Une crise chronique

7 juillet 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Le vote du Parlement hellénique préserve une timide accalmie sur le front des marchés. Cela étant, bien que les banques semblent disposées à participer à l'opération, le "sauvetage" de la Grèce n'est toujours pas assuré.

Un soupir de soulagement a traversé l'Europe le mercredi 29 juin. En dépit des manifestations qui agitaient la Grèce, le Parlement hellénique a validé le programme de réformes et de privatisations négocié avec la Commission européenne, la BCE et le FMI. Ceux-ci en avaient fait un préalable au versement d'une nouvelle tranche de prêts de 12 milliards d'euros, sans lesquels Athènes n'aurait plus été en mesure d'honorer ses dettes dès cet été. Le vote a été emporté à la faveur de 155 voix contre 138. Le Premier ministre George Papandréou est donc parvenu à rassembler ses troupes, un seul élu socialiste s'étant refusé à rentrer dans le rang.

L'opposition veut plus de rigueur

Quant à l'opposition, elle est loin de faire écho à toutes les protestations de la rue. « Nous aurions voté en faveur de plusieurs mesures du plan du gouvernement si celui-ci n'avait pas imposé un vote unique », souligne le député Christos Staikouras. Son parti « estime que la situation réclame plus d'agressivité dans les coupes des dépenses courantes et dans la restructuration des entreprises nationalisées », résume notre confrère Massimo Prandi (Les Échos, 28/06/2011). Tandis qu'on peine à distinguer les voix proposant une véritable alternative, Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, verse dans un relatif cynisme : « Quand on exécute le programme d'assainissement budgétaire année après année, on doit passer un mauvais moment mais la confiance finit par revenir », a-t-il déclaré.

Les Européens vont-ils se résoudre à restructurer la dette contractée par la Grèce ? On semble s'y préparer, bien que cette perspective demeure exclue par les gardiens de l'orthodoxie monétaire, tel Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France. « C'est une illusion dangereuse », a-t-il prévenu dans la lettre introductive de son rapport annuel. Selon lui, une réduction ou un rééchelonnement « entraînent toujours, au moins dans un premier temps, une réduction supplémentaire de la confiance et de moindres apports de capitaux, ce qui augmente l'effort nécessaire ». En filigrane, des rivalités institutionnelles confortent peut-être la prudence des banquiers centraux. La BCE ayant racheté des obligations grecques sur le marché secondaire, « une décote de ces actifs la rendrait extrêmement vulnérable, et très dépendante des États de la zone euro, qui devraient la recapitaliser », explique notre confrère Robert Jules (La Tribune, 13/06/2011).

Équilibristes

Cela étant, le spectre d'une "contagion" nourrit des inquiétudes légitimes. Pour l'heure, les responsables politiques s'essaient à un numéro d'équilibriste, afin d'impliquer les institutions privées dans le "sauvetage" de la Grèce sans déclencher un "événement de crédit". Des discussions fructueuses auraient été entamées à cet effet entre Bercy et les principaux créanciers français. Ceux-ci seraient disposés à réinvestir 70 % de la valeur des titres arrivant à échéance... à des conditions toutefois suffisamment avantageuses pour être jugées incitatives. Aux yeux de Standard & Poor's, le plan esquissé n'en constituerait pas moins un "défaut sélectif" (Athènes restructurant effectivement une partie, mais non la totalité, de sa dette obligataire). Dans le cas présent, il conviendrait toutefois de relativiser l'influence des agences de notation. « Ce n'est pas parce qu'une agence décrète un défaut que les détenteurs de titres enregistrent une perte », tempère notre consœur Isabelle Couet (Les Échos, 04/07/2011). « S&P laisse entendre que le classement en "défaut" ne serait que temporaire et reconnaît en filigrane que le plan de la [Fédération bancaire française] pourrait même améliorer la note de la Grèce a posteriori ». Dès lors, conclut-elle, « même la Banque centrale européenne (BCE) ne serait pas véritablement menacée ».

Défiance populaire

Reste le second front : celui de l'opinion. D'abord en Grèce : « Pour que le plan de sauvetage [...] ait la moindre chance de réussite, le gouvernement Papandréou devra par tous les moyens convaincre les électeurs que l'austérité est le prix à payer pour un avenir meilleur - et pas seulement pour satisfaire les exigences des créanciers étrangers », martèle Dani Rodrik, professeur à l'université de Harvard (La Tribune, 17/06/200). Mais aussi outre-Rhin, où l'on connaît la défiance de l'opinion publique à l'égard de la Grèce. Cela doit éclairer les propos de Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe, tenus au magazine allemand Focus, où il annonce sans détour que « la souveraineté de la Grèce sera extrêmement restreinte ». Berlin doit compter également avec le tribunal constitutionnel de Karlsruhe, devant lequel un "échange de vues" s'est tenu mardi dernier à propos des mesures de solidarité budgétaire européenne... La crise des dettes souveraines n'a pas fini de faire la une de l'actualité.

Le quinquennat part en quenouille

26 juin 2011

Chronique enregistrée pour RFR le vendredi 17 juin 2011.

À l'approche de l'élection présidentielle, c'était hélas prévisible, le quinquennat part en quenouille. Je sais que tous les royalistes ne sont pas sensibles aux nuances de la politique républicaine. Cela dit, il y encore quelques mois, avec un peu d'efforts, certes, on pouvait deviner un cap. En matière de politique extérieure et de défense, par exemple, le président de la République semblait décidé à rompre avec l'anti-américanisme de façade. Pourtant, en novembre dernier, il a nommé un néo-gaulliste à l'Hôtel de Brienne, avant de l'envoyer au Quai dOrsay.

C'est dans le domaine de la fiscalité que l'inconséquence apparaît tout particulièrement patente. Philippe Mabille l'a souligné dans La Tribune le mois dernier : « Le quinquennat a commencé sur la valeur travail, le bouclier fiscal et l'affirmation d'une fiscalité récompensant le mérite, l'effort et la réussite. » Dorénavant, la majorité envisage une taxation supplémentaire des hauts revenus, tandis que Xavier Bertrand propose d'encadrer des rémunérations jugées « extravagantes ». « Jamais la fiscalité française n'a connu, sous un même gouvernement qui plus est, une telle instabilité et un tel manque de cohérence stratégique », poursuit notre confrère.

Selon lui, « le projet de contribution sur les très hauts revenus [...] est perçu comme un très mauvais signal par tous les créateurs d'entreprise et tous les cadres supérieurs internationaux. Nous sommes là, on l'a déjà vu avec les artistes (Johnny n'est jamais revenu) et les joueurs de football, dans le cœur du réacteur de la mondialisation : que cela plaise ou non, il y a une "élite" française, très mobile, très réactive sur la question des impôts, qui est prête à préférer l'exil plutôt que d'accepter de se voir tondre par un pays que beaucoup considèrent comme foutu. Et voir même Nicolas Sarkozy, celui en qui ils avaient placé en 2007 tous leurs espoirs de rupture, céder, pour des raisons purement électoralistes, aux tentations démagogiques, pour ne pas dire "gauchistes" de l'opinion médiatique, les rend encore plus furieux... et inquiets, alors que la perspective d'un nouveau tour de vis fiscal se précise pour l'après-2012. » Fin de citation.

Le rétropédalage s'avère pire que l'immobilisme, en cela qu'il sape la crédibilité du politique et participe d'un climat d'instabilité peu propice à la croissance. La CGPME a identifié quarante priorités à présenter au gouvernement. Quelle est la première d'entre elles, aux yeux de son président Jean-François Roubaud ? « Ne pas changer en permanence les règles du jeu. » C'est la réponse qu'il a donnée aux Échos dans un entretien publié jeudi dernier. À tort ou ou à raison, la fiscalité française est jugée peu attractive par les chefs d'entreprise européens. La France arrive même en queue du classement réalisé par Ipsos pour la Chambre de commerce et d'industrie de Paris. La confusion entretenue par le gouvernement ne contribuera pas à redorer cette image.

En revanche, peut-être cela fera-t-il évoluer celle du chef de l'État, passant du président "bling-bling" à celui du pouvoir d'achat. Cela nous ramène à cette mesure aberrante censée indexer une prime salariale sur l'évolution des dividendes versés aux actionnaires. En s'attaquant aux dividendes – à ne pas confondre avec les bénéfices ! – l'exécutif prend le risque de dissuader les entreprises d'actionner un levier propice à la fidélisation des actionnaires. Le capital étant rendu plus volatil, il se trouvera d'autant plus facilement livré aux spéculateurs. Des spéculateurs tout récemment érigés par Nicolas Sarkozy en ennemis jurés ! Bonjour la cohérence.

Mardi dernier, lors d'une conférence sur les matières premières, le président de la République a tacle un José Manuel Barroso jugé trop timoré. Le président de la Commission européenne a pourtant posé de bonnes questions. « Une meilleure régulation est sans aucun doute nécessaire », a-t-il déclaré. « Mais dans quelle mesure faut-il plus ou moins de régulation ? », s'est-il demandé. « Comment s'assurer que la régulation permette effectivement le bon fonctionnement des marchés, avec suffisamment de liquidités, la transparence nécessaire pour un mécanisme de formation des prix efficace, une allocation optimale des risques et, en bon français, un "level playing field" afin que les participants ne soient pas tentés d'aller vers des zones moins régulées du marché ? »

Peut-être faudrait-il songer à tirer quelque enseignements de la crise. Le président de la République flatte l'opinion en agitant la régulation à tout va. Encore faut-il l'appliquer à bon escient. On en mesure la perversité potentielle, par exemple, avec les mécanismes pro-cycliques à l'œuvre dans la crise des dettes souveraines. En effet, l'influence excessive des agences de notation résulte directement des règles édictées par les gouvernements. Reste qu'un consensus transpartisan semble le taire. Alors que le "politique d'abord" demeure d'actualité, son ignorance s'annonce comme un biais majeur des débats de la campagne présidentielle.

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Féminisme : surenchère à l'UMP

22 juin 2011

En route pour 2012, l'UMP se penche « sur la place des femmes dans la société ». Inspirées par une idéologie grotesque, ses propositions nourrissent une inquiétude grandissante, tant la folie semble gagner les élites politiques.

À l'approche des élections de 2012, l'UMP s'est fixé « un rendez-vous avec la modernité ». « Depuis 2007 », affirme-t-elle, « le gouvernement et les parlementaires de la majorité [...] ont été très actifs pour défendre et promouvoir l'égalité entre les sexes ». Sans doute cela n'aura-t-il pas suffi aux yeux de Jean-François Copé, chantre notoire de la parité, dont le parti verse délibérément dans la surenchère féministe.

En témoignent les vingt-six propositions présentées lundi dernier (20 juin 2011) « pour arriver enfin à l"égalité ». On y relève quelque écho au récent rapport de l'IGAS sur « sur l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités familiales dans le monde du travail ». En effet, selon l'UMP, « les femmes pourront pleinement investir le marché du travail quand notre vision de la parentalité aura évolué ». Autrement dit, « l'entreprise ne doit plus voir en ses salariés simplement des femmes et des hommes mais plutôt une majorité de mères et de pères [...], tous également susceptibles [...] de prendre un congé parental ».

On nous annonce une profusion de quotas. Afin, par exemple, d'« obliger les administrations à employer 40 % de cadres supérieurs de l'un ou de l'autre sexe d'ici 2015 ». L'UMP envisage même d'ériger la parité en obligation constitutionnelle ! Affichant la volonté de « changer inexorablement les mentalités », elle appelle, sans surprise, à lutter contre les « stéréotypes », accusés de « contrarier les talents et le potentiel de chacune et chacun ». Comme si les personnalités se construisaient sans référence à aucun repère social... Et de pointer les médias, coupables de mettre en scène « un monde binaire, voire archaïque » – rien de moins ! Faudra-t-il interdire d'antenne les femmes racontant leur grossesse avec enthousiasme ? Dans un premier temps, c'est la publicité qu'il conviendrait de mettre sous surveillance, avec « un examen systématique » des campagnes d'affichage.

La proposition la plus effarante vise à « introduire, dès la maternelle, des séances consacrées à la mixité et au respect hommes-femmes ». Avec, pour objectif explicite, « d'amener les enfants à se sentir autorisés à adopter des conduites non stéréotypées ». Autrement dit, à s'émanciper de leur identité sexuelle – de leur nature même ! On nage en plein délire.

L'IGAS veut mettre les pères au foyer

16 juin 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Un rapport officiel promeut l'égalité dans les ménages, avec, pour mesure phare, l'incitation des pères à profiter d'un "congé d'accueil de l'enfant".

En janvier dernier, Mme Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, avait confié à l'Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) une mission « sur l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités familiales dans le monde du travail ». Celle-ci vient de lui remettre son rapport, établi par Brigitte Grésy, qui avait signé, il y a deux ans, un « manuel de résistance » contre le « sexisme ordinaire », selon les termes de son éditeur. Cela plante le décor.

Mme Grésy observe que les hommes et les femmes « font l'objet, depuis l'enfance, d'assignations différentes en matière de rôles parentaux ». Lesquelles susciteraient, pour chaque sexe, « enfermement et résistances ». Et de citer les appellations "heure des mamans", "école maternelle", "assistantes maternelles", accusées d'assigner les femmes à la petite enfance. Or, prévient le rapporteur, « l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et, dans son sillage, l'égalité sociale, ne peut être atteinte tant qu'il y aura inégal partage des responsabilités domestiques et familiales ». Dans ces conditions, « un effort sans précédent » devrait être porté « sur tous les lieux de production et reproduction des stéréotypes sexués, que ce soit les lieux d'accueil collectifs de la petite enfance, l'école ou encore les médias ».

Mme Grésy se fait l'apôtre d'une double émancipation : « émancipation de la sphère privée pour les femmes », mais aussi « émancipation de la sphère publique pour les hommes ». En conséquence, elle formule vingt-cinq propositions, à commencer par la création d'un « congé d'accueil de l'enfant ». S'ajoutant au congé de maternité de douze semaines, il comprendrait huit semaines « à partager également entre les deux parents, non transférables, devant être pris à la suite du congé de maternité, avec un bonus d'une semaine, en cas de prise intégrale de son congé par le père, à prendre indifféremment entre les deux parents jusqu'au un an de l'enfant ». « Pour mieux associer les pères au déroulement de la grossesse de leur conjointe », il est proposé également « de leur ouvrir le droit de l'accompagner, lors des examens médicaux obligatoires ».

« Jouer sur les congés pour les pères est un élément central, en effet, de ce changement de paradigme » appelé par Mme Grésy. « Des études montrent ainsi que la prise de congés par les pères, à la naissance, dans les pays du Nord de l'Europe, a un impact fort, par la suite, sur la redéfinition et la redistribution des tâches domestiques et parentales. » Ce faisant, s'agit-il de répondre aux aspirations des femmes ? Bien qu'elle fustige « une injustice ménagère », Mme Grésy constate que celle-ci n'est pas « ressentie comme telle ». D'ailleurs, souligne-t-elle, le partage des tâches « souhaité dans le dire des femmes [...] est pourtant fragilisé par la toute-puissance de la compétence maternelle ». Et d'évoquer « la bataille autour de l'allaitement maternel et l'assignation, parfois abusive, faite aux jeunes mères de s'y conformer » qui « renforce ce lien d'exclusivité ». S'agit-il alors de répondre aux besoins des enfants ? Pas vraiment. « Les analyses sont, ici, délicates, non seulement parce qu'elles relèvent de champs variés des sciences humaines mais aussi parce que la valorisation du rôle du père auprès des enfants, aux côtés de la mère, risque de porter en elle une vision normative et ne saurait délégitimer d'autres formes d'éducation parentale. » Manifestement, ce rapport promeut l'instrumentalisation des mesures sociales en vue de remodeler les mœurs familiales suivant les canons d'une idéologie égalitariste. Le rapporteur pose « la question d'une immixtion peut-être trop importante de l'entreprise dans la vie privée des individus ». Sans doute devrait-il s'interroger sur celle des pouvoirs publics.

S'ils suivaient ses recommandations, ceux-ci parviendraient-ils au résultat escompté ? L'IGAS nous fournit quelques indices qui permettent d'en douter. La répartition du travail ménager serait caractérisée par « une remarquable stabilité en termes d'investissement temporel ». En outre, « dans les couples où les pères sont au foyer, les femmes qui occupent le rôle de pourvoyeuse de revenu n'abandonnent pas la responsabilité et la charge mentale relatives à la vie domestique et continuent en réalité de gérer une multiplicité de contraintes familiales et professionnelles [...] et les clivages traditionnels persistent ». Comme l'observe Mme Grésy, « l'entrée de la petite enfance dans la culture de la paternité est très récente à l'échelle de l'histoire et fait partie des bouleversements qui modifient les représentations les plus profondes ». Raison pour laquelle on préférera s'en remettre, plutôt qu'au volontarisme idéologique, à la sagesse de l'empirisme organisateur.

Savoir raison garder

16 juin 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Le nucléaire pourrait s'inviter au cœur de la campagne présidentielle. Or, la politique énergétique suppose des arbitrages difficiles. D'autant qu'il faut compter avec l'émotion et le "principe de précaution".

La Suisse et l'Allemagne avaient ouvert la voie ; l'Italie les a suivies : à l'occasion d'un référendum organisé les 12 et 13 juin, elle a exclu de revenir au nucléaire civil, à la faveur de 94 % des voix. Ce résultat, typique d'une république soviétique, souligne combien les démocraties occidentales sont sensibles à l'émotion – sinon soumises à sa dictature.

Pas de moratoire

En France, la catastrophe de Fukushima a ravivé la défiance à l'égard de l'atome, quoique celle-ci demeure bien moindre que chez nos voisins. Pour Nicolas Sarkozy, c'est l'occasion de revêtir ses nouveaux habits d'homme d'État : « Nous sommes les héritiers d'une histoire qui ne nous appartient pas », a-t-il déclaré le mardi 7 juin. « Je n'ai pas été élu pour détruire une filière industrielle qui crée de l'emploi, de la compétitivité et de l'indépendance énergétique. Il est extrêmement important d'avoir du sang-froid en toute chose. » (Les Échos, 08/06/2011)

De fait, aucun moratoire ne devrait interrompre la construction de deux EPR dans l'Hexagone. Anne Lauvergeon, le P-DG d'Areva, affiche un optimisme mesuré : « les projets de réacteurs nucléaires en cours d'examen seront retardés de six à neuf mois environ », a-t-elle prévenu (BFM Business, 30/05/2011). À moyen terme, peut-être son groupe profitera-t-il d'exigences de sécurité renforcées de part le monde. Paris milite de longue date en ce sens. Il l'a confirmé le 7 juin, en accueillant, dans la foulée du G8 de Deauville, un séminaire ministériel sur la sûreté nucléaire, où trente-trois pays étaient représentés. On parle, notamment, de développer les revues périodiques par les pairs. Étant donné les difficultés rencontrées par les Européens pour s'accorder sur des "tests de résistance", peut-être ce projet réclamera-t-il quelque habileté diplomatique pour être mis en œuvre.

Modèle français

Dominique Louis, président du directoire d'Assystem France, soutient que l'industrie « doit s'appuyer sur une autorité de sûreté nucléaire très forte, sur le modèle français ou américain, ainsi que sur un nombre limité d'opérateurs nucléaires pérennes et transparents » (Les Échos, 24/05/2011). Il établit une comparaison saisissante : «  En France, les cinquante-huit réacteurs sont opérés par un seul exploitant – EDF – autour de procédures de sécurité communes et partagées par l'ensemble des centrales. Un incident sur un réacteur fera l'objet d'une procédure de sécurité sur l'ensemble des autres réacteurs du même type. Le Japon, pour cinquante-quatre réacteurs, dénombre pas moins de onze exploitants, disposant chacun de ses propres procédures. [...] Par ailleurs, les récentes annonces de Tepco nous permettent de sérieusement douter de la solidité capitalistique, de la gouvernance et de la pérennité industrielle des opérateurs nucléaires japonais. Ces difficultés structurelles se reflètent dans la disponibilité du parc nucléaire japonais. Depuis 1998, elle a constamment chuté jusqu'à atteindre en 2009 moins de 60 % du potentiel de production, à comparer à une disponibilité supérieure à 75 % en France et 80 % aux États-Unis ou en Allemagne. »

Avant d'être submergée par un raz-de-marée, la centrale de Fukushima-Daiichi a résisté à un séisme d'une magnitude exceptionnelle. Cela ne manquera pas de nourrir la confiance des plus optimistes. Mais nul ne peut assurer avec une absolue certitude qu'aucune catastrophe nucléaire ne surviendra jamais en France. Reste à en évaluer le risque et les conséquences potentielles, puis à les mettre en perspective. Berlin aurait abandonné l'atome en marge de toute concertation européenne. Quoique sa décision soit vraisemblablement dictée par un calcul électoral, cette désinvolture peut sembler significative d'une matière où les arbitrages apparaissent authentiquement politiques.

Le social s'en mêle

L'expertise et la technocratie ne sauraient suffire quand sont en jeu, tout à la fois, l'indépendance du pays, la santé de ses habitants, la compétitivité de son économie. Aux méfaits potentiels des radiations, il convient de confronter les conséquences avérées de la pollution atmosphérique ; au risque de mettre en friche un territoire sinistré, on opposera la crainte de fragiliser l'emploi... « Depuis le début du débat sur la sortie rapide du nucléaire, le prix du kilowatt-heure à la bourse de l'électricité a augmenté de 10 % et celui des certificats d'émissions de CO2 de 2 euros la tonne », souligne Utz Tillmann, directeur de la fédération allemande de la chimie (Les Échos, 31/05/2011). « Notre industrie ne peut répercuter ces hausses sur ses produits », a-t-il prévenu. « À terme, si notre politique d'innovation ne peut déboucher sur la mise sur le marché de produits à des prix concurrentiels, l'industrie devra se poser la question de rester ou non sur le sol allemand. »

Reste que le nucléaire suscite un effroi tout particulier.  Parce qu'il touche à l'intimité de la matière, que ses méfaits s'enracinent durablement dans l'environnement, qu'il suscite un danger invisible... Agitant à tout va le principe de précaution, la société feint de croire qu'elle va bannir le risque. Tout au plus le rendra-t-elle plus diffus. Quitte à restreindre les marges de manœuvre du politique.

Remontrances européennes

3 juin 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Tous les mois, une pluie de remontrances en provenance de Bruxelles s'abat sur les États membres de l'UE. Parmi les communiqués diffusés le 19 mai par la Commission européenne, six concernaient la France.

Ainsi Paris est-il suspecté de ne pas avoir transposé une directive portant sur la gestion des déchets. Ou de mettre en œuvre des projets d'infrastructures sans procéder aux évaluations nécessaires portant sur la sécurité routière. Il négligerait par ailleurs la qualité de l'air, alors que le taux de particules en suspension dépasserait les valeurs limites dans seize zones du territoire national. Bruxelles pointe également les cagoules des sapeurs-pompiers, pour lesquelles Paris exige des conditions de sécurité étrangères aux dispositions communautaire – au risque d'« entraîner une distorsion sur le marché intérieur ». En outre, il est reproché à la France de restreindre l'accès à son marché du lait de brebis, du lait de chèvre et de leurs produits dérivés, et d'invoquer à cet effet un prétexte fallacieux, la crainte de la tremblante (l'équivalent, chez les ovins et les caprins, de la "maladie de la vache folle") étant jugée déplacée.

Fiscalité et "libre circulation"

La fiscalité n'est pas en reste. Elle se heurte, à nouveau, au principe de "libre circulation", dont on sait que l'acception européenne est très large. En cause : le code général des impôts, affectant d'une retenue à la source les dividendes versés à l'étranger. « Du fait de cette discrimination, les fonds de pension et d'investissement établis dans d'autres pays de l'UE [...] sont désavantagés par rapport à leurs contreparties établies en France, et les clients français risquent donc de bénéficier d'un choix de fonds de pension et d'investissement moins important », soutient la Commission. L'année dernière, la France aurait introduit de nouvelles dispositions en vertu desquelles les revenus d'actions distribués aux organismes sans but lucratif (y compris les fonds de pension), qu'ils soient ou non établis en France, seraient imposés au taux forfaitaire de 15 %. Toutefois, relève Bruxelles, « il semble qu'en l'absence de modalités d'exécution administratives plus détaillées, ces changements n'aient pas été appliqués dans la pratique ».

Enfin, la profession de notaire pourra désormais être exercée par des ressortissants étrangers. Ainsi en a décidé la Cour de Justice de l'Union européenne le 24 mai, au motif que cette activité ne relève pas, selon son interprétation, de « l'exercice de l'autorité publique ». Le cas échéant, l'Union européenne consent tout de même à s'accommoder de quelque préférence nationale.

Royalisme ou populisme, il faut choisir !

26 mai 2011

Quatrième chronique pour RFR. Parmi les sujets abordés cette fois-ci : la prime sur les dividendes, le rôle de l'État et le populisme.

Selon les conclusions d'un sondage Viavoice-BPCE réalisé pour Les Échos et France info, 62 % des Français seraient favorables à la prime Sarkozy sur les dividendes. C'est désespérant, quoique très compréhensible.

On pourrait disserter des heures durant sur ce dispositif inepte, présenté hier en conseil des ministres. Selon le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2011, donc, les entreprises comptant plus de cinquante salariés seraient priées de verser une prime à leurs employés, dès lors que les dividendes attribués aux actionnaires augmenteraient par rapport à la moyenne des deux années précédentes. Vous suivez ? Dans le cas contraire, cela n'aurait rien d'étonnant : « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement »... et inversement !

Cette prime est censée contribuer au « partage de la valeur ajoutée » cher au chef de l'État. Comme si les dividendes et leur évolution étaient toujours à l'image des bénéfices. Or, c'est loin, très loin d'être le cas. Prenez la situation de Total, vilipendé pour se profits considérables : ses dividendes étant restés stables, il ne sera pas soumis à la prime Sarkozy. En revanche, le patron d'une PME qui ne se verserait aucun salaire devra négocier avec ses employés l'augmentation de sa rémunération, c'est un comble ! Tout cela n'a aucun sens : pourquoi les salariés seraient-ils plus ou moins avantagés selon que leur entreprise se finance sur les marchés, en mobilisant des actionnaires, ou bien auprès des banques, en souscrivant des prêts rémunérés par des intérêts ?

Les partenaires sociaux ne s'y sont pas trompés. De façon quasi unanime, patrons et syndicats ont dénoncé cette immixtion de l'État dans leurs négociations. Mais l'opinion publique demeure sensible aux slogans simplistes – du genre "pas de prime pour les actionnaires sans prime pour les salariés". Pour le président de la République, il s'agit, naturellement, d'exploiter quelques clichés néo-marxistes ancrés dans les esprits. À commencer par l'opposition systématique entre capital et travail.

On stigmatise volontiers ces actionnaires cupides, accusés de s'enrichir sur le dos des salariés. Qu'en est-il dans les faits ? « Il y a un an, la Bourse française était encore déprimée », rappelle Florin Aftalion, professeur émérite à l'Essec, dans un article publié par La Tribune. « En revanche », poursuit-il, « il y a dix ans, elle était en pleine forme. [...] Un portefeuille représentant l'indice constitué à ce moment-là et conservé depuis aurait aujourd'hui perdu 28 % de sa valeur initiale ; en incorporant les dividendes reçus, son rapport sur dix [ans] aurait été inférieur à 1 % par an ! En valeur réelle, compte tenu de l'inflation, il aurait perdu de l'argent. »

À certains égards, il apparaît donc injuste de jeter l'anathème sur les détenteurs des capitaux. Mais cela s'avère surtout stérile, et même contre-productif. Hélas, les politiciens ne s'en privent pas. Tels Nicolas Sarkozy, nous l'avons vu, mais aussi Marine Le Pen, avec, dans son cas, la bénédiction de certains royalistes. Incarné par une femme, l'homme providentiel leur apparaît soudain plus fréquentable... Mes camarades me pardonneront de les caricaturer – ils savent que je le fais en toute amitié. Cela dit, on s'étonne de les voir ainsi conquis par le virage jacobin du Front national. Sans doute cela s'inscrit-il dans la logique souverainiste : en s'accommodant de la « souverainété nationale » récusée par Maurras, on assimilait déjà, plus ou moins, l'État à la nation ; dorénavant, c'est également la nation qu'on assimile à l'État.

Dans le dernier numéro de L'Action Française 2000, Paul-Marie Coûteaux pointe l'influence des syndicats d'enseignants pour illustrer la perte de souveraineté de l'État. Ce faisant, il exclut implicitement de limiter celle-ci à quelques fonctions régaliennes, et se méprend sur les causes de l'impuissance publique. De toute façon, on n'œuvrera pas au retour du roi en entretenant la conception d'un État tentaculaire dont les monarchistes dénonçaient jadis les germes totalitaires.

Selon Maurras, « un État normal laisse agir, sous son sceptre et sous son épée [certes], la multitude des petites organisations spontanées, collectivités autonomes, qui étaient avant lui et qui ont chance de lui survivre, véritable substance immortelle de la nation ». En cela, je suis désolé de le dire, le maître de l'AF ne me semble pas opposé à certains libéraux. Je pense à Alain Madelin, auteur, par exemple, d'un plaidoyer pour la subsidiarité publié sur son blog lundi dernier. « Dans la grande société ouverte qui se dessine aujourd'hui », écrit-il, « les relations verticales d'hier sont largement remplacées par des liens horizontaux dans un grand chamboule-tout de la pyramide des pouvoirs ». La suite est plus intéressante : « On a longtemps cru que plus les choses devenaient complexes, plus elles devaient être dirigées d'en-haut. On sait maintenant qu'au contraire, il faut laisser la plus large autonomie aux éléments qui composent un système complexe pour permettre leur coordination. » Cela rend d'autant plus actuelle la conception "royaliste" de l'État... et d'autant plus regrettable son abandon pas ses promoteurs traditionnels.

Participant des déboires de l'État-providence, la crise de la dette souveraine fournirait un prétexte idéal à la dénonciation de l'incurie républicaine. L'Alliance royale le martèle à chacune de ses campagnes : « Un président est un chef de parti, qui pense à la prochaine élection  ; un roi est un chef d'État, qui pense à la prochaine génération. »  Dans ce contexte, cependant, la vulgate tend à dédouaner les politiques de leurs responsabilités, puisque ceux-ci sont soumis, paraît-il, à la toute-puissance des marchés.

Tandis que monte la grogne populaire, « il appartient à l'Action française non seulement d'accompagner ce mouvement mais aussi et surtout de l'éclairer » C'est, en tout cas, ce que clamait François Marcilhac le 8 mai dernier, dans son discours prononcé à l'occasion de la fête de Jeanne d'Arc. Nous sommes d'accord ! Reste qu'à cet effet, les royalistes devraient plutôt se méfier des sirènes populistes. Appeler au primat du politique sur l'économique, c'est exprimer des valeurs, mais non donner un cap à l'action publique – sauf à revendiquer également le primat de l'État sur les entreprises en lançant un vaste programme de nationalisations.

En son temps, le maître de l'Action française pouvait établir le constat selon lequel « l'économie industrielle ne joue point dans le vaste cadre de la planète ». Manifestement, les circonstances ont changé, et cela s'avère pour le moins déstabilisant. Peut-être cette évolution explique-t-elle la tentation d'enfoncer des portes ouvertes par d'autres, ou celle de se réfugier dans un dédain romantique de l'économie... Il nous appartient pourtant d'en tirer les conséquences. Le défi qui nous est lancé s'annonce passionnant à relever ! Mais peut-être préférera-t-on rester en marge de l'histoire ?

Rendez-vous sur le site de RFR pour découvrir les autres interventions :

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Intoxication écologiste

22 mai 2011

Les hippies ont-ils colonisé l'AF ? On se le demande à la lecture d'un billet inscrivant quelque mouvance écologiste dans la continuité de l'école maurrassienne.

Voyez plutôt : chercher « à établir des lois pour l'organisation des sociétés humaines en s'inspirant et en s'instruisant de l'observation scrupuleuse des lois de la biosphère » ne serait pas « sans rappeler à quelques égards » l'"emprisime organisateur" cher à Maurras. Lequel résumait sa méthode à « l'examen des faits sociaux naturels et l'analyse de l'histoire politique ». Que l'on place l'homme ou la terre cœur de ses préoccupations, c'est du pareil au même, cela va sans dire !

Mais il y a plus osé encore : « mettre fin à la colonisation multiforme [...] du monde par la civilisation industrielle » relèverait d'un « appel à la "politique naturelle" ». Le pauvre Maurras doit se retourner dans sa tombe ! À ses yeux, n'en déplaise à ses curieux héritiers, il n'était « rien de plus magnifique » que « l'occupation des espaces par la société humaine et leur réduction à ses lois ». Rien d'étonnant à cela, puisque sa démarche consistait, nous semble-t-il, à prendre acte de la nature humaine, pour en assumer délibérément les conséquences, à l'opposé d'un individualisme volontariste. Une nature dont participe au premier chef un caractère industrieux – ce serait même « la définition première de l'homme » selon le Martégal.

On concédera aux écolos que « tous ces changements que nous opérons dans l'économie de notre planète n'ont mené à rien jusqu'ici et [que] rien ne permet d'admettre qu'ils conduisent jamais à rien ». Mais « nous y travaillons parce qu'il est dans notre ordre d'y travailler » – un point c'est tout.

C'est donc tout le contraire d'une "politique naturelle" qui nous est proposé ici. Il n'est d'ailleurs pas exclu que l'AF renie ses propres principes en récusant plus ou moins l'économie, l'industrie et la technique... « La vérité politique et sociale qui nous conduit n'a pas la forme du regret », disait encore Maurras. « Elle est plutôt désir, curiosité, solide espérance apportant les moyens de réaliser l'avenir avec une imperturbable sécurité. »

Cela étant, à l'époque où il écrivait, le maître de l'Action française pouvait encore établir le constat selon lequel « l'économie industrielle ne joue point dans le vaste cadre de la planète ». Preuve que le monde a changé et qu'on ne saurait se contenter de boire ses paroles.

Gaz de schiste : prudence contre précaution

19 mai 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Sensibles à l'inquiétude populaire, respectueux du "principe de précaution", les députés ont voté l'interdiction d'une technique permettant l'exploitation des gaz de schiste, une ressource énergétique pleine de promesses.

L'exploitation mais aussi l'exploration des mines d'hydrocarbures non conventionnels seront bannies du territoire national, du moins si elles se font par "fracturation hydraulique". Ainsi en a décidé, mercredi 11 mai, l'Assemblée nationale. Cela en vertu du "principe de précaution" inscrit dans la Constitution depuis 2005. Revenant sur ses propres décisions, le gouvernement avait déclaré l'urgence sur une proposition de loi déposée à cet effet par Christian Jacob, le chef de file des députés UMP.

Moratoire américain

Dans le collimateur des parlementaires figuraient, plus particulièrement, les gaz de schiste. Connus depuis longtemps, ceux-ci ont commencé à être exploités aux États-Unis, à la faveur des innovations technologiques stimulées par la hausse des prix de l'énergie. Afin de libérer le fluide prisonnier, un mélange d'eau, de sable et de substances chimiques est injecté dans la roche à très haute pression. Avec le risque de contaminer les nappes phréatiques traversées par les forages ? C'est, en tout cas, la crainte affichée par nos députés, mais aussi par l'État de New York, où un moratoire sur l'exploitation a été décrété, dans l'attente des conclusions de l'Environmental Protection Agency annoncées pour 2012. Son travail s'avère délicat, en raison du secret industriel qui lui est opposé. « L'EPA a dû par exemple assigner Halliburton devant la justice pour obtenir la liste des produits chimiques utilisés dans le procédé », rapporte Étienne Beeker, dans une note du Centre d'analyse stratégique. Une enquête similaire avait été entreprise en 2004. Elle avait conclu, précise-t-il, « à l'innocuité des processus d'extraction pour les eaux potables, ce qui amène de nombreux experts à être confiants dans les résultats de l'étude en cours ».

En avril dernier, Gérard Mestrallet avait déploré que la France décide « de tourner la page des gaz de schiste avant même de l'avoir ouverte » (Les Échos, 14/04/2011). De la part du P-DG de GDF-Suez, ce discours apparaît éminemment convenu. Cela dit, l'intérêt des industriels doit être relativisé : pour Total, l'impact de la loi serait « négligeable ». C'est, en tout cas, ce que soutient son président, Christophe de Margerie. Le groupe, déjà engagé au Danemark, vient d'ailleurs de s'allier à Exxon Mobil pour exploiter des gaz de schiste en Pologne.

De fait, les enjeux sont loin de se résumer aux convoitises des multinationales. Tandis que le "pouvoir d'achat" semble en passe de s'imposer comme un thème phare de la campagne présidentielle, « l'impact de ces nouvelles ressources sur les prix du gaz est déjà sensible », souligne Étienne Beeker – quoique cette baisse soit « difficilement perceptible par le consommateur français, pour lequel le prix du gaz, indexé dans des contrats de long terme à plus de 80 % sur le prix du pétrole, continue d'augmenter ». Faute d'avoir mené les travaux d'exploration nécessaires, on ignore l'ampleur des ressources du sous-sol français. Celles-ci pourraient être considérables : selon certaines estimations, elles représenteraient quatre-vingt-dix ans de la consommation actuelle de gaz (Les Échos, 21/04/2011). C'est dire l'intérêt qu'elles présentent au regard de l'"indépendance énergétique de la France".

Révolution mondiale

Rien d'étonnant, donc, à ce que le Centre d'analyse stratégique annonce « une révolution gazière qui pourrait bien bouleverser le paysage énergétique mondial ». Entre 2000 et 2008, la part du gaz dans le mix électrique américain serait passée de 18 à 24 %. « Importateurs nets de gaz il y a peu, les États-Unis sont aujourd'hui autosuffisants et ils sont également redevenus le premier producteur de gaz, devant la Russie. De plus, l'attitude de la Chine aura des conséquences considérables pour l'Europe, surtout si ce pays, comme il le souhaite, parvient à exploiter ses réserves très prometteuses de GNC [gaz non conventionnels]. La Russie, pour qui la Chine peut devenir un importateur alternatif important, perdrait une partie de ses débouchés potentiels. Une partie du GNL [gaz naturel liquéfié] en provenance du Moyen-Orient et à destination de l'Asie de l'Est pourrait également être réorientée vers notre continent, qui en profiterait. Les gaz non conventionnels fragiliseraient donc la position de la Russie, notamment dans ses échanges gaziers avec l'Europe. »

Dans ces conditions, si le "principe de précaution" impose de prendre en compte les risques pesant sur l'environnement, la prudence politique requiert, selon nous, leur mise en perspective. D'autant que les inquiétudes sont vraisemblablement décuplées par l'alarmisme écologiste, le sensationnalisme médiatique et le clientélisme électoral. La préoccupation des élus, soucieux d'épargner à leur circonscription la laideur des installations industrielles, apparaît à bien des égards légitimes. « Aujourd'hui, le bonheur public, du moins tel que se l'imagine la puissance du même nom, ne doit pas se faire au prix du malheur individuel », remarque notre confrère Philippe Escande. « Le problème », poursuit-il dans Les Échos (10/05/2011), « c'est que, à ce train-là, la vie promet de devenir de plus en plus difficile. Pour se cantonner au seul cas de l'énergie, aucune technique de production d'électricité, qu'il s'agisse d'hydraulique, de biomasse, d'éolien et à plus forte raison de charbon ou de nucléaire, n'est exempte de risque et toute nouvelle installation en France dans ces énergies pourrait soulever la même colère. » Pour tempérer la grogne des élus, d'aucuns proposent de revoir la fiscalité locale... L'arbitrage politique n'en demeurera pas moins un art difficile.

Après L'Express, France Culture

29 avril 2011

Brève incursion sur la bande FM 😉

À l'occasion du mariage de Kate et William, France Culture a donné la parole aux républicains britanniques, mais aussi aux monarchistes français.

Notre consœur Laurie Fachaux, dont la voix vous sera peut-être familière, est venue visiter les bureaux de L'Action Française 2000, où nous lui avons accordé un bref entretien.

Ce faisant, nous n'avons pas manqué de faire la publicité de notre employeur, sachant bien que notre racolage serait coupé au montage. Or, très courtoisement, notre interlocutrice a finalement choisi d'annoncer notre prochain numéro en conclusion de son reportage. Qu'elle en soit remerciée.