6 octobre 2009
Nos lecteurs s'imagineront peut-être que nous sommes partis en
croisade contre Paul-Marie Couteaux. Telle n'était pas notre intention.
Mais sa dernière intervention sur les ondes de Radio
Courtoisie nous force à réagir.
Interrogé par téléphone le lundi 5 octobre 2009 dans le Libre
Journal d'Henry de Lesquen, l'ancien député au Parlement
européen évoqua à
nouveau de supposées « dérogations » au
traité de Lisbonne. Au moins peut-on lui reconnaître le mérite, cette
fois-ci, d'y assimiler ouvertement tout et n'importe quoi, y compris le
rééquilibrage des instituions allemandes exigé par le tribunal
constitutionnel de Karlsruhe.
Prétendant que l'Irlande bénéficiera d'une régime dérogatoire
en matière de fiscalité, Paul-Marie Coûteaux s'est gardé de citer les
conclusions de la présidence communiquées à l'issue du
Conseil européen des 18 et 19 juin 2009, selon
lesquelles « aucune des dispositions du traité de Lisbonne ne
modifie de quelque manière que ce soit, pour aucun État
membre, l'étendue ou la mise en œuvre de la compétence de
l'Union européenne dans le domaine fiscal ». Il affirma
également que l'Eire serait la seule à conserver son commissaire,
hypothèse jamais formulée par aucun texte officiel à notre
connaissance. Bien au contraire : « Ayant pris bonne
note des préoccupations du peuple irlandais telles qu'exposées par le
Premier ministre irlandais, le Conseil européen, réuni les 11 et
12 décembre 2008, est convenu que, à condition que le
traité de Lisbonne entre en vigueur, une décision serait prise,
conformément aux procédures juridiques nécessaires, pour que la
Commission puisse continuer de comprendre un national de
chaque État membre. »
Tandis que certains souverainistes parient sur la résistance
du président tchèque Vaclav Klaus, PMC nous assure que le traité de
Lisbonne s'appliquera de fait, quelle que soit l'issue du processus de
ratification. Ces élucubrations font écho à des fantasmes typiquement
européistes... Qu'on nous explique comment un tel projet pourrait
aboutir sans formalisation juridique ! À la limite, quelques
aménagement informels sont envisageables : par exemple, un
groupe d'États membres pourrait s'accorder sur la désignation d'un
représentant commun, qui jouerait partiellement le rôle de président du
Conseil européen. Mais quid des nouvelles modalités de vote en Conseil
des ministres ? En l'absence d'une base juridique unanimement
admise, le recours à des procédures "illégales" serait inévitablement
contesté chaque fois qu'un acteur se trouverait lésé. On nage en plein
délire.
Publié dans Souverainisme | Pas de commentaires
4 octobre 2009
L'inscription de L'Art d'aimer d'Ovide
au programme de latin de terminale suscite une levée de boucliers dans
certains milieux réactionnaires. Des protestations déplacées.
Une polémique nous oppose à l'un de nos collaborateurs depuis
qu'il a voulu faire écho à un
communiqué de l'abbé Régis de Cacqueray dénonçant
l'inscription de L'Art d'aimer au programme de
latin de terminale. C'est « une œuvre érotique du poète
Ovide », fulmine le supérieur du District de France de la
Fraternité Saint-Pie X. Lui emboîtant le pas, notre camarade s'est attaqué à « l'école de la
débauche », où les élèves seraient « formés à la
mentalité hédoniste et abortive » en étudiant
« obligatoirement et exclusivement L'Art d'aimer ».
Désinformation
Or, Ovide sera loin d'accaparer toute l'attention des
latinistes de terminale. Illustration d'un totalitarisme sans borne, l'Éducaton
nationale « laisse au professeur la liberté
d'organiser précisément son projet pédagogique » :
outre l'œuvre au programme, seules des thématiques lui sont
imposées ; l'enseignant choisit ses textes, y compris, pour
cette année et la suivante, les extraits de L'Art d'aimer
faisant l'objet « de traductions et analyses
précises ».
Ceux-ci devant être retenus « pour leur importance ou
leur représentativité », les passages distillant quelques
conseils à suivre sous la couette risquent fort de passer à la trappe.
En effet, nous n'en n'avons relevé que deux. Arrêtons-nous sur le
premier, écrit à l'intention des hommes, qui mérite d'être cité in
extenso tant il est sulfureux : « Crois-moi, il ne
faut pas hâter le terme de la volupté, mais y arriver insensiblement
après des retards qui la diffèrent. Quand tu auras trouvé l'endroit que
la femme aime à sentir caressé, la pudeur ne doit pas t'empêcher de le
caresser. Tu verras les yeux de ton amie brûler d'un éclat tremblant,
comme il arrive souvent aux rayons du soleil répétés par une eau
transparente. Puis viendront des plaintes, viendra un tendre murmure et
de doux gémissements et les paroles qui conviennent à l'amour. Mais ne
va pas, déployant plus de voiles (que ton amie), la laisser en
arrière, ou lui permettre de te devancer dans ta marche. Le but,
atteignez-le en même temps ; c'est le comble de la volupté
lorsque, vaincus tous deux, femme et homme demeurent étendus sans
force. Voilà la conduite à suivre lorsque le loisir te laisse toute
liberté, et que la crainte ne te contraint pas à hâter le larcin de
l'amour. Lorsqu'il y aurait danger à tarder, il est utile de te pencher
de toute ta force sur les rames et de donner l'éperon à ton coursier
lancé à toute allure. » (1)
Ces recommandations apparaitront-elles suffisamment explicites
aux yeux d'un abbé fidèle à son vœu de chasteté ? En quête
d'éclaircissements, peut-être dénichera-t-il un manuel d'anatomie
féminine dans la bibliothèque d'Écône, sait-on jamais. À défaut, qu'il
délaisse un instant ses méditations pour s'ouvrir au monde :
une oreille tournée vers les cours de récréation lui livrera bien des
secrets ; au passage, il mesurera combien la poésie d'Ovide
tranche avec la vulgarité ambiante.
Romantisme
Son érotisme tout relatif baigne dans le romantisme, révélant,
par comparaison, la fadeur des aventures d'un soir. « Mes
leçons n'enseignent que les amours légères», prétend le poète. Certes,
ses détracteurs n'y verront qu'un jeu : « Si tu n'as
pas une route sûre et facile pour rejoindre ta bien-aimée, si tu
trouves devant toi une porte verrouillée, eh bien ! Laisse-toi
glisser, chemin périlleux, par la partie du toit ouverte (sur
l'atrium) ; qu'une fenêtre élevée t'offre aussi une route
furtive. Ta maîtresse sera transportée de joie, et saura qu'elle est la
cause du péril que tu as couru pour elle, ce sera le gage assuré de ton
amour. Tu aurais pu souvent, Léandre, te priver de voir celle que tu
aimais ; tu passais l'Hellespont à la nage, pour bien lui
montrer tes sentiments. » Mais l'âme s'en trouve parfois
consumée, brûlée par la passion : « Le sillon ne rend
pas toujours avec usure ce qu'on lui a confié, et le vent ne favorise
pas toujours le vaisseau dans sa course hasardeuse. Peu de plaisirs et
plus de peines, voilà le lot des amants : qu'ils préparent
leur âme à de nombreuses épreuves. Les lièvres que nourrit le mont
Athos, les abeilles que nourrit le mont Hybla, les baies que porte
l'arbre de Pallas au feuillage sombre, les coquilles du rivage ne sont
pas aussi nombreuses que les tourments de l'amour. Les traits que nous
recevons sont abondamment trempés de fiel. »
Forte du soutien de l'académicienne Jacqueline de Romilly, l'association
Défi culturel fustige une œuvre dans laquelle « nos
enfants apprendront que l'inceste est désiré et même que les femmes
aiment être violées ». Ovide multiplie les allusions à la
mythologie, dont on connaît les mœurs douteuses, et confesse avec
désinvolture son aversion toute personnelle pour la pédophilie. Mais
n'est-ce pas de Rome qu'il s'agit ? L'évocation du viol est
ambiguë, comme en témoigne le récit de l'enlèvement des Sabine.
S'appuyant sur une citation tronquée, Défi culturel dissimule toutefois
des nuances significatives : « Quel est l'homme
expérimenté qui ne mêlerait pas les baisers aux paroles
d'amour ? Même si elle ne les rend pas prends-les sans qu'elle
les rende. D'abord elle résistera peut-être et t'appellera
"insolent" ; tout en résistant, elle désirera d'être vaincue.
Mais ne va pas lui faire mal par des baisers maladroits sur ses lèvres
délicates, et garde bien qu'elle puisse se plaindre de ta rudesse.
[...] La pudeur interdit à la femme de provoquer certaines caresses,
mais il lui est agréable de les recevoir quand un autre en prend
l'initiative. » Stigmatisant encore une œuvre
« ouvertement misogyne », l'association relève ses
attaques contre la « race perfide » que
constitueraient les femmes, négligeant cette observation par laquelle
le poète tempère son jugement : « La femme ne sait
pas écarter les feux et les flèches cruelles (de l'Amour) ; je
constate que ces traits sont moins redoutables aux hommes. Les hommes
trompent souvent, les femmes, sexe délicat, peu souvent, et, en
cherchant bien, il n'y a guère de perfidies à leur reprocher. »
Ovide ne craint pas de convoiter la femme de son prochain, ni
d'user de mauvaise foi pour parvenir à ses fins. Son traité n'a rien
d'une apologie de la licence au demeurant, n'en déplaise à des cathos
frustrés (2) assimilant l'amour, de façon exclusive, à un mariage idéalisé. Loin d'encourager
les garçons à siffler les filles, L'Art d'aimer
les exhorte à sortir "le grand jeu" pour séduire leur
dulcinée ; laquelle est invitée à soigner sa féminité, au
mépris de la "parité"... Proclamons-le sans
ambages : ce message n'est pas pour nous déplaire !
(1) L'autre passage "à lire avant de passer au lit" se situe à
la fin du livre III. « Je rougis des enseignements qu'il me
reste à donner », avoue le poète. S'adressant aux femmes, il
leur suggère de choisir la position les mettant le mieux en valeur,
selon les qualités et défauts de leur anatomie.
Les extraits cités sont tirés de la traduction
établie par Henri Bomecque (éd. Librio).
(2) L'expression a choqué. C'est de la polémique (presque) gratuite, nous en convenons.
Mais, généralement, ne nous reproche-t-on pas notre réticence à verser dans ce registre ? 😉
En outre, nous avons seulement saisi la perche qui nous était tendue...
Ce communiqué semble entretenir délibérément
la caricature des rapports de l'Église à la sexualité et l'amour !
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1 octobre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Le référendum organisé en Irlande le 2 octobre va-t-il
enterrer le traité de Lisbonne ? Peu de sondages l'ont
annoncé, mais rien n'est joué : à une semaine du scrutin, on
comptait encore 20 % d'indécis. Si la Crise explique
l'impopularité du gouvernement, elle pourrait néanmoins profiter au
"oui"...
Appelés à s'exprimer une seconde fois sur le traité de
Lisbonne, les Irlandais en scelleront vraisemblablement le sort le
vendredi 2 octobre. Ce texte apparaît comme « un
simple aménagement du règlement intérieur de l'Union » aux
yeux de Jean-Luc Sauron, maître des requêtes au Conseil d'État. Sur
place, loin de relativiser l'enjeu de cette consultation, le Premier
ministre Brian Cowen évoque « l'une des plus grandes questions
nationales depuis l'indépendance de l'Irlande en 1922 ».
Un vote protestataire ?
À une semaine du scrutin, les sondages confirmaient l'avance
du "oui" : selon une enquête TNS publiée par le quotidien
Irish Times, 48 % des personnes interrogées envisageaient d'approuver
le traité, 33 % s'y déclarant opposées ; restaient 19 % d'indécis. Ces
derniers seront-ils tentés par un vote protestataire ? Le contexte s'y
prêterait, alors que le gouvernement se révèle particulièrement
impopulaire : composé du Fianna Fail (centriste), du Parti démocrate
progressiste et des Verts, il a essuyé un revers lors des élections du
5 juin dernier ; le Fianna Fail n'est plus la première force politique
du pays, fait inédit depuis 1932.
« La crise économique, qui a fortement affecté l'île, explique
en grande partie cet échec électoral des partis au pouvoir », nous
apprend Corinne Deloy (1). « En effet, Brian Cowen a fait voter durant
les derniers mois deux plans de rigueur qui allient hausses d'impôt et
baisses des aides sociales et des retraites. Les traitements des
fonctionnaires ont diminué de 7 % en moyenne en 2008 et l'ensemble des
salaires devraient reculer de 3 % en 2009 (et de 1,6 % en 2010).
L'Irlande a redécouvert le chômage de masse. De 4 % en août 2007, son
taux s'établit à 12,2 % (juillet 2009), soit le plus élevé depuis plus
de quatorze ans, et devrait atteindre 17 % fin 2010. »
La situation pourrait néanmoins profiter au "oui" : « Beaucoup
d'hommes politiques et de partisans du traité de Lisbonne espèrent que
cette crise aura permis aux Irlandais de prendre conscience des
bénéfices que leur rapportent leur appartenance à l'Union européenne,
l'adoption de l'euro ayant certainement préservé l'île celtique d'une
dévaluation et d'un scénario à l'islandaise. » Quoi qu'on pense de ce
discours, force est de constater que l'opinion s'y montre apparemment
réceptive.
Ce référendum sera le huitième organisé en Irlande sur des
questions européennes. Les consultations populaires sont devenues
coutumières en la matière. Pourtant, leur tenue n'est exigée « que dans
l'hypothèse où une [...] disposition [...] modifie fondamentalement le
champ d'intervention ou les objectifs de la Communauté ». Or, poursuit
Laurent Pech (2), « le traité de Lisbonne ne paraît pas entrer dans ce
cadre ». Une analyse évidemment récusée par les souverainistes. Quoi
qu'il en soit, « la constitution irlandaise de 1937 n'autorise pas la
saisine de la Cour suprême à titre préventif » ; aussi chaque
gouvernement préfère-t-il « procéder ainsi systématiquement, plutôt
[...] que d'être accusé de faire fi de la souveraineté
populaire ».
Précédents
Liée au Royaume-Uni par une union économique et monétaire,
l'Eire adhéra à la Communauté économique européenne (CEE) en même temps
que lui en 1973. Cela avec le soutien des deux principales formations
politiques nationales, après une consultation plébiscitant ce processus
à la faveur de 83 % des voix. Dans les décennies suivantes, le pays
profita d'une croissance spectaculaire, mais l'enthousiasme des votants
s'éroda au fur et à mesure qu'ils étaient appelés à approuver de
nouveaux traités : le "oui" recueillit 70 % des suffrages pour l'Acte
unique en 1987, 69 % pour le traité de Maastricht en 1992, 62
% pour le traité d'Amsterdam en 1998, et seulement 44 % pour le traité
de Nice en 2001.
Fallait-il interpréter ce rejet comme l'expression d'une
défiance à l'égard de l'Union européenne ? L'histoire irlandaise se
prête naturellement à de telles analyses. Mais la mobilisation de ce
"peuple d'insoumis" apparut bien modeste, la participation stagnant à
35 %. L'année suivante, à l'occasion – déjà – d'un second référendum,
le traité de Nice fut adopté par 63 % des voix. Auparavant, le
gouvernement irlandais et le Conseil européen avaient veillé à formuler
quelque garantie quant à la neutralité du pays.
Les motivations des nonistes
L'histoire s'est répétée : le 12 juin 2008, le traité de
Lisbonne fut rejeté par 53 % des votants. Le taux de participation
atteignit cette fois 53 % ; « un chiffre raisonnable pour ce
type de consultation en Irlande » selon Laurent Pech. On relativisera
toutefois l'enthousiasme des souverainistes : si l'on en croit
l'Eurobaromètre, en dépit de leur vote, 80 % des "nonistes" soutenaient
l'appartenance de l'Irlande à l'UE. « 22 % de ceux qui ont voté non
l'ont fait parce qu'ils manquaient d'informations sur le contenu du
traité », rapporte Jean Quatremer (3) ; « 12 % pour protéger l'identité
irlandaise ; 6 % pour défendre la neutralité irlandaise ; 6 %
parce qu'ils n'ont pas con-fiance dans les politiciens ; 6 %
pour garder "leur" commissaire à Bruxelles ; 6 % pour refuser
l'harmonisation fiscale ; 5 % pour s'opposer à l'idée d'une Europe unie ; 4 % pour protester contre la politique du gouvernement ; 4 % pour
éviter que l'Union parle d'une seule voix sur les problèmes mondiaux ;
4 % pour protester contre la domination des grands États membres ; 3 %
pour maintenir l'influence des petits États ; 2 % pour éviter
l'introduction du droit à l'avortement, du mariage gay et de
l'euthanasie ».
Les dirigeants européens ont voulu dissiper la plupart des
inquiétudes mises en lumière par ce sondage. Ils entendent exploiter
une "faille juridique" du traité de Lisbonne pour maintenir un
commissaire par État. En outre, des garanties sur le "droit à la vie",
la famille et l'éducation, la fiscalité, la sécurité et la défense ont
été formalisées à l'issue du Conseil européen des 18 et 19 juin
derniers. Abusivement, on parle parfois de dérogations. Mais si ces
"explications de texte" intègrent comme promis le droit communautaire,
elles en éclaireront la teneur pour l'ensemble des États membres.
Le spectre du "non"
Pour l'heure, le spectre du "non" envahit les sphères
officielles. Le 18 septembre, Silvio Berlusconi a prévenu
qu'en cas d'échec du référendum, « nous devrons complètement revisiter
le fonctionnement actuel de l'Europe pour créer un noyau d'États qui
agissent au-delà de l'unanimité ». Le président du Conseil italien nous
a habitués aux déclarations à l'emporte-pièce, hasardeuses et sans
lendemain... Le secrétaire d'État suédois aux Affaires européennes –
dont le pays préside actuellement le Conseil de l'Union – s'est montré
plus réaliste : « Les dirigeants de l'UE s'éloignent de la thèse selon
laquelle le traité de Lisbonne est nécessaire pour un fonctionnement
efficace de l'UE élargie. Le nouveau message est que sans le traité de
Lisbonne, l'UE peut être tout aussi capable d'agir que jusqu'ici. » Et
Mme Maria Asenius d'ajouter : « Nous ne pouvons pas attendre
éternellement une décision à ce sujet. Nous avons besoin d'une nouvelle
Commission pour que les affaires européennes continuent. Avec ou sans
le traité de Lisbonne. Nous n'avons pas le choix. » (4) Le
bon sens reprendrait-il ses droits ?
Refaire de la politique en Europe
Reléguant la Commission au second plan, la Crise a révélé,
nous semble-t-il, le caractère relativement malléable des institutions
européennes. Pierre Lellouche, le secrétaire d'État en charge des
Affaires européennes, prétend d'ailleurs saisir cette « opportunité »,
qui « oblige l'Europe à regarder autre chose que ses institutions ». «
Nous allons pouvoir, dans ce contexte, refaire de la politique en
Europe », a-t-il déclaré jeudi dernier, en conclusion d'un colloque
consacré à l'Europe de la défense. Et de reprendre une citation du
général De Gaulle chère aux souverainistes : « Il ne suffit pas de dire
"Europe, Europe" en sautant comme un cabri ! » Cela tranchait avec la
proclamation assénée dans la matinée par son collègue Hervé Morin,
ministre de la Défense, qui « espère qu'un jour l'Europe sera une
construction fédérale ».... Pour Pierre Lellouche, « la question
fondamentale [...] est celle de la volonté politique ». Laquelle émane
de Paris ou Berlin, et non de Bruxelles.
(1) « Référendum sur la ratification du traité de Lisbonne, 2
octobre 2009 » ; Observatoire des élections en Europe, fondation Robert
Schuman ; www.robert-schuman.org
(2) Dictionnaire critique de l'Union européenne
; Armand Collin, 39,50 euros.
(3) « Irlande : les raisons du non et du
oui » ; bruxelles.blogs.liberation.fr
(4) Entretien accordé à Euractiv Allemagne, 15/09/2009 ;
www.euractiv.de
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30 septembre 2009
Dominique de Villepin revient à la une des médias. Nostalgie...
Le procès Clearstream va-t-il remettre en selle Dominique de
Villepin ? Il est vrai que ce poète au verbe flamboyant en
impose à côté du président de la République. Lequel porte un nouveau
coup à la dignité de sa fonction en manifestant – y compris devant la
justice, voire au mépris du droit – toute l'animosité que lui inspire
son rival.
Ce duel prend volontiers une tournure politique. Nicolas
Sarkozy vient d'installer le général Abrial à la tête de l'Allied
Command Transformation. Une infamie ! Jusqu'alors,
nos officiers arpentaient les couloirs de l'Otan sans
responsabilités... À l'opposée ressurgit le souvenir d'un ministre
français bravant l'impérialisme américain à la tribune des Nations
Unies, tandis que l'oncle Sam se préparait à envahir l'Irak. Son
courage fut d'autant plus méritoire qu'il caressa l'opinion dans le
sens du poil et qu'un sniper américain le
guettait dans Manhattan.
Soyons honnête : à l'époque, l'enthousiasme nous
avait emporté, et même aujourd'hui, la nostalgie ne nous épargne pas
tout à fait ; c'est pourquoi ce billet sonne comme une
repentance. L'AF enseigne la méfiance à l'égard du romantisme ; mettons
son catéchisme en pratique ! L'arrogance du discours flatte
les sentiments, mais les gesticulations masquent mal l'impuissance qui
fut la nôtre à influencer nôtre allié américain. Sans jamais envisager
le divorce, la France a multiplié les scènes de ménage, prenant la
planète entière à témoin, pour quel résultat ? N'en déplaise
aux fanatiques de l'esbroufe gaullienne, la politique n'est pas
(seulement) une affaire de posture.
Hélas, serions-nous tenté d'ajouter, car la raison peine à
tempérer toutes les ardeurs du chauvinisme !
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24 septembre 2009
Hervé Morin affiche sans complexe ses convictions fédéralistes.
Quelques passages nous ont interpellé dans l'intervention
prononcée ce jeudi matin par le ministre de la Défense, Hervé Morin, dans
l'amphithéâtre Foch de l'École militaire : « Je vais
en choquer certains », a-t-il averti, mais « j'espère
qu'un jour l'Europe sera une construction fédérale ». Dans
cette perspective, "l'Europe de la défense" n'apparaît « pas
seulement comme une construction technique », mais comme
« un instrument d'une construction politique ».
Le ministre mesure-t-il les conséquences de son
ambition ? Apparemment : « Nous acceptons
l'idée d'avoir des dépendances mutuelles » en matière
d'armement, a-t-il affirmé sans ambiguïté ; car « nous ne
pourrons pas construire l'Europe de la défense en maintenant l'ensemble
des savoir-faire en France. »
Serait-il possible, alors, de les conserver sans la
construire ?
Ce discours s'inscrivait dans une série d'interventions
consacrées aux « nécessaires progrès de l'Europe de la
défense », prononcées à l'invitation de la a fondation Robert
Schuman. Nous reviendrons sur cette journée, où nous avons salué le
très sympathique Jean Dominique Merchet. 🙂
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21 septembre 2009
Une accusation injuste formulée contre le président de la Commission européenne.
Continuons à remettre quelques pendules à l'heure. Le
Salon Beige
a
dénoncé hier la « menace pitoyable de Barroso sur
l'Irlande ». En effet, le président de la Commission
européenne aurait prévenu « que si les Irlandais votaient
"non" au second référendum sur le traité de Lisbonne du
2 octobre, leur pays perdrait son droit automatique à désigner
un commissaire européen ». Ainsi Michel Janva laisse-t-il
entendre qu'un risque de représailles plane sur le "mouton noir" de
l'UE.
Or, si José Manuel Barroso affirme que « la seule
façon pour l'Irlande d'assurer qu'elle aura toujours un commissaire est
de voter "oui" », et que « dans le cas contraire,
bien entendu, nous devons réduire le nombre de commissaires »,
c'est parce que « cela figure dans les traités actuels et
[que] nous sommes légalement obligés de le faire ». C'est une
réforme programmée de longue date par le traité de Nice, dont l'Irlande
s'accommoderait au même titre que ses partenaires. Mais le traité de
Lisbonne introduirait une "faille juridique" permettant d'y échapper.
Une possibilité que les Vingt-Sept se sont engagés à exploiter.
Autrement dit, si l'on s'en tient aux
propos rapportés par l'AFP, loin de formuler une menace,
José Manuel Barroso a donc souligné une opportunité.
Nouvel exemple de désinformation souverainiste...
Le Salon Beige n'en reste pas moins un
blog riche en informations, que nous continuerons à visiter presque
tous les jours. 😉
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19 septembre 2009
Convaincue de la perversité des institutions européennes, la
presse "europhobe" leur attribue hâtivement certains méfaits.
La méconnaissance des institutions européennes est patente
dans les milieux souverainistes et réactionnaires.
Nouvel
exemple rapporté le 18 septembre par Le Salon Beige,
qui cite le numéro de Présent à paraître
le lendemain : « Le Parlement européen s'est exprimé
jeudi [...] sur une loi lituanienne de protection des mineurs jugée
"homophobe". [...] L'Union européenne a ainsi imposé son diktat
"anti-homophobe" contre une loi qu'elle exècre... »
Inspiré par une idéologie que nous réprouvons, le Parlement
européen a certes réaffirmé « l'importance pour l'Union de
lutter contre toutes les formes de discrimination, en particulier
celles qui sont fondées sur l'orientation sexuelle ».
Précisons toutefois qu'il l'a fait dans
le cadre d'une résolution. Une majorité
de députés "européens" désapprouvent cette loi et le font savoir. Cela
avec la complicité de représentants lituaniens, soit dit en
passant : l'assemblée européenne aura vraisemblablement servi
de tribune à l'opposition nationale, comme pour la loi "Hadopi" en
France. Mais l'histoire s'arrête là. Peut-être rebondira-t-elle à la
faveur de tel ou tel aspect du droit communautaire, mais, le cas
échéant, le vote intervenu à Strasbourg aura surtout contribué à
médiatiser l'affaire. Dans ces conditions, prétendre que l'UE a
« imposé son diktat » relève de
la désinformation.
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17 septembre 2009
Trop soucieux de prouver que la France est lésée par le
traité de Lisbonne, Paul-Marie Couteaux a commis quelques impairs hier
soir au micro de Radio Courtoisie.
En ouverture de son Libre Journal de la nuit
du 16 septembre, Paul-Marie Coûteaux s'est offusqué de l'inégalité
introduite entre les États signataires du traité de Lisbonne par le
tribunal de Karlsruhe. Rappelons que celui-ci a suspendu la
ratification à l'accroissement des pouvoirs du parlement allemand. La
substance du traité s'en trouve-t-elle modifiée ? Bien sûr que
non. Il n'appartient pas à l'Union de définir les institutions dont
doivent se doter les États membres afin de respecter leurs engagements
européens. C'est pourtant ce que regrettent plus ou moins les
souverainistes. Une aberration dont nous avions déjà rendu compte.
L'ancien député au Parlement européen a par ailleurs évoqué
les « dérogations » que l'Irlande aurait obtenues
avant d'organiser un second référendum sur le traité de Lisbonne. Or,
les Vingt-Sept se sont davantage accordés sur des "explications de
texte". Si celles-ci intègrent comme prévu le droit communautaire (sous
forme de protocoles annexés au prochain traité d'élargissement), elles
en éclaireront la teneur pour l'ensemble des États membres.
Publié dans Europe, Souverainisme | Pas de commentaires
17 septembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Serge July déverse sa bile contre le Rafale et l'orgueil national. Un procès injuste.
« L'histoire du Rafale [...] est un scandale
d'État », proclame Serge July, qui prétend déverser sa bile
sur un gouffre financier. « Coût de ce programme pour le contribuable :
à peu près 40 milliards d'euros. À titre de comparaison, l'impôt sur le
revenu a rapporté, en 2007, 54 milliards. » (RTL,
08/09/2009) Un avion de combat, cela coûte cher, très cher. Sans doute
un tel investissement apparaît-il inacceptable aux yeux d'un vieux
soixante-huitard...
À titre de comparaison, nous rappellerons surtout qu'un
Eurofighter a coûté 50 % de plus qu'un Rafale aux contribuables
allemands, britanniques, espagnols, italiens. « Le choix de jouer en
franco-français [...] apparaît aujourd'hui comme le plus rationnel,
tant sur le plan des finances publiques que sur celui des besoins
militaires », observe Jean-Dominique Merchet (Défense
européenne, la grande illusion, éd. Larousse).
Les faits sont têtus. M. July s'obstine pourtant à les
ignorer, obnubilé par son entreprise de dénigrement national : « Il
faut espérer que Nicolas Sarkozy, en soldant le Rafale [aux
Brésiliens], a aussi soldé, par la même occasion, la mégalomanie
française en la matière. » Nous l'avons vu, l'exemple est mal choisi
pour stigmatiser une surestimation de nos capacités. Cela dit,
l'arrogance française n'est pas un mythe : « Entre l'excès de
prétention et l'excès de sous-estimation de soi, nous sommes passés par
des extrêmes qui nous handicapent », déplore Hubert Védrine (Rapport
sur la France et la mondialisation). « Il est temps de
trouver notre équilibre. » Le "partenariat stratégique" mis en œuvre
avec le Brésil pourrait nous y aider.
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17 septembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Entamée jeudi dernier, la "grève du lait" suscite des
controverses parmi les producteurs. Sans ébranler la technocratie
européenne, au moins aura-t-elle révélé à l'opinion publique la
situation dramatique des éleveurs.
Une "grève du lait" a été lancée par l'Organisation des
producteurs de lait (OPL) et l'Association des producteurs de lait
indépendants (APLI), qui revendiquent le maintien des quotas européens
– dont l'augmentation progressive doit aboutir à leur surpression en
2015 –, ainsi qu'un lait à 400 euros la tonne ; depuis le 10 septembre,
mus par la colère ou le désespoir, certains éleveurs ont cessé les
livraisons. Une initiative récusée par la Fédération nationale des
producteurs de lait (FNPL, émanation de la FNSEA) : « Qui peut croire à
la chimère des 400 euros pour les 1 000 litres ? Cette action qui consiste à jeter le fruit de son travail peut diviser et choquer, y
compris nos concitoyens qui sont eux-mêmes éprouvés durement par la
crise. »
Des prix instables
« Quand le lait est tiré, il faut le vendre », observe
Nicolas-Jean Brehon. « Alors qu'un fabricant peut toujours être incité
à se fournir ailleurs. Certains n'attendent même que cela. » (Questions
d'Europe, Fondation Robert Schuman, 27/07/2009) D'autant
qu'en France, la moitié des achats sont réalisés par des industriels. «
Jusqu'au début des années 2000 », poursuit-il, « le secteur laitier fut
le secteur agricole le plus régulé ». Mais « les producteurs ayant une
quasi-garantie d'écouler les productions à des prix rémunérateurs et
les États n'ayant jamais eu le courage politique de fixer les quotas à
des niveaux suffisamment rigoureux, le système s'est emballé ». Cela
justifia une évolution radicale, entraînant une dépendance vis-à-vis
des prix pratiqués en dehors de l'UE, ainsi que des variations de
grande ampleur : à la hausse moyenne de 43 % en 2007-2008 succéda une
chute de 32 % l'année suivante. « Il est certain qu'aux niveaux
actuels, les prix payés aux producteurs ne permettent pas d'assurer
l'équilibre des exploitations laitières. »
Quotas en débat
En juillet dernier, la France avait réclamé le gel des quotas
laitiers en 2010. Malgré le soutien de l'Allemagne, elle s'était
heurtée à l'intransigeance de la Commission européenne – paravent d'une
majorité d'États membres : « Quelques pays sont hostiles
aux régulations par principe (Royaume-Uni, Suède). D'autres
pays sont partisans d'une levée des quotas ou d'une augmentation
sensible, afin de faire jouer les avantages comparatifs dont ils
estiment pouvoir bénéficier (Pays-Bas, Danemark Pologne). Enfin,
certains pays ont été pénalisés par des quotas trop faibles, inférieurs
aux consommations nationales (Italie, Espagne). Chaque année, plusieurs
pays payent des pénalités pour dépassement de quotas (912 millions
d'euros en trois ans). Il n'est pas raisonnable de penser que ces pays
accepteront de payer encore... »
En 2007-2008, cependant, seuls huit États avaient dépassé
leurs quotas ; les autres se trouvaient en "sous-réalisation", parfois
importante. Le danger représenté par une augmentation des quotas s'en
trouve contesté. Quoi qu'il en soit, une réponse à la crise apparaît
indispensable, pour des motifs sociaux mais aussi politiques : la
sécurité alimentaire ne sera pas garantie sans que soit assuré aux
agriculteurs un revenu décent.
Entre autres mesures, la Commission a soutenu le stockage
privé, pratiqué des "achats d'intervention", réactivé les restitutions
(subventions) à l'exportation, promu la consommation des produits
laitiers... « Nous sommes au fond de la piscine » reconnaît le
commissaire en charge de l'Agriculture, Mme Mariann Fischer Boel. Son
action n'en est pas moins jugée bien trop timide. Le 7 septembre, seize
États membres, dont la France et l'Allemagne, ont formulé ces
propositions résumées par Euractiv : « Le texte
suggère d'augmenter temporairement les prix d'intervention européens,
que l'UE définit pour acheter aux agriculteurs leurs surplus. Il
propose aussi que les gouvernements nationaux puissent aider davantage
les producteurs sans demander à Bruxelles son feu vert. Allant plus
loin, les seize États suggèrent de mettre sur pied un prix minimum du
lait, défini dans chaque pays entre les producteurs et les
industriels. »
Contractualisation
La "contractualisation" serait ainsi la « voie à
suivre » selon le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire. «
Cette solution [...] doit être analysée avec lucidité », avertit
Nicolas-Jean Brehon, qui souligne « les différences de poids entre les
parties – 100 000 éleveurs et quelques dizaines de
fabricants ». Pour l'OPL, « cette solution risque surtout de
rendre les producteurs de lait encore plus vulnérables face aux marchés ». Et de stigmatiser un projet « d'inspiration "nationaliste" », la
contractualisation étant « du ressort de notre droit national et [non]
commune aux vingt-six autres pays ».
Cette posture "européiste" s'expliquerait-elle par la crainte
du dumping ? À bien des égards, celui-ci est déjà à l'œuvre... Ne
négligeons pas, en outre, la variété des contextes nationaux : par
exemple, en quoi nos partenaires sont-ils concernés par l'usage de nos
quotas laitiers à des fins d'aménagement du territoire ? Cela dit, le
cadre européen, voire international, ne saurait nous indifférer. La
France compte des transformateurs industriels de taille mondiale, comme
Danone et Lactalis ; le lait représente 16 % des exportations agricoles
nationales, à l'origine d'un solde commercial positif de 3,5 milliards
euros.
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