16 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Quarante ans après le premier pas de l'homme sur la Lune,
l'espace est au cœur de la compétition mondiale. Fortes du succès
d'Ariane, la France et l'Europe sauront-elles tenir leur rang ?
Décollage pour un survol des enjeux de la politique spatiale.
Le 21 juillet, nous fêterons les quarante ans du premier pas
de l'homme sur la Lune, dont la reconquête est d'ores et déjà lancée.
La Russie, la Chine, le Japon et l'Inde envisagent de s'y installer
durablement. Ils seront probablement devancés par les États-Unis,
engagés dans le programme Constellation s'appuyant sur la vision «
Moon, Mars and beyond » exposée par le président Bush en 2004. Premier
alunissage en 2020 ! Par comparaison, l'Europe apparaît bien timorée...
Le monde est saisi d'une frénésie spatiale : en 2007, on estimait à 2
500 le nombre de satellites en orbite autour de la Terre, dont un
millier avaient été lancés en seulement dix ans.
Passions en jeu
En visite à Kourou le 11 février 2008, le président de la
République observa que l'espace demeurait, pour moult États,
« une affaire de rang et de statut ». Or, selon Nicolas
Sarkozy, « le maintien d'un effort budgétaire et industriel aussi
considérable ne peut se justifier des décennies durant par le seul
souci de prestige ou de démonstration de force ». Sachons raison
garder, sans négliger les passions mobilisatrices : le programme Apollo
avait enthousiasmé la jeunesse américaine, suscitant de nouvelles
vocations scientifiques.
Cela dit, la politique spatiale obéit à des préoccupations
essentiellement scientifiques, économiques et sécuritaires. « L'espace
constitue la quatrième dimension de la défense nationale » soulignent
les parlementaires Christian Cabal et Henri Revol. Dans les années
suivant la première guerre du Golfe, les États-Unis ont multiplié par
cent la bande passante (le débit) utilisée par leurs soldats impliqués
dans un conflit. En 2006, la Chine a neutralisé un satellite espion
américain pendant quelques minutes. Plus spectaculaire encore : début
2007, elle a détruit un satellite météorologique lui appartenant par un
tir de missile. Jusqu'alors, seuls les États-Unis et la Russie étaient
réputés capables d'anéantir un système spatial.
On le voit, « l'espace est un enjeu de souveraineté pour la
France : la crédibilité de la dissuasion nucléaire, les compétences
technologiques de nos entreprises, leur place sur les marchés
internationaux en dépendent ». Notre pays peut s'enorgueillir du succès de ses
lanceurs : près des deux tiers des satellites opérationnels en 2007
avaient été lancés par Arianespace ; la fiabilité d'Ariane 5 – première
qualité d'un lanceur – l'a même autorisé à pratiquer des tarifs
supérieurs à ceux de la concurrence. Maillon essentiel de la filière
spatiale, les fusées y occupent pourtant un poids économique marginal :
« La fabrication des lanceurs et les lancements représentent 3 % des
revenus du secteur, la fabrication de satellites 11 %, la construction
et la commercialisation des moyens au sol 24 % et le segment
d'opération des satellites et de ventes des services associés 62 %. »
Selon les chiffres cités par le président de la République, l'industrie
spatiale européenne dégage un chiffre d'affaires annuel de 5 milliards
d'euros ; elle représente 30 000 emplois, dont 40 % situés en France.
Mais le secteur a souffert : « Le chiffre d'affaires de l'industrie
spatiale en France a [...] commencé par croître de plus de
60 % entre 1996 et 2000. Puis une baisse de 28 % est
intervenue entre 2000 et 2005. »
Un secteur dual
Dans leur rapport déposé en février 2007, Christian Cabal et
Henri Revol avaient relevé les difficultés rencontrées, plus
précisément, par la filière des lanceurs : « Ce secteur dual,
c'est-à-dire mettant en œuvre des technologies voisines pour des
applications civiles ou militaires, employait plus de 4 500 personnes
en 1984. En 2006, les effectifs ont fondu de 60 % pour ne plus
comprendre que 2 600 emplois. C'est l'arrêt des programmes de la
dissuasion sol, du missile balistique mobile Hadès et de la navette
européenne Hermès qui est responsable de l'hémorragie. » Arianespace
avait été affecté, également, par l'éclatement de la bulle Internet,
provoquant un effondrement du marché des satellites de
télécommunications.
Or, poursuivent les parlementaires, « la France est le seul
pays en Europe où les marchés institutionnels et les marchés
commerciaux sont au même niveau. [...] Les marchés institutionnels –
civil ou militaire – ont représenté 95 % du chiffre d'affaires de
l'industrie spatiale américaine en 2005. L'importance des commandes sur
le marché commercial est certes une indication rassurante sur la
compétitivité instantanée de l'industrie qui en bénéficie. Mais cette
situation crée une dépendance dangereuse vis-à-vis de marchés
essentiellement cycliques. »
La loi du marché ?
Selon le vœu de Nicolas Sarkozy « l'exceptionnelle qualité du
service rendu par Ariane doit lui permettre d'équilibrer entièrement
son activité commerciale », autorisant éventuellement « une
réorientation partielle des moyens publics vers de nouveaux programmes
». Étant donné l'importance stratégique des lanceurs, garants de
l'autonomie d'accès à l'espace, la prudence s'impose. Pour Christian
Cabal et Henri Revol, « la première impasse française et européenne »
serait « l'opinion [...] selon laquelle la croissance du secteur
spatial peut être assurée d'abord par le marché. Hormis l'Europe,
aucune puissance spatiale ne commet cette erreur. Capitalistiques et à
long terme, les investissements spatiaux produisent des externalités
que les marchés ne prennent pas en compte et peuvent difficilement
financer. La concurrence [...] est biaisée par le dumping d'industries,
généralement publiques, plus soucieuses d'influence géopolitique que de
rentabilité. Faute d'un soutien public suffisant, les industries
spatiales européennes voient leur pérennité compromise par une capacité
de [recherche et développement] et une rentabilité insuffisantes... »
Nombre de pays offrent un ministère à leur politique spatiale.
En France, le Centre national d'études spatiales joue le premier rôle.
Il est impliqué dans de multiples coopérations internationales, jugées
indispensables : « À titre d'exemple, le CNES maîtrise la réalisation
technique de l'altimètre océanographique Altika de nouvelle génération
mais ne peut prendre en charge la plateforme. En conséquence, Altika
sera implanté sur un satellite lancé par l'Inde. » Faut-il s'en
inquiéter ? « La recherche fondamentale doit faire l'objet de
coopérations sans réserves. » Toutefois, « plus on se rapproche de
l'acte de produire, moins la coopération peut être développée. La
conception, l'ingénierie et les savoir-faire de la production sont des
atouts dans la compétition commerciale. Leur exportation doit être
proscrite. »
Lego spatial
Nos député et sénateur affirment que « l'Europe doit
viser l'autonomie des systèmes spatiaux assurant des fonctions
stratégiques pour sa sécurité et son développement économique », mais
aussi « contribuer à la standardisation des systèmes spatiaux et
rechercher la compatibilité de ses propres systèmes avec le plus grand
nombre possible de systèmes appartenant aux autres régions du monde. »
Assemblée comme un Lego à partir de modules conçus de part le monde, la
Station spatiale internationale (ISS) symbolise les perspectives ainsi
ouvertes.
L'Agence spatiale européenne (ESA), dont le siège se trouve à
Paris, constitue le vecteur de cette ambition. Bien qu'un accord-cadre
formalise sa collaboration avec l'Union européenne depuis mai 2004,
elle en est indépendante. Parmi ses dix-huit membres, on compte la
Suisse et la Norvège, qui n'appartiennent pas à l'UE. Pratiquant le
"retour géographique" – une exigence coûteuse –, elle répartit les
investissements sur le territoire des États-membres à la mesure de
leurs participations. À Bruxelles, « la prise en compte du spatial par
la Commission européenne » serait « fragmentée et sous-dimensionnée »
selon les parlementaires. Le traité de Lisbonne conférerait à l'Union
une compétence partagée en la matière. Une compétence "pragmatique",
censée s'ajouter à celle des États sans s'y substituer. « Mais la
Commission ne possède aucune compétence technique dans le domaine
spatial. Il serait contre-productif qu'elle veuille s'en doter, alors
que l'ESA les possède au meilleur niveau, avec un retour d'expérience
de plus de trente années. Il serait également très dangereux d'imaginer
l'ESA en tant qu'agence communautaire, car l'espace vivra encore
largement de programmes optionnels permettant de faire avancer la
coopération entre les États-membres les plus motivés. »
Talon d'Achille
Présentes à bord de la Station spatiale internationale, la
France et l'Europe n'ont pas la possibilité d'y conduire un équipage
par leurs propres moyens. Les vols habités sont leur talon d'Achille,
alors que le CNES juge prioritaire l'étude de Mars in situ. Le
président de la République exprime sa « conviction qu'un programme
d'exploration ne peut être que mondial, sans exclusivité ni
appropriation par l'une ou l'autre des nations ». Il fera valoir
quelques atouts devant la "communautés internationale" : « Dans
l'exploration robotique, le transport de matériel, les technologies
spatiales, l'Europe a des secteurs d'excellence où elle peut apporter
ses talents pour le bénéfice de tous. »
Elle dispose en outre de formidables potentialités : après
qualification pour les vols habités, équipée d'une capsule dotée d'un
dispositif d'éjection, Ariane 5 bénéficierait selon la NASA d'une
sécurité cinq fois meilleure que celle de la navette spatiale ; et sans
développer un lanceur aussi lourd que les Américains, nous pourrions
exploiter les rendez-vous orbitaux pour assembler de grandes structures
dans l'espace. « L'Europe a la possibilité de rivaliser avec les
États-Unis pour des investissements très inférieurs, en capitalisant
sur ses investissements antérieurs et en adoptant une approche système
de systèmes » clament Christian Cabal et Henri Revol. Quoi qu'il en
soit, les retards se paieront cher : « Il faut trente ans pour mettre
en place un secteur spatial performant. »
Cet article s'appuie sur le rapport de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de février 2007,
rédigé sous la responsabilité de Christian Cabal, député,
et Henri Revol, sénateur : « Politique spatiale : l'audace ou
le déclin - Comment faire de l'Europe le leader mondial de l'espace ».
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2 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Vers une coordination des parlementaires français et "européens" ?
Une quarantaine de députés au Parlement européen ont répondu à
l'invitation du Quai d'Orsay le 22 juin. Euractiv
signale le bon accueil réservé à la proposition du président de la
commission des Affaires européennes du Sénat, Hubert Haenel, qui
souhaite systématiser les rencontres entre parlementaires européens et
nationaux. Il était temps ! Organisées tous les mois selon le vœu de
Bruno Le Maire, ces rencontres auraient lieu en amont de la
présentation des textes ; « pour éviter les cafouillages comme Hadopi »
précise le député Hélène Flautre (Europe-Écologie).
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7 mai 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
À l'approche du scrutin du 7 juin, la campagne tarde à démarrer, y compris sur la Toile, où les "programmes politiques" ne sont pas légion. Aperçu des thématiques développées par l'Alliance royale, Debout la République, le Front national, Libertas, le MoDem, le PS et l'UMP.
À six semaines des élections européennes, nous avons arpenté
la Toile à la recherche des "manifestes politiques" de quelques partis.
Certains sites de campagne reflètent le désintérêt suscité par
le scrutin : outre le nom de ses têtes de liste, le Front
national diffuse seulement quelques affiches. L'UMP publie des
actualités et met en valeur la "communauté" de ses sympathisants, sur
le modèle de Facebook, sans formaliser ses propositions, peut-être dans
l'attente d'un discours du président de la République ; les internautes
en quête d'un programme doivent se contenter d'un tract peu fourni, où
l'on remarque l'importance accordée à l'outre-mer.
Discours protectionnistes
L'heure n'est plus aux déclarations eurobéates. Certes, le PS
entretient le mythe selon lequel la construction européenne aurait «
garanti la paix » ; et le MoDem s'illusionne en croyant pouvoir
renverser la situation où, « depuis des années, chaque pays essaie de
marquer des points contre les autres ». Confrontés à la crise
économique, les partis préfèrent accompagner le retour médiatique du
politique. Dans la continuité du « succès de la présidence française de
l'Union », l'UMP martèle ce slogan : « Quand l'Europe veut, l'Europe
peut. » Réunis sous la bannière de Libertas, le MPF et CPNT exploitent
une thématique similaire : « Prenons l'Europe en main. »
Des appels de pied au protectionnisme sont lancés de toutes
parts : l'UMP nous encourage à voter « pour une Europe qui nous protège
» ; selon les socialistes, « le débat n'est pas tant de savoir si
nous serions des partisans ou des adversaires du
protectionnisme, mais bien de déterminer quels intérêts nous souhaitons
protéger ». La hantise du dumping illustre la nécessité d'une
harmonisation des fiscalités européennes aux yeux du PS et du MoDem.
Reste à convaincre nos partenaires, dans un domaine où l'unanimité
demeurerait la règle malgré l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Le PS s'indigne d'« un budget européen réduit à moins de 1 %
de la richesse produite en Europe » ; le MoDem lui fait écho, proposant
« un budget européen dont le volume serait décidé par le Parlement
européen et alimenté par un impôt unique sur l'ensemble des pays de
l'Union ». Autre suggestion du parti centriste : la nomination d'« un
procureur européen avec autorité sur les polices ». De retour au
pouvoir, ces fédéralistes se montreront-ils aussi disposés à dépouiller
l'État de ses prérogatives ?
L'Alliance royale plébiscite la création de deux commissariats
européens, « pour la coordination de la sécurité des pays européens »
d'une part, « pour l'environnement et la sécurité sanitaire » d'autre
part. Quels rapports entretiendraient-ils avec les directions générales
de la Commission, le Centre de suivi et d'information en charge de la
protection civile, l'Agence européenne pour l'Environnement ? On
l'ignore, mais ces propositions témoignent de la volonté largement partagée d'envisager
l'Europe indépendamment du marché unique. François Bayrou souhaiterait
que « l'exigence sociale, démocratique et écologique soit placée au
même niveau que la concurrence ». Pourquoi pas au-dessus ? De toute
façon, la concurrence n'est qu'un instrument censé servir la
prospérité, dont l'efficacité inspire une circonspection stimulée par
la crise.
Le PS feint d'offrir à l'Europe « le droit à l'alternance » :
« Il y a aujourd'hui la possibilité de donner sa place à la politique
au cœur de l'Europe et d'assumer jusqu'au bout le clivage avec la
droite en faisant échec à une candidature Barroso et, nous le
souhaitons, en ayant un candidat commun issu du PSE pour la présidence
de la Commission. » C'est mal parti. D'autant qu'en dépit de leur
affiliation à gauche, les gouvernements britannique, espagnol et
portugais devraient appuyer la reconduction de José Manuel Barroso.
Vœu pieux
Autre vœu pieux : la constitution d'« une Europe forte avec
une vraie défense européenne ». Cela « n'est pas aujourd'hui crédible »
rétorque l'Alliance royale. Prenant le risque de froisser ses
sympathisants, celle-ci considère même « que la France doit se
maintenir dans l'Otan, [...] la seule organisation militaire capable de
répondre aux besoins de sécurité dans nos zones d'intérêts stratégiques
». Debout la République prétend qu'« avec le traité de Lisbonne
(article 27-7), la France n'aurait pas pu faire entendre sa voix sur la
guerre en Irak ». Le texte incriminé - qui n'est pas stricto sensu un
article du traité de Lisbonne - introduit une clause de défense
mutuelle et rappelle la compatibilité des politiques de l'UE avec les
engagements souscrits dans le cadre de l'Otan. Or cela n'est pas
nouveau et ne concerne pas directement l'intervention en Irak, décidée
en dehors des structures atlantiques.
Tandis que le Front national fait passer « ma retraite, ma
famille, mon emploi... avant l'Europe », d'autres souverainistes ont
adopté une posture plus nuancée, "eurocompatible" selon l'expression du
"sécessionniste" Reinelde Maes (afe-blog.com, 26/04/09) : « Osons une
Europe différente » lance Nicolas Dupont-Aignan ; c'est « une dimension
nécessaire de notre avenir » confirme Libertas. Tout en revendiquant sa
« prudence » à l'égard de la construction européenne, l'Alliance royale
observe que « certains secteurs industriels ont [...] besoin d'une
masse critique suffisante pour être concurrentiels dans un contexte de
mondialisation : aéronautique, espace, défense, énergie, pharmacie,
etc. » Selon l'AR, l'Europe est « une zone relativement homogène en
matière stratégique. Beaucoup d'enjeux concernant la France [...] sont
aussi en même temps européens : terrorisme, accès aux ressources
d'énergie, sécurité maritime, etc. »
L'Alliance royale esquisse « un aménagement de ce qui existe
déjà : un conseil européen représentant les États, une assemblée, des
commissions exécutives et des instances juridictionnelles, chacune
agissant dans le strict cadre des coopérations auxquelles les États
membres auront bien voulu souscrire ». Exit la « Grosse Kommission »
fustigée régulièrement par Les Manants du Roi, éclatée en diverses
entités. L'AR plébiscite une communauté où « nul État européen ne peut
être contraint d'appliquer des directives ou des lois européennes sur
son territoire s'il ne les a pas lui-même ratifiées. Nulle institution
européenne ne peut exercer de coercition de droit sur les États membres
en dehors de traités librement et préalablement consentis par eux. »
Qu'adviendrait-il du droit communautaire dérivé ? L'Alliance laisse
planer une certaine ambiguïté. Elle se préoccupe en tout cas de la
réversibilité des engagements : de son point de vue, « l'adoption de la
monnaie unique apparaît comme imprudente, non pas nécessairement pour
ses conséquences économiques, mais parce qu'elle lie la France de façon
trop forte ».
Référendum
Imaginant eux aussi un nouveau traité, les gaullistes de DLR
voudraient qu'il soit « approuvé par référendum le même jour dans tous
les pays de l'Union ». On mesure l'irréalisme de la proposition à la
vue du laborieux processus de ratification du traité de Lisbonne. Cela
supposerait en outre de chambouler des traditions, voire des
dispositions constitutionnelles, puisque la Loi fondamentale allemande
circonscrit l'usage du référendum à la réorganisation du territoire
fédéral. Maladroitement, Nicolas Dupont-Aignan en vient à promouvoir «
l'uniformisation » qu'il dénonce ! L'"identité" est d'ailleurs un thème
jugé porteur, y compris par le MoDem : « Nous défendrons l'Europe qui
garantit les identités, les modes de vie, les langues et les cultures
sur son sol et dans le monde. » Mais les développeurs de Libertas ont
négligé la traduction des termes anglais apparaissant sur la version
imprimable de chaque page du site Internet ; un comble !
Ne négligeons pas la France !
« Les querelles institutionnelles ne sont plus de saison »
affirme le PS, « car l'ordre du jour de la nouvelle administration est
économique et social. Le traité de Lisbonne est une donnée, mais ne
saurait borner l'ambition des socialistes pour l'Europe. » Ni celle des
autres ! Or, « pour réorienter l'Europe », faut-il « d'abord envoyer au
parlement de Strasbourg une majorité de députés de gauche » ou d'une
quelconque sensibilité ? Cela n'a rien d'évident, car l'UE n'est pas
émancipée de l'influence des exécutifs nationaux. Le MoDem s'en
offusque implicitement en voulant changer une situation où « les
gouvernants de notre pays et les dirigeants européens préparent toutes
les décisions entre eux, dans le secret ». Beaucoup dépend de nous.
C'est pourquoi « l'Alliance royale estime qu'une coopération à
l'échelle de l'Europe n'est possible que par le renforcement des
institutions françaises ». Qu'elle suscite espoirs ou inquiétudes,
l'Union européenne reflète à bien des égard nos propres ambitions, nos
propres frustrations. Ne négligeons pas la France !
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5 mars 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Le gouvernement s'attaque au téléchargement illégal sur
Internet. À cet effet, la loi "Création et Internet" arrive devant les
députés. Une façon de préserver la vitalité de la création et la
diversité culturelle ? Beaucoup n'y voient qu'une perfusion consentie à
des industriels passés maîtres dans l'art du lobbying.
Maintes fois reporté, en dépit de l'urgence décrétée par le
gouvernement, l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi
"Création et Internet" devait débuter le 4 mars. Ce texte prévoit
d'élargir les compétences de l'Autorité de régulation des mesures
techniques (ARMT) : rebaptisée Haute Autorité pour la diffusion des
œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), elle
orchestrera la riposte contre les abonnés à Internet complices d'une
violation de la propriété intellectuelle.
En contrepartie, producteurs et distributeurs se sont engagés
à rendre plus attractive leur offre dématérialisée : la suppression des
verrous numériques (DRM) empêchant le transfert des fichiers d'un
appareil à l'autre est une avancée significative ; un remaniement de la
"chronologie des médias" est également envisagé, dans un premier temps
pour rendre les films accessibles en ligne sans délai après leur sortie
en DVD ou Blue-ray.
Adresses IP
Cela conformément aux recommandations de la mission Olivennes,
qui avait préparé la signature des accords de l'Élysée le 23 novembre
2007. L'essentiel du dispositif est connu depuis lors. Saisie
par les ayant droits - qui arpentent d'ores et déjà la Toile à la
recherche des fraudeurs -, l'Hadopi pourra adresser un ou deux
avertissements aux abonnés mis en cause, éventuellement par courriel,
au moins une fois par lettre recommandée selon le souhait du Sénat.
Tant qu'une sanction n'aura pas été prononcée, ces mises en demeure ne
seront susceptibles d'aucune contestation. En cas de récidive, la Haute
Autorité pourra exiger des fournisseurs d'accès à Internet (FAI) la
suspension des connexions, pour une durée de trois mois à un an. Les
clients n'en resteront pas moins redevables à leur égard. S'ils ont
souscrit une offre couplée avec le téléphone et la télévision, ils
devront continuer à bénéficier de ces services : une casse-tête
technique pour les FAI. Avant la signature de tout nouveau contrat,
ceux-ci auront l'obligation de vérifier qu'aucune sanction ne pèse sur
le souscripteur.
Ce sont donc les abonnés à Internet, et non les "pirates"
eux-mêmes – passibles de trois ans de prison et 300 000 euros d'amende
pour contrefaçon -, qui seront visés par l'Hadopi, parce qu'ils sont
censés veiller, selon l'exposé des motifs, à ce que leur connexion « ne
fasse pas l'objet d'une utilisation qui méconnaît les droits de
propriété littéraire et artistique ». À moins que les députés
retiennent un amendement déposé en ce sens, les accusés ne seront pas
informés de la nature des "piratages" commis via leur abonnement. On
imagine les disputes qui surviendront dans les familles sanctionnées,
dont les membres se renverront mutuellement la faute, ignorant qu'un
voisin se sera connecté à leur réseau sans fil, ou qu'un inconnu aura
usurpé leur adresse IP...
Identifiant chaque point d'accès au réseau mondial, les
adresses IP feront l'objet d'une collecte constituant des preuves à la
fiabilité contestée : même des imprimantes pourraient être accusées de
piratage ! Or, la loi rendra d'autant plus nombreux les internautes
cherchant à brouiller les pistes... « Alors que certains parlementaires
opposés au texte prédisent que cette loi multipliera les réseaux
chiffrés et privés, il semble [...] que la réalité les ait déjà
rattrapés », observe Richard Ying. « [Le] ministre en tient toutefois
compte comme le montre le dossier de presse distribué à l'occasion du
MIDEM 2009 : "Bien entendu, [...] certains internautes parviendront
toujours [...] à dissimuler leurs adresses IP ou à recourir à d'autres
moyens sophistiqués pour échapper à des sanctions éventuelles. [...] Ce
que recherche en fait le projet de loi, c'est de faire changer les
esprits grâce à une campagne pédagogique et préventive massive. Peu
importe, de ce point de vue, qu'une minorité de gens particulièrement
astucieux y échappent. »
Le ministre de la Culture, Christine Albanel, affichait son
optimisme dans un communiqué diffusé le 11 février : « Il ressort en
effet d'une récente étude d'opinion que 90 % des personnes averties
cesseraient de pirater à réception du deuxième message. » Une
proportion appelée à diminuer progressivement, étant donné la
débrouillardise des internautes. D'autant que les "pirates" les plus
actifs sont probablement les plus avertis. Si le téléchargement était
enrayé, des logiciels se proposeraient sans doute d'automatiser
l'enregistrement de reproductions légales. Vraisemblablement, le
gouvernement ne parviendrait durablement à ses fins qu'en plaçant
chaque ordinateur sous surveillance.
Aussi les polémistes dénoncent-ils volontiers une dérive
totalitaire. La charge pesant sur les FAI pourrait les pousser tout
doucement sur la voie du filtrage, qui s'imposera inévitablement sur
les réseaux publics. Prenant la CNIL à témoin, La Quadrature du Net
souligne que l'Hadopi pourra, « sans contrôle de l'autorité judiciaire
», obtenir la copie des informations de connexion « collectées à
l'origine à des fins de lutte contre le terrorisme ». Catoneo s'insurge
sur Royal Artillerie : « Nous allons rejoindre, grâce à l'ancien patron
d'un hypermarché culturel qui débite la médiocrité à torrents, le club
des pays policiers du web avec la Chine, l'Iran, le Vietnam, Singapour
et... la Syrie, car pour "protéger la création", la profession exige
que l'on scanne en masse. [...] Du monde, beaucoup de monde aux
pupitres de flicage en France ! [...] Réclameront-ils des
képis pour faire peur dans la webcam ? »
« Avec l'estimation de "3 000 lettres recommandées
d'avertissement par jour" de Christine Albanel, le coût des envois de
courriels et de recommandés sera de 9,3 millions d'euros, qui ne sont
plus dans le budget de fonctionnement de l'Hadopi », plafonné
à 6,7 millions d'euros (Richard Ying). Autant d'argent alimentant la
perfusion d'un modèle économique submergé par les nouvelles
technologies. Le gouvernement s'appuie sur le postulat que « la
consommation illégale est aujourd'hui une source de destruction de
valeur » qui « compromet la diversité des œuvres et constitue une
menace pour la vitalité de la création, donc pour l'identité de la
France et de l'Europe » (rapport Olivennes). Or, il est « difficile
d'établir "le coût du partage illégal de fichiers" », selon le Groupe
de travail sur l'économie de l'information de l'OCDE, dont l'étude
Contenus numériques haut débit - La musique est citée par La Quadrature
du Net. « Cette difficulté est reflétée dans les résultats des études
sur la question et dans les critiques méthodologiques dont [elles] ont
pu faire l'objet. [...] La plupart des études confirment que ces deux
phénomènes opèrent en même temps – selon les utilisateurs : le partage
non autorisé de fichiers conduit certains à augmenter leur consommation
et d'autres à la réduire. »
Bouleversement
« Aujourd'hui, plus d'un Français sur deux a accès à
I'Internet haut débit. » Forts de ce constat, les rédacteurs du projet
de loi observent que « bien plus qu'un phénomène de société, c'est un
véritable tournant qui constitue, pour la diffusion de la culture, une
chance extraordinaire, sans précédent depuis l'invention de
l'imprimerie ». Ont-ils saisi toute la mesure de ce bouleversement ? Le
23 novembre 2007, le président de la République s'était vanté de «
faire prévaloir le droit légitime des auteurs et de ceux qui
contribuent à leur expression, sur l'illusion et même sur le mensonge
de la gratuité ». Cela sonne faux, à l'heure où 20 Minutes annonce ses
premiers bénéfices, tandis que la Toile regorge de services accessibles
sans contrepartie directe : messagerie, stockage, suites logicielles,
et même écoute en toute légalité de plusieurs millions de titres sur
Deezer !
« Répondant à l'argument de la gratuité destructrice de
partisans de la loi, des adversaires avancent des exemples de réussites
économiques issues d'un téléchargement gratuit », rapporte Richard
Ying. « Le plus célèbre est celui de Radiohead qui a diffusé son nouvel
album sans contrainte, laissant aux internautes le choix d'une
rémunération. Le comanager de Radiohead, Brian Message, évoque cette
méthode de distribution à "coûts quasi nuls" : "La musique diffusée ou
téléchargée gratuitement en ligne a une vraie valeur économique. [...]
À partir de cette gratuité, il devient possible de fidéliser le public,
de vendre des places de concert, des collectors, etc. [...] C'est
peut-être paradoxal, mais la gratuité fait désormais partie du business
de la musique." De façon similaire, il est fréquent de lire [...] que
des talents musicaux se sont fait connaître et gagnent leurs revenus
grâce à des téléchargements et écoutes gratuits. » Selon Nicolas
Sarkozy, « si on laissait faire, il n'y aurait que quelques artistes
qui s'en sortiraient - les plus connus - et [...] les jeunes artistes
ne pourraient plus avoir accès à rien du tout ». Beaucoup pensent le
contraire, alors que le bouche à oreille, aux effets décuplés par la
Toile, relativise la toute-puissance du marketing uniformisateur.
Une alternative
Attachée à son eldorado, la blogosphère s'est enflammée contre
la loi, dénonçant une violation des "droits de l'homme". Le Parlement
européen s'en est fait l'écho, mais aucune voix ne s'est élevée au
Sénat contre l'adoption du projet le 30 octobre 2008. Manifestement,
les industriels de la culture ont mené un travail de lobbying efficace.
Leurs opposants devront en prendre de la graine. D'autant que leurs
propositions sont jugées crédibles par certaines "autorités", telle la
Commission pour la libération de la croissance française. Selon le
rapport Attali, cité par Richard Ying, une politique de « contrôle des
usages individuels constituerait un frein majeur à la croissance. [...]
Ces mécanismes introduiraient une surveillance de nature à porter
atteinte au respect de la vie privée et aux libertés individuelles,
tout à fait contraire aux exigences de la création et à la nature
réelle de l'économie numérique. [...] La rémunération des artistes doit
être assurée par des mécanismes d'abonnement et par les vrais
bénéficiaires du téléchargement : les fournisseurs d'accès Internet. »
Un plaidoyer en faveur de la "licence globale" ! Nous y reviendrons
dans notre prochain numéro.
Principales sources :
- Présentation du projet de loi Création et Internet.
Dossier de presse du ministère de la Culture et de la Communication, 18
juin 2008.
- Hadopi, "Riposte graduée" : Une réponse
inefficace, inapplicable et dangereuse à un faux problème.
Dossier mis en ligne par La Quadrature du Net, version 1.0, 9 fevrier
2009.
- Le projet de loi "Création et
Internet" : inadéquat dans la lutte contre le téléchargement
illégal. Analyse de Richard Ying (http://richard.ying.fr/),
version 1.3, 11 février 2009.
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17 juillet 2008
Article publié dans L'Action Française 2000
Le Conseil d'État confirme le refus d'accorder la nationalité française à une Marocaine adepte d'un islam trop radical.
Mme Fazia M. a trente-deux ans. Elle est mariée à un Français et mère
de trois enfants. En dépit de sa maîtrise de la langue, le 16 mai 2005,
le gouvernement s'est opposé par décret à sa naturalisation, arguant,
conformément au Code civil, d'un « défaut d'assimilation ». À juste
titre selon le Conseil d'État, dont la décision du 27 juin a été
révélée par Le Monde vendredi dernier.
La presse a monté en épingle le port de la burqa, dont le juge
administratif aurait proclamé l'incompatibilité avec l'obtention de la
nationalité française. Mais le verdict n'y fait aucune mention. Il
stipule que la requérante a « adopté une pratique radicale de sa
religion, incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté
française, et notamment avec le principe d'égalité des sexes ;
qu'ainsi, elle ne remplit pas la condition d'assimilation ».
Effectivement, Fazia M. ne cache pas les attaches salafistes de son
foyer, où elle vivrait « presque recluse » selon le commissaire du
gouvernement cité par Le Monde. On s'interroge sur l'objectivité des
motifs invoqués. Sans doute est-il impossible d'échapper tout à fait à
l'arbitraire en la matière... D'autant qu'une législation tatillonne
instaurerait une véritable "idéologie d'État". Il appartient à
l'exécutif de faire bon usage de son pouvoir discrétionnaire.
Laïcisme, islamisme, même combat !
Après l'annulation du mariage d'un couple musulman dont
l'épouse avait menti sur sa virginité, cette affaire confirme
l'évolution des "bonnes consciences médiatiques", enfin débarrassées
de leur angélisme islamophile. Faut-il s'en réjouir ? En partie
seulement, car les ressorts de cette réaction sont douteux. « La France
se doit de rester l'avant-garde du combat laïque, seul rempart contre
les dérives fanatiques dont les femmes sont les premières victimes »,
affirme l'association Ni Putes ni Soumises. Méfions-nous du laïcisme,
dont les adeptes sont des alliés objectifs des islamistes, tant ils
sont prompts à fouler aux pieds notre identité nationale – influencée
certes par deux siècles de république, mais façonnée surtout par plus
d'un millénaire de christianisme ! Quant aux slogans égalitaires
inspirés par une idéologie féministe, ils mènent à une
impasse. C'est dans la valorisation des différences qu'on enseignera à
nos petits sauvageons le respect dû aux femmes : en effet, qui voudra
leur faire croire qu'elles sont des hommes comme les autres ?
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3 juillet 2008
Article publié dans L'Action Française 2000
Quelles sont les grandes lignes de la politique européenne de Nicolas Sarkozy ? Jean-Dominique Giuliani – président de la Fondation Robert Schuman – tente de les identifier dans un ouvrage publié en mai dernier, où il brosse le portrait d'« un Européen très pressé ».
L'auteur souligne l'importance – relative, certes, mais
inédite – que le candidat Sarkozy avait accordée à la construction
européenne pendant sa campagne, annonçant la négociation du traité de
Lisbonne et sa ratification par voie parlementaire. Un choix «
courageux » selon Jean-Dominique Giuliani, mais qui nous paraît
finalement peu coûteux, étant donné l'indifférence de nos concitoyens.
Ont-ils été abusés par l'esbroufe présidentielle ? En tout cas, le
numéro d'équilibriste de Nicolas Sarkozy semble avoir touché son public
: nuancés par un zeste d'euroscepticisme, ses discours ont rassuré les
nonistes, ouvrant la voie au "retour de la France en Europe" proclamé
le soir de sa victoire électorale.
Symboles
Dès son entrée en fonction, le chef de l'État multiplie les
symboles, « comme autant de gestes en direction de l'Union européenne »
: pour sa photographie officielle, par exemple, il pose devant la
bannière bleue étoilée. Jean-Dominique Giuliani revient sur la façon
parfois houleuse dont se sont nouées les relations avec Angela Merkel.
En dépit d'une main tendue au Royaume-Uni, la collaboration privilégiée
avec l'Allemagne serait « inévitable » de toute façon... Une
observation tout juste étayée par quelques considérations économiques.
Le lecteur avide d'analyses géopolitiques pointues passera son chemin.
Retour à l'Est
L'auteur signale toute l'importance que le Président accorde à
la Méditerranée, mais insiste aussi sur ses efforts visant à resserrer
les liens avec les pays de de l'Europe de l'Est, vilipendés par Jacques
Chirac à la veille de leur entrée dans l'Union. Le rapatriement des
infirmières bulgares retenues en Libye, orchestré triomphalement par
Nicolas Sarkozy, aurait largement contribué au succès de son
entreprise. Le « passage obligé » par Washington rassure également les
États fraîchement libérés du joug soviétique. L'objectif est clair : le
président de la République espère développer un pôle de sécurité
européen, et, plus généralement, conférer à l'UE le rôle d'un véritable
acteur politique.
En matière économique et monétaire, son ambition de
"repolitiser" l'Europe apparaît manifeste. Ainsi a-t-il réclamé un
assouplissement de la politique de concurrence – nécessaire à la
préservation de nos intérêts industriels –, ou une réaction face à la
menace des fonds souverains. Ses homologues sont disposés à le suivre
sur ce point. En revanche, ils ne sauraient cautionner ses critiques
formulées à l'encontre de la Banque centrale européenne, qui se sont
certes assagies depuis son élection. Une fois n'est pas coutume,
Jean-Dominique Giuliani exprime ici quelque réserve, rappelant cette
évidence, vraisemblablement négligée par un politicien en campagne : «
La revendication d'un "gouvernement économique" n'a [...] de chance
d'aboutir que le jour où certains pays accepteront de se concerter
avant de prendre leurs grandes décisions économiques internes. » En
attendant, aucune alternative à l'indépendance de la BCE n'est
envisageable, à moins d'abandonner la monnaie unique évidemment.
Identité chrétienne
Telle que nous la dépeint Giuliani, l'Europe rêvée par Nicolas
Sarkozy bénéficierait d'une forte identité, inspirant la fierté de
citoyens conscients d'appartenir à une communauté de civilisation. « Il
replace le projet européen dans une perspective historique, morale et
politique, dont l'ont éloigné le temps, la bureaucratie et les
habitudes. Pour lui, l'Europe doit désormais avoir pour objectif d'être
une puissance nouvelle sur la scène internationale. À ce titre, elle a
droit à un territoire.. » Le chef de l'État veut en finir avec la fuite
en avant de l'élargissement, qui s'oppose au projet
d'approfondissement. De son point de vue, l'adhésion de la Turquie
serait une perspective d'autant moins acceptable qu'elle saperait les
fondements de l'unité européenne, brouillant les repères tant
géographiques que culturels. À l'inverse, la reconnaissance officielle
des racines chrétiennes de l'Europe lui semblerait indispensable ; leur
négation constituerait à ses yeux « une insulte à l'histoire » et même
une « faute politique ».
Un vieux fantasme
Un faute, sans doute, mais qui apparaîtrait bien minime
comparée à celle qu'il commettrait si, d'aventure, il privait la France
de son siège de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations
Unies. Fort heureusement, Jean-Dominique Giuliani ne lui prête pas
cette intention. Bien au contraire, il s'interroge sur son inclination
à « abandonner sa capacité à décider seul au profit d'institutions
européennes » supposées plus efficaces ; « s'il y a des contradictions
dans les discours européens de Nicolas Sarkozy, c'est ici qu'il faut
les chercher », précise-t-il. Cédant à un vieux fantasme européiste, il
l'appelle pourtant à « partager » son siège avec l'UE, au moins
provisoirement, pendant que la France assure la présidence de l'Union.
On s'agace pareillement de son aversion naïve pour la Realpolitik,
et de sa posture "bien pensante" qui le conduit à ériger en vérités
universelles des opinions ou des valeurs – telle la "parité" – qui sont
loin d'emporter notre adhésion. On lui reprochera enfin de se complaire
dans une relative apologie, son ouvrage s'approchant d'avantage de la
paraphrase que de l'analyse approfondie.
Jean-Dominique Giuliani : Un Européen très pressé.
Éditions du Moment, 22 mai 2008, 277 p., 19,95 euros.
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3 juillet 2008
Article publié dans L'Action Française 2000
La présidence française de l'Union européenne est lancée !
L'Europe est-elle en crise, voire en panne ? Sans doute dans
l'esprit des européistes. Pour eux, l'échec de la ratification du
traité de Lisbonne par l'Irlande est un nouveau camouflet. Depuis la
signature du traité de Nice en 2001 – toujours en vigueur – l'Union
s'est élargie à douze nouveaux États, rendant d'autant plus délicate la
négociation d'une révision, et a fortiori sa ratification, soumise
parfois aux aléas des référendums... La réforme institutionnelle se
trouve manifestement dans l'impasse.
La tâche de la France en est-elle bouleversée, alors qu'elle
assure pour six mois, depuis le 1er juillet, la présidence du Conseil
de l'Union ? Le chef de l'État tentera vraisemblablement de sauver son
traité. Mais s'ils le souhaitent, les gouvernements « peuvent avancer
exactement comme avant », remarque Hubert Védrine. Selon l'ancien
ministre des Affaires étrangères, « nous attendons "trop des traités" »
; l'essentiel « dépend de la volonté des gouvernements". [...] Nous
pouvons donc "faire énormément de choses même avec des traités
imparfaits" » (Toute l'Europe, 16/06/08).
Nicolas Sarkozy, dont l'ambition serait « de redonner à
l'Union une direction politique » selon Jean-Dominique Giuliani,
devrait en avoir conscience. Les européistes les plus virulents
gagneraient à s'y résoudre : sans admettre la nécessité de "construire
l'Europe par la preuve", comment pourraient-ils reconquérir les
opinions publiques ?
La France entend donner la priorité à quatre dossiers :
l'ouverture des discussions sur la Politique agricole commune, la
conclusion d'un accord sur l'immigration, le renforcement de la
politique européenne de défense, l'aboutissement des négociations sur
le paquet énergie-climat. Sa mission sera d'organiser les débats. Si
les Conseils des ministres sont financés par l'UE, ce n'est pas le cas
des conseils informels, par exemple... 190 millions d'euros sont
affectés à l'événement (trois fois plus qu'en 2000). Tous les
ministères sont mobilisés, ainsi, bien sûr, que le Secrétariat général
des Affaires européennes et la Représentation permanente de la France à
Bruxelles. Le personnel, redéployé, est d'ores et déjà confronté à une
surcharge de travail...
Que rapporte une présidence du Conseil de
l'Union ? « Rien sur le plan financier, mais beaucoup en
termes d'image, de promotion des idées françaises et de mise en valeur
du savoir-faire français », explique un fonctionnaire cité par Euractiv
(19/06/08). « "C'est de l'ordre de l'immatériel", conclut-t-il. » La
République saura-t-elle en tirer profit ?
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5 juin 2008
Article publié dans L'Action Française 2000
Une véritable fatwa contre la liberté des femmes, selon Sihem Habchi.
Révélée par les médias le 29 mai, la décision du tribunal de
grande instance de Lille rendue le 1er avril, annulant un
mariage alors que l'épouse avait menti sur sa virginité, a provoqué un
véritable tollé. Sihem Habchi, au nom de l'association Ni putes ni
soumises, s'est insurgée contre l'instauration d'« une véritable fatwa
contre la liberté des femmes ». Le PS, quant à lui, s'est offusqué d'un
jugement « atterrant » qui « bafoue le droit des femmes à disposer de
leur corps ». Ils ont beau jeu de dénoncer la soumission de la Justice
aux préceptes islamistes, ceux-la même qui sont si prompts à accueillir
sur notre sol des immigrés porteurs de valeurs qui nous sont
étrangères... À la lecture de l'énoncé du verdict, en tout cas, on
nuance leurs réactions.
Héritage manifeste du mariage religieux, la reconnaissance de
nullité est une procédure quasiment tombée en désuétude : « elle n'est
plus enseignée à la faculté que comme une curiosité », précise Eolas
dans son Journal d'un avocat (1). Elle s'appuie sur l'article 180 du Code
civil : « Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des
deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux,
ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le
ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un
d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant,
constitue un cas de nullité du mariage. S'il y a eu erreur dans la
personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre
époux peut demander la nullité du mariage. »
« Qualité essentielle »
« Mais la loi se garde de définir ces qualités essentielles,
remarque Eolas, et la jurisprudence de la cour de cassation laisse le
juge décider si, selon lui, les qualités invoquées sont ou non
essentielles. [...] Seules exigences de la jurisprudence : l'erreur
doit être objective et déterminante, c'est-à-dire reposer sur un fait
et être telle que, sans cette erreur, l'époux ne se serait pas marié. »
De fait, la Justice admet que la virginité d'une femme puisse
constituer une « qualité essentielle » aux yeux de son futur mari.
Aussi Sihem Habchi s'inquiète-elle d'« un glissement vers
l'institutionnalisation du relativisme culturel ». Le jugement n'en
reste pas moins « conforme à la jurisprudence classique » selon
Philippe Lemaire, procureur de la République de Lille : «
c'est le mensonge qui motive la décision du juge » (Le Monde, 29/05/2008).
Ni pute ni soumise réclame que « les législateurs
rétablissent cette faille de la loi ». En admettant que ses
valeurs soient effectivement partagées par la République, celle-ci se
retrouvera confrontée à un dilemme insoluble : comment pourrait-elle
garantir le libre consentement des époux tout en en restreignant les
motifs légaux ? Pour l'heure, c'est la femme dont on déplore la
"répudiation" qui fait les frais de ces polémiques. Selon son avocat,
Me Charles-Édouard Mauger, cité par l'AFP, elle aurait été «
traumatisée » par la médiatisation de l'affaire, et depuis
l'appel du procureur de la République de Lille, « elle va très, très,
très mal ». En définitive, le sort de la malheureuse, ainsi que la
crainte – à bien des égards légitime – d'une "islamisation" de la
France sont en partie instrumentalisés au service d'un certain
féminisme. C'est une réponse bien insuffisante aux outrances inspirées
par l'islam : on n'imposera pas le respect dû aux femmes par de
vulgaires revendications libertaires.
(1) http://www.maitre-eolas.fr/
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