6 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Un livre signé Luc Beyer de Ryke.
Tandis qu'on commémore le centenaire du premier conflit mondial, se
souvient-on que la Belgique fut « un des rares – sinon le seul –
pays à avoir connu une collaboration dès la Grande Guerre
»,
comme le rappelle Luc Beyer de Ryke ?
À cet égard, le nationalisme flamand constitua un « vivier
»
que ne manqua pas d'exploiter à chaque fois l'occupant allemand. Lequel
fut accueilli comme un « libérateur
» par certains
militants indépendantistes, emprisonnés à titre préventif... Leur défiance
était entretenue au sein même de l'armée belge, où « des
intellectuels
[...] s'indignèrent de l'état de sujétion auquel
était réduite la piétaille des tranchées
» – « la
plupart du temps rurale, flamande et patoisante
». La hantise
du communisme aidant, la Flamenpolitik « exerça des ravages
»,
rapporte Luc Beyer de Ryke.
Observant « la braise toujours incandescente
[...] de la
collaboration
», il en a rencontré les acteurs ou leurs
descendants, livrant leurs témoignages dans un style vivant, brossant des
portraits souvent pittoresques. Francophone de Flandre, l'auteur s'est
attaché à « mieux comprendre l'histoire
[des] fractures et
[des] déchirements
» de son pays. Dans l'espoir, sans doute,
de mieux en protéger la fragile unité.
Luc Beyer de Ryke, Ils avaient leurs raisons, éditions
Mols, mars 2016, 205 pages, 21,50 euros.
6 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Coopération franco-britannique, défense européenne, Alliance
atlantique : aperçu des perspectives ouvertes par le vote du
23 juin 2016 en faveur du Brexit.
Le 24 juin 2016, alors que venait d'être annoncée l'issue du
référendum en faveur du Brexit, le
président de la République a promis que Paris serait « à
l'initiative pour que l'Europe se concentre sur l'essentiel
» –
à savoir, tout d'abord, « la sécurité et la défense de notre
continent
». Or, si le Royaume-Uni quitte effectivement l'Union
européenne (UE), « la France
[...] continuera à travailler
avec ce grand pays
», y compris en cette matière, où « nos
relations étroites
[...] seront préservées
», a assuré
François Hollande.
Gare aux punitions
« Qu'ils soient dans ou en dehors de l'UE, les Britanniques
restent à échéance visible nos partenaires les plus crédibles et les
plus sérieux en matière de défense sur le continent européen
»,
confirme Pierre Razoux, dans
une note de l'Irsem (Institut de recherche stratégique de l'École
militaire). « Nous partageons des intérêts similaires (vision
mondiale, siège permanent au Conseil de sécurité, détention de l'arme
nucléaire, nombreux territoires d'outre-mer à protéger, intérêts
géostratégiques largement convergents) que le Brexit ne modifiera pas
»,
explique-t-il. « Sur le plan industriel
», précise-t-il,
« nous sommes engagés dans des projets structurants en cours de
développement (missile antinavire léger, système de combat aérien futur)
qui restent strictement bilatéraux
». Par conséquent,
prévient-il, « il est crucial que la France continue de traiter le
Royaume-Uni avec respect, de manière sereine et dépassionnée, sans
l'esprit de "punition" que certains pourraient être tentés
d'instrumentaliser
».
Ce partenariat s'appuie sur les accords de Lancaster House signés en
2010. Lesquels sont « une façon de "faire l'Europe sans l'Union
européenne", pour reprendre les propos de l'ambassadrice de France en
Grande-Bretagne
», citée par Florent de Saint-Victor dans
un entretien au Marin. En fait, c'est une façon parmi
beaucoup d'autres... Londres participe également à l'Occar (Organisation
conjointe de coopération en matière d'armement), par exemple, sous l'égide
de laquelle a été développé l'Airbus A400M. En revanche, à la différence
de Paris, il est resté en marge du Commandement européen du transport
aérien (EATC). Force est de le constater : "l'Europe des États" chère
aux souverainistes existe d'ores et déjà. En effet, ces structures-là sont
indépendantes de l'UE et de sa Politique de sécurité et de défense commune
(PSDC), à laquelle la contribution du Royaume-Uni s'avère d'ailleurs
modeste, au regard de ses capacités.
Londres préfère l'Otan
« Durant l'opération Eunavfor Atalanta contre la piraterie,
Londres n'a mis à disposition qu'un navire depuis 2008
», souligne
ainsi Nicolas Gros-Verheyde, animateur du blog Bruxelles 2.
« Et ce pendant quelques mois à peine
»,
précise-t-il, « soit à peine plus que les... Ukrainiens
» ;
« pendant ce temps
», poursuit-il, « les
Luxembourgeois mettaient à disposition deux avions de patrouille
maritime durant plusieurs années
». De fait, observe-t-il,
« le Royaume-Uni préférait mettre ses navires à disposition de
l'Otan ou des Américains
». Étonnement, Pierre Razoux n'en estime
pas moins que la perspective d'un Brexit « laisse présager la
démonétisation
» de la PSDC. Pourtant, Londres était
régulièrement accusé d'en freiner le développement, s'opposant à la
création d'un QG militaire de l'Union, ainsi qu'à l'accroissement du
budget de l'Agence européenne de défense (AED). Selon le collaborateur de
l'Irsem, « si les Britanniques ne peuvent plus jouer au sein de
l'UE, certains d'entre eux pourraient être tentés de torpiller la PSDC
et de convaincre leurs anciens partenaires de l'inutilité de cet outil
dont ils ne font plus partie
». Cependant, souligne Nicolas
Gros-Verheyde, « un départ du Royaume-Uni n'empêcherait pas qu'il
puisse continuer à contribuer, de manière extérieure, aux opérations
militaires européennes, comme le font aujourd'hui nombre de pays tiers,
de la Géorgie à la Colombie, en passant par la Suisse, la Norvège, la
Serbie ou les États-Unis
».
Quoi qu'il en soit, « la France aurait tout à gagner à se
présenter comme l'intermédiaire naturel entre le Royaume-Uni et l'UE
»,
selon Pierre Razoux. Ce dernier entrevoit également « une
opportunité de coopération supplémentaire entre l'Allemagne et la France
»
au sein de l'Alliance atlantique. Dans quelle mesure celle-ci serait-elle
affectée par un Brexit ? Les avis sont partagés. Un analyste russe, cité
par le Courrier international, anticipe « le
renforcement du rôle de l'Otan, comme "dernière structure unifiant
l'Europe"
» ; si bien que le Brexit contribuerait « non
pas à un infléchissement du rôle des États-Unis en Europe, mais au
contraire à son renforcement
». À l'inverse, sur
Royal Artillerie, Catoneo annonce que « nous
gagnerons en autonomie par rapport aux États-Unis
».
Nouveaux équilibres
La donne serait davantage bouleversée si le Brexit s'accompagnait d'un
éclatement du Royaume-Uni. Celui-ci apparaît « menacé de
déclassement à la fois économique et stratégique avec l'indépendance
plausible de l'Écosse
», selon Pierre Razoux. Dans l'immédiat,
les spéculations vont bon train quant aux nouveaux équilibres
géopolitiques qui pourraient se dessiner à l'occasion du Brexit. Le vote
"leave" a été « accueilli très favorablement par la Russie, la
Turquie et la Chine, et de manière dubitative par les États-Unis
»,
croit savoir Pierre Razoux. « Le retrait britannique change les
termes du processus décisionnel (modifiant la minorité de blocage),
modifie les équilibres au détriment de la sensibilité libérale, et
laisse Paris et Berlin dans un inconfortable face à face
»,
analyse Frédéric Charillon dans
The Conversation. « Ceux qui se réjouissent
aujourd'hui de la sortie annoncée du Royaume-Uni pourraient être demain
les premiers à dénoncer les ambitions géopolitiques et militaires d'une
Allemagne décomplexée
», s'inquiète même Pierre Razoux. « Si
les Britanniques n'étaient pas favorables à une politique étrangère
commune digne de ce nom, la contribution du Foreign and Commonwealth
Office à la diplomatie européenne renforçait considérablement l'analyse
et la crédibilité de celle-ci
», affirme encore celui-là. À ce
propos, les chefs d'État ou de gouvernement de l'UE viennent d'adopter le
28 juin une nouvelle stratégie pour la politique extérieure et de
sécurité. Y compris David Cameron donc. Brexit ou pas, l'Europe continue.
Sous de multiples formes.
1 juillet 2016
Un billet teinté d'ironie soufflé par le camarade Philippe.
Le vote "leave" l'a donc emporté le 23 juin 2016. « Ce
référendum n'est pas la victoire des peuples sur les élites, mais des
gens peu formés sur les gens éduqués
», a commenté l'inénarrable
Alain Minc, suscitant
l'indignation de notre confrère Louis Hausalter. Dans la foulée,
bien des "réinformateurs" auront dénoncé la condescendance prêtée au Pays
légal. Celui-ci serait-il peuplé de nouveaux réactionnaires ?
De fait, les propos d'Alain Minc ne sont pas sans rappeler (dans une
certaine mesure, n'est-ce pas ?) ceux tenus jadis par Charles Maurras. Le
28 juin 1941, dans les colonnes de L'Action Française,
ce dernier se défendait du « reproche imprévu de mépriser le
peuple
», tandis qu'il lui refusait « le hochet d'une
fausse souveraineté, qu'il ne peut même pas exercer et que l'on ne peut
même pas concevoir
». Et d'expliquer : « Nous
respectons trop le peuple pour aller lui dire : "Il suffit de
compter les voix des incompétents, pour résoudre les questions d'intérêt
très général qui exigent de longues années d'étude, de pratique ou de
méditation. Il suffit de recueillir et d'additionner les suffrages des
premiers venus pour réussir dans les choix les plus délicats."
»
« Dire au peuple ce qui n'est pas serait lui manquer de respect
»,
poursuivait-il ; « lui débiter des fables pernicieuses, c'est
tantôt le haïr, tantôt le mal aimer
» ; « profiter,
pour lui faire ce mensonge, de la confiance naïve qu'il a voulu placer
en vous, c'est abuser de lui, le trahir et vous dégrader vous-même
».
Qu'on se le dise : au moins Alain Minc a-t-il préservé sa
dignité !
NB – Les citations sont tirées du Dictionnaire
politique et critique.
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29 juin 2016
Avis aux spécialistes des questions européennes : pourquoi l'Angleterre
ne deviendrait-elle pas un "pays et territoire d'outre-mer" (PTOM) ?
Londres se trouve manifestement dans l'embarras : une majorité de
Britanniques ont voté pour le Brexit sans vraiment s'interroger sur la
suite. Sortir de l'UE, pour quoi faire ? Nul ne le sait ! C'est
affligeant, mais il appartient désormais à David Cameron et à ses
successeurs d'assumer les conséquences de ce calcul électoral. Afin de
préserver les intérêts du Royaume-Uni vis-à-vis de l'Union, mais aussi son
intégrité vis-à-vis des velléités d'indépendance de l'Écosse, voire
davantage.
Dans cette perspective, peut-être une solution s'offrirait-elle à Londres
: plutôt que de notifier au Conseil européen la volonté du Royaume-Uni de
sortir de l'Union européenne, il pourrait solliciter l'accession de
l'Angleterre au statut de "pays et territoire d'outre-mer" (PTOM). Comme
expliqué sur Wikipédia, ces territoires « ne
font pas partie de l'Union européenne
[...] bien qu'ils
dépendent de pays en faisant partie
». C'est le cas du
Groenland, mais aussi de Saint-Barthélémy, comme
nous l'avions déjà expliqué, et même de plusieurs territoires
rattachés au Royaume-Uni, comme
le rappelle encore l'encyclopédie participative : « Anguilla,
les Bermudes, les Îles Caïmans, la Géorgie du Sud-et-les Îles Sandwich
du Sud, les îles Malouines (Falkland), Montserrat, les îles Pitcairn,
Sainte-Hélène, Ascension et Tristan da Cunha, le Territoire antarctique
britannique, le Territoire britannique de l'océan Indien, les îles
Turques-et-Caïques et les îles Vierges britanniques
».
Bien sûr, le statut de PTOM s'en trouverait détourné de sa vocation, mais
rien n'interdirait d'amender les traités à la marge si nécessaire. Par ce
biais, Londres pourrait donner une traduction au vote "leave", majoritaire
en Angleterre, tout en coupant l'herbe sous le pied des indépendantistes
écossais. À vrai dire, cela nous semblerait presque trop facile, et nous
nous étonnons qu'aucune mention à cette "solution miracle" ne semble
apparaître dans les actualités recensées par Google. Mais il est vrai que
les questions européennes intéressent peu nos confrères journalistes.
Qu'en pensent leurs meilleurs spécialistes ?
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22 juin 2016
Que les écoles libres servent la République, ou bien qu'elles disparaissent, clame, en substance, le député des Alpes-Maritimes.
La République semble s'incarner sous son pire visage en la personne
d'Éric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes. Appelant manifestement à
une croisade contre l'islam, ce dernier se fait le chantre d'une laïcité
sectaire, comme
nous l'avions déjà signalé, mais aussi l'ennemi des libertés
scolaires, comme
en témoigne sa proposition de loi « visant à renforcer
l'encadrement des établissements privés hors contrat et à limiter les
possibilités de dérogation à l'obligation scolaire
». Déposé le
27 avril, ce texte n'est apparu qu'aujourd'hui, mardi 21 juin
2016, dans le flux RSS de l'Assemblée nationale – il était temps ! Il
a été présenté avec le soutien de plusieurs parlementaires, dont
Bernard Accoyer, Éric Woerth, mais aussi Bernard Debré, généralement mieux
inspiré.
Dans l'exposé des motifs, Éric Ciotti dénonce « l'émergence de
deux phénomènes particulièrement préoccupants : la déscolarisation
d'un nombre croissant d'enfants, surtout des filles, pour des motifs
d'ordre essentiellement religieux d'une part, et la multiplication
d'écoles privées hors contrat prônant un islam radical, d'autre part
».
Loin d'examiner la diversité des situations incriminées, il se garde bien
d'analyser les motivations des parents, se bornant à déplorer que les
enfants soient « alors victimes de propagande idéologique sous
couvert de programmes éducatifs alternatifs
». C'est dire la
considération qu'il porte aux écoles Montessori, par exemple.
Selon son rédacteur, cette proposition de loi aurait pour « premier
objet
» de « durcir les conditions d'ouverture d'un
établissement hors contrat
». Ce faisant, il s'agirait de
« prévenir l'ouverture d'établissements où s'expriment des formes
d'intégrisme religieux
». Les catholiques en marge de l'Église
sont-ils visés eux aussi ? Vraisemblablement : « l'objectif
est d'éviter que les enseignants ne fassent passer le prosélytisme avant
l'éducation des enfants
», explique Éric Ciotti. Par
conséquent, poursuit-il, ce texte « prévoit de renforcer les
contrôles de ces écoles en les étendant à l'existence d'atteinte aux
valeurs de la République
», au premier rang desquelles figureraient
« le respect des institutions
» et « l'égalité
homme-femme
».
« Les écoles doivent demeurer des lieux où se transmettent les
savoirs et non les idéologies
», écrit le député des
Alpes-Maritimes. C'est effectivement ce qui devrait être exigé des écoles
publiques – mais pas des autres. Or, c'est exactement l'inverse que
réclame Éric Ciotti. « Les lieux d'enseignements doivent rester
des sanctuaires préservés de toute influence idéologique ou politique
contraire aux valeurs républicaines
», précise-t-il. Autrement
dit, si elle s'avérait conforme à ses propres valeurs, cette « influence
idéologique ou politique
» apparaîtrait tout à fait légitime
aux yeux d'Éric Ciotti. Au moins les choses sont-elles claires.
Mais les établissements scolaires ne sont pas seuls en cause. Un article
de cette proposition de loi « soumet l'instruction à domicile à
l'autorisation préalable de l'inspecteur d'académie qui ne pourra y
donner droit que dans l'une des hypothèses suivantes : l'exigence
de soins médicaux, situation de handicap en attente de scolarisation
dans un établissement médico-social, activités sportives ou artistiques,
parents itinérants, éloignement géographique d'un établissement
scolaire
». De plus, l'inspecteur d'académie devrait alors
vérifier « que l'enfant ne fait l'objet d'aucune influence
idéologique ou politique contraire aux valeurs de la République
».
Les sympathisants du Front national étant réputés ne pas les partager,
seraient-ils privés de l'exercice de ces quelques libertés résiduelles ?
Peut-être pourrait-on carrément leur retirer leurs
enfants ! Éric Ciotti n'est pas loin de le suggérer. Que de telles
velléités, proprement totalitaires, puissent émaner d'un parti de
gouvernement, voilà qui devrait nous inquiéter bien davantage que le péril
frontiste – quoique ceci ne soit pas sans incidence sur cela. En tout cas,
alors que le pouvoir socialiste planche lui-même sur le sujet, on se
demande s'il se trouvera quelque député pour se soucier des libertés quand
la question sera débattue sur les bancs de l'Assemblée. Affaire à suivre.
Publié dans Libertés, Politique | Pas de commentaires
15 juin 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
La question posée aujourd'hui, à l'approche du référendum sur le Brexit,
l'a déjà été à maintes reprises, comme en témoignent les archives d'Aspects
de la France.
En 1950, alors que fut proposée la création de la CECA (Communauté
européenne du charbon et de l'acier), le gouvernement britannique « considérait
que l'appartenance à un groupement exclusivement européen affaiblirait
ses liens avec le Commonwealth et la défense atlantique
»,
comme l'explique Helen Parr dans le Dictionnaire critique de
l'Union européenne (Armand Colin, 2008). Cependant, Londres ne
tarda pas à reconsidérer sa position, tandis que se développait le Marché
commun. En effet, « celui-ci était devenu le premier partenaire
commercial de la Grande-Bretagne
». De plus, « la
Communauté était en train de s'imposer sur la scène internationale, au
risque d'isoler la Grande-Bretagne
». Aussi sa demande
d'adhésion fut-elle présentée en juillet 1961.
L'Action française contre l'élargissement
Albion se heurta toutefois à l'hostilité de Paris. Dans les colonnes d'Aspects
de la France, on était loin de le déplorer : « pas
d'élargissement du Marché commun sans révision du traité de Rome
»,
résumait le titre d'un article signé Finex, publié dans le numéro du
7 décembre 1967 ; sans quoi, expliquait-il, « le poids
[...] du vote de la France
[...] serait diminué en valeur
relative
». « Ceux qui prônent l'entrée de la
Grande-Bretagne dans le Marché commun n'avancent aucun argument relevant
de l'intérêt français
», tranchait Pierre Pujo ; « on
ne nous a pas encore dit comment l'économie française supporterait la
concurrence anglaise
», déplorait-il notamment.
Un traité n'en fut pas moins signé quatre ans plus tard. « Il
faut écarter d'emblée la théorie selon laquelle tout élargissement d'une
aire économique serait un bien
», commentait Georges Mollard,
dans le numéro du 27 janvier 1972. De son point de vue, l'économie
était manifestement un jeu à somme nulle ; qu'importent Ricardo et
ses "avantages comparatifs" : « toute l'expérience acquise
tend au contraire à montrer que ce qui serait bon pour l'un serait
mauvais pour un autre
». En tout cas, « les nouveaux
arrivants ne sont pas disposés à oublier leurs intérêts nationaux
»,
prévenait Pierre Pujo ; la « cohésion
» de la Communauté
européenne s'en trouvera même fragilisée, annonçait-il. La hantise d'une
Europe fédérale n'en continuait pas moins d'animer les collaborateurs du
journal. Le 15 mai 1975, par exemple, Aspects de la France
dénonçait la « chimère européenne
» du président Valéry
Giscard d'Estaing.
Déjà un référendum en 1975
Le mois suivant, les Britanniques étaient appelés, déjà, à s'exprimer sur
le maintien de leur pays dans la Communauté européenne. Comme l'expliquait
Pierre Pujo dans son éditorial du 12 juin 1975, le chef du
gouvernement britannique avait « cru trouver dans le recours à la
procédure du référendum
[...] le moyen d'esquiver ses
responsabilités de Premier ministre et de surmonter la division de son
parti sur la question européenne
». L'histoire se répète !
« Malgré le référendum britannique, "l'Europe" recule
»,
titrait alors Aspects de la France. Échec venait d'être fait
au Brexit. « Les partenaires de la Grande-Bretagne
[...] auraient
tort de croire qu'ils trouveront désormais en elle un associé animé d'un
grand enthousiasme communautaire
», prévenait Pierre Pujo.
« La prétention de nos gouvernants de se présenter comme les
meilleurs "européens" peut être de bonne tactique dans les négociations
»,
concédait-il de façon plus étonnante « Travaillons à réaliser le
concert des nations européennes tant sur les problèmes politiques et de
défense que sur les questions économiques et monétaires
»,
poursuivait-il ; « mais n'oublions pas que la France ne
tiendra son rang, tant vis-à-vis des superpuissances que de ses
partenaires européens, que dans la mesure où elle représentera
elle-même, sur tous les plans, une force
». En effet, qu'est-ce
que la souveraineté sans la puissance ?
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25 mai 2016
Billet d'humeur au titre délibérément racoleur.
Le Sénat vient
de rejeter hier (mardi 24 mai 2016) l'aménagement des
quotas de chansons francophones à la radio qu'avait proposé le
Gouvernement. Quel rapport avec Verdun, nous direz-vous ? Il s'agit
de revisser un dispositif mis en place dans les années quatre-vingt-dix,
dont l'incidence fut déterminante dans l'émergence du rap en France, à
la faveur d'un pari gagné par Skyrock et son directeur des programmes,
Laurent Bounneau. Autrement dit, sans ces quotas institués par
Jacques Toubon, peut-être Black M n'aurait-il jamais percé. Sans
doute le protectionnisme ne produit-il pas toujours les effets
escomptés...
Cela étant, si d'autres voies avaient été empruntées par
l'industrie musicale, d'autres candidats se seraient vraisemblablement
présentés pour animer cet événement festif que constitue, assurément, la
commémoration d'une bataille si sanglante. Force est de le
constater : l'indécence est une vertu communément partagée, comme en
témoigne l'indignation qu'elle a elle-même suscitée. Beaucoup se sont
déchaînés contre ce malheureux rappeur ; mais rares sont ceux qui
auront porté un quelconque intérêt à la
multiplicité des manifestations organisées à l'occasion de ce centenaire
(votre serviteur ne fait pas exception, sinon par nécessité professionnelle).
Ce satané concert étant annulé, nulle protestation n'étant donc à l'ordre du jour,
il n'y a plus guère de raison d'aller à
Verdun, nous souffle-t-on à l'oreille. CQFD.
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18 mai 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Sous prétexte d'écologie, des véhicules en bon état risquent d'être
précipités vers la casse.
Vingt ans, c'est trop vieux : dès l'été prochain, les voitures
immatriculées avant 1997 seront bannies de Paris ; d'ici quatre ou
cinq ans, le même sort sera réservé à celles mises en circulation avant
2011. « À force de négociations avec la municipalité, les
propriétaires de véhicules de collection feront exception à ces
interdictions
», précise
notre consœur Leila Marchand (Les Échos,
11 mai 2016) – un privilège réservé aux automobiles âgées de trente
ans ou plus ; déjà convoitées par les amateurs, les Clio Williams
devront patienter quelque temps aux portes de la capitale ; tout
comme les Ferrari F40, par exemple ! Les propriétaires de véhicules
plus populaires peuvent s'inquiéter : « personne ne voudra de
votre voiture si elle ne peut plus circuler dans Paris et elle ne vaudra
donc plus rien
», déplore
l'avocat Jean-Baptiste Iosca (Le Parisien,
11 mai 2016).
Obsolescence planifiée
Cette politique s'inscrit dans la continuité des "primes à la casse"
instituées dans les années quatre-vingt-dix. Elle fait écho au projet
fantaisiste qu'avait présenté dans les années trente Bernard London :
apôtre de « l'obsolescence planifiée
», il regrettait
« que les consommateurs aient pris l'habitude, à cause de la
crise, d'utiliser un produit jusqu'à ce qu'il soit hors d'usage
»,
comme
le résume Wikipedia ; de son point de vue,
c'était un frein à l'activité économique. Frédéric Bastiat, icône
française du libéralisme, n'aurait pas manqué de réfuter un « sophisme
» :
« la société perd la valeur des objets inutilement détruits
», expliquait-il
au XIXe siècle ; autrement dit, « destruction n'est pas
profit
».
Or, précipiter des automobiles vers la casse, cela n'a rien d'une
fatalité. À l'intention des heureux collectionneurs roulant en 911, Porsche
propose des tableaux de bord refaits à l'identique, quoique plus
résistants que les originaux ; mais aussi un système multimédia (GPS,
connexion USB, écran tactile...) s'intégrant dans le compartiment réservé
jadis à l'autoradio. Visant un public beaucoup plus large, Aramisauto.com
s'est lancé en 2013 dans le reconditionnement de véhicules
d'occasion ; « le principe n'est pas nouveau
», remarque
Jean Savary (Caradisiac, 2 avril 2015) ;
« mais là
», souligne-t-il, « c'est à l'échelle
industrielle, avec la productivité que cela suppose
». Anne
Hidalgo, s'abrite derrière des considérations écologiques. Mais
n'apporte-t-elle pas une caution politique à la frénésie
consumériste ? « Rappelons juste que la fabrication d'une
voiture occasionne l'émission de huit à douze tonnes de CO2 et qu'il
faut, pour l'éponger avec une voiture consommant un litre de moins aux
cent kilomètres que celle qu'elle remplace, parcourir dans les
300 000 kilomètres
», lui
rétorque encore Jean Savary.
Les Tesla adulées
Dédaignant les sympathiques Twingo (première version), dont la bouille
rigolote et les couleurs pimpantes égaient toujours les rues de Paris,
Mme Hidalgo leur préfère des voitures électriques, à l'image des
luxueuses Tesla. De fait, sans le soutien des pouvoirs publics, peut-être
le constructeur de Palo Alto n'aurait-il pas connu pareil succès. « Le
modèle économique actuel d'Elon Musk est de collecter de l'argent de la
poche de ses concurrents automobiles, sous forme de "permis d'émissions"
»,
dénonce
ainsi Charles Boyer (Contrepoints, 6 mai
2015) ; selon lui, « Tesla perd des sous sur chaque voiture
qu'il vend, et fait des profits en agissant fondamentalement comme un
fermier général, collecteur de taxes auprès de ses concurrents
».
À Singapour, cependant, la Model S a été affublée d'un malus
écologique ; « il faut mettre en perspective la propreté de
l'électricité, produite aux trois quarts à Singapour par des centrales
au gaz naturel
», explique
notre confrère Romain Heuillard (Clubic, 9 mars
2016).
Au moins les Tesla se distinguent-elles par leur capacité à recevoir des
mises à jour, susceptibles de pallier leur obsolescence. À moins qu'il
s'agisse de corriger les bugs résultant d'un développement trop
hâtif ? Quelques propriétaires de Model X ont été confrontés à
des portières bloquées... Tesla innove incontestablement dans le domaine
du marketing. Ainsi propose-t-il à ses clients
d'accroître l'autonomie de leur voiture, délibérément limitée par un
bridage logiciel, en souscrivant une option d'un simple clic ;
« bien entendu, ce n'est pas une opération magique : les
Model S 70 et les Modell S 75 embarquent tous les deux une
batterie de 75l kWh
», précise
Julien Cadot (Numerama, 6 mai 2016). Autrement
dit, le prix de vente se trouve explicitement déconnecté du
coût de fabrication – dans l'industrie automobile, c'est une
révolution !
Révolution en marche
Une autre bouleversement s'annonce : profitant de la connectivité de
ses véhicules, Tesla accumule les données nécessaires au développement de
la conduite autonome. Si l'entreprise « prend une longueur
d'avance aujourd'hui sur la concurrence, c'est parce qu'elle possède
déjà des centaines de milliers de données sur de la conduite réelle, sur
route, de ses modèles
», analyse
Julien Cadot (Numerama, 12 mai 2016). Dans ces
conditions, aux yeux des constructeurs traditionnels, « les
spécialistes des flux d'information [...] sont potentiellement
inquiétants : ils pourraient devenir demain de nouveaux concurrents
ou, pire, leur prendre la position centrale qu'ils occupent aujourd'hui
dans la chaîne de valeur
», comme
expliqué sur Paris Tech Review (26 avril 2016).
Klaus Froehlich, directeur de la recherche et du développement de BMW, en
a pleinement conscience : si son entreprise négocie mal ce virage, prévient-il,
« nous finirons comme un Foxconn pour une société comme Apple, à
ne fournir que des cadres en métal
» (Clubic,
7 mars 2016). La France saura-t-elle tirer son épingle du jeu ?
La Cour des comptes craint qu'elle y soit mal préparée. Ainsi
déplore-t-elle « une "absence de stratégie globale et de
coordination entre les services de l'État", avec notamment une veille
internationale inadéquate pour orienter les actions à mener
»,
comme
le rapporte André Lecondé (Caradisiac, 11 mai
2016). Les responsables politiques seraient bien inspirés de s'en
préoccuper, plutôt que de jeter l'anathème sur les malheureux Parisiens
possesseurs d'une vénérable Twingo.
Publié dans Automobile, Économie et Industrie, Politique | Pas de commentaires
18 mai 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Voilà qu'on reparle des "racines chrétiennes" de la France. Un député
propose même de les inscrire dans la Constitution.
Karim Ouchikh, président du Siel (parti associé au FN), ferait-il des
émules ? « Si tous les cultes sont formellement égaux devant
la loi, les religions ne le sont pas devant la mémoire
», expliquait-il
dans le précédent numéro de L'Action Française 2000
(n° 2931 du 5 mai 2016) ; « sans jamais promouvoir un État
confessionnel
», poursuivait-il, « il nous faut donc
fonder une laïcité qui admettrait la prééminence du fait chrétien dans
le débat public
».
La laïcité contre l'islam
Éric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes, semble lui faire
écho : « s'il faut défendre à tout prix la laïcité en tant que
facteur d'unité, elle ne peut avoir pour corollaire l'effacement de
notre culture commune
», affirme-t-il dans l'exposé des motifs
d'une
proposition de loi constitutionnelle, enregistrée à la présidence de
l'Assemblée nationale le 6 mai dernier (2016). « La France a
été culturellement façonnée et imprégnée par son histoire chrétienne qui
a forgé les modes de vie, l'organisation sociale, ou encore le
calendrier civil ou les fêtes religieuses
», souligne-t-il.
Soucieux de « graver cette empreinte durable dans le premier
article de notre loi fondamentale
», il propose de
réviser la Constitution en conséquence, afin qu'y soit mentionnée la
« tradition chrétienne
» dont la France est l'héritière.
Mais parallèlement, la "laïcité" serait ajoutée à la devise de la
République – « liberté, égalité, fraternité
». Ce
faisant, il s'agirait de « rappeler avec force la place
fondamentale de ce principe
». Celui-ci « n'a eu de cesse
de reculer
», déplore Éric Ciotti. « L'espace public
est progressivement devenu un lieu d'expression d'appartenances et de
pratiques religieuses
», dénonce-t-il. Bien qu'il ne soit pas
cité, c'est évidemment l'islam qui est visé. Instrumentaliser la laïcité à
ses dépens, voilà une démarche à nos yeux malvenue, quoique désormais
convenue. « La laïcité ne doit
[...] pas nous conduire à
ignorer qui nous sommes, ni d'où nous venons
», prétend certes
M. Ciotti. Cependant, comment pourrait-il en être autrement, étant
donné l'acception dévoyée qu'il en propage par ailleurs ? Selon lui,
« le modèle français exige des individus de confiner à la sphère
privée ce qui relève de leurs croyances religieuses
». Si tel
était effectivement le cas, les prêtres en soutane se trouveraient bannis
de nos rues, au même titre que les femmes couvertes d'un voile
islamique !
Polémique calculée
Toutefois, en l'état actuel du droit, la laïcité ne vire pas
nécessairement au laïcisme. C'est pourquoi il nous semblerait impossible
d'engager des poursuites contre le socialiste Pierre Moscovici,
commissaire européen, qui revendique pourtant, dans l'exercice de ses
fonctions, des convictions de nature quasi religieuse : « je
ne crois pas aux racines chrétiennes de l'Europe
», a-t-il
déclaré le 8 mai sur BFM TV. Comme si
c'était une affaire de foi ! Sans doute s'agit-il, dans un cas comme
dans l'autre, d'envoyer un signal politique, sans traduction concrète,
mais délibérément polémique et "clivant". Rama Yade, quant à elle « rêve
d'un second tour face à Marine Le Pen
», comme
le rapportait Le Point le 28 avril ;
« je voudrais que symboliquement le choix des Français, ce soit
elle ou moi
», a-t-elle déclaré à notre consœur Émilie Trevert.
Dans ces conditions, les détracteurs du « grand remplacement »
ne manqueraient pas d'en faire l'enjeu du scrutin, au risque de déchaîner
bien des passions... Les responsables politiques ont beau se gargariser du
"vivre-ensemble", celui-ci fera vraisemblablement les frais des joutes
électorales.
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18 mai 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Comment L'Action Française traitait l'actualité au
printemps 1916, un siècle avant la commémoration officielle de la bataille
de Verdun.
Il y a cent ans, le
29 mai 1916, à la une de L'Action Française, des
communiqués officiels rendaient compte brièvement des opérations
militaires. Sur la deuxième page du journal, quelques lignes étaient
consacrées à la bataille de Verdun : « on pouvait prévoir,
après l'acharnement des dernières luttes, que les Allemands
s'abstiendraient de toute attaque avant d'avoir reconstitué leurs
divisions décimées par le feu
», soulignait le commandant Z.
Mais il n'en fut rien : « l'ennemi a dirigé un violent
bombardement », observait-il ; depuis deux jours, en revanche,
il n'y avait eu « aucune attaque d'infanterie
».
Kant et Rousseau accablés
Dans un petit article non signé, L'AF s'interrogeait sur la
Grèce, alors « en proie à l'invasion bulgare
» :
« les neutres n'échapperont pas à leur destin
»,
prévenait l'auteur ; « quoi qu'elle fasse, sa cause devrait
être désormais liée à la nôtre : nous nous heurtons aux mêmes
ennemis, son "ennemi héréditaire" le Bulgare et le bloc germanique,
destructeur des peuples
». Nulle complaisance n'était tolérée à
l'égard de l'ennemi. Léon Daudet en débusquait les espions et autres
complices présumés, à l'image des collaborateurs de Maggi (les petits
cubes alimentaires) – « une boîte allemande à masque suisse
»,
dénonçait-il. Charles Maurras, quant à lui, se disait « heureux
d'applaudir aux paroles
» d'un certain Paul Helmer : « c'est
la nation allemande tout entière qui a voulu la guerre
»,
affirmait ce dernier ; « c'est elle tout entière qui doit
être châtiée
», poursuivait-il. Le Martégal prêtait des
origines philosophiques au conflit en cours : « l'État boche
procède d'un type d'individualisme absolu trouvé chez Kant, maintenu et
copieusement développé dans Fichte, comme l'État jacobin émane et évolue
du libéralisme absolu admis également comme point de départ par Rousseau
»,
expliquait-il.
Renvoyés à des considérations plus terre-à-terre, les lecteurs étaient
invités à soutenir l'effort de guerre via la
souscription d'obligations. Une liste de combattants tombés au champ
d'honneur était publiée en une ; c'était déjà la cinq cent
soixantième... Mais toute légèreté n'était pas bannie des colonnes du
journal, où se poursuivait un « feuilleton
» – en
l'occurrence, L'Île au trésor de Robert Louis
Stevenson.
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