4 mars 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Aperçu des statistiques officielles.
La Documentation française a publié le 18 février le
sixième rapport du Secrétariat général du Comité interministériel de
contrôle de l'immigration. Dans sa préface, Éric Besson observe que
« la France ne peut accueillir indistinctement tous ceux qui
souhaitent s'y établir, précisément parce qu'elle doit bien accueillir
et bien intégrer ceux auxquels elle a donné droit de séjour ».
La France n'en demeure pas moins, selon le souhait du ministre,
« une nation généreuse » : « elle
est le pays d'Europe qui accueille et naturalise le plus grand nombre
de ressortissants étrangers », souligne-t-il avec
satisfaction ; elle est aussi « le deuxième pays du
monde, derrière les États-Unis, pour la demande d'asile ».
Encourager les flux professionnels
Si l'on en croit la synthèse du rapport, 2008 a été marquée «
par la poursuite de la diminution de certains flux migratoires, au
premier rang desquels le regroupement familial ». La
délivrance des visas a peu fluctué au cours des dernières années, mais
le nombre de titres de séjour délivrés pour motifs professionnels est
en forte augmentation. Cela illustrerait « la volonté du
gouvernement de promouvoir les flux professionnels » jugés
« favorables à l'économie nationale » : les
pouvoirs publics chercheraient à faciliter « l'entrée et les
séjours en France des hommes d'affaires et de toutes les personnes qui
contribuent de manière significative aux relations bilatérales entre
leur pays et le nôtre, notamment en matière économique, politique ou
culturelle » ; ils favoriseraient également
« la délivrance de visas aux étudiants étrangers dont le
potentiel et la maîtrise du français leur permettront d'acquérir une
réelle qualification et de trouver un emploi, en France ou dans leur
pays d'origine ». Quant au nombre d'étrangers quittant le
territoire, en exécution d'une mesure d'éloignement ou, de plus en
plus, dans le cadre d'un programme d'aide au retour, il aurait
progressé « de manière très sensible ».
Citons quelques chiffres : 2 069 531 visas
ont été délivrés en 2008, contre 2 070 705 en
2007 ; 19 835 visas de long séjour ont été
accordés pour l'exercice d'une activité professionnelle, soit une
hausse de 18,2 % ; le nombre de titres délivrés à des
étudiants ou stagiaires a progressé de 11,6 % ; les
demandes d'asile ont augmenté de presque 20 % ; sur
42 600 demandes environ, 11 484 ont fait l'objet
d'une décision favorable – un chiffre en hausse de 30,3 % par
rapport à 2007.
À l'approche des régionales, il n'est pas certain que ces
statistiques officielles soient de nature à rassurer les électeurs
potentiels du Front national.
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17 décembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
L'institution de la "parité" dans les conseils
d'administration est un vieux serpent de mer. Forte d'un soutien
inédit, une nouvelle proposition de loi plébiscitant les quotas a été
déposée à l'Assemblée nationale.
Les conseils d'administration des cinq cents premières
entreprises françaises compteraient 8 % de femmes. Situation
inacceptable aux yeux des élites féministes. Le mois dernier, le
ministre du Travail Xavier Darcos s'était autorisé à « poser
la question des quotas ». Dans la foulée, une proposition de
loi a été déposée à l'Assemblée nationale le 3 décembre afin
d'instituer en cinq ans la composition à parité des conseils
d'administration des sociétés cotées. Les entreprises récalcitrantes
s'exposeraient à des difficultés administratives, mais non à des
sanctions financières – à moins qu'un amendement soit adopté en ce sens.
Récidives
En 2006, déjà, le Parlement avait exigé que la proportion de
représentants de chaque sexe ne dépasse pas 80 %. Il s'était
heurté à l'opposition du Conseil constitutionnel, selon lequel on
« ne saurait [...] faire prévaloir la considération du sexe
sur celle des capacités et de l'utilité commune ». Mais la
Constitution a depuis été révisée, stipulant désormais que
« la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes [...]
aux responsabilités professionnelles et sociales ».
Tandis que la crainte d'une nouvelle censure semble écartée,
« un consensus se dégage aujourd'hui sur la nécessité d'agir
de façon contraignante », observe Marie-Jo Zimmermann, le
président de la délégation de l'Assemblée nationale aux Droits des
femmes. En mars dernier, avec seize autres députés, elle avait proposé,
en vain, de fixer des quotas à 40 %. Quelques mois plus tard,
plus d'une centaine de collègues lui apportent leur soutien. Parmi les
signataires figurent Jean-François Copé, le président du groupe UMP à
l'Assemblée, mais aussi Hervé Gaymard, que l'on imaginait plus
réactionnaire.
« Sensibiliser »
« La loi ne peut tout résoudre »,
reconnaissent les auteurs de cette proposition, « mais elle
peut induire un changement dans les mentalités et les pratiques. [...]
On peut espérer que des conseils d'administration exemplaires
insuffleront une nouvelle sensibilité face aux questions d'égalité
salariale ou d'accès à la formation et que notre modèle social et
culturel permettra aux femmes de mieux concilier leur vie
personnelle et leur vie professionnelle. »
Mme Zimmermann affirme « la nécessité d'une action
volontariste ». Elle ne croit pas si bien dire : aux
antipodes de l'empirisme, sa démarche vise, au fond, à réorganiser la
cité non pas selon ses exigences intrinsèques – en tirant des
conséquences sociales de la différence des sexes –, mais au regard
d'une idéologie.
Dans cette perspective, la priorité sera donnée à la lutte
contre les "stéréotypes". Un "groupe d'experts" de la Commission
européenne présente les pistes à suivre : « La
plupart des pays ayant les plus longues traditions en matière de
politiques de déségrégation [sic] – Danemark, Allemagne, Finlande,
Islande et Pays-Bas – montrent la volonté d'affronter la ségrégation à
un stade précoce de la vie en investissant dans des "événements
motivationnels" ou dans des programmes éducatifs conçus pour encourager
de façon positive les choix "atypiques" parmi les jeunes filles et
garçons, et de promouvoir de nouveaux modèles à imiter. [...] Un bon
exemple est celui des campagnes d'information parallèles intitulées Girls'
Day (journée des filles) et New Pathways for boys
(nouveaux parcours pour les garçons) en Allemagne. »
Ces velléités idéologiques se parent d'un alibi économique
dont les outrances tempèrent la crédibilité : « dans
un scénario optimal » échafaudé par la Commission européenne, « le
comblement de l'écart des taux d'emploi pourrait entraîner une hausse
du PIB de 15 % à 45 % en Europe » ;
rien de moins ! Quant à Xavier Darcos, il se montre
alarmiste : « La France ne peut se permettre de voir
son potentiel féminin quitter le pays, parce que nous n'aurons pas
agi. »
Équilibre
Selon le ministre, « il est clair que notre société,
pour son propre développement et propre équilibre, doit parvenir à
faire aboutir positivement ce sujet ». Tel n'est pas l'avis
d'Éric Zemmour, accusé de « justifier
l'injustifiable » dans un documentaire sorti en salles le
25 novembre. Le polémiste, qui juge sa pensée caricaturée, a
exigé par huissier l'arrêt d'exploitation du film. Fustigeant
« une époque de mixité totalitaire, castratrice », il
observe que « les mères célibataires n'ont jamais été aussi
nombreuses ; jamais aussi pauvres » et craint, à
terme, « des tsunamis politiques et sociaux »
provoqués par les transformations familiales. Il rappelle en outre
l'originalité de la tradition française :
« François Ier fut le premier roi d'Occident qui
accepta les femmes à sa cour. L'amour courtois fut inventé dans le
Sud-Ouest de la France. Les salons du XVIIIe siècle, tenus par
des femmes, furent une exclusivité française. » En plein débat
sur l'identité nationale, il était opportun de souligner « cet
équilibre subtil entre virilité dominante et féminité
influente » inventé par la France (1).
(1) Éric Zemmour : Le Premier Sexe ;
J'ai lu, 122 p., 4,80 euros.
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16 décembre 2009
Le Premier ministre a prononcé un discours sur l'identité
nationale. Morceaux choisis.
Voilà qui tranche avec le "droit-de-l'hommisme " que
l'on croyait de mise : intervenant
dans le débat sur l'"identité nationale" le 4 décembre,
le Premier ministre a souligné le poids de l'histoire :
« être français, c'est d'abord appartenir à un très vieux pays
d'enracinement », a-t-il déclaré. « C'est habiter une
fresque historique où tout s'enchaîne : le Moyen Âge chrétien,
la Renaissance humaniste, la monarchie absolue, la Révolution citoyenne
[sic], l'Empire triomphant, les républiques progressistes... »
En conséquence, affirme François Fillon, si « la France est
laïque », elle « est tout naturellement traversée par
un vieil héritage chrétien qui ne saurait être ignoré par les autres
religions installées plus récemment sur notre sol ».
Entres autres personnalités citées au cours du discours figure
un historien d'Action française : « Bainville disait
que ce qui était remarquable chez Jeanne d'Arc, ce n'était pas d'avoir
délivré Orléans, mais d'avoir reconnu le dauphin et d'être tombée à
genoux devant lui. Je crois effectivement que l'identité française se
reconnaît à ce dialogue de l'orgueil et de l'abnégation, à cette
alternance entre les guerres intestines et les élans d'unité, à ce
tiraillement bien français, et finalement fécond, entre la passion du
"je" et la nécessité du "nous". »
« Nous sommes les héritiers d'une histoire
exceptionnelle dont nous n'avons pas à rougir. », proclame le
chef du gouvernement. « Est-ce qu'il faut négliger, [...]
balayer tout cela ? Et au profit de quoi ? [...] D'une Europe encore,
malgré les efforts qui sont faits, souvent plus technocratique que
politique ? [...] Vous savez que je n'ai jamais été de ceux qui pensent
que le temps des nations est révolu. [...] L'Europe politique que nous
voulons, c'est l'Europe des nations qui ont la volonté de se placer au
service d'un dessein collectif. Sans nations fortes, nous sommes
convaincus qu'il ne peut y avoir d'Europe forte ! »
Propos de bon sens, sur lesquels les souverainistes devraient
méditer au lieu de crier au délire schizophrénique. Selon François
Fillon, ce débat censé « raffermir nos repères historiques,
civiques et moraux » se justifie par la nécessité de revigorer
« l'énergie nationale » permettant à la France
« de tenir son rang dans la mondialisation ».
D'autres préfèrent la fuir. Pour cette raison, ils revendiquent
l'exclusivité du patriotisme. Reprenant les mots du Premier ministre,
nous leur rétorquerons que si « notre nation c'est notre
protection », c'est aussi « notre tremplin ».
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3 décembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Le gouvernement et les parlementaires de la majorité
promeuvent le développement de la finance islamique sur la place de
Paris. Aperçu des enjeux économiques et sociaux.
Le mois dernier, Bercy accueillit un colloque présentant les
« opportunités pour les entreprises françaises »
offertes par la finance islamique. Christine Lagarde a confirmé qu'elle
menait un « combat » en faveur de son développement
sur le territoire national. Par ce biais, le ministre de l'Économie
entend renforcer l'attractivité de la place de Paris et capter des
liquidités au volume croissant, issues de rentes pétrolières et
gazières.
Cinq principes
La finance islamique recouvre les activités censées respecter
les prescriptions du Coran. Elle repose sur cinq principes :
interdiction de l'intérêt versé selon le seul écoulement du
temps ; prohibition de la spéculation et de
l'incertitude ; exclusion des secteurs haram
(vente d'armes, d'alcool ou de porc, pornographie) ; partage
des profits et des pertes ; adossement à des actifs tangibles.
Des exigences mises en valeur par la Crise... Évalué à
700 milliards de dollars, ce marché devrait représenter
1 000 milliards d'euros à l'horizon 2020, selon Elyès
Jouini et Olivier Pastré, auteurs d'un rapport pour Paris Europlace.
« Soit [...] l'équivalent du tiers des fonds propres de
l'ensemble des banques mondiales en 2007 ou l'équivalent de la moitié
de la capitalisation boursière de la place financière de Paris
aujourd'hui. »
Les banques françaises n'ont pas manqué d'investir ce marché.
BNP-Paribas s'y emploie depuis les années quatre-vingt, principalement
dans le Golfe persique et en Asie du Sud-Est. Depuis 2003, le groupe
s'appuie sur une filiale basée à Bahrein. « Cette entité est
soumise aux mêmes contraintes et dispositions légales que BNP-Paribas,
notamment en matière de connaissance des clients, de lutte contre le
blanchiment d'argent, etc. Néanmoins, [...] elle dispose d'un comité de
charia composé de docteurs en théologie [...] chargés d'approuver
toutes les opérations mises en place », expliqua Maya
Boureghda lors d'une table ronde organisée au Sénat au printemps 2008.
Immigrations
Sur le territoire européen, le Royaume-Uni fait figure de
pionnier. Par rapport à lui, « la France a pris beaucoup de
retard dans le développement de son industrie financière
islamique », observe Zoubeir Ben Terdeyet, directeur
d'Isla-Invest. Peut-être parce que « en Grande-Bretagne, les
populations musulmanes sont constituées surtout de personnes
originaires du Pakistan, de l'Inde et du Golfe persique, soit des
régions où les banques islamiques sont très présentes. En France, en
revanche, la communauté musulmane est composée, en majorité, de gens
issus d'Afrique du Nord où la finance islamique est assez
inexistante. » Jean Arthuis, qui préside la commission des
Finances de la chambre haute, déplore l'« inertie
nationale », tout en martelant que peu d'aménagements légaux
seraient nécessaires pour y remédier. D'ailleurs, l'Autorité des
marchés financiers a déjà approuvé des OPCVM (organismes de placement
collectif en valeurs mobilières) compatibles avec la charia.
Outre-Rhin, le land de Saxe a émis une obligation islamique
– ou sukuk – qui lui a rapporté 100 millions
d'euros.
Un exemple à suivre ? Probablement aux yeux du
sénateur UMP Philippe Marini, auteur d'un amendement à la proposition
de loi « tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et
moyennes entreprises ». Adopté définitivement par le
Parlement, après avis favorable du gouvernement, son texte prévoyait la
modification du Code civil sur la fiducie (transfert temporaire de
propriété), afin que le détenteur de sukuk
puisse se prévaloir d'un
droit de propriété des actifs supports. Saisi par l'opposition, le
Conseil constitutionnel a censuré cet amendement le 14 octobre
dernier, pour un motif de forme. Scandalisé, le député PS Henri
Emmanuelli avait dénoncé une atteinte à la laïcité par
« l'introduction de la charia dans le droit
français ». Une accusation récusée par sa collègue UMP Chantal
Brunéi : « Nous n'ajoutons ici qu'un instrument
d'investissement supplémentaire dans la boîte à outils – un parmi
beaucoup d'autres, et que personne n'est obligé
d'utiliser ! »
Communautarisme
Sans doute eût-il été plus opportun d'agiter l'épouvantail du
communautarisme. L'année dernière, Jean Arthuis avait regretté que
« la réflexion présentement engagée soit essentiellement
tournée vers la banque d'investissement et de financement au détriment
de la banque de détail ». La demande des particuliers
n'apparaît pas manifeste, mais Zoubeir Ben Terdeyet veut croire en son
émergence : « Lorsque la viande halal est apparue en France, presque personne n'en achetait. [...]
Beaucoup de musulmans qui ne consommaient
pas de viande halal,
par effet de mimétisme, font maintenant comme
leurs voisins en s'en procurant. Le même phénomène pourrait avoir lieu
concernant les produits de finance islamique. » Leur
développement s'accompagnerait d'un « effet
intégrateur potentiel » selon Jean Arthuis ; ce
serait un signal positif envoyé à la communauté musulmane nationale,
une sorte de reconnaissance.... Dans le débat qui anime la rédaction de
L'Action Française 2000 et qui oppose, plus ou moins,
les partisans de l'assimilation à ceux de l'intégration communautaire,
l'ancien ministre de l'Économie soutiendrait vraisemblablement les
seconds.
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19 novembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Le Conseil d'État reconnaît désormais "l'effet direct" des
directives européennes.
En 1975, Daniel Cohn-Bendit demanda l'abrogation de l'arrêté
d'expulsion dont il avait fait l'objet le 25 mai 1968. Confronté, dans
un premier temps, au refus du ministre de l'Intérieur, il fit valoir,
en vain, que sa décision était contraire à la directive adoptée par le
Conseil des Communautés européennes le 25 février 1964.
À la différence des règlements, rappelons que les directives
requièrent une "transposition" par les autorités nationales.
À l'époque, le Conseil d'État considéra que les États membres
étaient les seuls destinataires des directives, et que celles-ci
« ne sauraient être invoquées par [leurs] ressortissants [...]
à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif
individuel ». Sa position tranchait avec celle de la Cour de
Justice de Luxembourg, dont il se rapprocha toutefois en pratique par
la suite, jusqu'à revenir sur cette jurisprudence le 30 octobre dernier.
Un revirement
Appelé à statuer sur une affaire de discrimination,
l'Assemblée du contentieux – la formation juridictionnelle la plus
élevée du Conseil d'État – a jugé, suivant les termes du communiqué
officiel, « que tout justiciable [pouvait] se prévaloir, à
l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif même non
réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une
directive lorsque l'État n'a pas pris, dans les délais impartis par
elle, les mesures de transposition nécessaires. » "L'effet
direct" des directives européennes se trouve ainsi reconnu. Et la
prégnance du droit communautaire confirmée, bien que son primat fût
admis de longue date : depuis 1984, par exemple, le Conseil d'État
pouvait annuler les dispositions de tout acte réglementaire contraire à
une directive.
Pour expliquer son revirement, la juridiction administrative
invoque l'« obligation constitutionnelle » que
revêtirait désormais la transposition en droit interne des directive
communautaires. Depuis 1992, en effet, la constitution de la
Ve République affirme la participation de la France aux
Communautés et à l'Union européennes, dans les conditions fixées par
les traités européens successifs. Aux yeux des juristes, l'influence
des normes communautaires puise donc sa légitimité dans notre propre
constitution.
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10 novembre 2009
Le Sénat a donné son feu vert au changement de statut de La Poste.
Un nouveau pas vers la liquidation du "service
public" ? Pas forcément. Aperçu de quelques dispositions
légales encadrant les activités postales.
Le Sénat a adopté hier soir, 9 novembre, le projet de
loi « relatif à l'entreprise publique La Poste et aux
activités postales ». Au préalable, Pierre Hérisson s'en était
saisi au nom de la commission de l'Économie de la chambre haute. Son
rapport, dont nous avons lu l'exposé général, nous a réservé
quelques surprises. En effet, nous ignorions l'existence des barrières
érigées par le législateur contre le "tout libéral", y compris au
niveau européen.
« La Poste imprègne notre univers quotidien et notre
imaginaire collectif », souligne le sénateur. « Le
bureau de poste symbolise la vie communale, au même titre que la mairie
ou l'église, et traduit l'ancrage territorial de l'entreprise. La
figure du facteur, immortalisée par le septième art et plébiscitée par
nos compatriotes, constitue un lien de proximité et de sociabilité
central jusque dans les zones les plus reculées. Les fonctions
assurées, porteuses d'une dimension universelle – relier les hommes,
faire circuler l'information, transmettre des biens –, méritent au
premier chef la qualification de service public. » En
conséquence, la loi définit quatre missions faisant l'objet d'un
contrat entre l'État et La Poste : le service public
des envois postaux et le service universel postal ; le service
public du transport et de la distribution de la presse ; la
mission d'accessibilité bancaire ; la mission d'aménagement du
territoire.
Service universel
Une directive européenne de 1997 impose au prestataire du
service universel de « garantir, tous les jours ouvrables et
pas moins de cinq jours par semaine, au minimum une levée et une
distribution au domicile de chaque personne physique ou morale. En
France, la loi du 20 mai 2005 [...] met à la charge
de La Poste [...] des obligations qui vont au-delà [...] et
fait de la France l'un des pays européens bénéficiant du service
universel le plus large. [...] Il comprend ainsi, notamment, un service
de levée et de distribution six jours sur sept, des envois de colis
postaux jusqu'à 20 kg, des envois recommandés et des envois à
valeur déclarée ainsi que des envois de journaux et imprimés
périodiques pesant au plus 2 kg. Les critères d'accessibilité
au réseau de points de contact [...] prévoient "qu'au moins
99 % de la population nationale et au moins 95 % de
la population de chaque département soit à moins de 10 km d'un
point de contact et [que] toutes les communes de plus de
10 000 habitants disposent d'au moins un point de
contact par tranche de 20 000 habitants". »
La loi du 2 juillet 1990 « dispose
que "La Poste contribue [...] à l'aménagement et au
développement du territoire national". [...] Le réseau de
La Poste se compose, pour ce faire, de 17 091 points
de contact répartis dans environ 14 000
communes [...] : 10 778 bureaux de
poste détenus en propre par La Poste, dont 4 000 dans
des communes de moins de 2 000 habitants ;
4 446 agences postales communales et intercommunales,
situées dans des mairies, un demi-emploi étant financé par
La Poste ; 1 758 relais Poste chez des
commerçants, ces derniers étant rémunérés par La Poste au
moyen d'un forfait et d'une commission sur les activités. Au titre de
sa mission d'aménagement du territoire, La Poste entretient un
réseau de points de contact dans les zones dites
"prioritaires" : zones de revitalisation rurale, zones
montagneuses, zones urbaines sensibles et départements
d'outre-mer. »
« Le surcoût occasionné par ce réseau est estimé, en
tenant compte des efforts engagés par La Poste en termes de
productivité et d'adaptation de son réseau, à 250 millions
d'euros environ. [...] Or, La Poste, désormais soumise à la
pression concurrentielle sur la totalité de son domaine d'activité, ne
pourra pas contribuer de manière indéfinie au financement d'une mission
qui ne pèse pas sur ses concurrents, notamment les grands
établissements postaux européens, chargés seulement de la mission de
service universel. Votre rapporteur souligne en conséquence qu'il est
temps de trouver une solution de financement à la mission d'aménagement
du territoire de La Poste et que l'État [...] ne saurait en
être absent. »
La peur de la liberté ?
Cela soulève des inquiétudes légitimes. Cependant, on s'étonne
des réflexes "étatistes" animant certains royalistes. Leur réaction
tranche avec les partis pris de Maurras, fustigeant jadis
« l'État français qui se mêle de tout [...], même de faire des
écoles et de vendre des allumettes ». Pourquoi faudrait-il,
par principe, s'en remettre à lui pour livrer des gadgets high tech
commandés sur la Toile ? La distribution des lettres relève
certes davantage du "service public". Mais « l'avenir du
marché "courrier" ne semble pas porter à l'optimisme. [...] Les
spécialistes auditionnés par la commission Ailleret ont évoqué des
réductions de volume de l'ordre de 20 à 40 % à l'horizon
2020. » Si « des opportunités de
croissance » existent, elles sont « recelées par
l'ère numérique »
Aussi La Poste est-elle « confrontée à un
bouleversement majeur de son environnement rendant son avenir
incertain ». Elle se trouve « acculée dans une
impasse », estime Pierre Hérisson :
« l'insuffisance de ses fonds propres l'empêche de procéder
aux investissements nécessaires pour affronter ses concurrents les plus
directs. [...] Or, son statut actuel d'établissement public ne
l'autorise pas à accéder à des sources de financement élargies. Pour y
remédier [...], une modification de sa forme juridique est
aujourd'hui indispensable. C'est l'objet principal du présent projet de
loi, qui donne explicitement à La Poste le statut de société
anonyme. » « S'il existe un risque en toute
chose », poursuit le sénateur, « le pire risque
serait aujourd'hui de ne rien faire ».
La tentation de l'immobilisme apparaît pourtant manifeste. Il
est vrai que La Poste est le premier employeur de France après
l'État... Nos compatriotes seraient-ils effrayés par la
liberté ? C'est l'hypothèse
avancée par Yves Daoudal, qui dénonce le tabou du "service
public à la française" : « Peut-être faudrait-il se
demander s'il ne s'agit pas plutôt de services publics "à la
soviétique", expression traduite par les communistes par "à la
française" et imposée comme telle aux Français au moment où le Parti
communiste avait une très grande influence. Ainsi la SNCF a-t-elle été
créée par le Front populaire, EDF-GDF et la Sécurité sociale en 1946.
Certes, La Poste, quant à elle, est devenue monopole d'État en
1793. Mais c'est aussi une date de dictature d'extrême
gauche. » Voilà qui pourrait interpeler ces royalistes
devenus des chantres de l'État-providence !
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5 novembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
La loi sera aménagée pour préserver la retraite des mères de famille
et se conformer à la jurisprudence. Cela en application d'un principe
égalitaire que nous récusons.
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour
2010 comporte un article réformant la majoration de durée d'assurance
(MDA) pour enfant accordée aux mères relevant du régime général. Dans
un rapport d'information rédigé au nom de la délégation "aux droits des
femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes", Mme
Marie-Jo Zimmermann, député de la Moselle, rappelle que « ces
majorations sont aujourd'hui de huit trimestres par enfant élevé. Elles
bénéficient à la quasi-totalité des mères et comptent pour une part
très importante (de l'ordre de 20 %) dans les montants des
retraites des femmes, montant qui demeure malgré ces effets correctifs
bien inférieur à celui des pensions des hommes. »
Les statistiques sont édifiantes : en 2004, les
femmes recevaient une retraite inférieure en moyenne de 38 % à
celle des hommes, au montant d'autant plus faible qu'elles avaient eu
d'enfants. Ceux-ci affectent évidemment leur carrière professionnelle
(82 % des travailleurs à temps partiel sont des
femmes) ; en revanche, leur présence « peut même
avoir plutôt un effet positif [sur celle des hommes] par l'image de
responsabilité qu'elle confère au père ».
Discrimination
Dans ces conditions, remarque Mme Zimmermann, « la
majoration de durée d'assurance apparaît bien comme un élément
essentiel pour préserver une particularité française, la conjugaison
d'un fort taux d'activité féminine avec une fécondité [relativement...]
dynamique ». Une majorité de parlementaires partagent sans
aucun doute son point de vue. Mais le législateur doit compter avec la
Cour de cassation, dont l'arrêt du 19 février dernier imposait
d'étendre aux hommes le bénéfice des MDA. Une perspective évidemment
insupportable pour les finances publiques. À l'avenir, l'essentiel des
majorations pourra donc être attribué à la mère ou au père, ou bien
partagé entre eux. Outre des conflits entre les parents, le député
craint « le risque d'entraîner des choix d'opportunité sans
lien avec la finalité de la majoration et qui se révèleront pénalisants
pour les mères ».
Un nouveau mensonge
Au moins le dispositif sera-t-il sauvegardé. Solution bancale
apportée à un problème strictement juridique ? Pas tout à
fait, car l'évolution de la jurisprudence n'est pas hermétique à celle
des mentalités. L'entrée en vigueur de la Convention européenne des
droits de l'homme, sur laquelle s'est appuyée la Cour de cassation, ne
remonte-t-elle pas à 1953 ? Si le rapport fustige
« une vision étroite du principe d'égalité », il n'en
conteste pas les fondements. Selon Mme Zimmermann, en effet,
« les majorations de durée d'assurance, comme les autres
droits familiaux, ont pour objectif de corriger les effets sur les
pensions de retraite des inégalités professionnelles subies par les
femmes. Elles ont donc, en principe, vocation à disparaître au fur à
mesure que la situation des hommes et des femmes se
rapprochera. »
Or, au regard du bien commun, il ne convient pas seulement de
"compenser" les sacrifices consentis par les mères, mais aussi
d'encourager l'accueil des enfants. Sans quoi, homme ou femme, chacun
devra s'accommoder demain d'une retraite de clopinettes ! En
réalité, « l'égalité ne peut régner nulle part »,
observait Charles Maurras, « mais son obsession, son désir,
établissent un esprit politique directement contraire aux besoins
vitaux d'un pays » (Mes Idées politiques).
Peut-être faut-il le rappeler ? Les hommes ne portent
pas d'enfants... ; le bon sens voudrait qu'on en tire quelque
conséquence. « Dans un État puissant, vaste, riche et complexe
comme le nôtre, chacun assurément doit avoir le plus de droits
possible », poursuit le maître de l'AF ;
« mais il ne dépend de personne de faire que ces droits soient
égaux quand ils correspondent à des situations naturellement inégales.
Quand donc, en un tel cas, la loi vient proclamer cette égalité, la loi
ment, et les faits quotidiens mettent ce mensonge en
lumière. » Mme Zimmermann juge
« indispensable de fixer un pourcentage minimum de
membres du sexe sous-représenté au sein des conseils d'administration
et des conseils de surveillance pour les sociétés cotées en
bourse » ; ces quotas ne seraient qu'un nouveau
mensonge.
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22 octobre 2009
Hubert Haenel consacre un rapport parlementaire « à
la fonction de contrôle du Sénat sur les questions
européennes ». Une fonction « en pleine mutation pour
le parlement français, en raison de la révision constitutionnelle du
23 juillet 2008 et de la réforme des règlements des
assemblées qui vient d'en tirer les conséquences ».
La chambre haute s'appuie désormais non plus sur une délégation,
mais sur une véritable commission en charge des
Affaires européennes. « Cette disposition a mis fin à une
anomalie : au sein de l'Union, les assemblées françaises
étaient les seules (avec le parlement maltais) à ne pas être dotées
d'un tel organe. L'évolution a été radicale puisque, aujourd'hui, la
commission "chargée des affaires européennes" est la seule dont
l'Assemblée nationale et le Sénat soient constitutionnellement obligés
de se doter. »
D'ores et déjà, le Sénat serait l'assemblée ayant adressé à la
Commission « le plus grand nombre d'"observations" sur la
subsidiarité et la proportionnalité. Cela dans le cadre d'une procédure
informelle introduite par José Manuel Barroso après l'échec des
référendums français et néerlandais de 2005, officialisée et renforcée
par le traité de Lisbonne.
Passons sur l'examen détaillé des dispositions réglementaires
propres au Sénat ; leur complexité a eu raison de notre
curiosité. En conclusion, Hubert Haenel souligne que les institutions
européennes « apparaissent souvent lointaines, difficilement
compréhensibles et malaisément contrôlables ». Force est de
constater, à la lecture de ce rapport, que l'appréhension des
institutions françaises n'est pas une sinécure... L'UE se distingue
surtout par son originalité, à laquelle se heurte le mimétisme des
analystes de bas étage.
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30 septembre 2009
Dominique de Villepin revient à la une des médias. Nostalgie...
Le procès Clearstream va-t-il remettre en selle Dominique de
Villepin ? Il est vrai que ce poète au verbe flamboyant en
impose à côté du président de la République. Lequel porte un nouveau
coup à la dignité de sa fonction en manifestant – y compris devant la
justice, voire au mépris du droit – toute l'animosité que lui inspire
son rival.
Ce duel prend volontiers une tournure politique. Nicolas
Sarkozy vient d'installer le général Abrial à la tête de l'Allied
Command Transformation. Une infamie ! Jusqu'alors,
nos officiers arpentaient les couloirs de l'Otan sans
responsabilités... À l'opposée ressurgit le souvenir d'un ministre
français bravant l'impérialisme américain à la tribune des Nations
Unies, tandis que l'oncle Sam se préparait à envahir l'Irak. Son
courage fut d'autant plus méritoire qu'il caressa l'opinion dans le
sens du poil et qu'un sniper américain le
guettait dans Manhattan.
Soyons honnête : à l'époque, l'enthousiasme nous
avait emporté, et même aujourd'hui, la nostalgie ne nous épargne pas
tout à fait ; c'est pourquoi ce billet sonne comme une
repentance. L'AF enseigne la méfiance à l'égard du romantisme ; mettons
son catéchisme en pratique ! L'arrogance du discours flatte
les sentiments, mais les gesticulations masquent mal l'impuissance qui
fut la nôtre à influencer nôtre allié américain. Sans jamais envisager
le divorce, la France a multiplié les scènes de ménage, prenant la
planète entière à témoin, pour quel résultat ? N'en déplaise
aux fanatiques de l'esbroufe gaullienne, la politique n'est pas
(seulement) une affaire de posture.
Hélas, serions-nous tenté d'ajouter, car la raison peine à
tempérer toutes les ardeurs du chauvinisme !
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30 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
L'idéologie prend parfois la défense en otage. Les déboires de
l'Airbus A400M, développé sous la bannière de la coopération
européenne, illustrent un phénomène dénoncé par le journaliste
Jean-Dominique Merchet.
Réunis au Castellet le vendredi 24 juillet, les sept pays
partenaires du programme A400M (1) se sont donné six mois pour renégocier
le contrat les liant au groupe EADS. Celui-ci avait annoncé le
9 janvier que les premiers avions ne seraient pas livrés avant
fin 2012, avec un retard de trois ans au moins. L'industriel reconnaît
sa difficulté, voire son incapacité, à satisfaire à toutes les
exigences du cahier des charges.
Polyvalence
Ces déboires inquiètent l'armée, confrontée au vieillissement
de ses appareils de transport, anticipé de longue date : la
formalisation du besoin à l'origine du projet A400M remontre à 1984.
Cinquante avions ont été commandés par la France. Sans eux, selon les
sénateurs Jacques Gautier et Jean-Pierre Masseret (2), « la capacité de
projection tactique à 1 000 km en cinq jours, actuellement de l'ordre
de 5 000 tonnes (soit 1 500 militaires avec leur équipement et leur
autonomie) passerait, en 2012, à moins de 3 000 tonnes, voire 2 500
tonnes ». Il faudra supporter le coût des solutions palliatives (remise
à niveau d'avions en fin de vie, achats ou locations), et les
conséquences d'un moindre entraînement des équipages.
Enfin aux commandes de l'A400M, ceux-ci bénéficieront d'un
appareil à la polyvalence inédite : son rayon d'action, sa capacité
d'emport et sa vitesse conviendront aux missions stratégiques ;
susceptible d'opérer sur terrain meuble, à basse altitude et faible
vitesse, il répondra également aux exigences tactiques ; il pourra
aussi participer à des ravitaillements en vol. Embarquant une
technologie de pointe, il exploitera le « plus puissant turbopropulseur
développé en Occident », selon l'expression de Noël Forgeard. L'avion
cumule les ruptures technologiques. Pourtant, Airbus Military s'était
engagé à le développer « à un prix très bas,
dans des délais très courts, et sans programme d'évaluation
des risques ». L'industriel a sous-estimé l'ampleur du défi ; aux yeux
des parlementaires, sa première erreur fut « de penser qu'un avion de
transport militaire tactique équivalait à un avion de transport civil
"peint en vert", bref qu'il s'agissait de construire un Airbus comme
les autres et que les compétences acquises en matière de certification
civile seraient un atout substantiel », voire suffisant.
Une gouvernance inefficace
EADS a pâtit, en outre, d'une mauvaise organisation de ses
filiales, conduisant à « une mobilisation insuffisante des forces vives
d'Airbus ». En effet, « AMSL était placée dans une situation intenable
vis-à-vis d'Airbus : en tant que filiale, elle devait exécuter ses
ordres ; en tant que responsable industriel du programme, elle devait pouvoir
mobiliser les unités de production de la société mère. » Cela dit,
Louis Gallois nuance l'échec de son groupe, d'autant que les retards
sont monnaie courante dans l'industrie d'armement : « On ne connaît pas
de programme de ce type livré en moins de douze ans. [...] Si nous
livrions l'avion dans une amplitude de dix ans, nous serions encore la
référence dans ce domaine. » (3)
Divergences
Réunis dans l'Organisation conjointe de coopération en
matière d'armement (Occar), les États impliqués ont entrepris une
collaboration délicate, sinon hasardeuse. Ils avaient opté pour une
approche commerciale, consistant, selon l'explication des sénateurs, «
à délivrer, au terme d'une phase unique pour le développement et la
production, un nombre fixe d'avions – 180 – à un prix indexé, mais
ferme : 20 milliards d'euros aux conditions économiques initiales ».
Mais les priorités divergeaient : le Royaume-Uni voulait acquérir des
appareils au plus vite ; l'Allemagne surveillait le budget avec un
calendrier élastique ; l'Espagne espérait surtout développer son
industrie aéronautique ; quant à la France, elle souhaitait répondre à
un besoin opérationnel, mais aussi « faire avancer l'Europe de la
défense ». Au total, estiment les parlementaires, ces stratégies
différentes « ont conduit à prolonger les négociations plus que de
mesure », ainsi qu'à imposer des conditions contractuelles
difficiles... En l'absence d'un État pilote, « le dialogue
indispensable entre l'industriel et le donneur d'ordres a fait défaut
», poursuivent-ils. « En outre, le principe du juste retour a été
appliqué strictement, aussi bien pour le moteur que pour l'avion. » «
Enfin, la faible capacité de l'Occar à prendre des décisions [...], le
manque de dialogue entre EADS et les sous-traitants, ainsi que les
problèmes d'organisation du consortium des motoristes ont conduit à
retarder l'identification des problèmes et donc leur résolution. »
Une exception, l'A400M ? « Bien au contraire », proclame
Jean-Dominique Merchet dans son dernier livre (4). L'animateur du blog
Secret Défense, collaborateur de Libération et conférencier occasionnel
de la NAR, rapporte que « l'autre programme phare de la coopération
européenne, l'hélicoptère NH90, souffre des mêmes maux ». L'industrie
d'armement serait « victime de l'idée que plus on embarque de
partenaires [...], mieux c'est » ; idée dont le seul mérite serait
d'être européenne.
Réussite en solo
À l'opposé, l'auteur souligne la réussite du Rafale : « Très
critiqué, le choix de jouer en franco-français apparaît aujourd'hui
comme le plus rationnel, tant sur le plan des finances publiques que
sur celui des besoins militaires. » Et de citer la Suède en exemple,
qui produit des avions militaires et réussit même à en
exporter : « Ce que la petite Suède sait faire, et plutôt
bien, il n'y avait aucune raison que la France – six fois plus grande –
ne puisse le réussir, n'en déplaise aux idéologues qui estiment, une
fois pour toutes, que la France est trop petite. »
Fustigeant la Politique européenne de sécurité et de défense
(PESD), Jean-Dominique Merchet juge lamentables les multiples
déclarations d'intention jamais suivies d'effet. On attribue
certes quelques réalisations concrètes à la PESD, mais dont la
dimension "européenne" serait souvent usurpée, comme en Bosnie : « En
décembre 2004, l'opération militaire Althéa prend la suite de l'Otan.
Pour plus d'efficacité, l'UE le fait néanmoins avec les moyens et
capacités de commandement de l'Otan, dans le cadre des accords dits de
"Berlin Plus". » Première mission navale entreprise sous l'égide de
l'Union, l'opération Atalanta lutte avec succès contre la piraterie au
large de la Somalie. Mais « "on ne déploie pas de bateaux exprès pour
cette mission", explique-t-on à l'état-major de la Marine rue Royale.
"On a deux bateaux qui auraient été là-bas de toute façon dans le cadre
de notre présence dans l'océan Indien." »
L'UE et les tâches ménagères
Autant d'exemples illustrant « la grande illusion de la
défense européenne ». Avec un mépris teinté d'humour, Jean-Dominique
Merchet observe que l'Europe « est conçue pour les temps ordinaires »,
ce qui s'avère à certains égards « bel et bon » : « Comme le disait
l'inoubliable Paul Volfoni des Tontons flingueurs, "les tâches
ménagères ne sont pas sans noblesse". » Mais là où il est question « de
vie et de mort », on entre dans une cour où « l'Europe ne joue pas et
n'est pas prête de le faire ».
Ce petit livre, clair et concis, est un vrai réquisitoire.
Pour l'étayer, l'auteur convoque Carl Schmitt et Joseph de Maistre. Ses
arguments suffiraient-ils à prononcer la condamnation de l'UE ? Pas
forcément, car la PESD apparaît bien marginale au sein de l'Union, dont
l'ossature demeure le marché unique. Et si la défense témoigne des
méfaits de l'idéologie européiste, celle-ci n'est pas le seul moteur de
la construction européenne, où interviennent également des calculs
d'intérêts. Cela dit, Jean-Dominique Merchet confesse volontiers un
euroscepticisme plus prononcé que celui d'un Védrine, par exemple.
Quant au souverainisme, « c'est un mot qui ne me fait pas peur » nous
a-t-il confié, tout en se définissant plutôt comme un « gaulliste du 18
juin ».
(1) Les États engagés dans le programme A400M sont les
suivants : Allemagne (60 avions), France (50), Espagne (27),
Grande-Bretagne (25), Turquie (10), Belgique (7) et Luxembourg (1).
L'Afrique du Sud a commandé huit appareils et la Malaisie quatre.
(2) Jacques Gautier & Jean-Pierre Masseret : Rapport
d'information sur les conditions financières et industrielles de mise
en œuvre du programme A400M. Annexe au procès-verbal de la
séance du 10 février 2009, 97 pages, disponible en téléchargement
gratuit sur le site Internet du Sénat.
(3) Cité par Nicolas Gros-Verheyde : « Louis Gallois
s'explique ». Europolitique, n° 3722, 26 mars
2009. Cf http://bruxelles2.over-blog.com/
(4) Jean-Dominique Merchet : Défense européenne, la
grande illusion. Larousse, coll. "À dire vrai", 126 pages,
9,90 euros. Deux extraits sont en ligne sur le blog de l'auteur :
http://secretdefense.blogs.liberation.fr/
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