23 avril 2018
Le cadavre de Maurras bouge encore ! Cela bien que son antisémitisme, insupportable, ait jeté l'opprobre sur toute sa pensée. Critiquant explicitement le libéralisme, la figure tutélaire de l'Action française n'en condamnait pas moins la mainmise de l'État sur les PTT, l'éducation voire la monnaie.
Promoteur d'une monarchie « traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée
», Charles Maurras est né il y a cent cinquante ans, le 20 avril 1868. Fallait-il commémorer cet anniversaire ? Le ministère de la Culture s'y est finalement refusé, non sans avoir tergiversé. Antisémite et xénophobe, nationaliste et réactionnaire, la figure tutélaire de l'Action française demeure pour le moins controversée. Ses héritiers revendiqués ont, pour la plupart, le libéralisme en horreur. À l'image de leur maître ? En partie seulement, comme en témoignent ces quelques citations.
Chantre du « politique d'abord
», Charles Maurras n'en affirmait pas moins que l'économie était « plus importante que la politique
» : « l'économie étant la science et l'art de nourrir les citoyens et les familles, de les convier au banquet d'une vie prospère et féconde, est une des fins nécessaires de toute politique
», expliquait-il notamment (Mes Idées politiques, 1937).
Maurras voulait privatiser la Poste
Certes, précisait-il, « même pour donner le pas à certaines questions économiques jugées vitales, il faut au préalable une organisation politique, une action politique, avec ses moyens qui sont politiques : des mandataires, des fonctionnaires, des agents, des corps de police et d'armée, des juges, des policiers, des bourreaux
» (L'Action Française, 7 mars 1935, article cité dans le Dictionnaire politique et critique). Cependant, à l'orée du XXe siècle, il dénonçait déjà « l'État français qui se mêle de tout aujourd'hui, même de faire des écoles et de vendre des allumettes, et qui, en conséquence, fait tout infiniment mal, vendant des allumettes ininflammables et distribuant un enseignement insensé
» (Dictateur et Roi, 1903). En conséquence, écrivait-il, « il faut rendre à l'initiative privée, aux personnes, associations, compagnies, toutes les fonctions qui dans l'État, accomplies par l'État, font effet de parasites stérilisants : stimulées et régénérées par l'idée légitime du légitime profit, elles feront de la richesse au lieu d'en dévorer
» (« La Politique générale
», Almanach d'Action française, 1922). Dans l'entre-deux-guerres, Charles Maurras réclamait que soit privatisée la Poste ! L'Union européenne n'était pourtant pas en cause…
Suivant la même logique, de façon peut-être plus étonnante encore, il s'inquiétait d'un contrôle accru de la monnaie par l'État, déplorant les « innovations dangereuses apportées à la Banque de France
» par le Front populaire (L'Action Française, 18 juillet 1936) ; « le plus important, les questions de crédit et d'escompte, sera désormais soumis aux volontés de gouvernements de passage
», était-il dénoncé dans le quotidien royaliste (L'Action Française, 16 juillet 1936). Cela tranche avec les positions qui sont aujourd'hui celles des souverainistes, aux yeux desquels l'indépendance des banques centrales est une aberration.
Critique du constructivisme
La division du travail ne suscitait apparemment aucune défiance chez Maurras – qui, certes, ne l'envisageait pas à une échelle mondiale. Bien au contraire, il y voyait un facteur de « progrès
», à la faveur duquel « chaque fonction s'accomplit beaucoup plus vite et beaucoup mieux
» (Mes Idées politiques, 1937). Quant à la décroissance, sans doute cette perspective lui aurait-elle semblé contraire à la nature même de l'homme. Celui-ci « ne peut rien laisser en place
», écrivait-il : « il lui faut défaire et refaire, décomposer pour le recomposer sur un autre plan tout ce qu'il trouve autour de lui, et son système de remaniement perpétuel l'aura conduit, de proche en proche, à interposer sa main, son travail, sa peine et son art entre toutes les matières premières que la nature lui fournit et que jadis il utilisait telles quelles
» ; « animal industrieux, voilà, je pense, la définition première de l'homme
» (« L'Industrie
», Principes, 1931).
Cela étant, Charles Maurras raillait volontiers « la doctrine libérale
[qui] assure que le bien social résulte mécaniquement du jeu naturel des forces économiques
» ; « les conseils des économistes libéraux valent pour nous ce qu'auraient valu autrefois pour le genre humain une secte de naturistes qui lui aurait recommandé de se croiser les bras et d'attendre que la terre porte d'elle-même les fruits et les moissons
» (Mes Idées politiques, 1937). Poursuivons toutefois la lecture : « Non, la nature, non, le jeu spontané des lois naturelles ne suffisent pas à établir l'équilibre économique. Mais prenons garde ; ces lois, auxquelles il serait fou de vouer une confiance aveugle et mystique, il serait encore plus fou de les négliger. Cultivons, tourmentons, forçons même l'ample et bizarre sein de la vieille nature, ajoutons à ses forces nos forces et notre sagesse, notre prévoyance et notre intérêt, doublons les partout de nous-mêmes. Mais sachons que nous ne commanderons aux choses qu'à la condition de leur obéir.
» La mise en œuvre d'une « politique naturelle
» chère à Maurras ne serait-elle alors possible que dans le respect d'un « ordre spontané
» ? La question est posée.
3 juin 2017
Article publié dans L'Action Française 2000
Qu'elle soit légitime ou non, force est de constater que la défiance suscitée par le Brexit nourrit la critique de la démocratie.
Le vote en faveur du Brexit a mis Londres dans l'embarras, suscitant les railleries de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne : « ce que je ne comprends pas
», avait-il déclaré au lendemain du référendum, le 28 juin 2016, « c'est que ceux qui voulaient quitter l'UE sont incapables de nous dire ce qu'ils veulent
» ; « je pensais
[…] qu'ils avaient un plan, un projet, une vision globale, mais ce n'est pas le cas
». Depuis, un livre blanc a certes été publié afin de tracer quelques perspectives ; mais « pour compter soixante-dix-sept pages
», ce document « n'en forme pas moins un ensemble particulièrement creux et indigent
», selon l'analyse de Jean-Louis Bourlanges publiée sur Telos.
Le peuple, vraiment ?
Force est de le constater : la construction européenne met la démocratie à l'épreuve. Du moins la défiance suscitée par l'annonce du Brexit contribue-t-elle à relativiser l'attachement que lui témoignent les détracteurs d'une sortie de l'Union européenne, à l'image d'Anthony Grayling, professeur de philosophie : « les 51,9 % qui ont voté pour la sortie de l'UE représentent 37 % de l'électorat total, et environ 26 % de la population totale
», souligne-t-il dans un entretien à Euractiv ; « quand les gens utilisent des expressions comme "le peuple a parlé" ou "les Britanniques ont voté pour la sortie de l'UE"
», poursuit-il, « cela n'a pas de sens
». Jean-Louis Bourlanges n'est pas en reste, tandis qu'il vante « la supériorité de la procédure parlementaire, à la fois souple et éclairée, sur la brutalité rigide et manichéenne du référendum
» : « compétence et implication personnelles des décideurs, pluralité et non pas dualité des options à prendre en compte, flexibilité et réversibilité du processus décisionnel, aptitude de celui-ci à nourrir la négociation et à fabriquer des compromis
» sont autant de qualités qu'il attribue à la sagesse des parlementaires – comme si ceux-ci constituaient une sorte d'aristocratie républicaine…
Il ne reste qu'un pas à franchir pour s'attaquer non pus à la démocratie référendaire, mais à la démocratie elle-même – ce dont Charles Maurras ne se privait pas, lui opposant les bienfaits de la monarchie. C'est en ces termes qu'il évoque le roi dans Mes Idées politiques : « Sa valeur, la valeur d'un homme, est incomparablement supérieure à celle de la résultante mécanique des forces, à l'expression d'une différence entre deux totaux. Quoi que vaillent son caractère ou son esprit, encore est il un caractère, un esprit, c'est une conscience, un cœur, une chair d'homme, et sa décision représentera de l'humanité, au lieu que le vote cinq contre deux ou quatre contre trois représente le conflit de cinq ou de quatre forces contre deux ou trois autres forces. Les forces peuvent être, en elles-mêmes, pensantes, mais le vote qui les exprime ne pense pas : par lui-même, il n'est pas une décision, un jugement, un acte cohérent et motivé tel que le développe et l'incarne le Pouvoir personnel d'une autorité consciente, nominative, responsable. Ce pouvoir juge en qualité. Il apprécie les témoignages au lieu de compter les témoins. Bien ou mal, c'est ainsi qu'il procède, et ce procédé est supérieur en soi au procédé de l'addition et de la soustraction.
»
Un pari manqué
« Au total
», comme le remarque Élie Cohen, encore sur Telos, « il est frappant de constater que la participation britannique à l'UE s'est jouée sur une opération politique de David Cameron visant à maintenir l'unité de son parti dans la perspective des législatives et que le hard Brexit sera engagé pareillement pour préserver l'unité du Parti après les résultats du référendum de 2016
». Autrement dit, si le Royaume-Uni tire quelque bénéfice du Brexit, ce sera à la faveur d'un pari manqué. Cela n'est pas à l'honneur de la démocratie.
1 juillet 2016
Un billet teinté d'ironie soufflé par le camarade Philippe.
Le vote "leave" l'a donc emporté le 23 juin 2016. « Ce
référendum n'est pas la victoire des peuples sur les élites, mais des
gens peu formés sur les gens éduqués
», a commenté l'inénarrable
Alain Minc, suscitant
l'indignation de notre confrère Louis Hausalter. Dans la foulée,
bien des "réinformateurs" auront dénoncé la condescendance prêtée au Pays
légal. Celui-ci serait-il peuplé de nouveaux réactionnaires ?
De fait, les propos d'Alain Minc ne sont pas sans rappeler (dans une
certaine mesure, n'est-ce pas ?) ceux tenus jadis par Charles Maurras. Le
28 juin 1941, dans les colonnes de L'Action Française,
ce dernier se défendait du « reproche imprévu de mépriser le
peuple
», tandis qu'il lui refusait « le hochet d'une
fausse souveraineté, qu'il ne peut même pas exercer et que l'on ne peut
même pas concevoir
». Et d'expliquer : « Nous
respectons trop le peuple pour aller lui dire : "Il suffit de
compter les voix des incompétents, pour résoudre les questions d'intérêt
très général qui exigent de longues années d'étude, de pratique ou de
méditation. Il suffit de recueillir et d'additionner les suffrages des
premiers venus pour réussir dans les choix les plus délicats."
»
« Dire au peuple ce qui n'est pas serait lui manquer de respect
»,
poursuivait-il ; « lui débiter des fables pernicieuses, c'est
tantôt le haïr, tantôt le mal aimer
» ; « profiter,
pour lui faire ce mensonge, de la confiance naïve qu'il a voulu placer
en vous, c'est abuser de lui, le trahir et vous dégrader vous-même
».
Qu'on se le dise : au moins Alain Minc a-t-il préservé sa
dignité !
NB – Les citations sont tirées du Dictionnaire
politique et critique.
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3 décembre 2015
N'en déplaise à certains socialistes indignés, déchoir des
Français de leur nationalité participerait d'une démarche typiquement
progressiste.
À l'instant, sur France Info (Les
Informés, émission animée par Jean-Mathieu Pernin,
3 décembre 2015), un certain nombre d'intervenants s'étonnent
– et même s'émeuvent – qu'un pouvoir socialiste envisage de déchoir de
leur nationalité des individus nés français. En effet, un projet de
révision de la Constitution devrait être présenté prochainement en ce
sens.
François Hollande et son gouvernement ne sont pas animés par
des motivations idéologiques, mais politiques : il s'agit de
flatter une opinion publique xénophobe, donner l'illusion d'une action
résolue contre le terrorisme, couper l'herbe sous le pied de
l'opposition, etc. Cependant, n'est-est-ce pas à
gauche, un peu plus qu'ailleurs, qu'on nous explique qu'être français,
ce serait, précisément, adhérer à des "valeurs", en l'occurrence celles
de la République ?
Dans cette perspective, la participation à l'organisation d'un
attentat exprimant manifestement leur reniement, c'est tout
naturellement qu'elle devrait se traduire, juridiquement, par la
déchéance de nationalité. Autrement dit, il s'agirait de prendre acte
d'un choix délibéré, en application d'une conception volontariste de la
nationalité.
Ce serait donc une mesure progressiste, émancipant l'individu
d'un héritage imposé par sa naissance. Tout comme la lutte contre les
"stéréotypes" est censée l'affranchir de déterminismes sociaux, voire
biologiques, par exemple.
De notre point de vue, cela n'est pas à son honneur, mais
force est de le constater : sous la houlette de François
Hollande, la gauche demeure fidèle à ses idéaux.
À lire sur le même sujet :
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23 juin 2015
Allez, un peu de polémique ! Une réponse succincte à Bruno Roger-Petit...
Nos confères de Challenges n'aiment pas
les royalistes. Leur péché, selon
la tribune inquisitoriale publiée aujourd'hui même par Bruno Roger-Petit ?
Établir une distinction entre la France et la République.
Il est est vrai que leurs convictions les y condamnent
fatalement, de la même façon qu'à l'étranger, des républicains sont
bien obligés de dissiper la confusion entretenue par l'histoire entre la
monarchie et la Belgique, l'Espagne ou le Royaume-Uni...
Ce péché, donc, Marion
Maréchal-Le Pen vient de le confesser. C'est pourquoi, avec
elle, selon Bruno Roger-Petit, on serait « bel et bien de
retour dans le salon de Maurras, bien loin de la libraire-papeterie de
Poujade ou de la tombe du général à
Colombey-les-deux-Églises » – comme si celui-ci n'avait pas
été influencé par l'Action française...
Or, cette distinction établie entre la France et la
République, ce serait « un cri de ralliement lancé à ce que
l'extrême droite française a toujours produit de pire depuis deux
siècles ». Charles Maurras, mais aussi Pierre Boutang, Thierry
Ardisson, Stéphane Bern ou Steevy Boulay, par exemple, sans parler du
colonel Rémy ou d'Honoré d'Estienne d'Orves : des gens aux
idées « pires » que celles d'Henry Coston, Édouard
Drumont, Joseph Arthur de Gobineau, etc. ?
Ah, les goûts et les couleurs !
NB – Marion Maréchal-Le Pen prétend ne pas comprendre pourquoi la "République " a tellement la cote. De notre point de vue, la réponse est simple : c'est à cause de l'islam ! La hantise qu'il inspire s'abrite derrière la paravent de la laïcité, qui est censée être consubstantielle à la République, mais dont l'invocation contribue manifestement à en exclure un nombre croissant de nos compatriotes...
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4 juin 2015
Article publié dans L'Action Française 2000
Pourquoi la défense de la « souveraineté
nationale » conduit à une impasse.
Il y a dix ans, le 29 mai 2005, a été rejetée par
référendum la ratification par la France du "traité établissant une
constitution pour l'Europe". Reprenant, sous une forme différente, la
quasi-totalité de ses dispositions, le traité de Lisbonne n'en est pas
moins entré en vigueur quatre ans plus tard, le 1er décembre
2009. La démocratie s'en est-elle trouvée bafouée ?
L'onction populaire dont prétendent se parer les détracteurs
de ce texte ne leur confère, en réalité, qu'une légitimité très
relative : seuls 37 % des électeurs inscrits ont
joint leur voix à à la leur... De fait, la "volonté" prêtée au peuple
n'est jamais exprimée que par une fraction de celui-ci. En outre, alors
qu'il était candidat à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy
n'avait pas caché ses intentions : « débloquer
l'Europe institutionnellement, ce sera le sens de ma première
initiative européenne si je suis élu », avait-il déclaré le
21 février 2007. « Dans ce but », avait-il
annoncé, « je proposerai à nos partenaires de nous mettre
d'accord sur un traité simplifié qui reprendra les dispositions du
projet de traité constitutionnel. [...] Ce traité [...] sera soumis
pour ratification au Parlement. »
Votant en toute connaissance de cause, le peuple aurait-il
changé d'avis ? Peut-être n'en a-t-il jamais vraiment exprimé
aucun. Comme l'écrivait Charles Maurras, l'issue d'un scrutin n'est que
« l'expression d'une différence entre deux
totaux » ; les forces à l'œuvre « peuvent
être, en elles-mêmes, pensantes, mais le vote qui les exprime ne pense
pas : par lui-même, il n'est pas une décision, un jugement, un
acte cohérent et motivé tel que le développe et l'incarne le pouvoir
personnel d'une autorité consciente, nominative,
responsable ».
C'est pourquoi le "déficit démocratique" dont souffrirait
l'Union européenne doit être dénoncé avec prudence : à
l'origine, ce phénomène traduisait moins l'accroissement des pouvoirs
de Bruxelles que celui des gouvernements nationaux aux dépens de leur
propre parlement... En outre, c'est précisément au motif qu'il faudrait
combler ce déficit que l'équilibre institutionnel de l'Europe a été
révisé dans une perspective plus fédérale, au bénéfice du Parlement
européen.
C'est dire l'impasse à laquelle conduit la défense de la
"souveraineté nationale", au sens où l'entendait Maurras, qui n'en
acceptait le principe « ni implicitement, ni
explicitement ». Pas de souveraineté sans souverain !
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27 février 2015
Un article publié par U235 explique pourquoi cette notion est
« une absurdité scientifique ».
Le "choc des civilisations" hante les esprits.
« Pourtant », explique
Olivier Schmitt, « pour les spécialistes de
relations internationales, il s'agit d'un concept zombie, qui a été
disqualifié de multiples fois théoriquement et empiriquement, mais qui
refuse manifestement de mourir ». Aussi l'auteur de cet
article se propose-t-il d'« expliquer patiemment pourquoi la
notion est une absurdité scientifique ».
Au passage, il égratigne un africaniste bien connu des
militants et sympathisants d'Action française : « Du
fait du caractère malléable des identités », écrit-il,
« toute explication des conflits sur cette base (comme par
exemple les arguments de Bernard Lugan sur l'Afrique) est une
absurdité. Le fait que certains éléments du monde musulman aient décidé
de rentrer en conflit avec des pays occidentaux ne peut pas être réduit
à une logique d'affrontement ontologique entre identités
religieuses-civilisationnelles-culturelles, mais doit être remis dans
le contexte d'un affrontement de projets politiques. Car c'est bien là
la faiblesse des explications culturalistes des conflits : en
se focalisant sur le facteur culturel-identitaire comme cause, souvent
par racisme non avoué, elles sont aveugles aux logiques politiques
conduisant au conflit lui-même. Manipulable, l'identité est un enjeu
d'un conflit, elle n'en est jamais la cause, qui
est toujours politique. » Politique d'abord, donc. Bernard
Lugan se verrait-il reprocher de ne pas être suffisamment
maurrassien ?
« Au final », conclut Olivier Schmitt,
« la persistance du concept de "choc des civilisations", en
dépit de ses multiples réfutations, est révélatrice de la difficulté à
penser la complexité des interactions sociales, au sein du cadre
national ou dans les relations internationales. » Voilà qui
nous renvoie plus ou moins à notre marotte conspirationniste...
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17 décembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
La première réunion d'un "comité de pilotage sur la stratégie
d'influence par le droit" s'est tenue le 3 décembre 2014.
Avocats, notaires, experts comptables et autres juristes
seront bientôt conviés à s'y associer, a
annoncé le Quai d'Orsay. Dans
un avis adopté en septembre, le Conseil économique, social et
environnemental (CESE) avait appelé à mieux coordonner les acteurs
concernés. Selon son rapporteur, David Gordon-Krief, « l'enjeu
pour la France est de mettre en avant les atouts de l'adoption de notre
système de droit continental sur différents
segments » : partenariats publics-privés, propriété,
protection des données personnelles... À cet égard, précise-t-il,
« le CESE juge essentiel d'accorder une meilleure place à
l'assistance juridique dans les programmes d'aides au
développement ». À titre d'exemple, déplore-t-il,
« le nombre d'experts juridiques français mobilisés au plan
international est passé de 2 463 en 2001 à 574 en
2014 ».
Paradoxe français
Schématiquement, explique-t-il, « la jurisprudence
est la source naturelle du droit dans les systèmes issus de la Common
Law [...], alors qu'elle est, du moins d'un point de vue
conceptuel, une source "secondaire" du système continental ».
Sécurité, fiabilité et prévisibilité caractériseraient le droit
continental. Cela étant, bien qu'il s'inscrive dans cette tradition, le
droit français ne serait « pas exempt de défauts »,
au point qu'il serait « devenu moins stable que celui des pays
de la Common Law » – un paradoxe. La
compétitivité de l'économie nationale s'en trouve dégradée, à l'heure
où « certains justiciables, singulièrement les firmes
multinationales, sont [...] en situation de choisir le régime juridique
qui gouvernera leur activité ».
En outre, soutient le CESE, « au travers de la
diffusion d'éléments de son corpus juridique, la France porte un
certain nombre de valeurs et au-delà une certaine vision du monde et de
la globalisation ». De fait, le "colbertisme" et ses velléités
régulatrices s'accommodent mieux du droit continental. Mais si les
libéraux s'en méfient, tous ne le condamnent pas :
« un droit codifié ne favorise pas nécessairement
l'intervention de l'État&;nsbp», écrit
ainsi Philippe Fabry sur Contrepoints ;
selon lui, « dans la France d'Ancien Régime, ce fut même le
contraire ».
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6 septembre 2014
De Charles Maurras à Najat Valaud-Belkacem... D'un libéralisme
à l'autre ?
La nomination de Najat Vallaud-Belkacem à l'Éducation
nationale serait « la confirmation de la ligne
libérale-libertaire » du pouvoir, avons-nous lu récemment sous
la plume d'un collègue. Affirmation peu convaincante à nos yeux, étant
donné le soutien que notre jeune ministre apporte à l'abolition de la
prostitution – et à la proposition de loi censée mettre en œuvre
pareille ambition.
La question nous intéresse d'autant plus qu'elle est
susceptible d'illustre l'opposition entre « libéralisme et
libertés » chère aux lecteurs de Maurras. Selon
Mme Vallaud-Belkacem, en effet, garantir aux femmes la liberté
de se prostituer, c'est d'abord assurer aux hommes celle de les
exploiter, qu'ils soient clients ou proxénètes. « Dans la
prostitution », a-t-elle
déclaré devant l'Assemblée nationale le 29 novembre 2013.
« le consentement à l'acte sexuel est un consentement dans
lequel ceux qui ont de quoi payer ont droit à la soumission de ceux qui
n'ont d'autre choix ».
Autrement dit, le respect d'une liberté par principe
conduirait à l'asservissement dans les faits. C'est apparemment la
thèse qui fut soutenue, le mois dernier, lors du camp Maxime Real del
Sarte (CMRDS) : « le libéralisme est un cancer, dont
le développement conduit à la suppression de toutes les libertés
véritables, quand est proclamée une fausse liberté, abstraite et
illimitée celle-là », a-t-il été rapporté dans le compte rendu.
À la relecture de Maurras, on imagine que la
« liberté abstraite » ainsi stigmatisée doit être
celle dont nos démocraties revendiquent l'exclusivité. « Un
peuple est présumé libre dès lors qu'il vit en démocratie », expliquait
dernièrement Guillaume Nicoulaud, alias Georges Kaplan. Or,
de son point de vue – libéral ! –, « ce dont il est
ici question, c'est d'une liberté collective qui ne peut se comparer à
notre définition de la liberté que si et seulement si tous les citoyens
votent d'une seule et même voix. De fait, comme le note Hayek, "un
peuple libre en ce sens-là n'est pas nécessairement un peuple d'hommes
libres" puisque la volonté arbitraire de uns – typiquement la majorité
– peut contraindre la liberté des autres – la minorité. Symétriquement,
note l'auteur de la Constitution de la liberté,
"il n'est pas nécessaire non plus que quelqu'un ait part à cette
liberté collective pour être libre individuellement" ; c'est
le cas, typiquement, d'un étranger qui ne dispose pas du droit de vote
– et n'a donc pas de "libertés politiques" – mais vit dans un pays où
les lois garantissent ses libertés individuelles. » En résumé,
« la démocratie, n'en déplaise à celles et ceux qui se paient
de ces théories politiques fumeuses qui n'entretiennent avec la réalité
qu'un rapport lointain (contrat social, consentement à l'impôt et tutti
quanti), n'est en rien garante de nos libertés ».
Bref, tel qu'il est revendiqué par ses partisans
contemporains, le libéralisme semble aux antipodes de celui dénoncé par
Maurras et ses héritiers. Un dialogue de sourds ?
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18 avril 2014
Petite pique lancée en direction des adorateurs de Vladimir
Poutine.
Au détour d'un
article de La Croix, nous
apprenons que la pratique religieuse chrétienne serait encore plus
faible en Russie qu'en France ! C'est dire combien doivent
être tempérés les espoirs des catholiques se tournant vers
Moscou. Relayant activement la propagande du Kremlin, les
réactionnaires à sa botte ne sont que les idiots utiles du nationalisme
russe. De fait, les dénonciateurs les plus virulents du "parti de
l'étranger" ne sont pas les moindres de ses représentants... En
cause, comme toujours : la complaisance dans la marginalité et
l'illusion volontariste qui l'accompagne.
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