4 juin 2018
Lecture critique d'un article signé par une philosophe-militante, censé expliquer la logique à l'œuvre dans une stratégie d'obsolescence programmée déployée à grande échelle.
Ce sont les aléas du métier : Raphaël Enthoven s'est fait planter. Vendredi dernier, 1er juin 2018, alors qu'il s'apprêtait à enregistrer une émission pour Arte, l'animateur-philosophe a dû faire face à la défection d'un participant. En la personne de Jeanne Guien, il croyait avoir invité une philosophe ; mais c'est une militante qui lui a fait faux bond – et qui, surtout, a tenu à le faire savoir. « Immaturité du mouvement étudiant, misandrie des féministes, paresse des abstentionnistes, communautarisme des antiracistes ou encore antisémitisme des antisionistes : il n'est pas un seul des partis pris les plus réducteurs et abêtissants de la droite décomplexée auquel vous ne vous empressiez d'apporter votre soutien
», lui a-t-elle reproché dans une lettre ouverte publiée sur Mediapart.
Cela étant, si nous avons eu vent de cette polémique, c'est parce que Jeanne Guien travaille sur un sujet qui nous intéresse : « la réduction de la durée de vie des objets
». Curieux de découvrir comment elle aborde une telle question, nous nous sommes empressé d'arpenter la Toile à la recherche de ses éventuelles publications. Bingo ! Voilà déjà quelques années, elle avait signé un article dans la revue Vivagora, repris par Up Magazine. En introduction, elle propose une définition de « l'obsolescence programmée
» : « un procédé technique qui consiste à concevoir un objet en y intégrant le déclenchement de sa panne, de son usure, de sa défaillance définitive
» ; dissipant toute confusion, elle précise qu'« il ne s'agit pas seulement de connaître le moment où l'objet deviendra inutilisable
[…] mais de le générer artificiellement
».
La durée de vie des produits systématiquement limitée ?
Selon Jeanne Guien, « les imprimantes, les ordinateurs, l'électroménager, les téléphones portables ou les lecteurs MP3
[…] sont aujourd'hui, pour la plupart, conçus selon ce procédé ; mais aussi de nombreux ustensiles plus communs comme le mobilier, la vaisselle, les ampoules
». Incidemment, elle se montre plus radicale que les militants de l'association HOP (Halte à l'obsolescence programmée), dont la cofondatrice, Laëtitia Vasseur, juge ce phénomène « marginal
» (selon la réponse donnée à une question que nous lui avons nous-même posée). Elle se distingue plus encore de Serge Latouche, certes chantre de la décroissance, mais selon lequel « les lobbies industriels
[…] n'ont pas tout à fait tort de prétendre que l'obsolescence programmée, entendue dans le sens d'un complot ou d'un sabotage, n'existe pas
» (citation tirée d'une tribune publiée sur Mediapart au mois de mars). « Si l'usage de ces produits n'est pas "unique", il est artificiellement restreint
», martèle Jeanne Guien, « de sorte que la durée de vie de ces produits (le temps durant lequel ils sont utilisables conformément à leur fin, et efficaces comme tel) peut être dite systématiquement limitée
».
Dans son article, elle se garde bien d'étayer ses accusations. Il est vrai que l'exercice eût été difficile, aucun cas délictueux d'obsolescence programmée n'ayant jamais été avéré. Cela en dépit des soupçons régulièrement colportés par des « médias dominants
» dont notre philosophe-militante semble pourtant se méfier… Récemment, ces derniers se sont tout particulièrement illustrés en véhiculant des fantasmes à propos des collants. Un seul exemple nous est donné par Jeanne Guien : « Apple a ainsi fait l'objet d'un procès (s'achevant sur un accord à l'amiable…) pour avoir conçu les batteries de ses Ipod selon la technique de l'obsolescence programmée (celles-ci se révélant défaillantes au bout de dix-huit mois).
»
Le fantasme d'une économie sous contrôle
Un « procès
» s'est-il vraiment tenu à ce sujet ? Nous n'en sommes pas certain, mais nous ne l'avons pas vérifié. Quoi qu'il en soit, la procédure s'est effectivement conclue non par une condamnation d'Apple, mais par un accord avec ses clients qui s'estimaient lésés. À notre connaissance, cependant, la conception des batteries n'était pas en cause. Cela n'aurait eu aucun sens : en dépit des recherches en cours et des progrès d'ores et déjà accomplis, nul ne sait encore produire des batteries inusables ; la technologie nécessaire nous est encore inconnue ! Plus exactement, c'est l'intégration des batteries qui a suscité la polémique, celles-ci étant, paraît-il, impossibles à changer. Simple nuance ? Peut-être. Mais puisque Jeanne Guien prétend être attachée à « la définition et la conceptualisation rigoureuses
», nous la prenons au mot ! Reste surtout qu'en l'espèce, l'obsolescence programmée, telle qu'elle la définit elle-même, n'est pas démontrée. En effet, qu'en est-il des arbitrages ayant présidé à la conception du produit incriminé ? Peut-être la priorité a-t-elle été donnée à la baisse des coûts ou bien au design aux dépens de la durabilité, par exemple ; le cas échéant, il ne s'agirait pas d'un sabotage délibéré.
« L'obsolescence programmée permet
[…] de s'assurer du renouvellement de la demande, de réamorcer un cycle de vie du produit, a priori à l'infini
», explique Jeanne Guien. Et de poursuivre : « En faisant advenir de manière prévisible (et prévue) la défaillance de l'objet, elle permet d'organiser ce renouvellement ; et donc de maîtriser, de répartir, l'état de la demande. Elle offre ainsi l'espoir d'un marché toujours ouvert et dynamique ; surtout, d'un marché maîtrisable en ses phases et ses caprices, c'est-à-dire manipulable en son rythme. Elle ouvre sur une maîtrise a priori de l'écoulement des stocks, grâce à cette mainmise sur le rythme même du marché.
[…] On atteint là comme un idéal du capitalisme marchand : s'assurer l'écoulement du stock, mais aussi la possibilité d'accélérer et de décélérer cet écoulement, par la réduction ou l'allongement de la durée de vie des objets ; maintenir ou accélérer le taux de croissance, en faisant se succéder les objets, et donc les actes de rachat, de plus en plus vite, au moyen d'une durée de vie de plus en plus restreinte.
»
Philosophie, militantisme et complotisme
On nage en plein délire constructiviste, sinon conspirationniste ! Jeanne Guien nous donne l'impression de prêter au capitalisme non pas seulement une logique, mais aussi une volonté. Une volonté à laquelle les acteurs du système économique seraient apparemment contraints de se plier. Pour quelle raison ? La question est éludée. Peut-être s'agit-il de répondre à « la seule exigence de croissance
». Cette préoccupation pourrait éventuellement être celle des pouvoirs publics, à supposer qu'ils négligent les "coûts d'opportunité" mis en lumière notamment par Frédéric Bastiat (sophisme de la vitre cassée) ; les primes à la casse censées accélérer le renouvellement du parc automobile s'inscrivent d'ailleurs dans cette logique. Mais qu'en est-il des entreprises, soumises à la pression de la concurrence ? Celles-ci n'ont aucune assurance que leurs clients leur restent fidèles quand survient la nécessité d'un nouvel achat. Si la possibilité leur est offerte de proposer une garantie plus longue, sans réduire leurs marges ni sacrifier aucune fonctionnalité d'un produit mis en vente, elles cédèront fatalement à la tentation, dans l'espoir des gagner des parts de marché. Ce dont la croissance ne pâtira pas forcément, soit dit en passant. Florent Menegaux, nouveau patron de Michelin, vient de le rappeler dans un entretien accordé à L'Usine nouvelle : « Lorsque nous avons lancé le pneu radial, on a crié au fou ! Les gens pensaient qu'en créant un pneu deux fois plus résistant, on allait diviser le marché par deux. Mais non ! À cette période, la mobilité s'est considérablement accrue. La technologie a permis de développer le marché.
»
Cinq ou six ans se sont écoulés depuis la publication de cet article, qui remonte à 2012. Peut-être son auteur a-t-il changé d'avis. Ou peut-être pas… À voir la façon dont elle s'adresse aujourd'hui à Raphaël Enthoven, il semblerait que Jeanne Guien soit loin d'avoir renié ses démons complotistes. Dénonçant la dérision avec laquelle ce dernier a évoqué la rumeur de Tolbiac, elle soutient que « la vérité sur cette affaire n'a toujours pas été faite
». Sans doute ne le sera-t-elle jamais, en effet. « Le blessé de Tolbiac est un pur produit de l'esprit complotiste et, dans une théorie de ce type, aucune page ne se tourne jamais
», comme l'expliquait Marylin Maeso sur le site Conspiracy Watch ; « c'est un livre qui se réécrit inlassablement pour plier à toute force le réel à ce qu'il entend démontrer
». C'est vraisemblablement le genre de livre que Jeanne Guien signerait volontiers.
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19 janvier 2018
Article publié dans L'Action Française 2000
Une enquête sur le complotisme a été réalisée par l'Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et le site Conspiracy Watch. Les conclusions de ce sondage semblent effarantes : près d'un Français sur dix serait prêt à croire que la Terre est plate ! La méthodologie suivie inspire toutefois bien des réserves.
La propagation des fake news et des théories conspirationnistes qui les inspirent parfois semble susciter une inquiétude grandissante. Dans ce contexte, une « enquête sur le complotisme
» vient d'être réalisée par l'Ifop pour la Fondation Jean Jaurès. Comme le rapporte Rudy Reichstadt, animateur du site Conspiracy Watch, « beaucoup s'alarment
[..] de la menace que pourrait faire peser
[…] pour la démocratie la banalisation d'une culture dite de la "post-vérité" dans laquelle la prise en compte des réalités factuelles dans la détermination de l'intérêt général deviendrait secondaire
». Cependant, la démagogie n'est-elle pas aussi vieille que la démocratie, sinon plus encore ? Quoi qu'il en soit, le conspirationnisme relèverait d'un « phénomène social majeur
» ; dans « sa forme la plus intense
», il concernerait « pas moins d'un Français sur quatre
».
Des résultats effarants
Certains résultats du sondage apparaissent effarants. Par exemple, 32 % des personnes interrogées croient que « le virus du Sida a été créé en laboratoire et testé sur la population africaine avant de se répandre à travers le monde
» ; 20 % des sondés s'imaginent que « certaines traînées blanches créées par le passage des avions dans le ciel sont composées de produits chimiques délibérément répandus pour des raisons tenues secrètes
» ; 16 % d'entre eux prétendent que « les Américains ne sont jamais allés sur la Lune
» et que « la Nasa a fabriqué de fausses preuves et de fausses images de l'atterrissage de la mission Apollo sur la Lune
» ; enfin, 9 % jugent qu'« il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l'école
».
La formulation de ce ce dernier énoncé s'avère étonnement subtile : pourquoi demander aux sondés s'ils jugent « possible
» que la Terre soit plate, et non s'ils considèrent qu'elle l'est effectivement ? D'autres ambiguïtés sont porteuses de biais potentiels. Interrogés sur l'immigration, les sondés étaient appelés à s'exprimer sur l'affirmation suivante : « C'est un projet politique de remplacement d'une civilisation par une autre organisé délibérément par nos élites politiques, intellectuelles et médiatiques et auquel il convient de mettre fin en renvoyant ces populations d'où elles viennent.
» 48 % des sondés ont répondu qu'ils étaient « d'accord
». Mais d'accord avec quoi ? Avec la thèse selon laquelle l'immigration procéderait d'un phénomène bien orchestré, ou bien avec la conviction qu'il faudrait y mettre fin ? Bien évidemment, dès lors qu'on s'imagine que les flux migratoires sont canalisés à dessein, il apparaît d'autant plus réaliste de vouloir les inverser. Mais peut-être cela aura-t-il contribué à noircir le tableau brossé par ce sondage. D'autant que le traditionnel « ne se prononce pas
» n'était pas proposé aux sondés, priés de trancher à chaque fois. « Comme il s'agissait de la première grande étude sur le sujet, des aspects sont sans doute perfectibles
», a concédé Jérôme Fourquet, au nom de l'Ifop. C'est le moins que l'on puisse dire.
Obsolescence programmée
Qu'en est-il, par ailleurs, du choix des thèses soumises à l'approbation des sondés ? Rien ne permet de l'éclairer, que ce soit dans la publication de l'Ifop ou le commentaire mis en ligne par la Fondation Jean Jaurès. « La plupart des grandes théories du complot en circulation de nos jours ont été proposées à l'échantillon
», se bornent à prétendre les commanditaires de l'enquête. Dans ces conditions, il était d'autant plus facile pour eux d'aboutir à la conclusion selon laquelle « le conspirationnisme est corrélé avec le vote populiste
». Ce constat n'aurait-il pas été plus nuancé si les sondés avaient été interrogés sur les déboires de François Fillon ou DSK, promis chacun à un destin présidentiel ? Le cas échéant, sans doute les sympathisants de droite et même les sociaux-démocrates se seraient-ils montrés plus enclins à cautionner des thèses complotistes… Quant aux électeurs d'Europe-Écologie-Les Verts, ne peut-on pas imaginer qu'ils soient tout particulièrement séduits par la thèse de l'obsolescence programmée ?
Dans sont acception la plus courante aujourd'hui, celle-ci relève typiquement du conspirationnisme. Peu de confrères l'ont relevé dernièrement, à l'exception notable de Corentin Durand dans Numerama (11 janvier 2018). Commentant le discours de l'association HOP, qui vient de déposer une plainte contre Apple, il dénonce « un mélange peu digeste de vraies informations et de vrais délires
» ; rappelant le vieillissement fatal des batteries équipant nos smartphones, il écrit par ailleurs : « Tout cela n'est que chimie. À moins que ce ne soit conspiration ?
» C'est bien de cela qu'il s'agit, car une politique durable d'obsolescence programmée suppose une entente à très vaste échelle, mise en œuvre par des acteurs suffisamment puissants pour annihiler toute velléité de concurrence… C'est un fantasme dont les consommateurs s'accommodent d'autant mieux qu'il masque leur propre inconséquence. Et dont les politiques font parfois leur miel !
Macron complotiste
Sans doute ce conspirationnisme-là s'avère-t-il trop consensuel pour intéresser la Fondation Jean Jaurès et Conspiracy Watch. Comme l'explique Jérôme Fourquet, « le but de l'enquête était de disposer d'un état des lieux le plus exhaustif possible mais aussi de voir si l'adhésion à certaines thèses était corrélée
[…] avec l'approbation d'opinions sur des sujets très différents, relevant tous d'une grille de lecture alternative réfutant l'explication officielle et communément admise
». On se délecte de la popularité des théories les plus fantasques comme on rit de la malheureuse Nabilla faisant commerce d'une culture prise en défaut sur les plateaux de télévision : les idiots, ce sont les autres ! Incidemment, on ignore la banalité d'une phénomène particulièrement diffus, dont les populistes n'ont pas l'apanage. En novembre 2013, par exemple, SOS Racisme avait dénoncé la « stratégie globale de l'extrême droite
» dans laquelle se serait inscrit le journal Minute, après avoir consacré une première page particulièrement controversée à Christiane Taubira.
Cédant à la même tentation, le président de la République a lui-même versé dans le conspirationnisme ordinaire tandis qu'il présentait ses vœux à la presse le 4 janvier dernier. Dénonçant la propagation des fake news, il a affirmé qu'il y avait là « une stratégie financée visant à entretenir le doute, à forger des vérités alternatives, à laisser penser que ce que disent les politiques et les médias est toujours plus ou moins mensonger
». Ce que contestent, d'une certaine façon… les Décodeurs du Monde. « Bien sûr, beaucoup de fausses informations sont publiées pour des raisons politiques ou idéologiques
», avaient-ils souligné le 20 décembre ; « mais il y a également, dans énormément de cas, des motivations financières, avec tout un écosystème de sites et de pages Facebook qui ont poussé à l'extrême la logique des revenus publicitaires calculés aux clics
». Sans parler des méprises commises en marge de tout calcul ! Selon Emmanuel Macron, « entre le complotisme et le populisme, le combat est
[…] commun, il est de saper toute confiance dans le jeu démocratique, d'y faire apercevoir un jeu de dupe, une valse de faux-semblants
[…] au profit d'une propagande déterminée
». Profondément légitime à nos yeux, la dénonciation du conspirationnisme se prête inévitablement à des instrumentalisations politiques.
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16 février 2017
François Villeroy de Galhau galvanise les conspirationnistes qui fantasment sur la loi "Pompidou-Giscard-Rothschild" de 1973.
L'accusation a été lancée par Alain Madelin, mardi dernier, 14 février 2017, sur BFM Business : « je soupçonne fortement Villeroy de Galhau d'être un sous-marin du Front national
», a-t-il déclaré ; « parce qu'une facture de 30 milliards pour la sortie de la France de l'euro, ce n'est vraiment pas cher
», a-t-il expliqué. À ses yeux, c'est même « une facture ridicule
» ; en réalité, a-t-il prévenu, « bien évidemment, elle serait beaucoup plus élevée
».
La veille, le 13 février, le gouverneur de la Banque de France était intervenu sur France Inter, répondant aux questions d' Alexandra Bensaid. À cette occasion, il a évoqué la question « du financement des déficits par la Banque de France
». « On dit quelquefois que cette interdiction date de l'euro
», a-t-il rappelé ; mais « cela n'est pas le cas
», a-t-il poursuivi, affirmant qu'« elle date de bien avant
» et, plus précisément, « d'une loi de 1973
». C'est exagérer la portée de cette loi, qui avait modifié sans les bouleverser les statuts de la Banque de France établis dans les années trente. D'ailleurs, comme l'a souligné Jean-Marc Daniel sur BFM Business, « tous les gens qui accusent la loi de 73 d'avoir tout bloqué devraient regarder comment a été financé le plan de relance de 1975
».
Incidemment, donc, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, donne du crédit à cette thèse conspirationniste d'inspiration clairement antisémite, selon laquelle Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing, aux ordres de la banque Rothschild, auraient soudainement privé la France d'une source inépuisable de financement, cela dans le seul but d'enrichir des juifs cupides aux dépens de la nation. Affligeant !
NB – Quelques liens présentant la réelle teneur de cette loi votée en 1973.
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27 août 2015
Lecture critique d'un article contribuant à propager des
légendes urbaines.
Poursuivant notre petite enquête sur l'obsolescence
programmée, nous venons de prendre connaissance d'un
article publié il y a deux ans par Paris Tech Review.
Quelle déception à sa lecture ! « Les exemples
foisonnent d'appareils tombant en panne juste après la fin de période
de garantie. », écrivent les auteurs. Pourquoi n'en
donnent-ils aucun, s'ils sont effectivement si nombreux ? Il
est vrai que nous avons tous vécu des expériences malheureuses.
Gardons-nous toutefois d'en tirer des conclusions hâtives :
seules les statistiques feront foi ! Or, il semblerait
vraisemblable que celles-ci réfutent pareille croyance
populaire : « le produit HS "juste après la fin de la
garantie" est un phénomène rare et non contrôlé par le
fabricant », comme
l'explique Anton Suwalki sur Contrepoints.
« Les entreprises investissent des sommes et une
énergie considérables pour fabriquer des produits délibérément
défectueux », prétendent encore les collaborateurs de Paris
Tech Review, sans proposer aucune illustration précise de
leur propos. Tout au plus évoquent-ils vaguement des cartouches d'encre
dont le recyclage serait bloqué par une puce électronique. Un exemple
d'autant moins convaincant qu'il ne s'agit pas vraiment de produits
« sciemment conçus pour ne pas durer », mais plutôt
d'une volonté de rendre les consommateurs captifs – tout comme le fait
Amazon avec son Kindle, par exemple. Pas grand chose à voir avec l'obsolescence
programmée stricto sensu donc.
De fait, les auteurs entretiennent la confusion entre les
différentes acceptions du concept. « On a pu la rapprocher de
la mode, qui dévalue année après année des vêtements ou accessoires
achetés fort cher », soulignent-ils notamment. La mode, pour
faire simple, constituerait en fait une « version primitive de
l'obsolescence programmée », à laquelle les constructeurs
automobiles auraient été contraints de revenir sans qu'on sache trop
pourquoi : « quand la fiabilité technique des
produits augmente" – c'est le cas pour les voitures – et prolonge leur
durée de vie, les constructeurs cherchent à créer, par le truchement du
design, une obsolescence visuelle des modèles
antérieurs », affirment ainsi les auteurs. C'est
méconnaître la stratégie mise en œuvre par certains groupes, à
commencer par Volkswagen, qui procède précisément à
l'inverse !
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26 janvier 2015
« Le conspirationnisme victimaire est la maladie
traditionnelle des faibles, qui s'excusent de leur impuissance en
prêtant à leurs ennemis une surpuissance maléfique », analyse
Régis Debray, cité par Frédéric Taddeï.
« Les gens qui n'ont pas les moyens de participer au
grand jeu s'imaginent être victimes de terribles complots par les
surpuissants », a-t-il
déclaré au micro d'Europe 1 mercredi
dernier, 21 janvier 2015 (à partir de la 28e minute). « C'est une façon
de s'excuser de ses propres insuffisances », a-t-il poursuivi.
« Je n'ai pas du tout une vision complotiste et policière de
l'histoire », a-t-il précisé. Selon lui, « il y a
beaucoup de faux mystères » ; « les choses
sont toujours beaucoup plus simples qu'on ne le pense ». Régis
Debray n'en croit pas moins « que les grandes choses se font
en silence et dans le dos des gens » ; « je
crois aux très lentes maturations », a-t-il
expliqué. Derrière le conspirationnisme, a-t-il observé, « il
y a l'idée que les officiels nous mentent et que la vérité est derrière
les apparences ». « Il y a l'idée aussi que les
grandes choses s'expliquent par de grandes causes très complexes et
qu'il faut qu'à à un événement majeur correspondent des préparatifs
majeurs. On ne pense pas simplement à l'accident, au hasard, à la
coïncidence, au fait que tout est bricolé ici-bas. »
De ce point de vue, précisément, peut-être l'extrême droite
n'est-elle pas aussi réactionnaire qu'elle y paraît, tant elle s'avère
encline à développer une vision constructiviste de l'histoire... À nos
yeux, soit dit en passant, du constructivisme au conspirationisme, il
n'y qu'un pas, et encore. Un exemple ? Le souverainisme.
Celui-ci procède plus ou moins de la conviction que la construction européenne serait
le fruit d'une planification patiemment mise en œuvre. Or, les calculs d'intérêts, toujours opérés dans les
capitales, en demeurent le plus puissant moteur, comme en témoignent
ses dernières avancées : comment expliquer la mutualisation
partielle des dettes souveraines et l'union bancaire, sinon par la
panique des gouvernements nationaux confrontés à la crise ?
Les souverainistes se complaisent dans des illusions volontaristes. En
vérité, personne ne tire vraiment les ficelles de "l'Europe". Tout
simplement parce qu'ici comme ailleurs, à l'échelle de l'histoire, ces
ficelles n'existent pas. C'est en cela que « tout est bricolé
ici-bas ». Chez Friedrich Hayek, on parle d'un
« ordre spontané ». Oups ! Régis Debray nous
pardonnera-t-il d'avoir associé son nom à celui d'une icône
libérale ?
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16 janvier 2015
Quand la mise en cause des médias réputés manipulateurs
atteint les sommets du ridicule.
Hier, mercredi 14 janvier 2015, à l'antenne de Radio
Courtoisie, dans son Libre Journal de la
résistance française, Gérard Marin a interrogé Joachim
Véliocas à propos des manifestations islamophobes organisées en
Allemagne sous l'impulsion du mouvement Pegida. Un phénomène que
l'« on nous [...] cache soigneusement » selon
l'animateur ; « les médias aux ordres ne nous en
parlent pas », s'est-il indigné. Son invité n'était pas du
même avis : « les médias en parlent quand même pas
mal » ; c'est notamment le cas « sur France 24 »,
lui a-t-il été gentiment rétorqué. « Je parlais des médias
quasi-officiels », s'est-il alors justifié. Or, si France 24
n'est pas un média « quasi-officiel », on se demande
bien quelle chaîne de télévision – et a fortiori quel journal
– pourrait être considéré comme tel...
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3 octobre 2014
Les conspirationnistes prônant la "dissidence", ainsi que les
esprits fantaisistes en quête de "décroissance", sont-ils aussi loin du
pouvoir qu'on l'imagine généralement ? Visiblement, un certain
nombre de politiciens puisent aux mêmes sources intellectuelles.
Force est de le constater, à
la découverte d'un amendement au projet de loi
« relatif à la transition énergétique pour la croissance
verte ». Déposé par le député Éric Alauzet, défendu par Cécile
Duflot, il a été adopté en commission avec la bénédiction du gouvernement.
Afin de lutter « contre l'obsolescence programmée des
produits », il s'agirait d'assimiler à une tromperie
« l'hypothèse d'une durée de vie du produit intentionnellement
raccourcie lors de sa conception ».
« Je parle [...] de produits dont des ingénieurs ont
révélé qu'ils ont, à la demande de leur direction, volontairement
fragilisé les composants », a soutenu Cécile Duflot, selon
laquelle « l'obsolescence programmée n'est pas un
scoop ». Il est vrai que ce fantasme est largement partagé.
« C'est une de ces idées qui tient une bonne place dans la
conscience populaire, mais qui ne convainc guère les économistes, pour
plusieurs raisons », exposées notamment par Alexandre
Delaigue, enseignant à l'université de Lille I « Si
les économistes sont sceptiques vis-à-vis de l'obsolescence
programmée », précise-t-il, « c'est que cette
stratégie apparemment subtile n'a en réalité aucun sens ».
Nous renvoyons nos lecteurs à
ses explications.
« Comme nous sommes des enfants gâtés par la société
de consommation », poursuit-il, « nous voudrions que
tout soit à la fois durable, esthétique, pratique, et peu
cher ». Paradoxalement, peut-être le confort et la profusion
nourrissent-ils la frustration des consommateurs, qui
masquent leur responsabilité derrière un bouc émissaire, désigné en la
personne d'un industriel cupide complotant contre leur pouvoir
d'achat... L'obsolescence programmée, mais aussi l'idéologie de la
décroissance, dont elle est peut-être un mythe fondateur, c'est un
privilège de riches, une fantaisie intellectuelle vraisemblablement
réservée aux Occidentaux.
« L'idée » de légiférer contre
l'obsolescence programmée « me paraît d'autant plus
intéressante que nous voulons changer de modèle », a déclaré
Ségolène Royal. De quel modèle parle-t-on, au juste ?
« Dans nos pays développés », explique Alexandre
Delaigue, « les produits fabriqués en grande série ne coûtent
pas cher, parce que nous disposons d'un immense capital
productif ; par contre, le travail est très cher ».
« La situation est inverse dans les pays en développement.
Résultat ? Chez nous il est bien moins coûteux de racheter du
matériel neuf que de consacrer du temps de travail à le
réparer. » À l'inverse, au Ghana, par exemple, « le
travail est abondant et ne coûte (et ne rapporte) presque
rien ».
De ces deux modèles, quel est le plus
enviable ?
NB – Que nos lecteurs ne se méprennent pas. La "culture du
jetable" nous chagrine nous aussi. D'ailleurs, au moment de choisir un
ordinateur, nous privilégions toujours les gammes professionnelles afin
de bénéficier d'un accès aisé aux composants. En outre, nous avons bon
espoir que la Toile contribue à diffuser les connaissances nécessaires
à la réparation de produits jusqu'alors condamnés... Sans parler des opportunités offertes bientôt par la généralisation de l'impression 3D ! Mais quand il
s'agit de politique, on ne saurait se satisfaire de bons
sentiments.
Mise à jour – C'est
désormais la loi qui l'affirme, après avoir été adoptée en ces termes
le 22 juillet 2015 :
« L'obsolescence programmée se définit par l'ensemble des
techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire
délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de
remplacement. L'obsolescence programmée est punie d'une peine de deux
ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Le
montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux
avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d'affaires
moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires
annuels connus à la date des faits. »
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18 septembre 2014
Les créanciers de Paris s'accommodent de taux peu
rémunérateurs. Bizarre... Tous les aspects du complot juif mondial
n'ont pas dû nous être révélés !
« Depuis la mi-juillet, la France emprunte de
l'argent à court terme sur les marchés financiers à des taux d'intérêt
négatifs », rapporte
La Finance pour tous. « Le bon
du Trésor à échéance d'un mois est en effet assorti depuis le
16 juillet d'un taux d'intérêt de - 0,01 %.
Le bon du Trésor à échéance de trois mois présente le même taux depuis
le 18 août. »
Il est vrai que l'inflation contribue à tirer les taux vers le
bas : « elle se situe désormais à un niveau proche de
zéro ». Par conséquent, « en termes réels (c'est à
dire une fois pris en compte le taux d'inflation), la rémunération des
prêteurs à court terme redevient ainsi positive ».
Cela étant, le plancher est quasiment atteint, et peut-être
va-t-il bientôt céder : l'Allemagne ayant annoncé qu'elle ne
souscrirait pas d'emprunt en 2015, les obligations françaises en seront
d'autant plus demandées.
Cela nourrira-t-il quelque réflexion dans les milieux
populistes et réactionnaires ? À l'image de Marine
Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan, nombreux sont ceux qui
proposent une lecture fantasmée d'une loi votée en 1973. Ce faisant,
ils entretiennent le mythe selon lequel l'État s'endetterait
sur les marchés financiers dans le seul but d'enrichir des banquiers
véreux – juifs pour la plupart, cela va sans dire – avec la complicité
des politiciens à leur botte, tel Georges Pompidou, transfuge de la
banque Rotschild – comme par hasard !
Peut-être faudra-t-il songer à réviser cette histoire, à
l'heure où les taux battent des records à la baisse. N'en doutons pas,
moult esprits tordus sauront faire preuve de l'imagination nécessaire...
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23 juillet 2014
Chronique du populisme conspirationniste à la botte de Moscou.
Alors que venait d'être annoncé le crash d'un avion survolant
l'Ukraine, Marine Le Pen a d'abord fait part d'une réaction
relativement mesurée. Dans
un communiqué publié le 18 juillet 2014, elle a
appelé « à la plus grande prudence quant à toute conclusion
hâtive car chacun sait que la guerre de l'information, et donc de la
désinformation, est partie intégrante des conflits modernes ».
Cela étant, elle n'a pas exclu « des calculs
géopolitiques » qui pourraient miser « sur la
"stratégie de la tension" ».
Aymeric Chauprade, élu tout récemment au Parlement européen,
s'est empressé, quant à lui, de prendre la défense de Moscou :
« quant à la Russie, c'est une certitude, elle ne peut en
aucun cas être impliquée dans cette tragédie », a-t-il
déclaré le même jour. Entre autres hypothèses à ses yeux
vraisemblables, il envisageait alors « une erreur de l'armée
ukrainienne ».
Quelques jours plus tard, cependant, le 22 juillet,
il a appelé à « constater l'évidence » selon
laquelle, « depuis 2001, régulièrement, un événement
dramatique provoque une accélération de l'Histoire qui profite à
l'agenda américain » – cela « pour sauver les
suprématies monétaire et géopolitique américaines et faire ainsi échec
au nouveau monde multipolaire ».
Autrement dit, selon le conseiller de Marine Le Pen
pour les questions internationales, les passagers du vol MH17 seraient
morts en raison du cynisme de Washington, tout comme l'auraient été les
victimes des attentats du 11 septembre 2001.
Notons toutefois qu'à la différence des communiqués
précédents, ces insinuations, mises
en ligne sur le site Internet d'Aymeric Chauprade, ne
semblent pas avoir été publiées sur celui du Front national.
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14 novembre 2013
Alors que nous déplorions, depuis longtemps, les penchants
conspirationnistes des royalistes, nous observons, ces jours-ci,
combien ce travers est communément partagé.
Un exemple vient de nous être donné par
SOS Racisme. Indisposée par la une de Minute,
selon laquelle « maligne comme un singe, Taubira retrouve la
banane », l'association y voit la preuve « que les
insultes envers la [sic] garde des Sceaux n'étaient pas un acte
isolé ». Autrement dit, les déclarations grotesques d'une
ex-candidate FN aux municipales n'auraient pas procédé d'une erreur de
casting, ni l'humour déplacé d'une jeune fille d'un manque de maturité.
Selon SOS Racisme, en effet, « il y a bien une stratégie
globale de l'extrême droite, qui tente de légitimer l'utilisation de la
haine raciale comme forme acceptable du débat démocratique ».
Dans le cadre de cette « stratégie
globale », n'en doutons pas, les responsables de Minute
et ceux du Front national se seront concertés avant de s'échanger des
quolibets. Leur « divorce étalé au grand jour »
n'abusera que les naïfs, tels
nos confères du Huffington Post. Au
moins ceux-ci ont-ils le mérite de souligner qu'il « ne date
pas d'hier ». Preuve que le complot à l'œuvre a été planifié
de longue date. Merci à SOS Racisme de l'avoir enfin déjoué !
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