L'euro sur la sellette

20 janvier 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Malmenée par la crise des dettes souveraines, la monnaie unique suscite des prises de positions ambiguës, où s'entremêlent parfois les arguments chers à chacun des "camps" souverainiste et européiste.

28 % des Français souhaiteraient en finir avec l'euro, selon un sondage Ifop réalisé pour France Soir les 5 et 6 janvier. Bien que cette proportion soit en recul par rapport à novembre, un tabou a manifestement été brisé. Emmanuel Todd s'en félicite : « L'acquis du dernier trimestre de 2010, c'est qu'on est arrivé au bout de la croyance en l'euro comme horizon spécifique pour l'Europe », a-t-il déclaré, pariant sur la disparition de la monnaie unique sous sa forme actuelle d'ici la fin de l'année (Le Soir, 04/01/2010).

Deux opposants résignés

Sur la rive droite du souverainisme, Nicolas Dupont-Aignan s'en donne à cœur joie ; à gauche, en revanche, Jean-Pierre Chevènement se montre timoré : « Je ne propose pas de sauter par le hublot », a-t-il expliqué (France Inter, 06/01/2010). Rendant hommage à Philippe Séguin, Henri Guaino a tenu un discours similaire, soutenant que ce dernier « avait tout anticipé, tout prévu, et notamment qu'une fois que ce serait fait, il serait impossible de revenir en arrière » (Les Échos, 06/01/2011). Selon le "conseiller spécial" de Nicolas Sarkozy, en effet, « sortir de l'euro aurait un coût colossal ». Allusion, peut-être, au renchérissement de la dette – libellée en euros – qui résulterait de l'adoption d'une monnaie dévaluée.

Quoi qu'il en soit, selon la "vulgate médiatique" dont le président de la République se fait ici l'apôtre, « on ne peut avoir une même monnaie et partager des stratégies économiques différentes », ni « parler convergence économique sans convergence des systèmes fiscaux » (Euractiv, 13/01/2010). Outre les souverainistes, des libéraux contestent cette "surenchère européiste", tel Alain Madelin, pour qui « de telles propositions, si elles étaient suivies, conduiraient assurément à l'explosion et de l'euro et de l'Europe ». « Il est chimérique d'imaginer un budget fédéral européen organisant des transferts financiers massifs pour compenser les différences de compétitivité », proclame l'ancien ministre de l'Économie. « Tout comme il est chimérique de vouloir forcer la solidarité par l'émission d'obligations européennes communes. » Quant au projet d'harmoniser les politiques fiscales et sociales « au travers d'un gouvernement économique », il se heurte, selon lui, « tant à l'exigence de souplesse et de concurrence de la zone euro qu'à la nécessité de faciliter les ajustements des différences nationales par des variations relatives de prix et des politiques budgétaires autonomes ».

Flatter l'opinion

De son côté, le Premier ministre cultive l'ambiguïté, arguant de son passé eurosceptique pour légitimer son discours : « N'ayant pas voté pour le traité de Maastricht, je crois [...] ne pas pouvoir être suspecté de dogmatisme en la matière », a-t-il déclaré en présentant ses vœux à la presse. « Cette crise n'est pas la crise de l'euro », a-t-il assuré, prenant le contre-pied d'Alain Bournazel (suivre ce lien). « C'est avant tout la crise de pays qui ont été affaiblis par la récession économique qui a révélé et qui a amplifié les lacunes de leurs modèles de croissance. » François Fillon en viendra-t-il à fustiger l'État-providence ?

Pour l'heure, cet écho à la campagne de Maastricht semble participer d'un positionnement plus général de l'exécutif, soucieux, sans doute, de flatter une opinion publique critique à l'égard du "machin européen", mais soumis, également, à la pression des circonstances, les périodes de crise soulignant, inévitablement, la faiblesse des mécanismes communautaires. « Si la volonté politique [...] est bien présente, "l'esprit européen" ne l'est toujours pas », déplorait récemment notre confrère Éric Le Boucher (Les Échos, 14/01/11). Sont-ils seulement compatibles ?

L'européisme contre l'euro

12 janvier 2011

Intervenant dans la "bataille de l'euro", Alain Madelin se distingue en fustigeant les velléités fédéralistes dont s'honorent moult défenseurs de la monnaie unique.

« L'euro a-t-il besoin de plus de fédéralisme budgétaire et fiscal pour survivre à la crise ? » Certainement pas aux yeux d'Alain Madelin. Dans une tribune publiée le mois dernier (en décembre 2010), l'ancien ministre de l'Économie conteste vigoureusement les poncifs européistes : « Plutôt qu'à des surenchères ultra-irréalistes voire dangereuses, nous ferions mieux de revenir aux fondamentaux », affirme-t-il : « une stricte discipline budgétaire et une plus grande flexibilité économique, assorties d'une police indépendante ».

« Le problème originel de l'euro, c'est l'hétérogénéité des pays qui l'ont adopté », explique Alain Madelin. De fait, « nos vieux pays européens ne peuvent guère être comparés aux États américains de par leurs langues, leurs cultures, leurs modèles sociaux et familiaux, leurs structures économiques et démographiques, leurs choix collectifs, leurs niveaux de dépenses publiques... » Cependant, poursuit-il, « une telle diversité ne fait pas obstacle à l'adoption d'une même monnaie en l'absence de véritable État fédéral. L'étalon or hier, le franc CFA ou le dollar de Hong Kong aujourd'hui montrent que des liens monétaires fixes peuvent unir des pays fort différents sans besoin d'un gouvernement commun. » Mais « la solidarité au sein de l'Europe n'a rien de comparable avec celle qui permet la coexistence dans une même nation de l'ile-de-France et la Guadeloupe, de l'Italie du Nord et du Mezzogiorno ou celle qui unit les États américains. Une solidarité d'ailleurs complétée par la mobilité interne de la population facilitée par l'usage d'une même langue. »

En conséquence, affirme Alain Madelin, « il est chimérique d'imaginer un budget fédéral européen organisant des transferts financiers massifs pour compenser les différences de compétitivité. Tout comme il est chimérique de vouloir forcer la solidarité par l'émission d'obligations européennes communes. [...] Quant à l'idée d'harmoniser [...] les politiques fiscales et sociales au travers d'un gouvernement économique, il est clair qu'elle se heurte tant à l'exigence de souplesse et de concurrence de la zone euro qu'à la nécessité de faciliter les ajustements des différences nationales par des variations relatives de prix et des politiques budgétaires autonomes. »

Et Madelin de conclure que « de telles propositions, si elles étaient suivies, conduiraient assurément à l'explosion et de l'euro et de l'Europe ».

La Commission sur la touche

9 janvier 2011

Commentaire du rapport sur la gouvernance économique européenne remis au président de la République jeudi dernier, 6 janvier 2011.

À la demande du président de la République, « un chemin pour un "pilotage économique européen" » a été tracé par Constance Le Grip et Henri Plagnol, respectivement député au Parlement européen et député du Val-de-Marne. Leur rapport reprend moult propositions ouvertement soutenues par Paris, sinon d'ores et déjà mises en œuvre par l'Union ou ses États membres. En marge des banalités, on relève un appel à développer les capacités d'emprunt de Bruxelles, un plaidoyer en faveur d'une gestion commune des dettes souveraines, et la volonté de réviser en profondeur le budget communautaire.

Tétanisés par « une montée inquiétante [...] des mouvements populistes et nationalistes dans l'ensemble de l'Union », les rapporteurs préviennent « que le gouvernement économique européen n'est pas le cheval de Troie du fédéralisme ». « Au cœur de notre problématique », expliquent-ils, « il y a la défiance des peuples et des États vis-à-vis de l'Union ». Arguant de « la complexité institutionnelle de l'Union » (qui s'avère davantage affectée par son originalité en réalité), ils martèlent que « seul le Conseil européen constitué des chefs d'État et de gouvernement peut impulser une dynamique efficace ». Considérant que « l'Union n'a de raison d'être que si les États membres ont des intérêts communs à défendre dans la nouvelle donne mondiale », ils proclament que « c'est évidemment le Conseil européen qui est la seule instance légitime pour définir ces intérêts et décider de la meilleure stratégie pour les promouvoir » - cela en dépit des traités selon lesquels « la Commission promeut l'intérêt général de l'Union et prend les initiatives appropriés à cette fin ». L'implication de la Commission est contestée jusque dans ses missions les plus traditionnelles : ainsi les rapporteurs préféreraient-ils confier à un "Conseil des sages", créé à cet effet, la surveillance des écarts de compétitivité et la responsabilité d'identifier « des seuils de divergence acceptables ou non en matière salariale ou sociale ».

S'agit-il d'un tournant ? Pas vraiment. Comme le rappellent Constance Le Grip et Henri Plagnol, « sous la pression de la crise, la répartition des rôles a [...] changé ». Sans doute la personnalité des dirigeants européens et l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne ont-ils également contribué à renforcer le poids du Conseil européen. En pleine controverse autour des Roms, alors qu'il était encore secrétaire d'État en charge des Affaires européennes, Pierre Lellouche aurait tenté de justifier, auprès de notre confrère Jean Quatremer, la défiance de Paris à l'égard de l'Europe communautaire. L'Élysée ayant commandité ce rapport, celle-ci se trouverait-elle délibérément confirmée ?

La Commission change de ton

7 janvier 2011

Bruxelles affiche de timides velléités protectionnistes.

« Il convient [...] de protéger notre propriété intellectuelle et nos marchés des biens non conformes à nos règles en matière de protection des consommateurs », a affirmé l'Italien Antonio Tajani commissaire européen en charge de l'Industrie et de l'Entreprenariat, dans un discours diffusé, cette fois-ci, par le service de presse de Bruxelles.

« Je suis également en train d'envisager l'opportunité de prendre des initiatives pour protéger nos actifs stratégiques », a-t-il déclaré, évoquant l'autonomie spatiale, les terres rares (dont la Chine a décidé de réduire les exportations), et la conservation des savoir-faire technologiques.

« Il nous faut prendre acte du fait que les marchés sont devenus mondiaux, avec des chaînes de valeur disséminées autour du globe », a-t-il encore observé. Arguant de ce constat inévitable, il s'est dit « convaincu qu'il n'est plus possible de réfléchir en termes de marchés nationaux et de politiques économiques nationales ». Sur ce point au moins, sans doute y a-t-il matière à discussion !

L'européisme entre parenthèses

6 janvier 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Puissant moteur de l'intégration européenne, la Cour de Justice de Luxembourg (CJUE) a failli à sa réputation le mois dernier.

Ainsi a-t-elle jugé « conforme au droit de l'Union » l'interdiction d'admettre des non-résidents dans les coffee-shops néerlandais. De son point de vue, « l'introduction de stupéfiants dans le circuit économique et commercial de l'Union étant interdite, un tenancier d'un coffee-shops ne saurait se prévaloir des libertés de circulation ou du principe de non-discrimination, en ce qui concerne l'activité consistant en la commercialisation du cannabis ». Aussi la décision du conseil communal de Maastricht lui apparaît-elle « justifiée par l'objectif visant à lutter contre le tourisme de la drogue et les nuisances qu'il draine, objectif se rattachant tant au maintien de l'ordre public qu'à la protection de la santé des citoyens ».

Des patronymes non reconnus

Par ailleurs, toujours selon la Cour de Justice de l'Union européenne, « un État membre peut refuser de reconnaître le nom d'un ressortissant contenant un titre de noblesse, tel qu'il a été obtenu dans un autre État membre ». Affirmant « que l'Union respecte l'identité nationale de ses États membres », la Cour estime que « la forme républicaine de l'État » en fait aussi partie. « Elle admet donc que, dans le contexte de l'histoire constitutionnelle autrichienne, la loi d'abolition de la noblesse peut être considérée comme une justification d'ordre public et, par conséquent, être mise en balance avec le droit de libre circulation des personnes reconnu par le droit de l'Union. » D'autant que cette loi constitue à ses yeux « la mise en œuvre du principe plus général de l'égalité en droit de tous les citoyens autrichiens, principe que l'ordre juridique de l'Union tend à assurer en tant que principe général du droit ». 

Autosatisfaction

4 décembre 2010

Relevé de quelques approximations.

Annonçant l'entrée probable de la Bulgarie et la Roumanie dan l'espace Schengen en mars 2011, le site du Figaro avait affirmé qu'à partir de cette date, Paris ne pourrait plus expulser certains Roms. Ce faisant, le quotidien confondait la suppression des contrôles aux frontières avec celle des restrictions à la liberté d'installation, applicables jusqu'au 1er janvier 2014.

Si l'on en croit Jean-Philippe Chauvin, Le Monde prétendrait quant à lui que les rémunérations des fonctionnaires européens seraient fixées par les traités, négligeant l'existence d'un statut ad hoc voté par le Conseil. Enfin, tout en reprenant l'illustration, Le Salon Beige n'a pas lu notre article consacré aux divorces transfrontaliers, contribuant à diffuser l'erreur commise par Ouest France, qui attribue au traité de Lisbonne, et non à celui d'Amsterdam, l'introduction des coopérations renforcées dans le droit primaire européen.

Peut-être les lecteurs de L'Action Française 2000 sont-ils d'ores et déjà mieux informés que ceux des titres plus diffusés ! 😉

Querelle autour du budget européen

3 décembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Union européenne va-t-elle entamer la nouvelle année sans être parvenue à se doter d'un budget ? Soumis au chantage du Parlement européen, trois États lui ont résisté jusqu'à maintenant.

La négociation du budget européen pour 2011 se heurte aux rivalités institutionnelles. Réunis au sein d'un "comité de conciliation", les représentants des gouvernements et du Parlement européen ont échoué à s'accorder dans les délais impartis. Aussi la Commission a-t-elle travaillé « au pas de course » afin de présenter un nouveau projet susceptible d'être adopté d'ici la fin de l'année.

Des exigences politiques

« Extrêmement déçu », José Manuel Barroso a regretté « qu'un petit nombre d'États membres n'ait pas été disposé à négocier dans un esprit européen ». Les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède sont-ils coupables d'avarice ? Disons plutôt que leurs gouvernements se montrent jaloux de leurs  prérogatives. « La discussion ne porte pas sur la question d'avoir davantage d'argent, mais sur la direction que prend l'UE », a expliqué l'Allemand Martin Schulz, chef de file des députés socialistes et démocrates. « Nous n'avons pas demandé un euro de plus par rapport à ce que le Conseil propose », a confirmé le Polonais Jerzy Buzek, président du Parlement européen. En effet, le différend tient aux conditions politiques dont l'assemblée européenne prétend assortir son approbation du budget.

Entré en vigueur il y a tout juste un an ce 1er décembre, le traité de Lisbonne a conforté son contrôle sur les dépenses planifiées chaque année. Lesquelles dépendent toutefois d'un "cadre financier pluri-annuel", ainsi que du montant des ressources affectées à l'UE. Or, le droit primaire européen demeure assez flou quant aux modalités d'implication du Parlement dans leur définition. Aussi les eurodéputés cherchent-ils à tirer le meilleur profit du rééquilibrage institutionnel en cours. De fait, « les négociations sur le budget de l'année prochaine ont échoué à cause de l'ambition de ce Parlement d'obtenir davantage de pouvoirs sur le budget », a résumé la Britannique Marta Andreasen, qui siège dans le groupe Europe libertés démocratie, et se trouve bien isolée dans l'hémicycle.

L'assemblée réclame « un accord sur une procédure et un ordre du jour » qui lui assureront « d'être impliqué[e] dans les discussions sur de nouvelles sources de revenus pour l'UE ». Ce faisant, les députés espèrent diminuer la part des contributions directes des États dans le budget européen – prétexte régulier à des querelles de chiffonniers il est vrai. Le Parlement se défend néanmoins de plaider en faveur d'un "impôt européen" : « La plupart des députés estiment qu'un impôt de l'UE représenterait une perspective complètement irréaliste », a-t-il observé dans un communiqué. « Pour créer cet impôt, non seulement l'unanimité au Conseil serait nécessaire, mais également une adoption dans tous les parlements nationaux, soit une "double unanimité". »

Douzièmes provisoires

Si aucun budget n'est adopté d'ici le 1er janvier, l'Union s'appuiera sur un système autorisant pour chaque chapitre des dépenses mensuelles correspondant au douzième du budget correspondant de l'année précédente. « Ce système ne tient pas compte du fait que les paiements sont plus élevés certains mois de l'année que d'autres », a prévenu le Parlement. Sur proposition formelle de la Commission, le Conseil peut toutefois décider, à la majorité qualifiée, d"autoriser des dépenses excédant le douzième ; le Parlement européen doit alors approuver ou réduire ce montant dans les trente jours.

La mise en œuvre du Service européen pour l'Action extérieure, des nouveaux organes de supervision financière et du projet ITER se trouverait tout particulièrement affectée. « Surtout dans le domaine de l'agriculture, il y aura urgence. Les États membres ont avancé des paiements directs aux agriculteurs pour un montant de 30 milliards d'euros et la Commission européenne doit les indemniser en janvier 2011. » Or, sur la base des douzièmes provisoires, elle ne disposerait que de 6 milliards d'euros. Des chiffres qu'on ne manquera pas de rappeler lors du Conseil européen des 16 et 17 décembre, où les chefs d'État ou de gouvernement des Vingt-Sept se saisiront directement de la question.

Remontrances européennes

3 décembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Aperçu des derniers rappels à l'ordre en provenance de Bruxelles et Luxembourg.

De nouvelles remontrances ont été rendues publiques par Bruxelles le 24 novembre. Les avis motivés et autres poursuites concernant la France portent sur des sujets divers : le maintien des taxes locales sur l'électricité ; le défaut de transposition d'une directive harmonisant les crédits aux consommateurs ; le refus de traiter les demandes d'autorisation de mise sur le marché de deux médicaments vétérinaires ; les entraves au commerce du lait de brebis ou de chèvre établies par crainte de la tremblante.

Tandis que la Lituanie est priée de lever les obstacles à la commercialisation des véhicules avec conduite à droite, la Grèce est mise en cause pour un marché portant sur des équipements militaires (des batteries pour sous-marins). « L'appel d'offre exigeait que 35 % des matériels utilisés pour les batteries soient fabriqués en Grèce », explique la Commission. « Les autorités grecques justifiaient cette exigence particulière par des intérêts en matière de sécurité nationale, ce qui, selon elles, rendrait inapplicables les règles de l'UE en matière de passation de marchés publics. » Toutefois, estime Bruxelles, « les États membres ne peuvent déroger de manière discrétionnaire aux règles générales en matière de marchés publics lorsqu'ils achètent des équipements militaires. De l'avis de la Commission, les autorités grecques enfreignent la réglementation de l'UE en ne fournissant pas d'arguments détaillés et raisonnés pour démontrer que l'application des règles générales de l'UE en matière de passation de marchés publics mettrait en péril les intérêts de la Grèce en ce qui concerne sa sécurité. » Quid de la confidentialité associée traditionnellement aux contrats militaires ?

Désireux de réduire de 3,7 à 1,85 % la hausse des rémunérations des fonctionnaires européens, les gouvernements des Vingt-Sept se sont heurtés aux règles qu'ils avaient eux-même édictées, que viennent de leur rappeler les juges de Luxembourg : « En examinant la fonction de l'annexe XI du statut des fonctionnaires [...] la Cour conclut que [...] le Conseil a pris la décision autonome de se lier, pour la durée de la validité de ladite annexe, dans l'exercice de son pouvoir. » Caricaturale illustration de la "servitude volontaire" consentie par les responsables nationaux afin de se prémunir des infractions de leurs pairs.

Le « crépuscule de l'euro »

1 décembre 2010

La crise des dettes souveraines suscite l'attente d'une "divine surprise". Mais l'enthousiasme des souverainistes appelle selon nous quelques nuances.

Emboîtant le pas a la Revue critique, le Centre royaliste d'Action française ouvre son blog à François Renie, qui annonce le « crépuscule de l'euro ». De fait, la l'éclatement de l'Union économique et monétaire (UEM) n'est plus un tabou. Depuis quelque temps, les analystes se succédant au micro de BFM Radio (devenue BFM Business) évoquent ouvertement cette perspective.

Cela dit, l'auteur a-t-il dressé un tableau fidèle du mécontentement social attisé par la crise et les mesures d'austérité ? Les rues d'Athènes « accueillent toujours les mêmes foules imposantes », affirme-t-il, signalant que « le gouvernement socialiste de M. Papandréou vient de subir un échec aux élections locales ». À l'opposé, Jean Quatremer estime que « les Grecs sont résignés » : « Non seulement les manifestations ne font pas le plein, mais le PASOK, le parti socialiste grec, au pouvoir depuis octobre 2009, vient de remporter haut la main les élections municipales et régionales dont le second tour a eu lieu le 14 novembre. [...] Sur treize régions, huit (dont l'Attique, région la plus peuplée) vont au PASOK qui réussit même l'exploit d'arracher à la droite Athènes et Thessalonique, les deux principales villes du pays. » Certes, l'abstention refléterait la grogne populaire, « mais pas au point de remettre en cause la rigueur ». D'ailleurs, « en Attique, deux candidats (un de droite, un de gauche) ayant mené campagne contre le mémorandum UE-FMI ont été éliminés ». Notre confrère nous aurait-il menti ?

Nous sommes peu enclin à le croire, étant donné le manque de mesure – voire les relatives approximations – dont semble témoigner son détracteur. Selon lui, « la Commission et le directorat européiste de l'Union » auraient annoncé « une prochaine révision des traités européens, dans le sens, naturellement, d'un durcissement des critères de convergence ». Or, le projet de révision, officialisé à l'issue du Conseil européen des 28 et 29 octobre, porte uniquement sur la pérennisation du Fonds européen de stabilisation financière. L'institution d'un "semestre budgétaire", par exemple, s'inscrit dans le cadre du droit primaire existant.

Enfin, bien que l'euro soit plus au moins calqué sur le mark, l'influence de l'Allemagne n'est pas sans limite. Berlin « détient [...] tous les pouvoirs de fait au sein de la BCE », soutient François Renie. Or, Axel A. Weber, le président de la Bundesbank, est entré en conflit ouvert avec Jean-Claude Trichet, après qu'il fut mis en minorité par le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne décidant le rachat de titres obligataires. L'auteur promet encore « une offensive sans précédent de Berlin [...] pour mettre l'ensemble de l'économie européenne sous contrôle », annonçant que la France, « selon son habitude, suivra les injonctions allemandes [sans] broncher ». C'est oublier l'accueil qui fut réservé outre-Rhin au compromis franco-allemand arrêté à Deauville le 18 octobre. « Le gouvernement allemand a spectaculairement échoué dans sa volonté de faire du Pacte de stabilité un nouvel instrument de discipline budgétaire », commentait alors le Financial Times Deutschland. Il est vrai que la stricte automaticité des sanctions a été refusée par Paris. Quant à la suspension des droits de vote au Conseil, elle a été renvoyée aux calendes grecques par le Conseil européen. C'était prévisible et, pour cette raison, le soutien français accordé à cette revendication n'apparaît pas forcément comme un reniement idéologique.

Cela étant, la France est-elle bien inspirée de négocier les marges de manœuvre qui la précipiteront vers la banqueroute ? En pratique, le poids de la dette entrave le pays bien davantage que le carcan juridique européen, qui n'est somme toute qu'un outil dont la pertinence de l'emploi devrait être évaluée en fonction d'objectifs préalablement définis.

PS - Au lieu de cela, on nous propose un vague projet institutionnel, dont l'auteur regrette certes qu'il ne soit pas davantage abouti. Ce serait « une Europe des ingénieurs et des créateurs, des producteurs et des artistes et non plus l'Europe des énarques et des juristes que nous connaissons aujourd'hui ». Comme si l'une était exclusive de l'autre ! Tandis qu'il imagine que l'UE se fonde « sur la chimère d'un "État européen" », l'auteur néglige la multiplicité des coopérations internationales d'ores et déjà mises en œuvre sans l'intervention de Bruxelles. Parmi celles que nous avons croisées récemment figurent la convention Schengen originelle, le Triangle de Weimar, l'Initiative 5 + 5 Défense, Eurogendfor, le Commandement européen de transport aérien (EATC), l'Agence spatiale européenne... Autant de projets échafaudés indépendamment les uns des autres, ce qui rend d'autant plus inconséquentes les incantations en faveur d'une « Europe des nations ».

Débat entre cigales et fourmis

5 novembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Afin de pérenniser le fonds européen de stabilisation financière bricolé dans l'urgence – le "FMI européen" –, les Vingt-Sept sont convenus d'un accord dont les ambiguïtés reflètent les divergences franco-allemandes.

Moins d'un an après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les chefs d'État ou de gouvernement des vingt-sept pays de l'UE sont convenus, à l'issue de leur réunion des 28 et 29 octobre, d'une nouvelle révision du droit primaire européen. Il s'agira d'une « révision light », selon l'expression du président de la République, censée pérenniser le fonds européen de stabilisation financière. Mis en place dans l'urgence pour répondre à la crise de la dette souveraine, celui-ci se heurterait vraisemblablement au juge constitutionnel allemand s'il était maintenu, au-delà de 2013, en l'état des traités, vis-à-vis desquels il s'est autorisé quelques accommodements.

Diktat franco-allemand

L'affaire semblait pliée dès la semaine précédente. Du moins Nicolas Sarkozy et Angela Merkel l'avaient-ils laissé entendre en exposant leur position commune arrêtée le 18 octobre, suscitant la colère de Viviane Reding. « Les décisions de l'Union européenne ne sont pas prises à Deauville », a-t-elle protesté. Dans un entretien accordé au quotidien allemand Die Welt, elle a jugé « complètement irresponsable de mettre sur la table des chimères à propos de nouveaux traités » (Euractiv, 28/10/2010). Le risque est grand d'ouvrir la boîte de Pandore. Or, le processus de ratification sera d'autant plus hasardeux que la réforme sera substantielle : le spectre d'un nouveau référendum irlandais hante les arcanes européennes.

Le chef de l'État a balayé les commentaires du commissaire luxembourgeois. « Je ne la connais pas personnellement et je n'attache pas plus d'importance à ce qui a été dit », a-t-il lancé à un journaliste qui l'interpellait à ce sujet. « En revanche, a-t-il poursuivi, j'attache beaucoup d'importance à la décision unanime du Conseil européen. Cela a un autre poids. » Du moins, à ses yeux. Derrière les anathèmes se dessinent, encore une fois, des rivalités institutionnelles. Les chefs d'État ou de gouvernement ont confié à "leur" président, celui du Conseil européen, Herman Van Rompuy, la tâche de mener les consultations préalables à la révision des traités. Dans un entretien accordé au Monde, Jean-Luc Sauron a souligné « une dépossession de la Commission sur ce volet-là ». Cela confirmerait un rééquilibrage de la mécanique européenne au profit des rouages intergouvernementaux si, parallèlement, le Parlement européen ne poursuivait pas sa montée en puissance.

La quadrature du cercle

Une fois n'est pas coutume, l'assemblée devrait se satisfaire d'une procédure de révision accélérée, à laquelle elle se contentera d'acquiescer. On imagine mal les eurodéputés, adeptes des postures morales, freiner l'institution d'un mécanisme symbolisant la solidarité européenne. Cela dit, les considérations nationales sont toujours de mise, au point de se mêler dans un compromis plein d'ambiguïtés.

Paris prétend dissiper la méfiance des investisseurs à l'égard des obligations émises dans la zone euro... avec le risque de contribuer à l'entretien du laxisme budgétaire honni par Berlin. Aussi le Conseil européen a-t-il souligné, dans ses conclusions, « la très stricte conditionnalité à laquelle doit être subordonnée l'action menée dans le cadre de ce type d'instrument ». Concrètement, les États bénéficiant de son soutien pourraient être conduits à restructurer leur dette, aux dépens de leurs créanciers. Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, se serait vigoureusement opposé à cette annonce, craignant de déclencher la panique sur les marchés financiers. Esquissant une solution à la quadrature du cercle, il appelait à des sanctions plus fermes à l'encontre des États manquant à leurs obligations budgétaires. C'était oublier le fossé séparant les cultures politiques de part et d'autre du Rhin...

Les droits de vote maintenus au Conseil

Finalement, le duo franco-allemand a convaincu ses partenaires d'adopter des sanctions "semi-automatiques". Sanctions financières, mais non politiques, le projet de suspendre le droit de vote des États défaillants étant rangé dans un tiroir. « Le président du Conseil européen entend examiner par la suite, en consultation avec les États membres, la question du droit des membres de la zone euro de participer à la prise de décisions [...] en cas de menace permanente pour la stabilité de la zone euro dans son ensemble », stipulent les conclusions du sommet. « Les oppositions à cette idée ont été virulentes, voire très virulentes », aurait déclaré Jean-Claude Juncker (Euractiv, 29/10/2010). Étant donné la complexité juridique de sa mise en œuvre, on se demande si Berlin ne l'a pas agitée, avec le soutien de Paris, dans l'espoir d'obtenir la satisfaction d'autres exigences (une hypothèse formulée notamment par l'Irish Times). Ce projet reviendra-t-il sur la table ? Les paris sont ouverts.