, un autre ensemble de contraintes visant à l'équilibre structurel des budgets. Mais ces règles sont des règles nationales dont l'application sera contrôlée nationalement. » D'un côté, « la Commission et le Conseil sanctionnent sous le contrôle de la Cour de Justice » ; de l'autre, celui du TSCG, « ce sont les juges nationaux ». « Qu'est-ce qui garantit que les décisions des juges ne seront pas contradictoires d'un État membre à l'autre ? Rien, car pour le Traité de stabilité, le juge de Luxembourg n'intervient que marginalement. » Du moins est-il censé vérifier qu'une "règle d'or" budgétaire a bien été introduite dans le droit national, sans participer directement à son application.

Le moment venu, n'en doutons pas, les politiciens sauront s'engouffrer dans cet imbroglio juridique, sous la pression d'un corps électoral avide de promesses dont il faudra bien financer la réalisation, au moins en partie... Vingt ans après la ratification du traité de Maastricht, le TSCG est censé en corriger les insuffisances, en restaurant la discipline budgétaire dont l'Union européenne s'était affranchie à la demande de Paris et Berlin. Quoique "renforcé" tout récemment, le Pacte de stabilité avait volé en éclats à leur instigation, après avoir été jugé « stupide » par Romano Prodi, alors président... de la Commission européenne. Pourquoi le Pacte budgétaire serait-il promis à un avenir différent ? On finira bien par s'en extirper. D'aucuns s'y essaient d'ores et déjà. Jugeant « intenable » la réduction du déficit public poursuivie à court terme, Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, souhaiterait que Paris s'en affranchisse. « Mais je ne souhaite pas que ce soit la France qui donne l'impression de ne pas tenir ses engagements et sa parole parce que nous aurions à le payer cher au niveau de la gestion de notre dette et de l'effort financier », a-t-il expliqué le 23 septembre, comme le rapportent Les Échos. D'où son espoir de faire peser la responsabilité sur Bruxelles, qui aurait bon dos ! À supposer qu'il faille effectivement "sauver l'euro" et, plus généralement, ramener les finances publiques à l'équilibre sans faire tourner la planche à billets - ce dont la rédaction de L'Action Française 2000 est loin d'être convaincue, ses lecteurs le savent bien ! - on le voit, le carcan du droit ne saurait y suffire. C'est pourquoi, de notre point de vue, cette affaire n'est qu'une nouvelle illustration de la prégnance du "politique d'abord" cher à Maurras : en pratique, « dans l'ordre du temps », la politique demeure bel et bien « la première ». 

L'Europe, planche de salut de l'industrie militaire ?

19 juillet 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que se prépare la rédaction d'un nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, semble ne jurer que par l'"Europe", à laquelle il conviendrait de confier, entre autres, les destinées de l'industrie militaire.

La rédaction d'un nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a été lancée vendredi dernier, 13 juillet 2012. Ce jour-là, le chef de l'État a confié à Jean-Marie Guéhenno, conseiller maître à la cour des Comptes, la présidence de la commission chargée de  mener à bien cet exercice de prospective. À moins qu'il s'agisse d'une « causerie de salon » ? Le cas échéant, celle-ci servirait à justifier des restrictions budgétaires supplémentaires décidées par avance, comme le suggèrent, dans un rapport parlementaire, les sénateurs Jacques Gautier, Alain Gournac, Gérard Larcher, Rachel Mazuir, Jean-Claude Peyronnet, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner et Gilbert Roger. Critiquant le livre blanc établi sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ils déplorent que n'y soit mentionné « aucun élément permettant de comprendre le passage des résultats de l'analyse stratégique au format d'armée ». Toutefois, reconnaissent-ils, « en temps de paix, le budget et l'industrie entrent tout autant que la définition des menaces dans l'équation conduisant in fine à la définition du format des armées. Il est donc normal de les intégrer et de confronter l'outil de défense idéal avec l'outil de défense réaliste, celui qu'on peut se payer. »

La DGA dicte sa loi

N'en déplaise aux thuriféraires du néo-gaullisme, selon lesquels « l'intendance suivra », il n'y a pas lieu de s'en offusquer selon nous. D'autant que les arbitrages en matière de défense ne sont pas sans incidence sur l'économie. Pour un euro investi dans une "capacité militaire industrielle critique", l'État récupérerait 1,60 euro, rapportent les sénateurs. « Une étude sur la filière missile montre en particulier que la contribution économique globale générée par cette filière (605 millions d'euros) est largement supérieure au montant des dépenses de R&D exigé par l'existence de cette filière (350 millions d'euros), dont une partie seulement est financée par le budget de la défense (200 millions d'euros). La France devant de toutes les façons acquérir des missiles, le fait de les produire sur son territoire génère d'importantes retombées économiques en termes d'emplois, de fiscalité, de charges sociales. La seule contribution économique globale générée par l'activité export (331 millions d'euros) est largement supérieure au montant des dépenses de R&D exigés par l'existence de cette filière et financés par le budget de l'État. »

Cela légitime le poids accordé aux considérations industrielles. De fait, la DGA (Direction générale de l'armement) jouerait « un rôle prépondérant et quasi exclusif dans la détermination des orientations d'acquisitions des équipements ». Parfois au détriment des impératifs opérationnels, regrettent les rapporteurs. Ceux-ci « ont pu, par le passé, constater quelques ratés, heureusement rares, d'une politique qui peut dans certains cas con-duire à priver les forces armées des outils dont elles ont besoin, comme ce fut le cas, pour les véhicules haute mobilité, dont l'absence a fait cruellement défaut en Afghanistan ». Aussi conviendrait-il de « savoir comment régler ces conflits, par quelles procédures, avec quelle transparence, selon quels principes ». Dans cette perspective, l'exemple britannique de la "nouvelle stratégie d'acquisition" mériterait d'être étudié.

Dans les pires des cas, les atermoiements politiques peuvent aboutir « à ne disposer ni des capacités industrielles, ni des capacités opérationnelles ». À ce titre, les drones Male (moyenne altitude longue portée) apparaissent emblématiques : « Depuis plus de quinze ans les industriels français et européens se déchirent pour franciser des équipements étrangers [...] sans que, in fine, la France ne dispose d'aucune filière industrielle digne de ce nom pas davantage que d'une capacité opérationnelle à la hauteur de ses besoins. » L'affaire n'en finit pas de rebondir : alors qu'il venait d'entrer en fonction, Jean-Yves Le Drian, le nouveau ministre de la Défense, est revenu sur la décision du gouvernement précédent, qui avait tranché en faveur de Dassault...

Le sort du Rafale

Comme le rappellent les sénateurs, « l'existence de conflits possibles entre stratégie d'acquisition et stratégie industrielle de défense n'est ni nouvelle, ni propre à la France. C'est ainsi que, pour des raisons de stratégie industrielle, la décision fut prise au plus haut niveau d'interdire à l'aéronavale d'acquérir des avions militaires américains F18, alors que les vieux Crusader étaient hors d'âge et que le Rafale marine était loin d'être prêt. » Nul ne conteste, aujourd'hui, les qualités du Rafale, dont la polyvalence fait merveille, et dont l'acquisition s'est avérée moins coûteuse que celle de son rival européen développé par l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni. Pourtant, soutiennent les rapporteurs, « l'Europe ne peut se permettre le luxe de recommencer les erreurs du combat fratricide Eurofighter-Rafale ». « Le temps des arsenaux de Colbert est révolu ! », clame l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées. À l'échelle de la mondialisation, la France est trop petite, nous dit-on. Qu'en est-il alors de la Suède, un pays comptant seulement neuf millions d'habitants, qui continue néanmoins de produire des avions de combat, et parvient même à en exporter ?

« Le marché des équipements de défense européen est trop fragmenté », poursuivent les parlementaires. « Il est donc temps que l'État mette de l'ordre dans ses participations », préviennent-ils. En freinant vraisemblablement  la montée en puissance de Dassault. Impulsée durant le quinquennat précédent, celle-ci serait critiquable, entre autres motifs, « parce qu'elle ne pourra jamais conduire à la constitution d'une "Europe de la défense" et handicapera les différents champions nationaux européens [...], omnipuissants sur leur marché intérieur, mais d'une taille insuffisante pour entrer en compétition avec leurs concurrents occidentaux ». Jean-Yves Le Drian a enfoncé le clou, le 5 juillet, lors d'une audition à l'Assemblée nationale : « Si nous ne parvenons pas à valoriser notre potentiel industriel de défense par des partenariats intelligents et structurants à moyen terme, si nous ne prenons pas les initiatives qui s'imposent, nous risquons de perdre notre ingénierie et notre savoir-faire », a-t-il déclaré. Manifestement, l'"Europe" constitue sa marotte. Il a d'ailleurs invité des représentants allemand et britannique « à participer aux travaux », du nouveau livre blanc, exception faite de ceux portant sur « quelques particularités comme dans le domaine nucléaire ».

Échecs patents

Gageons qu'il pourrait vite déchanter. En dépit de quelques succès, « les grands programmes d'armement menés en coopération européenne ont donné des résultats mitigés », concèdent les rapporteurs du Sénat. « La coopération européenne dans les industries de défense regorge d'exemples de programmes dont les délais ont été plus longs et les coûts plus chers que s'ils avaient été menés nationalement, qui ont connu des dérapages de prix et ont débouché sur des produits moins cohérents voire si différents que tout partage des coûts de maintenance en est impossible. Cela a été le cas de l'avion de chasse Eurofighter, dont l'assemblage est effectué sur quatre sites différents, des frégates Horizon franco-italiennes qui n'ont plus en commun que le nom, ou encore de l'hélicoptère de transport NH-90 qui a donné lieu à vingt-sept versions différentes. »

« Si l'on souhaite mettre en place une politique de défense européenne », expliquent les parlementaires, il convient, au préalable, « de mener une analyse stratégique partagée ». « Cette analyse existe-t-elle », s'interroge Jean-Pierre Chevènement ? « Non. Pouvons-nous le faire pour le compte des autres ? Non. » Quoique... S'exprimant dans La Tribune, André Yche, contrôleur général des armées, a laissé entendre que la force de dissuasion française pourrait bénéficier à l'Europe entière – ce dont nos voisins n'ont jamais voulu. Commentant le rapport présenté par ses collègues, le sénateur Jean-Louis Carrère a salué le caractère « parfois idéaliste » de leur propos, « car c'est un moteur qui conduit à ne pas renoncer ». Quitte à poursuivre une chimère ?

Pêche : Bruxelles prié de revoir sa copie

21 juin 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

La réforme de la Politique commune de la pêche (PCP) proposée par la Commission européenne est mal accueillie au Sénat.

Que va-t-il advenir de la pêche française ? Cinq sénateurs rattachés à divers groupes politiques s'en inquiètent : Joël Guerriau (Union centriste), Odette Herviaux (groupe socialiste), Gérard Le Cam (groupe communiste, républicain, citoyen), Bruno Retailleau (UMP) et Charles Revet (UMP). Dans une proposition de résolution enregistrée le 6 juin, ils rappellent l'objectif de la Commission européenne : « lutter plus efficacement contre la surpêche qu'elle considère comme généralisée dans les eaux européennes et réduire la surcapacité des flottes ». Or, le diagnostic de Bruxelles leur apparaît d'autant plus « discutable » qu'il s'appuie sur des données scientifiques jugées « insuffisantes » : « à peine la moitié des stocks sont aujourd'hui connus, avec des marges d'erreur importantes », soutiennent les parlementaires. En tout cas, préviennent-ils, si le "rendement maximal durable" était atteint dès 2015 pour toutes les espèces, conformément aux recommandations de la Commission, la France devrait « fermer 50 % de ses pêcheries, ce qui aurait des conséquences économiques et sociales désastreuses pour le littoral français ». Le projet de régulation de la flotte de pêche par l'attribution de quotas revendables inspire la plus grande méfiance : les expériences menées en ce sens par l'Islande, les pays baltes, ou encore le Danemark et les Pays-Bas, l'auraient été au détriment de la pêche artisanale.

Vers l'interdiction des rejets

Quant à l'interdiction des rejets, ce serait « une fausse bonne idée », coûteuse à mettre en œuvre en raison des moyens de surveillance qu'elle nécessite. « Il est préférable d'adopter une démarche d'amélioration de la sélectivité des engins de pêche, pour prévenir les prises indésirables », clament les auteurs de la résolution : "trier sur le fond plutôt que sur le pont". D'autant que l'interdiction des rejets poserait « des problèmes techniques immenses à la pêche française au chalut qui est multi-spécifique ». Les navires, alors surchargés, ne seraient pas adaptés pour ramener à terre l'ensemble des prises.

Dans la nuit du 12 au 13 juin, les gouvernements européens sont pourtant convenus d'interdire progressivement les rejets. En revanche, ils excluent d'imposer l'instauration de quotas transférables. De fait, comme le relèvent les sénateurs, « les textes de la Commission [...] ont été accueillis de manière extrêmement critique par la plupart des États membres de l'Union européenne intéressés ainsi que par le Parlement européen ». Une assemblée avec laquelle il faudra compter : en application du traité de Lisbonne, celle-ci est désormais appelée à jouer un rôle actif dans la définition de la Politique commune de la pêche (PCP).

Bruxelles veille sur Schengen

7 juin 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Annoncée bruyamment sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la réforme de l'espace Schengen est discutée ces jours-ci, sous la houlette d'une Commission européenne avide de nouveaux pouvoirs.

Draguant dans les eaux du Front national, Nicolas Sarkozy l'avait martelé durant sa campagne électorale : « Il n'est pas question que nous acceptions de subir les insuffisances de contrôle aux frontières extérieures de l'Europe. » Depuis, l'agitation médiatique s'est assagie, mais la réforme de l'espace Schengen demeure en discussion. La question figurait à l'ordre du jour des ministres de l'Intérieur de l'Union européenne, appelés à se réunir à Luxembourg le jeudi 7 juin 2012.

Dysfonctionnements criants

Mises sur la table en septembre dernier, les propositions de la Commission européenne portent, d'une part, sur les conditions d'évaluation de Schengen et, d'autre part, sur les modalités de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l'UE. Deux domaines dans lesquels Bruxelles entend accroître son influence, aux dépens des gouvernements qui rechignent à lui céder leurs responsabilités. « En cas d'urgence nécessitant une réaction immédiate (une attaque terroriste, par exemple), les États membres pourraient certes toujours prendre des décisions unilatérales pour réintroduire les contrôles », résume un rapport du Sénat, « mais seulement pour une période ne dépassant pas cinq jours, après quoi une décision au niveau de l'UE serait prise, sur proposition de la Commission, afin d'autoriser une éventuelle prorogation ». Dans une lettre adressée le 19 avril à la présidence danoise de l'UE, Paris et Berlin réclamaient, entre autres, que ce délai soit porté à trente jours. Quant aux flux migratoires, ils ne constitueraient pas en eux-mêmes « une menace pour la sécurité », selon la Suédoise Cecilia Malmström, commissaire européen aux Affaires intérieures. « Il en résulte un certain paradoxe » relevé par la Chambre haute : « Le phénomène à l'origine de la réforme se retrouve à la marge de la proposition de la Commission, dans un simple considérant. »

Par conséquent, s'il était franchi, ce pas supplémentaire en direction du fédéralisme ne répondrait pas, nous semble-t-il, aux dysfonctionnements les plus criants de l'espace Schengen. « Lorsqu'un migrant ne réunit pas les conditions pour voyager dans l'espace Schengen, l'État membre qui délivre un titre de séjour (temporaire) devrait opter pour la délivrance d'un titre de séjour (provisoire) qui ne soit pas équivalent à un visa Schengen de court séjour », souligne timidement la Commission. Sans trop se mouiller, celle-ci considère que « les États membres devraient informer les titulaires de ces documents, d'une façon appropriée et efficace, des conditions auxquelles ils peuvent (ou ne peuvent pas) voyager dans l'espace Schengen ». L'année dernière, alors que des migrants affluaient en provenance de Tunisie ou de Libye sur l'île de Lampedusa, l'Italie leur aurait accordé des visas avec une certaine légèreté, les autorisant à traverser les Alpes en toute légalité...

La Grèce inquiète

Aux frontières extérieures de l'espace Schengen, la pression « se concentre sur un nombre limité de points sensibles, en particulier l'axe de la Méditerranée orientale qui passe par la Turquie et la Grèce », souligne la Commission. Au cours du dernier trimestre de 2011, près de 30 000 franchissements irréguliers ont été repérés aux frontières extérieures, dont environ 75 % sur cet axe. « À la suite des graves insuffisances identifiées en Grèce, la Commission considère que les efforts fournis, notamment en ce qui concerne le contrôle des frontières terrestres et maritimes extérieures, doivent rester une priorité. » En janvier dernier, le Sénat s'était alarmé de la situation, déplorant que l'accord de réadmission entre la Turquie et la Grèce ne soit pas mis en œuvre en raison de la persistance du conflit chypriote. « Or, si la plupart de ces migrants sont appréhendés, les conditions de rétention en Grèce sont tellement mauvaises, les procédures de traitement des demandes d'asile et de refoulement si insatisfaisantes, que ces personnes doivent être relâchées. » Elles seraient  souvent appréhendées à nouveau dans le cadre d'une opération organisée par Frontex à un stade ultérieur de leur parcours, généralement dans les Balkans.

Les déboires politico-financiers rencontrés par Athènes n'invitent guère à l'optimisme. « Plusieurs pays prépareraient la réintroduction des contrôles aux frontières dans le cas d'une situation d'urgence en Grèce », rapporte le site Internet Presseurop, citant un quotidien autrichien. « Rappelant le cadre juridique des accords de Schengen, le Standard précise que "contrairement à la très débattue sortie de la zone euro [...], la fermeture des frontières avec la Grèce par ses partenaires ne poserait pas de problèmes". » Qu'importe la légalité de telles mesures au regard du droit européen : nécessité fait loi.

Pêche : l'Outre-mer négligé par l'UE

7 juin 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Aveugle aux spécificités de l'Outre-mer, l'Union européenne freinerait le développement de la pêche locale, en dépit de ressources halieutiques souvent abondantes.

Tandis que l'Union européenne planche sur la réforme de la Politique commune de la pêche (PCP), trois parlementaires l'appellent à prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques françaises. Maurice Antiste et Serge Larcher, sénateurs de Martinique apparentés socialistes, et Charles Revet, sénateur UMP de Seine-et-Marne, ont déposé en ce sens une proposition de résolution enregistrée le 31 mai à la présidence de la Chambre haute. « La pêche ultramarine représente une part très importante de la pêche française », soulignent-ils dans l'exposé des motifs. « On comptait ainsi en 2009 près de 2 500 navires de pêche dans les quatre DOM, contre moins de 5 000 en France hexagonale. [...] Les DOM représentent près de 35 % de la flotte artisanale française et 20 % des effectifs de marins-pêcheurs au niveau national. » Hélas, Bruxelles se montrerait « aveugle aux réalités de la pêche ultramarine française ». Les règles de gestion de la ressource, qui constituent le cœur de la PCP, seraient « pensées par et pour l'Europe continentale », déplorent les sénateurs. L'application aux DOM de l'interdiction des aides à la construction de navires constituerait « l'illustration la plus préoccupante » du phénomène. La situation apparaît d'autant plus regrettable que la flotte ultramarine serait « artisanale et vétuste », alors que l'Outre-mer disposerait « d'atouts indéniables, au premier rang desquels des ressources halieutiques relativement abondantes et bien souvent sous-exploitées  ».

Faire entendre sa voix

En cause, également, les politiques commerciale et de développement, en vertu desquelles l'UE conclut des accords de libre-échange avec certains pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). « Il est incompréhensible que l'UE encourage le développement de la pêche dans des pays potentiellement concurrents, tout en privant la pêche des RUP [régions ultrapériphériques] d'un soutien équivalent », dénoncent MM. Antiste, Larcher et Revet. Par rapport à leurs concurrents régionaux, les pêcheurs réunionnais devraient supporter des coûts de production et de commercialisation quatre à cinq fois supérieurs. Dans ces conditions, il apparaît « nécessaire que la voix de l'Outre-mer puisse se faire entendre au niveau européen en matière de pêche ». Or, « aucune instance de dialogue ne permet [...] aux DOM de s'exprimer au sein de l'UE sur le sujet ». À la différence des autres régions ultrapériphériques de l'Union européenne, situées dans les eaux occidentales, les départements français d'outre-mer ne seraient représentés dans aucun comité consultatif régional (CCR). « Comme le demandent les professionnels et le gouvernement français, il est donc important qu'un CCR spécifique aux RUP soit mis en place », martèlent les sénateurs. Affaire à suivre.

Le parasite et la fourmi

7 juin 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Petite pique en direction de François Hollande, thuriféraire des eurobonds.

D'une pauvreté affligeante, les premières conférences de presse du président Hollande lassent davantage que celles de son prédécesseur, qui ne ménageait pas nos confrères, mais savait ponctuer ses interventions de quelques touches d'humour.

Le 23 mai, le nouvel hôte de l'Élysée s'est fendu d'une question qui se voulait rhétorique : « Est-il acceptable que certaines dettes souveraines pour être financées soient obligées de consentir des taux d'intérêts à plus de 6 % et que d'autres pays [puissent] accéder à des financements à des taux d'intérêts voisins de zéro dans la même Union monétaire, budgétaire ? » Or, si l'Union monétaire constitue une réalité, certes chaotique, l'union budgétaire demeure un fantasme. Lequel se réaliserait à la faveur d'une mutualisation des emprunts obligataires promue par François Hollande. En Europe comme en France, sans doute s'agit-il de faire payer les riches – comprenez l'Allemagne. On imagine avec quelle facilité celle-ci va se laisser convaincre : la fourmi n'est pas prêteuse... Autant parasiter ouvertement les sommets internationaux !

Dans un accès de magnanimité, Berlin semble enclin à inscrire aux calendes grecques l'introduction des "eurobonds". On attend avec impatience les conclusions du prochain Conseil européen, dont le chef de l'État se gargarisera vraisemblablement comme il fit de celles du G8, après y avoir glissé une coquille vide – en l'occurrence, le mot "croissance". « Je considère que le mandat que j'avais reçu du peuple français a été, dans un premier temps, déjà honoré », a-t-il déclaré, fort de son succès diplomatique. Rien de plus "normal" !