Goldorak vs Belkacem

17 juillet 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Un personnage jugé jadis chevaleresque risquerait fort, aujourd'hui, d'être vilipendé pour "sexisme". Au point d'être censuré à la télévision et même sur la Toile ? C'est en tout cas le projet du gouvernement.

Étant donné ses appels répétés à traiter hommes et femmes sur un pied d'égalité, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, ne devrait pas nous reprocher de révéler son âge : elle a trente-cinq ans. Comme toute une génération, sans doute a-t-elle grandi avec Dorothée, suivant les aventures de Candy quand d'autres, dont nous étions, vibraient aux exploits de Goldorak - un dessin animé culte dont un premier volume est enfin disponible en DVD depuis le mois dernier (juin 2013).

Actarus et les femmes

Nostalgie mise à part, un épisode a plus particulièrement retenu notre attention : le neuvième, où Vega menace de détruire la planète Concordia si l'une de ses habitantes, le commandant Euridie, échoue à détruire Goldorak lors d'une mission suicide. Son vaisseau s'étant écrasé, le prince Actarus s'en approche dans l'espoir de faire un prisonnier. Découvrant l'identité du pilote, il est saisi d'effroi : « Une femme ! Je n'aurai jamais le courage de l'obliger à parler », s'exclame-t-il. L'accueillant parmi les siens, il l'invite à porter la robe que lui prête Venusia : « je ne veux pas voir d'uniforme militaire, surtout sur une femme », lui explique-t-il. De quoi donner la nausée à Mme Vallaud-Belkacem, au cas où elle se risquerait à revoir Goldorak, du moins en version française. Si l'on en croit les sous-titres proposés par AB vidéo sur la version originale, en effet, l'homologue japonais d'Actarus se montre plus réservé, quoique tout aussi prévenant.

Prononcées aujourd'hui à la télévision, a fortiori à l'intention du jeune public, ces paroles provoqueraient la réaction virulente des officines féministes. Pour preuve, un collectif vient de prendre à partie Thierry Pflimlin, le patron de l'audiovisuel public, après qu'eut été diffusé sur France 2, le 9 juillet, le deuxième épisode de "Qui sera le prochain grand pâtissier ?". Au cours de cette émission, les téléspectateurs auraient subi « un florilège incroyable de propos sexistes », selon une quarantaine d'associations. « À l'heure où France Télévisions s'engage pour l'égalité femmes-hommes dans ses programmes », leurs responsables jugent « curieux – pour ne pas dire fatigant, énervant, révoltant – d'entendre, en prime time, des phrases d'une bêtise aussi crasse que "les petites filles aiment les coccinelles et les petits garçons les dinosaures, les trucs bruts de décoffrage" ou encore que les femmes auraient des compétences particulières pour réaliser des gâteaux ». De leur point de vue,« ce genre d'inepties fige dans le marbre les stéréotypes et les préjugés, qui sont à la racine des inégalités ».

Le CSA nous surveille

Cette conviction semble partagée par le gouvernement, qui a présenté, le 3 juillet, un projet de « loi cadre sur l'égalité femmes-hommes ». Entre autres dispositions, ce texte prévoit d'étendre les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) afin qu'il « assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle ». Le CSA devrait veiller, d'une part, « à une juste représentation des femmes dans les programmes des services de communication audiovisuelle » et, d'autre part, « à l'image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples ». Sous son contrôle, les chaines hertziennes devraient même contribuer « à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes en diffusant des programmes relatifs à ces sujets ». Un retour à la télévision d'État ?

La Toile n'est pas en reste, comme le souligne Marc Rees, rédacteur en chef de PC Impact. Si le projet était adopté en l'état, la loi obligerait les "intermédiaires techniques" à lutter activement contre le "sexisme" et l'"homophobie". Plus concrètement, explique notre confrère, « si dans un forum ou sur un réseau social, un internaute se lance dans ce genre de discours sexistes avec quelques propos fleuris appelant à la discrimination, l'hébergeur devra impérativement dénoncer ces contenus aux autorités dès lors que ceux-ci lui auront été signalés par un individu ».

Alors, Goldorak est-il bon pour la casse ? On ne reprochera pas aux pouvoirs publics d'annoncer, par ailleurs, une protection accrue des femmes victimes de violences conjugales. Reste une question posée incidemment par Actarus : son refus de porter la main sur une femme, mais aussi son aversion à la voir prendre les armes, ne relèveraient-ils pas d'une même inclination ? Le cas échéant, l'égalité, agitée à tout va, serait une piètre parade aux souffrances dont s'inquiète, légitimement, le porte-parole du gouvernement.

Des médias et du Printemps français

24 mai 2013

Le ministère de l'Intérieur envisagerait, parait-il, une interdiction du Printemps français. À l'origine de cette annonce : des supputations médiatiques nullement vérifiées.

Ce matin, vendredi 24 mai 2013, Manuel Valls était l'invité de Raphaëlle Duchemin  sur France Info. À cette occasion, notre consœur l'a interrogé sur les menaces qui pèseraient sur Frigide Barjot, à l'approche d'une nouvelle manifestation contre le "mariage homo", sollicitant, par ailleurs, sa réaction à la lecture d'un communiqué du Printemps français – un appel à la « résistance » rédigé selon des termes pour le moins virulents.

En réponse, le ministre de l'Intérieur s'est insurgé contre « toute menace de mort, toute menace de haine », stigmatisant « des groupes radicaux, d'extrême droite », sans jamais en citer aucun. Il n'en aurait pas moins « évoqué une possible interdiction du "Printemps français" », selon le site Internet de France Info.

Un "chapeau" étant par nature racoleur, il n'y a rien de choquant à ce que les propos de Manuel Valls y soient quelque peu extrapolés. On se désole, en revanche, de la passivité moutonnière de nos confrères : qu'il s'agisse de L'Express, du Figaro, du Huffington Post, de Libération ou du Monde, entre autres exemples, tous ont repris l'accroche de France Info. Naturellement, le Centre royaliste d'Action française n'a pas manqué de s'engouffrer dans la brèche, dénonçant « un nouveau pas dans l'instauration d'un État policier » - c'est de bonne guerre ! 

En tout cas, cela donne à réfléchir sur notre propre métier : que pèsent la rigueur et l'esprit critique des journalistes face à l'effet boule de neige ? 

À l'ouest du cyberespace

23 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que l'Union européenne s'immisce dans la sécurité des réseaux informatiques, les services secrets français se prennent les pieds dans le tapis en tentant de censurer la Toile.

Les attentats de Boston ont ravivé le spectre d'un terrorisme sanglant, éminemment visible. Mais d'autres menaces, plus insidieuses, planent sur la sécurité des sociétés occidentales. Notamment dans le cyberespace - un milieu que les stratégistes commencent seulement à appréhender. L'année dernière, le Sénat a d'ailleurs invité l'État à se doter d'une "doctrine de lutte informatique offensive" – comme il l'avait fait, dans les années soixante, en matière de dissuasion nucléaire. Le 7 février dernier, Bruxelles a proposé, plus modestement, une « stratégie de cybersécurité » pour l'Union européenne.

Prise de conscience

Cette initiative « témoigne d'une véritable prise de conscience de ces enjeux de la part de la Commission européenne », selon les sénateurs Jacques Berthou (PS) et Jean-Marie Bockel (UDI). Dans une proposition de résolution, ils se félicitent « de l'accent mis sur les aspects industriels ». « Afin de garantir la souveraineté des opérations stratégiques ou la sécurité de nos infrastructures vitales », expliquent-ils, « il est, en effet, crucial de s'assurer de la maîtrise de certaines technologies fondamentales, dans des domaines comme la cryptologie, l'architecture matérielle et logicielle et la production de certains équipements de sécurité ou de détection. Garder cette maîtrise, c'est protéger nos entreprises, notamment face au risque d'espionnage informatique. » De concert avec Bruxelles, les sénateurs prônent « l'instauration d'une obligation de déclaration des incidents informatiques significatifs à l'autorité nationale compétente qui serait applicable aux administrations publiques et aux opérateurs critiques, tels que les entreprises de certains secteurs jugés stratégiques, comme les banques, la santé, l'énergie et les transports ». Cependant, préviennent les parlementaires, c'est aux États, et non à la Commission, qu'il appartient d'en définir les modalités d'application. Par ailleurs, on ne saurait exiger des autorités nationales qu'elles notifient à Bruxelles les incidents dont elles ont connaissance. « Outre sa lourdeur bureaucratique, une telle mesure paraît susceptible de soulever des difficultés au regard de la sécurité nationale, notamment dans le cas d'attaques informatiques à des fins d'espionnage », plaident MM. Berthou et Bockel. « Il faut savoir que, si les soupçons se portent le plus souvent sur la Chine ou la Russie, d'autres pays, y compris parmi nos proches alliés, sont aussi soupçonnés d'être à l'origine de telles attaques. Or, informer la Commission européenne et l'ensemble des États membres de l'Union européenne de l'attaque informatique dont on fait l'objet risquerait d'alerter également - directement ou indirectement - l'auteur de cette attaque. Celui-ci pourrait alors prendre des mesures afin de se dissimuler davantage ou augmenter encore le niveau de son attaque. »

Nouveaux acteurs

En tout cas, s'il est nécessaire de prévenir les piratages et autres tentatives d'espionnage, voire d'y répliquer, il convient aussi de s'acclimater à la nouvelle donne sociale et politique. Des acteurs jusqu'alors inconnus se dressent face aux États, à commencer par les cyberactivistes – voire cyberterroristes - d'Anonymous. Dernièrement, ils ont interféré dans la crise coréenne, révélant les noms de quelque quinze mille ressortissants du Sud habitués à consulter les informatisations mises en ligne par le Nord... Autant de traitres potentiels aux yeux de Séoul ! Quant aux banque centrales, elles voient leur monopole monétaire con-testé à la marge : jeudi dernier, 11 avril, sur BFM TV, notre con-frère Nicolas Doze s'est interrogé sur la flambée erratique du Bitcoin, un substitut aux monnaies traditionnelles créé par un programmeur anonyme.

Maladresse sidérante

Apparemment, les autorités sont loin d'avoir tiré toutes les conséquences des bouleversements en cours. Les déboires de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) viennent d'en témoigner. Jugeant sensible le contenu d'un article publié sur Wikipedia  présentant la station militaire hertzienne de Pierre-sur-Haute, ses services auraient sommé ses collaborateurs de le retirer. Cela avec une maladresse sidérante. Si bien que les 6 et 7 avril, le texte incriminé aurait été le plus consulté de tous les articles francophones de Wikipedia. Chapeau ! Dans la foulée, il a fait l'objet de quelques traductions. En outre, il figure désormais parmi les « exemples majeurs » de "l'effet Streisand" : « un phénomène Internet qui se manifeste par l'augmentation considérable de la diffusion d'informations ou de documents par le simple fait d'avoir été l'objet d'une tentative de retrait ou de censure ». Dans ces conditions, l'État est-il condamné à l'impuissance ? Loin s'en faut. Qu'on songe seulement aux "printemps arabes", sur lesquelles l'influence américaine s'est précisément exercée par l'entremise des réseaux sociaux en ligne...

La Défense nationale, une école féministe

23 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Les résidus du service national profitent désormais à la propagande en faveur de l'égalité hommes-femmes.

Qu'est-ce que la "journée défense et citoyenneté" ? Un « rendez-vous essentiel de la promotion de l'esprit de défense et des valeurs républicaines », selon la Direction du service national. Le 8 mars dernier, elle a pris une coloration féministe. Notamment en Bretagne, où est intervenue Mme Françoise Kieffer, délégué régional aux droits des femmes et à l'égalité. Après avoir rendu compte du « long cheminement vers l'égalité » qui aurait été entamé au XIXe siècle, celle-ci a soumis son jeune public à un "quiz"  censé « faire tomber les préjugés », comme le rapporte l'Hôtel de Brienne.

Un quiz caricatural

Rédigées dans un français approximatif, les questions exploitaient les clichés de l'égalitarisme en vogue. On frisait la caricature, comme en témoignent ces quelques exemples : « À votre avis, d'être une fille ou un garçon a une influence sur les choix d'orientation ? » « Pensez-vous personnellement que les femmes sont plus aptes à certains métiers ou fonctions, et que les hommes plus aptes à d'autres ? » « Dans un couple avec enfant-s, le père a le statut de chef de famille ? » Naturellement, les réponses attendues ne versaient pas dans la nuance... Les participants ont été invités, par ailleurs, à féminiser les noms de fonctions. Aux yeux de l'État et de ses délégués, en dépit des recommandations de l'Académie française, c'est une priorité. De quoi justifier, vraisemblablement, que la syntaxe soit reléguée au second plan...

Bioéthique : débat embryonnaire à l'Assemblée

4 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'obstruction parlementaire offre un sursis aux embryons humains : dans l'immédiat, ceux-ci continueront de ne pouvoir faire l'objet de recherches qu'à titre dérogatoire – au moins en apparence.

En février 2012, alors qu'il était en campagne, François Hollande avait annoncé que, s'il était élu président de la République, la loi encadrant les recherches sur l'embryon serait à nouveau révisée. Ce faisant, avait-il déclaré, « nous rattraperons notre retard sur d'autres pays et nous favoriserons le retour des post-doctorants partis à l'étranger » - notamment aux États-Unis, où la loi n'impose aucune restriction en la matière. Sa promesse semblait en passe d'être tenue : à cet effet, une proposition de loi devait être votée par l'Assemblée nationale mardi dernier, 2 avril. C'était compter sans la résistance de quelques députés UMP, qui ont noyé le texte sous une pluie d'amendements, empêchant son examen dans les délais impartis.

Ambiguïtés légales

Dans l'immédiat, la législation conservera donc ses ambiguïtés : si elle autorise la recherche sur l'embryon, c'est, formellement, à titre dérogatoire, quoique de façon pérenne – comme s'il fallait maintenir un interdit symbolique tout en s'en affranchissant dans les faits. Autant en finir avec l'hypocrisie ! C'était l'objet de la proposition de loi en débat, dont l'adoption aurait néanmoins constitué « un bouleversement éthique et juridique », selon Théophane Le Méné. De son point de vue, elle aurait entériné « la réification de la personne humaine, la suprématie de la technique sur l'homme et son asservissement à la logique utilitariste des laboratoires ». En effet, a-t-il expliqué sur Causeur, « le principe allait devenir l'exception et l'exception le principe ».

Aujourd'hui, trente-six équipes de recherche travailleraient, en France, sur des cellules embryonnaires. Elles y ont été autorisées par l'Agence de la biomédecine, avec la bénédiction des ministres chargés de la Santé et de la Recherche, mais aussi le consentement des individus à l'origine des "embryons surnuméraires" conçus in vitro dans le cadre d'une procréation médicalement assistées, les seuls pouvant faire l'objet de recherches au regard du droit. Avant d'agréer un protocole, les autorités sont censées s'assurer que soient réunies les conditions suivantes, résumées par Mme Dominique Orliac, député PRG du Lot, rapporteur du texte soumis à l'Assemblée : « la pertinence scientifique du projet de recherche est établie ; la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ; il est expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ».

La hantise des recours

Autant d'éléments dont l'appréciation est sujette à discussion. « S'il est vrai que les chiffres de l'Agence de biomédecine révèlent un véritable dynamisme de la recherche française en la matière, la rédaction actuelle de la loi est source de contentieux qui retardent le lancement de certains projets scientifiques », déplore Mme Orliac. De fait, explique-t-elle, « la Cour administrative d'appel de Paris a déduit de l'existence de l'interdiction de principe de la recherche qu'il appartenait à l'Agence de la biomédecine de faire la preuve que des recherches employant des moyens alternatifs ne pouvaient parvenir au résultat escompté. Elle a en conséquence annulé l'autorisation accordée trois ans auparavant à une recherche. » Apparemment, la loi proposée répondrait surtout à la Fondation Jérôme Lejeune, dont les recours feraient peser sur les chercheurs « une véritable insécurité juridique ». Onze affaires seraient en cours d'instruction, s'inquiète Dominique Orliac, au motif que l'Agence de biomédecine « n'avait pas prouvé l'impossibilité de mener ces recherches par d'autres méthodes ». Or, prévient-elle, « en matière de recherche fondamentale, une telle preuve ne peut pas être apportée ». Cependant, poursuit-elle, « les recherches sur les cellules souches adultes et les cellules reprogrammées n'ont pas vocation à se substituer, en l'état des connaissances scientifiques, à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mais en sont le complément nécessaire ».

Alternative prometteuse

Voilà précisément ce que conteste, par exemple, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France. Étant donné les perspectives offertes par les ressources du sang placentaire ou la reprogrammation cellulaire, l'engagement en faveur de la recherche sur l'embryon serait « un combat d'arrière-garde » selon lui,  Ce combat n'est mené « que pour contester la valeur intrinsèque de l'embryon », a-t-il déclaré dans un entretien à Radio Notre-Dame retranscrit par France catholique. Évidemment, les chercheurs s'en défendent : « il n'y a aucune "appétence" particulière des scientifiques pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires et si, à l'avenir, d'autres méthodes s'avèrent être plus efficaces, elles évinceront naturellement cette dernière », soutient Mme Orliac.

Les projets les plus prometteurs, à brève échéance, viseraient à traiter la maladie de Steinert, qui se traduit par des anomalies musculaires et neuronales, ou la dégénérescence maculaire, affectant plus particulièrement la vue des personnes âgées. Les patients concernés peuvent-ils, dès lors, espérer une guérison prochaine ? Mgr Vingt-Trois entend dissiper de faux espoirs : « c'est une tromperie à l'égard des gens que de leur faire croire que grâce à cela ils vont avoir des traitements pour Alzheimer, Parkinson, etc. », a-t-il prévenu. « Cela n'aboutira pas. » Un jugement sans appel.

Le sexisme, voilà l'ennemi !

21 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Les "études de genre" inspirent décidément moult politiques publiques. Un exemple parmi d'autres nous en est donné en Seine-Saint-Denis, où le Conseil général a lancé une initiative à l'intention des collégiens.

À l'occasion de la journée de la femme, célébrée le 8 mars 2013, le gouvernement a réaffirmé sa volonté d'œuvrer quotidiennement en faveur de l'égalité des sexes. Cela avec le soutien des collectivités locales et du monde associatif, comme en témoigne la présentation d'un calendrier recensant autant d'événements organisés en ce sens qu'il y a de jours dans l'année.

Changer la langue

Parmi les initiatives mises en exergue figure celle du conseil général de Seine-Saint-Denis, dont le président, le socialiste Stéphane Troussel, s'inspire manifestement des "études de genre". Selon lui, en effet, « de la crèche au monde du travail, en passant par l'école et l'université, nombreuses sont encore les occasions d'observer des comportements sexistes, hérités d'une domination  masculine  ancestrale  qui  assigne  à  chaque  sexe  des  rôles  et  des fonctions dans la vie professionnelle et familiale ». Aussi son département s'est-il attaché à mobiliser les « jeunes contre le sexisme ». Lequel consiste, selon le conseil général de Seine-Saint-Denis, « à inscrire la différence entre les hommes et les femmes dans un rapport hiérarchique de domination et à considérer, comme en grammaire, que le masculin l'emporte sur le féminin ». D'où l'inclination de M. Troussel  à revisiter la langue française : « nous n'entendons pas seulement déconstruire les idées reçues à partir d'une réflexion théorique, mais aussi et surtout travailler avec tou-te-s les professionnel-le-s concerné-e-s  pour  partager  les  expériences  et  mutualiser  les bonnes pratiques », explique-t-il dans un jargon devenu convenu.

Poupées et pistolets

Chaque année, mille cinq cents collégiens (des élèves de troisième) sont donc conviés à des représentations théâtrales où se jouent, avec leur participation, « des scènes sur des situations de discriminations ou de violences sexistes ». S'ensuivent des discussions en classe, la désignation de délégués censés « dialoguer avec les élu-e-s et présenter des propositions pour lutter contre les comportements sexistes », puis leur concrétisation sous forme d'affiches ou de DVD, par exemple. Preuve que le message est passé, dans un collège de Montreuil, la définition suivante a été élaborée : « Le sexisme, c'est habituer les garçons à jouer avec des jeux plutôt violents et de domination et habituer les filles à jouer à la dînette et aux barbies. » Dans la plupart des établissements, cependant, il semblerait que l'enfumage idéologique soit relégué au second plan : la dénonciation des "mains aux fesses", la prévention des viols, la critique des grands frères trop possessifs, voire la hantise des mariages forcés, occupent apparemment le devant de la scène. « En somme, ce que les adolescents de  Seine-Saint-Denis ont exprimé, par leur participation au théâtre-forum, c'est l'idée que la différence qui les sépare en garçons et filles est, certes, une différence incontournable, mais qui fait d'eux des être plutôt complémentaires », analyse l'anthropologue Françoise Douaire-Marsaudon.

L'image de la mère

En Île-de-France, où un dispositif similaire a été mis en œuvre à l'intention des lycéens, Mme Henriette Zoughebi, vice-présidente du conseil régional, n'en continue pas moins de dénoncer « l'instrumentalisation des différences biologiques entre les filles et les garçons » sur lesquelles reposeraient des inégalités d'autant moins justifiées qu'il y aurait, selon elle, « autant de différences entre une fille et un garçon, qu'entre deux garçons ou deux filles ». Cela aura vraisemblablement échappé au jeune Ahmed, qui dit respecter les femmes parce que « c'est dans leur ventre qu'on s'est formé ». Mais aussi à Mme Valérie Trierweiler, qui a visité une maternité – précisément en Seine-Saint-Denis - pour fêter, à sa façon, la journée de la femme. Une démarche éminemment "sexiste" au regard des conceptions de Mme Zoughebi, selon laquelle « nos envies, nos projets ne doivent pas être réduits par un facteur biologique, le sexe ». De son point de vue, « quand nous nous laissons enfermer dans des identités sexuées, nous renonçons à une part de notre liberté ». En est-elle vraiment convaincue ?

Pour en finir avec les Femen

7 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Fortes d'une notoriété croissante, les activistes du mouvement Femen prétendent incarner un féminisme d'un nouveau genre. Mais en dépit du bruit médiatique, des constantes demeurent...

A l'approche de la journée de la femme, qui sera célébrée vendredi prochain (le 8 mars 2013), les activistes féministes du mouvement Femen bénéficient d'une exposition médiatique inédite. France 2 vient de diffuser un film qui leur était consacré, la veille du jour où devait paraître le livre signé de leurs fondatrices ukrainiennes. D'aucuns jugeront leur notoriété inespérée : dans l'Hexagone, elles ne compteraient qu'une quinzaine de militantes, si l'on en croit Menly.

Complaisances

Civitas n'a pas manqué de dénoncer la « collusion » que nos confrères entretiendraient avec cette « milice antichrétienne ». Il la dénonce sans relâche, depuis le jour où ses militants s'y sont heurtés. C'était le 18 novembre dernier, à l'occasion d'une manifestation organisée contre le "mariage homo". Très complaisante à l'époque, la classe politique s'est montrée plus réservée après que les "sextrémistes" se furent données en spectacle le 12 février dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. « Les Femen ont probablement perdu leur aura dans cette provocation de trop », a commenté l'abbé Guillaume de Tanoüarn. Seuls 14 % des Français déclareraient approuver leur initiative, « tant sur le mode d'action choisi que sur les idées qu'elles y ont défendues », selon une étude Harris Interactive pour VSD. À l'inverse, 44 % s'y montreraient hostiles à tous points de vue. Confrontées à ce relatif désaveu, les Femen pointent les réactions schizophrènes de nos compatriotes : « Quand les Pussy Riot font un happening dans une église moscovite ou quand Inna coupe une croix orthodoxe à la tronçonneuse à Kiev, ça passe parce que c'est à l'étranger », a déclaré Éloïse Bouton, l'une de leurs militantes, citée par le quotidien Métro. « Ça choque parce qu'on touche à quelque chose qui pose problème », a-t-elle expliqué. Et d'affirmer que « la France n'est pas aussi laïque qu'elle le croit ». « Nous ne nous attaquons pas particulièrement à l'Église », nuance Elvire Duvelle-Charles, dans un entretien accordé à Menly. « Mais on a forcément une réticence envers l'Église parce qu'elle est sexiste, rétrograde, misogyne, en retard sur beaucoup de sujets comme le Pacs ou l'avortement. » De son point de vue, c'est la survivance d'un certain patriarcat qu'il s'agirait d'abattre.

« En enlevant nos tee-shirts, nous dénonçons le système machiste de manière bien plus efficace que si nous prononcions de beaux discours », soutient sa camarade Anna Hutsol, citée par Le Journal du dimanche. Vraiment ? Peut-être devrait-elle méditer les résultats des enquêtes d'opinion. Toujours selon le même sondage, « les hommes semblent porter un regard plus positif sur le choix des Femen de manifester seins nus dans Notre-Dame de Paris : 21 % approuvent à la fois le fond et la forme de l'intervention, contre 9 % chez les femmes ». Ces messieurs seraient-ils émoustillés ? Cela n'est pas sans rappeler l'histoire de Phryné, cette hétaïre grecque qui obtint la clémence de ses juges après que son avocat l'eut dénudée devant eux... Par ailleurs, au risque de verser dans la psychologie de comptoir, nous attribuerons à quelque refoulement l'inclination des plus critiques à dénigrer le physique de ces demoiselles...

Un vieux fantasme

« On veut donner une autre image de la nudité, laquelle n'est pas destinée qu'à la séduction », poursuit Elvire Duvelle-Charles. Ce serait « le symbole de la femme forte, combattante, vindicative ». Mais cette force propre aux femmes ne procède-t-elle pas précisément, dans une certaine mesure, du désir qu'elles suscitent chez les hommes ? « La nudité est notre armure », explique-t-elle encore. Ce faisant, s'érigeant en guerrière, elle arbore le costume d'une amazone – laquelle hante les fantasmes masculins depuis la nuit des temps, jusqu'aux jeux vidéo les plus récents, où les héroïnes à forte poitrine sont légion.

La démarche des Femen s'inscrit d'ailleurs dans une tradition historique. On ne compte plus les causes pour lesquelles des volontaires sont prêts à se déshabiller – de la protection des animaux à la récolte de fonds pour Emmaüs, en passant par le financement d'une association de parents d'élèves. Dans un registre plus militant, on se remémorera les "journées sans soutif", ou l'initiative des Tumultueuses s'exhibant topless dans les piscines de Paris il y a quatre ou cinq ans. Dans les années quatre-vingt, Ilona Staller, la "Cicciolina", avait même été élue au parlement italien après avoir fait campagne en tenue légère.

De fait, « l'intimité féminine, dans ce qu'elle a de plus visible, a toujours été l'enjeu de luttes politiques qui mobilisent tout le corps social », comme l'observent Caroline Pochon et Allan Rothschild dans leur ouvrage consacré au « culte des seins ». Les Femen n'ont rien inventé ! « Nous savons que nous ne pouvons changer le monde toutes seules », confesse  Elvire Duvelle-Charles. Avec ses congénères, peut-être nous en rappelle-t-elle, paradoxalement, la vraie nature, dont les activistes féministes sont prisonnières comme tout un chacun.

Université et langue française sous le vent de la mondialisation

21 février 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand les parlementaires se penchent sur l'ouverture des universités aux étudiants étrangers ou jugent menacée la pérennité de la langue de Molière.

Les universités françaises manqueraient-elles d'attrait aux yeux des étudiants étrangers ? Telle est, en tout cas, la conviction de Mme Dominique Gillot, sénateur PS du Val-d'Oise, auteur d'une proposition de loi censée remédier à cette situation. En dix ans, le nombre d'étudiants étrangers recensés en France aurait pourtant bondi de 40 %, atteignant deux cent trente-mille en 2010-2011. Cependant, « notre pays reste [...] en retard », déplore Mme Gillot. Devancée désormais par l'Australie, la France aurait été reléguée au quatrième rang de la compétition mondiale qui se jouerait en la matière.

Incohérences

« Notre politique [...] a été entachée d'incohérences », martèle le sénateur, qui pointe « une forte hésitation entre la volonté d'accueillir les meilleurs éléments et l'obsession du "risque migratoire" ». Tandis que ces jeunes gens seraient appelés à devenir « nos meilleurs ambassadeurs », il ne serait « ni dans l'intérêt des pays d'origine, ni dans le nôtre » de les renvoyer chez eux dès la fin de leurs études. Au contraire, plaide Mme Gillot, « c'est après au moins une première expérience professionnelle que ces diplômés pourront, à leur retour chez eux ou à l'international, mettre à profit les compétences acquises en France et en faire la promotion ».

En conséquence, elle propose que leur soient attribués des titres de séjour pluriannuels, dont la durée dépendrait de la formation suivie. Cela afin de « limiter les démarches administratives, souvent vexatoires, qui épuisent et précarisent les étudiants étrangers tout en encombrant inutilement les services préfectoraux ». Selon Mme Gillot, il conviendrait également de porter de six à douze mois l'autorisation provisoire de séjour, période pendant laquelle un étranger peut chercher un premier emploi après l'obtention de son diplôme. En outre, « pour éviter le choix souvent cornélien [...] entre le retour dans le pays d'origine ou une installation quasi-définitive dans notre pays », un « droit illimité au séjour en France » pourrait bénéficier aux titulaires d'un doctorat obtenu en France. Une mesure censée contribuer au développement d'une « coopération économique continue, enrichissante, sans pillage des cerveaux des pays émergents ». Reste à convaincre nos compatriotes, aux yeux desquels il y aurait déjà « trop d'étrangers en France »...

Anglais ou français au choix ?

Par ailleurs, Mme Gillot propose d'introduire une dérogation au code de l'éducation, lequel oblige à dispenser des cours en français. Déjà « contournée par de nombreux établissements », cette disposition constituerait « un obstacle au recrutement d'étudiants étrangers de qualité ». Toutefois, reconnaît le sénateur, on ne saurait s'en affranchir sans s'exposer aux foudres du Conseil constitutionnel. C'est pourquoi, au sein d'un même établissement, les étudiants devraient pouvoir « suivre les mêmes cursus en français et en langue étrangère ». Au risque qu'y soit instituée une certaine ségrégation ?

Quoi qu'il en soit, un tel projet devrait conforter dans sa démarche Jean-Jacques Candelier, député PC du Nord, auteur d'une proposition de résolution « tendant à la création d'une commission d'enquête sur les dérives linguistiques ». « Dans la publicité, les enseignes commerciales, la communication [...] des grandes entreprises et, désormais, dans l'enseignement secondaire et universitaire, on peut redouter que la langue de Molière disparaisse à brève échéance », prévient M. Candelier. Selon lui, « il y a urgence ». D'autant que « la dilapidation de la langue française se couple [...] avec la sape de l'héritage progressiste universel de notre pays, le démantèlement des acquis sociaux et des services publics, la destruction de l'indépendance nationale, avec l'adoption du traité de Lisbonne [...] et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), le sacrifice de la défense nationale dans l'Otan, la violation de la laïcité et la substitution de l'euro-régionalisation du territoire à la République une, laïque et indivisible issue de la Révolution ».

Ce discours n'est pas sans rappeler celui de l'ambassadeur Albert Salon... « L'internationalisme des travailleurs ne s'oppose pas au patriotisme populaire », soutient Jean-Jacques Candelier. Au contraire, « parce qu'il n'aspire qu'au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » (que nous contestons toutefois pour notre part), le « patriotisme populaire » s'opposerait, entre autres, « au cosmopolitisme capitaliste » ainsi qu'au « supranationalisme impérialiste ». Pour les pourfendeurs de la mondialisation, l'heure serait-elle à l'union sacrée ?

La confusion des genres

7 février 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis qu'il esquisse des « orientations stratégiques pour les recherches sur le genre », le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche cultive la confusion, confondant quête du savoir et prosélytisme éhonté.

Les "études de genre" ont acquis une notoriété inédite à la faveur de leur immixtion, sinon dans la lettre des programmes scolaires, du moins dans les manuels de sciences de la vie et de la terre (SVT) de première. La faute aux éditeurs trop zélés ? Peut-être faut-il y voir, également, l'influence des milieux universitaires, où l'intérêt pour les gender studies va croissant : tandis que sept revues leur seraient entièrement consacrées, elles auraient mobilisé, ces dernières années, plus ou moins assidument, près de deux mille chercheurs. Des « orientations stratégiques » devraient leur être assignées, clame le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui vient de publier un rapport en ce sens, coordonné par Alban Jacquemart, Agnès Netter et Françoise Thibault.

Genre et sexe

« Le genre est d'abord un concept, initialement issu des sciences médicales et de la grammaire française puis repris par les sciences sociales », rappellent-ils. Un concept censé aider « à mettre au jour, en les questionnant, les rapports sociaux entre hommes et femmes ». Le psychiatre Robert Stoller aurait été le premier à l'utiliser, dans les années soixante, pour « distinguer la conformation sexuelle des individus (le sexe) de l'identité sexuée, psychologiquement et socialement construite (le genre) ». Outre l'anthropologie, la psychologie, la littérature et les langues, le "genre" affecterait plus particulièrement la sociologie et l'histoire, disciplines où il serait majoritairement enseigné. Aux dires des rapporteurs, par exemple, la compréhension du fait colonial s'en serait trouvée revisitée.

Une priorité du CNRS

Le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) se serait saisi des ces recherches dans les années quatre-vingt. En son sein, l'Institut des sciences humaines et sociales (INSHS) les a depuis érigées au rang de priorité, permettant le recrutement de sept chargés de recherche. Toujours sous la houlette du CNRS a été créé, l'année dernière, l'Institut du genre, un "groupement d'intérêt scientifique" réunissant trente-cinq universités et autres institutions. Parallèlement, l'Institut d'études politiques de Paris, ainsi que l'université Paris VII, ont décidé de familiariser leurs étudiants avec les gender studies. Aux yeux des rapporteurs, cependant, cela reste insuffisant. Ainsi conviendrait-il, selon eux, d'« inciter les universités à construire des licences qui comportent aux moins deux modules obligatoires sur le genre ». Mais aussi d'y confronter tous les enseignants au cours de leur formation. Voire un plus large public, à l'intention duquel pourrait être créée une « université populaire ». D'autres propositions sont formulées « afin de lutter contre [des] inégalités persistantes » et « de faire évoluer les établissements supérieurs et de recherche vers la parité », ceux-ci devant « prendre conscience de l'existence des stéréotypes de genre qui biaisent l'évaluation ». Si, contrairement à d'autres, les rapporteurs ne demandent pas que soit rebaptisée l'école maternelle, ils appellent néanmoins à « généraliser l'usage d'une langue non sexiste » - ce à quoi ils s'emploient en bannissant le "masculin générique" : sous leur plume, ce sont des chercheur-e-s qui se sont exprimé-e-s !

Mouvement LGBT

Parmi eux, relèvent-ils, « plusieurs [...] sont, par exemple, membres de l'Observatoire de la parité et permettent que les politiques publiques se nourrissent des savoirs académiques ». Autant dire qu'ils versent volontiers dans un certain prosélytisme. En cela, ils s'inscrivent d'ailleurs dans un tradition historique. Les recherches portant plus particulièrement sur « les sexualités et les identités de sexe [...] en partie initiées par le mouvement LGBT (qui regroupe des militant-e-s lesbiennes, gays, bisexuel-le-s et transgenres), ont été particulièrement importantes dans l'élaboration même du concept de genre », soulignent les rapporteurs. C'est dire combien le militantisme interfère, depuis l'origine, dans les études de genre. Comment s'étonner, dans ces conditions, que « la recherche sur le genre peine à trouver, dans l'organisation scientifique actuelle, la reconnaissance » que revendiquent ses promoteurs ? 

Depardieu et le fait du prince

16 janvier 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Décidé à collectionner les nationalités, sinon à les troquer, Gérard Depardieu joue les nomades dans un monde toujours façonné par les rivalités d'États souverains.

À la faveur du différend l'opposant à Jean-Marc Ayrault, Gérard Depardieu n'a pas cessé de le marteler : « je suis un citoyen du monde », a-t-il encore déclaré début janvier (2013), alors qu'il venait de recevoir un passeport russe des mains du président Vladimiir Poutine. « Il montre effectivement que grâce à la mondialisation nous sommes, dans une certaine mesure, libres d'échapper à la main lourde d'un État », s'est félicité Emmanuel Martin, dans un billet publié par l'Institut Turgot, arguant que « la concurrence institutionnelle, et particulièrement la concurrence fiscale est une composante essentielle de notre liberté ». De fait, constate Élie Cohen, « l'accumulation de taxes nouvelles sur le capital au moment de sa formation, de sa détention, de sa transmission, et de sa distribution n'est pas soutenable à long terme dans une économie ouverte ». De ce point de vue, souligne-t-il sur Telos, « Gérard Depardieu met le doigt sur les contradictions européennes de nos gouvernants ».

Citoyen du monde ?

Mais bien qu'il se proclame « citoyen du monde », Gérard Depardieu n'en est pas moins réduit à se placer sous la juridiction d'un État, comme tout un chacun, quoique son aisance financière lui procure quelque facilité quand il s'agit de solliciter sa protection, et non d'en hériter par naissance. En cela, il ferait plutôt figure de nomade. Un nomade au déracinement somme toute relatif. « J'ai un passeport russe, mais je suis français », a-t-il également proclamé, nuançant ses propos précédents. Amateur de bonne chère, souvent aigri mais volontiers débonnaire, il « fait partie de notre patrimoine cinématographique », comme l'a observé Mme Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication. Qu'il le veuille ou non, l'interprète d'Obelix incarne la France aux yeux du monde.

Paradoxalement, c'est vraisemblablement la raison pour laquelle il a été accueilli si chaleureusement en Russie. On a beau vivre dans un village global, les États continuent de se tirer dans les pattes. « L'intelligence économique [...] de Vladimir Poutine est une démonstration concrète de la façon de saisir des opportunités pour affaiblir une nation », souligne un contributeur de l'Alliance géostratégique (AGS). « Et peu importe les déclarations diplomatiques de rose et de miel quand les faits illustrent que les nations dites "amies" sont néanmoins concurrentes avec leurs intérêts propres à promouvoir et à développer. »

Souveraineté

Dans ces conditions, « ce passeport est moins un document juridique qu'un symbole », comme le remarque Yannick Harrel, lui aussi contributeur de l'AGS. C'est pourquoi on ne s'attardera pas sur la faculté, pour Gérard Depardieu, de bénéficier effectivement d'une double nationalité franco-russe, en dépit des doutes planant à ce sujet. Par ailleurs, à supposer qu'il souhaite à nouveau se défaire de sa nationalité française - « je vous rends mon passeport et ma Sécurité sociale », avait-il déclaré à l'intention de Jean-Marc Ayrault - il lui faudrait engager des démarches sans trop tarder, et justifier d'une résidence effective à l'étranger. Autrement dit, sa nationalité dépend du bon vouloir de l'État – c'est-à-dire, selon les cas, des dispositions du droit ou des largesses du prince.

« C'est donc l'État souverain qui décide qui est un de ses nationaux. C'est sans doute l'expression la plus pure de sa souveraineté, car elle ne suppose pas l'accord d'un autre État », selon Me Eolas, l'animateur du Journal d'un avocat. Mme Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, ne s'y est pas trompée : « c'est le pouvoir discrétionnaire de Vladimir Poutine d'offrir la nationalité russe à qui il l'entend », a-t-elle observé, se refusant à tout autre commentaire sur BFM TV.

« Quand un citoyen français a une autre nationalité, deux souverainetés se heurtent, et aucune ne peut l'emporter », explique Eolas. « L'autre État a tout autant que la France le droit de décider qui sont ses ressortissants, et le législateur français n'a aucun pouvoir pour limiter la transmission de cette autre nationalité. Qui n'est tout simplement pas son affaire. » Tout au plus la France pourrait-elle « s'attaquer aux Français par acquisition », selon notre avocat. « Ceux-là devraient, pour pouvoir acquérir la nationalité française, renoncer préalablement à leur nationalité d'origine. Et on se casse à nouveau les dents sur la souveraineté des États étrangers. Quid si l'État en question ne prévoit pas la possibilité de renoncer à cette nationalité ? [...] On aura des enfants nés en France, y ayant grandi, voire y passant toute leur vie, mais qui ne seront jamais Français à cause d'une loi votée dans un autre pays. Tandis que son voisin, lui, aura la nationalité française dès l'âge de treize ans. En somme, la nationalité française dépendra de la loi d'un État étranger. » C'est dire la prudence avec lequel devra manœuvrer le législateur, si d'aventure il se décide à bannir la double nationalité.