14 décembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Critiqué, avant même sa sortie, par les partisans les plus virulents de Donald Trump, Rogue One – A Star Wars Story semble inspiré par les études de genre et l'apologie de la "diversité".
Alors que Dark Vador vient de faire son retour au cinéma, son ombre plane sur la vie politique américaine. Son nom se trouve régulièrement associé à celui de Donald Trump. Un conseiller du président élu, Steve Bannon, s'est lui-même placé sous son patronage, selon des propos, au demeurant confus, rapportés par le Hollywood Reporter (18 novembre 2016). Cela n'a pas échappé à Christopher Suprundec, grand électeur républicain, qui s'en est offusqué dans le New York Times (5 décembre), tout en annonçant qu'en dépit des usages, il n'accorderait pas sa voix à Donald Trump. C'était quelques jours avant la sortie de Rogue One, le nouveau Star Wars, ce mercredi 14 décembre 2016 en France. « Je n'emmènerai pas mes enfants le voir pour célébrer le mal, mais pour leur montrer que la lumière peut en triompher
», a-t-il expliqué. Chris Weitz, coscénariste du film, s'est risqué lui aussi à galvaniser la résistance au trublion républicain. Sur Twitter, le 11 novembre, détournant le logo de l'Alliance rebelle, il lui a associé le slogan suivant : « La Guerre des étoiles contre la haine
». À ses yeux, « l'Empire est une organisation de suprématistes blancs ». À laquelle s'oppose, selon son collègue Gary Whitta, « un groupe multiculturel mené par une femme courageuse
» – les héros de Rogue One. Les partisans les plus virulents de Donald Trump, affiliés au mouvement Alt-Right, ne s'y sont pas trompés : ils appellent au boycott du film. Aussi Bob Iger, P-DG de la Walt Disney Company, propriétaire de Lucasfilm, a-t-il tenté d'éteindre l'incendie : « en aucune façon, il ne s'agit d'un film politique
», a-t-il déclaré à nos confrères du Hollywood Reporter (12 décembre).
Revendications féministes
Kathleen Kennedy, productrice, présidente de Lucasfilm, n'en revendique pas moins un certain engagement. Tout particulièrement vis-à-vis des femmes : « j'espère que nous avons une influence sur la façon dont elles sont vues tant dans les divertissements que dans l'industrie hollywoodienne
», a-t-elle déclaré, comme le rapporte 20 Minutes (5 décembre). Les études de genre semblent avoir influencé l'écriture du rôle principal de Rogue One. Celui-ci n'aurait pas été conçu pour un homme ou pour une femme, au dire du réalisateur, Gareth Edwards ; « Jyn est une personne qui se trouve être une fille
», a-t-il expliqué dans un entretien à Vulture (9 décembre). Échafaudant les théories les plus fantaisistes, certains fans s'imaginent d'ailleurs que Rey, l'héroïne du Réveil de la Force (un autre épisode de la saga), serait la réincarnation d'Anakin Skywalker… Quoi qu'il en soit, comme l'explique l'actrice Felicity Jones, il n'était pas question de « sexualiser
» le personnage qu'elle incarne. Autrement dit, le bikini de la princesse Leia reste au placard. « On ne voit même pas les bras de Jyn
», a-t-elle souligné dans un entretien à Glamour (29 novembre). Faisant la promotion du film, elle n'en a pas moins mis en scène sa féminité sur un plateau de télévision, retirant ses chaussures à talons hauts tandis qu'elle mimait un combat l'opposant à l'animateur Jimmy Fallon (The Tonight Show, NBC, 30 novembre).
Bons sentiments intéressés
Son personnage est le chef de file d'une équipe bigarrée. Diego Luna, un Mexicain, interprète du capitaine Cassian Andor, y voit « un beau message pour le monde dans lequel nous vivons
», comme le rapporte Polygon (2 décembre). « La diversité nous enrichit et nous rend plus forts
», a-t-il expliqué à The Wrap (5 décembre). Ce discours convenu, plein de bons sentiments, n'exclut par quelque considération plus terre-à-terre. « Nous vivons dans un monde de cinéma globalisé
», a souligné Donnie Yen, un Chinois, interprète de Chirrut Îmwe, dans un entretien à Première (12 décembre). Dans les bandes-annonces destinées à l'Empire du Milieu, son personnage est d'ailleurs plus particulièrement mis en avant. Évoquant sur Écran large (12 décembre) « le "multicultularisme" du casting
», Jacques-Henry Poucave soutient qu'il est « bien plus motivé par la nécessité pour le film de cartonner partout dans le monde que par la volonté d'attaquer les pauvres petits caucasiens
». Comme l'écrivait Charles Maurras, dans un tout autre contexte, « les idées
[…] sont toujours le masque des intérêts
» (L'Action Française, 8 novembre 1937).
Publié dans Culture, Féminisme & Genre, Société, Star Wars | Pas de commentaires
7 décembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Quelques citations de Charles Maurras, apôtre de la Realpolitik.
La justice internationale s'incarne aujourd'hui dans l'Organisation des Nations unies, la Cour pénale internationale, la Cour européenne des droits de l'homme… Autant d'institutions s'inscrivant à bien des égards dans la continuité de la Société des nations (SDN), établie en 1920 en application du traité de Versailles.
La SDN vue par l'AF
Sa création fut accueillie avec circonspection par l'Action française. « Nous n'avons jamais rien auguré d'excellent de la Société des nations
», rappelait Charles Maurras dans L'Action Française du 12 décembre 1937. « Elle pouvait avoir, néanmoins, certains avantages
», concédait-il. De son point de vue, « la Société des nations avait un sens tant qu'elle exprimait l'assemblée des nations victorieuses
» de la Grande Guerre. Or l'Allemagne y fut admise en 1926, au grand dam du Martégal : « du moment que l'assassin venait trôner au milieu de ses juges
», déplorait-il, « sa volonté de ne rien expier et d'échapper à toute vindicte, s'étalait, s'affichait en long et en large, et littéralement s'imposait
».
Les intérêts gouvernent
De fait la SDN, s'avérait bien impuissante à faire régner sa loi : dans L'Action Française du 19 avril 1935, Charles Maurras parlait d'« un fouet tout théorique, idéal et moral
» administré aux Allemands. Lesquels s'en plaignaient certes, mais sans vraiment en souffrir selon lui. Il se méfiait de l'invocation de la morale, du droit et plus généralement des idées sur la scène internationale : « les idées y sont toujours le masque des intérêts
», écrivait-il dans L'AF du 8 novembre 1937. « La politique étrangère est réglée par de grands intérêts, souvent d'ailleurs assez mobiles ou variables
», expliquait-il encore dans dans le numéro du 20 juillet 1943.
En pratique, de toute façon, le droit international ne s'applique que si les rapports de force lui laissent le champ libre. Les Philippines viennent d'en faire l'expérience l'été dernier, à l'occasion d'un différend territorial les opposant à la Chine : bien qu'un tribunal international ait tranché en faveur de Manille, Pékin n'en a cure.
Publié dans Action française, Histoire | Pas de commentaires
2 novembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Considérations sur l'extraterritorialité de la législation américaine.
Le nouveau locataire de la Maison-Blanche sera désigné mardi prochain, 8 novembre 2016. Quelle que soit l'issue de cette élection, le Vieux-Continent continuera-t-il de subir la volonté de Washington ? Il apparaît « nécessaire de faire valoir auprès des États-Unis que certaines pratiques sont devenues abusives et que la France ne les acceptera plus
», martèle une mission parlementaire présidée par Pierre Lellouche.
Américain par accident
En cause : « l'extraterritorialité de la législation américaine
». BNP-Paribas en a fait les frais voilà deux ans, pour avoir violé des embargos financiers décrétés outre-Atlantique contre Cuba, l'Iran ou le Soudan. Alors qu'Alstom était poursuivi pour corruption, peut-être cette procédure a-t-elle contribué au rachat de sa branche énergie par General Electric. Quant aux Français nés aux États-Unis, américains par accident, l'oncle Sam leur fait les poches ; afin d'échapper à un impôt ubuesque, ils peuvent certes renoncer à la nationalité américaine, mais encore faut-il y mettre le prix : « potentiellement 15 000, voire 20 000 euros
», selon Karine Berger, rapporteur.
La fronde du Congrès
Ces exemples sont-ils la traduction d'un impérialisme délibéré ? Comme l'observent les députés, « les États-Unis ont une "politique juridique extérieure", ce qui n'est sans doute pas le cas de la plupart des autres États
». Ils n'en sont pas moins fragilisés par leurs faiblesses institutionnelles : ainsi que le rapporte la mission d'information, « l'un des meilleurs moyens pour le Congrès de bloquer la politique étrangère de l'exécutif
[...] est d'adopter des lois qui, par leur portée extraterritoriale, sont de nature à empêcher cette politique d'atteindre ses objectifs
» – comme avec l'accord de juillet 2015 sur le nucléaire iranien. Au printemps dernier, Jack Lew, secrétaire au Trésor, s'est lui-même inquiété de ces dérives : « toutes les critiques habituelles en Europe sont présentes dans la bouche du ministre américain
», soulignent les parlementaires : « les risques diplomatiques et économiques, l'agacement qui touche même les proches alliés, le risque de remise en cause du rôle du dollar
».
Les autorités américaines « sont prêtes à la coopération internationale si leurs interlocuteurs répriment efficacement et sévèrement la corruption
», croient savoir les députés. Il est vrai que « d'après les statistiques de l'OCDE sur la répression de la corruption transnationale, la justice américaine est indéniablement beaucoup plus "activiste" que celles de la plupart des pays européens
». La France semble décidée à changer la donne, comme en témoigne le projet de loi « relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
». Il est question, notamment, d'introduire en droit français un mécanisme de transaction pénale. D'ores et déjà, la collaboration transatlantique se trouve facilitée par le parquet national financier, créé en 2014. Mais quand elles répondent aux sollicitations de la justice américaine, les entreprises françaises sont censées le faire sous le contrôle des autorités nationales, en application de la loi du 26 juillet 1968 (dite « loi de blocage
»).
Culture du renseignement
De toute façon, « la mission considère que la seule coopération ne permettra pas de résoudre les problèmes apparus depuis quelques années
». Autrement dit, « un rapport de force doit être instauré
». Ses membres jugent « nécessaire que notre pays dispose en matière de renseignement économique d'outils permettant, sinon d'être "à armes égales" avec les services américains
[...], du moins d'être plus crédibl
e ». Or, rapporté au PIB, l'effort de renseignement français serait sept fois moindre que l'effort américain. « Au-delà même de la question de la très grande disparité des moyens
[...], les travaux de la mission ont mis en lumière une différence de culture considérable, pour le moment, entre les États-Unis et notre pays
», concluent les parlementaires. Il pourrait même « falloir dix ou quinze ans pour parvenir en France au même degré de collaboration et de partage de l'information économique entre services (notamment de renseignement et des grandes administrations économiques et financières) qu'aux États-Unis
». Vaste chantier en perspective.
Publié dans Droit, International, Monde | Pas de commentaires
2 novembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Demain, les voitures seront autonomes, pilotées par des algorithmes et leur intelligence artificielle. Cette perspective soulève bien des questions.
Dans les embouteillages ou sur autoroute, le conducteur d'une voiture à la pointe de la technologie (ou du marketing...) peut désormais lâcher le volant. Mais c'est de façon plus discrète, sinon sournoise, que des algorithmes prennent d'ores et déjà les commandes. Comme à bord de la BMW 330e iPerformance, une berline équipée d'un moteur hybride : « la voiture gère
[...] la réponse des deux moteurs en fonction du trafic et du profil de la route
», rapporte notre confrère Romain Heuillard ; « elle utilisera ainsi le moteur électrique en montée avant une descente dans laquelle elle pourra profiter de la récupération d'énergie
», explique-t-il sur Clubic (25 mars 2016).
Objectif 2025
Ce n'est qu'un début. « La révolution va venir par étapes
», annonce Carlos Ghosn, président de Renault, dans un entretien au Figaro (6 octobre). « Concernant la voiture sans chauffeur
», précise-t-il, « elle n'arrivera probablement pas avant 2025
». De toute façon, souligne-t-il, « pour que le régulateur franchisse le pas et autorise ces véhicules, il faudra que toutes les conditions soient réunies, notamment en matière de responsabilité
». C'est un défi lancé aux juristes. Voire aux philosophes : en cas d'accident jugé inéluctable, qui faudra-t-il protéger en priorité ? « Clarifier ces questions de droit et d'éthique à long terme demandera un grand débat international
», prévient Mercedes, dans un communiqué cité par Numerama (18 octobre) ; selon la marque à l'Étoile, ce serait « le seul moyen de parvenir à un consensus global et de promouvoir l'acceptation des résultats
».
Les constructeurs automobiles travaillent donc à concrétiser la promesse de la voiture autonome. Tout comme les spécialistes du numérique. Ceux-ci finiront-ils par supplanter ceux-là dans le contrôle de leur propre industrie ? Dans l'immédiat, Apple ayant renoncé à construire sa propre voiture, les uns et les autres semblent enclins à poursuivre leurs recherches main dans la main : Renault et Nissan ont annoncé en septembre dernier un partenariat avec Microsoft sur la voiture connectée, prélude à la voiture autonome ; quant à Fiat et Chrysler, par exemple, ils collaborent timidement avec Google. L'économie hexagonale tirera-t-elle quelque bénéfice ce cette révolution ? Nos confrères d'Industrie et Technologies ont recensé par moins de « vingt technologies made in France qui permettent de lâcher le volant
».
Faire comme un homme
Beaucoup d'investissements ont été consacrés au développement des capteurs. Mais « la conduite requiert des capacités cognitives
[...] de haut niveau, exigeant en outre un apprentissage
», comme l'explique Denis Gingras, professeur à l'université de Sherbrooke au Québec, cité par le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA, 4 octobre). « Aujourd'hui, les algorithmes vérifient qu'ils ne rencontrent pas d'obstacles prédéfinis : pas de piéton, pas de camion, pas de moto, pas de mur, etc.
», souligne Jen-Hsun Huang, directeur général de Nvidia, cité par L'Usine digitale (28 septembre) ; « mais quand on conduit
», poursuit-il, « on n'énumère pas de liste de ce genre, on voit juste que la route est libre
». Voilà précisément ce à quoi devront parvenir les intelligences artificielles.
Celles-ci éviteront probablement des accidents aux automobilistes. Mais peut-être les placeront-elles également sous surveillance. Ainsi Tesla a-t-il annoncé que ses voitures autonomes seraient soumises à des conditions d'utilisation : « pas question pour les taxis d'imaginer revendre leur licence pour devenir propriétaire d'une voiture autonome lucrative, qui irait chercher et déposer toute seule les clients
», résume Guillaume Champeau sur Numerama (21 octobre). Ce faisant, le constructeur de Palo Alto entend privilégier sa propre plate-forme de covoiturage, faisant concurrence à Uber. Ses clients seront-ils prêts à le tolérer ? C'est possible : parmi les acheteurs de livres numériques, par exemple, beaucoup demeurent fidèles à Amazon en dépit des contraintes que celui-ci leur impose. Quoi qu'il en soit, « le véhicule autonome va bouleverser l'industrie automobile dans son business model
», prévient François Jaumain, associé spécialiste des transports chez PWC, cité par le CCFA (27 octobre) ; « le volume des ventes comme indicateur de performance va laisser sa place, peu à peu, aux kilomètres parcourus
», annonce-t-il notamment.
Libérer le code source
Peut-être une garantie de transparence dissiperait-elle un certain nombre d'inquiétudes suscitées par l'émergence de la voiture autonome. Dans l'idéal, les intelligences artificielles appelées à la piloter ne devraient-elles pas constituer un "bien commun" ? Au moins devront-elles s'accorder sur un langage commun : conscients de cette nécessiter, Ford et Jaguar-Land Rover travaillent déjà à faire communiquer leurs véhicules. Udacity, une entreprise californienne, cultive une tout autre ambition : voilà qu'après avoir développé un logiciel de conduite autonome, elle va le diffuser en "open source", comme le rapporte Industrie et Technologies (27 octobre). Un exemple à suivre !
Publié dans Automobile, Économie et Industrie, Société, Technologie | Pas de commentaires
19 octobre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Faciliter l'accès à la contraception et à l'avortement dans le monde :
tel est l'objectif de la France, qui a présenté une stratégie à cet effet.
L'action extérieure de la France « sur les enjeux de population,
de droits et santé sexuels et reproductifs
» fait l'objet d'une
« stratégie
» pour 2016-2020 qui vient d'être présentée
le 4 octobre 2016. « Aujourd'hui encore
», déplorent
Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères et du Développement
international, et André Vallini, secrétaire d'État chargé du Développement
et de la Francophonie, « plus de trois cent mille femmes dans le
monde meurent chaque année de complications liées à la grossesse ou à
l'accouchement
» ; ce serait même la première cause de
mortalité des adolescentes en Afrique. « Il ne s'agit pas
seulement de donner accès à des services de planification familiale ou à
des produits contraceptifs
», expliquent-ils, « mais de
soutenir des politiques de développement fondées sur les droits
individuels, à travers l'amélioration de la législation et des
politiques familiales et l'évolution des normes sociales
».
Priorité donnée à l'Afrique
Huit pays retiennent plus particulièrement l'attention du Quai
d'Orsay : Bénin, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal, Tchad
et Togo. En 2014, dans un cadre bilatéral, 55 millions d'euros ont
été consacrés à la « santé sexuelle et reproductive
».
Les sommes transitant via des canaux multilatéraux sont plus
importantes : 330 millions d'euros cette année-là. Le ministère
des Affaires étrangères (MAE) rapporte, par exemple, que « la
France finance des projets au Cameroun, au Sénégal et au Togo qui visent
à lutter contre les violences liées au genre en milieu scolaire
» ;
« ces projets contribuent au déploiement d'environnements
scolaires sûrs, inclusifs et propices à l'égalité entre les filles et
les garçons
», se félicite-t-il, sans autre précision.
Long d'une trentaine de pages, son « rapport de stratégie
»
s'avère tout aussi indigent quant à l'exposé des motifs susceptibles de
légitimer pareille politique. S'agit-il de promouvoir des valeurs ?
Le Gouvernement hésite à l'assumer, récusant toute volonté d'« ingérence
» ;
« garantir des droits sexuels et reproductifs
[...] c'est
sauver des vies
», se justifie-t-il. S'agit-il plutôt de
contribuer au développement de l'Afrique ? « La pression
démographique qui pèse sur les secteurs sociaux (éducation, emploi,
santé) et sur la gestion du foncier (géographie et dynamique du marché
agricole) est un facteur d'instabilité (conflits sociaux, migrations
internes, insécurité alimentaire) et fragilise la gouvernance des États
»,
souligne effectivement le MAE.
Enjeux démographiques
« La croissance démographique
[...] est bien sûr une
promesse pour l'avenir, mais aussi un facteur de risque pour la
stabilité du continent où la prévalence des grossesses adolescentes est
la plus importante du monde
», expliquent encore Jean-Marc
Ayrault et André Vallini. Cela étant, « plus aucune politique de
population ne peut freiner ce qui se passe en Afrique
»,
prévient Dominique Kerouedan, docteur en médecine, titulaire de la chaire
"Savoirs contre pauvreté" du Collège de France en 2012-2013. De son point
de vue, « l'enjeu est plutôt de se préparer et accompagner les
pays à assimiler le passage de un à deux milliards d'habitants sur le
continent, dont une immense partie est composée de jeunes
».
Bien qu'il prétende le contraire, le Gouvernement « n'a jamais eu
aucune action sérieuse ni financement conséquent sur ces sujets
»,
nous a-t-elle affirmé. En définitive, peut-être ce semblant de stratégie
contribuera-t-il surtout à rassembler le Gouvernement, sa majorité et ses
électeurs dans un combat qui leur est cher...
Publié dans Féminisme & Genre, International, Monde | Pas de commentaires
6 octobre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Femme au volant, mort au tournant ? Une délégation du Sénat
s'attaque à ce cliché.
Le Mondial de l'automobile de Paris a ouvert ses portes au public samedi
dernier, 1er octobre 2016. Sans Alpine ni Mazda, Volvo ou Ford. Mais
toujours en présence de jolies hôtesses. Jean-Claude Girot, commissaire
général du salon, l'a pourtant assuré : « s'il est vrai qu'il
y a quelques années, il n'y avait que des femmes qui
[...] étaient
là essentiellement pour la représentation, aujourd'hui ce n'est le plus
cas
». Du moins a-t-il tenté d'en convaincre la délégation aux
droits des femmes du Sénat.
Statistiques à l'appui
Celle-ci s'est penchée sur l'automobile, y voyant « un enjeu de
lutte contre la précarité, d'orientation professionnelle et de
déconstruction des stéréotypes
», selon
l'intitulé du rapport présenté par Chantal Jouanno (UDI-UC) et
Christiane Hummel (LR). « Les clichés sexistes associés à
l'inaptitude des femmes en matière de conduite sont largement démentis
par les statistiques
», soulignent-elles. Mais la hantise des
discriminations interdit désormais aux assureurs d'en tirer quelque
conséquence tarifaire. « La délégation regrette cette évolution
qui a pénalisé les jeunes conductrices
» ; mais peut-être
y contribue-t-elle elle-même...
Constatant la moindre réussite des femmes à l'épreuve pratique du permis
de conduire, Chantal Jouanno et Christiane Hummel l'expliquent par « la
déstabilisation des jeunes candidates que pourrait entraîner le sexisme
»
et par « l'impact de l'intériorisation des stéréotypes
».
Aussi moniteurs et inspecteurs devraient-ils être formés à les
déconstruire, tandis que « des équipes paritaires d'enseignants
»
devraient voir le jour. Curieusement, aucune mention n'est faite de
l'initiative prise à Villefranche-sur-Saône, où les responsables d'une
auto-école s'étaient vantés, l'été dernier, de contrevenir aux canons de
la mixité...
Aujourd'hui, les trois quarts des femmes ont leur permis en poche, mais
cela n'a pas toujours été le cas. Les rapporteurs ne manquent pas de le
rappeler : « en 1967, les femmes ne sont encore que 22 % à
conduire, soit trois fois moins que les hommes
» ; « il
faut attendre 1981 pour qu'une femme sur deux détienne le permis de
conduire, et 2007 pour que cela soit le cas de près de 75 % d'entre
elles
». Sans surprise, la délégation du Sénat met en cause
« la crainte des hommes de voir les femmes s'émanciper et échapper
à la sphère privée par le biais de l'automobile, qui symbolise à ses
débuts le désir de vitesse, de réduction des espaces et la connaissance
de nouveaux horizons
». Une crainte qui prit parfois
l'apparence d'une bienveillance suspecte.
Relecture de l'Histoire
Dans cette perspective, l'Histoire apparaît d'autant plus perverse que
l'accès à la conduite ne fut concédé aux femmes que pour les maintenir
asservies : « les trajets des femmes sont plus courts, plus
segmentés et plus fréquents » ; « le travail domestique y
joue un rôle prépondérant
», déplorent Chantal Jouanno et
Christiane Hummel. Celles-ci relèvent qu'« une polémique durable a
eu lieu sur le genre du substantif "automobile" : masculin entre
1905 et 1920, et féminin seulement après 1920 sur prescription de
l'Académie française
». Elles y voient un « élément
révélateur de la volonté d'exclure les femmes du monde automobile
».
La relecture de l'historie via le prisme de la "guerre des sexes" se prête
manifestement aux interprétations les plus hardies.
NB – En illustration, une publicité comme on n'en fait
plus !
Publié dans Automobile, Féminisme & Genre | Pas de commentaires
14 septembre 2016
Soucieux de "franciser" l'islam, le Gouvernement va créer une nouvelle
fondation. Cette expérience sera-t-elle plus fructueuse que les
précédentes ?
La France « s'enorgueillit que l'islam soit la deuxième religion
du pays
». Du moins le Premier ministre, Manuel Valls, l'a-t-il
prétendu dans
les colonnes du Huffington Post (5 septembre
2016). Cette religion n'en demeure pas moins étrangère à la nation aux
yeux des pouvoirs publics : dans
un entretien à La Croix (28 août 2016),
Bernard Cazeneuve n'a-t-il pas exprimé sa volonté de « réussir la
construction d'un islam de France
» ? Cela « dans le
respect des valeurs de la République
», ce qui rend la tâche
d'autant plus ardue... « C'est une cause nationale
», martèle
Jean-Pierre Chevènement. C'est à lui qu'il appartiendra de présider
la Fondation pour l'islam de France, créée à cet effet.
Un aveuglement sidérant
À l'automne 1999, alors qu'il était ministre de l'Intérieur et jetait les
bases du Conseil français du Culte musulman (CFCM), il semblait faire
preuve d'humilité : « le temps est passé où l'État pouvait,
en une telle matière, dicter sa volonté
», avait-il reconnu. Dans un
rapport d'information (5 juillet 2016), les sénateurs Nathalie
Goulet et André Reichardt se montrent dubitatifs quant à la capacité de
l'État à façonner l'islam. D'autant qu'il pourrait être tenté de choisir
des interlocuteurs adhérant à sa propre conception de l'islam, cela
« au risque de conforter une illusion
».
Il est vrai que
les pouvoirs publics n'ont pas toujours fait preuve d'une grande
clairvoyance – c'est le moins que l'on puisse dire. Comme le rappelait
Solenne Jouanneau, maître de conférences à l'Institut d'études politiques
de Strasbourg, dans
un entretien à La Vie des idées (26 mai 2015),
« dans les années 1970, Paul Dijoud, secrétaire d'État aux
travailleurs immigrés, considérait même qu'il existait un intérêt à
favoriser le maintien de la pratique religieuse chez les étrangers,
celle-ci étant de nature à favoriser le retour de ces derniers
».
Par ailleurs, comme le soulignent les rapporteurs du Sénat, « jusqu'à
la fin des années 1980, l'État français abordait ses relations avec la
"communauté musulmane" à travers le prisme des pays d'origine de la
plupart des musulmans vivant dans notre pays
».
Dans les années quatre-vingt-dix, cependant, l'État entreprit de « donner
un "visage" à l'Islam de France
». Il se tourna d'abord vers la
Grande Mosquée de Paris, à laquelle il accorda, quelque temps durant, le
monopole du contrôle des abattages rituels. Mais il fit preuve « d'inconstance
au gré des changements de ministre de l'intérieur
». De ces
tâtonnements émergea finalement le CFCM. Lequel apparaît, aux yeux des
parlementaires, « comme le champ des luttes d'influence qui se
jouent entre les fédérations et, à travers elles, plusieurs pays
étrangers
». Sa légitimité s'avère très contestée : parmi
les représentants d'associations musulmanes auditionnés par Nathalie
Goulet et André Reichardt, « plusieurs d'entre eux ont opposé les
"bledards"en situation de responsabilité dans les instances dirigeantes
des fédérations musulmanes aux musulmans nés en France, développant
leurs actions par des structures de terrain
».
Un produit de l'intégration
Les temps changent. « Avant les années 1990
», par
exemple, « les boucheries halal étaient rares
», rappelle
Florence Bergeaud-Blackle, anthropologue, dans
un entretien au Point (31 août 2016). « Certains
musulmans fréquentaient les boucheries casher
»,
explique-t-elle ; « d'autres abattaient à la ferme, mais
d'autres encore, et on a tendance à l'oublier, considéraient également
comme licite la viande des boucheries conventionnelles
».
Autrement dit, l'islam d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier. Il est le
produit paradoxal d'une certaine intégration. « L'islam qui est
pratiqué en France est un islam profondément français
»,
affirme même Solenne Jouanneau. « Car l'islam pratiqué en France
n'est pas un islam hors sol
», explique-elle ; « il
se nourrit de la confrontation des musulmans aux structures juridiques,
socio-culturelles, politiques de la société française
». Pour
le meilleur ou pour le pire : n'est-il pas question, ces jours-ci, du
dévoiement, au profit du terrorisme islamiste, du féminisme occidental ?
NB – Il s'agit d'une version légèrement plus longue de
l'article publié dans L'Action Française 2000.
Publié dans Islam | Pas de commentaires
3 août 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
La dimension politique du sport est régulièrement soulignée à l'occasion
des Jeux olympiques. Cependant, les diplomates lui portent un intérêt
croissant.
Vendredi prochain, 5 août 2016, s'ouvriront au Brésil les XXXIe
Jeux olympiques de l'ère moderne. Entre 2010 et 2020, la plupart des
grandes manifestations sportives se seront tenues dans des pays dits
"émergents" – dix sur treize, selon le décompte proposé par les députés
Valérie Fourneyron (PS) et François Rochebloine (UDI) dans
un rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le
8 juin 2016. Faut-il s'en étonner ? Comme le remarque
Valérie Fourneyron, « le sport est un révélateur de la marche du
monde
» ; « il permet aux États de se mettre en
scène
». De son point de vue, les Jeux de Sotchi, organisés en
Russie à l'hiver 2014, s'inscrivaient dans la « diplomatie des
muscles
» mise en œuvre par Vladimir Poutine. Quant aux
États-Unis, qui traquent la corruption dans les instances internationales
du sport, ils lui semblent « fidèles en cela à leur idéologie de
la "destinée manifeste", mélange de doctrine interventionniste, de
volonté de se poser en justiciers du monde et de diffuser un modèle de
démocratie libérale
». Le Qatar n'est pas en reste :
« le sport accompagne une politique de diversification
d'investissements en apportant une dimension de prestige essentielle aux
ambitions de l'Émirat
», observe-t-elle avec François
Rochebloine.
Un catalyseur de changements
Les États ou les villes qui accueillent de tels événements en attendent
des retombées économiques. Cela « malgré des chiffrages épars
»
dont les rapporteurs jugent la fiabilité « inégale
».
Attention aux déconvenues : « il n'y a pas eu à Londres plus
de touristes lors des Jeux de 2012 qu'en temps ordinaire
»,
soulignent les députés. Cela étant, « c'est dans une dynamique de
long terme que l'impact touristique doit être appréhendé
».
Tout comme la construction des infrastructures. À ce titre, « Barcelone
est devenue le modèle de régénération urbaine réussie grâce aux Jeux,
avant d'être détrônée par Londres vingt ans plus tard
». Ainsi
les JO de 2012 ont-ils été « utilisés à des fins de développement
territorial de l'Est londonien, déshérité
». La construction du
stade de France, à l'approche de la Coupe du monde de football de 1998,
s'est elle-même inscrite dans le développement plus général de la plaine
Saint-Denis. En résumé, « les grandes compétitions internationales
constituent des catalyseurs de changements pour une ville, un
territoire ; et à plus grande échelle, pour un pays
».
Des opportunités à saisir
Bien des opportunités sont à saisir. S'agissant du Japon, par exemple,
« il est notable que si Paris devait être sélectionné pour
accueillir les Jeux en 2024, l'intérêt se trouverait accru de construire
des partenariats avec des entreprises françaises
» ; dans
cette perspective, préviennent les rapporteurs, « il convient
d'entretenir la dynamique actuelle en capitalisant sur l'image du
charismatique entraîneur de la sélection nationale de football Vahid
Halilhodzik (ancien joueur du FC Nantes, ancien entraineur du PSG) et en
systématisant les invitations de hautes personnalités japonaises aux
grandes manifestations sportives organisées en France
». En
Amérique latine, « le sport est un excellent point d'entrée, parce
qu'il est populaire, outil de cohésion sociale et que les sports par
lesquels il est possible de développer une diplomatie d'influence sont
assez peu ou pas pratiqués aux États-Unis (football, rugby notamment) ou
plus européens qu'américains (cyclisme)
» ; « ce
raisonnement vaut aussi pour le handball en Afrique », précisent
les députés. Selon eux, il s'agit aussi d'« atteindre les cœurs et
les esprits des populations sans mettre en jeu l'État (concept de
"public diplomacy")
».
Ambassadeur pour le sport
La France saura-t-elle y parvenir ? Le ministère des Affaires
étrangères et du Développement international (MAEDI) « a
clairement intégré le sport comme un vecteur d'influence potentiellement
intéressant
», se félicitent les rapporteurs. Un ambassadeur
pour le sport a même été nommé en 2013. Mais les ressources mises à sa
disposition semblent dérisoires : « La ligne budgétaire est
de l'ordre de 8 000 euros de voyages annuels !
» La
situation demeure « brouillonne
», comme en témoigne la
préparation de l'Euro 2016, où « des tiraillements sont apparus
entre le MAEDI qui assure le pilotage politique et le ministère de
l'Économie, de l'Industrie et du Numérique qui détient les moyens
».
Rattachée aujourd'hui au ministère des Sports, la Délégation
interministérielle aux grands événements sportifs (DIGES) devrait être
placée auprès du Premier ministre, selon les recommandations des
députés : ce serait « une des clés de l'amélioration du
dispositif national, que tout le monde décrit comme éclaté et illisible
».
Apprendre à jouer collectif
Il faut « que les acteurs publics soient rassemblés et entraînent
les acteurs non étatiques pour former une véritable "équipe France"
»,
martèlent les rapporteurs. À l'exception notable de celles réunies dans le
"Cluster Montagne", nos entreprises « ne jouent pas toujours
"collectif"
» déplorent-ils. Or, « la diplomatie
sportive française ne peut exister sans parvenir à susciter cette
alchimie qui existe spontanément dans certains pays malgré la
concurrence commerciale
». Selon les parlementaires, il « revient
à l'État de structurer et rassembler les acteurs
», comme il
s'y essaie au Japon, « un pays laboratoire pour la diplomatie
économique française en matière de sport
».
Puissance et influence
L'« État stratège
» cher au Front national sera-t-il
édifié sous la houlette d'un gouvernement socialiste ? Sans doute
Valérie Fourneyron et François Rochebloine partagent-ils avec Marine Le
Pen une certaine bienveillance à l'égard de de l'intervention
publique : « les résultats sont beaucoup plus facilement au
rendez-vous quand l'État est à la manette
», écrivent-ils
notamment. Cependant, dans le cas présent, il ne s'agit pas de protéger
les entreprises françaises exposées à la concurrence étrangère, mais de
les accompagner dans la compétition internationale. Les rapporteurs disent
avoir mené un « travail de pédagogie sur le concept de puissance
telle qu'elle s'exerce aujourd'hui dans le monde
». Selon
Valérie Fourneyron, précisément, « la puissance de la France au
XXIe siècle résultera de la conjugaison intelligente des différents
leviers de l'influence
». Incidemment, loin de combattre la
mondialisation, elle propose de mieux y intégrer la France.
Cartes postales – Le 24 juillet 2016 s'est achevée
la cent-troisième édition du Tour de France. Dans leur rapport évoqué
ci-dessus, les députés Valérie Fourneyron et François Rochebloine
proposent un vibrant éloge de cette compétition. Il y voient « un
monument du sport mondial et un ambassadeur de la France à l'étranger
».
Le Tour de France est diffusé dans cent-quatre-vingt-douze pays,
précisent-ils ; « c'est la troisième diffusion audiovisuelle
mondiale
» ! « Au-delà du spectacle sportif
»,
se félicitent les parlementaires, « le Tour de France assume un rôle
de promotion de la France, de son patrimoine et de ses régions, de la
beauté et de la diversité des paysages français
» ; en
effet, « ce sont chaque jour des cartes postales de la France qui
passent sur des millions d'écrans
».
Euro radin – Alors que la France accueillait l'Euro 2016
de football, l'État a acheté vingt mille places « à vocation
sociale
». Cela « sans rabais
», déplorent les
députés Valérie Fourneyron et François Rochebloine. Les pouvoirs publics
auraient bénéficié de quatre-vingts places gratuites. Un nombre très
insuffisant aux yeux des parlementaires. C'est « inacceptable
»,
écrivent-ils dans leur rapport.
Lectures d'été – À l'approche des Jeux olympiques,
« les enjeux du sport
» – « économie,
géopolitique, société, identité
» – sont à la une de la revue Conflits
(n° 10, été 2016, 9,90 euros). On y trouve notamment un
entretien avec Pascal Boniface, auteur du livre JO politiques –
Sport et relations internationales, paru en juin dernier
(éditions Eyrolles, 202 pages, 16 euros). C'est aussi l'occasion
de relire les Lettres des Jeux olympiques de Charles
Maurras, préfacées par Axel Tisserand, publiées en poche en 2004 (éditions
Flammarion, 183 pages, 8,90 euros).
Publié dans International, Monde, Mondialisation | Pas de commentaires
3 août 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Facebook et Twitter sont pointés du doigt tandis que leurs services sont
mis à profit par les propagandistes islamistes.
Tandis que se multiplient les attentats terroristes, certains de nos
confrères ont annoncé qu'ils ne diffuseraient plus ni les noms, ni les
photographies des islamistes responsables de ces forfaits. Les députés
Marine Brenier (LR) et Meyer Habib (UDI) ont même déposé une proposition
de loi afin d'y contraindre tous les médias. De leur point de vue, « refuser
un nom et un visage aux terroristes, c'est leur refuser la victoire
» ;
« il faut cesser d'entretenir le phénomène malsain de
starification des criminels
», ont-ils
expliqué, soulignant toutefois que cela n'empêcherait pas « d'accomplir
un véritable travail d'enquête et de fond sur les profils des
terroristes
». Dans
les colonnes du Monde, Patrick Eveno, président de
l'Observatoire de la déontologie de l'information, s'étonne que « des
élus garants des libertés fondamentales se rallient à cette demande de
censure, quand ils ne la suscitent pas
» ; de toute façon,
cela lui semble « illusoire au temps des réseaux sociaux
».
Des blocages administratifs sans conséquence
Dans
un rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le
13 juillet dernier (2016), Kader Arif, député (PS) de la
Haute-Garonne, déplore, à ce propos, « la facilité avec laquelle
il a pu accéder en quelques clics aux publications françaises de Daech
».
« Chaque jour
», précise-t-il, « trois nouvelles
vidéos rattachées à Daech sur des réseaux comme Facebook ou Youtube sont
diffusées, leur publicité étant assurée notamment sur Twitter
».
Un « djihadiste facilitateur
» affirme d'ailleurs qu'il
« attrape partout sur Facebook
» !
En réaction, les pouvoirs publics ordonnent des blocages administratifs,
en application de la loi du 13 novembre 2014. Avec un résultat
mitigé : « en plus des nombreuses possibilités de
contournement des blocages, les sites terroristes effectivement bloqués
ne sont en fait pas du tout visités
», observe le
rapporteur ; de mars à décembre 2015, moins de cinq cents tentatives
de connexion auraient ainsi été mises en échec. Comme le rappelle Kader
Arif, la loi du 24 juillet 2015 prévoit, quant à elle, la mise en
place de « dispositifs techniques d'interception automatique
visant à repérer au sein du flux massif de données de communications les
métadonnées identifiant des comportements suspects en matière de
terrorisme
». Or, déplore-t-il, « les plateformes
semblent très réticentes envers le développement de tels outils,
estimant qu'il est difficile de qualifier en amont des contenus
terroristes et qu'une contextualisation du contenu est nécessaire
».
D'un contexte à l'autre
Selon le contexte, en effet, un même contenu pourra être diffusé à des
fins d'apologie ou de dénonciation. « Il est ainsi mentionné dans
les conditions générales d'utilisation de certains de ces réseaux
sociaux, que les contenus apologétiques en matière de terrorisme ou de
violences ne peuvent être retirés que lorsqu'ils ne sont pas accompagnés
d'un commentaire de l'auteur de la publication désapprouvant
formellement ces contenus
» ; faut-il le regretter avec le
rapporteur ? Tous les contributeurs de la "réinfosphère" ne partagent
pas son avis. En février dernier, la mésaventure de l'abbé Guy Pagès y
avait suscité l'indignation : prétendant lutter contre l'islam à la
lumière des atrocités commises en son nom, ce prêtre avait mis en ligne
des images insoutenables, si bien que les serveurs hébergeant son site
Internet avaient été saisis ; cela « sous les auspices des
nouvelles dispositions légales relatives à la lutte contre le terrorisme
»,
si l'on en croit son
témoignage rapporté par Riposte laïque.
En tout cas, aux yeux du rapporteur, il apparaît « nécessaire de
renforcer le contrôle sur les réseaux sociaux, qui
[...] ne
jouent pas toujours le jeu
». En février, Twitter a révélé
qu'il avait suspendu cent vingt-cinq mille comptes depuis le milieu de
l'année dernière. Il emploierait à cet effet une centaine de personnes.
C'est « extrêmement peu compte tenu le volume de contenus et de
signalements des utilisateurs
», dénonce Kader Arif. Selon lui,
« ce manque de moyens humains peut expliquer qu'une vidéo comme
celle revendiquant les meurtres de Magnanville le 14 juin 2016,
postée sur Facebook Live en direct, n'ait été
[...] retirée de
Facebook que onze heures après sa diffusion
».
Censure pudibonde
Ce manque de réactivité peut sembler trancher avec la fermeté qu'observe
Facebook à l'égard des utilisateurs coupables de braver le puritanisme
américain. Les Femen en ont déjà fait les frais, par exemple, tous comme
leurs détracteurs accompagnant d'une illustration sans floutage ni
artifice la dénonciation de leurs manifestations "topless". La censure
d'une reproduction de L'Origine du monde, le célèbre tableau
de Gustave Courbet, a même suscité une bataille judiciaire dont l'un des
enjeux a été de déterminer si les institutions françaises étaient
compétentes pour juger Facebook. Cela renvoie à « la nature même
des outils numériques, c'est-à-dire leur caractère transnational
»,
que ne manque pas de souligner le rapporteur. Selon lui, « la
coopération internationale doit donc être accrue sur ces sujets
»,
en premier lieu au niveau européen, « afin d'éviter de donner la
possibilité aux acteurs de jouer entre les différents pays pour se
protéger des blocages techniques mis en œuvre localement
».
Mais si Facebook et Twitter sont aujourd'hui des outils fondamentaux de
la propagande djihadiste, cela n'a pas toujours été le cas, comme le
rappelle Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri
(Institut français des relations internationales) : « Nombre de
djihadistes se montrent méfiants à l'égard des grands réseaux sociaux,
créés aux États-Unis et soupçonnés par les radicaux d'être mités aux
services de renseignement américains. La donne change réellement à
partir de 2012, année où le djihad en Syrie commence à attirer un flux
important de volontaires étrangers. Parmi eux se trouvent des centaines
puis des milliers de jeunes occidentaux, habitués à utiliser Facebook,
Twitter et Youtube.
» McDonald's finira-t-il par ouvrir un
restaurant dans les territoires conquis par l'État islamique ? Ironie
mise à part, l'islamisme apparaît à bien des égards comme un produit
typique de la mondialisation.
Publié dans Défense, Internet, Islam, Société | Pas de commentaires
20 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
L'Europe communautaire et sa politique commerciale n'ont pas la cote.
Sans les remettre radicalement en cause, le Gouvernement en tient compte
et infléchit son discours.
Le référendum en faveur du Brexit annonce-t-il le détricotage de l'Union
européenne (UE) ? Dans l'immédiat, tenant compte de la défiance
qu'elle inspire, le Gouvernement français s'est manifestement décidé à
infléchir son discours, sinon sa politique. « Quand l'Europe n'est
pas le bon niveau de décision, alors elle doit s'effacer, et laisser les
États décider
», a ainsi déclaré Manuel Valls, devant quelque
deux cents militants socialistes réunis à Belleville-sur-Mer le
26 juin, comme
le rapporte Euractiv. Dans ce contexte, la politique
commerciale, censée relever de la compétence exclusive de l'UE, s'avère
particulièrement exposée aux critiques. Sans doute la hantise des poulets
américains traités au chlore n'aura-t-elle rien arrangé... Au point où en
sont les discussions, « il ne peut pas y avoir d'accord de traité
transatlantique
», a même prévenu le Premier ministre.
Accord avec le Canada
Un "Accord économique et commercial global" (AECG ou CETA) n'en a pas
moins été conclu dernièrement avec le Canada. Sa version définitive a été
validé le 13 mai par le Conseil européen des chefs d'État ou de
gouvernement, plus de neuf ans après l'ouverture des discussions. Paris
a salué « un accord ambitieux, équilibré et mutuellement
bénéfique
». D'autant que « le Gouvernement de Justin
Trudeau s'est rallié à la proposition européenne de Cour de justice des
investissements
». « Porté par la France, ce nouveau
dispositif rompt définitivement avec l'ancien système d'arbitrage privé
»,
s'est félicité le Quai d'Orsay. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du
Commerce extérieur, de la promotion du Tourisme et des Français de
l'étranger, en a fait la promotion devant ses homologues du G20 le
10 juillet ; ce dispositif aurait « vocation, à terme, à
devenir une cour multilatérale des investissements
», explique
le ministère des Affaires étrangères.
La mixité controversée
Chacun des États membres de l'Union européenne devra ratifier l'accord
conclu avec le Canada. Pourtant, « sur le plan juridique, seule
l'UE est compétente sur les domaines couverts par l'accord CETA
»,
si
l'on en croit la Suédoise Cécilia Malmström, commissaire européen au
Commerce. Bruxelles se serait résigné à le considérer comme un accord
"mixte" sous la pression de Paris et Berlin. C'est d'autant plus
remarquable que l'accord d'association avec l'UKraine s'était heurté, en
avril dernier, à l'écueil d'un référendum consultatif organisé aux
Pays-Bas... « Si nous ne sommes pas capables de ratifier l'AECG, à
l'avenir, avec qui pourrons-nous négocier ?
», s'inquiète
un fonctionnaire européen, cité
par Les Échos ; « ce serait la fin
de la politique commerciale unique
», prévient-il. « Ce
qui se joue, c'est le maintien de la compétence de la Commission en
matière de commerce
», confirme la Néerlandaise Marietje
Schaake, député au Parlement européen ; or, poursuit-elle, « si
cela lui échappait, chaque pays européen serait amené à négocier des
accords commerciaux de son côté et c'en serait alors fini du marché
commun
». Lequel constitue le principal pilier de l'Union
européenne...
De toute façon, « la France s'était engagée à ce que le Parlement
ait le dernier mot
», a
rappelé Matthias Fekl. « Les parlementaires français auront
donc à se prononcer par un vote sur la ratification ou non du CETA
»,
s'est-il félicité. De son point de vue, « c'est une question de
principe essentielle pour assurer l'adhésion des citoyens européens aux
politiques commerciales conduites en leur nom
». Le cas
échéant, pourquoi s'abrite-il encore une fois derrière Bruxelles ?
Rien n'interdirait au Gouvernement de solliciter l'avis du Parlement à
l'approche des réunions du Conseil des ministre de l'UE, où les textes
européens sont soumis à son approbation ; au Danemark et en Finlande,
par exemple, il en a même l'obligation ! Quoi qu'il en soit, force
est de le constater : sous la pression populiste, on dirait bien que
l'Europe communautaire recule à petits pas.
NB – Le Parlement français n'est pas le seul à tenter de faire entendre
sa voix au niveau européen. Dans le cadre du débat sur le travail détaché,
les Parlements de onze États (Danemark, Bulgarie, Hongrie,
Croatie, République tchèque, Pologne, Estonie, Roumanie, Lituanie,
Lettonie et Slovaquie) ont adressé un "carton jaune" à la Commission. Une
première depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Comme
le rappelle Euractiv, « cette procédure,
instaurée par le traité de Lisbonne, permet aux parlements d'un
pays de contester la compétence de l'UE sur un projet législatif
européen
». Cependant, dans le cas présent, il s'agit de
défendre une position vraisemblablement opposée à celle de Paris.
Publié dans Économie et Industrie, Europe | Pas de commentaires