Coûteaux tacle Debray

1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Commentaire du dernier ouvrage de Paul-Marie Coûteaux.

Préfaçant leur réédition, Régis Debray a jugé que les discours de guerre du général De Gaulle – et particulièrement l'appel du 18 juin – n'étaient pas « de ceux qui ont fait l'histoire de ce siècle ». Grâce à leur auteur, tout au plus « l'affaire France » se serait-elle « bien terminée » : « Sortir un jour ou l'autre de l'histoire est un sort banal », conclut Debray. « En sortir par le haut n'était pas donné à tout le monde. Alléluia. »

C'est un véritable blasphème aux yeux de Paul-Marie-Coûteaux. « Vous déraillez », lance-t-il à celui qui fut son « modèle ». « La France reste l'une des cinq ou six premières puissances du monde », rétorque-t-il dans un opuscule publié à son intention. Le chantre du souverainisme y propose une interprétation spirituelle de l'appel du 18 juin, esquissant la thèse qu'il développera dans son prochain ouvrage. « La réalité du jour, en juin 40, c'est le désastre, nul n'en disconvient », reconnaît-il. S'inspirant très librement de Platon, il n'en affirme pas moins que la « vérité » était tout autre, élaborant une dialectique au service de l'espérance.

Avouons-le, notre esprit quelque peu "terre à terre" s'y montre réfractaire. Notre réaction a-t-elle été conditionnée par notre formation à l'école d'AF ? Selon Paul-Marie Coûteaux, en tout cas, son maître « ne vit dans les beaux discours de Londres qu'un déluge de romantisme juvénile... » Loin d'être unanimement rejeté dans nos rangs, le principe gaullien selon lequel « l'intendance suivra » participe lui aussi, selon nous, du déni de réalité. Gardons-nous d'y voir un écho au "Politique d'abord" de Maurras, pour qui « la route doit être prise avant que d'arriver à son point terminus ; la flèche et l'arc seront saisis avant de toucher la cible ; le moyen d'action précédera le centre de destination ». C'est à peu près l'inverse que proclame l'autre Charles.

« La France peut toujours redevenir ce qu'elle fut souvent », poursuit Paul-Marie Coûteaux, à savoir « le caillou glissé dans la chaussure des mastodontes ». Comme en 2003, où Paris se distingua à la tribune des Nations Unies, exaspérant son allié américain sans parvenir – ni même chercher ? – à infléchir sa volonté d'envahir l'Irak. Comme en 2005, où le rejet du traité établissant une constitution pour l'Europe précéda l'adoption du traité de Lisbonne qui en reprenait la plupart des dispositions. Autant de "non" censés prouver « que l'histoire continue » ! Des "non" sans conséquence, dont seuls les amateurs d'esbroufe devraient apprécier la valeur.

La « grandeur » louée par les gaullistes se réduit somme toute à quelques apparats de puissance – notion à laquelle Paul-Marie Coûteaux semble d'ailleurs préférer celle de souveraineté, en dépit de son caractère essentiellement juridique et formel. Il ne craint pas d'inscrire son combat contre l'Union européenne dans la continuité de la Résistance. Une posture de tartuffe ? Celle d'un croisé, émancipé des rigueurs matérielles ! « Dans la fameuse formule "Toute ma vie je me suis fait une certaine idée de la France", le mot essentiel est idée ; elle surplombe toute l'épopée. »  À ce petit jeu-là en effet, tout n'est qu'affaire de foi.

Paul-Marie Coûteaux :  De Gaulle, espérer contre tout - Lettre ouverte à Régis Debray ;  Xenia, 19 juin 2010, 93 pages, 10 euros.

Eurogendfor devant la chambre basse

1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Débat à l'Assemblée sur la force de gendarmerie européenne.

La commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale a examiné le 23 juin le projet de loi autorisant la ratification d'un traité entre la France, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal, portant création de la force de gendarmerie européenne Eurogendfor. Laquelle s'est choisi l'anglais comme langue de travail, au risque de froisser Jacques Myard... D'autant que « ce n'est la langue d'aucun des États signataires ! » « Nos forces doivent employer le français », a proclamé le député des Yvelines, qui a prétendu « déposer un amendement en ce sens », fût-il irrecevable.

Tandis que Mme Élisabeth Guigou regrettait que cette force se mette en place en marge des institutions de l'Union européenne, le rapporteur Alain Néri a souligné que « le format restreint de la coopération peut aussi être un gage de réactivité et d'efficacité ».

Patrick Labaune s'est interrogé : « Avec le rapprochement entre police et gendarmerie sous l'autorité unique du ministère de l'Intérieur, faut-il comprendre que ce ministère devient compétent pour des opérations extérieures ? » « J'ai l'impression que le mieux serait encore de rattacher cette force au ministère du tourisme ! », a même lancé Patrick Balkany, sceptique. « Il est vrai qu'il ne s'agit que d'un petit pas », a reconnu Axel Poniatowski, le président de la commission des Affaires étrangères. « Néanmoins, lorsque cette force de gendarmerie européenne est intervenue à Haïti après le tremblement de terre, son action dans la lutte contre les pillards a été très utile et appréciée. »

Députés contre eurodéputés

1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Sur fond de rivalité avec leurs homologues européens, les députés français accueillent sans grand enthousiasme la création d'un Service européen pour l'Action extérieure (SEAE). Aperçu des discussions en commission.

Réunis le 17 juin, les représentants du "triangle institutionnel" européen (Conseil des ministres, Commission et Parlement) sont convenus d'un accord ouvrant la voie à la création du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE).

Satisfecit fédéraliste

L'eurodéputé belge Guy Verhofstadt, chantre d'une Europe plus fédérale, a exprimé sa satisfaction : « Il y avait initialement, avant l'intervention du Parlement européen, un petit service de type intergouvernemental. Mais nous avons réussi à changer la philosophie du service », a-t-il proclamé (Toute l'Europe, 23/06/10). Mme Catherine Ashton, Haut Représentant de l'UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, a assuré aux parlementaires qu'ils bénéficieraient, sur le budget propre du service, d'un droit de regard équivalent à celui dont ils disposent à l'égard de la Commission. Les députés devront « être informés à l'avance des décisions stratégiques et politiques », nous apprend Euractiv (23/06/2010).

Quelques jours plus tôt, emboîtant le pas au Sénat, la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale avait dénoncé le chantage exercé par le Parlement européen. Hervé de Charette fut le seul à fustiger « l'hostilité traditionnelle » de la France à son encontre, tandis que ses collègues examinaient un rapport présenté par Nicole Ameline et Gaëtan Gorce. Lesquels n'ont pas mâché leurs mots : « À aucun moment il n'a été question, ni dans la lettre ni dans l'esprit du Traité [de Lisbonne], de modifier dès aujourd'hui, dans le champ de l'action extérieure, les pouvoirs du Parlement européen, ni de permettre à ce dernier de s'immiscer dans le dialogue entre la Commission et les États membres quant à la décision fixant l'organisation et le fonctionnement du SEAE. Or les députés européens ont, sitôt consultés conformément au Traité, entendu peser sur la configuration même du SEAE en "prenant en otage" – osons l'expression – la décision du Conseil » – autrement dit, les gouvernements. Et d'ajouter « qu'il serait fallacieux de prétendre que l'on crée, avec le SEAE, une situation dans laquelle le Parlement européen serait seul en mesure d'exercer un contrôle démocratique que les parlements nationaux n'exerceraient plus à leur échelle : nous ne sommes pas dans un cas de transfert de compétences des États membres vers l'Union européenne ».

En effet, comme l'a relevé Élisabeth Guigou, l'innovation tient à « la capacité d'unifier la direction de l'action extérieure de l'Union », jusqu'alors scindée entre deux piliers, communautaire (Commission) et intergouvernemental (Conseil des ministres). Ainsi est-il possible, selon les rapporteurs,  « d'imaginer une nouvelle opération [navale] en Somalie et au Yémen, qui mêlerait contrôle de la piraterie avec déploiement de troupes, reconstruction de l'État somalien, assorti d'une aide au développement et d'assistance sous forme d'ingénierie administrative... soit toute la palette des instruments placés sous la responsabilité politique de Mme Catherine Ashton – les modalités de mise en œuvre concrète, budgétaire en particulier, différant toutefois. »

Euroscepticisme

Les parlementaires français n'en ont pas moins exprimé un certain scepticisme quant aux perspectives ouvertes par l'institution du "service diplomatique européen". Hervé de Charette s'est dit « très surpris par les chiffres avancés » : « Doter ce nouveau service de 8 000 personnels alors que tous nos ministères rencontrent des difficultés pour conserver leurs effectifs me paraît étonnant. Le ministère français des Affaires étrangères compte entre 12 et 13 000 personnels tout compris : avons-nous besoin d'en créer un second sans compétence bien définie ? » « Ce processus ne doit pas conduire à l'affaiblissement de la diplomatie française », a prévenu Robert Lecou. D'autant qu'« il n'y a pas de diplomatie européenne » – ce qu'a confirmé Jean-Claude Guibal : « Les représentants de l'Union européenne que j'ai rencontrés à l'étranger se contentaient de distribuer des crédits et de faire un peu de coordination. Le nouveau service ne change rien à cela. » De toute façon, a conclu Jean-Michel Boucheron, « personne ne souhaite réellement que ce projet aboutisse. Aucun État n'est prêt à se dessaisir de sa politique étrangère et c'est heureux. »

Deux thèses en présence

Les rapporteurs sont-ils du même avis ? « Les capitales des États membres, et en particulier des grands États, continueront probablement à jouer un rôle incontournable », ont-ils écrit. « Symétriquement, l'Union risque fort de parvenir pendant encore un certain temps à "se taire d'une seule voix" – comme, hélas, encore tout récemment à propos de l'arraisonnement en haute mer d'une flottille qui voguait vers la bande de Gaza. » De fait, « l'Union européenne n'a jamais été aussi visible sur la scène internationale que dans sa réaction aux crises survenues au cours de la présidence française du deuxième semestre de 2008... sous le régime du traité de Nice ! » Preuve, selon eux, que « la clef du succès de la future diplomatie européenne sera la capacité des grandes capitales à faire converger leurs approches ».

Se distinguant par un relatif optimisme, Marie-Louise Fort s'est demandé « si le nouveau service européen ne renforcera pas, finalement, la voix des États européens dans le monde ». « Deux lectures sont possibles en effet », selon Gaëtan Gorce : « On peut certes voir dans l'avènement de ce nouveau service un risque d'affaiblissement de notre diplomatie ; on peut aussi le considérer comme un renforcement de la capacité de faire prendre en compte nos préoccupations au sein de l'Union européenne. » Quoi qu'il en soit, les députés participant au débat ont témoigné d'un relatif réalisme dont on les imaginait peu coutumiers. Sans doute y ont-ils été poussés par leurs homologues "européens" convoitant leurs prérogatives institutionnelles.

La République à l'épreuve du déficit

1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Confronté à la pression des syndicats, handicapé par les échéances électorales, le gouvernement doit compter également avec les scandales éclaboussant moult ministres. Les réformes indispensables à l'assainissement des finances publiques s'en trouvent d'autant plus difficiles à mener.

Les perspectives économiques de la France sont « très incertaines », a annoncé, sans prendre de risque, le Fonds monétaire international. Le diagnostic est désormais bien connu dans la zone euro : « La crise actuelle résulte des politiques budgétaires insoutenables menées par certains pays, du retard pris dans l'assainissement du système financier, de la lenteur à mettre en place la discipline et la souplesse nécessaires. » « Les pays confrontés aux pressions du marché n'ont pas d'autre choix que de prendre des mesures drastique  », a averti l'institution dirigée par Dominique Strauss-Kahn.

Un lointain souvenir

Bien que la France bénéficie toujours du "triple A" accordé par les agences de notation, son dernier excédent budgétaire remonte à 1974 ! Or elle se doit d'alimenter la confiance des investisseurs. « La volatilité des marchés et la forte augmentation de la dette publique imposent [donc] un programme de consolidation inscrit dans une stratégie tournée vers l'avenir. » Hélas, la mise en œuvre d'une telle politique relève de la gageure dans une république obnubilée par la "présidentielle permanente". Reconnaissons toutefois que la démocratie n'est pas seule en cause. Un regard tourné vers le Rhin en impose le constat : tous les tempéraments nationaux ne se prêtent pas semblablement à la "rigueur".

Cela dit, les politiciens n'ignorent pas tout à fait la perversité de leurs joutes électorales. Faute de parvenir à se comporter en adultes responsables, ils se résignent à choisir un maître d'école. La Commission européenne excelle dans ce rôle-là, bien que le Pacte de stabilité ait volé en éclats. L'UE et le carcan du droit apparaissent comme les nouvelles conditions du salut public. Dans un rapport remis au Premier ministre, Michel Camdessus a dessiné les contours d'une règle constitutionnelle d'équilibre. On s'achemine vers l'inscription dans la Constitution du principe d'une "loi-cadre de programmation des finances publiques" pluriannuelle, s'imposant aux lois de finances et de financement de la Sécurité sociale, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. « Cette règle fixerait une trajectoire impérative de réduction des déficits, et la date de retour à l'équilibre structurel de nos finances publiques », selon les explications de Matignon.

Mais d'autres chantiers sont à mener. « D'importantes réformes de long terme (en particulier concernant les retraites et le système de santé), ne produiraient que des économies limitées dans l'immédiat, mais auront des effets positifs et significatifs en termes de crédibilité auprès des marchés financiers et sur la demande intérieure », a encore souligné le FMI. Autrement dit, la réforme des retraites représente un enjeu d'autant plus sensible qu'elle participe de la résolution de l'impossible équation : ou comment assainir les finances publiques sans menacer la reprise économique. « La réforme des retraites et du système de santé doivent constituer la pierre angulaire de la stratégie budgétaire de moyen terme », selon le Fonds monétaire international. Et DSK de cautionner, en tant que directeur général de l'institution, l'affirmation selon laquelle « il convient [...] de résister aux pressions qui conduiraient à ne pas corriger les déséquilibres fondamentaux et à s'appuyer démesurément sur des mesures d'accroissement des recettes ». Ce faisant, le ténor socialiste met en lumière la démagogie pratiquée par son parti – conséquence heureuse de la politique d'"ouverture" menée par Nicolas Sarkozy !

Placé à la tête de la cour des Comptes, un autre transfuge a souligné le courage requis pour affronter les déficits. Didier Migaud se serait bien gardé de tenir un pareil discours du temps où il sévissait à l'Assemblée nationale. Les royalistes distinguent mieux que quiconque l'influence déterminante des institutions... Reste que le courage ne saurait suffire. L'habileté s'avère tout aussi nécessaire, sinon davantage. Les maladresses d'Alain Juppé ne se sont-elles pas soldées par l'adoption des trente-cinq heures ?

Faute morale ou politique

Aussi les déboires du ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique tombent-ils à pic. « Éric Woerth est un homme intègre », si l'on en croit notre collaborateur Catoneo. « Mais il fréquente les cercles d'influence [...] et les gens très friqués du grand monde étaient son quotidien. Il n'a pas vu la collusion d'intérêts entre son poste de chef du Fisc et celui de gestionnaire de grande fortune qu'occupait sa femme. Il lui est impossible de soutenir qu'ils avaient un sas de décompression professionnelle à la maison, ce que les chiens courants du Parti socialiste ont très bien détecté. Cette affaire tombe mal au moment où l'on découvre que la prévarication fait rage dans la grande république bananière d'Europe occidentale. Mais comme souvent, c'est le premier qui passe, coupable ou non, qui subit l'assaut de la meute. »

« Nous ne sommes pas des gens moraux », avons-nous l'habitude de proclamer à l'Action française. Il est vrai que nous ne nous faisons aucune illusion sur la prétendue vertu républicaine... Laissons à l'avenir le soin d'identifier les fautes morales. Espérons seulement que cette bourde politique ne compromettra pas une réforme que l'on pouvait déjà craindre trop timide.

Un droit aux loisirs

1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand l'État prend les parents par la main ou distribue des chèques-cadeaux...

En dépit de sa faillite financière, l'État-providence fait toujours recette. Plus que jamais, il nous appartient de dénoncer l'État républicain « qui se mêle de tout aujourd'hui, même de faire des écoles et de vendre des allumettes, et qui, en conséquence, fait tout infiniment mal, vendant des allumettes ininflammables et distribuant un enseignement insensé »...

Les enfants ne lui suffisant plus, la République s'attaque à l'éducation des parents. En témoigne l'initiative du gouvernement censée participer du souci légitime de « prévenir la maltraitance des enfants », et visant à distribuer – dans les maternités ? –  un « livret de coparentalité ».

Gageons que toute une série de "droits" y seront répertoriés. Mme Marie-George Buffet vient d'ailleurs d'en inventer un nouveau. Inspiré par des élèves de CM2 ayant siégé au "Parlement des enfants", le député de Seine-Saint-Denis a déposé une proposition de loi « tendant à soutenir les adolescents au quotidien ». Entre autres dispositions, un article répond à la demande, formulée par les écoliers, d'inscrire dans la loi le droit « d'accéder aux loisirs ». Concrètement, Mme Buffet propose « une carte culture et loisirs accompagnée de bons prépayés ».

Ce faisant, elle entérine l'idée de ses petits camarades, cités dans l'exposé des motifs, selon lesquels « l'accès aux loisirs [...] nécessite souvent », voire surtout, « d'avoir de l'argent », alors qu'il constitue « un élément essentiel de la construction de l'homme ». Autrement dit, chacun s'épanouit à la mesure de ses moyens financiers. C'est une élue communiste qui vous le dit. Chapeau !

Des règles du jeu

22 juin 2010

L'ouverture par la France du marché des jeux en ligne nourrit de nouvelles critiques à l'encontre de l'UE, où l'on relève quelques approximations.

Faut-il « sortir de l'Union européenne » ? « Oui, plus que jamais ! » proclame Karim Ouchikh, dans un article publié par Les Manants du Roi et repris jeudi dernier, 17 juin, par le Centre royaliste d'Action française. En cause : une affaire « à l’importance toute symbolique » où « les lâchetés se conjuguent », paraît-il, « aux renoncements pour priver la France, là encore, de sa capacité à se gouverner elle-même ».

« L'ouverture du marché des paris et du poker sur Internet ne doit absolument rien au libre arbitre de nos gouvernants », affirme l'auteur – ni à l'évolution des technologies ou des pratiques, passée sous silence. « Depuis plusieurs années, rappelle-t-il, la France fait l'objet de très fortes pressions de la part des autorités de Bruxelles pour libéraliser ce marché prospère et aligner sa réglementation en matière de jeux sur celle de l'Union européenne ».

L'observation s'avère en partie inexacte, étant donné qu'une telle réglementation n'existe pas. C'est l'interprétation du droit primaire (les traités) qui est en cause, « Dans sa décision inédite rendue en 2003 (arrêt Gambelli), poursuit Karim Ouchikh, l'envahissante Cour européenne de Justice s'est clairement prononcée pour la libre prestation des services de jeux d'argent en ligne. » C'est méconnaître la nonce caractérisant parfois la jurisprudence européenne, dont témoigne un arrêt tout récent de la CJUE. Laquelle admet qu'« une restriction à la libre prestation des services [...] peut être justifiée, notamment par des objectifs de protection des consommateurs, de prévention de la fraude et de l'incitation des citoyens à une dépense excessive liée au jeu ainsi que de prévention de troubles à l'ordre social ».

L'UE s'en trouve-t-elle lavée de ses velléités libérales ? Loin s'en faut. Gageons que les souverainetés les plus conséquents finiront par trouver refuge chez Jean-Luc Mélenchon...

Rébellion parlementaire

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le Parlement européen poursuit sa montée en puissance, par l'entremise du chantage et d'une communication douteuse.

L'immixtion du Parlement européen dans la constitution du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE) suscite l'inquiétude de Pierre Lellouche, le secrétaire d'État en charge des Affaires européennes. « Soyons sérieux ! », a-t-il lancé à notre confrère Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles 2, 06/06/2010). « La politique étrangère, ce sont les nations, avant tout. Ce ne sont pas les commissaires européens ni le Parlement européen qui vont décider d'aller faire tuer des soldats. Si le Service extérieur doit être pris en otage par des gens comme çà, cela pose problème. »  

Loin d'en démordre, l'assemblée européenne prétend agir avec la bénédiction des parlements nationaux. Selon un communiqué diffusé le 31 mai, leurs représentants, venus débattre à Bruxelles, auraient « dans leur grande majorité soutenu la vision des rapporteurs du Parlement européen, Elmar Brok (PPE, DE) et Guy Verhofstadt (ADLE, BE) [qui] prônent [...] le rattachement du service à la Commission européenne en terme budgétaire ». Or, dix jours plus tôt, le Sénat français avait adopté une résolution réclamant, au contraire, que le SEAE soit « un organe sui generis de l'Union européenne, équidistant de la Commission européenne et du Conseil et disposant d'une complète autonomie en matière budgétaire et en termes de gestion des ressources humaines ». Voilà qui jette un certain discrédit sur la communication du Parlement européen...

Fort des pouvoirs budgétaires que lui confère le traité de Lisbonne, celui-ci multiplie les chantages afin de renforcer la dimension fédérale de l'Union. Fustigeant le caractère intergouvernemental de la nouvelle stratégie européenne pour la croissance et l'emploi, le Belge Guy Verhofstadt – encore lui – a ainsi menacé d'en bloquer le financement (Euractiv, 06/06/2010). Enfin, en juillet prochain, les eurodéputés seront appelés à approuver un accord sur le transfert de données bancaires vers les États-Unis, dont ils avaient rejeté la première mouture contre l'avis des gouvernements. Un scénario qui pourrait bien se reproduire, au risque de compromettre la crédibilité internationale de l'Union, déjà fragilisée outre-Atlantique.

Fédéralisme budgétaire

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'intégration européenne sera-t-elle relancée à la faveur de la crise ? Le président de la BCE réclame une « fédération budgétaire »... Mais les mots n'ont pas le même sens pour tout le monde.

Lundi 7 juin, les ministres de l'Eurogroupe ont entériné le mécanisme européen de stabilisation financière. Un gage donné aux marchés, dont la confiance ne sera toutefois rétablie que par un assainissent durable des finances publiques... Le lendemain, le Conseil a donné son feu vert à l'adoption de la monnaie unique par l'Estonie, qui deviendra vraisemblablement, le 1er janvier prochain, le dix-septième pays de la zone euro.

La livre dans la tourmente

Tandis que Nicolas Dupont-Aignan appelle à sortir de l'euro « avant qu'il ne soit trop tard », cette perspective peut apparaître surréaliste. Mais si les écarts de compétitivité menacent effectivement la monnaie unique, qui prive en outre les États de l'instrument de dévaluation, celle-ci n'est pas responsable du laisser-aller budgétaire expliquant la crise des dettes souveraines... En témoigne la situation du Royaume-Uni, dont la livre sterling ne saurait masquer un déficit public« gigantesque », ainsi que l'a qualifié Fitch. L'agence de notation a souligné le 8 juin « que l'augmentation du ratio de la dette dans le pays depuis 2008 "est plus rapide que dans aucun des autres pays notés AAA" (de 52 % en 2008 à 70 % en 2010 et 87 % attendu en 2011) à cause d'un déficit public (11,1 % du PIB) qui est environ "deux fois plus élevé qu'au cours des précédents épisodes de détérioration budgétaire dans les années 1970 et début 1990". Autant dire que "l'ajustement souhaitable (sera) parmi les plus élevés des pays avancés". » (Coulisses de Bruxelles, 09/06/2010)

Interrogé par Stéphane Lauer, Frédéric Lemaître et Marie de Vergès, Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, a pointé en premier lieu « les responsabilités propres à chacun des pays concernés » (Le Monde, 01/06/2010) « Mais il y a aussi une vraie responsabilité collégiale. La surveillance multilatérale, attentive, qui est fondamentale dans la lettre et dans l'esprit du Pacte de stabilité et de croissance, a été terriblement négligée. » Aussi « la surveillance des politiques budgétaires, des évolutions de la compétitivité des économies de la zone euro et des réformes structurelles » devrait-elle « être radicalement améliorée ». « Nous sommes une fédération monétaire », a poursuivi M. Trichet. « Nous avons maintenant besoin d'avoir l'équivalent d'une fédération budgétaire en termes de contrôle et de surveillance de l'application des politiques en matière de finance publique. »

Surveillance multilatérale ou solidarité ?

Alain Lamassoure, député français au Parlement européen, a suggéré la mise en commun de certaines "lignes budgétaires", « dans des domaines où des dépenses communes seraient plus efficaces » selon le résumé d'Euractiv (09/06/2010). « Sans s'ajouter au budget européen, ces fonds seraient mutualisés dans une structure ad hoc. Selon Alain Lamassoure, François Fillon a évoqué la possibilité d'appliquer un tel système "à certaines technologies critiques en matière de défense et de recherche". »

Ce projet relève, lui aussi, d'une approche fédéraliste. Mais « les mots n'ont pas le même sens pour tout le monde », a prévenu Alain Madelin (BFM radio, 08/06/2010). En effet, Jean-Claude Trichet prône une surveillance mutuelle, mais non « un fédéralisme de solidarité » qui supposerait, in fine, « que les Grecs dépensent et que l'Allemagne paie ». Galvanisés par la création du Fonds européen de stabilité financière, dont ils exagèrent la portée, « quelques eurolâtres » veulent y croire. Selon le député belge Guy Verhofstadt, président du groupe ADLE au Parlement européen, « seule la méthode communautaire peut apporter des solutions adaptées à l'actuelle crise économique, en créant une plus forte intégration européenne », affirme Euractiv (06/06/2010). Or, rétorque l'ancien ministre de l'Économie, « l'hyper-intégration » apparait « totalement inapplicable à l'Europe », où la mobilité des hommes et des capitaux est sans commune mesure avec celle pratiquée aux États-Unis.

De même, le « gouvernement économique » défendu par la France n'est rien d'autre qu'un gadget sémantique. Réunis à Berlin à quelques jours du sommet européen des 17 et 18 juin, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont appelé à renforcer le Pacte de stabilité, esquissant déjà une nouvelle révision des traités... L'UE pourra certes distribuer bons points et avertissements, mais il appartient aux responsables nationaux d'assumer – enfin – leurs responsabilités.

La défense européenne vue par le nouveau CEMA

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Loin de partager les convictions fédéralistes du ministre de la Défense, le chef d'état-major des armées semble privilégier les coopérations bilatérales.

Intervenant le 2 juin au Conseil économique de la Défense, l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA), a jugé « très positif » le bilan d'une Europe de la défense qui se construit, agit, s'engage et réussit « à petits pas comptés ». Selon lui, le contexte économique devrait encourager les Européens à « "serrer les rangs" et créer une nouvelle dynamique autour de quelques avancées concrètes ». « Mais ne nous faisons pas d'illusions, ces avancées ne se feront pas à vingt-sept », a prévenu l'amiral, qui privilégie les coopérations bilatérales. D'autant que « les coopérations sous contraintes ont toujours été des coopérations de compromis aux résultats hasardeux. N'est-ce pas le cas aujourd'hui du NH90, de l'A400M, voire du Tigre ? »

Le CEMA a par ailleurs observé « que le qualificatif d'opérations européennes est parfois un peu étrange », par exemple « quand un seul pays fournit plus de 50 %, voire 60 % des capacités ». Mais il y a pire : un pays extérieur à l'Union, en l'occurrence la Turquie, est devenu le premier contributeur de l'opération EUFOR Althea, la mission militaire "européenne" de stabilisation en Bosnie (Bruxelles 2, 03/06/2010).

Y a-t-il des ghettos en France ?

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le Centre d'analyse stratégique ouvre le débat, à l'approche d'une réforme de la politique de la Ville.

La politique relève parfois d'une affaire de sémantique. Aussi le Centre d'analyse stratégique s'est-il demandé si la désignation de "ghettos" français relevait d'un « abus de langage » ou de la « réalité ». Cela afin d'éclairer le débat sur la politique de la Ville, dont la réforme devrait redéfinir, d'ici à 2011, les logiques de "zonage" du territoire, ainsi que la distribution des moyens financiers. « Un traitement trop strictement spatialisé des problèmes sociaux fait l'objet de critiques en ce qu'il pourrait contribuer à solidifier ce qu'il a pour objectif de défaire », préviennent Marine Boisson et Catherine Collombet.

Le spectre de la "ghettoïsation" serait apparu dans les années soixante-dix, où les populations immigrées furent « les dernières à entrer dans ces grands quartiers d'habitat social en cours de dépréciation, lorsque celles nées en France et les classes moyennes [commençaient] à en sortir ». Trente ans plus tard, les "zones urbaines sensibles" (ZUS) compteraient 23,6 % d'immigrés, contre une moyenne de 3,7 % dans les autres quartiers. « Selon l'étude menée par Michèle Tribalat et Bernard Aubry, en 2005, la proportion des jeunes issus de familles dont au moins un des parents est étranger ou immigré s'élevait à moins de 20 % sur l'ensemble du territoire mais dépassait les 60 % dans vingt communes. [...] Outre les raisons historiques à la concentration urbaine de l'immigration, les immigrés sont orientés vers ces zones en raison de la forte proportion de logements sociaux à bas loyer et de la taille des logements. En 2006, sur 2,3 millions de ménages immigrés [...], 700 000 étaient locataires dans le parc HLM, la part résidant dans le parc social n'ayant cessé d'augmenter (+ 9 points entre 1996 et 2006). [...] Les ménages qui recourent le plus au parc social sont originaires d'Algérie (70 % des ménages locataires d'origine algérienne le sont dans le parc social), du Maroc (64 %) et d'Afrique subsaharienne (60,5 %) quand, à l'inverse, seul un ménage locataire immigré d'Asie sur trois réside en logement social. »

Quelle mixité ?

Outre ce phénomène de concentration, les « conduites d'adaptation à la marginalisation » des habitants pourraient traduire, également, un processus de ghettoïsation. Les trafics ou la rupture radicale avec l'ordre scolaire participeraient d'une organisation et d'une ambiance « devenues "autoréférentielles, comme tournées vers l'intérieur de la cité", où les personnes, en réponse à une situation vécue de relégation, jouent un rôle actif : affirmation d'un clivage vis-à-vis de l'extérieur, violence et racialisation omniprésente des rapports sociaux ». Cela dit, « on serait encore loin de l'homogénéité ethnique et du degré de déshérence des ghettos américains ». En effet, les banlieues françaises mêlent des dizaines d'origines géographiques, et les taux de pauvreté et de criminalité n'auraient « aucune commune mesure » avec ceux observés dans le South Side de Chicago. En outre, bien que soient régulièrement stigmatisées des "zones de non droit", l'État demeurerait « très présent dans ces quartiers. [...] En attestent l'augmentation de la part de la population dépendante des prestations sociales (allocations chômage, RSA, etc.) ; l'effort mis en œuvre par la politique de la Ville (plus de 5 milliards d'euros en 2009) ; la présence continue et parfois conflictuelle des policiers dans ces territoires. »

Tandis qu'on oppose couramment « l'idéal de mixité sociale » au délabrement des banlieues, les rapporteurs expriment quelques réserves qui donnent à réfléchir : « Il n'est pas toujours évident que le fait de mélanger des populations différentes permette de générer entre elles des relations sociales fructueuses. Dès 1970, des études ont mis en évidence des tensions et des conflits de cohabitation dans les grands ensembles, du fait même de regroupements hétérogènes contraints. Des travaux sociologiques [...] ont pu a contrario démontrer que des concentrations urbaines de type communautaire [...] peuvent être, à certains moments de la trajectoire des individus, des vecteurs de soutien et d'accès au travail. [...] La question n'est ainsi pas forcément de faire disparaître la concentration, ni de réduire les écarts de ces quartiers par rapport à d'autres, ni de les démolir comme hier on voulait les normaliser, ni d'empêcher de nouveaux immigrés d'y entrer. L'enjeu peut aussi être d'affirmer la spécialisation de ces quartiers, d'y garantir l'accueil et la promotion sociale, d'adapter les services publics à une même population ainsi regroupée. » Mais cela dans une perspective d'assimilation.