16 janvier 2013
Article publié dans L'Action Française 2000
Décidé à collectionner les nationalités, sinon à les troquer,
Gérard Depardieu joue les nomades dans un monde toujours façonné par
les rivalités d'États souverains.
À la faveur du différend l'opposant à Jean-Marc Ayrault,
Gérard Depardieu n'a pas cessé de le marteler : « je
suis un citoyen du monde », a-t-il encore déclaré début
janvier (2013), alors qu'il venait de recevoir un passeport russe des
mains du président Vladimiir Poutine. « Il montre
effectivement que grâce à la mondialisation nous sommes, dans une
certaine mesure, libres d'échapper à la main lourde d'un
État », s'est félicité Emmanuel Martin, dans un billet publié
par l'Institut Turgot, arguant que « la concurrence
institutionnelle, et particulièrement la concurrence fiscale est une
composante essentielle de notre liberté ». De fait, constate
Élie Cohen, « l'accumulation de taxes nouvelles sur le capital
au moment de sa formation, de sa détention, de sa transmission, et de
sa distribution n'est pas soutenable à long terme dans une économie
ouverte ». De ce point de vue, souligne-t-il sur Telos,
« Gérard Depardieu met le doigt sur les contradictions
européennes de nos gouvernants ».
Citoyen du monde ?
Mais bien qu'il se proclame « citoyen du
monde », Gérard Depardieu n'en est pas moins réduit à se
placer sous la juridiction d'un État, comme tout un chacun, quoique son
aisance financière lui procure quelque facilité quand il s'agit de
solliciter sa protection, et non d'en hériter par naissance. En cela,
il ferait plutôt figure de nomade. Un nomade au déracinement somme
toute relatif. « J'ai un passeport russe, mais je suis
français », a-t-il également proclamé, nuançant ses propos
précédents. Amateur de bonne chère, souvent aigri mais volontiers
débonnaire, il « fait partie de notre patrimoine
cinématographique », comme l'a observé Mme Aurélie
Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication. Qu'il le
veuille ou non, l'interprète d'Obelix incarne la France aux yeux du
monde.
Paradoxalement, c'est vraisemblablement la raison pour
laquelle il a été accueilli si chaleureusement en Russie. On a beau
vivre dans un village global, les États continuent de se tirer dans les
pattes. « L'intelligence économique [...] de Vladimir Poutine
est une démonstration concrète de la façon de saisir des opportunités
pour affaiblir une nation », souligne un contributeur de
l'Alliance géostratégique (AGS). « Et peu importe les
déclarations diplomatiques de rose et de miel quand les faits
illustrent que les nations dites "amies" sont néanmoins concurrentes
avec leurs intérêts propres à promouvoir et à développer. »
Souveraineté
Dans ces conditions, « ce passeport est moins un
document juridique qu'un symbole », comme le remarque Yannick
Harrel, lui aussi contributeur de l'AGS. C'est pourquoi on ne
s'attardera pas sur la faculté, pour Gérard Depardieu, de bénéficier
effectivement d'une double nationalité franco-russe, en dépit des
doutes planant à ce sujet. Par ailleurs, à supposer qu'il souhaite à
nouveau se défaire de sa nationalité française - « je vous
rends mon passeport et ma Sécurité sociale », avait-il déclaré
à l'intention de Jean-Marc Ayrault - il lui faudrait engager des
démarches sans trop tarder, et justifier d'une résidence effective à
l'étranger. Autrement dit, sa nationalité dépend du bon vouloir de
l'État – c'est-à-dire, selon les cas, des dispositions du droit ou des
largesses du prince.
« C'est donc l'État souverain qui décide qui est un
de ses nationaux. C'est sans doute l'expression la plus pure de sa
souveraineté, car elle ne suppose pas l'accord d'un autre
État », selon Me Eolas, l'animateur du Journal
d'un avocat. Mme Najat Vallaud-Belkacem,
porte-parole du gouvernement, ne s'y est pas trompée :
« c'est le pouvoir discrétionnaire de Vladimir Poutine
d'offrir la nationalité russe à qui il l'entend », a-t-elle
observé, se refusant à tout autre commentaire sur BFM TV.
« Quand un citoyen français a une autre nationalité,
deux souverainetés se heurtent, et aucune ne peut
l'emporter », explique Eolas. « L'autre État a tout
autant que la France le droit de décider qui sont ses ressortissants,
et le législateur français n'a aucun pouvoir pour limiter la
transmission de cette autre nationalité. Qui n'est tout simplement pas
son affaire. » Tout au plus la France pourrait-elle
« s'attaquer aux Français par acquisition », selon
notre avocat. « Ceux-là devraient, pour pouvoir acquérir la
nationalité française, renoncer préalablement à leur nationalité
d'origine. Et on se casse à nouveau les dents sur la souveraineté des
États étrangers. Quid si l'État en question ne
prévoit pas la possibilité de renoncer à cette nationalité ?
[...] On aura des enfants nés en France, y ayant grandi, voire y passant
toute leur vie, mais qui ne seront jamais Français à cause d'une loi
votée dans un autre pays. Tandis que son voisin, lui, aura la
nationalité française dès l'âge de treize ans. En somme, la nationalité
française dépendra de la loi d'un État étranger. » C'est dire la
prudence avec lequel devra manœuvrer le législateur, si d'aventure il
se décide à bannir la double nationalité.
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2 janvier 2013
Article publié dans L'Action Française 2000
L'union des couples homosexuels et l'homoparentalité sont
d'ores et déjà consacrées par la loi à l'étranger, où se vérifie par
ailleurs la désaffection pour le mariage. Petit tour d'horizon.
A la faveur du "mariage pour tous" et de son corollaire,
l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe, des enfants
pourraient, demain, se voir réputés nés de deux pères ou deux mères.
Une situation ubuesque qui ne serait pas sans précédents. Au Québec,
une "présomption de parentalité" a été instituée en faveur des femmes
unies devant la loi. Modifié à cet effet en 2002, le code civil
appliqué dans la Belle Province envisage le recours à la procréation
médicalement assistée, mais aussi les cas où « l'apport
génétique se fait par relation sexuelle » - autrement dit avec
la complicité d'un homme consentant généreusement à quelque ébat
susceptible de palier la stérilité du ménage. Dans ces conditions, le
droit québécois le stipule explicitement, « l'enfant, issu
[...] d'un projet parental entre époux [...] qui est né pendant leur
union ou dans les trois cents jours après sa dissolution ou son
annulation est présumé avoir pour autre parent le conjoint de la femme
qui lui a donné naissance ».
Accrocs en série
En novembre, Le Figaro avait
signalé quelques « accrocs du mariage gay » recensés
à l'étranger. Notamment au Royaume-Uni. « Ann avait tout
d'abord consenti à ce que son mari Michael fasse don de son
sperme », racontent nos confrères Agnès Leclair et Stéphane
Kovacs. « Mais à l'annonce de la naissance d'une petite fille
chez un couple de lesbiennes, elle a craqué : le sperme ne
fait-il pas partie des "biens matrimoniaux" ?,
s'interroge-t-elle, bouleversée "comme si [son] mari l'avait trompée".
Les lesbiennes étant trop âgées, elles avaient fait appel à une mère
porteuse, tout en entamant une procédure d'adoption. Laquelle échouera,
justement à cause de leur âge... La mère porteuse accouchera donc sous
le nom de l'une d'entre elles. Et le tribunal, devant lequel Ann et
Michael tentèrent de récupérer l'enfant, donnera finalement raison au
couple de lesbiennes. » Et d'évoquer, un peu plus loin,
« le donneur qui voulait juste rendre service »,
auquel on réclame désormais le versement d'une pension alimentaire :
« "Pourquoi ne poursuit-on pas la deuxième mère, qui les a
élevées, et qui, elle, a les moyens ?", s'énerve-t-il. Quant
aux filles de douze et quatorze ans, elles sont très perturbées
psychologiquement. "Jamais je ne pourrai me marier ni avoir des
enfants", assène l'aînée. » Beau travail !
Cependant, tandis que la France s'apprête à marier des couples
homosexuels, « des États-Unis à l'Inde, en passant par les
Pays-Bas, l'Italie et le Liban, de plus en plus de voix s'élèvent
contre une norme sociale jugée dépassée ». C'est en tout cas
le constat dressé par le Courrier international
dans son dernier numéro de l'année 2012. « Katie Bolick a
tenté de cerner ce phénomène en retraçant l'histoire du mariage et de
son déclin dans un article publié dans The Atlantic.
[...] Le refus de convoler en justes noces est-il représentatif d'un
courant de fond ? se demande la journaliste américaine.
Faut-il vraiment idéaliser le mariage d'amour ? s'interroge à
son tour une humoriste à Bombay. Ne devrait-on pas autoriser les unions
avec... des appareils ménagers ? propose même un écrivain à
Milan. » De fait, l'ouverture du mariage aux couples de même
sexe serait demeurée inenvisageable si le mariage lui-même ne s'était
pas trouvé préalablement remis en cause.
Crime contre l'humanité
Cela dit, tous les habitants du village global ne sont pas
logés à la même enseigne. Le 12 décembre, le Parlement
d'Uruguay a certes approuvé un projet de loi légalisant le mariage
homosexuel. « Le petit pays sud-américain a pris une position
progressiste envers les droits des homosexuels au cours des six
dernières années, approuvant les unions civiles, les adoptions par des
couples gays et lesbiens, les changements de sexe dès l'âge de dix-huit
ans et la présence des homosexuels au sein des forces
armées », souligne l'AFP. Mais la veille de ce vote, le
secrétaire général de Nations Unis, Ban Ki-moon, avait exprimé son
indignation : « C'est un scandale que dans le monde
d'aujourd'hui, tant de pays continuent de [poursuivre] leurs citoyens
au prétexte qu'ils aiment une personne du même sexe », a-t-il
déclaré. Soixante-seize pays seraient visés par ses récriminations.
C'est le cas du Cameroun, où les paroles de
Mgr Bakot, l'archevêque de Yaoundé, prononcées pendant la
messe de minuit, n'ont pas dû choquer grand monde :
« le mariage entre personnes du même sexe est un crime sérieux
contre l'humanité », a-t-il martelé, selon les propos
rapportés par Pierre de Bellerive sur Nouvelles de France.
« Nous devons nous lever pour le combattre, avec toute notre
énergie », a-t-il poursuivi. Rendez-vous le 13 janvier !
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6 juillet 2012
Article publié dans L'Action Française 2000
Un traité sur le commerce des armes se négocie sous la
pression des ONG et l'œil inquiet des industriels.
Lundi dernier, 2 juillet 2012, s'est ouverte à New
York la conférence diplomatique des Nations Unies où sera négocié,
quatre semaines durant, un traité sur le commerce des armes (TCA).
Quelques jours plus tôt, Pascal Canfin, ministre délégué chargé du
Développement, avait reçu les représentants de diverses ONG venus lui
délivrer « les 60 000 signatures de citoyens
demandant au président de la République de défendre une position
française ambitieuse », selon un communiqué du Quai d'Orsay.
Qu'en est-il de l'influence des pétitionnaires sur la
diplomatie française ? Les industriels la jugeraient
excessive. « Les services de notre diplomatie [...]
appréhendent mal la réalité du marché de l'armement, la concurrence des
autres pays et les enjeux industriels et économiques pour notre
activité », déplore l'un d'entre eux, cité dans La Tribune
par notre confrère Michel Cabirol.
Selon le souhait de Laurent Fabius, ministre des Affaires
étrangères, ce traité « devra être juridiquement contraignant
tout en étant mis en œuvre au niveau national » et
« couvrir tous les types d'armes classiques, y compris
notamment les armes légères et de petit calibre, tous les types de
munitions et les technologies associées ». Mais en quoi son
adoption changerait-elle la donne pour les Dassault, Nexter et
consorts ? Un contrôle très strict s'exerce d'ores et déjà sur
leurs exportations, à la discrétion des plus hautes autorités de
l'État. Or, celles-ci pourraient disposer d'une moindre liberté
d'arbitrage à l'avenir. Du moins le Groupement des industries
françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) semble-t-il s'en
inquiéter.
Quoi qu'il en soit, un accord présenterait l'intérêt de
« mettre sur un pied d'égalité le secteur de l'armement
européen avec celui d'autres régions, qui ne bénéficient pas d'un
contrôle aussi serré », comme le suggère Mieszko Dusautoy sur Bruxelles 2.
« Notamment les États-Unis et la Russie »,
poursuit-il. Reste à les convaincre... « Au-delà de la simple
notion de pression politique et de sanction, les ONG pensent que
Washington, Moscou et Pékin se laisseront séduire par l'intérêt
collectif », expliquait Romain Mielcarek, dans un article
publié par l'Alliance géostratégique (AGS). « Plus que
l'isolement collectif, ce serait la volonté de soutenir la sécurité
globale qui intéresserait les deux géants du Conseil de sécurité. Le
tout dans l'idée de lutter contre les copies. » Une vision
jugée « un poil simpliste ». En effet, « si
certains acheteurs ne peuvent plus se tourner vers ces États vendeurs,
pourquoi ne pas revenir aux fondamentaux en s'adressant au marché
parallèle ? » C'est une conséquence bien connue des
tentatives de régulation, un phénomène dont l'émergence du shadow
banking, dans le domaine financier, n'est pas la moindre
illustration.
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21 juin 2012
Article publié dans L'Action Française 2000
À l'issue d'un entretien avec Vladimir Poutine, le président
de la République s'est présenté devant la presse aux côtés de son
homologue russe, offrant aux journalistes un contraste saisissant...
Le président russe, Vladimir Poutine, a rencontré François
Hollande le 1er juin 2012. Devant la presse, tandis que son
homologue français nageait dans les vacuités, il s'est risqué à aborder
les questions les plus épineuses.
À commencer par celle du bouclier antimissile. À ce propos,
a-t-il déclaré, « la France est un des rares pays qui non
seulement nous écoute [mais] nous entend aussi ». Paris semble
d'autant mieux placé pour jouer les médiateurs avec Washington qu'il
est peut-être le seul, en Europe, à disposer des compétences
industrielles en jeu dans la défense antimissile, et donc de
l'expertise requise pour une discussion "d'égal à égal". « Il
nous faut [...] des garanties militaires et technologiques qui seraient
consacrées par des textes juridiquement contraignants », a
martelé Vladimir Poutine, qui ne se satisfera pas de quelques paroles
rassurantes. « On nous a promis de ne pas élargir l'Otan,
ensuite de ne pas déployer les bases militaires », a-t-il
rappelé, « mais l'Otan continue à s'élargir vers l'Est, et les
bases militaires poussent comme des champignons autour de nos
frontières ».
Évoquant la Syrie, le président russe s'est gardé d'apparaître
comme un thuriféraire insensible de la Realpolitik :
« Lorsque j'entends que la Russie a des intérêts spécifiques
dans ce pays, je peux vous dire que c'est une erreur totale »,
a-t-il déclaré. Les victimes civiles le préoccuperaient davantage. Or
a-t-il laissé entendre, les perspectives d'ingérence doivent être
abordées avec prudence : « Regardez ce qui se passe
en Irak, en Libye, dans d'autres pays de la région. Est-ce que ces pays
sont devenus plus sûrs, vers quoi évoluent-ils ? Nous
proposons, s'agissant de la Syrie, d'agir de façon très correcte, de
façon très pondérée. »
Enfin, alors qu'un journaliste lui demandait si Moscou
accepterait d'accueillir le président syrien et sa famille, Vladimir
Poutine a lancé cette pique contre la France : « S'agissant de
Monsieur Assad, je peux vous dire qu'il a visité beaucoup plus souvent
Paris que Moscou. » « Sur les visites du président
Assad père et fils, je n'ai aucune responsabilité » a répondu
François Hollande, manifestement décidé à incarner, courageusement, la
continuité de l'État.
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21 mai 2012
Article publié dans L'Action Française 2000
Au milieu du village global, un pays résiste, encore et
toujours, aux canons de la mondialisation promus par les artisans de la
gouvernance planétaire...
À la faveur de l'élection présidentielle, la France aurait
« réaffirmé sa profonde vocation républicaine, qui fait primer
la volonté politique sur la fatalité des marchés, la sensibilité
sociale sur les recettes financières, et la justice et la solidarité
sur l'exclusion », selon Hugo Chavez. S'agit-il d'un soutien
de poids pour François Hollande ? Affaibli par la maladie,
bientôt sur le départ, le président du Vénézuela s'est fait voler la
vedette, sur la scène latino-américaine, par son homologue argentin,
Cristina Kirchner.
Repsol exproprié
Celle-ci s'attire les éloges des pourfendeurs de la
mondialisation, tel Aymeric Chauprade : « l'Argentine
[...] apporte au monde une preuve supplémentaire que la voie du
redressement et de la liberté des peuples passe par l'indépendance
nationale et la rupture » avec le FMI, la Banque mondiale,
l'Union européenne, etc., a-t-il écrit sur son
blog. Il y a dix ans, déjà, Buenos Aires s'était distingué en cessant
de rembourser quelque 100 milliards de dollars de dette
extérieure. Aujourd'hui, il pratique « un protectionnisme
décomplexé », comme le relevaient, début mars, nos confrères
de La Tribune. De fait, « pour exporter en Argentine,
on doit s'engager à importer des produits argentins ou à investir dans
le pays pour ne pas risquer de voir ses produits bloqués aux douanes.
Parmi les cas les plus connus, le constructeur automobile allemand
Porsche a dû en 2011 s'engager à acheter du vin et de l'huile d'olive
argentins pour faire entrer une centaine de véhicules. Le fabricant
canadien Blackberry a dû, lui, annoncer l'ouverture d'une unité de
production en Terre de Feu (sud) pour continuer à vendre ses
portables. » Cependant, « en janvier, lassée des
retards provoqués par les nouveaux contrôles, le constructeur
automobile Fiat a arrêté son usine de Ferreyra (Cordoba, centre)
pendant 48 heures. Un avertissement pour le
gouvernement. »
Celui-ci ne semble pas se laisser démonter, comme en témoigne
la nationalisation de la société pétrolière YPF, aux dépens du groupe
espagnol Repsol... et dont pourrait profiter Total, qui en était déjà
un partenaire habituel. Scandalisés, le Washington Post
et le Wall Street Journal ont appelé à exclure
l'Argentine du G20, où son voisin chilien mériterait de lui succéder.
En réaction, le gouvernement espagnol a annoncé une limitation des
importations de biodiesel argentin. Mais selon l'analyse du Fauteuil de
Colbert, publiée par l'Alliance géostratégique (AGS), « il va
sans dire que Madrid est quelque peu démunie dans cette crise. La
Commission européenne a beau dire que... la Commission européenne ne
peut rassembler ni coalition, ni moyens de coercitions pour soutenir
l'Espagne. Cerise sur le gâteau, le nouveau gouvernement de Mario Rajoy
prend à peine ses marques dans une Espagne exsangue, et la contestation
sociale gronde. »
Les Malouines
Cela étant, poursuit l'auteur, « il y a [...],
forcément, quelques probabilités que la crise argentino-espagnole ne
vienne heurter le conflit anglo-argentin ». Voilà tout juste
trente ans se déroulait la guerre des Malouines. Depuis, le différend
opposant Londres et Buenos Aires ne s'est jamais dissipé. Les tensions
se sont même ravivées à l'approche de cet anniversaire, puisque les
navires battant le pavillon de l'archipel ne sont plus autorisés à
accoster dans les ports argentins... Dans cette affaire,
Mme Kirchner bénéficie d'ailleurs du soutien de la Bolivie, du
Brésil, du Chili et de l'Uruguay.
Ces deux crises, avec l'Espagne d'une part, le Royaume-Uni
d'autre part, « gravitent autour de la question des richesses
pétrolières qui gisent au large des côtes du Brésil et de l'Argentine -
et en Guyane », explique le Fauteuil de Colbert.
« Sous cet angle, il est moins certain que l'action argentine
actuelle ne vise qu'à détendre les cours actuels de l'or noir sur le
marché argentin. Cette action n'a-t-elle pas quelques visées à plus
long terme ? » L'auteur relève encore « des
enjeux de puissance car les richesses pétrolières brésiliennes
permettrait à Brasilia de produire plus d'or noir que BP ou
Exxon ». Quoi qu'il en soit, conclut-il, « il est
possible de se demander si Buenos Aires peut faire face à deux crises
sérieuses avec deux pays ayant des intérêts voisins dans les deux
conflits ».
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21 mai 2012
Article publié dans L'Action Française 2000
Les nouveaux services de la Toile présentent une dimension stratégique.
Facebook espérait placer plus de 300 millions d'euros
à l'occasion de son entrée en bourse. Une somme à la mesure des
bouleversements accompagnant l'émergence des réseaux sociaux. Lesquels
affectent les modalités de navigation sur la Toile, mais aussi la
sécurité nationale, voire le déroulement des conflits armés.
Le ministère de la Défense vient d'ailleurs de publier un "guide
de bonnes pratiques" à l'intention des militaires s'exprimant sur le
"web 2.0". « De simples statuts, photos ou vidéos peuvent
parfois contenir des informations stratégiques », prévient
l'Hôtel de Brienne. De fait, l'année dernière, un marin embarqué sur le
Charles de Gaulle avait annoncé sur Facebook son
départ pour la Libye avant que le déploiement du porte-avions soit
rendu public...
Dans un entretien accordé à Florent de Saint Victor, publié
par l'Alliance géostratégique (AGS), Marc Heckern, chercheur à l'Irsem,
évoque l'annulation d'une opération programmée par Tsahal, après qu'un
soldat israélien eut annoncé sur Facebook : « Mercredi, on
nettoie [le village de] Qatana et jeudi, si Dieu le veut, on rentre à
la maison. » Quant à la rébellion libyenne, Charles Bwele
rapporte, toujours sur le site de l'AGS, qu'elle a pratiqué une
utilisation intensive de Twitter et même détruit un véhicule
lance-roquettes par la magie du net : « Grâce à leurs
ordinateurs portables, à leurs smartphones et à Google
Earth », les guérilleros « purent orienter et ajuster
précisément leurs tirs », atteignant leur cible en dépit de
leur piètre expérience.
Preuve que les cartes sont bel et bien rebattues à l'heure de
la révolution numérique.
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2 mars 2012
Article publié dans L'Action Française 2000
Bénéficiant d'une immense
popularité en Amérique latine, la France aurait
négligé, des années durant, de mettre
à profit un tel atout. Il est temps de réparer
cette erreur, martèle, plein d'enthousiasme, le
député Jean-Luc Reitzer.
La France « compte-t-elle enfin
définir et mettre en œuvre la politique
latino-américaine qu'elle n'a jamais
eue ? » Telle est la question
posée par Jean-Luc Reitzer, député UMP
du Haut-Rhin, en conclusion d'un rapport d'information
enregistré le mois dernier (en février 2012)
à la présidence de l'Assemblée
nationale. Fervent promoteur d'un rapprochement avec
l'Amérique latine, il doute « qu'aucun
autre pays ait été aussi adulé que la
France l'a été par les élites de la
région ». Toute une
génération de Brésiliens a d'ailleurs
été formée à la culture
française, suivant l'enseignement dispensé par
les Alliances françaises. Pourtant, regrette le
parlementaire, « il n'est pas certain que la France
ait toujours su répondre à l'attente qu'elle a
suscitée ». Sa présence dans
la région souffrirait de la comparaison avec ses voisins
européens. Par son silence, le Livre blanc sur la
défense et la sécurité nationale
l'avait confirmé en 2008 : « Le
sous-continent latino-américain est clairement le grand
absent de notre réflexion diplomatique et
stratégique. »
Continuité gaullienne
Cela ne date pas d'hier. À la veille d'un voyage en
Amérique latine, le général
De Gaulle, alors président de la
République, avait confié à Michel
Debré qu'il partait « sans programme
diplomatique bien précis ». Tout au plus
cherchait-il des partenaires susceptibles d'interférer dans
le tête à tête de Moscou et Washington.
« On ne s'est jamais vraiment
intéressé à l'Amérique
latine pour ce qu'elle est ou pouvait être, au mieux pour ce
qu'elle pouvait apporter dans un équilibre
multipolaire », analyse Jean-Luc Reitzer. De ce
point de vue, Jacques Chirac s'inscrirait dans la continuité
de son prédécesseur, développant des
relations bilatérales afin « de trouver
des appuis, au sein du Conseil de sécurité des
Nations Unies par exemple, pour peser dans la relation tendue que la
France avait avec les États-Unis au long de ces deux
présidences ».
De fait, « l'Amérique latine
dans son ensemble est désormais vue par la France comme un
partenaire obligé, indispensable pour faire avancer les
grands dossiers internationaux », tels le
réchauffement climatique ou la
sécurité alimentaire. Cela étant, en
dépit de multiples convergences avec Paris, Brasilia n'a pas
caché les réserves que lui inspiraient ses
interventions en Côte d'Ivoire et en Libye. Mais les
relations commerciales constituent « la
première pierre d'achoppement ». D'autant
que la France a pris la tête de l'opposition
européenne à la conclusion d'un accord avec le
Mercosur, dont risqueraient de pâtir les exploitants
hexagonaux : « Je ne serai pas le
président qui laissera mourir l'agriculture
française », a prévenu Nicolas
Sarkozy.
Multilatéralisme
Si l'on excepte le "partenariat stratégique"
– mais non exclusif, loin s'en faut – mis en
œuvre avec le Brésil, « la
dimension purement bilatérale de notre action
vis-à-vis des pays d'Amérique latine ou, du
moins, de certains d'entre eux, [...] semble réduit
à une portion de plus en plus congrue »,
déplore le rapporteur. Selon lui, « la
tendance à la multilatéralisation de la relation
de la France avec les pays d'Amérique latine, si elle n'est
évidemment pas récente, n'a fait que se confirmer
au fil du temps, à mesure que l'action bilatérale
tendait à
décroître ». À
l'heure actuelle, la France s'implique plus particulièrement
dans la Banque interaméricaine de développement
(BID). Elle figure au premier rang des seize pays européens
actionnaires de l'institution, à
égalité avec l'Allemagne, et dispose d'un
siège au Conseil d'administration, partagé par
rotation avec l'Espagne. « Il s'agit là
évidemment d'un atout
considérable », estime le
député du Haut-Rhin. Un tel statut permettrait
à la France de « conforter sur le long
terme sa présence régionale, que ce soit sur des
questions relatives à l'APD [l'aide publique au
développement], au bénéfice des pays
les moins développés de la zone, ou sur des
enjeux plus économiques, dans les plus
importants ». Selon Jean-Luc Reitzer,
« un véritable potentiel s'offre ainsi
aux entreprises françaises. Une collaboration s'est
d'ailleurs très vite instaurée entre l'AFD
[l'Agence française de développement ] et la BID,
de plus en plus étroite. » C'est
même sur la base d'une étude préalable
financée par la BID qu'Alstom a remporté le
marché du métro de Panamá, nous dit le
rapporteur.
Quoique les marchés n'y soient pas d'un
accès toujours aisé, la période
actuelle est jugée faste pour les "investissements directs
à l'étranger" (IDE) en Amérique
latine. « Il apparaît toutefois que les
IDE français restent relativement limités et que
la France ne profite pas comme elle le pourrait de cette dynamique
régionale. De sorte que bien que certaines entreprises
françaises aient participé fortement aux
privatisations sud-américaines au milieu et à la
fin des années 1990, nos IDE ne dépassent que
rarement 3 % des flux globaux que reçoit
aujourd'hui le sous-continent. » Le rapporteur
pointe « une certaine
frilosité », sans occulter de
« remarquables
succès », telles l'implantation durable
au Brésil de Carrefour, Casino et Suez, ou la
présence de Sodexho au Pérou, où la
société est devenue, comme au Chili, le premier
employeur. En outre, « si elle est modeste, la
présence des IDE français n'est cependant pas
anodine ». Elle aurait même tendance
à s'accroître ces dernières
années.
Le Brésil rafle la mise
La majorité des investissements français
en Amérique latine (près de 70 %) sont
dirigés vers le Brésil, où ils
enrichissent un "stock d'IDE" près de deux fois plus
important qu'en Chine ! « Parmi les
principales opportunités actuelles, de très gros
projets sont envisagés dans les transports – TGV
Rio de Janeiro-Campinas –, dans la
génération d'énergie, sur laquelle
Alstom et GdF-Suez sont sur les rangs avec les projets de barrage de
Belo Monte et Jirau, ainsi que dans les domaines spatial ou
nucléaire, qui intéressent respectivement des
sociétés comme Thalès, Ariane Espace
et Areva. PSA, qui a annoncé par ailleurs un investissement
de 940 millions d'euros en Amérique latine, produit
quelque 150 000 véhicules par an au
Brésil. »
En 2010, la part de l'Amérique latine dans notre
commerce extérieur se limitait à 2,7 %.
Or, soutient Jean-Luc Reitzer, « les milieux
d'affaires, qu'ils soient Français expatriés ou
non, sont majoritairement désireux d'une présence
supérieure de notre pays dans la
région ». Le député
se fait l'écho d'une exceptionnelle francophilie :
« Quand bien même les relations,
commerciales notamment, seraient-elles aujourd'hui plus importantes
avec d'autres pays européens qu'avec le nôtre, les
interlocuteurs, unanimes, n'en soulignent pas moins que "la
qualité du dialogue n'est pas la même" et qu'"il
n'y a pas la même identification", voire, même, pas
les a priori dont d'autres peuvent pâtir. La relation avec la
France est toujours présentée comme
particulière, voire unique, non
stéréotypée, à l'inverse de
ce qui se passe pour d'autres, et il ne tient qu'à la France
de savoir profiter de cet avantage incomparable. Tel est [...] le
message que la mission a continûment
entendu. »
Vers un choc des cultures ?
Au-delà des IDE, des transferts de
compétences sont escomptés. Le savoir-faire de la
France en matière de tourisme constituerait une
expérience précieuse pour l'Équateur,
par exemple. D'ores et déjà, la collaboration
scientifique de part et d'autre de l'Atlantique s'avérerait
très fructueuse. Selon le rapporteur,
« la France pourrait opportunément tirer
profit de son image et de l'attente qu'elle suscite pour
compléter son offre actuellement centrée sur la
création de lycées d'excellence en
échange de la réintroduction de l'enseignement du
Français dans les cursus scolaires ». Une
carte à jouer parmi tant d'autres...
« De l'avis unanime »,
explique-t-il, « la proximité culturelle
contribue grandement à résoudre les
difficultés éventuelles ».En
ce sens, poursuit-il, « la latinité est
un atout considérable ». Cependant,
prévient-il, « l'appui traditionnel des
élites sur lequel la France a longtemps compté
pour entretenir son image et ses positions en Amérique
latine risque d'évoluer et d'être à
l'avenir un instrument moins efficace, ne serait-ce que parce nombre
d'entre elles sont plus facilement allées étudier
aux États-Unis qu'en France ». Aussi
celle-ci devrait-elle se mobiliser sans tarder pour
« ne pas rater le coche ».
D'autant que « si l'Amérique latine se
sent aujourd'hui globalement toujours occidentale, certains pays sont
désormais sur des registres en partie, voire radicalement,
différents. C'est le cas en premier lieu de la
Bolivie. » D'une certaine manière, il
faudrait tenir compte, dorénavant,
« d'une forme de choc des
cultures ».
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