Mis en cause en raison de ses origines marocaines, le porte
parole du gouvernement est victime d'attaques déplacées, procédant
d'une conception éminemment idéologique de la nationalité.
Mme Najat Vallaud-Belkacem est-elle la cible
d'attaques racistes ?
Nos confrères de L'Express
le prétendent, rapportant ces propos qu'auraient lancés, à
son
intention, quelques militants de la Manif pour tous :
« Puisque tu l'aimes tant que ça, le mariage pour tous, t'as
qu'à le faire dans ton pays ! » Les faits
sont vraisemblables. Nous-même avons été témoin de
conversations du même genre. Quitte à les désigner sous une étiquette
infamante, cependant, plutôt conviendrait-il de parler de xénophobie. À
vrai dire, étant donné son joli sourire - entre autres
qualités – nous doutons que le canon
porte-parole du
gouvernement soit exposé à des quolibets comparables à ceux dirigés
contre Mme Taubira.
Entre le Maroc et la France, cela va sans dire,
Mme Vallaud-Belkacem devrait choisir. En cas de guerre, de
toute façon, n'y serait-elle pas contrainte ? Cette rhétorique
manichéenne nous rappelle les
dilemmes auxquels nous confronte Pierre
Palmade : « Tu préfères avoir des dents en
bois ou
une jambe en mousse ? [...] Une tête de veau ou deux bras de
neuf mètres ? » Autant de questions que tout un
chacun se pose tous les jours du matin au soir. En vérité, la suspicion
à l'endroit des personnalités affublées d'une double nationalité
participe d'un mépris des faits – comme si tout se résumait au droit.
Le lien juridique unissant Mme Vallaud-Belkacem au Maroc en
obnubile quelques-uns, mais que pèse-t-il comparé à trente ans
d'enracinement hexagonal, conforté par un mariage et la naissance de
deux enfants ? Il y a quelque chose de piquant à constater le
peu de considération accordée aux attaches familiales par ceux-là même
qui se targuent, précisément, de défendre "la" famille. Idéologie,
quand tu nous tiens...
Qu'importe sa progéniture donc : en premier lieu,
Najat Vallaud-Belkacem est priée de renier ses parents. C'est à cette
condition, visiblement, qu'elle pourrait, peut-être, mériter sa place
au gouvernement. L'assimilation à la nation procéderait non pas d'une
histoire, personnelle et plus encore familiale, mais d'une abjuration.
D'un acte de pure volonté. C'est à se demander si les réactionnaires ne
sont pas les tenants les plus fanatiques du contrat social !
Or, à ce qu'il paraît, renoncer à la nationalité marocaine ne serait
pas une sinécure. Cela dépendrait du bon vouloir du roi. Autrement dit,
si les Franco-Marocains devaient être bannis du gouvernement français,
François Hollande devrait solliciter l'avis de Mohamed VI pour
désigner ses ministres. L'Europe n'étant pas en cause, les
souverainistes pourraient s'en accommoder. Pas nous. Najat, on est avec
toi ! Sauf quand tu joues les ayatollahs de la parité
hommes-femmes, mais c'est une autre histoire 😉
Quand Joseph de Maistre inspire la rhétorique d'un
gouvernement socialiste.
Au plus fort des manifestations contre le "mariage pour tous",
nous avions à l'esprit ces propos de Joseph de Maistre, selon lequel
« il n'y a point d'homme dans le monde ».
« J'ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des
Russes », écrivait-il dans ses Considérations sur la France.
« Mais quant à l'homme », poursuivait-il,
« je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie ; s'il
existe c'est bien à mon insu ».
Mme Dominique Bertinotti, ministre délégué chargé de
la Famille, lui fait écho dans
un entretien accordé au Figaro
(16 octobre 2013) : « je ne suis pas dans la
défense de la famille, mais dans la promotion des familles »,
a-t-elle déclaré à nos confrères. Habile réponse aux idéologues
réactionnaires, aux yeux desquels il ne saurait exister de familles
"homoparentales", ni même "recomposées" – comme si le divorce de vos
parents faisait de vous un orphelin !
À trop verser dans l'abstraction, on sombre dans un perpétuel
déni.
20 décembre 2012 Article publié dans L'Action Française 2000
Des Verts au FN en passant par le PS et l'UMP, le
malthusianisme nourrit la plupart des discours politiques...
La Chine « est prête à abandonner la politique de
l'enfant unique », a annoncé La Tribune
le 28 novembre 2012. Selon notre confrère Nabil Bourassi, dans
les régions les plus développées de l'empire du Milieu, les couples
devraient être autorisés prochainement à accueillir un second enfant.
Le malthusianisme s'en trouvera-t-il voué aux gémonies ? Loin
s'en faut.
L'or noir intarissable
Au printemps 2009, on s'en souvient, Yves Cochet, alors député
Vert de Paris, avait appelé à « la grève du troisième
ventre », au motif qu'un enfant européen présenterait
« un coût écologique comparable à six cent vingt trajets
Paris-New York ». À la hantise du réchauffement
climatique s'ajoute le spectre récurrent d'une raréfaction des
ressources. L'expérience donne pourtant à réfléchir : annoncé
à de multiples reprises, l'épuisement des réserves pétrolières n'en
finit pas d'être reporté ; depuis quarante ans, comme le
rappelait Georges Kaplan en juin dernier, « les réserves
prouvées mondiales [...] ont largement plus que
doublé » ; « il existe même aujourd'hui
quelques projets très sérieux de pétrole de synthèse ». C'est
dire combien le pessimisme s'avère de mauvais aloi. Pas plus que
Maurras, nous ne croyons « à la grève du génie
humain » !
Bien qu'ils en soient les chantres les plus éminents, les
écologistes n'ont pas l'apanage du malthusianisme. Sous ses diverses
déclinaisons, celui-ci façonne l'opinion publique en profondeur,
inspirant la plupart des discours politiques. À commencer par celui des
socialistes. Le Premier ministre l'a confirmé le 11 décembre,
tandis qu'il fustigeait l'évasion fiscale de Gérard
Depardieu : « on ne fera pas reculer la pauvreté si
ceux qui ont le plus [...] n'acceptent pas un peu de solidarité et un
peu de générosité », a-t-il déclaré. Ainsi la nation
serait-elle promise au rationnement selon Jean-Marc Ayrault... La mise
en place des trente-cinq heures a procédé d'un préjugé similaire, selon
lequel nous serions condamnés à partager un nombre figé d'emplois.
Traditionnellement, le Front national puise à la même source :
ne juge-t-il pas « l'immigration professionnelle [...]
particulièrement condamnable [...] alors que le chômage
explose » ?
Démondialisation
Prônée, entre autres, par Arnaud Montebourg, la
« démondialisation » transpose cette conception à
l'échelle du Village global, où l'on s'imagine qu'un emploi créé en
Chine serait nécessairement perdu en France. Or, si l'on en croit
Alexandre Gazaniol, auteur d'une note publiée par la Fabrique de
l'industrie, « l'internationalisation des entreprises a un
effet positif sur leur chiffre d'affaires, leur innovation et leur
emploi en France, et contribue donc au développement de l'activité
industrielle française ». Bien qu'elles appellent peut-être
quelque nuance, ces conclusions soulignent la complexité d'un débat
esquivé par le néo-malthusianisme, dont les adeptes feignant de croire
que l'économie est un jeu à somme nulle. N'ont-il jamais eu vent, par
exemple, des "avantages comparatifs" mis en évidence par David Ricardo
en 1817 ? « Il s'agit du meilleur exemple d'un
principe économique indéniable mais contraire à l'intuition de
personnes intelligentes », remarquent justement les
contributeurs de Wikipedia.
L'UMP n'est pas en reste : il y a un an, Alain
Moyne-Bressand, député de l'Isère, avait déposé une proposition de loi
« visant à interdire la généralisation des caisses
automatiques aux barrières de péages sur le réseau français
autoroutier » ; selon les signataires de ce texte,
parmi lesquels figuraient Lionel Luca, Christian Ménard, Jacques Myard,
Éric Raoult, Christian Vanneste..., « en temps de crise [...]
où le chômage atteint de tristes records, aucun emploi ne doit être
supprimé ou minimisé ». C'est méconnaître le caractère
dynamique de l'économie, où la « destruction »,
quoique parfois douloureuse, s'avère néanmoins
« créatrice », comme l'écrivait Joseph Schumpeter.
Les réactionnaires doivent-ils s'en offusquer ? Selon Maurras,
en tout cas, « la vérité politique et sociale qui nous conduit
n'a pas la forme du regret. Elle est plutôt désir, curiosité, solide
espérance apportant les moyens de réaliser l'avenir avec une
imperturbable sécurité. » Au passage, on rappellera que, dans
son rapport sur la compétitivité, Louis Gallois a précisément déploré
le faible niveau de robotisation de l'industrie nationale.
Qu'on le veuille ou non, il faudra compter avec le progrès
matériel. Pour le meilleur ou pour le pire. « Tous ces changements que
nous opérons dans l'économie de notre planète n'ont mené à rien
jusqu'ici et rien ne permet d'admettre qu'ils conduisent jamais à
rien », observait Maurras. Toutefois, poursuivait-il,
« nous y travaillons parce qu'il est dans notre ordre d'y
travailler ». « Animal industrieux », voilà,
selon lui, « la définition première de l'homme ».
Aussi les incantations lancées en faveur de la décroissance nous
paraissent-elles tout aussi vaines que la tentative de normaliser
l'homosexualité par l'institution d'un "mariage pour tous" :
ce ne sont jamais que les expressions multiples d'un volontarisme voué
à échec.
Le bannissement prôné par Libération
suffira-t-il à punir pareille traîtrise ? On s'étonne que
Marine Le Pen n'ait pas réclamé la guillotine. Bernard Arnault
l'aurait pourtant méritée : ce type est plein aux
as ! Aussi se trouve-t-il dans l'impossibilité de prêcher la
générosité à compte d'autrui – l'apanage des patriotes.
Ceux-ci s'en donnent à cœur joie ces temps-ci. On se souvient
du tollé qu'a provoqué le Syndicat des transports d'Île de France,
après la conclusion d'un appel d'offres lancé pour la gestion d'un
centre d'appel. Écarté au profit d'un concurrent opérant depuis
l'étranger, la société Webhelp est aussitôt montée au créneau,
« au nom de l'intérêt général », avec la bénédiction
quasi unanime de la classe politique. Cela par la voix de son
coprésident Frédéric Jousset, qui s'était jadis vanté de contribuer au
développement de la francophonie... à la faveur des délocalisations. De
fait, son entreprise est implantée en France, mais aussi en Roumanie,
en Algérie et au Maroc. C'est donc un chantre typique du patriotisme
économique.
De quoi s'agit-il, en effet, sinon d'instrumentaliser
quelque hantise populaire aux dépens du bien commun ? Dans les
méandres du tissu économique, distinguer l'intérêt national s'avère
éminemment complexe. Prétendre y parvenir, voilà qui devrait nous
sembler suspect. D'ailleurs, les charlatans qui s'y risquent se gardent
bien d'évaluer le "coût d'opportunité" des mesures qu'ils préconisent.
Or, protéger la sidérurgie nationale, par exemple, cela revient à
pénaliser l'industrie automobile consommatrice d'acier. Dans ces
conditions, comment l'État pourrait-il rendre un arbitrage
légitime ?
À moins qu'une industrie menacée relève d'une capacité
critique, aux applications militaires, mieux vaut promouvoir
l'allocation optimale des ressources nationales, au bénéfice de la
productivité du pays. Tel est le gage de sa prospérité à long terme,
n'en déplaise aux inquisiteurs s'arrogeant le droit de sonder les
cœurs, quitte à saper les fondements du patriotisme authentique qui,
peut-être, y réside en secret.
NB – Quelques images valant mieux qu'un long discours, nous
renvoyons nos lecteurs à l'illustration accompagnant ce billet, extraite d'un
ouvrage de Daniel Tourre, Pulp libéralisme, éditions Tulys, avril 2012, 236 p., 34 euros (22 euros pour la version noir
et blanc).
Chronique enregistrée pour RFR le lundi
23 janvier 2012.
L'année dernière, quelques prophètes avaient annoncé que
l'euro ne survivrait pas à 2011 – c'était le cas, on s'en souvient,
d'Emmanuel Todd. L'entrée dans la nouvelle année les a couverts de
ridicule ! Bien sûr, le spectre d'un éclatement de l'Union
économique et monétaire hante les esprits. Mais si l'on s'en tient au
cours des devises, en dépit d'une inflexion récente à la baisse, force
est de constater que l'euro inspire toujours confiance. Quant à nos
auditeurs, je doute qu'aucun commerçant les ait jamais priés de régler
leurs achats en or ou en dollars. Chacun peut donc le constater au
quotidien : l'euro n'est pas en crise. Du moins, pas au sens
strict.
D'ailleurs, la crise de la dette est loin d'affecter les seuls
États partageant la monnaie unique, quoique celle-ci leur complique
effectivement la tâche pour en sortir. Le redressement des comptes
publics est devenu une préoccupation majeure au Royaume-Uni, aux
États-Unis, au Japon aussi. C'est dire la légèreté avec laquelle on
attribue parfois à l'euro la responsabilité de tous nos malheurs.
En fait, les souverainistes me rappellent ces gens qui, au
lieu de condamner les violeurs, incriminent leurs victimes, coupables
de les avoir tentés en affichant leur féminité. Tu portais une
mini-jupe ? C'est bien fait pour ta gueule ! Cool...
On sait que les Grecs ont maquillé leurs comptes publics ;
mais ils en sont tout excusés, puisque c'était pour coller aux critères
de convergence du traité de Maastricht. Ils se sont trop
endettés : c'est encore la faute de l'euro, puisque celui-ci
leur a permis de le faire à moindre coût. Parallèlement, on nous
explique que la France pâtirait non pas de l'ampleur de ses emprunts,
mais de leur coût depuis qu'ils sont souscrits sur les marchés
financiers. Bonjour la cohérence.
Tout cela me semble symptomatique d'une démarche idéologique.
Évoquant l'"empirisme organisateur" cher à l'AF, Maurras.net
explique qu'il s'agit « de "voir les faits", de se laisser
guider par eux, sans faire intervenir un vocabulaire sentimental. Rien
ici n'est de l'ordre de la détestation, de l'indisposition, ou d'un
mouvement de l'âme si cher aux politiques romantiques et, plus tard,
aux démagogues électoraux qui y trouvent le moyen de remuer les foules
d'électeurs ou d'émeutiers. » Présentant l'attitude de Maurras
à l'égard des colonies, le site précise que celles-ci n'étaient jugées
« ni bonnes ni mauvaises métaphysiquement ». En
effet, « ce sont les conditions objectives de leur
développement, de leur maintien, de leur profit pour la nation qu'il
s'agit d'examiner ». Sans préjuger des conclusions, je pense
qu'il faudrait faire de même avec l'euro. D'autant que s'en
débarrasser, c'est autre chose que de ne pas l'avoir adopté...
J'en vois déjà certains sauter sur leur chaise comme des
cabris en disant "souveraineté", "souveraineté". Mais cela ne recouvre
rien de concret. Leur discours n'est que le paravent d'un idéalisme
républicain, dont participe la dénonciation récurrente du "déficit
démocratique". Par cette expression, on ne pointe pas la capacité des
responsables politiques à décider ou non en toute indépendance, mais
leur inclination à court-circuiter le Sénat et l'Assemblée par
l'entremise des institutions européennes. Marine Le Pen n'a
pas manqué de verser dans cette rhétorique : dans son projet
présidentiel, elle se félicite de l'élection des eurodéputés au
suffrage universel direct, et déplore que leurs pouvoirs n'aient pas
été davantage accrus. C'est un comble ! En effet, des trois
sommets constituant le "triangle institutionnel" de l'Union européenne,
le Parlement est clairement le plus fédéral.
Parlons plutôt de puissance et d'indépendance, mais sans faire
de celle-ci un absolu. Laisser sa voiture au garage, pour lui préférer
le train, voire l'avion, c'est sacrifier un peu de son indépendance,
mais cela n'en reste pas moins un choix souverain, motivé,
vraisemblablement, par la volonté de s'ouvrir de nouveaux horizons.
Quant à l'achat d'une voiture, cela va sans dire, il présenterait peu
d'intérêt pour un individu qui ne serait pas en mesure de conduire.
C'est pourquoi la perspective d'un retour au franc ne devrait susciter
qu'un enthousiasme modéré. En effet, si l'État disposait à nouveau du
levier monétaire, saurait-il l'actionner à bon escient ?
Déplorant les dévaluations à répétition, Jacques Bainville en a jadis
douté.
Quoi qu'il en soit, la question mérite d'être posée. D'autant
qu'il ne faudrait pas prendre nos politiciens pour plus bêtes qu'ils ne
sont. Ils savaient bien à quels impératifs devait nous soumettre
l'adoption d'une monnaie unique. En l'occurrence, une stricte
discipline budgétaire, ainsi qu'une grande flexibilité économique
censée compenser les écarts de compétitivité. Or, depuis l'entrée en
vigueur du traité de Maastricht, la France a fait voler en éclats le
Pacte de stabilité, tout en rechignant à libéraliser davantage son
économie.
Peut-être avons-nous échappé au pire, me direz-vous. La
République n'en apparaît pas moins incapable d'assumer les conséquences
de ses propres décisions, bonnes ou mauvaises. En cela, les déboires de
l'euro sont le symbole d'une République en faillite. À l'approche de
l'élection présidentielle, les royalistes seraient bien inspirés de le
marteler.
Rendez-vous sur le site de RFR pour
découvrir les autres interventions :
15 septembre 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
À la faveur de la crise, une formule chère à l'AF se trouve
remise à l'honneur. À tort ou a raison ? Le débat est ouvert.
Commentant sur son blog un éditorial de Libération,
où Nicolas Demorand appelait à « réarmer le pouvoir
politique » contre l'influence des marchés financiers,
Jean-Philippe Chauvin l'a jugé « maurrassien ».
Lecteur d'une presse moins consensuelle, Aristide Leucate n'en retient
pas moins des considérations du même ordre. Dans L'Action
Française 2000 du 1er septembre, il a
relevé cette citation d'un confrère vaudois : « C'est
à l'État [...] qu'il appartient de cadrer (et non de régenter dans le
détail) l'activité économique, pour s'assurer qu'elle reste au service
du bien commun. » Suivait la reprise d'une formule chère à
l'AF : « Politique d'abord ! »
Monétiser la dette
Ces propos feraient l'unanimité s'ils n'étaient éclairés par
ceux de Marine Le Pen, pointant « notre dépendance de
plus en plus forte vis-à-vis des marchés ». « Parce
que c'est à eux exclusivement qu'on peut emprunter, parce qu'ils ont un
monopole et qu'ils peuvent nous imposer leurs conditions, nous imposer
des taux d'intérêt élevés », l'État devrait
« reprendre le contrôle de la politique monétaire, de la
politique budgétaire et de son financement », soutient
l'égérie populiste. Celle-ci vise une réforme remontant à 1973,
dénoncée sous le nom de « loi Rotschild » :
allusion à la banque éponyme, employeur éphémère de Georges Pompidou,
dont celui-ci est accusé d'avoir servi les intérêts devenu président de
la République. Par cette loi, l'État avait renoncé à se financer
directement auprès de la Banque de France ; depuis lors, il
doit compter avec les taux du marché. Ce faisant, il entendait se
prémunir des dérives inflationnistes.
Tandis que l'Occident peine à s'extraire de la spirale des
déficits, peut-être la perspective de monétiser la dette mérite-t-elle
d'être débattue. Mais en gardant à l'esprit qu'« il n'y a pas
de repas gratuit », selon l'expression popularisée par Milton
Friedman. Autrement dit, tout se paie d'une façon ou d'une autre. Or,
le coût s'avère d'autant plus élevé que l'on s'entête à faire
abstraction des forces à l'œuvre dans le système économique.
« Ce qui ne peut pas être refuse d'être », martelait
Charles Maurras dans La Politique naturelle. « Ce qui doit
être, ce que produit l'antécédent qu'on a posé, suit le cours de sa
conséquence », poursuivait-il, déplorant les méfaits des
« volontés mirifiques » : « On
annonçait l'abondance : il faut rogner la monnaie. Les
salaires ont monté, mais les prix aussi ; il faut que les
salaires montent encore : comment monteront-ils si l'on n'a
plus d'argent pour les payer ? » Les proclamations
selon lesquelles « la politique de la France ne se fait pas à
la corbeille », l'affirmation désinvolte que
« l'intendance suivra », les gargarismes en faveur
d'un « parti des politiques » sont autant
d'incantations procédant d'une conviction morale : la
politique apparaît plus noble que les activités économiques et
financières, puisqu'on lui prête, à tort ou à raison, la seule ambition
de servir le bien commun. De cela devrait découler une organisation
sociale retranscrivant formellement cette hiérarchie :
« politique d'abord », nous dit-on. Or, si l'on s'en
tient à Maurras, « quand nous disons "politique d'abord", nous
disons la politique la première, la première dans l'ordre du temps,
nullement dans l'ordre de la dignité ». Ni dans celui du droit.
Volontarisme
Aussi la formule nous paraît-elle galvaudée. Et même dévoyée,
étant donné qu'elle participe d'un volontarisme aux antipodes de
l'empirisme cher à l'AF : on nous promet de reconstruire la
société sur la base d'une abstraction, à la façon des révolutionnaires
envisageant le découpage administratif de la France suivant des formes
géométriques tracées au sommet de l'État. Dans ces conditions, comment
s'étonner que soit survenue la crise des subprimes ?
« La lune ! On n'a qu'à demander la lune »,
clamait Maurras. « Des mains dociles iront la cueillir dans le
ciel », comme d'autres, responsables politiques en tête, ont
annoncé aux ménages américains qu'ils pourraient se porter acquéreurs
de leur logement quel que soit leur niveau de revenus. « Mais,
peu à peu, les évidences se font jour. »
Justifiant la baisse d'un cran de la note souveraine des
États-Unis, Standard & Poor's a invoqué « la profonde
division politique » observée outre-Atlantique. Cela
« mène à une impasse et a empêché un règlement réel du
problème de la dérive budgétaire fédérale », selon Jean-Michel
Six, le chef économiste Europe de l'agence de notation, interrogé par Les Échos.
Sur le Vieux-Continent, les calculs politiciens nourrissent la
cacophonie diplomatique, rendant d'autant plus hasardeux le
rétablissement de la confiance. Preuve que, dans son acception
maurrassienne, le "politique d'abord" demeure d'actualité. Ne nous y
trompons pas : fustiger les agences de rating,
les traders et autres spéculateurs, c'est
témoigner d'une sollicitude déplacée à l'égard du personnel politique,
que l'on dédouane de ses responsabilités par la désignation d'un bouc
émissaire.
La France compte suffisamment de démagogues s'attaquant aux
magnats du capitalisme, ennemis à bien des égards imaginaires, tant
doit être relativisé le poids des individus et de leur cupidité dans le
système financier. Derrière les fonds de pension, n'y a-t-il pas de
modestes retraités ? Les royalistes ont mieux à faire que de
noyer leurs voix parmi celles des néo-marxistes au discours convenu.
Dans ce contexte, il leur appartient plutôt de dénoncer l'accumulation
des déficits aux dépens des générations futures, une fiscalité rendue
illisible par les atermoiements politiciens, l'interférence des
calendriers électoraux dans les négociations internationales...
Autrement dit, l'incurie républicaine – celle des institutions.
Politique d'abord !
Causeur a publié jeudi dernier,
8 septembre 2011, une
contribution de Georges Kaplan que nous serions prêt à signer
pratiquement sans réserve. Extrait.
« La question n'est pas de savoir si l'État peut ou
ne peut pas légiférer, contrôler, inciter et contraindre ; ça
n'a jamais été le problème. Le vrai problème, tel qu'il a toujours été,
consiste à comprendre et à anticiper les conséquences des législations,
des contrôles, des incitations et des contraintes. [...] Le discours
politique, à de très rares exceptions près, ne restera jamais rien
d'autre qu'une suite de mots mis bout à bout par un politicien qui
cherche à nous vendre du rêve contre notre suffrage. Chaque politique
volontariste est une nouvelle rustine destinée à colmater les fuites
provoquées par les politiques volontaristes précédentes et qui
provoquerons bientôt elle-même de nouvelles fuites que nous devrons à
leur tout colmater avec de nouvelles politiques volontaristes. C'est le
cycle sans fin d'autojustification de l'intervention publique qui
déclenche des crises, les attribue au marché et recommence. N'en
déplaise aux apôtres de la toute puissance de l'État, la réalité c'est
le marché. Même en Union soviétique, le marché existait toujours et ses
lois continuaient à s'imposer au planificateur. La raison en est très
simple : c'est que le marché, voyez vous, c'est
nous ; le marché c'est le produit de nos réflexions, de nos
raisonnements et de nos actions. Tant que les êtres humains disposeront
d'une volonté propre et seront disposés à coopérer pacifiquement entre
eux, aucune politique, aussi volontariste et coordonnée soit-elle, ne
pourra jamais réussir à s'affranchir de cette réalité. »
Quatrième chronique pour RFR. Parmi les
sujets abordés cette fois-ci : la prime sur les dividendes, le rôle de
l'État et le populisme.
Selon les conclusions d'un sondage Viavoice-BPCE réalisé pour Les Échos
et France info, 62 % des Français
seraient favorables à la prime Sarkozy sur les dividendes. C'est
désespérant, quoique très compréhensible.
On pourrait disserter des heures durant sur ce dispositif
inepte, présenté hier en conseil des ministres. Selon le projet de loi
de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2011, donc,
les entreprises comptant plus de cinquante salariés seraient priées de
verser une prime à leurs employés, dès lors que les dividendes
attribués aux actionnaires augmenteraient par rapport à la moyenne des
deux années précédentes. Vous suivez ? Dans le cas contraire,
cela n'aurait rien d'étonnant : « ce qui se conçoit
bien s'énonce clairement »... et inversement !
Cette prime est censée contribuer au « partage de la
valeur ajoutée » cher au chef de l'État. Comme si les
dividendes et leur évolution étaient toujours à l'image des bénéfices.
Or, c'est loin, très loin d'être le cas. Prenez la situation de Total,
vilipendé pour se profits considérables : ses dividendes étant
restés stables, il ne sera pas soumis à la prime Sarkozy. En revanche,
le patron d'une PME qui ne se verserait aucun salaire devra négocier
avec ses employés l'augmentation de sa rémunération, c'est un
comble ! Tout cela n'a aucun sens : pourquoi les
salariés seraient-ils plus ou moins avantagés selon que leur entreprise
se finance sur les marchés, en mobilisant des actionnaires, ou bien
auprès des banques, en souscrivant des prêts rémunérés par des
intérêts ?
Les partenaires sociaux ne s'y sont pas trompés. De façon
quasi unanime, patrons et syndicats ont dénoncé cette immixtion de
l'État dans leurs négociations. Mais l'opinion publique demeure
sensible aux slogans simplistes – du genre "pas de prime pour les
actionnaires sans prime pour les salariés". Pour le président de la
République, il s'agit, naturellement, d'exploiter quelques clichés
néo-marxistes ancrés dans les esprits. À commencer par l'opposition
systématique entre capital et travail.
On stigmatise volontiers ces actionnaires cupides, accusés de
s'enrichir sur le dos des salariés. Qu'en est-il dans les
faits ? « Il y a un an, la Bourse française était
encore déprimée », rappelle Florin Aftalion, professeur
émérite à l'Essec, dans un article publié par La Tribune.
« En revanche », poursuit-il, « il y a dix
ans, elle était en pleine forme. [...] Un portefeuille représentant
l'indice constitué à ce moment-là et conservé depuis aurait aujourd'hui
perdu 28 % de sa valeur initiale ; en incorporant les
dividendes reçus, son rapport sur dix [ans] aurait été inférieur à
1 % par an ! En valeur réelle, compte tenu de
l'inflation, il aurait perdu de l'argent. »
À certains égards, il apparaît donc injuste de jeter
l'anathème sur les détenteurs des capitaux. Mais cela s'avère surtout
stérile, et même contre-productif. Hélas, les politiciens ne s'en
privent pas. Tels Nicolas Sarkozy, nous l'avons vu, mais aussi Marine
Le Pen, avec, dans son cas, la bénédiction de certains
royalistes. Incarné par une femme, l'homme providentiel leur apparaît
soudain plus fréquentable... Mes camarades me pardonneront de les
caricaturer – ils savent que je le fais en toute amitié. Cela dit, on
s'étonne de les voir ainsi conquis par le virage jacobin du Front
national. Sans doute cela s'inscrit-il dans la logique
souverainiste : en s'accommodant de la « souverainété
nationale » récusée par Maurras, on assimilait déjà, plus ou
moins, l'État à la nation ; dorénavant, c'est également la
nation qu'on assimile à l'État.
Dans le dernier numéro de L'Action Française 2000,
Paul-Marie Coûteaux pointe l'influence des syndicats d'enseignants pour
illustrer la perte de souveraineté de l'État. Ce faisant, il exclut
implicitement de limiter celle-ci à quelques fonctions régaliennes, et
se méprend sur les causes de l'impuissance publique. De toute façon, on
n'œuvrera pas au retour du roi en entretenant la conception d'un État
tentaculaire dont les monarchistes dénonçaient jadis les germes
totalitaires.
Selon Maurras, « un État normal laisse agir, sous son
sceptre et sous son épée [certes], la multitude des petites
organisations spontanées, collectivités autonomes, qui étaient avant
lui et qui ont chance de lui survivre, véritable substance immortelle
de la nation ». En cela, je suis désolé de le dire, le maître
de l'AF ne me semble pas opposé à certains libéraux. Je pense à Alain
Madelin, auteur, par exemple, d'un plaidoyer pour la subsidiarité
publié sur son blog lundi dernier. « Dans la grande société
ouverte qui se dessine aujourd'hui », écrit-il, « les
relations verticales d'hier sont largement remplacées par des liens
horizontaux dans un grand chamboule-tout de la pyramide des
pouvoirs ». La suite est plus intéressante :
« On a longtemps cru que plus les choses devenaient complexes,
plus elles devaient être dirigées d'en-haut. On sait maintenant qu'au
contraire, il faut laisser la plus large autonomie aux éléments qui
composent un système complexe pour permettre leur
coordination. » Cela rend d'autant plus actuelle la conception
"royaliste" de l'État... et d'autant plus regrettable son abandon pas
ses promoteurs traditionnels.
Participant des déboires de l'État-providence, la crise de la
dette souveraine fournirait un prétexte idéal à la dénonciation de
l'incurie républicaine. L'Alliance royale le martèle à chacune de ses
campagnes : « Un président est un chef de parti, qui
pense à la prochaine élection ; un roi est un chef
d'État, qui pense à la prochaine génération. » Dans
ce contexte, cependant, la vulgate tend à dédouaner les politiques de
leurs responsabilités, puisque ceux-ci sont soumis, paraît-il, à la
toute-puissance des marchés.
Tandis que monte la grogne populaire, « il appartient
à l'Action française non seulement d'accompagner ce mouvement mais
aussi et surtout de l'éclairer » C'est, en tout cas, ce que
clamait François Marcilhac le 8 mai dernier, dans son discours
prononcé à l'occasion de la fête de Jeanne d'Arc. Nous sommes
d'accord ! Reste qu'à cet effet, les royalistes devraient
plutôt se méfier des sirènes populistes. Appeler au primat du politique
sur l'économique, c'est exprimer des valeurs, mais non donner un cap à
l'action publique – sauf à revendiquer également le primat de l'État
sur les entreprises en lançant un vaste programme de nationalisations.
En son temps, le maître de l'Action française pouvait établir
le constat selon lequel « l'économie industrielle ne joue
point dans le vaste cadre de la planète ». Manifestement, les
circonstances ont changé, et cela s'avère pour le moins déstabilisant.
Peut-être cette évolution explique-t-elle la tentation d'enfoncer des
portes ouvertes par d'autres, ou celle de se réfugier dans un dédain
romantique de l'économie... Il nous appartient pourtant d'en tirer les
conséquences. Le défi qui nous est lancé s'annonce passionnant à
relever ! Mais peut-être préférera-t-on rester en marge de
l'histoire ?
Rendez-vous sur le site de RFR pour
découvrir les autres interventions :
Les hippies ont-ils colonisé
l'AF ? On se le demande à
la lecture d'un billet inscrivant quelque mouvance écologiste
dans la continuité de l'école maurrassienne.
Voyez plutôt : chercher « à établir des lois
pour l'organisation des sociétés humaines en s'inspirant et en
s'instruisant de l'observation scrupuleuse des lois de la
biosphère » ne serait pas « sans rappeler à quelques
égards » l'"emprisime organisateur" cher à Maurras. Lequel résumait
sa méthode à « l'examen des faits sociaux naturels
et l'analyse de l'histoire politique ». Que l'on place l'homme
ou la terre cœur de ses préoccupations, c'est du pareil au même, cela
va sans dire !
Mais il y a plus osé encore : « mettre fin à
la colonisation multiforme [...] du monde par la civilisation
industrielle » relèverait d'un « appel à la
"politique naturelle" ». Le pauvre Maurras doit se retourner
dans sa tombe ! À ses yeux,
n'en déplaise à ses curieux héritiers, il n'était « rien de
plus magnifique » que « l'occupation des espaces par
la société humaine et leur réduction à ses lois ». Rien
d'étonnant à cela, puisque sa démarche consistait, nous semble-t-il, à
prendre acte de la nature humaine, pour en assumer délibérément les
conséquences, à l'opposé d'un individualisme volontariste. Une nature
dont participe au premier chef un caractère industrieux – ce serait
même « la définition première de l'homme » selon le
Martégal.
On concédera aux écolos que « tous ces changements
que nous opérons dans l'économie de notre planète n'ont mené à rien
jusqu'ici et [que] rien ne permet d'admettre qu'ils conduisent jamais à
rien ». Mais « nous y travaillons parce qu'il est
dans notre ordre d'y travailler » – un point c'est tout.
C'est donc tout le contraire d'une "politique naturelle" qui
nous est proposé ici. Il n'est d'ailleurs pas exclu que l'AF renie
ses propres principes en récusant plus ou moins l'économie, l'industrie
et la technique... « La vérité politique et sociale qui nous
conduit n'a pas la forme du regret », disait encore Maurras.
« Elle est plutôt désir, curiosité, solide espérance apportant
les moyens de réaliser l'avenir avec une imperturbable
sécurité. »
Cela étant, à l'époque où il écrivait, le maître de l'Action
française pouvait
encore établir le constat selon lequel « l'économie
industrielle ne joue point dans le vaste cadre de la
planète ». Preuve que le monde a changé et qu'on ne saurait se
contenter de boire ses paroles.
Réagissant à des propositions, sinon radicales, du moins
provocatrices, le blog de l'Action française a traité avec désinvolture
le remboursement de la dette publique. C'est l'occasion d'insuffler un
peu de polémique dans le microcosme royaliste ! 😉
Michel de Poncins n'est pas le meilleur inspirateur de
l'Action française. Faute de le connaître suffisamment, nous nous
garderons de prendre sa défense. En revanche, nous discuterons avec ses
détracteurs, qui l'ont affublé de l'étiquette infamante
d'« ultra-libéral ». Un qualificatif impossible à
définir, mais qui fait recette dans un pays où le désintérêt pour
l'économie est manifeste.
En la matière, les royalistes se complaisent dans un
conformisme peu responsable. D'ailleurs, bien qu'ils prétendent avoir
pénétré « le subconscient de Nicolas Sarkozy », ils
entretiennent, par leur dédain des questions financières, les poncifs
sur lesquels celui-ci surfe à l'envie. Témoin, dernièrement, la
stigmatisation de la « spéculation » : le
chef de l'État a pu l'accuser d'avoir provoqué les émeutes de la faim
sans craindre de déclencher l'hilarité générale, c'est dire la
crédulité de l'opinion publique ! Ce faisant, donc, nos
camarades confortent les préjugés, ici fondés, selon lesquels ils
n'auraient pas les pieds sur terre, tout en négligeant la
« défense de l'héritage ». C'est d'autant plus
regrettable que la dette abyssale contractée par la République leur
fournirait une illustration flagrante de l'incurie d'un régime condamné
au sauve-qui-peut.
En effet, c'est de la dette qu'il s'agit, Michel de Poncins
ayant avancé l'idée saugrenue de financer son remboursement par la
dilapidation du patrimoine public. « La dette l'empêche de
dormir » commente, avec ironie, le blog de l'AF.
« Grand bien lui fasse ! » L'enjeu est
certes anecdotique : la charge de la dette, c'est-à-dire le
remboursement des seuls intérêts, ne représente encore que le deuxième
poste budgétaire de l'État ; en outre, étant donné l'ampleur
des déficits accumulés en Europe, au Japon et aux États-Unis, c'est,
tout au plus, l'économie de la planète entière qui se trouve menacée.
Pourquoi s'inquiéter ? On n'est même plus en mesure d'assurer
que nos enfants paieront !
Dans ces conditions, « satisfaire la finance
internationale », comme disent nos petits camarades, cela
consiste à tempérer la pression des (nouveaux) créanciers, voire à s'en
émanciper peu à peu – autrement dit, conférer à l'État quelque marge de
manœuvre. N'est-ce pas l'objectif qu'ils prétendent plus ou moins
assigner à la puissance publique – dont ils défendaient
traditionnellement l'indépendance –, tout en réprouvant les moyens d'y
parvenir ? Peut-être nous objecteront-ils une alternative,
agitant l'exemple du quantitative easing
américain, à moins d'appeler carrément à la banqueroute, dans l'espoir
qu'un monde meilleur émergera du chaos... Ce ne sera jamais que le
paravent d'une revendication portant sur des valeurs, suivant l'échelle
desquelles le patrimoine mérite – naturellement ! – une
considération tout autre que des titres obligataires. Reste qu'en
transposant sur le plan politique une hiérarchie somme toute morale, on
se fourvoie dans le romantisme... Que reste-t-il du "politique d'abord"
dans notre vieille maison ?