Livre blanc : les armées en sursis

4 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

La publication du nouveau livre blanc sur la défense est imminente. Dans la foulée sera adoptée une loi de programmation militaire, dont le président de la République a promis qu'elle ne déshériterait pas les armées.

À l'approche de la publication du nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, parlementaires et industriels sont montés au créneau, appelant le chef de l'État à "limiter la casse". Sans doute ont-ils été rassurés par son intervention télévisée du 28 mars : au profit de la Défense, « nous dépenserons en 2014 le même montant qu'en 2013 », a-t-il promis ce soir-là. Auparavant, le Premier ministre avait tempéré les inquiétudes dont Jean-Pierre Raffarin s'était fait l'écho au Sénat : « si le président de la République a pris la décision d'engager nos forces au Mali, ce n'est pas pour, demain, entraver les capacités de notre armée », avait-il déclaré.

Incertitudes budgétaires

Qu'en sera-t-il au juste ? Bien qu'il ait exclu les "scénarios catastrophe" détaillés par nos confrères, François Hollande est demeuré évasif quant à l'ampleur du budget pris en référence. Selon que l'on considère le budget annoncé ou celui effectivement exécuté, que l'on y inclue ou non des recettes exceptionnelles (des ventes de fréquences ou des cessions immobilières, par exemple), les chiffres ne sont pas les mêmes... En outre, selon la formule du général Georgelin, ancien chef d'état-major des armées, cité par notre confrère Jean-Dominique Merchet, animateur du blog Secret Défense, « la Défense gagne en général les batailles stratégiques contre Bercy, mais elle perd ensuite tous les combats tactiques ».

Alors que l'adoption d'une loi de programmation militaire (LPM) a été reportée à l'automne, rien ne permet d'assurer qu'elle sera durablement respectée. C'est même le contraire qui serait étonnant. Fin janvier, La Tribune signalait déjà une « première encoche » au budget annuel de la Défense, priée de contribuer au financement des surcoûts éventuels de la politique de l'emploi. Alors qu'il était encore ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac avait toutefois promis « de piocher dans la réserve de précaution si la facture des opérations extérieures (Opex) était supérieure aux 630 millions d'euros déjà budgétés », précise notre confrère Michel Cabirol.

Quelles nouveautés ?

Ces aléas budgétaires nourrissent l'indécision chronique de l'État, contre laquelle s'élèvent les industriels, à l'image du missilier MBDA. Paris n'en finit pas de différer ses arbitrages portant sur deux programmes phare, « l'un très important pour toute la filière industrielle missilier française » (le missile moyenne portée, appelé à succéder au missile Milan), et l'autre « crucial pour la coopération britannique » (l'anti-navire léger), rapporte encore La Tribune. Or, sous la pression de ses actionnaires, l'entreprise pourrait stopper certains développements, prévient son P-DG Antoine Bouvier.

La publication d'un nouveau livre blanc confirmera vraisemblablement la nécessaire montée en puissance de la cyberdéfense. « Depuis 2008, la France a commencé à combler son retard » en la matière, selon Jean-Louis Carrère, le président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. « Une agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (l'ANSSI) a été créée en 2009 et notre pays s'est doté en 2011 d'une stratégie dans ce domaine. Pourtant, en dépit de ces progrès, le sentiment qui prédomine aujourd'hui est que la menace a été largement sous-estimée et que notre dispositif connaît encore d'importantes lacunes. » Par ailleurs, comparé au précédent, le prochain livre blanc devrait accorder une attention renouvelée à l'Afrique - Mali oblige -ainsi qu'aux enjeux maritimes - « une des données majeures de l'évolution du contexte stratégique depuis dix ans », soutient M. Carrère.

Océan Pacifique

D'ores et déjà, « 41 % du trafic maritime de biens de consommation à destination de la métropole passe en mer de Chine du Sud. Par conséquent, nos intérêts économiques quotidiens sont directement tributaires de la sécurité de ces eaux », a souligné le vice-amiral Jean-Louis Vichot, lors d'un colloque au Sénat consacré au Pacifique. De plus, « c'est outre-mer que nous allons trouver les ressources minérales, alimentaires, biologiques qui vont nous permettre de développer la recherche et l'industrie en France, outre-mer et en métropole », a-t-il plaidé. « À Wallis et Futuna, ont été découverts des encroûtements minéraux d'une rare qualité. En Polynésie française, on espère une forte croissance de la pêche avec le réchauffement climatique. Celui-ci n'apporte pas que des catastrophes puisqu'il va déplacer la ceinture du thon vers le Sud, vers la ZEE [zone économique exclusive] de la Polynésie française. » De quoi susciter des convoitises...

Aussi la présence française dans le Pacifique requiert-elle des patrouilleurs - « suffisamment gros pour affronter la houle du Pacifique » -, des frégates - « les seules à avoir assez d'autonomie et de moyens militaires pour maintenir une présence dans l'ensemble du Pacifique, sur les côtes d'Asie et d'Amérique », mais aussi des avions et des satellites d'observation. Or, comme l'a rappelé l'amiral Vichot, « les conclusions du livre blanc de 2008 [avaient] préconisé de réduire de moitié les capacités militaires françaises dans le Pacifique, y laissant des forces à peine suffisantes pour exprimer la souveraineté de notre pays sur ces territoires ». À l'époque, on avait considéré « que les îles du Pacifique étaient suffisamment protégées par les étendues océaniques qui les entouraient, à une nuance près pour la Nouvelle-Calédonie ». Le tir sera-t-il rectifié ? Réponse courant avril.

Bioéthique : débat embryonnaire à l'Assemblée

4 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'obstruction parlementaire offre un sursis aux embryons humains : dans l'immédiat, ceux-ci continueront de ne pouvoir faire l'objet de recherches qu'à titre dérogatoire – au moins en apparence.

En février 2012, alors qu'il était en campagne, François Hollande avait annoncé que, s'il était élu président de la République, la loi encadrant les recherches sur l'embryon serait à nouveau révisée. Ce faisant, avait-il déclaré, « nous rattraperons notre retard sur d'autres pays et nous favoriserons le retour des post-doctorants partis à l'étranger » - notamment aux États-Unis, où la loi n'impose aucune restriction en la matière. Sa promesse semblait en passe d'être tenue : à cet effet, une proposition de loi devait être votée par l'Assemblée nationale mardi dernier, 2 avril. C'était compter sans la résistance de quelques députés UMP, qui ont noyé le texte sous une pluie d'amendements, empêchant son examen dans les délais impartis.

Ambiguïtés légales

Dans l'immédiat, la législation conservera donc ses ambiguïtés : si elle autorise la recherche sur l'embryon, c'est, formellement, à titre dérogatoire, quoique de façon pérenne – comme s'il fallait maintenir un interdit symbolique tout en s'en affranchissant dans les faits. Autant en finir avec l'hypocrisie ! C'était l'objet de la proposition de loi en débat, dont l'adoption aurait néanmoins constitué « un bouleversement éthique et juridique », selon Théophane Le Méné. De son point de vue, elle aurait entériné « la réification de la personne humaine, la suprématie de la technique sur l'homme et son asservissement à la logique utilitariste des laboratoires ». En effet, a-t-il expliqué sur Causeur, « le principe allait devenir l'exception et l'exception le principe ».

Aujourd'hui, trente-six équipes de recherche travailleraient, en France, sur des cellules embryonnaires. Elles y ont été autorisées par l'Agence de la biomédecine, avec la bénédiction des ministres chargés de la Santé et de la Recherche, mais aussi le consentement des individus à l'origine des "embryons surnuméraires" conçus in vitro dans le cadre d'une procréation médicalement assistées, les seuls pouvant faire l'objet de recherches au regard du droit. Avant d'agréer un protocole, les autorités sont censées s'assurer que soient réunies les conditions suivantes, résumées par Mme Dominique Orliac, député PRG du Lot, rapporteur du texte soumis à l'Assemblée : « la pertinence scientifique du projet de recherche est établie ; la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ; il est expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ».

La hantise des recours

Autant d'éléments dont l'appréciation est sujette à discussion. « S'il est vrai que les chiffres de l'Agence de biomédecine révèlent un véritable dynamisme de la recherche française en la matière, la rédaction actuelle de la loi est source de contentieux qui retardent le lancement de certains projets scientifiques », déplore Mme Orliac. De fait, explique-t-elle, « la Cour administrative d'appel de Paris a déduit de l'existence de l'interdiction de principe de la recherche qu'il appartenait à l'Agence de la biomédecine de faire la preuve que des recherches employant des moyens alternatifs ne pouvaient parvenir au résultat escompté. Elle a en conséquence annulé l'autorisation accordée trois ans auparavant à une recherche. » Apparemment, la loi proposée répondrait surtout à la Fondation Jérôme Lejeune, dont les recours feraient peser sur les chercheurs « une véritable insécurité juridique ». Onze affaires seraient en cours d'instruction, s'inquiète Dominique Orliac, au motif que l'Agence de biomédecine « n'avait pas prouvé l'impossibilité de mener ces recherches par d'autres méthodes ». Or, prévient-elle, « en matière de recherche fondamentale, une telle preuve ne peut pas être apportée ». Cependant, poursuit-elle, « les recherches sur les cellules souches adultes et les cellules reprogrammées n'ont pas vocation à se substituer, en l'état des connaissances scientifiques, à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mais en sont le complément nécessaire ».

Alternative prometteuse

Voilà précisément ce que conteste, par exemple, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France. Étant donné les perspectives offertes par les ressources du sang placentaire ou la reprogrammation cellulaire, l'engagement en faveur de la recherche sur l'embryon serait « un combat d'arrière-garde » selon lui,  Ce combat n'est mené « que pour contester la valeur intrinsèque de l'embryon », a-t-il déclaré dans un entretien à Radio Notre-Dame retranscrit par France catholique. Évidemment, les chercheurs s'en défendent : « il n'y a aucune "appétence" particulière des scientifiques pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires et si, à l'avenir, d'autres méthodes s'avèrent être plus efficaces, elles évinceront naturellement cette dernière », soutient Mme Orliac.

Les projets les plus prometteurs, à brève échéance, viseraient à traiter la maladie de Steinert, qui se traduit par des anomalies musculaires et neuronales, ou la dégénérescence maculaire, affectant plus particulièrement la vue des personnes âgées. Les patients concernés peuvent-ils, dès lors, espérer une guérison prochaine ? Mgr Vingt-Trois entend dissiper de faux espoirs : « c'est une tromperie à l'égard des gens que de leur faire croire que grâce à cela ils vont avoir des traitements pour Alzheimer, Parkinson, etc. », a-t-il prévenu. « Cela n'aboutira pas. » Un jugement sans appel.

Livre blanc : « La patrie est en danger »

21 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

François Hollande sera-t-il le fossoyeur des armées françaises ? Dans l'attente de ses arbitrages, préalables à la publication d'un nouveau livre blanc, les inquiétudes vont croissant.

La publication d'un nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale semble imminente. Dans la foulée, une loi de programmation militaire devrait être adoptée d'ici l'été. Dans l'attente des ultimes arbitrages du chef de l'État, alors qu'un bras de fer serait engagé entre Bercy et l'Hôtel de Brienne, les spéculations vont bon train. Jean-Louis Carrère, le président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, a exprimé des inquiétudes largement partagées. « La patrie est en danger », a-t-il déclaré le 13 mars 2013, paraphrasant explicitement Danton. « Le passage d'un effort de défense de 1,56 % en 2011 à 1,1 % en 2025, tel qu'il est envisagé, ne permettrait plus aux autorités de notre pays de maintenir le rôle de la France au niveau qui est le sien aujourd'hui », a-t-il prévenu.

Quelles économies ?

Une fois n'est pas coutume, son discours pourrait bénéficier des faveurs de l'opinion. « Deux Français sur trois pensent que le budget de la défense doit être maintenu, voire augmenté », signale notre confrère Jean-Dominique Merchet, animateur du blog Secret Défense, citant les conclusions d'un sondage Ipsos. Faut-il, dés lors, alarmer nos compatriotes jusqu'à leur promettre l'Apocalypse ? Gardons-nous de crier au loup : préparés au pire, les esprits consentiront d'autant plus facilement les sacrifices imposés prochainement à nos armées... D'aucuns s'imaginent que le porte-avions Charles-de-Gaulle pourraient être mis sous cloche ! D'autres envisagent, sans doute plus sérieusement, d'abandonner la composante aérienne de la dissuasion nucléaire, dont les sous-marins deviendraient alors les seuls vecteurs. C'est une proposition récurrente, dont les promoteurs prétendent appliquer le principe de "stricte suffisance" cher à la France. Le plateau d'Albion n'a-t-il pas déjà été démantelé dans les années quatre-vingt-dix ?

Bénéfique dissuasion

Ce projet relèverait toutefois d'un mauvais calcul, selon l'analyse de Philippe Wodka-Gallien, chercheur associé à l'Institut français d'analyse stratégique (IFAS). Lors d'une conférence prononcée le 14 mars à l'invitation de l'Alliance géostratégique, il a estimé à cinquante millions d'euros le coût de la composante aérienne de la dissuasion. Un investissement somme toute modeste de son point de vue. D'autant qu'il permettrait de palier la perte potentielle d'un sous-marin, contribuant à dissiper la hantise d'un « Mers el-Kébir nucléaire ». Par ailleurs, étant donné les exigences qu'elle requiert, la dissuasion bénéficierait continûment aux forces conventionnelles. « Si le Rafale est le meilleur avion du monde », c'est parce qu'il a été conçu pour délivrer le feu nucléaire, nous a expliqué Philippe Wodka-Gallien. Quant aux équipages formés à ces missions, ils bénéficient simplement d'une qualification supplémentaire. En Libye, par exemple, des missiles ont été tirés par les Forces aériennes stratégiques, dont on voit qu'elles ne sont pas cantonnées au tir improbable d'une charge nucléaire.

L'heure des choix

Dans son ensemble, la dissuasion nucléaire française représenterait 10 % du budget de la Défense... soit 0,15 % du budget national. Un coût équivalent aux recettes fiscales perdues après la baisse du taux de TVA dans la restauration, selon une comparaison proposée par  Philippe Wodka-Gallien. De quoi éclairer les arbitrages à venir... « Le spectre de la guerre ne peut être écarté », martèle l'amiral Guillaud, chef d'état major des armées. En dépit de l'actualité, la nation semble réticente à l'admettre. En témoigne le scandale déclenché par un légionnaire arborant quelque symbole guerrier tandis qu'il risquait sa vie au Mali. Ou l'avertissement que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a adressé à France 2, après que la chaîne eut diffusé, le 7 février, des images illustrant l'horreur des exactions commises dans ce pays. « La guerre du Mali n'a pas eu lieu », lisait-on, le mois dernier, à la une de L'Action Française 2000. Peut-être n'a-t-on pas voulu la voir ? Dans l'"affrontement des volontés" que constitue chaque conflit armé, la France se trouve confrontée à ses propres faiblesses, qui sont loin d'être seulement matérielles, à l'image d'une certaine irrésolution propre aux démocraties occidentales... Alors, "politique d'abord" ?

Le sexisme, voilà l'ennemi !

21 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Les "études de genre" inspirent décidément moult politiques publiques. Un exemple parmi d'autres nous en est donné en Seine-Saint-Denis, où le Conseil général a lancé une initiative à l'intention des collégiens.

À l'occasion de la journée de la femme, célébrée le 8 mars 2013, le gouvernement a réaffirmé sa volonté d'œuvrer quotidiennement en faveur de l'égalité des sexes. Cela avec le soutien des collectivités locales et du monde associatif, comme en témoigne la présentation d'un calendrier recensant autant d'événements organisés en ce sens qu'il y a de jours dans l'année.

Changer la langue

Parmi les initiatives mises en exergue figure celle du conseil général de Seine-Saint-Denis, dont le président, le socialiste Stéphane Troussel, s'inspire manifestement des "études de genre". Selon lui, en effet, « de la crèche au monde du travail, en passant par l'école et l'université, nombreuses sont encore les occasions d'observer des comportements sexistes, hérités d'une domination  masculine  ancestrale  qui  assigne  à  chaque  sexe  des  rôles  et  des fonctions dans la vie professionnelle et familiale ». Aussi son département s'est-il attaché à mobiliser les « jeunes contre le sexisme ». Lequel consiste, selon le conseil général de Seine-Saint-Denis, « à inscrire la différence entre les hommes et les femmes dans un rapport hiérarchique de domination et à considérer, comme en grammaire, que le masculin l'emporte sur le féminin ». D'où l'inclination de M. Troussel  à revisiter la langue française : « nous n'entendons pas seulement déconstruire les idées reçues à partir d'une réflexion théorique, mais aussi et surtout travailler avec tou-te-s les professionnel-le-s concerné-e-s  pour  partager  les  expériences  et  mutualiser  les bonnes pratiques », explique-t-il dans un jargon devenu convenu.

Poupées et pistolets

Chaque année, mille cinq cents collégiens (des élèves de troisième) sont donc conviés à des représentations théâtrales où se jouent, avec leur participation, « des scènes sur des situations de discriminations ou de violences sexistes ». S'ensuivent des discussions en classe, la désignation de délégués censés « dialoguer avec les élu-e-s et présenter des propositions pour lutter contre les comportements sexistes », puis leur concrétisation sous forme d'affiches ou de DVD, par exemple. Preuve que le message est passé, dans un collège de Montreuil, la définition suivante a été élaborée : « Le sexisme, c'est habituer les garçons à jouer avec des jeux plutôt violents et de domination et habituer les filles à jouer à la dînette et aux barbies. » Dans la plupart des établissements, cependant, il semblerait que l'enfumage idéologique soit relégué au second plan : la dénonciation des "mains aux fesses", la prévention des viols, la critique des grands frères trop possessifs, voire la hantise des mariages forcés, occupent apparemment le devant de la scène. « En somme, ce que les adolescents de  Seine-Saint-Denis ont exprimé, par leur participation au théâtre-forum, c'est l'idée que la différence qui les sépare en garçons et filles est, certes, une différence incontournable, mais qui fait d'eux des être plutôt complémentaires », analyse l'anthropologue Françoise Douaire-Marsaudon.

L'image de la mère

En Île-de-France, où un dispositif similaire a été mis en œuvre à l'intention des lycéens, Mme Henriette Zoughebi, vice-présidente du conseil régional, n'en continue pas moins de dénoncer « l'instrumentalisation des différences biologiques entre les filles et les garçons » sur lesquelles reposeraient des inégalités d'autant moins justifiées qu'il y aurait, selon elle, « autant de différences entre une fille et un garçon, qu'entre deux garçons ou deux filles ». Cela aura vraisemblablement échappé au jeune Ahmed, qui dit respecter les femmes parce que « c'est dans leur ventre qu'on s'est formé ». Mais aussi à Mme Valérie Trierweiler, qui a visité une maternité – précisément en Seine-Saint-Denis - pour fêter, à sa façon, la journée de la femme. Une démarche éminemment "sexiste" au regard des conceptions de Mme Zoughebi, selon laquelle « nos envies, nos projets ne doivent pas être réduits par un facteur biologique, le sexe ». De son point de vue, « quand nous nous laissons enfermer dans des identités sexuées, nous renonçons à une part de notre liberté ». En est-elle vraiment convaincue ?

Pour en finir avec les Femen

7 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Fortes d'une notoriété croissante, les activistes du mouvement Femen prétendent incarner un féminisme d'un nouveau genre. Mais en dépit du bruit médiatique, des constantes demeurent...

A l'approche de la journée de la femme, qui sera célébrée vendredi prochain (le 8 mars 2013), les activistes féministes du mouvement Femen bénéficient d'une exposition médiatique inédite. France 2 vient de diffuser un film qui leur était consacré, la veille du jour où devait paraître le livre signé de leurs fondatrices ukrainiennes. D'aucuns jugeront leur notoriété inespérée : dans l'Hexagone, elles ne compteraient qu'une quinzaine de militantes, si l'on en croit Menly.

Complaisances

Civitas n'a pas manqué de dénoncer la « collusion » que nos confrères entretiendraient avec cette « milice antichrétienne ». Il la dénonce sans relâche, depuis le jour où ses militants s'y sont heurtés. C'était le 18 novembre dernier, à l'occasion d'une manifestation organisée contre le "mariage homo". Très complaisante à l'époque, la classe politique s'est montrée plus réservée après que les "sextrémistes" se furent données en spectacle le 12 février dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. « Les Femen ont probablement perdu leur aura dans cette provocation de trop », a commenté l'abbé Guillaume de Tanoüarn. Seuls 14 % des Français déclareraient approuver leur initiative, « tant sur le mode d'action choisi que sur les idées qu'elles y ont défendues », selon une étude Harris Interactive pour VSD. À l'inverse, 44 % s'y montreraient hostiles à tous points de vue. Confrontées à ce relatif désaveu, les Femen pointent les réactions schizophrènes de nos compatriotes : « Quand les Pussy Riot font un happening dans une église moscovite ou quand Inna coupe une croix orthodoxe à la tronçonneuse à Kiev, ça passe parce que c'est à l'étranger », a déclaré Éloïse Bouton, l'une de leurs militantes, citée par le quotidien Métro. « Ça choque parce qu'on touche à quelque chose qui pose problème », a-t-elle expliqué. Et d'affirmer que « la France n'est pas aussi laïque qu'elle le croit ». « Nous ne nous attaquons pas particulièrement à l'Église », nuance Elvire Duvelle-Charles, dans un entretien accordé à Menly. « Mais on a forcément une réticence envers l'Église parce qu'elle est sexiste, rétrograde, misogyne, en retard sur beaucoup de sujets comme le Pacs ou l'avortement. » De son point de vue, c'est la survivance d'un certain patriarcat qu'il s'agirait d'abattre.

« En enlevant nos tee-shirts, nous dénonçons le système machiste de manière bien plus efficace que si nous prononcions de beaux discours », soutient sa camarade Anna Hutsol, citée par Le Journal du dimanche. Vraiment ? Peut-être devrait-elle méditer les résultats des enquêtes d'opinion. Toujours selon le même sondage, « les hommes semblent porter un regard plus positif sur le choix des Femen de manifester seins nus dans Notre-Dame de Paris : 21 % approuvent à la fois le fond et la forme de l'intervention, contre 9 % chez les femmes ». Ces messieurs seraient-ils émoustillés ? Cela n'est pas sans rappeler l'histoire de Phryné, cette hétaïre grecque qui obtint la clémence de ses juges après que son avocat l'eut dénudée devant eux... Par ailleurs, au risque de verser dans la psychologie de comptoir, nous attribuerons à quelque refoulement l'inclination des plus critiques à dénigrer le physique de ces demoiselles...

Un vieux fantasme

« On veut donner une autre image de la nudité, laquelle n'est pas destinée qu'à la séduction », poursuit Elvire Duvelle-Charles. Ce serait « le symbole de la femme forte, combattante, vindicative ». Mais cette force propre aux femmes ne procède-t-elle pas précisément, dans une certaine mesure, du désir qu'elles suscitent chez les hommes ? « La nudité est notre armure », explique-t-elle encore. Ce faisant, s'érigeant en guerrière, elle arbore le costume d'une amazone – laquelle hante les fantasmes masculins depuis la nuit des temps, jusqu'aux jeux vidéo les plus récents, où les héroïnes à forte poitrine sont légion.

La démarche des Femen s'inscrit d'ailleurs dans une tradition historique. On ne compte plus les causes pour lesquelles des volontaires sont prêts à se déshabiller – de la protection des animaux à la récolte de fonds pour Emmaüs, en passant par le financement d'une association de parents d'élèves. Dans un registre plus militant, on se remémorera les "journées sans soutif", ou l'initiative des Tumultueuses s'exhibant topless dans les piscines de Paris il y a quatre ou cinq ans. Dans les années quatre-vingt, Ilona Staller, la "Cicciolina", avait même été élue au parlement italien après avoir fait campagne en tenue légère.

De fait, « l'intimité féminine, dans ce qu'elle a de plus visible, a toujours été l'enjeu de luttes politiques qui mobilisent tout le corps social », comme l'observent Caroline Pochon et Allan Rothschild dans leur ouvrage consacré au « culte des seins ». Les Femen n'ont rien inventé ! « Nous savons que nous ne pouvons changer le monde toutes seules », confesse  Elvire Duvelle-Charles. Avec ses congénères, peut-être nous en rappelle-t-elle, paradoxalement, la vraie nature, dont les activistes féministes sont prisonnières comme tout un chacun.

De Cayenne à Bruxelles

7 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'adoption d'un nouveau cadre financier pluriannuel pour l'Union européenne pourrait affecter la Guyane française, « en quête de singularité » vis-à-vis de Bruxelles, selon l'intitulé d'un rapport parlementaire.

Couramment vilipendée en raison du libéralisme censé l'inspirer, l'Union européenne n'en pratique pas moins la redistribution à l'échelle du Vieux-Continent, voire au-delà, dans ses régions ultrapériphériques (RUP), parmi lesquelles figure la Guyane française. Entre 2007 et 2013, plus de 500 millions d'euros de subventions lui auront été attribués par Bruxelles. Une somme investie, entre autres, dans la réfection d'un aérodrome et l'extension du réseau d'eau potable. Toutefois, « malgré les progrès réalisés durant les dernières décennies, la Guyane manque encore de certains équipements structurants », selon les sénateurs PS Georges Patient et Simon Sutour, auteurs d'un rapport d'information déposé le 20 février 2013. D'autant que « la vulnérabilité des infrastructures au climat tropical rend les projets d'investissements particulièrement coûteux et peu rentables ».

Au regard du PIB par habitant (53 % de la "base européenne" en 2009, selon les données d'Eurostat), la Guyane compte, sans surprise, parmi les territoires les moins favorisés de l'Union. De fait, soulignent les rapporteurs, « elle se retrouve en-deçà des performances des autres départements d'outre-mer français (67 % pour la Réunion, 66 % pour la Guadeloupe et 73 % pour la Martinique) et bien loin derrière les autres régions ultrapériphériques que sont les Açores avec 75 % du PIB communautaire, Madère avec 105 % et les Canaries avec 87 % ». De ce point de vue, la situation de la Guyane est comparable à celle des régions de Roumanie, de Bulgarie et de Pologne. Mais ses perspectives de développement sont tout autres.

Un budget en baisse

En effet, « la préfecture de Guyane fait le constat d'un territoire triplement enclavé : une région européenne participant au marché commun, mais handicapée par les surcoûts liés à l'éloignement ; un territoire recouvert à plus de 90 % par la forêt, rendant l'accès aux communes de l'intérieur difficile et les besoins en infrastructures de transport énormes ; l'unique territoire européen sur le continent sud-américain, mais séparé de lui par deux fleuves et sur lequel s'applique une réglementation plus contraignante que celle de ses voisins ». De quoi justifier, aux yeux de Cayenne, la pérennité du soutien communautaire.

En dépit de l'élargissement de l'Union européenne à l'Est, « un financement satisfaisant » avait été maintenu jusqu'à présent, estiment les rapporteurs. À l'avenir, cependant, les régions ultrapériphériques pourraient faire les frais de l'accord survenu lors du dernier Conseil européen, où fut adopté un projet de budget pour les six prochaines années. « Alors que le montant de l'aide spécifique pour les RUP était de 35 euros par habitant et par an lors de l'exercice précédent, celui-ci serait de 30 euros pour la période 2014-2020. Cela représente une diminution de 15 % de cette aide, alors que le budget total de l'Union ne subirait qu'une baisse limitée à 3,5 % », déplorent MM. Patient et Sutour. L'annonce « d'une nouvelle initiative pour lutter contre le chômage des jeunes » ne compenserait qu'en partie cette « déception ».

Multiples aberrations

Cependant, l'ampleur de la manne financière est loin d'être seule en jeu. La Guyane, comme les autres régions ultrapériphériques de l'Union, réclame l'assouplissement des critères auxquels doivent satisfaire ses projets pour être éligibles aux fonds européens. L'un d'entre eux, le Feder, privilégie les investissements portant sur la recherche et l'innovation, la compétitivité des PME, les émissions de CO2, l'accès aux technologies de l'information et de la communication. « Or, comme le rappelle Rodolphe Alexandre, président du Conseil régional de Guyane, comment demander à notre région de prioriser l'utilisation des crédits Feder sur ces quatre thèmes, alors que dans le même temps une proportion non négligeable d'habitants de notre territoire n'a pas encore accès à l'eau et à l'électricité ? » Au final, préviennent les rapporteurs, « la future politique de cohésion pourrait avoir l'effet inverse de ce pour quoi elle a été conçue. Avec un budget en baisse et des objectifs toujours plus éloignés d'une région en rattrapage, le risque est grand de voir diminuer la consommation des crédits et par là-même de voir l'écart entre les régions se creuser toujours plus ! »

Bien d'autres aberrations émanent de la technocratie bruxelloise. « Il est des cas précis et concrets où des aménagements des normes européennes sont nécessaires et parfois vitaux », soulignent les rapporteurs, qui mentionnent quelques exemples. « Comment comprendre l'application sans aménagement d'une politique de gestion des déchets prévue pour des communes européennes sur un territoire aussi particulier que la jungle amazonienne ? », s'interrogent-ils. Dans la Communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG), « la mise en œuvre des directives européennes demanderait un investissement de 27 millions d'euros en infrastructures, mais entraînerait le doublement du budget de fonctionnement. Or, il est impossible de prévoir de nouvelles ressources à la hauteur des dépenses. [...] Certes les investissements seraient en partie financés par l'Union européenne et par l'État, et la CCOG pourrait bénéficier de matériels performants et efficaces, mais elle n'aurait pas les moyens de les gérer ! » Autrement dit, « parce qu'elle refuse de prendre en compte la spécificité d'un territoire unique en son sein, l'Union européenne est prête à dépenser à perte des sommes importantes en investissement pour mette en œuvre une politique qui va conduire une collectivité publique dans l'impasse financière ».

La Marine démunie

Les restrictions d'usage des pesticides affectent la culture du riz, alors que « la pression parasitaire, propre au climat d'une région équatoriale, est beaucoup plus importante qu'en Europe ». Par ailleurs, la Guyane « gère depuis longtemps ses ressources halieutiques selon les normes européennes de conservation et d'exploitation durables, contrairement à ses voisins, le Brésil et le Suriname ». Comme le précise Georges Patient, « alors que les pêcheurs guyanais, en application des règles européennes, emploient des filets à grandes mailles pour préserver les espèces, les pêcheurs brésiliens utilisent des filets avec de petites mailles qui épuisent la ressource ».

Or, poursuivent les rapporteurs, « face à l'épuisement de leurs stocks en raison de la surpêche qu'ils ont pratiquée, les pêcheurs surinamais et surtout brésiliens viennent depuis plusieurs années piller les eaux guyanaises ». À tel point que, selon l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), « la ressource serait davantage exploitée par les navires étrangers [...] que par les embarcations locales ». Pourtant, la Marine nationale ne disposerait que de navires hauturiers inadaptés à la poursuite des embarcations clandestines au faible tirant d'eau... En la matière, cela va sans dire, il n'y a rien à attendre de Bruxelles.

Cacophonie islamophobe

7 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale afin d'interdire « le financement par des États étrangers des cours d'arabe donnés en France ».

Son auteur, Damien Meslot, député UMP de Belfort, déplore que « dans certains quartiers sensibles, des cours d'arabe, financés par des réseaux occultes venant de l'étranger, prodiguent des enseignements dont le contenu véhicule des messages extrémistes ». Lesquels constitueraient, selon lui, « des appels aux troubles de l'ordre public ».

Son argumentation nous apparaît quelque peu bancale. En effet, si ces cours constituaient effectivement « un danger pour la sécurité de notre territoire national », pourquoi faudrait-il les interdire au regard de leur financement, et non de leur nature même ? Quant à la volonté de préserver la France de l'influence étrangère, elle n'est pas manifeste, le texte proposé visant seulement à la protéger des États « non partie à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Autrement dit, Washington et Ryad seraient affectés, mais pas Berlin et Ankara, par exemple.

Aussi cette proposition de loi relève-t-elle, à nos yeux, du pur affichage. De fait, la hantise de l'islam se prête à la démagogie tout autant que son apologie. En outre, si ce texte devait être examiné par l'Assemblée, celle-ci se trouverait confrontée à deux écueils. D'une part, elle devrait s'inquiéter des réactions internationales, et notamment des représailles susceptibles d'entraver la "diplomatie d'influence" mise en œuvre par la France, forte d'un vaste réseau d'enseignement à l'étranger. D'autre part, elle risquerait de museler la liberté d'expression à nos propres dépens. En effet, tandis qu'il fustige l'islamisme. M. Meslot pointe « des messages contraires aux valeurs de la République ». Si bien que les royalistes pourraient être les premiers à faire les frais de sa politique... Prudence !

Mali : l'Europe au pied du mur

21 février 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Moult commentateurs ont pointé l'inconséquence de l'Europe dans le dossier malien. Peut-être sont-ils coupables d'avoir placé en elle trop d'espoirs.

Dans l'affaire malienne, « l'Europe a été nulle », selon les déclarations d'Alain Juppé au micro d'Europe 1. Fidèle à son tropisme néo-gaullien, l'ancien Premier ministre continue manifestement de projeter ses rêves de grandeur à l'échelle du Vieux-Continent. Peut-être serait-il temps de l'admettre : l'"Europe puissance" n'est rien d 'autre qu'un fantasme hexagonal. Au moins Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, semble-t-il l'avoir compris : « Quand l'Europe de la Défense aura la capacité d'intervenir immédiatement, ce sera dans cent cinquante ans ! », a-t-il déclaré à La Voix du Nord. « Le président du Mali nous a appelé à l'aide le 10 », a-t-il précisé. « La décision d'intervenir a été prise par le président le 11 à 12 h 30, j'y étais. Et nos forces ont commencé à arriver à 17 heures. Que vouliez-vous faire ? Consulter les Vingt-Sept ? [...] La vérité, c'est que nous avons la réactivité militaire et le pouvoir de décision. » La capacité "d'entrer en premier" est d'ailleurs une spécificité de l'armée française, qui profite du primat accordé à l'exécutif, habilité à placer le Parlement devant le fait accompli... Preuve que la nature des institutions s'avère toujours décisive : « politique d'abord », disait Maurras !

Heureuse solitude de la France

Apte à réagir dans l'urgence, la France doit toutefois s'accommoder d'une relative solitude dans l'action. L'opposition n'a pas manqué de s'en inquiéter, par la voix de Jean-François Copé, non sans quelque légèreté. En effet, « pour la guerre, être seul est parfois plus efficace », comme le souligne le géopolitologue Olivier Kempf, animateur du blog Egea. « C'est d'ailleurs ce qu'ont beaucoup ressenti les Américains lors de la guerre d'Afghanistan, lorsqu'ils voyaient tout un tas d'alliés européens se défiler dans des zones peu dangereuses. » La France vient de le vérifier à ses dépens. Les Pays-Bas ont certes mis un avion ravitailleur à sa disposition, mais en en restreignant l'emploi, de telle sorte qu'il lui était interdit d'atterrir à Bamako. Quant au C-17 britannique qui s'est posé à Évreux, son équipage a d'abord refusé d'embarquer les rations des soldats, au motif qu'elles comprenaient des allumettes : dans la Royal Air Force, en effet, « on ne mélange pas munitions et dispositif d'allumage dans le même appareil », explique notre confrère Nicolas Gros-Verheyde. « Il a fallu quelques heures de patience et un coup de fil entre les deux chefs d'état-major pour régler la question », a-t-il rapporté sur le blog Bruxelles 2.

À ses yeux, cependant, « sans l'apport précieux et coûteux des alliés, c'est bien simple, l'opération Serval n'aurait pas duré plus de soixante-douze heures ». Selon ses estimations, ce soutien aurait représenté 60 à 100 millions d'euros au cours du premier mois d'intervention. « Soit tout autant que l'engagement français annoncé par le ministre Jean-Yves Le Drian (70 millions d'euros). » Cela étant, cette aide n'émane pas de l'Union européenne en tant que telle. D'ailleurs, parmi les alliés engagés derrière la France figurent le Royaume-Uni et le Danemark, dont Olivier Kempf rappelle qu'ils sont « les plus hostiles à tous nos baratins sur l'Europe de la Défense ».

Mission formation

L'opération Serval en sanctionnerait-elle alors l'échec ? « Pour moi, l'Europe de la Défense, c'est la mise en commun de certains moyens de défense, c'est l'industrie de défense, un certain nombre d'actions communes », plaide Jean-Yves Le Drian, qui cite en exemple l'opération Atalante, luttant contre la piraterie dans l'océan Indien. « L'Europe de la Défense, ce n'est pas l'Europe militaire », explique-t-il encore. Le cas échéant, peut-être pourra-t-elle contribuer à la reconstruction de l'État malien et plus particulièrement de ses forces armées. D'autant qu'en la matière, l'Europe peut légitimement revendiquer une certaine compétence, illustrée notamment par le précédent somalien. Laborieusement, l'Union européenne prépare donc une mission de formation à cet effet. D'ores et déjà connue sous le nom EUTM Mali, elle sera placée sous le commandement d'un officier français, le général Lecointre. « C'est, en fait, le logiciel de l'armée malienne que nous voulons reconstruire », a-t-il confié à Nicolas Gros-Verheyde. Par conséquent, a-t-il prévenu « il faut [...] considérer les choses sur le temps long, au moins le temps moyen, et non sur le court terme ».

Défi américain

Reste un autre défi qui se présente à l'Europe : celui d'une moindre protection américaine. Comparant l'intervention au Mali à celle survenue en Libye deux ans plus tôt, le politologue Zaki Laïdi relève un élément nouveau, Washington ayant envisagé « de faire littéralement payer à la France la location d'avions de transport de troupes ». « C'est un fait tout à fait inédit dans l'histoire des relations transatlantiques », souligne-t-il sur Telos. « Car même si en définitive cette option a été écartée, elle révèle à la fois l'érosion du soutien américain et la détermination de Washington à envoyer des signaux de non-assistance à Européens en danger. » Ceux-ci sauront-ils en tirer les conséquences ?

Université et langue française sous le vent de la mondialisation

21 février 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand les parlementaires se penchent sur l'ouverture des universités aux étudiants étrangers ou jugent menacée la pérennité de la langue de Molière.

Les universités françaises manqueraient-elles d'attrait aux yeux des étudiants étrangers ? Telle est, en tout cas, la conviction de Mme Dominique Gillot, sénateur PS du Val-d'Oise, auteur d'une proposition de loi censée remédier à cette situation. En dix ans, le nombre d'étudiants étrangers recensés en France aurait pourtant bondi de 40 %, atteignant deux cent trente-mille en 2010-2011. Cependant, « notre pays reste [...] en retard », déplore Mme Gillot. Devancée désormais par l'Australie, la France aurait été reléguée au quatrième rang de la compétition mondiale qui se jouerait en la matière.

Incohérences

« Notre politique [...] a été entachée d'incohérences », martèle le sénateur, qui pointe « une forte hésitation entre la volonté d'accueillir les meilleurs éléments et l'obsession du "risque migratoire" ». Tandis que ces jeunes gens seraient appelés à devenir « nos meilleurs ambassadeurs », il ne serait « ni dans l'intérêt des pays d'origine, ni dans le nôtre » de les renvoyer chez eux dès la fin de leurs études. Au contraire, plaide Mme Gillot, « c'est après au moins une première expérience professionnelle que ces diplômés pourront, à leur retour chez eux ou à l'international, mettre à profit les compétences acquises en France et en faire la promotion ».

En conséquence, elle propose que leur soient attribués des titres de séjour pluriannuels, dont la durée dépendrait de la formation suivie. Cela afin de « limiter les démarches administratives, souvent vexatoires, qui épuisent et précarisent les étudiants étrangers tout en encombrant inutilement les services préfectoraux ». Selon Mme Gillot, il conviendrait également de porter de six à douze mois l'autorisation provisoire de séjour, période pendant laquelle un étranger peut chercher un premier emploi après l'obtention de son diplôme. En outre, « pour éviter le choix souvent cornélien [...] entre le retour dans le pays d'origine ou une installation quasi-définitive dans notre pays », un « droit illimité au séjour en France » pourrait bénéficier aux titulaires d'un doctorat obtenu en France. Une mesure censée contribuer au développement d'une « coopération économique continue, enrichissante, sans pillage des cerveaux des pays émergents ». Reste à convaincre nos compatriotes, aux yeux desquels il y aurait déjà « trop d'étrangers en France »...

Anglais ou français au choix ?

Par ailleurs, Mme Gillot propose d'introduire une dérogation au code de l'éducation, lequel oblige à dispenser des cours en français. Déjà « contournée par de nombreux établissements », cette disposition constituerait « un obstacle au recrutement d'étudiants étrangers de qualité ». Toutefois, reconnaît le sénateur, on ne saurait s'en affranchir sans s'exposer aux foudres du Conseil constitutionnel. C'est pourquoi, au sein d'un même établissement, les étudiants devraient pouvoir « suivre les mêmes cursus en français et en langue étrangère ». Au risque qu'y soit instituée une certaine ségrégation ?

Quoi qu'il en soit, un tel projet devrait conforter dans sa démarche Jean-Jacques Candelier, député PC du Nord, auteur d'une proposition de résolution « tendant à la création d'une commission d'enquête sur les dérives linguistiques ». « Dans la publicité, les enseignes commerciales, la communication [...] des grandes entreprises et, désormais, dans l'enseignement secondaire et universitaire, on peut redouter que la langue de Molière disparaisse à brève échéance », prévient M. Candelier. Selon lui, « il y a urgence ». D'autant que « la dilapidation de la langue française se couple [...] avec la sape de l'héritage progressiste universel de notre pays, le démantèlement des acquis sociaux et des services publics, la destruction de l'indépendance nationale, avec l'adoption du traité de Lisbonne [...] et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), le sacrifice de la défense nationale dans l'Otan, la violation de la laïcité et la substitution de l'euro-régionalisation du territoire à la République une, laïque et indivisible issue de la Révolution ».

Ce discours n'est pas sans rappeler celui de l'ambassadeur Albert Salon... « L'internationalisme des travailleurs ne s'oppose pas au patriotisme populaire », soutient Jean-Jacques Candelier. Au contraire, « parce qu'il n'aspire qu'au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » (que nous contestons toutefois pour notre part), le « patriotisme populaire » s'opposerait, entre autres, « au cosmopolitisme capitaliste » ainsi qu'au « supranationalisme impérialiste ». Pour les pourfendeurs de la mondialisation, l'heure serait-elle à l'union sacrée ?

La confusion des genres

7 février 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis qu'il esquisse des « orientations stratégiques pour les recherches sur le genre », le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche cultive la confusion, confondant quête du savoir et prosélytisme éhonté.

Les "études de genre" ont acquis une notoriété inédite à la faveur de leur immixtion, sinon dans la lettre des programmes scolaires, du moins dans les manuels de sciences de la vie et de la terre (SVT) de première. La faute aux éditeurs trop zélés ? Peut-être faut-il y voir, également, l'influence des milieux universitaires, où l'intérêt pour les gender studies va croissant : tandis que sept revues leur seraient entièrement consacrées, elles auraient mobilisé, ces dernières années, plus ou moins assidument, près de deux mille chercheurs. Des « orientations stratégiques » devraient leur être assignées, clame le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui vient de publier un rapport en ce sens, coordonné par Alban Jacquemart, Agnès Netter et Françoise Thibault.

Genre et sexe

« Le genre est d'abord un concept, initialement issu des sciences médicales et de la grammaire française puis repris par les sciences sociales », rappellent-ils. Un concept censé aider « à mettre au jour, en les questionnant, les rapports sociaux entre hommes et femmes ». Le psychiatre Robert Stoller aurait été le premier à l'utiliser, dans les années soixante, pour « distinguer la conformation sexuelle des individus (le sexe) de l'identité sexuée, psychologiquement et socialement construite (le genre) ». Outre l'anthropologie, la psychologie, la littérature et les langues, le "genre" affecterait plus particulièrement la sociologie et l'histoire, disciplines où il serait majoritairement enseigné. Aux dires des rapporteurs, par exemple, la compréhension du fait colonial s'en serait trouvée revisitée.

Une priorité du CNRS

Le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) se serait saisi des ces recherches dans les années quatre-vingt. En son sein, l'Institut des sciences humaines et sociales (INSHS) les a depuis érigées au rang de priorité, permettant le recrutement de sept chargés de recherche. Toujours sous la houlette du CNRS a été créé, l'année dernière, l'Institut du genre, un "groupement d'intérêt scientifique" réunissant trente-cinq universités et autres institutions. Parallèlement, l'Institut d'études politiques de Paris, ainsi que l'université Paris VII, ont décidé de familiariser leurs étudiants avec les gender studies. Aux yeux des rapporteurs, cependant, cela reste insuffisant. Ainsi conviendrait-il, selon eux, d'« inciter les universités à construire des licences qui comportent aux moins deux modules obligatoires sur le genre ». Mais aussi d'y confronter tous les enseignants au cours de leur formation. Voire un plus large public, à l'intention duquel pourrait être créée une « université populaire ». D'autres propositions sont formulées « afin de lutter contre [des] inégalités persistantes » et « de faire évoluer les établissements supérieurs et de recherche vers la parité », ceux-ci devant « prendre conscience de l'existence des stéréotypes de genre qui biaisent l'évaluation ». Si, contrairement à d'autres, les rapporteurs ne demandent pas que soit rebaptisée l'école maternelle, ils appellent néanmoins à « généraliser l'usage d'une langue non sexiste » - ce à quoi ils s'emploient en bannissant le "masculin générique" : sous leur plume, ce sont des chercheur-e-s qui se sont exprimé-e-s !

Mouvement LGBT

Parmi eux, relèvent-ils, « plusieurs [...] sont, par exemple, membres de l'Observatoire de la parité et permettent que les politiques publiques se nourrissent des savoirs académiques ». Autant dire qu'ils versent volontiers dans un certain prosélytisme. En cela, ils s'inscrivent d'ailleurs dans un tradition historique. Les recherches portant plus particulièrement sur « les sexualités et les identités de sexe [...] en partie initiées par le mouvement LGBT (qui regroupe des militant-e-s lesbiennes, gays, bisexuel-le-s et transgenres), ont été particulièrement importantes dans l'élaboration même du concept de genre », soulignent les rapporteurs. C'est dire combien le militantisme interfère, depuis l'origine, dans les études de genre. Comment s'étonner, dans ces conditions, que « la recherche sur le genre peine à trouver, dans l'organisation scientifique actuelle, la reconnaissance » que revendiquent ses promoteurs ?