Fabius dans les pas de Védrine

20 décembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Dans la continuité du rapport Védrine, Laurent Fabius entend préserver le statut de la France dans l'Otan, tout en construisant l'"Europe de la Défense".

La France continuera de jouer les empêcheurs de tourner en rond : telle est, en substance, la promesse formulée par Laurent Fabius dans l'International Herald Tribune du 5 décembre 2012. Évoquant les relations de Paris avec l'Alliance atlantique, le ministre des Affaires étrangères martèle que « la France est un allié exerçant sa responsabilité de membre fondateur, engagé au service de valeurs communes, mais qui n'hésite pas, si nécessaire, à faire valoir loyalement ses différence ». Autrement dit : « allié oui, aligné non ». La France n'en demeurera pas moins au sein du commandement intégré de l'Otan : « il n'est pas question d'organiser un va et vient permanent », prévient M. Fabius.

Chantre de « l'Europe de la défense », qu'il juge « indissociable du projet d'Union politique » - et donc tout aussi vaine selon nous -, le ministre des Affaires étrangères soutient que « c'est l'Union européenne, en tant que telle, qui devrait agir lorsque les intérêts de sécurité des Européens sont d'abord en jeu ». Dès à présent, il nous faudrait « agir en ce sens, alors que notre pays, mobilisé ces dernières années par son retour dans le commandement intégré de l'Otan, s'est montré plutôt parcimonieux dans les moyens consacrés à l'Europe de la défense. Nous allons poursuivre le travail de conviction auprès des institutions et de l'ensemble de nos partenaires européens, y compris britanniques. »

Ceux-ci se sont farouchement opposés à toute revalorisation du budget de l'Agence européenne de défense, fût-ce pour compenser l'inflation. C'est dire l'ampleur de la tâche que prétend s'assigner le gouvernement français. En revanche, Londres demeure ouvert aux coopérations bilatérales. À ce titre, un niveau d'intégration inédit a été atteint avec l'embarquement pour plusieurs mois d'un détachement aéronautique britannique à bord d'une frégate de la Marine française. Ironie de l'histoire, c'est depuis le Surcouf qu'opère, ces jours-ci, un hélicoptère Lynx de Sa Majesté.

L'atlantisme en nuances gaulliennes

6 décembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Un commentaire du rapport Védrine écrit pour L'Action Française 2000, où il ne s'agissait pas de faire l'apologie de lAlliance Atlantique !

Au cours de la campagne électorale, prenant le contre-pied de son rival, François Hollande avait annoncé qu'il évaluerait les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan, décidé par Nicolas Sarkozy, s'il lui succédait à l'Élysée. Devenu président de la République, il a confié à Hubert Védrine la mission de solder l'affaire. Dans son rapport, remis le mois dernier, celui-ci exclut tout retour en arrière : « une (re)sortie française du commandement intégré n'est pas une option », écrit-il. « Elle ne serait comprise par personne ni aux États-Unis ni en Europe, et ne donnerait à la France aucun nouveau levier d'influence. [...] Au contraire cela ruinerait toute possibilité d'action ou d'influence pour elle, avec tout autre partenaire européen, dans quelque domaine que ce soit. » D'ailleurs, observe-t-il, « de 1966 à 2008, soit en plus de quarante ans, aucun pays européen n'a rejoint la ligne d'autonomie française ».

Un bilan provisoire

De toute façon, trois ans après la réintégration, il est trop tôt pour en dresser le bilan, proclame, en substance, l'ancien ministre des Affaires étrangères. Son évaluation, qui se veut « provisoire », mentionne « une influence réelle ou faible, variable selon les sujets ; un surcoût, plus faible que prévu ; des opportunités économiques ou industrielles, liées ou non à ce retour, mais aussi beaucoup de risques potentiels ». Plus concrètement, Hubert Védrine rappelle qu'un Français a pris la tête du Commandement allié pour la Transformation (ACT). En conséquence, la France a pu « participer aux réflexions prospectives sur l'Alliance, et à la définition du nouveau concept stratégique de 2010 », soutient le rapporteur. Selon lui, Paris « a joué un rôle moteur depuis 2009 pour hiérarchiser les priorités, refondre les procédures, ramener le nombre des agences de quatorze à trois (en en espérant une économie de 20 %), réduire la structure de commandement (réduction des personnels de - 35 % en 2013), diminuer de onze à sept les états-majors et donc faire faire des économies ».

En revanche, déplore-t-il, la France a donné son aval au développement d'une défense antimissile territoriale « sans influencer, ralentir ou modifier » ce projet « qui comporte un potentiel de bouleversement stratégique ». À la suite d'Hubert Védrine, « il faut le dire clairement : l'Otan restera une alliance autour de la première puissance militaire du monde, les États-Unis ». Selon que l'on ait eu ou non la naïveté de croire au Père Noël, le verre apparaîtra à moitié vide ou à moitié plein : « Le retour de la France dans le commandement intégré [...] a élargi l'opportunité de marchés pour l'industrie française mais ne s'est pas traduit à ce stade par un accroissement marqué des contrats obtenus. » Hubert Védrine appelle à définir « une stratégie industrielle [...] avec un repérage précoce des perspectives de contrat [...] sur la base d'une répartition préalable claire des programmes entre l'Otan et l'Agence européenne de défense » (AED). Il propose de « consolider le mécanisme informel mais essentiel de consultation entre le commandant suprême chargé de la transformation, SACT, et la directrice exécutive de l'AED » - en l'occurrence deux Français, le général Paloméros et Mme Claude-France Arnould. « Bien évidemment, aucun allié ne marchera dans cette proposition », commente le géopolitologue Olivier Kempf, sur son blog Egea. Paris n'en aurait pas moins une carte à jouer selon lui : « s'associer avec des petits ou moyens sur tel ou tel projet, de façon à développer une influence politique et des projets industriels, labellisés Otan, qui auront du coup des perspectives ailleurs ». Une piste à explorer ?

Appel à la vigilance

Appelant à la « vigilance », Hubert Védrine pointe « le risque de "phagocytage" conceptuel et théorique ». « Il faudra que notre armée préserve sa capacité propre d'analyse des menaces, de réflexion et de prévision sur les scénarios et même de planification », prévient-il. À l'inverse, l'intégration recèle un potentiel d'émulation souligné par Catoneo sur le blog Royal Artillerie : « Le travail en Afghanistan [...] mené en coalition [...] ne souffrait pas d'excuses ou le camouflage des insuffisances car il n'y avait rien à "expliquer" à quelque supérieur hiérarchique ayant la main sur la carrière. Tout se sait, immédiatement, à haut niveau, se corrige immédiatement (en théorie). Le résultat obtenu est un rehaussement qualitatif sensible des aptitudes au combat. »

Par ailleurs, poursuit Védrine, « nous devrons veiller » à ce que l'Otan « reste une alliance militaire, recentrée sur la défense collective, et le moins possible politico-militaire dans son action ». Il y a deux ans, l'amiral Giampaolo di Paola, président du Comité militaire de l'Otan, n'avait-il pas déclaré que « la dimension de genre devrait faire partie intégrante des activités de chaque division, de chaque opération » ? Cela dit, Hubert Védrine s'inquiète plutôt d'une immixtion de l'Otan dans le domaine "civilo-militaire", là où l'Union européenne « a potentiellement une vraie capacité globale de traitement des crises : économique, civile et militaire ».

De fait, selon Védrine, UE et Otan sont « les deux faces d'une même médaille ». On peine toutefois à les distinguer clairement l'une de l'autre. « Dans le domaine politique, pour autant que nos partenaires européens se prêtent à une concertation en amont sur les questions relatives à l'Otan, il pourrait être envisagé en parallèle que les États-Unis soient consultés, voire associés, à certaines délibérations européennes par exemple celle du COPS » (le Comité politique et de sécurité). Peut-être cela supposerait-il de régler au préalable le différend chyprio-turque.... Vaste programme ! « Par ailleurs, il pourrait être mis un terme à l'opération Ocean Shield de l'Otan contre la piraterie au large de la Somalie (à l'issue de son mandat fin 2014), qui fait double emploi » avec l'opération européenne Atalante. « La logique opérationnelle et rationnelle commanderait de fermer cette opération », confirme notre confrère Nicolas Gros-Verheyde, animateur du blog Bruxelles 2. « Mais il faudrait trouver une solution pour associer les marines turque et danoise, ou canadienne, à l'opération européenne, par exemple. Ce qui n'est pas évident – le processus d'association de partenaires extérieurs à des opérations de l'UE est plutôt lourd. Et il se heurte à deux obstacles politiques de taille : l'opt-out danois en matière de défense d'une part ; le blocage turco-chypriote qui trouble les relations Otan-UE de l'autre. [...] Pour un pays, comme la Turquie, cette opération [...] permet aussi de continuer à faire croiser des navires dans une zone régionale qu'il considère stratégique. »

Europe puissance

Toujours circonspect quant aux perspectives ouvertes par "l'Europe de la défense", Hubert Védrine se garde toutefois de la définir, cultivant l'ambiguïté à son propos : s'il semble en exclure les coopérations bilatérales, il y inclut apparemment les initiatives mulilatérales lancées en marge de l'UE, tel le Commandement européen du transport aérien (EATC). Pourtant, souligne-t-il, « les mots doivent être employés à bon escient. "Europe de la défense" et encore moins "défense européenne" ne signifient [...] la défense militaire de l'Europe contre des menaces militaires, ce dont seule l'Alliance, avec les moyens américains, serait capable, si par malheur, l'Europe était attaquée. [...] Pour ne pas alimenter des espérances chimériques et donc des déceptions, ou des craintes hors de propos chez nos Alliés, il faut réserver ce terme à des initiatives ou à des actions extérieures de l'Union en matière militaire ou civilo-militaire, ou à des coopérations en matière d'industrie de défense. »

Dissipant des illusions, Hubert Védrine entretient néanmoins le mythe de l'Europe puissance. Un vieux tropisme gaullien ? Peut-être bien. À l'image du Général, quoique sur un mode beaucoup plus modéré, Hubert Védrine maintient la distance à l'égard de l'oncle Sam sans envisager la rupture. Loin s'en faut. D'autant que « les Américains voient [...] la France comme un partenaire européen sûr du fait de la réduction visible des capacités militaires du Royaume-Uni, des inhibitions politiques de l'Allemagne, et du décrochage de capacités chez les autres Alliés. Ils espèrent donc vivement que la France ne va pas réduire davantage ses capacités. Cette "disponibilité" américaine, réelle à la Maison-Blanche [...] sera quand même fonction des capacités militaires des Européens, et de leur volonté politique. » Autrement dit : la balle est dans notre camp. Saurons-nous la saisir ? « Depuis la fin de l'URSS [...], ce sont les "dividendes de la paix", "du social" et de l'augmentation de pouvoir d'achat ou de l'affirmation de droits individuels qu'attendent les Européens. On est très loin de la dialectique menaces sécuritaires-réponses militaires, même dans le domaine du terrorisme, ou de la vision américaine des risques et des menaces stratégiques. » Quoi qu'on pense de l'intervention française en Libye, il n'est pas inutile de rappeler que celle-ci n'aurait pu s'effectuer sans le soutien américain, faute de moyens suffisants pour ravitailler les avions de combat. C'est dire l'ampleur de la tâche qu'il faudrait accomplir pour s'émanciper de l'Alliance Atlantique.

L'illusoire TVA sociale

15 novembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Mesure phare du "pacte de compétitivité" présenté par Jean-Marc Ayrault, le crédit d'impôt promis aux entreprises est un succédané de la "TVA sociale" promue par la majorité précédente afin d'enrayer les délocalisations.

François Hollande et son gouvernement pratiquent le reniement avec une remarquable habileté. Tant mieux, aux yeux du patronat : abrogée par la nouvelle majorité, après avoir été votée par la précédente, la "TVA sociale" figure parmi les trente-cinq mesures du "Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi" présenté le 6 novembre 2012.

Projet alambiqué

D'une législature à l'autre, les modalités ont évolué ; le projet socialiste s'avère quelque peu alambiqué : la taxation accrue de la consommation devrait contribuer à financer non pas une baisse formelle des charges, mais une crédit d'impôt indexé sur la masse salariale des entreprises. De cette façon, explique notre confrère Vincent Collen, « les entreprises vont intégrer l'effet bénéfique dans leurs comptes dès 2013, alors que le coût pour les finances publiques n'interviendra qu'en 2014. Ce qui permet d'éviter toute mesure récessive supplémentaire l'année prochaine. » Par ailleurs, précise-t-il dans Les Échos, « le financement de la protection sociale n'est pas affecté, ce qui a permis à l'exécutif de trancher sans attendre les résultats d'une longue concertation ».

C'est un geste bienvenu à l'intention des entreprises, vis-à-vis desquelles le gouvernement avait manifesté peu d'égards jusqu'à présent. En outre, cette initiative semble participer de la mise en œuvre du "patriotisme économique" cher à M. Montebourg, étant donné que le transfert opéré pèsera notamment sur les produits importés. L'économie nationale pourrait en tirer profit... à moins que nos compatriotes renoncent à l'achat de quelque produit "made in France" pour compenser le surcoût de leur téléviseur fabriqué en Corée. Concrètement, selon l'estimation de notre confrère Yann Philippin, calculée pour Libération, « le dispositif ferait chuter le prix de revient d'une [Peugeot] 208 assemblée à Poissy (Yvelines) de seulement 1,3 % ». Pas de quoi bouleverser la donne.

La France hors jeu

Selon un rapport du Sénat, « à la fin de 2009, le coût de la main d'œuvre roumaine ou bulgare était dix fois moins élevé qu'en France, celui de la Pologne et de la Slovaquie cinq fois moins élevé et celui du Portugal ou de la Grèce respectivement trois et deux fois moins élevé que celui de la France ». Dans ces conditions, il serait illusoire de vouloir affronter les pays "à bas coûts" sur leur propre terrain. Autant vider l'océan à l'aide d'une cuillère à café ! Taxé d'immobilisme, soucieux de répondre à la hantise des délocalisations, la peur du plombier polonais, la terreur de l'invasion chinoise, le gouvernement s'y essaie néanmoins, timidement. Au risque, selon nous, d'entretenir un certain défaitisme, nourri d'une conception malthusienne de l'emploi – celle d'un gâteau que nous devrions nous résoudre à partager, plutôt que de nous mettre aux fourneaux. De fait, le coup de pouce gouvernemental sera découplé des plus hauts salaires. Alors que Louis Gallois proposait de fixer un seuil à 3,5 fois le Smic, celui-ci devrait être cantonné à 2,5 Smic. Patrick Kron, le P-DG d'Alstom, s'en désole : « Tout le monde s'accorde à dire que la France doit innover, monter en gamme », a-t-il rappelé à La Tribune. « Va-t-on monter en gamme avec des salariés payés au Smic ? Est-ce totalement logique et totalement cohérent ? »

Dévaluation fiscale

Quoi qu'il en soit, « une politique de compétitivité suppose une action dans la durée », comme l'a déclaré le président de la République. Thomas Philippon, professeur à l'université de New York, met en garde contre le recours aux "solutions miracles". « Croire que la France va régler son problème de compétitivité par la magie d'un transfert de charges sociales vers la CSG ou la TVA n'est pas réaliste », a-t-il déclaré à Acteurs publics. « D'un point de vue macroéconomique, une telle opération aura à peu près le même effet qu'une dévaluation. C'est-à-dire que l'avantage compétitif durera le temps que l'ensemble des prix et salaires s'ajustent. Ce n'est pas une solution structurelle. » Son analyse rejoint celle du FMI, selon lequel « transférer le coût des allégements de cotisations patronales vers les revenus [...] n'aurait probablement que des effets temporaires si elle n'est pas accompagnée par des gains de productivité qui permettent aux salaires réels de compenser progressivement la perte de pouvoir d'achat ». Les colonnes de L'Action Française 2000 sont ouvertes au débat sur les dévaluations. Un constat s'impose néanmoins : quoique les responsables politiques se disent déterminés à "sauver" l'euro, ils semblent nostalgiques des facilités que leur assurait le contrôle d'une monnaie nationale.

Résurrection annoncée

15 novembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Renault va ressusciter Alpine, une marque sportive qui sera le fer de lance de sa montée en gamme à moyen terme.

L'affaire a tenu en haleine tous les passionnés d'automobiles un tantinet chauvins. Finalement, l'annonce a été officialisée le 5 novembre 2012, en présence d'Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif : Renault va bel et bien ressusciter Alpine. Créée par Jean Rédélé en 1955, au sommet de sa gloire dans les années soixante-dix, où la berlinette A110 enchaînait les victoires en rallyes, la marque avait sombré au milieu des années quatre-vingt-dix. Mondialisation oblige, sa renaissance s'inscrira dans le cadre d'un partenariat. Renault va s'associer au Britannique Caterham, avec lequel il collabore d'ores et déjà en Formule 1. C'est un constructeur réputé pour ses modèles à la légèreté exemplaire, produits de façon quasi artisanale. Renault et Caterham vont concevoir en commun des véhicules sportifs qu'ils nous promettent « distincts, différenciés » et porteurs de leur « ADN respectif ». Ils seront produits à Dieppe, au sein de l'usine Alpine, dont l'avenir se trouve ainsi pérennisé.

Renouer la tradition

À nos yeux, cette annonce constitue une concrétisation réjouissante de la « montée en gamme » de l'industrie française prônée par le gouvernement, au demeurant peu enclin à promouvoir le plaisir automobile... Si le projet aboutit, il restera toutefois à transformer l'essai, dans un domaine où Renault a multiplié les aventures sans lendemain (Safrane biturbo, Spider, Clio V6). Or, la légitimité d'un constructeur s'acquiert dans la durée. Souvent cité en exemple, le groupe Volkswagen a persévéré des années durant pour ériger Audi au rang de référence mondiale. Mais si la France parvient à se refaire une place dans l'automobile haut de gamme, ce sera vraisemblablement en se frayant son propre chemin, sans verser dans la froideur germanique ni céder à l'exubérance italienne.

L'inoubliable berlinette nous semble typiquement franchouillarde, en ce qu'elle symbolise une certaine débrouillardise nationale : dérivée d'une modeste 4CV, faisant appel à des composants de grande série, elle n'en tenait pas moins la dragée haute à des concurrentes plus huppées, forte d'une agilité hors pair. Son héritière renouera-t-elle avec la tradition ? Dévoilée d'ici trois ou quatre ans, celle-ci renoncera vraisemblablement au moteur en porte-à-faux arrière qui avait caractérisé toute la lignée. Depuis la disparition de l'Alpine A610 en 1995, seule la Porsche 911 est restée fidèle à cette architecture. Son succès ne s'est pas démenti, preuve que la tradition a du bon !

Nouvelles de Francophonie

15 novembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que le président de la République célèbre la Francophonie avec un certain enthousiasme, apparemment grisé par l'idéologie, son ministre délégué consolide les liens unissant la France et la Louisiane.

Dans un discours prononcé à l'occasion du sommet de l'OIF, le président de la République a loué « cette belle et grande cause, qui s'appelle la Francophonie ». « Nous n'aurons de cesse » de la défendre, a-t-il promis. « En le faisant, nous n'honorons pas simplement une langue, la langue française, nous faisons en sorte que le français puisse apporter, non seulement un message, mais une part de beauté au monde. » Un lyrisme terni par quelque idéologie : « Parler le français, c'est une façon de penser, de concevoir le monde », a souligné François Hollande. « C'est un message de liberté. C'est en français, que les révolutionnaires de 1789 ont proclamé, et donc écrit, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen », s'est-il félicité. « C'est en français, en 1948, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qu'a été rédigée la Déclaration universelle des droits de l'homme. C'est en français que s'exprimaient les combattants africains pour l'indépendance, ceux qui refusaient la souffrance des peuples asservis. » Mais n'est-ce pas également en français qu'écrivait Maurras, par exemple ?

Dans le même discours, le chef de l'État s'est prononcé en faveur de quatre priorités assignées à l'OIF : « multiplier les échanges, dans l'espace francophone entre les jeunes, entre les étudiants, les enseignants, les chercheurs, les artistes, les créateurs » ; « faire de la francophonie un outil au service du développement » ; « contribuer au règlement des crises, chaque fois que nous sommes concernés et notamment ici en Afrique » ; « porter la démocratie, les droits de l'homme, le pluralisme, le respect de la liberté d'expression, l'affirmation que tout être humain doit pouvoir choisir ses dirigeants ». Des lubies trop bien connues ! Souhaitant faciliter la circulation dans l'espace francophone, il a annoncé, par ailleurs, que la France défendrait, au niveau européen « la publication des comptes des entreprises minières, extractives, forestières pour que, pays par pays, projet par projet, sans exception, nous puissions être sûrs qu'il n'y a pas de prédation dans les pays d'accueil ».

Le 17 octobre 2012, au lendemain du sommet de de Kinshasa, Yamina Benguigui, ministre délégué chargé de la Francophonie, a présenté au Conseil des ministres un « plan d'action » dont l'application sera censée « mieux fédérer les énergies autour d'une francophonie dynamique, moderne et tournée vers la jeunesse et la société civile ». Le gouvernement entend poursuivre trois objectifs : donner un nouvel élan à la politique en faveur du français, accentuer le rayonnement de la francophonie dans le monde et populariser la francophonie sur le territoire national. Sont annoncés, plus concrètement : la contribution à la formation d'enseignants ; la mobilisation de la diplomatie française pour encourager, à travers le monde, l'enseignement d'au moins deux langues étrangères à l'école ; l'organisation du premier Forum mondial des femmes francophones ; le développement de l'offre pour l'apprentissage du "français des affaires" ; l'organisation des Jeux de la Francophonie à Nice en 2013. En outre, il est question de promouvoir « le rôle du français comme facteur d'intégration ».

Le même jour, Mme Benguigui a reçu Jay Dardenne, lieutenant-gouverneur de Louisiane. À cette occasion, plusieurs accords de coopération éducative, linguistique et culturelle ont été signés entre la France et la Louisiane. Ils prévoient, notamment : un programme de formation initiale de professeurs louisianais francophones en partenariat avec des universités françaises ; la création d'un label qualité des écoles d'immersion et l'extension de ce modèle au lycée ; la certification de compétences linguistiques des élèves avec un diplôme français. Selon le Quai d'Orsay, « ce renforcement de la coopération éducative et linguistique constitue une étape importante de la coopération engagée avec la Louisiane depuis quarante ans ».

Sur l'agenda du ministre délégué chargé de la Francophonie figuraient également, dernièrement : un voyage au Liban les 26 et 27 octobre, afin de participer à l'inauguration du salon du livre francophone de Beyrouth, qui fête cette années ses vingt ans ; l'ouverture le 28 octobre à Addis-Abeba (Éthiopie) d'un cycle de quatre séminaires consacrés aux enjeux des opérations de maintien de la paix, s'inscrivant « dans le cadre d'un programme de mobilisation des francophones en faveur des opérations de paix », organisés conjointement par les ministères des Affaires étrangères, de la Défense, l'OIF et le Centre de politique de sécurité de Genève.

Quand le français bataille aux Nations Unies

19 octobre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Organisation internationale de la Francophonie donne un aperçu des actions menées en faveur de l'usage du français dans les organisations internationales, et notamment à l'ONU.

À l'approche du sommet de Kinshasa, l'Organsiation internationale de la Francophonie (OIF) a rendu compte de diverses actions menées en faveur de l'usage du français dans les organisations internationales - des offres de formation aux protestations officielles, en passant par les réunions de coordination des fonctionnaires francophones. Abdou Diouf, le secrétaire général de l'OIF, en tire un bilan positif : avec ce rapport, écrit-il, « on constate que la tâche n'est pas facile mais on découvre aussi que le travail de sensibilisation porte peu à peu ses fruits et que les limites d'une tendance qu'on croyait irréversible vers un unilinguisme intégral apparaissent de plus en plus ».

Parmi les bons élèves figurent, au sein des Nations Unies, le département de l'Assemblée générale et de la gestion des conférences, ainsi que celui de l'information, dont les activités, quoique « encadrées par un budget serré », contribueraient « activement au respect et à la promotion du multilinguisme ». Le portail mis en ligne à l'intention personnel du secrétariat de l'ONU serait accessible en français dans son intégralité. Néanmoins, « de réels problèmes liés à l'interprétation et à la traduction persistent ». Les rapporteurs déplorent, notamment : le temps limité de présence des interprètes lors des réunions officielles, « qui entraîne une obligation pratique de passer à l'anglais » après 13 heures et 17 ou 18 heures ; le recours systématique à l'anglais lors des réunions informelles ; la diffusion des textes en priorité en anglais « même quand le rédacteur initial n'est pas anglophone ». À Genève, par exemple, le texte « d'un projet de loi sensible concernant un conflit en cours dans un pays d'Afrique » n'a été distribué qu'en anglais, y compris à l'État concerné, pourtant francophone ! La situation pourrait s'aggraver avec « la pénurie annoncée de personnels linguistiques », consécutive au prochain départ à la retraite d'une proportion importante de leurs effectifs permanents.

Le processus de recrutement constitue un autre écueil auquel se heurte l'usage du français : « De la publication des vacances de postes dans The Economist jusqu'aux entretiens d'embauche, en passant par les exigences linguistiques formulées, il ne fait aucun doute que l'anglophone est clairement favorisé. » Ainsi le remplacement du sous-secrétaire général à la communication et à l'Information a-t-il « fait l'objet de préoccupations » de la part des membres du Groupe des ambassadeurs francophones : la vacance de poste était parue seulement en anglais, sans qu'il soit explicitement exigé du candidat qu'il maîtrise les langues de Shakespeare et Molière. Finalement, c'est un Autrichien francophone qui a été nommé le 31 juillet dernier.

« Il est important de ne pas transiger, et de pouvoir exercer une pression amicale et cordiale afin de faire respecter l'usage du français », prévient l'OIF. « D'autant plus qu'il existe une tendance au renoncement contre laquelle il est nécessaire de lutter. » Toutefois, nuance-t-elle, « la Francophonie ne doit pas jouer un rôle de gendarme ». À bien des égards, en effet, l'apprentissage volontaire du français serait préférable à la défense pointilleuse d'un strict multilinguisme. Quoi qu'il en soit, selon Abdou Diouf, « plus que jamais, nous pouvons affirmer que l'atteinte de nos objectifs en ce qui a trait au respect de la place de la langue française dans la vie internationale dépend d'abord et avant tout de notre propre volonté à faire respecter des règles qui existent déjà ». Qu'on se le dise !

TSCG : à ratifier sans état d'âme !

7 octobre 2012

Quelques mots sur le Pacte budgétaire européen... et sur ses opposants.

Une opération de communication se conclut ces jours-ci au Parlement, où le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union économique et monétaire (TSCG) est en passe d'être ratifié. Cet accord, intergouvernemental et non communautaire, se résume à l'expression d'un engagement solennel en faveur d'un assainissement progressif des finances publiques - un engagement souscrit à l'intention plus particulière de l'opinion allemande, afin de parer à son aversion pour la "solidarité budgétaire", raison pour laquelle il est censé contribuer à "sauver l'euro".

Ramener les finances publiques à l'équilibre, plutôt que de faire payer aux générations futures non pas les investissements consentis en leur faveur, mais les gaspillages d'un État inutilement dispendieux, voilà un objectif dont la poursuite devrait apparaître impérieuse aux yeux de tous. Hélas, ce serait oublier ces idéologues chaussés de grosses lunettes volontaristes, pas loin de proclamer que l'or pousse sur les arbres, tandis qu'ils exhortent l'État à pointer au guichet de la Banque de France, quitte à plonger la nation dans le chaos monétaire. Que des royalistes appellent à délivrer de nouveaux assignats, voilà une situation tristement ironique. Jacques Bainville nous avait pourtant mis en garde : il n'y a « rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française du 2 novembre 1925.

En vérité, la France n'a rien à gagner à ratifier ce traité, mais elle aurait tout à perdre à s'y refuser, étant donné qu'elle s'orienterait délibérément vers la banqueroute le cas échéant. D'aucuns s'excitent au motif qu'il appartiendra à la Cour de justice de de l'Union européenne (CJUE) de vérifier qu'une "règle d'or" budgétaire aura bien été introduite dans le droit national. Pas de quoi fouetter un chat : les juges de Luxembourg ne seront pas censés statuer sur le fond. En outre, le traité entretient le flou quant au "déficit structurel" qu'il conviendrait de combler, ainsi que sur les "circonstances exceptionnelles" qui permettraient de se soustraire à cet impératif.

Dans ces conditions, la marge d'appréciation conférée à Paris demeurera des plus large. L'immixtion potentielle du juge national dans un domaine jusqu'alors plus ou moins réservé à la Commission pourrait même jouer à la défaveur de Bruxelles. « On comprend pourquoi l'exécutif européen n'est pas très très enthousiaste sur ce texte », relève notre confrère Nicolas Gros-Verheyde. « Celle-ci garde la main sur le mécanisme de correction. Mais elle pourra aussi devoir rendre des comptes et justifier sa position de façon plus étayée que jusqu'ici... »

Cela, certains ne le voient pas, préférant s'honorer de résister à l'édification d'un État européen dont chaque traité multilatéral négocié sur le Vieux-Continent devrait nécessairement constituer une nouvelle pierre. D'ailleurs, on s'amuse de constater le sérieux avec lequel ils accueillent les propositions européistes les plus fantasmatiques, à l'image de celles formulées tout récemment par le "groupe des onze" : élection du président de la Commission par les citoyens de l'Union, définition d'une politique étrangère commune à la majorité qualifiée, création d'une armée communautaire, etc. Ce projet, c'est une « blague », comme l'a observé Jean-Louis Bourlanges, aujourd'hui (dimanche 7 octobre 2012), à l'antenne de France Culture. Ces élucubrations sans lendemain sont légions. Pour être, avec notre confrère Jean Quatremer qu'ils citent très volontiers, les seuls à ne pas s'en lasser, les souverainistes ont l'outrecuidance de revendiquer le monopole du patriotisme. Voilà précisément ce qui les rend insupportables !

Pacte budgétaire : un traité pour quoi faire ?

4 octobre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union économique et monétaire (TSCG), dont le Parlement français débat ces jours-ci, est censé "sauver l'euro". Vaste programme.

Quelques milliers de personnes ont battu le pavé parisien, dimanche dernier, 30 septembre, à l'appel du Front de gauche, pour réclamer que soit soumise à référendum la ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union économique et monétaire (TSCG), ou "Pacte budgétaire". Le cas échéant, toutefois, les manifestants devraient batailler pour faire mentir les sondages : selon une enquête BVA, dont les conclusions ont été publiées lundi par Le Parisien, 64 % des Français voteraient en faveur du traité.

Une fois n'est pas coutume, ils pourraient (presque) le faire en connaissance de cause. À la différence des traités communautaires, en effet, le TSCG, long de vingt-cinq pages seulement, s'avère relativement facile à lire. Contrairement au traité de Lisbonne, par exemple, il ne constitue pas une révision du droit primaire de l'Union européenne. D'ailleurs, seuls vingt-cinq des vingt-sept États membres de l'UE y ont apposé leur signature, le Royaume-Uni et la République tchèque s'y étant refusés. Les parties contractantes s'appuieront néanmoins sur les institutions de l'Union pour mettre en œuvre des engagements souscrits à sa marge, dans un cadre intergouvernemental. Cela ne recèlerait-il pas quelque fragilité juridique ? En tout cas, il est envisagé d'intégrer les innovations du TSCG au cadre juridique de l'Union européenne dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur (comme on le fit des accords de Schengen).

Imboglio juridique

Le droit communautaire s'en trouverait-il bouleversé ? Loin s'en faut. Le TSCG contient moult références au « Pacte de stabilité et de croissance révisé » adopté à l'automne 2011. Le renforcement de la discipline budgétaire, sous la surveillance accrue de la Commission européenne, est acquis de longue date ! Le Pacte budgétaire se distingue par l'introduction « d'objectifs à moyen terme » portant sur la réduction du déficit structurel – un déficit « corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires », selon les termes du TSCG, dont l'ampleur ne devrait pas dépasser 0,5 %, voire 1 % du PIB.

Était-il nécessaire de négocier un nouveau traité à cet effet ? Un texte d'une telle nature solennise l'engagement des responsables politiques en faveur d'un assainissement des finances publiques. En dépit des lourdeurs inhérentes au processus de ratification, c'est, vraisemblablement, tout l'intérêt qu'il présente aux yeux du chancelier allemand, confronté à la défiance d'une opinion publique où l'euroscepticisme va croissant. Au cœur de cette opération de communication, orchestrée par Angela Merkel, donc, figure l'introduction d'une "règle d'or" budgétaire, ou la promesse que sera garantie l'exportation de la rigueur germanique – la contrepartie de la "solidarité budgétaire" consentie par Berlin. De fait, les signataires du TSCG s'engagent à équilibrer leurs comptes « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ».

En négociant un tel engagement, les exécutifs ont délibérément court-circuité leur parlement... Dans le cas de la France, cela se traduira non par une révision constitutionnelle, mais par l'adoption d'une loi organique et, selon le projet du gouvernement, la création d'un Haut Conseil des finances publiques dirigé par le premier président de la Cour des comptes. Cela « va profondément modifier la préparation et le suivi des lois de Finances », analyse, dans Les Échos, notre confrère Étienne Lefebvre. À l'avenir, par exemple, la prévision de croissance sur laquelle se fonde le budget « devra être validée en amont par le Haut Conseil, dont l'avis sera rendu public au moment de la présentation du budget, fin septembre. Un avis négatif ne sera pas suspensif, mais son poids politique sera déterminant. Plus question de s'appuyer sur une prévision trop volontariste. » Un objectif à moyen terme sera désormais fixé dans les lois de programmation des finances publiques, et une trajectoire pluriannuelle définie en conséquence. En cas d'écart, le gouvernement proposera des mesures en application d'un "mécanisme de correction". Il appartiendra au Haut Conseil de donner l'alerte, « en tenant compte », précise le gouvernement, « le cas échéant, de circonstances exceptionnelles ».

Politique d'abord

Les "circonstances exceptionnelles", telles qu'elles sont définies par le TSCG, « font référence à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visées dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l'écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme ». Cela ne pourrait-il pas donner lieu à diverses interprétations, selon que l'on statue à Paris, Berlin, Bruxelles ou Luxembourg ? Telle est l'inquiétude exprimée par Marc Clément, magistrat administratif, dans un article publié par Telos. En définitive, résume-t-il, « le Traité de stabilité instaure à côté des mécanismes européens centrés sur les objectifs maximum de déficit de 3 % et de dette de 60 %, un autre ensemble de contraintes visant à l'équilibre structurel des budgets. Mais ces règles sont des règles nationales dont l'application sera contrôlée nationalement. » D'un côté, « la Commission et le Conseil sanctionnent sous le contrôle de la Cour de Justice » ; de l'autre, celui du TSCG, « ce sont les juges nationaux ». « Qu'est-ce qui garantit que les décisions des juges ne seront pas contradictoires d'un État membre à l'autre ? Rien, car pour le Traité de stabilité, le juge de Luxembourg n'intervient que marginalement. » Du moins est-il censé vérifier qu'une "règle d'or" budgétaire a bien été introduite dans le droit national, sans participer directement à son application.

Le moment venu, n'en doutons pas, les politiciens sauront s'engouffrer dans cet imbroglio juridique, sous la pression d'un corps électoral avide de promesses dont il faudra bien financer la réalisation, au moins en partie... Vingt ans après la ratification du traité de Maastricht, le TSCG est censé en corriger les insuffisances, en restaurant la discipline budgétaire dont l'Union européenne s'était affranchie à la demande de Paris et Berlin. Quoique "renforcé" tout récemment, le Pacte de stabilité avait volé en éclats à leur instigation, après avoir été jugé « stupide » par Romano Prodi, alors président... de la Commission européenne. Pourquoi le Pacte budgétaire serait-il promis à un avenir différent ? On finira bien par s'en extirper. D'aucuns s'y essaient d'ores et déjà. Jugeant « intenable » la réduction du déficit public poursuivie à court terme, Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, souhaiterait que Paris s'en affranchisse. « Mais je ne souhaite pas que ce soit la France qui donne l'impression de ne pas tenir ses engagements et sa parole parce que nous aurions à le payer cher au niveau de la gestion de notre dette et de l'effort financier », a-t-il expliqué le 23 septembre, comme le rapportent Les Échos. D'où son espoir de faire peser la responsabilité sur Bruxelles, qui aurait bon dos ! À supposer qu'il faille effectivement "sauver l'euro" et, plus généralement, ramener les finances publiques à l'équilibre sans faire tourner la planche à billets - ce dont la rédaction de L'Action Française 2000 est loin d'être convaincue, ses lecteurs le savent bien ! - on le voit, le carcan du droit ne saurait y suffire. C'est pourquoi, de notre point de vue, cette affaire n'est qu'une nouvelle illustration de la prégnance du "politique d'abord" cher à Maurras : en pratique, « dans l'ordre du temps », la politique demeure bel et bien « la première ». 

La démocratie en péril ?

4 octobre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

À la faveur, d'une part, des débats de société et, d'autre part, des défis lancés par la crise économique, hommes d'église, politologues et journalistes se risquent à critiquer un régime politique que l'on croyait inattaquable.

La démocratie a-t-elle encore la cote ? Du moins la critique-t-on plus volontiers que par le passé. D'abord dans l'Église. Ainsi Benoît XVI a-t-il jugé « évident », le 22 septembre 2012, devant le Bundestag, « que dans les questions fondamentales du droit, où est en jeu la dignité de l'homme et de l'humanité, le principe majoritaire ne suffit pas ». Deux jours plus tard, alors que Jean-Michel Apathie l'interrogeait sur RTL à propos du mariage des homosexuels, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France, a tenu un discours similaire : « il n'est pas sain de mettre aux voix » la distinction du bien et du mal, a-t-il déclaré.

Érosion progressive

Outre-Rhin, le politologue Herfried Münkler analyse, quant à lui, l'« érosion progressive » qui affecterait la démocratie parlementaire. Le Courrier international s'est fait l'écho de ses interrogations publiées par le Spiegel. « Pourquoi la crise actuelle devrait-elle signifier le début de la fin de ce modèle politique ? », se demande-t-il. « N'est-ce pas qu'un moment difficile à passer, auquel succédera à nouveau une période florissante du système, rôdé et éprouvé, de la démocratie parlementaire ? Un élément ne plaide pas en ce sens : l'impossible synchronisation des rythmes économique et politique. La Bourse et les banques dictent le rythme des décisions et les parlements courent derrière elles. Ce phénomène n'est pas seulement une conséquence de la mondialisation, mais aussi un effet de l'accélération des communications et des nouvelles technologies de l'information. Les autorités politiques sont tellement sous pression que le gouvernement place en permanence le Parlement devant le fait accompli. Non seulement celui-ci se contente d'approuver ce que l'exécutif a annoncé sous la pression de la Bourse et des agences de notation, mais l'Union européenne et l'euro, qui en tant que remparts supranationaux auraient dû faire barrage à l'autonomisation des marchés, contribuent au contraire à la marginalisation des parlements nationaux, dans la mesure où les chefs de gouvernement prennent les décisions à Bruxelles et exhortent les élus à ne pas les contester sous peine de faire accourir les spéculateurs financiers. »

Apologie des pleins pouvoirs

La situation n'a pas échappé à Henri Pigeat. Intervenant lundi dernier, 1er octobre, au micro de BFM Business, l'ancien président de l'AFP n'a pas mâché ses mots. De son point de vue, l'Italie doit être montrée en exemple pour avoir réalisé, depuis un peu moins d'un an, plus de réformes que la France durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Or, ce succès tiendrait au fait que le gouvernement de Mario Monti disposerait, en quelque sorte des « pleins pouvoirs sous contrôle ». En France, soutient Henri Pigeat, « toutes les réformes récentes [...] ont été réalisées avec des gouvernements de pleins pouvoirs ». Dans les démocraties, déplore-t-il, « il y a toujours des intérêts particuliers qui vont s'opposer à l'intérêt général ». Selon lui, il faut « faire en sorte que les choses qui doivent être réglées d'urgence le soient effectivement ». Sinon, prévient-il, « nous allons butter sur une crise beaucoup plus grave que la situation actuelle et il faudra faire les réformes sous l'autorité de la Banque centrale européenne, du FMI et d'autres autorités extérieures ». Alors, "politique d'abord" ?

D'un mariage à l'autre

20 septembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

L'institution du "mariage homo" figure parmi les priorités du gouvernement. Les débats qui s'annoncent au Parlement permettront-ils de discerner les multiples questions que ce projet soulève ? En voici un aperçu.

D'ici la fin octobre, un projet de loi sera présenté afin d'établir, selon les termes du gouvernement, « le mariage pour tous ». Plus couramment, on parle d'autoriser le « mariage homo » - et non celui des homosexuels. Aussi laisse-t-on entendre, au moins par facilité de langage, que ce mariage-là ne sera jamais qu'un avatar parodique de son homologue traditionnel. De toute façon, soutient Luc Ferry, « les unions homosexuelles seront toujours, qu'on le veuille ou non, différentes du mariage ». Pourquoi vouloir les désigner comme tel, en dépit de l'acception attachée à la désignation d'une institution ancestrale ? À certains égards, la réforme annoncée vise moins à conférer de nouveaux droits aux homosexuels qu'à ébranler les structures sociales. Citant un appel à « supprimer l'obligation de fidélité, l'obligation de communauté de vie [...] ainsi que la présomption de paternité (ou de parentalité) » inhérentes au mariage, Éric Deschavanne, un professeur de philosophie, le juge « emblématique de la contradiction qui consiste à revendiquer l'accès à un statut que l'on entend à cette fin vider de sa substance ».

Un ordre symbolique

Quoique favorable à l'institution d'une "union civile" équivalente au mariage, Luc Ferry  considère « essentiel, ne serait-ce que pour ne pas mentir aux enfants », que la différence entre l'un et l'autre de ces statuts « soit clairement nommée ». Ce faisant, l'ancien ministre s'érige en défenseur, certes timide, d'un "ordre symbolique" délibérément pris pour cible. Pour les uns, explique Éric Deschavanne, « accorder aux couples homosexuels le droit au mariage et le droit à l'enfant permettrait de mettre un terme définitif à "l'hétéronormativité" (ou "hétérocentrisme") » ; il s'agirait «  de remédier à l'humiliation multiséculaire subie par les homosexuels ». À l'opposé, leurs détracteurs entendent « poser des limites objectives à l'évolution des mœurs et du droit de la famille ». Telle est, nous semble-t-il, la démarche de Luc Ferry : « Si la logique [...] est à la fois celle de l'égalité et de l'amour, le mariage devrait [...] être accessible à tous les individus, quels qu'ils soient, qui veulent former un couple », observe-t-il. « Pourquoi pas des frères et sœurs, par exemple, s'ils s'aiment et s'ils y trouvent leur compte ? Qui pourrait, si rien ne vient limiter la dynamique ainsi enclenchée, leur refuser ce droit et au nom de quoi ? » Dans une optique réactionnaire, résume Éric Deschavanne, « le droit est "un langage" qui prétend rendre compte de la réalité et on ne peut lui demander de subvertir les représentations communes qui s'inscrivent dans le langage courant. Ce qui se produirait si l'on introduisait dans le droit le mariage homosexuel et l'affiliation d'un enfant à deux pères ou à deux mères. »

Qu'en sera-t-il à l'issue des débats parlementaires ? Si l'adoption plénière était ouverte aux couples homosexuels, des enfants pourraient effectivement se voir réputés nés de deux pères ou deux mères, au risque de bouleverser les repères de la filiation, déjà brouillés par les mutations de la famille dont cette affaire n'est, somme toute, qu'un symptôme. À moins que le volontarisme juridique soit sans grand effet sur les mœurs, comme le suggère la psychologue Caroline Thompson. Dans une famille homoparentale, affirme-t-elle, « l'enfant n'a aucune illusion sur le fait que ses parents soient deux femmes ou deux hommes ». D'ailleurs, poursuit-elle « il n'appellera pas les deux parents "papa" ou "maman" ». Généralement, les "parents" s'accorderaient pour savoir lequel des deux sera ainsi désigné. Considérant, en outre, qu'« il existe quantité d'exemples où l'éducation [...] ne s'est pas faite dans un milieu familial dit traditionnel », Mme Thompson soutient que l'enfant « trouvera ailleurs ce qui n'est pas donné d'emblée » : chez les grands-parents, mais aussi dans « les histoires racontées par la mère sur les pères ». Cela dit, comme le relève Éric Deschavanne, « les objections sont multiples, que l'on pourrait opposer aux prétendues démonstrations de l'innocuité de l'homoparentalité : contradiction des résultats des études [...] ; partialité des enquêtes conduites par des auteurs militants, caractère excessivement restreint des populations de référence ; absence de recul historique. »

Le mariage, une affaire privée ?

De part et d'autre, on ne manquera pas d'invoquer l'intérêt de l'enfant. À ce petit jeu-là, les réactionnaires devront se montrer prudents. Faut-il agiter « le droit d'avoir un père et une mère » ? On se demande comment un nourrisson pourrait en réclamer l'application. Quant à sa mise en œuvre, supposerait-elle d'imposer aux veuves le choix d'un mari ? Ce slogan sera facile à récuser, étant donné les carences juridiques dont souffriraient, paraît-il, les familles homoparentales, où vivraient entre dix mille et trois cent mille enfants. Aux yeux de Jeannette Bougrab, par exemple, « il ne s'agit pas tant de donner un droit à l'enfant mais de reconnaître le droit des enfants. Il faut adopter des mesures permettant au coparent de poursuivre l'éducation de l'enfant en cas de décès du parent biologique plutôt que placer l'enfant dans un foyer. De même, il convient de modifier les règles [...] afin de permettre au coparent de pouvoir léguer des biens à l'enfant qu'il a contribué à éduquer. »

À cet effet, une libéralisation des successions ne serait-elle pas suffisante ? Faudrait-il, plus généralement, laisser les individus contracter à leur guise ? L'institution du mariage civil remonte à 1792. « En un peu plus de deux siècles, quel succès ! », ironise Georges Kaplan. « Les jeunes gens d'aujourd'hui se marient de moins en moins [...] et un mariage civil sur trois finit en divorce ! Comme à chaque fois que l'État a prétendu réglementer et diriger nos vies privées, il n'est parvenu qu'à détruire ce qui fonctionnait si bien depuis des lustres. » Quoi qu'il en soit, l'ouverture du mariage aux couples de même sexe serait-elle, comme il l'espère, « un premier pas sur la longue route qui nous reste à parcourir pour reprivatiser nos vies » ? À l'inverse, elle conférerait une reconnaissance institutionnelle à des mœurs auxquelles l'État devrait, selon nous, rester indifférent.

Les citations de Luc Ferry, Éric Deschavanne, Caroline Thompson et Jeannette Bougrab sont tirées d'un rapport du Conseil d'analyse de la société publié en mai 2007 ; celles de Georges Kaplan sont extraites de son blog Ordre spontané.