7 juillet 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Le vote du Parlement hellénique préserve une timide accalmie
sur le front des marchés. Cela étant, bien que les banques semblent
disposées à participer à l'opération, le "sauvetage" de la Grèce n'est
toujours pas assuré.
Un soupir de soulagement a traversé l'Europe le mercredi
29 juin. En dépit des manifestations qui agitaient la Grèce,
le Parlement hellénique a validé le programme de réformes et de
privatisations négocié avec la Commission européenne, la BCE et le FMI.
Ceux-ci en avaient fait un préalable au versement d'une nouvelle
tranche de prêts de 12 milliards d'euros, sans lesquels
Athènes n'aurait plus été en mesure d'honorer ses dettes dès cet été.
Le vote a été emporté à la faveur de 155 voix contre 138. Le Premier
ministre George Papandréou est donc parvenu à rassembler ses troupes,
un seul élu socialiste s'étant refusé à rentrer dans le rang.
L'opposition veut plus de rigueur
Quant à l'opposition, elle est loin de faire écho à toutes les
protestations de la rue. « Nous aurions voté en
faveur de plusieurs mesures du plan du gouvernement si celui-ci n'avait
pas imposé un vote unique », souligne le député Christos
Staikouras. Son parti « estime que la situation réclame plus
d'agressivité dans les coupes des dépenses courantes et dans la
restructuration des entreprises nationalisées », résume notre
confrère Massimo Prandi (Les Échos,
28/06/2011). Tandis qu'on peine à distinguer les voix proposant une
véritable alternative, Herman Van Rompuy, le président du
Conseil européen, verse dans un relatif cynisme :
« Quand on exécute le programme d'assainissement budgétaire
année après année, on doit passer un mauvais moment mais la confiance
finit par revenir », a-t-il déclaré.
Les Européens vont-ils se résoudre à restructurer la dette
contractée par la Grèce ? On semble s'y préparer, bien que
cette perspective demeure exclue par les gardiens de l'orthodoxie
monétaire, tel Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France.
« C'est une illusion dangereuse », a-t-il prévenu
dans la lettre introductive de son rapport annuel. Selon lui, une
réduction ou un rééchelonnement « entraînent toujours, au
moins dans un premier temps, une réduction supplémentaire de la
confiance et de moindres apports de capitaux, ce qui augmente l'effort
nécessaire ». En filigrane, des rivalités institutionnelles
confortent peut-être la prudence des banquiers centraux. La BCE ayant
racheté des obligations grecques sur le marché secondaire,
« une décote de ces actifs la rendrait extrêmement vulnérable,
et très dépendante des États de la zone euro, qui devraient la
recapitaliser », explique notre confrère Robert Jules (La Tribune,
13/06/2011).
Équilibristes
Cela étant, le spectre d'une "contagion" nourrit des
inquiétudes légitimes. Pour l'heure, les responsables politiques
s'essaient à un numéro d'équilibriste, afin d'impliquer les
institutions privées dans le "sauvetage" de la Grèce sans déclencher un
"événement de crédit". Des discussions fructueuses auraient été
entamées à cet effet entre Bercy et les principaux créanciers français.
Ceux-ci seraient disposés à réinvestir 70 % de la valeur des
titres arrivant à échéance... à des conditions toutefois suffisamment
avantageuses pour être jugées incitatives. Aux yeux de
Standard & Poor's, le plan esquissé n'en
constituerait pas moins un "défaut sélectif" (Athènes restructurant
effectivement une partie, mais non la totalité, de sa dette
obligataire). Dans le cas présent, il conviendrait toutefois de
relativiser l'influence des agences de notation. « Ce n'est
pas parce qu'une agence décrète un défaut que les détenteurs de titres
enregistrent une perte », tempère notre consœur Isabelle Couet
(Les Échos, 04/07/2011).
« S&P laisse entendre que le classement en "défaut" ne
serait que temporaire et reconnaît en filigrane que le plan de la
[Fédération bancaire française] pourrait même améliorer la note de la
Grèce a posteriori ». Dès lors, conclut-elle, « même
la Banque centrale européenne (BCE) ne serait pas véritablement
menacée ».
Défiance populaire
Reste le second front : celui de l'opinion. D'abord
en Grèce : « Pour que le plan de sauvetage [...] ait
la moindre chance de réussite, le gouvernement Papandréou devra par
tous les moyens convaincre les électeurs que l'austérité est le prix à
payer pour un avenir meilleur - et pas seulement pour satisfaire les
exigences des créanciers étrangers », martèle Dani Rodrik,
professeur à l'université de Harvard (La Tribune,
17/06/200). Mais aussi outre-Rhin, où l'on connaît la défiance de
l'opinion publique à l'égard de la Grèce. Cela doit éclairer les propos
de Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois et président
de l'Eurogroupe, tenus au magazine allemand Focus,
où il annonce sans détour que « la souveraineté de la Grèce
sera extrêmement restreinte ». Berlin doit compter également
avec le tribunal constitutionnel de Karlsruhe, devant lequel un
"échange de vues" s'est tenu mardi dernier à propos des mesures de
solidarité budgétaire européenne... La crise des dettes souveraines n'a
pas fini de faire la une de l'actualité.
Chronique enregistrée pour RFR le
vendredi 17 juin 2011.
À l'approche de l'élection présidentielle, c'était hélas
prévisible, le quinquennat part en quenouille. Je sais que tous les
royalistes ne sont pas sensibles aux nuances de la politique
républicaine. Cela dit, il y encore quelques mois, avec un peu
d'efforts, certes, on pouvait deviner un cap. En matière de politique
extérieure et de défense, par exemple, le président de la République
semblait décidé à rompre avec l'anti-américanisme de façade. Pourtant,
en novembre dernier, il a nommé un néo-gaulliste à l'Hôtel de Brienne,
avant de l'envoyer au Quai dOrsay.
C'est dans le domaine de la fiscalité que l'inconséquence
apparaît tout particulièrement patente. Philippe Mabille l'a souligné
dans La Tribune le mois dernier : « Le
quinquennat a commencé sur la valeur travail, le bouclier fiscal et
l'affirmation d'une fiscalité récompensant le mérite, l'effort et la
réussite. » Dorénavant, la majorité envisage une taxation
supplémentaire des hauts revenus, tandis que Xavier Bertrand propose
d'encadrer des rémunérations jugées
« extravagantes ». « Jamais la fiscalité
française n'a connu, sous un même gouvernement qui plus est, une telle
instabilité et un tel manque de cohérence stratégique »,
poursuit notre confrère.
Selon lui, « le projet de contribution sur les très
hauts revenus [...] est perçu comme un très mauvais signal par tous les
créateurs d'entreprise et tous les cadres supérieurs internationaux.
Nous sommes là, on l'a déjà vu avec les artistes (Johnny n'est jamais
revenu) et les joueurs de football, dans le cœur du réacteur de la
mondialisation : que cela plaise ou non, il y a une "élite"
française, très mobile, très réactive sur la question des impôts, qui
est prête à préférer l'exil plutôt que d'accepter de se voir tondre par
un pays que beaucoup considèrent comme foutu. Et voir même Nicolas
Sarkozy, celui en qui ils avaient placé en 2007 tous leurs espoirs de
rupture, céder, pour des raisons purement électoralistes, aux
tentations démagogiques, pour ne pas dire "gauchistes" de l'opinion
médiatique, les rend encore plus furieux... et inquiets, alors que la
perspective d'un nouveau tour de vis fiscal se précise pour
l'après-2012. » Fin de citation.
Le rétropédalage s'avère pire que l'immobilisme, en cela qu'il
sape la crédibilité du politique et participe d'un climat d'instabilité
peu propice à la croissance. La CGPME a identifié quarante priorités à
présenter au gouvernement. Quelle est la première d'entre elles, aux
yeux de son président Jean-François Roubaud ? « Ne pas changer
en permanence les règles du jeu. » C'est la réponse qu'il a
donnée aux Échos dans un entretien publié jeudi
dernier. À tort ou ou à raison, la fiscalité française est jugée peu
attractive par les chefs d'entreprise européens. La France arrive même
en queue du classement réalisé par Ipsos pour la Chambre de commerce et
d'industrie de Paris. La confusion entretenue par le gouvernement ne
contribuera pas à redorer cette image.
En revanche, peut-être cela fera-t-il évoluer celle du chef de
l'État, passant du président "bling-bling" à celui du pouvoir d'achat.
Cela nous ramène à cette mesure aberrante censée indexer une prime
salariale sur l'évolution des dividendes versés aux actionnaires. En
s'attaquant aux dividendes – à ne pas confondre avec les bénéfices ! –
l'exécutif prend le risque de dissuader les entreprises d'actionner un
levier propice à la fidélisation des actionnaires. Le capital étant
rendu plus volatil, il se trouvera d'autant plus facilement livré aux
spéculateurs. Des spéculateurs tout récemment érigés par Nicolas
Sarkozy en ennemis jurés ! Bonjour la cohérence.
Mardi dernier, lors d'une conférence sur les matières
premières, le président de la République a tacle un José Manuel Barroso
jugé trop timoré. Le président de la Commission européenne a pourtant
posé de bonnes questions. « Une meilleure régulation est sans
aucun doute nécessaire », a-t-il déclaré. « Mais dans
quelle mesure faut-il plus ou moins de
régulation ? », s'est-il demandé. « Comment
s'assurer que la régulation permette effectivement le bon
fonctionnement des marchés, avec suffisamment de liquidités, la
transparence nécessaire pour un mécanisme de formation des prix
efficace, une allocation optimale des risques et, en bon français, un
"level playing field" afin que les participants ne soient pas tentés
d'aller vers des zones moins régulées du marché ? »
Peut-être faudrait-il songer à tirer quelque enseignements de
la crise. Le président de la République flatte l'opinion en agitant la
régulation à tout va. Encore faut-il l'appliquer à bon escient. On en
mesure la perversité potentielle, par exemple, avec les mécanismes
pro-cycliques à l'œuvre dans la crise des dettes souveraines. En effet,
l'influence excessive des agences de notation résulte directement des
règles édictées par les gouvernements. Reste qu'un consensus
transpartisan semble le taire. Alors que le "politique d'abord" demeure
d'actualité, son ignorance s'annonce comme un biais majeur des débats
de la campagne présidentielle.
Rendez-vous sur le site de RFR pour
découvrir les autres interventions :
En route pour 2012, l'UMP se penche « sur la place
des femmes dans la société ». Inspirées par une idéologie
grotesque, ses propositions nourrissent une inquiétude grandissante,
tant la folie semble gagner les élites politiques.
À l'approche des élections de 2012, l'UMP s'est fixé
« un rendez-vous avec la modernité ».
« Depuis 2007 », affirme-t-elle, « le
gouvernement et les parlementaires de la majorité [...] ont été très
actifs pour défendre et promouvoir l'égalité entre les
sexes ». Sans doute cela n'aura-t-il pas suffi aux yeux de
Jean-François Copé, chantre notoire de la parité, dont le parti verse
délibérément dans la surenchère féministe.
En témoignent les
vingt-six propositions présentées lundi dernier (20 juin
2011) « pour arriver enfin à l"égalité ». On y relève
quelque écho au
récent rapport de l'IGAS sur « sur l'égal accès des
femmes et des hommes aux responsabilités familiales dans le monde du
travail ». En effet, selon l'UMP, « les femmes
pourront pleinement investir le marché du travail quand notre vision de
la parentalité aura évolué ». Autrement dit,
« l'entreprise ne doit plus voir en ses salariés simplement
des femmes et des hommes mais plutôt une majorité de mères et de pères
[...], tous également susceptibles [...] de prendre un congé
parental ».
On nous annonce une profusion de quotas. Afin, par exemple,
d'« obliger les administrations à employer 40 % de cadres
supérieurs de l'un ou de l'autre sexe d'ici 2015 ». L'UMP
envisage même d'ériger la parité en obligation constitutionnelle !
Affichant la volonté de « changer inexorablement les
mentalités », elle appelle, sans surprise, à lutter contre les
« stéréotypes », accusés de « contrarier les
talents et le potentiel de chacune et chacun ». Comme si les
personnalités se construisaient sans référence à aucun repère social...
Et de pointer les médias, coupables de mettre en scène « un
monde binaire, voire archaïque » – rien de moins !
Faudra-t-il interdire d'antenne les femmes racontant leur grossesse
avec enthousiasme ? Dans un premier temps, c'est la publicité
qu'il conviendrait de mettre sous surveillance, avec « un
examen systématique » des campagnes d'affichage.
La proposition la plus effarante vise à « introduire,
dès la maternelle, des séances consacrées à la mixité et au respect
hommes-femmes ». Avec, pour objectif explicite,
« d'amener les enfants à se sentir autorisés à adopter des
conduites non stéréotypées ». Autrement dit, à s'émanciper de
leur identité sexuelle – de leur nature même ! On nage en
plein délire.
16 juin 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Un rapport officiel promeut l'égalité dans les ménages, avec,
pour mesure phare, l'incitation des pères à profiter d'un "congé
d'accueil de l'enfant".
En janvier dernier, Mme Roselyne Bachelot, ministre
des Solidarités et de la Cohésion sociale, avait confié à l'Inspection
générale des Affaires sociales (IGAS) une mission « sur l'égal
accès des femmes et des hommes aux responsabilités familiales dans le
monde du travail ». Celle-ci vient de lui remettre son
rapport, établi par Brigitte Grésy, qui avait signé, il y a deux ans,
un « manuel de résistance » contre le
« sexisme ordinaire », selon les termes de son
éditeur. Cela plante le décor.
Mme Grésy observe que les hommes et les femmes
« font l'objet, depuis l'enfance, d'assignations différentes
en matière de rôles parentaux ». Lesquelles susciteraient,
pour chaque sexe, « enfermement et résistances ». Et
de citer les appellations "heure des mamans", "école maternelle",
"assistantes maternelles", accusées d'assigner les femmes à la petite
enfance. Or, prévient le rapporteur, « l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes, et, dans son sillage,
l'égalité sociale, ne peut être atteinte tant qu'il y aura inégal
partage des responsabilités domestiques et familiales ». Dans
ces conditions, « un effort sans précédent » devrait
être porté « sur tous les lieux de production et reproduction
des stéréotypes sexués, que ce soit les lieux d'accueil collectifs de
la petite enfance, l'école ou encore les médias ».
Mme Grésy se fait l'apôtre d'une double
émancipation : « émancipation de la sphère privée
pour les femmes », mais aussi « émancipation de la
sphère publique pour les hommes ». En conséquence, elle
formule vingt-cinq propositions, à commencer par la création d'un
« congé d'accueil de l'enfant ». S'ajoutant au congé
de maternité de douze semaines, il comprendrait huit semaines
« à partager également entre les deux parents, non
transférables, devant être pris à la suite du congé de maternité, avec
un bonus d'une semaine, en cas de prise intégrale de son congé par le
père, à prendre indifféremment entre les deux parents jusqu'au un an de
l'enfant ». « Pour mieux associer les pères au
déroulement de la grossesse de leur conjointe », il est
proposé également « de leur ouvrir le droit de l'accompagner,
lors des examens médicaux obligatoires ».
« Jouer sur les congés pour les pères est un élément
central, en effet, de ce changement de paradigme » appelé par
Mme Grésy. « Des études montrent ainsi que la prise
de congés par les pères, à la naissance, dans les pays du Nord de
l'Europe, a un impact fort, par la suite, sur la redéfinition et la
redistribution des tâches domestiques et parentales. » Ce
faisant, s'agit-il de répondre aux aspirations des femmes ?
Bien qu'elle fustige « une injustice ménagère »,
Mme Grésy constate que celle-ci n'est pas « ressentie
comme telle ». D'ailleurs, souligne-t-elle, le partage des
tâches « souhaité dans le dire des femmes [...] est pourtant
fragilisé par la toute-puissance de la compétence
maternelle ». Et d'évoquer « la bataille autour de
l'allaitement maternel et l'assignation, parfois abusive, faite aux
jeunes mères de s'y conformer » qui « renforce ce
lien d'exclusivité ». S'agit-il alors de répondre aux besoins
des enfants ? Pas vraiment. « Les analyses sont, ici,
délicates, non seulement parce qu'elles relèvent de champs variés des
sciences humaines mais aussi parce que la valorisation du rôle du père
auprès des enfants, aux côtés de la mère, risque de porter en elle une
vision normative et ne saurait délégitimer d'autres formes d'éducation
parentale. » Manifestement, ce rapport promeut
l'instrumentalisation des mesures sociales en vue de remodeler les
mœurs familiales suivant les canons d'une idéologie égalitariste. Le
rapporteur pose « la question d'une immixtion peut-être trop
importante de l'entreprise dans la vie privée des individus ».
Sans doute devrait-il s'interroger sur celle des pouvoirs publics.
S'ils suivaient ses recommandations, ceux-ci
parviendraient-ils au résultat escompté ? L'IGAS nous fournit
quelques indices qui permettent d'en douter. La répartition du travail
ménager serait caractérisée par « une remarquable stabilité en
termes d'investissement temporel ». En outre, « dans
les couples où les pères sont au foyer, les femmes qui occupent le rôle
de pourvoyeuse de revenu n'abandonnent pas la responsabilité et la
charge mentale relatives à la vie domestique et continuent en réalité
de gérer une multiplicité de contraintes familiales et professionnelles
[...] et les clivages traditionnels persistent ». Comme
l'observe Mme Grésy, « l'entrée de la petite enfance
dans la culture de la paternité est très récente à l'échelle de
l'histoire et fait partie des bouleversements qui modifient les
représentations les plus profondes ». Raison pour laquelle on
préférera s'en remettre, plutôt qu'au volontarisme idéologique, à la
sagesse de l'empirisme organisateur.
16 juin 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Le nucléaire pourrait s'inviter au cœur de la campagne
présidentielle. Or, la politique énergétique suppose des arbitrages
difficiles. D'autant qu'il faut compter avec l'émotion et le "principe
de précaution".
La Suisse et l'Allemagne avaient ouvert la voie ;
l'Italie les a suivies : à l'occasion d'un référendum organisé
les 12 et 13 juin, elle a exclu de revenir au nucléaire civil,
à la faveur de 94 % des voix. Ce résultat, typique d'une
république soviétique, souligne combien les démocraties occidentales
sont sensibles à l'émotion – sinon soumises à sa dictature.
Pas de moratoire
En France, la catastrophe de Fukushima a ravivé la défiance à
l'égard de l'atome, quoique celle-ci demeure bien moindre que chez nos
voisins. Pour Nicolas Sarkozy, c'est l'occasion de revêtir ses nouveaux
habits d'homme d'État : « Nous sommes les héritiers
d'une histoire qui ne nous appartient pas », a-t-il déclaré le
mardi 7 juin. « Je n'ai pas été élu pour détruire une
filière industrielle qui crée de l'emploi, de la compétitivité et de
l'indépendance énergétique. Il est extrêmement important d'avoir du
sang-froid en toute chose. » (Les Échos,
08/06/2011)
De fait, aucun moratoire ne devrait interrompre la
construction de deux EPR dans l'Hexagone. Anne Lauvergeon, le P-DG
d'Areva, affiche un optimisme mesuré : « les projets
de réacteurs nucléaires en cours d'examen seront retardés de six à neuf
mois environ », a-t-elle prévenu (BFM Business,
30/05/2011). À moyen terme, peut-être son groupe profitera-t-il
d'exigences de sécurité renforcées de part le monde. Paris milite de
longue date en ce sens. Il l'a confirmé le 7 juin, en
accueillant, dans la foulée du G8 de Deauville, un séminaire
ministériel sur la sûreté nucléaire, où trente-trois pays étaient
représentés. On parle, notamment, de développer les revues périodiques
par les pairs. Étant donné les difficultés rencontrées par les
Européens pour s'accorder sur des "tests de résistance", peut-être ce
projet réclamera-t-il quelque habileté diplomatique pour être mis en
œuvre.
Modèle français
Dominique Louis, président du directoire d'Assystem France,
soutient que l'industrie « doit s'appuyer sur une autorité de
sûreté nucléaire très forte, sur le modèle français ou américain, ainsi
que sur un nombre limité d'opérateurs nucléaires pérennes et
transparents » (Les Échos,
24/05/2011). Il établit une comparaison saisissante : «
En France, les cinquante-huit réacteurs sont opérés par un
seul exploitant – EDF – autour de procédures de sécurité communes et
partagées par l'ensemble des centrales. Un incident sur un réacteur
fera l'objet d'une procédure de sécurité sur l'ensemble des autres
réacteurs du même type. Le Japon, pour cinquante-quatre réacteurs,
dénombre pas moins de onze exploitants, disposant chacun de ses propres
procédures. [...] Par ailleurs, les récentes annonces de Tepco nous
permettent de sérieusement douter de la solidité capitalistique, de la
gouvernance et de la pérennité industrielle des opérateurs nucléaires
japonais. Ces difficultés structurelles se reflètent dans la
disponibilité du parc nucléaire japonais. Depuis 1998, elle a
constamment chuté jusqu'à atteindre en 2009 moins de 60 % du
potentiel de production, à comparer à une disponibilité supérieure à
75 % en France et 80 % aux États-Unis ou en
Allemagne. »
Avant d'être submergée par un raz-de-marée, la centrale de
Fukushima-Daiichi a résisté à un séisme d'une magnitude exceptionnelle.
Cela ne manquera pas de nourrir la confiance des plus optimistes. Mais
nul ne peut assurer avec une absolue certitude qu'aucune catastrophe
nucléaire ne surviendra jamais en France. Reste à en évaluer le risque
et les conséquences potentielles, puis à les mettre en perspective.
Berlin aurait abandonné l'atome en marge de toute concertation
européenne. Quoique sa décision soit vraisemblablement dictée par un
calcul électoral, cette désinvolture peut sembler significative d'une
matière où les arbitrages apparaissent authentiquement politiques.
Le social s'en mêle
L'expertise et la technocratie ne sauraient suffire quand sont
en jeu, tout à la fois, l'indépendance du pays, la santé de ses
habitants, la compétitivité de son économie. Aux méfaits potentiels des
radiations, il convient de confronter les conséquences avérées de la
pollution atmosphérique ; au risque de mettre en friche un
territoire sinistré, on opposera la crainte de fragiliser l'emploi...
« Depuis le début du débat sur la sortie rapide du nucléaire,
le prix du kilowatt-heure à la bourse de l'électricité a augmenté de
10 % et celui des certificats d'émissions de CO2 de
2 euros la tonne », souligne Utz Tillmann, directeur
de la fédération allemande de la chimie (Les Échos,
31/05/2011). « Notre industrie ne peut répercuter ces hausses
sur ses produits », a-t-il prévenu. « À terme, si
notre politique d'innovation ne peut déboucher sur la mise sur le
marché de produits à des prix concurrentiels, l'industrie devra se
poser la question de rester ou non sur le sol allemand. »
Reste que le nucléaire suscite un effroi tout
particulier. Parce qu'il touche à l'intimité de la matière,
que ses méfaits s'enracinent durablement dans l'environnement, qu'il
suscite un danger invisible... Agitant à tout va le principe de
précaution, la société feint de croire qu'elle va bannir le risque.
Tout au plus le rendra-t-elle plus diffus. Quitte à restreindre les
marges de manœuvre du politique.
3 juin 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Tous les mois, une pluie de remontrances en provenance de
Bruxelles s'abat sur les États membres de l'UE. Parmi les communiqués
diffusés le 19 mai par la Commission européenne, six
concernaient la France.
Ainsi Paris est-il suspecté de ne pas avoir transposé une
directive portant sur la gestion des déchets. Ou de mettre en œuvre des
projets d'infrastructures sans procéder aux évaluations nécessaires
portant sur la sécurité routière. Il négligerait par ailleurs la
qualité de l'air, alors que le taux de particules en suspension
dépasserait les valeurs limites dans seize zones du territoire
national. Bruxelles pointe également les cagoules des sapeurs-pompiers,
pour lesquelles Paris exige des conditions de sécurité étrangères aux
dispositions communautaire – au risque d'« entraîner une
distorsion sur le marché intérieur ». En outre, il est
reproché à la France de restreindre l'accès à son marché du lait de
brebis, du lait de chèvre et de leurs produits dérivés, et d'invoquer à
cet effet un prétexte fallacieux, la crainte de la tremblante
(l'équivalent, chez les ovins et les caprins, de la "maladie de la
vache folle") étant jugée déplacée.
Fiscalité et "libre circulation"
La fiscalité n'est pas en reste. Elle se heurte, à nouveau, au
principe de "libre circulation", dont on sait que l'acception
européenne est très large. En cause : le code général des
impôts, affectant d'une retenue à la source les dividendes versés à
l'étranger. « Du fait de cette discrimination, les fonds de
pension et d'investissement établis dans d'autres pays de l'UE [...]
sont désavantagés par rapport à leurs contreparties établies en France,
et les clients français risquent donc de bénéficier d'un choix de fonds
de pension et d'investissement moins important », soutient la
Commission. L'année dernière, la France aurait introduit de nouvelles
dispositions en vertu desquelles les revenus d'actions distribués aux
organismes sans but lucratif (y compris les fonds de pension), qu'ils
soient ou non établis en France, seraient imposés au taux forfaitaire
de 15 %. Toutefois, relève Bruxelles, « il semble
qu'en l'absence de modalités d'exécution administratives plus
détaillées, ces changements n'aient pas été appliqués dans la
pratique ».
Enfin, la profession de notaire pourra désormais être exercée
par des ressortissants étrangers. Ainsi en a décidé la Cour de Justice
de l'Union européenne le 24 mai, au motif que cette activité
ne relève pas, selon son interprétation, de « l'exercice de
l'autorité publique ». Le cas échéant, l'Union européenne
consent tout de même à s'accommoder de quelque préférence nationale.
Quatrième chronique pour RFR. Parmi les
sujets abordés cette fois-ci : la prime sur les dividendes, le rôle de
l'État et le populisme.
Selon les conclusions d'un sondage Viavoice-BPCE réalisé pour Les Échos
et France info, 62 % des Français
seraient favorables à la prime Sarkozy sur les dividendes. C'est
désespérant, quoique très compréhensible.
On pourrait disserter des heures durant sur ce dispositif
inepte, présenté hier en conseil des ministres. Selon le projet de loi
de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2011, donc,
les entreprises comptant plus de cinquante salariés seraient priées de
verser une prime à leurs employés, dès lors que les dividendes
attribués aux actionnaires augmenteraient par rapport à la moyenne des
deux années précédentes. Vous suivez ? Dans le cas contraire,
cela n'aurait rien d'étonnant : « ce qui se conçoit
bien s'énonce clairement »... et inversement !
Cette prime est censée contribuer au « partage de la
valeur ajoutée » cher au chef de l'État. Comme si les
dividendes et leur évolution étaient toujours à l'image des bénéfices.
Or, c'est loin, très loin d'être le cas. Prenez la situation de Total,
vilipendé pour se profits considérables : ses dividendes étant
restés stables, il ne sera pas soumis à la prime Sarkozy. En revanche,
le patron d'une PME qui ne se verserait aucun salaire devra négocier
avec ses employés l'augmentation de sa rémunération, c'est un
comble ! Tout cela n'a aucun sens : pourquoi les
salariés seraient-ils plus ou moins avantagés selon que leur entreprise
se finance sur les marchés, en mobilisant des actionnaires, ou bien
auprès des banques, en souscrivant des prêts rémunérés par des
intérêts ?
Les partenaires sociaux ne s'y sont pas trompés. De façon
quasi unanime, patrons et syndicats ont dénoncé cette immixtion de
l'État dans leurs négociations. Mais l'opinion publique demeure
sensible aux slogans simplistes – du genre "pas de prime pour les
actionnaires sans prime pour les salariés". Pour le président de la
République, il s'agit, naturellement, d'exploiter quelques clichés
néo-marxistes ancrés dans les esprits. À commencer par l'opposition
systématique entre capital et travail.
On stigmatise volontiers ces actionnaires cupides, accusés de
s'enrichir sur le dos des salariés. Qu'en est-il dans les
faits ? « Il y a un an, la Bourse française était
encore déprimée », rappelle Florin Aftalion, professeur
émérite à l'Essec, dans un article publié par La Tribune.
« En revanche », poursuit-il, « il y a dix
ans, elle était en pleine forme. [...] Un portefeuille représentant
l'indice constitué à ce moment-là et conservé depuis aurait aujourd'hui
perdu 28 % de sa valeur initiale ; en incorporant les
dividendes reçus, son rapport sur dix [ans] aurait été inférieur à
1 % par an ! En valeur réelle, compte tenu de
l'inflation, il aurait perdu de l'argent. »
À certains égards, il apparaît donc injuste de jeter
l'anathème sur les détenteurs des capitaux. Mais cela s'avère surtout
stérile, et même contre-productif. Hélas, les politiciens ne s'en
privent pas. Tels Nicolas Sarkozy, nous l'avons vu, mais aussi Marine
Le Pen, avec, dans son cas, la bénédiction de certains
royalistes. Incarné par une femme, l'homme providentiel leur apparaît
soudain plus fréquentable... Mes camarades me pardonneront de les
caricaturer – ils savent que je le fais en toute amitié. Cela dit, on
s'étonne de les voir ainsi conquis par le virage jacobin du Front
national. Sans doute cela s'inscrit-il dans la logique
souverainiste : en s'accommodant de la « souverainété
nationale » récusée par Maurras, on assimilait déjà, plus ou
moins, l'État à la nation ; dorénavant, c'est également la
nation qu'on assimile à l'État.
Dans le dernier numéro de L'Action Française 2000,
Paul-Marie Coûteaux pointe l'influence des syndicats d'enseignants pour
illustrer la perte de souveraineté de l'État. Ce faisant, il exclut
implicitement de limiter celle-ci à quelques fonctions régaliennes, et
se méprend sur les causes de l'impuissance publique. De toute façon, on
n'œuvrera pas au retour du roi en entretenant la conception d'un État
tentaculaire dont les monarchistes dénonçaient jadis les germes
totalitaires.
Selon Maurras, « un État normal laisse agir, sous son
sceptre et sous son épée [certes], la multitude des petites
organisations spontanées, collectivités autonomes, qui étaient avant
lui et qui ont chance de lui survivre, véritable substance immortelle
de la nation ». En cela, je suis désolé de le dire, le maître
de l'AF ne me semble pas opposé à certains libéraux. Je pense à Alain
Madelin, auteur, par exemple, d'un plaidoyer pour la subsidiarité
publié sur son blog lundi dernier. « Dans la grande société
ouverte qui se dessine aujourd'hui », écrit-il, « les
relations verticales d'hier sont largement remplacées par des liens
horizontaux dans un grand chamboule-tout de la pyramide des
pouvoirs ». La suite est plus intéressante :
« On a longtemps cru que plus les choses devenaient complexes,
plus elles devaient être dirigées d'en-haut. On sait maintenant qu'au
contraire, il faut laisser la plus large autonomie aux éléments qui
composent un système complexe pour permettre leur
coordination. » Cela rend d'autant plus actuelle la conception
"royaliste" de l'État... et d'autant plus regrettable son abandon pas
ses promoteurs traditionnels.
Participant des déboires de l'État-providence, la crise de la
dette souveraine fournirait un prétexte idéal à la dénonciation de
l'incurie républicaine. L'Alliance royale le martèle à chacune de ses
campagnes : « Un président est un chef de parti, qui
pense à la prochaine élection ; un roi est un chef
d'État, qui pense à la prochaine génération. » Dans
ce contexte, cependant, la vulgate tend à dédouaner les politiques de
leurs responsabilités, puisque ceux-ci sont soumis, paraît-il, à la
toute-puissance des marchés.
Tandis que monte la grogne populaire, « il appartient
à l'Action française non seulement d'accompagner ce mouvement mais
aussi et surtout de l'éclairer » C'est, en tout cas, ce que
clamait François Marcilhac le 8 mai dernier, dans son discours
prononcé à l'occasion de la fête de Jeanne d'Arc. Nous sommes
d'accord ! Reste qu'à cet effet, les royalistes devraient
plutôt se méfier des sirènes populistes. Appeler au primat du politique
sur l'économique, c'est exprimer des valeurs, mais non donner un cap à
l'action publique – sauf à revendiquer également le primat de l'État
sur les entreprises en lançant un vaste programme de nationalisations.
En son temps, le maître de l'Action française pouvait établir
le constat selon lequel « l'économie industrielle ne joue
point dans le vaste cadre de la planète ». Manifestement, les
circonstances ont changé, et cela s'avère pour le moins déstabilisant.
Peut-être cette évolution explique-t-elle la tentation d'enfoncer des
portes ouvertes par d'autres, ou celle de se réfugier dans un dédain
romantique de l'économie... Il nous appartient pourtant d'en tirer les
conséquences. Le défi qui nous est lancé s'annonce passionnant à
relever ! Mais peut-être préférera-t-on rester en marge de
l'histoire ?
Rendez-vous sur le site de RFR pour
découvrir les autres interventions :
Les hippies ont-ils colonisé
l'AF ? On se le demande à
la lecture d'un billet inscrivant quelque mouvance écologiste
dans la continuité de l'école maurrassienne.
Voyez plutôt : chercher « à établir des lois
pour l'organisation des sociétés humaines en s'inspirant et en
s'instruisant de l'observation scrupuleuse des lois de la
biosphère » ne serait pas « sans rappeler à quelques
égards » l'"emprisime organisateur" cher à Maurras. Lequel résumait
sa méthode à « l'examen des faits sociaux naturels
et l'analyse de l'histoire politique ». Que l'on place l'homme
ou la terre cœur de ses préoccupations, c'est du pareil au même, cela
va sans dire !
Mais il y a plus osé encore : « mettre fin à
la colonisation multiforme [...] du monde par la civilisation
industrielle » relèverait d'un « appel à la
"politique naturelle" ». Le pauvre Maurras doit se retourner
dans sa tombe ! À ses yeux,
n'en déplaise à ses curieux héritiers, il n'était « rien de
plus magnifique » que « l'occupation des espaces par
la société humaine et leur réduction à ses lois ». Rien
d'étonnant à cela, puisque sa démarche consistait, nous semble-t-il, à
prendre acte de la nature humaine, pour en assumer délibérément les
conséquences, à l'opposé d'un individualisme volontariste. Une nature
dont participe au premier chef un caractère industrieux – ce serait
même « la définition première de l'homme » selon le
Martégal.
On concédera aux écolos que « tous ces changements
que nous opérons dans l'économie de notre planète n'ont mené à rien
jusqu'ici et [que] rien ne permet d'admettre qu'ils conduisent jamais à
rien ». Mais « nous y travaillons parce qu'il est
dans notre ordre d'y travailler » – un point c'est tout.
C'est donc tout le contraire d'une "politique naturelle" qui
nous est proposé ici. Il n'est d'ailleurs pas exclu que l'AF renie
ses propres principes en récusant plus ou moins l'économie, l'industrie
et la technique... « La vérité politique et sociale qui nous
conduit n'a pas la forme du regret », disait encore Maurras.
« Elle est plutôt désir, curiosité, solide espérance apportant
les moyens de réaliser l'avenir avec une imperturbable
sécurité. »
Cela étant, à l'époque où il écrivait, le maître de l'Action
française pouvait
encore établir le constat selon lequel « l'économie
industrielle ne joue point dans le vaste cadre de la
planète ». Preuve que le monde a changé et qu'on ne saurait se
contenter de boire ses paroles.
19 mai 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Sensibles à l'inquiétude populaire, respectueux du "principe
de précaution", les députés ont voté l'interdiction d'une technique
permettant l'exploitation des gaz de schiste, une ressource énergétique
pleine de promesses.
L'exploitation mais aussi l'exploration des mines
d'hydrocarbures non conventionnels seront bannies du territoire
national, du moins si elles se font par "fracturation hydraulique".
Ainsi en a décidé, mercredi 11 mai, l'Assemblée nationale.
Cela en vertu du "principe de précaution" inscrit dans la Constitution
depuis 2005. Revenant sur ses propres décisions, le gouvernement avait
déclaré l'urgence sur une proposition de loi déposée à cet effet par
Christian Jacob, le chef de file des députés UMP.
Moratoire américain
Dans le collimateur des parlementaires figuraient, plus
particulièrement, les gaz de schiste. Connus depuis longtemps, ceux-ci
ont commencé à être exploités aux États-Unis, à la faveur des
innovations technologiques stimulées par la hausse des prix de
l'énergie. Afin de libérer le fluide prisonnier, un mélange d'eau, de
sable et de substances chimiques est injecté dans la roche à très haute
pression. Avec le risque de contaminer les nappes phréatiques
traversées par les forages ? C'est, en tout cas, la crainte
affichée par nos députés, mais aussi par l'État de New York,
où un moratoire sur l'exploitation a été décrété, dans l'attente des
conclusions de l'Environmental Protection Agency annoncées pour 2012.
Son travail s'avère délicat, en raison du secret industriel qui lui est
opposé. « L'EPA a dû par exemple assigner Halliburton devant
la justice pour obtenir la liste des produits chimiques utilisés dans
le procédé », rapporte Étienne Beeker, dans une note du Centre
d'analyse stratégique. Une enquête similaire avait été entreprise en
2004. Elle avait conclu, précise-t-il, « à l'innocuité des
processus d'extraction pour les eaux potables, ce qui amène de nombreux
experts à être confiants dans les résultats de l'étude en
cours ».
En avril dernier, Gérard Mestrallet avait déploré que la
France décide « de tourner la page des gaz de schiste avant
même de l'avoir ouverte » (Les Échos,
14/04/2011). De la part du P-DG de GDF-Suez, ce discours apparaît
éminemment convenu. Cela dit, l'intérêt des industriels doit être
relativisé : pour Total, l'impact de la loi serait
« négligeable ». C'est, en tout cas, ce que soutient
son président, Christophe de Margerie. Le groupe, déjà engagé au
Danemark, vient d'ailleurs de s'allier à Exxon Mobil pour exploiter des
gaz de schiste en Pologne.
De fait, les enjeux sont loin de se résumer aux convoitises
des multinationales. Tandis que le "pouvoir d'achat" semble en passe de
s'imposer comme un thème phare de la campagne présidentielle,
« l'impact de ces nouvelles ressources sur les prix du gaz est
déjà sensible », souligne Étienne Beeker – quoique cette
baisse soit « difficilement perceptible par le consommateur
français, pour lequel le prix du gaz, indexé dans des contrats de long
terme à plus de 80 % sur le prix du pétrole, continue
d'augmenter ». Faute d'avoir mené les travaux d'exploration
nécessaires, on ignore l'ampleur des ressources du sous-sol français.
Celles-ci pourraient être considérables : selon certaines
estimations, elles représenteraient quatre-vingt-dix ans de la
consommation actuelle de gaz (Les Échos,
21/04/2011). C'est dire l'intérêt qu'elles présentent au regard de
l'"indépendance énergétique de la France".
Révolution mondiale
Rien d'étonnant, donc, à ce que le Centre d'analyse
stratégique annonce « une révolution gazière qui pourrait bien
bouleverser le paysage énergétique mondial ». Entre 2000 et
2008, la part du gaz dans le mix électrique
américain serait passée de 18 à 24 %. « Importateurs
nets de gaz il y a peu, les États-Unis sont aujourd'hui autosuffisants
et ils sont également redevenus le premier producteur de gaz, devant la
Russie. De plus, l'attitude de la Chine aura des conséquences
considérables pour l'Europe, surtout si ce pays, comme il le souhaite,
parvient à exploiter ses réserves très prometteuses de GNC [gaz non
conventionnels]. La Russie, pour qui la Chine peut devenir un
importateur alternatif important, perdrait une partie de ses débouchés
potentiels. Une partie du GNL [gaz naturel liquéfié] en provenance du
Moyen-Orient et à destination de l'Asie de l'Est pourrait également
être réorientée vers notre continent, qui en profiterait. Les gaz non
conventionnels fragiliseraient donc la position de la Russie, notamment
dans ses échanges gaziers avec l'Europe. »
Dans ces conditions, si le "principe de précaution" impose de
prendre en compte les risques pesant sur l'environnement, la prudence
politique requiert, selon nous, leur mise en perspective. D'autant que
les inquiétudes sont vraisemblablement décuplées par l'alarmisme
écologiste, le sensationnalisme médiatique et le clientélisme
électoral. La préoccupation des élus, soucieux d'épargner à leur
circonscription la laideur des installations industrielles, apparaît à
bien des égards légitimes. « Aujourd'hui, le bonheur public,
du moins tel que se l'imagine la puissance du même nom, ne doit pas se
faire au prix du malheur individuel », remarque notre confrère
Philippe Escande. « Le problème », poursuit-il dans Les Échos
(10/05/2011), « c'est que, à ce train-là, la vie promet de
devenir de plus en plus difficile. Pour se cantonner au seul cas de
l'énergie, aucune technique de production d'électricité, qu'il s'agisse
d'hydraulique, de biomasse, d'éolien et à plus forte raison de charbon
ou de nucléaire, n'est exempte de risque et toute nouvelle installation
en France dans ces énergies pourrait soulever la même
colère. » Pour tempérer la grogne des élus, d'aucuns proposent
de revoir la fiscalité locale... L'arbitrage politique n'en demeurera
pas moins un art difficile.
À l'occasion du mariage de Kate et William, France
Culture a donné la parole aux républicains britanniques,
mais aussi aux monarchistes français.
Notre consœur Laurie Fachaux, dont la voix vous sera peut-être
familière, est venue visiter les bureaux de L'Action
Française 2000, où nous lui avons accordé un bref
entretien.
Ce faisant, nous n'avons pas manqué de faire la publicité de
notre employeur, sachant bien que notre racolage serait coupé au
montage. Or, très courtoisement, notre interlocutrice a finalement
choisi d'annoncer notre prochain numéro en conclusion de son reportage.
Qu'elle en soit remerciée.