2 mars 2017
Article publié dans L'Action Française 2000
Soucieux de renforcer les moyens alloués aux armées, le général de Villiers inscrit volontiers leur action dans un cadre multilatéral.
Le général Pierre de Villiers, chef d'État-Major des armées (CEMA), s'est exprimé mercredi 8 février 2017 devant une commission de l'Assemblée nationale. « Pour la première fois depuis trente-cinq ans, la baisse de la part du budget allouée à la Défense a été enrayée
», s'est-il félicité devant les députés. Cela s'est traduit par sa stabilisation à 1,78 % du PIB. « Il faut poursuivre cette dynamique, qui doit nous amener à 2 % du PIB
», martèle le CEMA. « Mais il faut le faire plus rapidement que prévu, avant la fin du prochain quinquennat
», prévient-il.
Insuffisances criantes
« Parfois, en tant que chef des opérations, je renonce à certaines cibles
[…] par insuffisance de capacités
», déplore-t-il. Les exemples ne manquent pas : « Actuellement, plus de 60 % des véhicules de l'armée de terre engagés en opérations ne sont pas protégés. On ne peut pas continuer comme cela. De même, la disponibilité de nos avions ravitailleurs conditionne notre aptitude à tenir la posture de dissuasion nucléaire, comme à projeter nos forces et à soutenir nos opérations aériennes ; or, ils ont en moyenne plus de cinquante ans d'âge. La Marine, quant à elle, voit le nombre de ses patrouilleurs outre-mer s'effondrer : d'ici 2020, hors Guyane, six sur huit auront été désarmés, et ne seront remplacés que plusieurs années plus tard. Et, au-delà de 2020, d'autres réductions temporaires de capacités apparaîtront, comme les hélicoptères légers embarqués, dont le remplacement est prévu en 2028 seulement, les missiles air-air ou les camions lourds.
»
Retour des États-puissances
Or les menaces persistent. Le général de Villiers distingue « deux grands types de conflictualité
» : d'une part, explique-t-il, « nous sommes confrontés à l'émergence et à l'expansion du terrorisme islamiste radical
» ; d'autre part, poursuit-il, « nous assistons […] au retour des États-puissances, traditionnels ou émergents, dont certains visent à étendre leur influence par la mise en œuvre d'une stratégie qui repose sur le rapport de forces et sur le fait accompli
» La Russie serait-elle visée ? « De manière plus générale
», souligne le CEMA, « l'affirmation militaire redevient une tendance lourde, commune à plusieurs États dans le monde
». Celui-ci est-il plus dangereux qu'auparavant ? « Il est, en tout cas, plus instable et plus incertain
», répond le général de Villiers. Selon lui, « cette réalité, évidente, plaide pour que la France continue à compter en priorité sur ses propres forces afin d'assurer sa sécurité et sa protection pour le long terme
».
L'Otan et l'UE, des atouts ?
De quoi ravir les souverainistes ? Pas vraiment. Si, aux yeux du CEMA, « l'enjeu essentiel
» demeure effectivement « la préservation de notre souveraineté
», celle-ci « repose sur trois socles
» : « l'indépendance nationale
», « l'autonomie stratégique
» mais aussi « la coopération militaire, entendue au sens large
». « Tout l'enjeu est de parvenir au juste équilibre entre ce qui est du ressort strict de notre souveraineté et ce qui peut être partagé
», précise-t-il. De son point de vue, « il ne faut pas opposer le communautaire et l'intergouvernemental : les deux s'additionnent et ne s'opposent en aucune manière à l'exercice d'une souveraineté pleine et entière
». Par ailleurs, « à côté des garanties apportées
», selon lui, par l'Otan ou l'Union européenne, il revendique « la conviction que la coopération internationale, fondée sur la confiance, apporte une contribution complémentaire essentielle à la protection de la France et des Français
». Cette fois-ci, une pique serait-elle envoyée à Donald Trump ? Quoi qu'il en soit, le chef d'État-Major des armées se garde toutefois de verser dans l'angélisme car, observe-t-il, « seule la force peut faire reculer la violence
». Et de conclure : « Il ne suffit pas de prévoir l'avenir, il faut le permettre. Seule la puissance garantit la paix, qui est notre objectif à toutes et à tous.
»
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3 août 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Facebook et Twitter sont pointés du doigt tandis que leurs services sont
mis à profit par les propagandistes islamistes.
Tandis que se multiplient les attentats terroristes, certains de nos
confrères ont annoncé qu'ils ne diffuseraient plus ni les noms, ni les
photographies des islamistes responsables de ces forfaits. Les députés
Marine Brenier (LR) et Meyer Habib (UDI) ont même déposé une proposition
de loi afin d'y contraindre tous les médias. De leur point de vue, « refuser
un nom et un visage aux terroristes, c'est leur refuser la victoire
» ;
« il faut cesser d'entretenir le phénomène malsain de
starification des criminels
», ont-ils
expliqué, soulignant toutefois que cela n'empêcherait pas « d'accomplir
un véritable travail d'enquête et de fond sur les profils des
terroristes
». Dans
les colonnes du Monde, Patrick Eveno, président de
l'Observatoire de la déontologie de l'information, s'étonne que « des
élus garants des libertés fondamentales se rallient à cette demande de
censure, quand ils ne la suscitent pas
» ; de toute façon,
cela lui semble « illusoire au temps des réseaux sociaux
».
Des blocages administratifs sans conséquence
Dans
un rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le
13 juillet dernier (2016), Kader Arif, député (PS) de la
Haute-Garonne, déplore, à ce propos, « la facilité avec laquelle
il a pu accéder en quelques clics aux publications françaises de Daech
».
« Chaque jour
», précise-t-il, « trois nouvelles
vidéos rattachées à Daech sur des réseaux comme Facebook ou Youtube sont
diffusées, leur publicité étant assurée notamment sur Twitter
».
Un « djihadiste facilitateur
» affirme d'ailleurs qu'il
« attrape partout sur Facebook
» !
En réaction, les pouvoirs publics ordonnent des blocages administratifs,
en application de la loi du 13 novembre 2014. Avec un résultat
mitigé : « en plus des nombreuses possibilités de
contournement des blocages, les sites terroristes effectivement bloqués
ne sont en fait pas du tout visités
», observe le
rapporteur ; de mars à décembre 2015, moins de cinq cents tentatives
de connexion auraient ainsi été mises en échec. Comme le rappelle Kader
Arif, la loi du 24 juillet 2015 prévoit, quant à elle, la mise en
place de « dispositifs techniques d'interception automatique
visant à repérer au sein du flux massif de données de communications les
métadonnées identifiant des comportements suspects en matière de
terrorisme
». Or, déplore-t-il, « les plateformes
semblent très réticentes envers le développement de tels outils,
estimant qu'il est difficile de qualifier en amont des contenus
terroristes et qu'une contextualisation du contenu est nécessaire
».
D'un contexte à l'autre
Selon le contexte, en effet, un même contenu pourra être diffusé à des
fins d'apologie ou de dénonciation. « Il est ainsi mentionné dans
les conditions générales d'utilisation de certains de ces réseaux
sociaux, que les contenus apologétiques en matière de terrorisme ou de
violences ne peuvent être retirés que lorsqu'ils ne sont pas accompagnés
d'un commentaire de l'auteur de la publication désapprouvant
formellement ces contenus
» ; faut-il le regretter avec le
rapporteur ? Tous les contributeurs de la "réinfosphère" ne partagent
pas son avis. En février dernier, la mésaventure de l'abbé Guy Pagès y
avait suscité l'indignation : prétendant lutter contre l'islam à la
lumière des atrocités commises en son nom, ce prêtre avait mis en ligne
des images insoutenables, si bien que les serveurs hébergeant son site
Internet avaient été saisis ; cela « sous les auspices des
nouvelles dispositions légales relatives à la lutte contre le terrorisme
»,
si l'on en croit son
témoignage rapporté par Riposte laïque.
En tout cas, aux yeux du rapporteur, il apparaît « nécessaire de
renforcer le contrôle sur les réseaux sociaux, qui
[...] ne
jouent pas toujours le jeu
». En février, Twitter a révélé
qu'il avait suspendu cent vingt-cinq mille comptes depuis le milieu de
l'année dernière. Il emploierait à cet effet une centaine de personnes.
C'est « extrêmement peu compte tenu le volume de contenus et de
signalements des utilisateurs
», dénonce Kader Arif. Selon lui,
« ce manque de moyens humains peut expliquer qu'une vidéo comme
celle revendiquant les meurtres de Magnanville le 14 juin 2016,
postée sur Facebook Live en direct, n'ait été
[...] retirée de
Facebook que onze heures après sa diffusion
».
Censure pudibonde
Ce manque de réactivité peut sembler trancher avec la fermeté qu'observe
Facebook à l'égard des utilisateurs coupables de braver le puritanisme
américain. Les Femen en ont déjà fait les frais, par exemple, tous comme
leurs détracteurs accompagnant d'une illustration sans floutage ni
artifice la dénonciation de leurs manifestations "topless". La censure
d'une reproduction de L'Origine du monde, le célèbre tableau
de Gustave Courbet, a même suscité une bataille judiciaire dont l'un des
enjeux a été de déterminer si les institutions françaises étaient
compétentes pour juger Facebook. Cela renvoie à « la nature même
des outils numériques, c'est-à-dire leur caractère transnational
»,
que ne manque pas de souligner le rapporteur. Selon lui, « la
coopération internationale doit donc être accrue sur ces sujets
»,
en premier lieu au niveau européen, « afin d'éviter de donner la
possibilité aux acteurs de jouer entre les différents pays pour se
protéger des blocages techniques mis en œuvre localement
».
Mais si Facebook et Twitter sont aujourd'hui des outils fondamentaux de
la propagande djihadiste, cela n'a pas toujours été le cas, comme le
rappelle Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri
(Institut français des relations internationales) : « Nombre de
djihadistes se montrent méfiants à l'égard des grands réseaux sociaux,
créés aux États-Unis et soupçonnés par les radicaux d'être mités aux
services de renseignement américains. La donne change réellement à
partir de 2012, année où le djihad en Syrie commence à attirer un flux
important de volontaires étrangers. Parmi eux se trouvent des centaines
puis des milliers de jeunes occidentaux, habitués à utiliser Facebook,
Twitter et Youtube.
» McDonald's finira-t-il par ouvrir un
restaurant dans les territoires conquis par l'État islamique ? Ironie
mise à part, l'islamisme apparaît à bien des égards comme un produit
typique de la mondialisation.
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6 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Coopération franco-britannique, défense européenne, Alliance
atlantique : aperçu des perspectives ouvertes par le vote du
23 juin 2016 en faveur du Brexit.
Le 24 juin 2016, alors que venait d'être annoncée l'issue du
référendum en faveur du Brexit, le
président de la République a promis que Paris serait « à
l'initiative pour que l'Europe se concentre sur l'essentiel
» –
à savoir, tout d'abord, « la sécurité et la défense de notre
continent
». Or, si le Royaume-Uni quitte effectivement l'Union
européenne (UE), « la France
[...] continuera à travailler
avec ce grand pays
», y compris en cette matière, où « nos
relations étroites
[...] seront préservées
», a assuré
François Hollande.
Gare aux punitions
« Qu'ils soient dans ou en dehors de l'UE, les Britanniques
restent à échéance visible nos partenaires les plus crédibles et les
plus sérieux en matière de défense sur le continent européen
»,
confirme Pierre Razoux, dans
une note de l'Irsem (Institut de recherche stratégique de l'École
militaire). « Nous partageons des intérêts similaires (vision
mondiale, siège permanent au Conseil de sécurité, détention de l'arme
nucléaire, nombreux territoires d'outre-mer à protéger, intérêts
géostratégiques largement convergents) que le Brexit ne modifiera pas
»,
explique-t-il. « Sur le plan industriel
», précise-t-il,
« nous sommes engagés dans des projets structurants en cours de
développement (missile antinavire léger, système de combat aérien futur)
qui restent strictement bilatéraux
». Par conséquent,
prévient-il, « il est crucial que la France continue de traiter le
Royaume-Uni avec respect, de manière sereine et dépassionnée, sans
l'esprit de "punition" que certains pourraient être tentés
d'instrumentaliser
».
Ce partenariat s'appuie sur les accords de Lancaster House signés en
2010. Lesquels sont « une façon de "faire l'Europe sans l'Union
européenne", pour reprendre les propos de l'ambassadrice de France en
Grande-Bretagne
», citée par Florent de Saint-Victor dans
un entretien au Marin. En fait, c'est une façon parmi
beaucoup d'autres... Londres participe également à l'Occar (Organisation
conjointe de coopération en matière d'armement), par exemple, sous l'égide
de laquelle a été développé l'Airbus A400M. En revanche, à la différence
de Paris, il est resté en marge du Commandement européen du transport
aérien (EATC). Force est de le constater : "l'Europe des États" chère
aux souverainistes existe d'ores et déjà. En effet, ces structures-là sont
indépendantes de l'UE et de sa Politique de sécurité et de défense commune
(PSDC), à laquelle la contribution du Royaume-Uni s'avère d'ailleurs
modeste, au regard de ses capacités.
Londres préfère l'Otan
« Durant l'opération Eunavfor Atalanta contre la piraterie,
Londres n'a mis à disposition qu'un navire depuis 2008
», souligne
ainsi Nicolas Gros-Verheyde, animateur du blog Bruxelles 2.
« Et ce pendant quelques mois à peine
»,
précise-t-il, « soit à peine plus que les... Ukrainiens
» ;
« pendant ce temps
», poursuit-il, « les
Luxembourgeois mettaient à disposition deux avions de patrouille
maritime durant plusieurs années
». De fait, observe-t-il,
« le Royaume-Uni préférait mettre ses navires à disposition de
l'Otan ou des Américains
». Étonnement, Pierre Razoux n'en estime
pas moins que la perspective d'un Brexit « laisse présager la
démonétisation
» de la PSDC. Pourtant, Londres était
régulièrement accusé d'en freiner le développement, s'opposant à la
création d'un QG militaire de l'Union, ainsi qu'à l'accroissement du
budget de l'Agence européenne de défense (AED). Selon le collaborateur de
l'Irsem, « si les Britanniques ne peuvent plus jouer au sein de
l'UE, certains d'entre eux pourraient être tentés de torpiller la PSDC
et de convaincre leurs anciens partenaires de l'inutilité de cet outil
dont ils ne font plus partie
». Cependant, souligne Nicolas
Gros-Verheyde, « un départ du Royaume-Uni n'empêcherait pas qu'il
puisse continuer à contribuer, de manière extérieure, aux opérations
militaires européennes, comme le font aujourd'hui nombre de pays tiers,
de la Géorgie à la Colombie, en passant par la Suisse, la Norvège, la
Serbie ou les États-Unis
».
Quoi qu'il en soit, « la France aurait tout à gagner à se
présenter comme l'intermédiaire naturel entre le Royaume-Uni et l'UE
»,
selon Pierre Razoux. Ce dernier entrevoit également « une
opportunité de coopération supplémentaire entre l'Allemagne et la France
»
au sein de l'Alliance atlantique. Dans quelle mesure celle-ci serait-elle
affectée par un Brexit ? Les avis sont partagés. Un analyste russe, cité
par le Courrier international, anticipe « le
renforcement du rôle de l'Otan, comme "dernière structure unifiant
l'Europe"
» ; si bien que le Brexit contribuerait « non
pas à un infléchissement du rôle des États-Unis en Europe, mais au
contraire à son renforcement
». À l'inverse, sur
Royal Artillerie, Catoneo annonce que « nous
gagnerons en autonomie par rapport aux États-Unis
».
Nouveaux équilibres
La donne serait davantage bouleversée si le Brexit s'accompagnait d'un
éclatement du Royaume-Uni. Celui-ci apparaît « menacé de
déclassement à la fois économique et stratégique avec l'indépendance
plausible de l'Écosse
», selon Pierre Razoux. Dans l'immédiat,
les spéculations vont bon train quant aux nouveaux équilibres
géopolitiques qui pourraient se dessiner à l'occasion du Brexit. Le vote
"leave" a été « accueilli très favorablement par la Russie, la
Turquie et la Chine, et de manière dubitative par les États-Unis
»,
croit savoir Pierre Razoux. « Le retrait britannique change les
termes du processus décisionnel (modifiant la minorité de blocage),
modifie les équilibres au détriment de la sensibilité libérale, et
laisse Paris et Berlin dans un inconfortable face à face
»,
analyse Frédéric Charillon dans
The Conversation. « Ceux qui se réjouissent
aujourd'hui de la sortie annoncée du Royaume-Uni pourraient être demain
les premiers à dénoncer les ambitions géopolitiques et militaires d'une
Allemagne décomplexée
», s'inquiète même Pierre Razoux. « Si
les Britanniques n'étaient pas favorables à une politique étrangère
commune digne de ce nom, la contribution du Foreign and Commonwealth
Office à la diplomatie européenne renforçait considérablement l'analyse
et la crédibilité de celle-ci
», affirme encore celui-là. À ce
propos, les chefs d'État ou de gouvernement de l'UE viennent d'adopter le
28 juin une nouvelle stratégie pour la politique extérieure et de
sécurité. Y compris David Cameron donc. Brexit ou pas, l'Europe continue.
Sous de multiples formes.
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4 novembre 2015
Article publié dans L'Action Française 2000
Projetées au cœur de populations dont elles connaissent mal la
culture, les armées occidentales sont encore loin de maîtriser ce
nouvel art de la guerre, où les sciences sociales vont jouer un rôle
croissant.
Alors que des abus sexuels étaient commis contre des enfants
en Afghanistan, des soldats américains, témoins de ces horreurs, se
seraient vu « ordonner [...] de détourner leur regard car cela
fait partie de la culture locale », selon
les révélations du New York Times, cité par le Courrier
international (en ligne) le 22 septembre 2015.
Pareil cynisme semble effroyable, mais peut-être cela reflète-t-il la
difficulté des armées occidentales à relever le défi de
« l'interculturalité dans les opérations
militaires », auquel
Nathalie Ruffié consacre précisément un petit livre.
Des écoles dont personne ne veut
En effet, nous dit-elle, « les exemples ne manquent
pas quant aux perceptions culturelles erronées des
militaires ». Comme en Irak, où des soldats américains,
arrêtant des hommes, les mettaient face contre terre – « une
position interdite par l'islam sauf pendant la prière » – au
risque de choquer les détenus, mais aussi les passants. Ou comme dans
le Sud de l'Afghanistan, où le puits construit à l'initiative des
Occidentaux « fut détruit non pas par les Talibans mais par
les femmes du village », celles-ci préférant « aller
chercher l'eau à la rivière [...] loin de la surveillance des
hommes ». L'auteur rapporte encore l'obstination de militaires
danois à proposer la construction d'une école dans un village afghan,
dont la population « est alors plus préoccupée par la perte
d'une vache lors d'un bombardement ou le piétinement d'un champ de
culture par le passage des soldats ».
À l'inverse, au Mali, après avoir chassé les djihadistes de la
ville de Gao, l'armée française s'est attiré les sympathies de la
population en y reconstruisant un marché, contribuant ainsi à relancer
la vie économique et sociale. « Au niveau tactique »,
poursuit Nathalie Ruffié, « la compréhension des effets de
genre ou de la famille peut sauver des vies ». Prêts à mourir
sous le feu d'un bombardier B-52, des combattants musulmans préférèrent
se rendre quand ils apprirent que l'appareil était piloté par une
femme... Un succès ponctuel qui ne saurait masquer l'ampleur du défi
stratégique : étant donné leur rapport au temps,
« les guerriers afghans ont la capacité de s'engager dans leur
cause sur de très longues périodes, ce qui peut être un facteur décisif
de victoire ».
Cependant, actionné à bon escient, le "levier culturel"
produit parfois des effets spectaculaires au bénéfice des armées
occidentales. En juillet 2009, toujours en Afghanistan, huit cents
Marines envoyés en renfort parcoururent en petites équipes la province
d'Helmand, allant à la rencontre de la population. « Cinq mois
plus tard, la province avait changé de profil : les insurgés
avaient du mal à investir le terrain sans être dénoncés par les
fermiers. » Les attentats perpétrés à l'aide de bombes
artisanales avaient même chuté de 90 %. Or, souligne l'auteur,
« aucune information ne fut trouvée sur ces changements dans
les rapports officiels au niveau du quartier
général » !
C'est dire la profondeur des lacunes affectant l'organisation
des armées occidentales – voire leur culture. À l'avenir, peut-être de
nouveaux outils informatiques permettront-ils de les combler – l'auteur
y consacre d'ailleurs toute une partie de son livre. Dans l'immédiat,
observe-t-elle, « la communauté de renseignement lutte à
intégrer les analyses socio-culturelles au sein des analyses
traditionnelles car [ses] structures restent concentrées sur l'État,
modèle de la Guerre froide ». Les effectifs déployés sur le
terrain étant relevés généralement tous les six mois, cela n'arrange
rien : « les mêmes propositions reviennent en boucle
malgré les échecs précédents », tandis que « les
interlocuteurs afghans – qui eux restent en place – peuvent utiliser
les failles »...
Il faut réviser les doctrines
Peut-être cette étude contribuera-t-elle à la révision des
doctrines... À vrai dire, sa publication semble s'adresser aux
spécialistes, en quête de références bibliographiques, davantage qu'aux
profanes, avides d'anecdotes, somme toute peu nombreuses. Sa lecture
n'en reste pas moins aisée, quoique les citations non traduites de
l'anglais puissent en gêner certains. On regrettera, par ailleurs, que
l'orthographe et la syntaxe ne soient pas d'une rigueur absolue.
Saluons toutefois l'initiative des éditions du Cygne, qui proposent,
outre la traditionnelle version papier, le téléchargement d'un fichier
libre de tout verrou numérique (DRM) – un exemple à suivre !
Nathalie Ruffié, L'Interculturalité dans les
opérations militaires – Le cas américain en Irak et en Afghanistan,
éditions du Cygne, juin 2015, 138 pages, 14,00 euros
(version numérique, Epub ou PDF sans DRM, 12,60 euros).
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6 mars 2015
Article publié dans L'Action Française 2000
L'Égypte acquiert le Rafale pour échapper à l'influence
américaine, tout comme la France l'avait développé pour garantir son
autonomie stratégique.
Le Rafale a enfin décollé à l'export ! Vingt-quatre appareils ont
été commandés par l'Égypte le 16 février. Il était
temps : son premier vol remontait à juillet 1986... Depuis,
les critiques n'ont pas manqué de railler un projet militaro-industriel
réputé symptomatique d'une certaine arrogance française. D'autant
qu'avec des ambitions plus modestes, le Gripen suédois avait déjà
conquis la République tchèque, la Hongrie, l'Afrique du Sud et la
Thaïlande... Paris pouvait certes s'enorgueillir de disposer d'un avion
polyvalent et performant, mais personne n'en voulait ; la
preuve n'était-elle pas ainsi faite qu'il avait eu tort de faire
cavalier seul ?
Le choix de l'indépendance
C'est pourtant ce choix-là qui s'est avéré payant à l'égard du
Caire – celui de l'indépendance. Pour l'Égypte, remarquent nos
confrères de DSI, cet achat « est plus
qu'une affaire d'équipement militaire : c'est aussi une question de
souveraineté sur l'usage qui peut être fait de ses
matériels ». Jean-Dominique Merchet le confirme sur son blog Secret
Défense : « Le facteur déclenchant du
contrat Rafale remonte au mois d'août dernier, lorsque les Émirats
arabes unis ont bombardé des positions islamistes en Libye, avec le
soutien de l'Égypte. Les Émiriens ont alors utilisé leurs Mirage 2000-9
plutôt que leurs F-16, les États-Unis ayant, selon des informations de
source française, mis leur veto sur l'emploi de chasseurs-bombardiers
de fabrication américaine. Or, l'essentiel de la flotte aérienne de
l'Égypte est aujourd'hui composé de deux cent vingt F-16. D'où la
volonté de Sissi de diversifier, vite, son approvisionnement en
armements, auprès de pays, comme la France, moins regardant sur
l'emploi qui en est fait. » De fait, le développement du
Rafale s'est inscrit dans la continuité d'une politique nationale dont
la dissuasion nucléaire n'est pas le moindre des aspects. Aux côtés des
SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins), l'avion produit par
Dassault en est précisément l'un des vecteurs. Sa crédibilité serait
naturellement entamée si elle devait dépendre, d'une façon ou d'une
autre, d'une puissance étrangère...
Une bonne affaire
L'exportation du Rafale contribuera-t-elle à pérenniser cette
autonomie ? Peut-être permettra-t-elle d'en atténuer les
coûts, au demeurant très relatifs. Développé dans le cadre d'une
coopération entre l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le
Royaume-Uni, assemblé en conséquence sur quatre
sites différents, l'Eurofighter s'est avéré beaucoup plus coûteux, en
définitive, que son concurrent français. Selon un rapport du Sénat,
« la coopération européenne dans les industries de défense
regorge d'exemples de programmes dont les délais ont été plus longs et
les coûts plus chers que s'ils avaient été menés nationalement, qui ont
connu des dérapages de prix et ont débouché sur des produits moins
cohérents voire si différents que tout partage des coûts de maintenance
en est impossible ». Dans ces conditions, conclut notre
confrère Jean-Dominique Merchet, « le choix de jouer en
franco-français [...] apparaît [...] comme le plus rationnel, tant sur
le plan des finances publiques que sur celui des besoins
militaires ».
En résumé : l'indépendance nationale est une bonne
affaire.
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1 octobre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
Voilà tout juste cinquante ans que la dissuasion nucléaire
française est opérationnelle. Bien que le contexte international ait
été bouleversé, un relatif consensus politique s'est maintenu en sa
faveur. Alain Juppé, Alain Richard ou Michel Rocard, par exemple, ne
sont pas parvenus à l'ébranler. La dissuasion nucléaire, c'est
« l'assurance vie » de la nation, martèlent à l'envi
les présidents de la République successifs. Peut-être un prochain hôte
de l'Élysée sera-t-il tenté, néanmoins, de renoncer à sa composante
aérienne, la garantie apportée par la permanence à la mer d'un SNLE
(sous-marin nucléaire lanceur d'engins) étant jugée suffisante. Un
ancien ministre de la Défense s'est exprimé en ce sens dernièrement.
Autant le dire d'emblée : ses arguments ne nous ont pas
convaincu.
Vendredi prochain, 3 octobre 2014, seront célébrés
les cinquante ans des Forces aériennes stratégiques (FAS). Créées par
décret présidentiel le 14 janvier 1964, elles comprenaient à
l'origine deux escadrons, déclarés opérationnels à l'automne suivant,
dénommés Gascogne et Landes, chargés respectivement du bombardement et
du ravitaillement. Aussitôt commencèrent les premières prises
d'alerte : après avoir « retrouvé sa voix »,
selon la formule de Michel Debré saluant, en février 1960, le premier
essai nucléaire français, Paris pouvait désormais la faire entendre aux
quatre coins du monde, portée par un Mirage IV prêt à décoller
à chaque instant de Mont-de-Marsan (Landes) armé d'une bombe AN-11.
Quinze fois Hiroshima
Au cours du demi-siècle écoulé, les Forces aériennes
stratégiques ont été modernisées à plusieurs reprises, jusqu'à
l'introduction du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré) et
la transformation en cours de l'escadron La Fayette sur Rafale – en
attendant le remplacement des antiques ravitailleurs Boeing C-135 par
des Airbus A330 MRTT (multi role tanker transport).
Commandées depuis un centre d'opérations enterré au cœur d'une ancienne
carrière de gypse à Taverny (Val-d'Oise), les FAS mettent en œuvre des
charges nucléaires dont la puissance serait quinze fois supérieure à
celle de la bombe d'Hiroshima ; la portée du missile ASMP-A
est estimée à cinq cents kilomètres, tandis que sa précision serait
inférieure à dix mètres.
« La France est le seul pays européen à détenir en
propre cette capacité », se félicite l'armée de l'AIr.
« Certains pays de l'Otan fournissent des vecteurs aériens
pour pouvoir délivrer l'arme nucléaire, mais celle-ci restant la
propriété exclusive des États-Unis, ils ne sont pas indépendants dans
leur décision d'emploi éventuel. » Dans quelle mesure Paris
doit-il s'enorgueillir d'une telle exclusivité ?
« Est-ce que les Anglais se sentent moins bien protégés avec
leur seule force sous-marine ? » La question a été posée, le
14 juillet dernier, par Hervé Morin, ancien ministre de la
Défense. « On ne peut pas maintenir les deux composantes,
aérienne et maritime, de notre dissuasion nucléaire », a-t-il
déclaré dans un entretien au Journal du dimanche.
« Dans le contexte budgétaire actuel », a-t-il
expliqué, « ça ne peut plus être ceinture et
bretelles ».
Aujourd'hui, soutient M. Morin, « ce dont on
a besoin ce sont des drones, des avions de transport de
troupes ». Mais si des économies étaient réalisées aux dépens
de la dissuasion, bénéficieraient-elles aux forces
conventionnelles ? Rien ne le garantit. Or, bien que les FAS
soient habilitées à délivrer le feu nucléaire, elles n'y sont pas
cantonnées. Comme le rappelait le général Pierre-Henri Mathe, lors d'un
colloque en 2005, « les Mirage 2000N de l'escadron de chasse
02.004 La Fayette furent projetés dans les Balkans dans les années
quatre-vingt dix et assurèrent la première mission de tir réel de
l'Otan en Croatie en 1994 ». Plus récemment, l'escadron La
Fayette a participé à l'opération Harmattan en Libye. « Mais
la polyvalence ne se limite pas à l'action offensive »,
poursuivait le général Mathe. « En effet, dès les années
soixante-dix, une nouvelle mission fut confiée au
Mirage IV : la reconnaissance stratégique. C'est
ainsi que les qualités développées pour la mission nucléaire
(furtivité, rapidité, endurance...) furent utilisées pour des missions
de reconnaissance. »
Bénéfices collatéraux
Autrement dit, l'exigence requise par la dissuasion semble
bénéficier aux armées dans l'exercice des missions conventionnelles.
Rendant compte d'un débat organisé au printemps dernier, le
géopolitologue Olivier Kempf a émis l'hypothèse selon laquelle le
nucléaire serait « structurant du modèle
d'armée » : « sans lui », a-t-il
suggéré sur son blog Egea, « pas de
Rafale, de renseignement, de spatial, de Fremm [frégates
multi-missions], d'Atlantique 2, autant de fonctions qui
contribuent au combat des trois milieux ». En fait,
constate-t-il, « le politique accepte de payer ces armes
structurantes à cause du nucléaire ». Incidemment, la nation
en tire vraisemblablement quelque profit. « Aujourd'hui
encore, comment comprendre Ariane 5 sans le missile M5, les
avancées décisives sur la connaissance de la matière comme
l'identification récente du si nécessaire boson de Higgs sans la
recherche fondamentale conduite par les programmes scientifiques liés
aux Forces nucléaires stratégiques ? », se demandait
l'amiral Jean Dufourcq, rédacteur en chef de la Revue
Défense nationale, dans une chronique publiée en juillet
2012 par l'Alliance géostratégique. Selon lui, « la priorité
accordée dans notre posture de défense à l'arme nucléaire a permis de
doper sa capacité scientifique et industrielle ».
Voilà qui relativise le coût de la dissuasion nucléaire. Selon
nos confrères du JDD, celui de sa composante
arienne représenterait 300 à 400 millions d'euros chaque
année. À titre de comparaison, le déficit public s'est élevé, en 2013,
à 87,6 milliards d'euros... Ainsi, aux yeux du général Mathe,
« se passer de cette composante serait une hérésie puisque ce
serait se priver, pour un "coût limité", de la complémentarité qu'elle
apporte, entre autres, dans les modes de pénétration ».
En effet, tandis que les SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs
d'engins) tirent des missiles balistiques de très longue portée,
suivant une trajectoire parabolique, les chasseurs-bombardiers sont
armés de missiles de croisière. Or, comme l'explique le colonel Duvert,
dans un document publié sur le site Internet des FAS, « en
étant capable de mettre en œuvre des modes de pénétration balistique et
aérobie, ou les deux à la fois, on complique la tâche de l'adversaire
éventuel en l'obligeant à diversifier ses moyens de défense, et l'on se
préserve d'événements techniques intéressant l'une des deux
composantes, qu'il s'agisse d'une éventuelle percée technologique de la
défense ou d'un problème qui viendrait dégrader la disponibilité de nos
moyens ». Par ailleurs, alors que les sous-marins se
distinguent par leur discrétion, les avions peuvent faire valoir leur
souplesse d'emploi, mais aussi leur visibilité. Le colonel
Duvert souligne leur « démonstrativité », qui
« peut se définir par la possibilité offerte au président de
la République de prouver sa détermination sans décider l'acte
ultime » : « Ce peut être en ordonnant une
montée en puissance ostensible (déploiements d'avions, convois de
missiles au vu des satellites espions de l'adversaire,...), ou le
décollage du raid stratégique pour sa mission en conservant la
possibilité de rappeler les avions. » « C'est ainsi
qu'en 1962, lors de la crise de Cuba, tous les moyens du Strategic Air
Command furent déployés sur le sol américain et prirent
l'alerte », rappelait le général Mathe. Selon lui,
« cet événement fut la preuve flagrante que l'arme aérienne,
par sa réversibilité et par sa démonstrativité, accompagne l'action
politique ». « La mission de dissuasion fut dès son
origine l'"intimidation" », soulignait-il. Or, « pour
intimider de façon crédible, il faut se montrer et être vu ».
Le nucléaire, c'est Zeus
Hervé Morin le confirme à sa façon : « Le
nucléaire, c'est Zeus », a-t-il déclaré au JDD,
remarquant qu'il « fait partie de la symbolique du chef,
surtout dans notre Ve République ». « L'arme
nucléaire est, pour tout président de la République française prenant
ses fonctions, un des symboles majeurs de sa responsabilité
nationale », souligne l'amiral Dufourcq. « Le chef
des armées dispose du feu nucléaire, en permanence, pour dissuader
quiconque de s'en prendre aux intérêts vitaux de la France. Le faire
savoir en endossant les capacités de la seconde frappe assurée est l'un
des rituels de la prise de fonction. » Selon le rédacteur en
chef de la RDN, « la capacité nucléaire
d'un État reste toujours en 2012 un marqueur fort de son
identité ». D'ailleurs, la singularité militaire de la France
fait écho à sa singularité institutionnelle – l'une et l'autre étant
vraisemblablement indisociables. À cet égard, peut-être la dissuasion
nucléaire est-elle "structurante" non seulement d'un modèle d'armée,
mais aussi d'un modèle politique.
Une remarque supplémentaire en faveur du maintien de la
composante arienne, tirée
d'un article publié voilà quelque temps par feue l'Alliance
géostratégique : « Avec un seul SNLE à la
mer en même temps, faire effectuer à celui-ci une frappe
"pré-stratégique" ou d'ultime avertissement est impossible, sous-peine
de révéler sa position et d'obérer de fait sa capacité à garantir une
seconde frappe : une force stratégique purement sous-marine,
dans le cadre de la doctrine et avec les moyens actuels, n'est pas
possible. »
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1 octobre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
Complément de l'article écrit à l'occasion des cinquante ans
des Forces aériennes stratégiques.
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le "pouvoir
égalisateur de l'atome" n'avait pas échappé à Charles Maurras. De son
point de vue, explique Georges-Henri Soutou, la bombe atomique
« permettait à une puissance comme la France de garder son
indépendance et de manœuvrer à l'époque des superpuissance » (Entre
la vieille Europe et la seule France, Economica, 2009).
C'est pourquoi, selon Maurras, « un gouvernement digne du nom
français devrait tendre à ce que la France eût à tout prix le secret de
la bombe, et la bombe elle-même, coûte que coûte ». Une fois
n'est pas coutume, la République semble l'avoir entendu !
Cinquante ans plus tard, soutient Hervé Morin,
« notre théorie de dissuasion souffre d'un certain nombre de
contradictions ». « Dans un contexte de Guerre
froide », affirme-t-il, « la stratégie du faible au
fort et [le] concept de non-emploi se mariaient dans une belle logique.
Mais dans une stratégie inverse, du fort au faible, dans un contexte où
on développe une arme d'ultime avertissement, quand on procède à des
programmes de miniaturisation, on voit bien que l'arme nucléaire tend à
sortir du concept de non-emploi pour aller doucement mais surement vers
le concept d'emploi. » Dans ces conditions, « le
nucléaire français, pour conserver sa pertinence, ne peut échapper à la
révision de sa doctrine », avait confirmé le général Gambotti,
dans un billet publié en 2009 sur Egea. Selon l'amiral Jean Dufourcq,
« l'arme nucléaire a toujours sa place dans notre arsenal
militaire et notre politique de défense mais celle-ci n'est plus
désormais centrale, vitale, quoi qu'on dise avec une virile
constance ».
Faut-il dès lors y renoncer, comme le réclame, par exemple, le
général Norlain, qui la juge « inutile et
coûteuse » ? « L'arme n'est pas simplement
une réaction aux conditions de l'époque », répond Olivier Kempf.
« Elle est aussi une arme identitaire qui assure la
perpétuation de l'indépendance de la France. [...] Or, l'espérance de
vie des nations se compte en siècles. C'est à cette aune-là qu'il faut
mesurer l'âge de l'arme nucléaire comme de son utilité. La Guerre
froide dura quarante-cinq ans. Cela ne fait que vingt-cinq ans que nous
l'avons quittée. Les circonstances ne rassurent pas et n'incitent pas
au plus grand optimisme. C'est peut-être une erreur de jugement et
l'observateur de 2014 n'aperçoit peut-être pas le mouvement
pacificateur et de concorde internationale à l'œuvre. À tout le moins
n'est il pas des plus apparents. Il est trop tôt, bien trop tôt pour se
séparer de l'arme. »
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5 septembre 2014
L'année dernière, à l'occasion de ses "mélanges hebdo",
Olivier Kempf s'était essayé à « retourner notre compréhension
de la dissuasion » nucléaire. « De deux
façons », que nous mentionnons ci-dessous afin d'en retrouver
la citation à l'occasion.
« D'une part, considérer que nous ne sommes pas les
raisonnables, mais les fous, dans l'affaire ! Les autres,
aujourd'hui, sont en train de nous considérer comme
non-raisonnables. »
« D'autre part, considérer que la dissuasion
française ne visait pas les Russes, mais les Américains : les
gars, si les Sov' attaquent, nous on balancera, donc vous serez
mouillés et obligés de venir. La bombe française est le moyen de forcer
le couplage, alors que tout le monde a dit le contraire. Autrement dit,
une dissuasion du fou au fort. Ça a marché. Non pas gagner
l'indépendance, mais forcer la dépendance américaine à l'Europe, et
casser l'isolationnisme de Washington. Revanche de 1919. »
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5 septembre 2014
Quand les populistes renient leurs principes par amour de
Poutine.
Livrera, livrera pas ? Le président de la République
semble cultiver l'indécision quant à la vente des BPC Mistral
à la Russie. Cela ne manquera pas de nourrir les critiques à son
endroit. D'ores et déjà, l'extrême droite à la botte du Kremlin s'en
donne à cœur joie !
Il est d'ailleurs piquant de voir des populistes se soucier
soudainement de la "signature de la France", eux qui réclament que ses
créanciers soient remboursés en monnaie de singe, à moins de carrément
répudier la dette contractée à leur égard ! « La
politique ne se fait pas à la corbeille », clament ces
néo-gaullistes, prompts à dénoncer le rapprochement avec le Qatar au
motif qu'il serait motivé par des considérations économiques. Or,
François Hollande n'est-il pas tenté d'appliquer leur chers principes, comme
le suggérait hier l'excellent Jean-Marc Daniel au micro de BFM
Business ?
Selon nous, dès lors qu'elle revêt une dimension stratégique
pour l'État, la préservation des intérêts industriels peut légitimement
participer à la définition de sa politique étrangère. Cela étant, la
crédibilité internationale de la France, dont certains feignent de se
soucier aujourd'hui, passe également, avant tout même, par la
solidarité à l'égard de ses alliés, tout particulièrement ses alliés
militaires. Ceux de l'Otan, donc. Du moins tant qu'on en a pas
changé !
Alors, faut-il suspendre voire annuler cette satanée livraison ? À
vrai dire, nous sommes perplexe. Faute d'être en mesure de conseiller
le président Hollande, dont les atermoiements publics sont grotesques,
nous nous contenterons, dans l'immédiat, de fustiger le "parti de
l'étranger", en plein essor à la faveur de son inconséquence.
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3 septembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
Au sommet de l'Otan, Paris risque d'occuper le banc des
accusés.
Les 4 et 5 septembre 2014 se tiendra à Newport (Pays de
Galles) le sommet des chefs d'État et de gouvernement des pays membres
de l'Otan. À cette occasion, l'Organisation devrait entériner son
retrait d'Afghanistan, décider la création d'une nouvelle force de
réaction rapide et débattre de la crise ukrainienne. Tandis que
Varsovie proposera de vendre des armes à Kiev, Paris sera
vraisemblablement montré du doigt... Ses alliés lui proposeront-ils de
racheter les navires militaires promis à la Russie ? Pointant
son manque de solidarité, ils jugeront peut-être sa politique
inconséquente. La France est alliée, mais non alignée, a-t-on coutume
de rétorquer en pareille circonstance !
Intérêts industriels
Elle préserve ses intérêts industriels, observe-t-on par
ailleurs. Les partisans d'un rapprochement avec Moscou sont les
premiers à le faire valoir. Mais les atlantistes leur renvoient
l'argument : « la coopération militaire avec la
Russie pourrait faire perdre à la France de gros contrats d'armement en
Europe centrale », s'est ainsi inquiété Olivier Bault, sur Nouvelles
de France.
En définitive, Paris se montre opportuniste, tout
simplement... S'agit-il d'une singularité française ? Loin
s'en faut. « Il y a une part de mauvaise foi dans les
protestations », a relevé l'eurodéputé (UMP) Arnaud Danjean,
ancien président de la sous-commission Sécurité et Défense du Parlement
européen. « Lorsque la Russie a voulu acheter de tels navires,
d'autres pays européens étaient sur les rangs, comme l'Espagne ou les
Pays-Bas », a-t-il rappelé à notre confrère Jean-Dominique
Merchet, animateur du blog Secret Défense.
« Plusieurs États vendent des matériels de sécurité et de
défense à la Russie, même s'ils sont moins emblématiques que les Mistral.
Les Américains exercent sur nous une énorme pression, mais j'observe
que les autres pays européens, comme l'Allemagne ou l'Italie, sont
beaucoup plus modérés. » Alors, Washington nous réserverait-il
un traitement de faveur ?
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