17 septembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Au cœur du réseau mondial se trouve l'Icann, un organisme de
droit californien lié au gouvernement américain. Un "shérif du
cyberespace" sur lequel Bruxelles appelle à un contrôle accru de la
"communauté internationale".
Le 30 septembre arrive à échéance le contrat liant l'Icann au
gouvernement américain. Créée en 1998 à l'issue de négociations menées
par le vice-président Al Gore, l'Internet Corporation for assigned
names and numbers est un organisme privé à but non lucratif, régi par
le droit californien. Elle joue un rôle crucial dans la "gouvernance"
d'Internet, supervisant, d'une part, l'attribution des adresses IP
(Internet protocol) – des séries de chiffres identifiant chaque point
d'accès au réseau mondial –, et, d'autre part, la gestion des noms de
domaine – ces adresses intelligibles grâce auxquelles les internautes
se repèrent dans les méandres de la Toile.
Délégations
En collaboration avec l'Icann, de multiples acteurs assurent
une gestion décentralisée du réseau. Un gage de fiabilité et
d'efficacité. Sur le Vieux Continent, une organisation néerlandaise, le
RIPE-NCC, distribue les adresses IP selon la plage qui lui a été
allouée. Une association française, l'Afnic, administre les domaines de
premier niveau créés pour la France métropolitaine, la Réunion et les
Terres australes et antarctiques françaises (.fr, .re et .tf).
« La stabilité du système des noms de domaine a été préservée » : « l'Icann et le gouvernement américain peuvent se prévaloir d'avoir
atteint cet objectif clé », reconnaît-on à Bruxelles. La Commission
européenne appelle à « maintenir le rôle central du secteur privé dans
la gestion quotidienne de l'Internet », tout en réclamant qu'il rende
des comptes « vis-à-vis de la communauté internationale ». L'Icann est
manifestement plus ouverte qu'à l'origine ; elle a permis « la création
d'une large instance réunissant de multiples parties prenantes,
favorisant ainsi un processus de prise de décision participatif » ;
elle a été présidée par un Australien, Paul Twonney, auquel a succédé
en juillet dernier Rod Beckstrom, le premier directeur du National
Cyber Security Center.
Suspensions
Cela dit, les pays en développement demeurent insuffisamment
impliqués. En outre, « bien que l'Icann soit un organisme privé dont le
conseil d'administration compte des membres de plusieurs pays, c'est à
Washington [qu'elle] doit rendre des comptes en définitive ». Nicolas
Arpagian esquisse une comparaison avec la Grande-Bretagne, « dont la
suprématie sur les voies maritimes a assuré la domination au cours du
XIXe siècle » : « Les Britanniques maîtrisaient ces voies de
communication indispensables au commerce et aux échanges
intercontinentaux. Ainsi, l'Icann a décidé par le passé de suspendre
l'enregistrement des sites Internet en. iq (pour l'Irak) et en. af
(pour l'Afghanistan). » (Les Échos, 20/08/09) À la demande du
gouvernement américain, influencé par les lobbies puritains, elle
renonça également à ouvrir le domaine .xxx, censé faciliter
l'identification des sites pornographiques.
Une responsabilité multilatérale ?
« Les dispositions actuelles qui prévoient un contrôle
unilatéral [...] doivent céder la place à un autre mécanisme qui
permettrait de garantir qu'une responsabilité multilatérale s'applique
à l'Icann », proclame-t-on à Bruxelles. « Il conviendra [...] de
s'assurer que le fait que l'Icann a été constituée en société en
Californie n'empêche pas qu'il soit tenu compte des demandes
gouvernementales... » Manifestant quelque velléités d'indépendance,
l'Icann s'était d'emblée heurtée au Congrès. En dépit de ses
incantations, la Commission européenne ne se fait pas d'illusion quant
aux allégeances futures du « shérif du cyberespace » : « Le
gouvernement américain n'a jamais cessé de dire qu'il garderait le
contrôle effectif de la coordination des fonctions essentielles en
matière de noms et d'adresses au niveau mondial. »
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3 septembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
L'annonce de Bruno Le Maire a provoqué un tollé : 500 millions
d'euros versés entre 1992 et 2002 devraient être remboursés par les
producteurs qui en furent les bénéficiaires indirects. Décryptage d'un
nouveau scandale.
Le calme plat règne à Bruxelles pendant l'été, où seules
quelques permanences sont assurées. L'Union européenne n'en a pas moins
défrayé la chronique des jours ensoleillés, par la faute du ministre de
l'Agriculture Bruno Le Maire. Le 3 août, celui-ci annonça dans les
colonnes du Parisien son intention de répondre à l'injonction de la
Commission européenne, exigeant le remboursement par des producteurs de
fruits et légumes de subventions versées entre 1992 et 2002.
Indignation
Alimentés par l'Office national interprofessionnel des fruits,
des légumes et de l'horticulture (Oniflhor), les "plans de campagne"
avaient pour but, selon Bruxelles, « de faciliter l'écoulement des
produits français en manipulant le prix de vente ou les quantités
offertes sur les marchés ». Or, « de telles interventions sont
fermement interdites par la réglementation communautaire en matière
d'aides d'État ». Les sommes litigieuses s'élèveraient à un
demi-milliard d'euros, intérêts compris. Un chiffre que Paris espère minimiser.
C'est un mauvais coup pour les producteurs de fruits et
légumes, dont les syndicats dénoncent l'effondrement des revenus (- 37
% entre 2007 et 2008 selon la Fédération nationale des producteurs de
fruits). Dans un torrent d'indignations, on releva, comme toujours,
moult approximations. "L'Europe" a-t-elle « besoin d'oseille » ? Ses
ressources budgétaires ne seront pas affectées par un remboursement
dont l'État français sera, en définitive, le bénéficiaire. A-t-elle
patienté sournoisement jusqu'aux vacances pour prononcer sa sanction ?
Nullement : sa décision concluant à l'illégalité des aides remonte au
28 janvier dernier.
Découvrant l'affaire à la faveur du "buzz" médiatique,
l'opinion, galvanisée par le chauvinisme, fut d'autant plus choquée que
l'exigence formulée par Bruxelles porte sur des subventions indirectes,
dont certaines furent versées il y a dix-sept ans. Quid de la
prescription ? Fixée par un règlement, elle intervient après dix ans,
mais ce délai est interrompu dès lors que la Commission entame des
investigations.
Sept ans de procédure
Or, à la suite d'une plainte anonyme, elle avait interpelé la
France dès le 31 juillet 2002. La procédure s'est donc étalée sur sept
années. Un délai qui n'aurait rien d'exceptionnel selon les indications
que nous a fournies la représentation de la Commission européenne en
France, étant donné la complexité du traitement d'un tel dossier.
D'autant que Paris multiplia les demandes de reports.
D'autres griefs écorchent nos responsables politiques : «
Certains documents en possession de la Commission indiquent que les
autorités françaises étaient informées de la nature douteuse de ces
actions au regard du droit communautaire. Elles-mêmes qualifiaient ces
actions de "largement anticommunautaires" et signalaient la "menace
d'une obligation de faire rembourser par les producteurs les sommes
indûment versées". Un compte rendu du BRM [Comité économique fruits et
légumes du bassin Rhône-Méditerranée] rappelle aussi "le caractère
confidentiel des plans stratégiques et le besoin de discrétion
nécessaire compte tenu du principe anticommunautaire de ceux-ci". »
C'est dire l'inconséquence des gouvernements successifs,
feignant d'ignorer à Paris les engagements souscrits à Bruxelles.
D'ailleurs, la France n'aurait « pas contesté [...] l'analyse
préliminaire de la Commission concernant l'incompatibilité de ces aides
avec le marché commun ». Vilipendé pour sa servilité à l'égard de
Bruxelles, Bruno Le Maire s'inscrit en partie dans la continuité de ses
prédécesseurs ; il assume surtout les responsabilités que ceux-ci
avaient fuies jusqu'alors.
Humiliation
Cette affaire n'est pas la première du genre : la récupération
des aides au vignoble charentais et celle du plan Rivesaltes furent
exigées en 1999 et 2003. Humiliation formelle, ces rappels à l'ordre de
la Commission participent d'un mécanisme temporisateur : dans la partie
qu'ils jouent en commun, les Vingt-Sept s'accommodent par ce biais des
petits accrocs au respect réciproque de leurs engagements. Minimisant
la tentation de retirer ses cartes au premier faux pas d'un partenaire,
ce sont les "coups francs" sifflés sur un terrain de football : « Nous
sommes les arbitres des règles que les Européens se sont données »,
explique le porte-parole de la Commission, Altafaj Tardio (Le Monde,
04/08/2009). Des règles évidemment discutables : le moindre coût de la
main d'œuvre étrangère n'est-il pas, lui aussi, à l'origine d'une
distorsion de concurrence ? Qu'importe : « La question [...] n'est pas
couverte par la Politique agricole commune. Il n'existe pas de règles
européennes sur le sujet. » Imparable logique de la
technocratie !
Signalons toutefois que si un État membre en fait la demande
avant sa "condamnation" par la Commission, le Conseil des ministres,
statuant à l'unanimité, demeure libre de décréter une aide compatible
avec le marché commun ; dans le carcan institutionnel européen, des
portes restent ouvertes au politique.
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30 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Le souverainisme piégé par la démocratie.
Selon la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, le traité de
Lisbonne est compatible avec la loi fondamentale allemande, mais sa
ratification nécessite un renforcement préalable des pouvoirs du
parlement national. Dans un communiqué, Jacques Myard regrette « que la
France n'ait pas exigé les mêmes conditions d'application du traité ».
Selon lui, il résulterait de cet arrêt « une inégalité entre les
signataires » justifiant « une renégociation totale du traité ».
Nous ne saurions souscrire aux motifs appuyant cette exigence,
en dépit de la sympathie que nous inspire le député des Yvelines.
Sa réaction illustre, à nos yeux, les ambiguités du
souverainisme, conduisant ici à réclamer un rééquilibrage des
institutions françaises par l'entremise... d'une uniformisation
européenne ! C'est la conséquence, somme toute logique, de la confusion
entretenue dans le combat pour la "souveraineté nationale". Au sens où
l'entendait Maurras, rappelons que celle-ci était indéfendable.
L'expression suggère que la France est souveraine par elle-même : cela
conduit naturellement au mythe de la souveraineté populaire et, plus
concrètement, à la dénonciation du "déficit démocratique" européen,
stigmatisant l'influence croissante des gouvernements qui contournent
les parlementaires.
Mais un État libéré de leur pression ne serait-il
pas davantage "souverain" ? Cherchez l'erreur !
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30 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
L'idéologie prend parfois la défense en otage. Les déboires de
l'Airbus A400M, développé sous la bannière de la coopération
européenne, illustrent un phénomène dénoncé par le journaliste
Jean-Dominique Merchet.
Réunis au Castellet le vendredi 24 juillet, les sept pays
partenaires du programme A400M (1) se sont donné six mois pour renégocier
le contrat les liant au groupe EADS. Celui-ci avait annoncé le
9 janvier que les premiers avions ne seraient pas livrés avant
fin 2012, avec un retard de trois ans au moins. L'industriel reconnaît
sa difficulté, voire son incapacité, à satisfaire à toutes les
exigences du cahier des charges.
Polyvalence
Ces déboires inquiètent l'armée, confrontée au vieillissement
de ses appareils de transport, anticipé de longue date : la
formalisation du besoin à l'origine du projet A400M remontre à 1984.
Cinquante avions ont été commandés par la France. Sans eux, selon les
sénateurs Jacques Gautier et Jean-Pierre Masseret (2), « la capacité de
projection tactique à 1 000 km en cinq jours, actuellement de l'ordre
de 5 000 tonnes (soit 1 500 militaires avec leur équipement et leur
autonomie) passerait, en 2012, à moins de 3 000 tonnes, voire 2 500
tonnes ». Il faudra supporter le coût des solutions palliatives (remise
à niveau d'avions en fin de vie, achats ou locations), et les
conséquences d'un moindre entraînement des équipages.
Enfin aux commandes de l'A400M, ceux-ci bénéficieront d'un
appareil à la polyvalence inédite : son rayon d'action, sa capacité
d'emport et sa vitesse conviendront aux missions stratégiques ;
susceptible d'opérer sur terrain meuble, à basse altitude et faible
vitesse, il répondra également aux exigences tactiques ; il pourra
aussi participer à des ravitaillements en vol. Embarquant une
technologie de pointe, il exploitera le « plus puissant turbopropulseur
développé en Occident », selon l'expression de Noël Forgeard. L'avion
cumule les ruptures technologiques. Pourtant, Airbus Military s'était
engagé à le développer « à un prix très bas,
dans des délais très courts, et sans programme d'évaluation
des risques ». L'industriel a sous-estimé l'ampleur du défi ; aux yeux
des parlementaires, sa première erreur fut « de penser qu'un avion de
transport militaire tactique équivalait à un avion de transport civil
"peint en vert", bref qu'il s'agissait de construire un Airbus comme
les autres et que les compétences acquises en matière de certification
civile seraient un atout substantiel », voire suffisant.
Une gouvernance inefficace
EADS a pâtit, en outre, d'une mauvaise organisation de ses
filiales, conduisant à « une mobilisation insuffisante des forces vives
d'Airbus ». En effet, « AMSL était placée dans une situation intenable
vis-à-vis d'Airbus : en tant que filiale, elle devait exécuter ses
ordres ; en tant que responsable industriel du programme, elle devait pouvoir
mobiliser les unités de production de la société mère. » Cela dit,
Louis Gallois nuance l'échec de son groupe, d'autant que les retards
sont monnaie courante dans l'industrie d'armement : « On ne connaît pas
de programme de ce type livré en moins de douze ans. [...] Si nous
livrions l'avion dans une amplitude de dix ans, nous serions encore la
référence dans ce domaine. » (3)
Divergences
Réunis dans l'Organisation conjointe de coopération en
matière d'armement (Occar), les États impliqués ont entrepris une
collaboration délicate, sinon hasardeuse. Ils avaient opté pour une
approche commerciale, consistant, selon l'explication des sénateurs, «
à délivrer, au terme d'une phase unique pour le développement et la
production, un nombre fixe d'avions – 180 – à un prix indexé, mais
ferme : 20 milliards d'euros aux conditions économiques initiales ».
Mais les priorités divergeaient : le Royaume-Uni voulait acquérir des
appareils au plus vite ; l'Allemagne surveillait le budget avec un
calendrier élastique ; l'Espagne espérait surtout développer son
industrie aéronautique ; quant à la France, elle souhaitait répondre à
un besoin opérationnel, mais aussi « faire avancer l'Europe de la
défense ». Au total, estiment les parlementaires, ces stratégies
différentes « ont conduit à prolonger les négociations plus que de
mesure », ainsi qu'à imposer des conditions contractuelles
difficiles... En l'absence d'un État pilote, « le dialogue
indispensable entre l'industriel et le donneur d'ordres a fait défaut
», poursuivent-ils. « En outre, le principe du juste retour a été
appliqué strictement, aussi bien pour le moteur que pour l'avion. » «
Enfin, la faible capacité de l'Occar à prendre des décisions [...], le
manque de dialogue entre EADS et les sous-traitants, ainsi que les
problèmes d'organisation du consortium des motoristes ont conduit à
retarder l'identification des problèmes et donc leur résolution. »
Une exception, l'A400M ? « Bien au contraire », proclame
Jean-Dominique Merchet dans son dernier livre (4). L'animateur du blog
Secret Défense, collaborateur de Libération et conférencier occasionnel
de la NAR, rapporte que « l'autre programme phare de la coopération
européenne, l'hélicoptère NH90, souffre des mêmes maux ». L'industrie
d'armement serait « victime de l'idée que plus on embarque de
partenaires [...], mieux c'est » ; idée dont le seul mérite serait
d'être européenne.
Réussite en solo
À l'opposé, l'auteur souligne la réussite du Rafale : « Très
critiqué, le choix de jouer en franco-français apparaît aujourd'hui
comme le plus rationnel, tant sur le plan des finances publiques que
sur celui des besoins militaires. » Et de citer la Suède en exemple,
qui produit des avions militaires et réussit même à en
exporter : « Ce que la petite Suède sait faire, et plutôt
bien, il n'y avait aucune raison que la France – six fois plus grande –
ne puisse le réussir, n'en déplaise aux idéologues qui estiment, une
fois pour toutes, que la France est trop petite. »
Fustigeant la Politique européenne de sécurité et de défense
(PESD), Jean-Dominique Merchet juge lamentables les multiples
déclarations d'intention jamais suivies d'effet. On attribue
certes quelques réalisations concrètes à la PESD, mais dont la
dimension "européenne" serait souvent usurpée, comme en Bosnie : « En
décembre 2004, l'opération militaire Althéa prend la suite de l'Otan.
Pour plus d'efficacité, l'UE le fait néanmoins avec les moyens et
capacités de commandement de l'Otan, dans le cadre des accords dits de
"Berlin Plus". » Première mission navale entreprise sous l'égide de
l'Union, l'opération Atalanta lutte avec succès contre la piraterie au
large de la Somalie. Mais « "on ne déploie pas de bateaux exprès pour
cette mission", explique-t-on à l'état-major de la Marine rue Royale.
"On a deux bateaux qui auraient été là-bas de toute façon dans le cadre
de notre présence dans l'océan Indien." »
L'UE et les tâches ménagères
Autant d'exemples illustrant « la grande illusion de la
défense européenne ». Avec un mépris teinté d'humour, Jean-Dominique
Merchet observe que l'Europe « est conçue pour les temps ordinaires »,
ce qui s'avère à certains égards « bel et bon » : « Comme le disait
l'inoubliable Paul Volfoni des Tontons flingueurs, "les tâches
ménagères ne sont pas sans noblesse". » Mais là où il est question « de
vie et de mort », on entre dans une cour où « l'Europe ne joue pas et
n'est pas prête de le faire ».
Ce petit livre, clair et concis, est un vrai réquisitoire.
Pour l'étayer, l'auteur convoque Carl Schmitt et Joseph de Maistre. Ses
arguments suffiraient-ils à prononcer la condamnation de l'UE ? Pas
forcément, car la PESD apparaît bien marginale au sein de l'Union, dont
l'ossature demeure le marché unique. Et si la défense témoigne des
méfaits de l'idéologie européiste, celle-ci n'est pas le seul moteur de
la construction européenne, où interviennent également des calculs
d'intérêts. Cela dit, Jean-Dominique Merchet confesse volontiers un
euroscepticisme plus prononcé que celui d'un Védrine, par exemple.
Quant au souverainisme, « c'est un mot qui ne me fait pas peur » nous
a-t-il confié, tout en se définissant plutôt comme un « gaulliste du 18
juin ».
(1) Les États engagés dans le programme A400M sont les
suivants : Allemagne (60 avions), France (50), Espagne (27),
Grande-Bretagne (25), Turquie (10), Belgique (7) et Luxembourg (1).
L'Afrique du Sud a commandé huit appareils et la Malaisie quatre.
(2) Jacques Gautier & Jean-Pierre Masseret : Rapport
d'information sur les conditions financières et industrielles de mise
en œuvre du programme A400M. Annexe au procès-verbal de la
séance du 10 février 2009, 97 pages, disponible en téléchargement
gratuit sur le site Internet du Sénat.
(3) Cité par Nicolas Gros-Verheyde : « Louis Gallois
s'explique ». Europolitique, n° 3722, 26 mars
2009. Cf http://bruxelles2.over-blog.com/
(4) Jean-Dominique Merchet : Défense européenne, la
grande illusion. Larousse, coll. "À dire vrai", 126 pages,
9,90 euros. Deux extraits sont en ligne sur le blog de l'auteur :
http://secretdefense.blogs.liberation.fr/
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16 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Quarante ans après le premier pas de l'homme sur la Lune,
l'espace est au cœur de la compétition mondiale. Fortes du succès
d'Ariane, la France et l'Europe sauront-elles tenir leur rang ?
Décollage pour un survol des enjeux de la politique spatiale.
Le 21 juillet, nous fêterons les quarante ans du premier pas
de l'homme sur la Lune, dont la reconquête est d'ores et déjà lancée.
La Russie, la Chine, le Japon et l'Inde envisagent de s'y installer
durablement. Ils seront probablement devancés par les États-Unis,
engagés dans le programme Constellation s'appuyant sur la vision «
Moon, Mars and beyond » exposée par le président Bush en 2004. Premier
alunissage en 2020 ! Par comparaison, l'Europe apparaît bien timorée...
Le monde est saisi d'une frénésie spatiale : en 2007, on estimait à 2
500 le nombre de satellites en orbite autour de la Terre, dont un
millier avaient été lancés en seulement dix ans.
Passions en jeu
En visite à Kourou le 11 février 2008, le président de la
République observa que l'espace demeurait, pour moult États,
« une affaire de rang et de statut ». Or, selon Nicolas
Sarkozy, « le maintien d'un effort budgétaire et industriel aussi
considérable ne peut se justifier des décennies durant par le seul
souci de prestige ou de démonstration de force ». Sachons raison
garder, sans négliger les passions mobilisatrices : le programme Apollo
avait enthousiasmé la jeunesse américaine, suscitant de nouvelles
vocations scientifiques.
Cela dit, la politique spatiale obéit à des préoccupations
essentiellement scientifiques, économiques et sécuritaires. « L'espace
constitue la quatrième dimension de la défense nationale » soulignent
les parlementaires Christian Cabal et Henri Revol. Dans les années
suivant la première guerre du Golfe, les États-Unis ont multiplié par
cent la bande passante (le débit) utilisée par leurs soldats impliqués
dans un conflit. En 2006, la Chine a neutralisé un satellite espion
américain pendant quelques minutes. Plus spectaculaire encore : début
2007, elle a détruit un satellite météorologique lui appartenant par un
tir de missile. Jusqu'alors, seuls les États-Unis et la Russie étaient
réputés capables d'anéantir un système spatial.
On le voit, « l'espace est un enjeu de souveraineté pour la
France : la crédibilité de la dissuasion nucléaire, les compétences
technologiques de nos entreprises, leur place sur les marchés
internationaux en dépendent ». Notre pays peut s'enorgueillir du succès de ses
lanceurs : près des deux tiers des satellites opérationnels en 2007
avaient été lancés par Arianespace ; la fiabilité d'Ariane 5 – première
qualité d'un lanceur – l'a même autorisé à pratiquer des tarifs
supérieurs à ceux de la concurrence. Maillon essentiel de la filière
spatiale, les fusées y occupent pourtant un poids économique marginal :
« La fabrication des lanceurs et les lancements représentent 3 % des
revenus du secteur, la fabrication de satellites 11 %, la construction
et la commercialisation des moyens au sol 24 % et le segment
d'opération des satellites et de ventes des services associés 62 %. »
Selon les chiffres cités par le président de la République, l'industrie
spatiale européenne dégage un chiffre d'affaires annuel de 5 milliards
d'euros ; elle représente 30 000 emplois, dont 40 % situés en France.
Mais le secteur a souffert : « Le chiffre d'affaires de l'industrie
spatiale en France a [...] commencé par croître de plus de
60 % entre 1996 et 2000. Puis une baisse de 28 % est
intervenue entre 2000 et 2005. »
Un secteur dual
Dans leur rapport déposé en février 2007, Christian Cabal et
Henri Revol avaient relevé les difficultés rencontrées, plus
précisément, par la filière des lanceurs : « Ce secteur dual,
c'est-à-dire mettant en œuvre des technologies voisines pour des
applications civiles ou militaires, employait plus de 4 500 personnes
en 1984. En 2006, les effectifs ont fondu de 60 % pour ne plus
comprendre que 2 600 emplois. C'est l'arrêt des programmes de la
dissuasion sol, du missile balistique mobile Hadès et de la navette
européenne Hermès qui est responsable de l'hémorragie. » Arianespace
avait été affecté, également, par l'éclatement de la bulle Internet,
provoquant un effondrement du marché des satellites de
télécommunications.
Or, poursuivent les parlementaires, « la France est le seul
pays en Europe où les marchés institutionnels et les marchés
commerciaux sont au même niveau. [...] Les marchés institutionnels –
civil ou militaire – ont représenté 95 % du chiffre d'affaires de
l'industrie spatiale américaine en 2005. L'importance des commandes sur
le marché commercial est certes une indication rassurante sur la
compétitivité instantanée de l'industrie qui en bénéficie. Mais cette
situation crée une dépendance dangereuse vis-à-vis de marchés
essentiellement cycliques. »
La loi du marché ?
Selon le vœu de Nicolas Sarkozy « l'exceptionnelle qualité du
service rendu par Ariane doit lui permettre d'équilibrer entièrement
son activité commerciale », autorisant éventuellement « une
réorientation partielle des moyens publics vers de nouveaux programmes
». Étant donné l'importance stratégique des lanceurs, garants de
l'autonomie d'accès à l'espace, la prudence s'impose. Pour Christian
Cabal et Henri Revol, « la première impasse française et européenne »
serait « l'opinion [...] selon laquelle la croissance du secteur
spatial peut être assurée d'abord par le marché. Hormis l'Europe,
aucune puissance spatiale ne commet cette erreur. Capitalistiques et à
long terme, les investissements spatiaux produisent des externalités
que les marchés ne prennent pas en compte et peuvent difficilement
financer. La concurrence [...] est biaisée par le dumping d'industries,
généralement publiques, plus soucieuses d'influence géopolitique que de
rentabilité. Faute d'un soutien public suffisant, les industries
spatiales européennes voient leur pérennité compromise par une capacité
de [recherche et développement] et une rentabilité insuffisantes... »
Nombre de pays offrent un ministère à leur politique spatiale.
En France, le Centre national d'études spatiales joue le premier rôle.
Il est impliqué dans de multiples coopérations internationales, jugées
indispensables : « À titre d'exemple, le CNES maîtrise la réalisation
technique de l'altimètre océanographique Altika de nouvelle génération
mais ne peut prendre en charge la plateforme. En conséquence, Altika
sera implanté sur un satellite lancé par l'Inde. » Faut-il s'en
inquiéter ? « La recherche fondamentale doit faire l'objet de
coopérations sans réserves. » Toutefois, « plus on se rapproche de
l'acte de produire, moins la coopération peut être développée. La
conception, l'ingénierie et les savoir-faire de la production sont des
atouts dans la compétition commerciale. Leur exportation doit être
proscrite. »
Lego spatial
Nos député et sénateur affirment que « l'Europe doit
viser l'autonomie des systèmes spatiaux assurant des fonctions
stratégiques pour sa sécurité et son développement économique », mais
aussi « contribuer à la standardisation des systèmes spatiaux et
rechercher la compatibilité de ses propres systèmes avec le plus grand
nombre possible de systèmes appartenant aux autres régions du monde. »
Assemblée comme un Lego à partir de modules conçus de part le monde, la
Station spatiale internationale (ISS) symbolise les perspectives ainsi
ouvertes.
L'Agence spatiale européenne (ESA), dont le siège se trouve à
Paris, constitue le vecteur de cette ambition. Bien qu'un accord-cadre
formalise sa collaboration avec l'Union européenne depuis mai 2004,
elle en est indépendante. Parmi ses dix-huit membres, on compte la
Suisse et la Norvège, qui n'appartiennent pas à l'UE. Pratiquant le
"retour géographique" – une exigence coûteuse –, elle répartit les
investissements sur le territoire des États-membres à la mesure de
leurs participations. À Bruxelles, « la prise en compte du spatial par
la Commission européenne » serait « fragmentée et sous-dimensionnée »
selon les parlementaires. Le traité de Lisbonne conférerait à l'Union
une compétence partagée en la matière. Une compétence "pragmatique",
censée s'ajouter à celle des États sans s'y substituer. « Mais la
Commission ne possède aucune compétence technique dans le domaine
spatial. Il serait contre-productif qu'elle veuille s'en doter, alors
que l'ESA les possède au meilleur niveau, avec un retour d'expérience
de plus de trente années. Il serait également très dangereux d'imaginer
l'ESA en tant qu'agence communautaire, car l'espace vivra encore
largement de programmes optionnels permettant de faire avancer la
coopération entre les États-membres les plus motivés. »
Talon d'Achille
Présentes à bord de la Station spatiale internationale, la
France et l'Europe n'ont pas la possibilité d'y conduire un équipage
par leurs propres moyens. Les vols habités sont leur talon d'Achille,
alors que le CNES juge prioritaire l'étude de Mars in situ. Le
président de la République exprime sa « conviction qu'un programme
d'exploration ne peut être que mondial, sans exclusivité ni
appropriation par l'une ou l'autre des nations ». Il fera valoir
quelques atouts devant la "communautés internationale" : « Dans
l'exploration robotique, le transport de matériel, les technologies
spatiales, l'Europe a des secteurs d'excellence où elle peut apporter
ses talents pour le bénéfice de tous. »
Elle dispose en outre de formidables potentialités : après
qualification pour les vols habités, équipée d'une capsule dotée d'un
dispositif d'éjection, Ariane 5 bénéficierait selon la NASA d'une
sécurité cinq fois meilleure que celle de la navette spatiale ; et sans
développer un lanceur aussi lourd que les Américains, nous pourrions
exploiter les rendez-vous orbitaux pour assembler de grandes structures
dans l'espace. « L'Europe a la possibilité de rivaliser avec les
États-Unis pour des investissements très inférieurs, en capitalisant
sur ses investissements antérieurs et en adoptant une approche système
de systèmes » clament Christian Cabal et Henri Revol. Quoi qu'il en
soit, les retards se paieront cher : « Il faut trente ans pour mettre
en place un secteur spatial performant. »
Cet article s'appuie sur le rapport de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de février 2007,
rédigé sous la responsabilité de Christian Cabal, député,
et Henri Revol, sénateur : « Politique spatiale : l'audace ou
le déclin - Comment faire de l'Europe le leader mondial de l'espace ».
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16 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Vingt-six fruits et légumes sont libérés des normes
communautaires qui prohibaient les produits difformes. Une fois n'est
pas coutume, Bruxelles semble inspiré par le bon sens. Les producteurs
s'en réjouissent-ils ?
Les concombres mal formés reviennent sur les étals. Le 7
juillet, le Bulletin de réinformation de Radio Courtoisie,
dirigé ce jour-là par Romain Lecap, a salué « la libération de
vingt-six fruits et légumes des diktats de la Commission européenne »
(1). Leur taille, leur forme et leur couleur étaient encadrées par un
règlement dont l'abrogation est effective depuis le 1er juillet.
Rationalisation
Selon la Commission, cela constitue « un élément majeur dans
ses efforts de rationalisation et de simplification des règles de l'UE ». Des normes sont maintenues pour dix produits représentant 75 % de la
valeur des échanges de l'Union (2) ; mais les États membres sont libres
de passer outre : « Concrètement, cela signifie qu'une pomme qui n'est
pas conforme [...] pourra être vendue dans le commerce de détail, pour
autant qu'elle soit pourvue d'une étiquette portant la mention "produit
destiné à la transformation" ou une mention équivalente. »
Mme Mariann Fischer Boel, le commissaire danois en charge de
l'Agriculture et du Développement rural, se félicite : « Les
consommateurs auront [...] la possibilité de choisir parmi une gamme de
produits la plus large possible. Il est absurde de jeter des produits
parfaitement comestibles au simple motif qu'ils sont de taille et de
forme irrégulières. » Elle esquisse même, par omission, une caricature
des règles édictées par ses prédécesseurs. En effet, selon une synthèse
officielle du règlement de 1996 portant organisation commune des
marchés dans le secteur des fruits et légumes, « le respect des normes
[n'était] pas imposé avant l'emballage et le conditionnement, ainsi que
dans le cas des produits destinés à la transformation ». Des abricots
boursoufflés pouvaient donc servir aux confitures. Cela dit, Bruxelles
ferait-il un pas sur la voie du bon sens ?
Des producteurs mécontents
Interrogée sur le sujet, la FNSEA nous a dirigé vers
la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), signataire le
28 avril 2008 d'un communiqué demandant « le maintien global des
trente-six normes européennes des fruits et légumes, seule garantie de
la loyauté et de la sécurité des transactions commerciales, pour
assurer un approvisionnement de qualité au consommateur ».
Mme Fischer Boel l'assure : « Nous n'avons pas besoin de
légiférer sur ces questions au niveau de l'UE. Il est de loin
préférable de laisser cela à l'appréciation des opérateurs économiques
concernés. » Cette perspective inquiète justement le Copa-Cogeca (3) :
« Les normes [...] assuraient une transparence du marché et
permettaient aux opérateurs d'avoir un langage commun pour définir des
paramètres homogènes pour la qualité des fruits et légumes. » De plus,
elles « veillaient à ce que les fruits et légumes importés sur le
marché communautaire respectent les mêmes règles de qualité que la
production européenne. [...] Les initiatives privées visant à établir
de nouvelles normes de commercialisation vont se développer dans les
vingt-sept États-membres, ce qui va à l'encontre du marché unique. » En
conséquence, rapporte Julie Majerczak, « les diktats seront imposés par
la grande distribution au lieu de venir de Bruxelles » (Libération,
11/11/2008).
Tandis que la FNFP dénonce l'« effondrement » du revenu des
producteurs de fruits (- 37 % entre 2007 et 2008), les prix pourraient
être tirés vers le bas. Une chance pour les consommateurs ? Selon le
Copa-Cogeca, poursuit notre consœur, « il deviendra plus difficile de
comparer les prix et la qualité sera incertaine, puisque les lots ne
seront plus nécessairement homogènes ».
La fin du diktat ?
L'affaire se révèle beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît au
premier abord. Le Copa et la Cogeca « rappellent que dix-neuf
États-membres se sont opposés à la modification de ce règlement des
fruits et légumes ». Perdu dans les méandres du droit communautaire,
nous n'avons pas réussi à le vérifier. Libération avait signalé le
11 novembre « l'opposition des pays producteurs, dont la
France ». Réuni le lendemain, le Comité de gestion avait rejeté le
projet, avant d'émettre, un mois plus tard, le 4 décembre 2008, un avis
favorable. À l'unanimité. Nos représentants auraient-ils courbé
l'échine, négociant éventuellement quelque contrepartie ? Le cas
échéant, "l'Europe" renoncerait certes à imposer son "diktat", mais
contre l'avis de la France !
(1) Les produits concernés sont les suivants :
abricots, artichauts, asperges, aubergines, avocats, haricots, choux de
Bruxelles, carottes, choux-fleurs, cerises, courgettes, concombres,
champignons de couche, aulx, noisettes en coque, choux pommés,
poireaux, melons, oignons, pois, prunes, céleris à côtes, épinards,
noix en coque, pastèques et chicorées Witloof.
(2) Pommes, agrumes, kiwis, laitues, pêches et nectarines,
poires, fraises, poivrons, raisins de table et tomates.
(3) Comité des organisations professionnelles agricoles de
l'Union européenne et Comité général de la coopération
agricole de l'UE.
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2 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Saluée comme une victoire par les souverainistes, l'abstention aux élections européennes justifie également les appels en faveur d'une Europe plus fédérale.
Les résultats électoraux se prêtent toujours aux
interprétations les plus diverses. À l'issue du scrutin des 6 et 7
juin, Jean Quatremer saluait « l'Europe, grand vainqueur des élections
en France », tandis que Le Salon Beige pointait « un désaveu pour l'UE ».
L'abstention massive (59,37 % des inscrits) réjouit
naturellement les souverainistes. Les enquêtes d'opinion pourraient
toutefois les faire déchanter. Le tableau est nuancé : 80 % des
Français seraient favorables à la construction européenne, mais 26 % la
percevraient comme « une menace pour notre identité » ; 78 %
considéreraient qu'elle « les rend plus forts face au reste du monde »,
mais 62 % estimeraient qu'elle « coûte cher à la France » ;
enfin, 6 % réclameraient la dissolution de l'UE (1).
Quoi qu'il en soit, l'abstention doit être invoquée avec
prudence. En effet, comment peut-on l'expliquer ? Sans doute par le peu
d'implication de l'Union européenne dans les politiques de
redistribution sociale cristallisant les clivages partisans ; ainsi que
par la faible "personnification" des enjeux : le vote des électeurs
peut influencer la composition de la Commission, mais sa désignation
demeure l'apanage des États. Autant de "maux" que les fédéralistes
aspirent à corriger : l'abstention serait vraisemblablement endiguée
par un accroissement des compétence de l'UE et une émancipation – peu
réaliste selon nous - de la Commission et du Parlement.
En attendant, la transposition du formalisme parlementaire au
niveau communautaire apparaît aberrante à bien des égards. Les
journalistes de Libération posent parfois de bonnes questions (2) : « On
peut dès lors se demander s'il était bien nécessaire de faire élire au
suffrage universel direct le Parlement européen : en déséquilibrant une
construction qui a été pensée dès l'origine comme une union d'États et
dont la légitimité démocratique s'exerçait uniquement au second degré,
cette innovation a sans doute concouru à renforcer le sentiment que
l'Union souffrait d'un grave déficit démocratique. » Selon Jean
Quatremer, « le seul moyen d'y remédier ne serait évidemment pas de
revenir en arrière, cela étant démocratiquement inacceptable, mais de
créer un véritable État fédéral ». De notre point de vue, cependant,
qu'importe la démocratie !
(1) Enquête réalisée du 28 avril au 5 mai par Efficience 3
pour la Représentation en France de la Commission européenne.
(2) Coulisses de Bruxelles, 11/05/09.
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2 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Vers une coordination des parlementaires français et "européens" ?
Une quarantaine de députés au Parlement européen ont répondu à
l'invitation du Quai d'Orsay le 22 juin. Euractiv
signale le bon accueil réservé à la proposition du président de la
commission des Affaires européennes du Sénat, Hubert Haenel, qui
souhaite systématiser les rencontres entre parlementaires européens et
nationaux. Il était temps ! Organisées tous les mois selon le vœu de
Bruno Le Maire, ces rencontres auraient lieu en amont de la
présentation des textes ; « pour éviter les cafouillages comme Hadopi »
précise le député Hélène Flautre (Europe-Écologie).
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2 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Le 1er juillet, la Suède a succédé à la République tchèque à la tête de l'Union européenne, dont elle présidera le Conseil pendant six mois. Aperçu des priorités affichées dans son programme de travail.
Maintenue à l'écart du second conflit mondial, attachée à sa
neutralité, accaparée par l'édification d'un État-providence,
la Suède est demeurée en marge des Communautés européennes jusqu'en
1995. La perspective d'une adhésion s'est dessinée dans les années
quatre-vingt : « Dans le débat public, on s'est mis à envisager les
conséquences de l'intégration comme une perte de souveraineté formelle,
mais un gain de souveraineté réelle. » (1) Le traité arrimant le royaume
à l'UE fut adopté par référendum à la faveur de 52 % des voix.
Depuis lors, l'Europe continua de diviser les partis et l'opinion,
jusqu'à l'échec de la consultation censée autoriser en 2003
l'introduction de la monnaie unique (56 % de "non").
Révolution dans la Défense
Façonné par la social-démocratie, le pays est dirigé
aujourd'hui par un conservateur, le ministre d'État Fredrik Reinfeldt
âgé de quarante-trois ans, dont la politique pourrait rompre avec le
non-alignement. La doctrine de défense suédoise se trouve en effet « à
la veille d'une révolution » (2). Le Riksdag vient de voter la "mise en
sommeil" de la conscription par 153 voix contre 150. D'ici 2014, une
armée de métier de 50 000 hommes devrait voir le jour. Or, « même si
l'objectif n'est pas affirmé aussi nettement, cette transformation se
fait dans un objectif d'adhésion à terme de la Suède à l'OTAN »
selon Nicolas Gros-Verheyde. Pour l'heure, « la Suède a une
politique stratégique sur l'ensemble de la Baltique » observe le
ministre de la Défense Sten Tolgfors. « La Suède est en train
de négocier avec l'OTAN, la Norvège et la Finlande. [...] L'objectif
est d'avoir une coopération nordique de surveillance de l'espace
aérien, qui puisse aussi inclure les États baltes. »
Cela éclaire le programme de travail de la présidence suédoise
de l'Union européenne, qui promeut le renforcement de l'engagement
vis-à-vis de l'Afghanistan et du Pakistan, l'institution d'un
partenariat privilégié autour de la mer Baltique, la poursuite de
l'élargissement : en Croatie, dans les Balkans occidentaux, mais aussi
en Turquie.
Suspicion
Le président de la République acceptera-t-il que de nouveaux
chapitres de négociation soient ouverts avec Ankara, bien qu'il
prétende réprouver son adhésion ? Les suspicions de duplicité sont
alimentées par la nomination de Pierre Lellouche comme secrétaire
d'État chargé des Affaires européennes. Ce dernier serait l'un des «
très bons amis » de son homologue turc, Egemen Bagis, qui confie aux
journalistes : « Je crois qu'il va influencer les autres membres du
gouvernement, qu'il va les convaincre des avantages de l'adhésion de la
Turquie et qu'ainsi le bon sens va prévaloir à la fin. Pierre peut être
un bon catalyseur. » (3) Affaire à suivre.
Immigration
Investie également dans la justice et les affaires intérieures
(JAI), la présidence suédoise voudrait inclure, entre autres volets du
futur "programme de Stockholm", « des mesures permettant une
immigration accrue de main d'œuvre dans les pays de l'UE ». Ses
priorités demeurent toutefois l'économie, l'emploi et le climat. La
Suède entend « rétablir l'ordre dans les finances publiques » et
accroître la mobilité des travailleurs. Il lui incombera de préparer la
Convention de Copenhague, où seront souscrits en décembre des
engagements internationaux visant à réduire les émissions de gaz à
effet de serre après 2012, dans la continuité du protocole de Kyoto.
Autant d'objectifs à poursuivre dans un contexte
institutionnel en mutation, marqué par le renouvellement de la
Commission européenne et la perspective du second référendum irlandais
sur le traité de Lisbonne...
(1) Gôran von Sydow ; Dictionnaire critique de
l'Union européenne, Armand Colin.
(2) Nicolas Gros-Verheyde ; blog Bruxelles 2,
25 juin 2009.
(3) Propos rapportés par Jean Quatremer ; blog Coulisses
de Bruxelles, 25 juin 2009.
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18 juin 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Lecture d'un "album secret" signé Jean-Claude Martinez.
Député au Parlement européen de 1989 à 2009, Jean-Claude
Martinez se propose de révéler les secrets de cette institution.
S'appuyant sur les illustrations de Norma Caballero, il convie le
lecteur à la rencontre de six mille habitants, évoluant sur cinquante
hectares répartis dans trois villes : Strasbourg, le siège officiel du
Parlement, où les couloirs seraient un vrai cauchemar ; Bruxelles, qui
supplante peu à peu la capitale alsacienne ; Luxembourg, qui héberge
l'administration. En Belgique, étant donné l'étendue des surfaces à
couvrir, les rondes des agents de sécurité prennent entre six et huit
heures.
On découvre des lieux parfois insolites : la banque ING,
classée centième sur les 4 800 agences que compte le groupe dans le
Plat pays ; un bar dévalisé le soir du 13 juillet 2004, où le Parlement
accueillait les représentants de dix nouveaux États-membres ; une salle
de prières à Strasbourg ; un centre d'épilation à Bruxelles...
L'hémicycle constitue « une PME de cent personnes ». Les votes y sont
expéditifs : les députés disposent de quelques secondes pour presser la
bonne touche de leur machine électronique. Et quand ils prennent la
parole, c'est pour une ou deux minutes, trois tout au plus. Alors
s'affairent les interprètes, censés jongler avec 506 combinaisons
linguistiques possibles !
Soulignant « l'impérialisme de l'anglais », Jean-Claude
Matrinez rapporte cette mésaventure de Jacques Barrot : « Un député
voulait la lecture officielle de la position de la Commission
européenne. Mais ce texte officiel était en anglais. Le commissaire
français un peu juste dans cette langue ne se voyait pas en train de
lire un long texte en anglais. Il a donc fait le sourd en dépit de la
demande répétée de plusieurs députés et de la cruauté complice du
président, ajoutant goguenard : "Le commissaire ne souhaite pas lire." »
Précarité sociale du personnel
Le Parlement européen apparaît sous un jour plus humain qu'à
l'accoutumée. Ce qui n'est pas toujours flatteur. L'auteur s'indigne
des conditions de travail imposées au personnel de la restauration ;
employé par un prestataire externe, il est même privé de badge et de
parking, ceux-ci étant apparemment réservés aux fonctionnaires.
Conséquence des "privatisations", cette précarité illustre les méfaits
du libéralisme économique aux yeux de Jean-Claude Martinez, qui a
incarné une sensibilité "altermondialiste" au sein du Front national.
Issu d'une formation politique marginalisée, il dénonce les
privilèges des groupes majoritaires, ainsi qu'une procédure douteuse
qui l'aurait privé d'une vice-présidence du Parlement Europe-Amérique
latine (Eurolat). Le ton partisan de l'ouvrage procède d'un choix
discutable : des commentaires superflus agaceront peut-être les
sympathisants, et rebuteront sans aucun doute tous les autres.
Jean-Claude Martinez s'autorise même des piques répétées contre « la
fille Le Pen ». On regrette également les insuffisances de la mise en
page, ainsi que la rédaction hasardeuse du texte, où les redondances
sont légion. Si elle permet de glaner ici ou là des informations
précieuses, la lecture s'avère de ce fait décevante, voire frustrante.
Un essai à transformer !
Jean-Claude Martinez, Norma Caballero : L'Album
secret du Parlement européen. Édité par La Maison de la Vie
et des Libertés, 13 rue Durand, 34000 Montpellier ; 200 pages,
59,50 euros franco (chèque à l'ordre de La Maison de la Vie) ;
www.martinezlavie.com
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