21 septembre 2010
Le chef d'état-major des armées lance un avertissement aux
stagiaires du CID – voire à la France toute entière.
S'inscrivant dans la continuité de son prédécesseur, l'amiral
Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA), récuse manifestement tout
angélisme. « Le spectre de la guerre ne peut être
écarté », a-t-il
prévenu le 15 septembre 2010, « la seule
question étant la forme qu'elle prendra, de la crise hybride, voire
baroque, au conflit majeur ».
S'adressant aux stagiaires du Collège interarmées de défense
(CID) – qu'il préfère désigner sous son appellation traditionnelle,
« l'École de guerre » –, il a décrit un monde
« complexe et incertain à tendance chaotique et
inquiétante », « lourd de "frictions potentielles"
avec des champs d'affrontements nombreux dont certains sont encore
insuffisamment maîtrisés », tels le cyberespace et l'espace
exo-atmosphérique.
Les rapports de puissance demeurent, selon lui, « la
matrice des relations internationales » :
« Si la mondialisation transforme la forme de ces rapports, la
puissance militaire est un des facteurs clés de la puissance. Pour s'en
convaincre, il suffit de constater la hausse exponentielle des
budgets de défense dans le monde ; plus de
6 % rien qu'en 2009 ! Seuls les pays européens font
exception. Peut-être capitalisent-ils trop sur leur expérience unique
de paix continentale acquise au prix fort des deux conflits mondiaux et
de la Guerre froide ? » En tout cas, « pour
la première fois depuis la Renaissance, les puissances occidentales,
notamment européennes, pourraient perdre leur suprématie militaire dans
l'horizon des trente prochaines années ».
« Dans un monde accéléré souvent déformé par la
pression des perceptions que génère l'information
mondialisée », la France et ses armées devront assumer, entre
autres défis identifiés par le CEMA, « la guerre irrégulière,
la guerre asymétrique celle que certains ont pu appeler la guerre de
quatrième génération ou la guerre de perceptions. Ce sont des guerres
où l'ennemi cherche à atteindre directement le cœur du système adverse,
son ultime centre de gravité qui est sa volonté politique.
Elles confirment la définition initiale de la guerre par
Clausewitz : un affrontement des volontés. Mais contrairement
à la guerre de Clausewitz qui est une guerre westphalienne, une guerre
d'affrontements classiques, une guerre sur un modèle européen, la
guerre qui s'impose à nous est désormais plus globale que
totale. » Les journalistes et autres faiseurs d'opinion auront
un rôle à y jouer... Puissent-ils se montrer responsables !
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16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Paris et Londres promettent d'accroitre leur coopération en
matière de défense. Quelques perspectives se dessinent effectivement,
mais les réalisations ne seront sans doute pas à la mesure de
l'enthousiasme affiché par les politiques.
L'Entente cordiale va-t-elle se reconstituer à la faveur de la
Crise ? Le vendredi 3 septembre 2010, Hervé Morin a
reçu à Paris Liam Fox, son homologue britannique. Dans un contexte
économique difficile, tandis que Londres achève la revue stratégique de
sa politique de défense, les ministres se seraient dits
« prêts à développer leur coopération bilatérale avec
l'objectif de mutualiser plusieurs équipements militaires »,
selon un communiqué diffusé par l'hôtel de Brienne.
Convergence de vues
Afghanistan, lutte contre le terrorisme, soutien au Pakistan,
lutte contre la piraterie, Kosovo, Proche-Orient, Iran, Géorgie... La
France et le Royaume-Uni « ont une très grande concordance de
vues sur tous les dossiers majeurs », ont observé les
sénateurs Josselin de Rohan et Daniel Reiner dans un rapport enregistré
le 9 juillet. Lors de leur rencontre, les ministres ont
confirmé, notamment, leur volonté commune de réformer l'Alliance
atlantique avec comme objectifs « une réduction de la
bureaucratie, un contrôle budgétaire plus accru, la diminution des
états-majors ». De part et d'autre de la Manche, entre chacune
des trois armées, les relations seraient
« excellentes » ; leur collaboration se
serait « indiscutablement renforcée » depuis le
sommet de Saint-Malo de 1996, si l'on en croit les parlementaires. En
juillet 2009, par exemple, des procédures de "soutien mutuel outre-mer"
ont été définies, permettant à l'un des pays d'utiliser, si nécessaire,
les installations de l'autre. En février dernier a été signé un accord
pour opérer en commun des acquisitions d'urgence. Depuis quatre ans, un
"groupe de haut niveau" promeut la coopération en matière d'armement.
Mais concernant les programmes, le bilan s'avère
« mitigé » aux yeux des rapporteurs. Le journaliste
Jean-Dominique Merchet l'a confirmé : « Si l'on
exclut l'aventure, coûteuse et chaotique, de l'A400M, le seul domaine
de coopération est celui des missiles de MBDA [une entreprise
franco-britannique], avec l'Aster et le Météor, qui sont des programmes
déjà bien engagés. La suite pourrait être prise par le missile tactique
naval, si les budgets le permettent. » (Secret
Défense, 14/09/2010)
« Sur les tankers, le maintien en condition
opérationnelle de l'A400M et les moyens navals, nous pouvons aller vers
plus de mutualisation », a annoncé Hervé Morin. L'utilisation
commune de pétroliers-ravitailleurs et autres navires de soutien
serait, selon notre confrère, l'une des pistes « les plus
sérieusement explorées par les états-majors des deux pays ».
D'autant que des bâtiments sont appelés à une renouvellement prochain
dans chacune des flottes : « D'où l'idée d'étudier
s'il ne serait pas possible de faire quelque chose en commun. »
Un député sans tabou
N'ayant « aucun tabou », le député Hervé
Mariton a confié à Romain Rosso qu'il ne lui paraissait « pas
inconcevable d'avoir, dans l'avenir, un outil militaire (avion ou
bateau), qui porte alternativement les couleurs de la France et celles
du Royaume-Uni » (L'Express, 03/09/2010).
L'Union Jack va-t-il bientôt flotter sur le
Charles-de-Gaulle ? La presse britannique
l'a plus ou moins
envisagé, non sans émoi. Aussi Liam Fox a-t-il mis fin aux rumeurs en
jugeant « irréaliste » le partage des porte-avions.
En pratique, cela s'avérerait d'autant plus délicat que les
porte-aéronefs britanniques seraient incapables d'accueillir les
Hawkeye français, ces avions dédiés à la surveillance aérienne dont la
carlingue est coiffée d'une sorte de soucoupe. Si l'affaire a fait
grand bruit, elle restera évidemment sans lendemain. « La
coopération peut aussi toucher les questions liées à la
dissuasion », a prévenu Hervé Mariton. Le cas échéant, elle
sera vraisemblablement menée en toute discrétion. En outre, il faudra
compter avec la "relation spéciale" que Londres entretient avec
Washington : rappelons que les marins français ne sont pas
autorisés à pénétrer dans la partie arrière des sous-marins britannique
armés de missiles Trident américains.
Partenaire privilégié de la France, le Royaume-Uni n'en reste
pas moins en marge du Commandement européen du transport aérien (EATC),
inauguré le 1er septembre sur la base néerlandaise
d'Eindhoven. « Le fonctionnement peut être comparé à un
covoiturage », selon les explications de la Défense
nationale : « Par exemple, lorsqu'un avion français
se rend en Afghanistan, il peut revenir avec des soldats allemands, ce
qui évite un voyage à vide. » La France participe au projet
aux cotés de l'Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas, avec des
avions de transport tactique de type Hercules, Transall, Casa, et
stratégique de type Airbus – soixante appareils au total. « Le
processus opérationnel reste similaire à celui qui était en vigueur
jusqu'à présent, si ce n'est qu'au lieu de déclencher les missions
depuis [...] Villacoublay, elles se déclencheront à partir d'Eindhoven.
Les appareils sont toujours répartis sur leurs bases aériennes
respectives, mais ce sera bien l'EATC qui se chargera de la
planification, du tasking des aéronefs et de la conduite des
missions. »
Covoiturage militaire
L'EATC sera en mesure de conduire des missions de transport à
compter du 31 décembre prochain, avant d'atteindre sa pleine
capacité opérationnelle en juillet 2013. C'est un premier pas dans la
direction tracée par Pierre Lellouche le 27 aout :
« Face au "mur budgétaire" incontournable qui est devant nous,
les Européens n'ont d'autre choix qu'entre, d'une part, une approche
résolument nouvelle, s'appuyant sur le partage des tâches et des
compétences, et, d'autre part, un réflexe suicidaire de protection de
ce qui subsiste encore, ici ou là, de leur industrie de défense, avec
le risque très réel de disparition de la capacité industrielle
européenne dans ce domaine. Il est donc indispensable de passer d'une
logique de "coopération à l'ancienne", fondée sur le "juste retour",
des coûts exorbitants et la duplication inutile de matériels, à une
logique radicalement nouvelle : celle du partage des capacités
et de la spécialisation des compétences. » De son côté, Hervé
Morin entend créer avec le Royaume-Uni « des liens extrêmement
forts menant vers une interdépendance » (Euractiv
06/09/2010). Le discours du ministre tranche quelque peu avec celui de
MM. de Rohan et Reiner, pour qui « la coopération
France-Royaume-Uni est un élément fondamental et indispensable de notre
souveraineté et de notre indépendance militaire, c'est-à-dire aussi de
l'autonomie de notre politique étrangère ».
Les politiques ont beau fantasmer en agitant à tous crins
l'étendard de la « mutualisation », ils devront
compter avec les réalités. Si nécessaire, les militaires les leur
rappelleront. Partisan convaincu, lui aussi, de l'alliance avec les
Britanniques, l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées, ne
préfère-t-il pas parler d'« optimisation » ?
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2 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Tandis que les soldats français continuent de tomber en
Afghanistan, les autorités semblent vouloir se prémunir de la défiance
de l'opinion publique... Du reste, la coopération civile n'est-elle pas
« une coûteuse illusion » ?
Lundi dernier, 30 août 2010, l'adjudant Hervé Enaux,
du 35e régiment d'infanterie de Belfort, est décédé en
Afghanistan, après que son VAB (véhicule de l'avant blindé) fut tombé
dans un ravin dans la vallée d'Uzbin. Âgé de trente-cinq ans, il était
marié et père d'un petit garçon de trois ans. Sept jours plus tôt, le
lieutenant Lorenzo Mezzasalma et le caporal Jean-Nicolas Panezyck,
appartenant au 21e régiment d'infanterie de marine de Fréjus,
avaient été tués par balles au sud de Tagab. Tandis qu'il prononçait
leur hommage funèbre, le président de la République a affirmé qu'il
portait en lui « la tragédie de chacune de ces vies
interrompues dans la fleur de l'âge ». Il a assuré
que leur souvenir renforçait « en chacun de nous la
détermination à poursuivre notre engagement au service de la
France », qui restera en Afghanistan « aussi
longtemps que nécessaire ».
Discours de fermeté
Ce discours de fermeté semble s'inscrire dans une
contre-offensive médiatique entamée par les autorités militaires après
la "sotie" du général Desportes. Il faut compter, en effet, avec la
défiance de l'opinion publique : alors que les Néerlandais ont
opéré leur retrait le mois dernier, la tentation de les imiter
gagnerait du terrain en Finlande (Bruxelles 2,
24/08/2010). La crainte d'une "contagion" à la France explique
peut-être l'intensification de la communication observée sur les sites
Internet de la Défense nationale, où les opérations humanitaires sont
d'ailleurs quelque peu éclipsées par des articles traitant de questions
plus militaires. Le 17 août, par exemple, l'État-major des
armées a mis en exergue, vidéo à l'appui, « trois tonnes de
munitions saisies grâce à la population ». Le 24, il a rendu
compte du quotidien des soldats engagés en Kapisa :
« Dans la matinée deux soldats sont blessés, l'un assez
sérieusement doit être brancardé. Sur plus d'un kilomètre d'un vrai
parcours du combattant, refaisant le chemin dans l'autre sens,
transportant leur camarade blessé qui fait bonne figure dans son
brancard souple, les soldats grimacent dans l'effort en sautant fossés
et murets, se relayent, se postent quand des rafales claquent
puis repartent au milieu des vergers ne cessant jamais leur effort.
Dans l'extrême chaleur de midi, les fronts ruissellent, les chemises ne
sont plus que sueur sous les gilets pare-balle qui semblent un peu
moins lourds depuis qu'ils ont sauvé la vie de deux
camarades. »
La preuve est ainsi donnée que tous nos soldats n'ont pas été
reconvertis au service des ONG ! Sans doute sont-ils
d'ailleurs en partie destinataires de ces messages. Faut-il, cependant,
mépriser la coopération civile en Afghanistan ? Le
budget que lui consacre Paris est passé de 20 à
40 millions d'euros environ entre 2008 et 2009. Autant
d'argent investi dans des programmes censés « faciliter la
reprise du dialogue entre les population locales [...] et les autorités
nationales » et « concourir à l'acceptation de la
présence des troupes, en répondant rapidement aux besoins essentiels de
personnes habitant des zones à caractère essentiellement rural et
agricole », selon les explications d'Amaury de Féligonde,
auteur d'une
étude publiée par l'IFRI.
Efficacité limitée...
Sont combinées actions à impact immédiat (distribution à
grande échelle d'intrants agricoles, programme de santé infantile) et
opérations à moyen ou long terme (lancement d'activités avicoles ou
piscicoles d'une part, assistance des conseils municipaux ou
infrastructures lourdes d'autre part). « Leur efficacité est
toutefois limitée par la persistance au sein de la communauté
internationale, d'une triple illusion, selon laquelle l'aide serait
toujours bénéfique et souhaitée par une population considérée à tort
comme homogène et à laquelle on prétend imposer des normes ou des
"bonnes pratiques" censées résoudre le problème de la
corruption. »
Moult acteurs négligeraient la "capacité d'absorption" des
bénéficiaires de l'aide au développement. Laquelle « introduit
systématiquement des déséquilibres, potentiellement
destructeurs », et suscite souvent des tensions. Ainsi le
contrôle des tracteurs fournis par un projet de coopération français
a-t-il provoqué des altercations entre chefs tribaux... L'auteur met en
garde contre la multiplication « des mendiants
corrompus » et fustige « un ministre qui, médecin,
insiste pour que des projets de santé soient systématiquement financés
dans les régions qu'il visite ». « Dans ce contexte
instable, où le futur n'est pas garanti », il lui semble
« étonnant de constater que deux errements ont la vie dure.
L'un concerne la volonté de créer à tout prix des unités industrielles.
[...] L'autre erreur a trait aux exportations, qu'il faudrait
s'efforcer de favoriser. [...] Il se trouve ainsi que nombre de
produits agricoles [...] sont achetés sur pied par des intermédiaires
pakistanais, et stockés au Pakistan, faute de circuits, d'organisation,
de capacités de stockage locaux, le temps d'être revendus, hors saison,
en Afghanistan. »
Il conviendrait de favoriser au maximum l'"afghansiation" des
projets. En la matière, la France fait plutôt figure d'exemple, puisque
les équipes qu'elle déploie comptent 95 % de personnels
locaux, y compris parmi les chefs de projet. Pour la construction de
petites infrastructures, « la solution idéale est d'utiliser
la main d'œuvre issue des villages bénéficiaires, afin de maximiser les
revenus allant directement aux communautés visées, mais aussi de
bénéficier d'ouvrages construits par la population, et donc préservés
par elle ». Il a été constaté à Kandahar que des ouvrages
construits suivant ce modèle communautaire n'avaient pas fait l'objet
de destructions largement observées ailleurs.
La démocratie, ennemie du temps
Certes, « dans les districts de Kapisa et Surobi,
l'expérience semble montrer qu'il n'y a aucun rapport de cause à effet
direct, ou immédiat, entre aide civile ou civilo-militaire, et
acceptation de la force ; entre les projets de développement
et la reconnaissance de l'État afghan par les populations ».
Mais « les actions de développement ne sont en effet qu'une
des nombreuses composantes des opérations de stabilisation. Les actions
de sécurisation [...] et de gouvernance [...] sont tout aussi
cruciales. » Pour preuve, il est reconnu « que
l'attrait que les mouvements insurgés, et les "talibans", peuvent
exercer sur les populations est en partie lié à la capacité de ces
derniers à rendre une justice relativement efficace et équitable,
quoique souvent expéditive, ce dont n'est pas toujours capable le
gouvernement afghan ».
Bien que son constat soit sévère, Amaury de Féligonde récuse
en définitive tout défaitisme. « Encore faudrait-il que les
acteurs civils et militaires poursuivent leur action dans la durée
[...] en n'abandonnant pas trop rapidement des forces de sécurité
afghanes encore faibles. » N'en déplaise à Ségolène Royal,
« notre action au service de la paix ne doit pas être soumise
à des calendriers artificiels », « ni aux humeurs
médiatiques », selon l'expression du chef de l'État, intervenu
le 25 août devant les ambassadeurs. Mais n'est-il pas lui-même
le prisonnier de l'opinion ? On croit seulement lui donner des
gages en dissertant sur un retrait hypothétique. Hélas, comme l'a
souligné Romain Mielcarek, « c'est également un jeu
dangereux pour les hommes et les femmes d'armes qui participent aux
opérations sur le terrain, partagés entre deux réalités. Eux-même
constatent la dualité des discours. Quand ils sont en France, ils
entendent les politiques parler de départ. Quand ils sont sur le
théâtre d'opérations, ils ne peuvent que constater que leur présence
sera nécessaire encore longtemps. » (Alliance
géostratégique, 22/08/2010) Cela n'est pas de nature à
conforter le moral des soldats, déjà fragilisé par la rigueur des
règles d'engagement.
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15 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Un nouveau commandement militaire est créé tandis que
l'Assemblée nationale doit ratifier un traité de coopération avec
l'Inde.
Le Commandement interarmées de l'espace (CIE) a été créé le
1er juillet, conformément aux orientations fixées en 2008 par
le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Il compte
vingt-cinq militaires – un effectif doublé par rapport aux structures
de l'état-major des armées dédiées jusqu'alors au domaine spatial.
Ce commandement stratégique devra coordonner des capacités et
des acteurs en nombre croissant ; il sera l'interlocuteur
privilégié des armées étrangères partenaires, de l'UE et de l'OTAN pour
les questions spatiales militaires. Le contrôle opérationnel des moyens
existants reste toutefois à la charge des organismes qui en étaient
déjà responsables : la Direction interarmées des réseaux
d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI) pour les
télécommunications ; la Direction du renseignement militaire
(DRM) pour l'observation ; le Commandement de défense aérienne
et des opérations aériennes (CDAOA) pour la surveillance de l'espace.
Observation par satellite
Le spatial civil n'est pas en reste : l'Assemblée
nationale a été saisie d'un projet de loi autorisant l'approbation d'un
accord-cadre censé encourager la coopération entre la France et l'Inde,
dans la continuité d'un traité signé en 1977. Via
le CNES (Centre national d'études spatiales) et l'ISRO (Indian space
research organisation), Paris et New Delhi mènent le développement
conjoint de satellites d'observation, grâce auxquels ils se livrent à
une étude approfondie des échanges d'énergie et d'eau dans l'atmosphère
tropicale. Ils organisent également le rapprochement de leurs équipes
scientifiques afin d'exploiter des données relevées en orbite.
Dans le cas des programmes Megha-Tropiques (étude du climat
tropical) et SARAL (altimétrie océanographique) lancés cette année, le
CNES fournit la charge utile (les instruments d'observation) tandis que
l'IRSO livre la plateforme du satellite (propulsion, panneaux solaires,
télécommunications) et assure le lancement. Un schéma analogue
continuera à prévaloir pour les futures missions ; autrement
dit, les contributions procèdent d'apports en nature. Ce faisant, le
gouvernement escompte un essor des activités à l'exportation des grands
groupes industriels français (EADS Astrium, Thales), voire de PME en
charge de la fabrication de sous-systèmes.
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1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Débat à l'Assemblée sur la force de gendarmerie européenne.
La commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale
a examiné le 23 juin le projet de loi autorisant la
ratification d'un traité entre la France, l'Espagne, l'Italie, les
Pays-Bas et le Portugal, portant création de la force de gendarmerie
européenne Eurogendfor. Laquelle s'est choisi l'anglais comme langue de
travail, au risque de froisser Jacques Myard... D'autant que
« ce n'est la langue d'aucun des États
signataires ! » « Nos forces doivent
employer le français », a proclamé le député des Yvelines, qui
a prétendu « déposer un amendement en ce sens »,
fût-il irrecevable.
Tandis que Mme Élisabeth Guigou regrettait que cette force se
mette en place en marge des institutions de l'Union européenne, le
rapporteur Alain Néri a souligné que « le format restreint de
la coopération peut aussi être un gage de réactivité et
d'efficacité ».
Patrick Labaune s'est interrogé : « Avec le
rapprochement entre police et gendarmerie sous l'autorité unique du
ministère de l'Intérieur, faut-il comprendre que ce ministère devient
compétent pour des opérations extérieures ? » « J'ai
l'impression que le mieux serait encore de rattacher cette force au
ministère du tourisme ! », a même lancé Patrick
Balkany, sceptique. « Il est vrai qu'il ne s'agit que d'un
petit pas », a reconnu Axel Poniatowski, le président de la
commission des Affaires étrangères. « Néanmoins, lorsque cette
force de gendarmerie européenne est intervenue à Haïti après le
tremblement de terre, son action dans la lutte contre les pillards a
été très utile et appréciée. »
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17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Loin de partager les convictions fédéralistes du ministre de
la Défense, le chef d'état-major des armées semble privilégier les
coopérations bilatérales.
Intervenant le 2 juin au Conseil économique de la
Défense, l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA), a jugé
« très positif » le bilan d'une Europe de la défense
qui se construit, agit, s'engage et réussit « à petits pas
comptés ». Selon lui, le contexte économique devrait
encourager les Européens à « "serrer les rangs" et créer une
nouvelle dynamique autour de quelques avancées concrètes ».
« Mais ne nous faisons pas d'illusions, ces avancées ne se
feront pas à vingt-sept », a prévenu l'amiral, qui privilégie
les coopérations bilatérales. D'autant que « les coopérations
sous contraintes ont toujours été des coopérations de compromis aux
résultats hasardeux. N'est-ce pas le cas aujourd'hui du NH90, de
l'A400M, voire du Tigre ? »
Le CEMA a par ailleurs observé « que le qualificatif
d'opérations européennes est parfois un peu étrange », par
exemple « quand un seul pays fournit plus de 50 %,
voire 60 % des capacités ». Mais il y a
pire : un pays extérieur à l'Union, en l'occurrence la
Turquie, est devenu le premier contributeur de l'opération EUFOR
Althea, la mission militaire "européenne" de stabilisation en Bosnie (Bruxelles 2,
03/06/2010).
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3 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
L'OTAN prépare l'adoption d'un nouveau concept stratégique,
censé l'inscrire dans le monde de l'après-11 Septembre. Le
Commandement allié pour la Transformation, avec un Français à sa tête,
est étroitement associé aux travaux.
L'OTAN s'achemine vers l'adoption d'un nouveau concept
stratégique. Réunis à cet effet en novembre prochain, les chefs d'État
ou de gouvernement des vingt-huit pays membres s'appuieront sur les
recommandations d'un "groupe d'experts" présidé par
Mme Madeleine K. Albright, dont le rapport a été publié le
17 mai, et qui aurait travaillé « en très étroite
collaboration » avec le Commandement allié Transformation
(ACT), selon le témoignage du Français placé à sa tête, le général
Stéphane Abrial – lequel s'est défini comme le « gardien de
l'avenir militaire de l'Alliance atlantique » lors d'une
conférence prononcée à Paris jeudi dernier, 27 mai, à
l'invitation de l'IFRI.
Trois menaces
Outre la perturbation des axes d'approvisionnement énergétique
et des voies maritimes, trois menaces pèseraient plus particulièrement
sur les Alliés : une attaque de missile balistique, avec ou
sans charge nucléaire ; des attentats perpétrés par des
groupes terroristes internationaux ; des cyberattaques. Des
menaces qui présentent « des variantes hybrides, combinant par
exemple la clandestinité d'un groupe terroriste avec la puissance
normalement associée à un État-nation – comme les armes de destruction
massive, qui peuvent se monnayer ou se voler ». Dans ces
conditions, une défense efficace devrait souvent commencer
« bien au-delà du territoire de l'Alliance ».
Les rapporteurs réaffirment néanmoins la vocation régionale de
l'Alliance, qui « ne saurait régler à elle seule tous les
problèmes de sécurité de la planète ». Ils appellent à fixer
des « principes directeurs » orientant les
interventions de l'OTAN au-delà de ses frontières, et plaident pour le
renforcement des partenariats – où l'on recherchera la synergie plutôt
que l'unité de commandement, suivant les conseils du général Abrial.
« Le concept stratégique devrait [...] donner aux partenaires
d'opérations de l'OTAN la possibilité de faire régulièrement et
véritablement entendre leur voix. » En outre,
« d'autres organisations [...] peuvent prendre la direction
des opérations lorsqu'il s'agit d'atteindre des objectifs aussi
essentiels que la reconstruction économique, la réconciliation
politique ». En application des enseignements tirés de
l'expérience afghane, « il faut continuer d'insister sur la
nécessité de protéger les civils. [...] L'objectif premier est
d'établir une approche civilo-militaire globale qui permette aux
autorités locales de gagner la confiance et la loyauté de la
population. » L'"approche globale" est « un fil rouge
qui parcourt l'ensemble de mon action », a souligné le général
Abrial. Mais selon le groupe d'experts, « les efforts de
l'OTAN pour opérer avec des partenaires civils manquent encore de
cohérence ».
Si l'UE constitue un partenaire
« essentiel », sa coordination avec l'OTAN demeure
insuffisante ; le différend opposant Chypre et la Turquie
n'arrange rien à l'affaire... Le général Abrial a toutefois
ouvert « un dialogue suivi » avec l'Agence européenne
de défense, qui détient au sein de l'Union les compétences les plus
proches de celles de l'ACT. Évoquant l'ONU, Mme Albright et
ses collègues observent que son personnel « s'est parfois
montré déçu par le niveau de sécurité et de soutien que l'OTAN lui
apportait ». Sur le terrain, les deux institutions se
disputent parfois les responsabilités. Signe des temps, le rapport
stipule que « l'OTAN devrait travailler avec l'ONU afin de
donner une suite favorable à la résolution 1325 du Conseil de sécurité
sur le rôle des femmes dans la paix et la sécurité ».
Défense antimissile
La coopération avec la Russie est encouragée. Elle apparaît
« hautement souhaitable » en matière de défense
antimissile, domaine que les rapporteurs voudraient inscrire
« au nombre des missions essentielles de
l'Alliance ». « La question est sur la
table », a reconnu le général Abrial. Sans y répondre, il
s'est interrogé sur les menaces auxquelles répondrait un dispositif
antimissile, sur son coût et ses effets d'éviction. En revanche, le
retrait des armes nucléaires américaines stationnées en Europe ne
serait plus à l'ordre du jour.
« Il convient [...] de passer du dispositif certes
puissant, mais statique, de la Guerre froide à une posture plus souple,
plus mobile et plus polyvalente », ont résumé les experts.
Naturellement, « le principal obstacle à la transformation
militaire est l'insuffisance des dépenses et des investissements de
défense en Europe. [...] Un fossé particulièrement large s'est creusé
entre les capacités des États-Unis et celles des autres pays de l'OTAN,
et ce déséquilibre, s'il n'est pas corrigé, pourrait nuire à la
cohésion de l'Alliance. » « La crise va nous forcer à
une réforme indispensable », a commenté le général Abrial.
Afin de rentabiliser au mieux les ressources disponibles, il entend
mettre en réseau les capacités de transformation des Alliés, en créant,
par exemple, un « catalogue de formations ». Dans un
registre similaire, les rapporteurs promeuvent « de nouveaux
mécanismes informels de mutualisation des moyens, en particulier pour
le transport ».
L'alpha et l'oméga du nouveau concept
De leur point de vue, « l'élaboration d'un nouveau
concept stratégique offre l'occasion de faire connaître l'OTAN à des
populations qui en savent peu à son sujet et qui doutent peut-être de
son intérêt pour leur existence ». Dans cette optique, on
comprend mieux la relecture qui nous est proposée de
l'histoire : « En 1949, ce n'est pas à cause des
forces qu'ils redoutaient que les États membres de l'OTAN se sont
alliés, c'est parce qu'ils se faisaient mutuellement confiance et
qu'ils avaient foi dans les valeurs démocratiques. » Y compris
le Portugal de Salazar ? « Les idéaux fondateurs de
l'OTAN devront être l'alpha et l'oméga du nouveau concept
stratégique », conclut le groupe d'experts.
Gageons que ces considérations idéologiques seront sans grande
incidence sur le travail de l'ACT. Celui-ci pourrait bientôt
« monter en puissance ». Une chance pour la France,
qui en détient désormais le commandement ? « Nous
faisons partie de ceux qui tiennent la plume », s'est félicité
le général Abrial. Moins d'un an après sa prise de fonction, sans doute
est-il trop tôt pour tirer un premier bilan. Associant les industriels
à ses travaux, il a notamment assuré qu'une place plus juste serait
accordée aux entreprises européennes. Affaire à suivre.
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3 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Tandis que la France perd un nouveau soldat, l'engagement en
Afghanistan suscite les commentaires réalistes du ministre britannique
de la Défense et pourrait s'immiscer dans la campagne
électorale en Belgique.
Un capitaine du 3e régiment de génie de
Charleville-Mézières est mort en Afghanistan le samedi 22 mai.
Barek Deligny, trente-huit ans, était marié et père de deux enfants.
Intervenant au sein d'une équipe de déminage aux côtés de soldats
néerlandais et afghans, il a été mortellement blessé par le
déclenchement d'un engin explosif improvisé (IED). Au cours de
l'attaque, un soldat néerlandais et un interprète afghan ont également
été tués. Selon l'armée de Terre, cet officier était « d'une
disponibilité sans faille et d'un comportement
exemplaire » ; « sportif confirmé et meneur
d'hommes », il montrait « un goût avéré pour l'action et
l'effort » (Secret Défense, 23/05/2010).
Vers les premiers désengagements en 2011
Il fut le quarante-deuxième soldat français tombé en
Afghanistan. Le chef de l'État n'en a pas moins exprimé « la
détermination de la France à continuer d'œuvrer au sein de la Force
internationale d'Assistance à la Sécurité », pour
« contribuer au retour de la stabilité, au rétablissement de
la paix et au développement en Afghanistan ». Vaste
programme !
Dans un entretien accordé à Philippe Cohen (France Soir,
04/05/2010), le ministre de la Défense, Hervé Morin, s'était montré
relativement optimiste, au point d'envisager, pour la première fois, un
désengagement courant 2011, dans la foulée des Américains :
« Nos compatriotes n'entendent malheureusement parler de
l'Afghanistan que lorsqu'un de nos soldats y est tué. En vérité, quand
on regarde les deux zones dont nous avons la responsabilité militaire,
la situation progresse. La montée en puissance de l'armée nationale
afghane que nous formons est significative. Notre objectif principal
est de commencer, dès la fin de l'année, à transférer aux Afghans
certaines zones, comme nous l'avons déjà fait à Kaboul. [...] Oui, nous
pouvons espérer être en mesure, pour l'année 2011, de transférer des
zones à l'armée et à la police afghane. »
Ministre décomplexé
Outre-Manche, Liam Fox, le nouveau ministre de la Défense, se
montre préoccupé par le conflit afghan. Faut-il que des soldats
britanniques risquent leur vie si loin de leur pays ? « C'est
une question que vous vous posez chaque jour », a-t-il confié
à la presse (Times online, 22/05/2010). Il entend
veiller, tout particulièrement, au moral de ses troupes. Revendiquant
l'étiquette « néoréaliste », il souligne l'objectif
militaire, et non humanitaire, de leur mission :
« Nous sommes là-bas pour que les Britanniques et nos intérêts
mondiaux ne soient pas menacés. [...] Nous ne sommes pas un policier
mondial. Nous avons des obligations vis-à-vis de la pauvreté et des
droits de l'homme, mais la situation en Afghanistan n'est pas
différente de celle de dizaines d'autres pays... » Voilà qui
tranche avec le discours "droit de l'hommiste" auquel nous ont habitués
les élites nationales.
Échec européen
En Belgique, la question afghane pourrait s'immiscer dans la
campagne électorale : « Dans une interview
au quotidien Le Soir, Dirk Van der
Maelen (député à la Chambre) demande un retrait des troupes belges
d'Afghanistan et en fait, même, une condition de la participation des
socialistes au gouvernement. Ce retrait devrait intervenir, selon lui,
"dès 2011, en phase et de manière coordonnée avec les
partenaires". » (Bruxelles 2,
25/05/2010)
Quant à l'Union européenne, elle a entériné le 18 mai
le prolongement pour trois ans de sa mission de police en Afghanistan
(Eupol Afghanistan), encore très loin de réunir les effectifs prévus à
l'origine. Pour l'heure, cela n'a rien d'un franc succès :
« Faiblesse du leadership, restrictions excessives de
sécurité, mandat limité et manque de stratégie, [...] la mission de
police de l'UE en Afghanistan illustre au mieux les défauts de
l'engagement de l'UE. » Tels sont les principaux éléments
d'une analyse du Centre for European Reform, dévoilés par Nicolas
Gros-Verheyde (Bruxelles 2, 17/05/2010).
Force est de le constater, la guerre demeure une affaire nationale.
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6 mai 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Les circonstances encouragent le renforcement de la
coopération franco-britannique en matière de défense. Outre-Manche, les
conservateurs y seraient même très favorables. En premier lieu dans le
domaine nucléaire.
Les Britanniques étaient appelés aux urnes le jeudi
6 mai. À quelques jours du scrutin, les conservateurs
semblaient toujours en passe de l'emporter. Une victoire de David
Cameron, eurosceptique notoire, affectera peut-être la marche de
l'UE... La défense est un autre terrain ouvert à la prospective. Le
21 avril, Malcolm Rifkind a exposé les conceptions des Tories
en la matière. Notre confrère Nicolas Gros-Verheyde a rapporté les
grandes lignes de son intervention dès le lendemain.
Avec la France
Aux yeux des conservateurs, le terrorisme serait, sans
surprise, la première menace pesant sur le Royaume-Uni. Mais garantir
la liberté du commerce serait une autre préoccupation essentielle. Sir
Rifkind exclut de réduire le budget de la défense britannique.
Toutefois, son parti entend s'attaquer « aux coûts
opérationnels du ministère », qui seraient supérieurs de
20 % environ à ceux observés dans les pays comparables, comme
la France et l'Allemagne.
Il juge les coopérations bilatérales importantes
« non seulement pour des raisons politiques mais pour résoudre
les coûts ». « Le mot coopération européenne peut
provoquer des réactions émotionnelles chez certains d'entre
nous », a-t-il reconnu. Les coopérations lui sembleraient
néanmoins utiles et nécessaires, « particulièrement avec la
France ». Outre la passation de marchés, la dissuasion
nucléaire pourrait faire l'objet d'une collaboration entre Londres et
Paris. En effet, souligne Malcolm Rifkind, « nous sommes les
seuls au niveau européen (avec la Russie) à avoir l'arme nucléaire.
Nous sommes proches. Et nous ne constituons pas une menace (envers
l'autre). »
Coopération nucléaire
En mars dernier, le Guardian avait prêté à la France la
volonté de partager les patrouilles sous-marines avec son allié.
Proposition a priori irréaliste, choquante à certains égards. Cela dit,
dès lors qu'on juge inexistantes les menaces nécessitant d'agiter à
moyen terme l'épouvantail atomique, on pourra donner la priorité au
maintien du savoir-faire, quitte à sacrifier la permanence à la mer...
Pour l'heure, en tout cas, « les marins français n'ont
toujours pas le droit de pénétrer dans la partie arrière des SNLE [sous
marins nucléaires lanceurs d'engins] de la Royal Navy, là où sont les
missiles Trident américains ». Comme le rappelait
Jean-Dominique Merchet le 26 avril, la relation "spéciale"
unissant Albion à Washington ne va pas sans une certaine exclusivité...
Néanmoins, poursuit notre confrère, « on se
parle » d'un côté et l'autre de la Manche. Cela afin de
dissiper le risque d'une nouvelle collision entre deux sous-marins. Et
sans doute, plus discrètement, pour préparer le renouvellement des SNLE
à l'horizon 2030. De façon plus confidentielle encore, une coopération
sur les têtes nucléaires ne serait pas exclue – « en
particulier grâce aux moyens français de simulation ». Sans
doute Paris a-t-il une carte à jouer.
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1 avril 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Tandis que nos voisins veulent "dénucléariser" l'Europe, la
France renforce sa coopération avec le Royaume-Uni et vante son
exemplarité en matière de désarmement, confirmant par
ailleurs son soutien aux usages civils de l'atome.
À l'approche de la conférence d'examen du traité sur la
non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui se tiendra à
New York du 3 au 28 mai, des voix se sont élevées
pour réclamer, à l'image de Barack Obama, un monde « sans
armes nucléaires ». Faisant écho au discours prononcé l'année
dernière par le président américain, la Belgique, l'Allemagne, le
Luxembourg, les Pays-Bas et la Norvège ont proposé d'inscrire la
politique nucléaire à l'ordre du jour d'une prochaine réunion de l'Otan
(Bruxelles 2, 28/02/2010).
Permanence à la mer
« La Guerre froide est terminée. Il est temps
d'adapter notre politique nucléaire aux circonstances
nouvelles », ont proclamé quelques personnalités belges (Le Soir,
19/02/2010). Selon Willy Claes, Jean-Luc Dehaene, Louis Michel et Guy
Verhofstadt, « les armes nucléaires tactiques américaines en
Europe ont perdu toute importance militaire ». Considérant
qu'elles stimulent indirectement la prolifération, et minent de ce fait
la sécurité de leur pays, ils demandent leur retrait. Cette perspective
semble inquiéter Jean-Pierre Chevènement : « Une
"Europe sans armes nucléaires" créerait un vide stratégique étant donné
que la Russie, puissance eurasiatique, con-serve un arsenal très
important, tout comme les États-Unis, et que le Moyen-Orient n'est pas
une zone dénucléarisée », affirme-t-il dans un rapport déposé
au Sénat le 24 février.
Dans ce contexte, selon les révélations du Guardian
(19/03/2010), la France aurait proposé au Royaume-Uni un partage des
patrouilles sous-marines censées garantir la dissuasion nucléaire. Un
projet surprenant, sinon surréaliste, naturellement rejeté par Londres.
Le Premier ministre britannique n'en a pas moins confirmé sa volonté
d'accroître sa coopération avec Paris. En effet, « il est
possible de se parler et de se dire beaucoup de choses »,
souligne notre confrère Jean-Dominique Merchet (Secret Défense,
19/03/2010). « Notamment en aidant les Britanniques à
conserver un certain nombre de savoir-faire... sans l'aide des
Américains. En partageant quelques technologies complexes et coûteuses.
Ou pour éviter que nos sous-marins ne naviguent dans les mêmes eaux au
même moment. On se souvient qu'en 2009, deux SNLE [sous-marins
nucléaires lanceurs d'engins] étaient entrés en collision en pleine
mer. »
Craignant de se trouver isolée en Europe, la France
chercherait peut-être à se prémunir d'un hypothétique abandon du
nucléaire militaire outre-Manche. En septembre dernier, Gordon Brown
avait envisagé de réduire le nombre de sous-marins britanniques, au
risque de compromettre la permanence à la mer. « Chaque année,
la dissuasion nucléaire coûte aux Français la moitié du budget de la
Justice ou de celui des transports », avait estimé le
président de la République en 2008. « Mais je suis déterminé à
assumer ce coût », avait-il assuré, arguant que « ce
n'est ni une affaire de prestige ni une question de rang, c'est tout
simplement l'assurance vie de la nation ».
Stricte suffisance
Les restrictions budgétaires conduiront-elles le chef de
l'État à renier son ambition ? C'est d'autant moins probable
que la France peut se targuer, selon ses propres mots, d'« un
bilan exemplaire » en matière de désarmement nucléaire. Et de
louer alors « la France, premier État, avec le Royaume-Uni, à
avoir signé et ratifié le traité d'interdiction complète des essais
nucléaires ; la France, premier État à avoir décidé la
fermeture et le démantèlement de ses installations de production de
matières fissiles à des fins explosives ; la France, seul État
à avoir démantelé, de manière transparente, son site d'essais
nucléaires situé dans le Pacifique ; la France, seul État à
avoir démantelé ses missiles nucléaires sol-sol ; la France,
seul État à avoir réduit volontairement d'un tiers le nombre de ses
sous-marins nucléaires lanceurs d'engins ».
La France compterait désormais 348 têtes nucléaires,
selon l'estimation reprise par le sénateur Jacques Gautier – chiffre
que le président entendait ramener à trois cents, soit la moitié du
maximum détenu pendant la Guerre froide. Outre les bons sentiments, la
fiabilité accrue des charges et la meilleure précision des tirs
plaident en faveur d'une réduction des arsenaux.
« Dimensionnées selon le principe de stricte suffisance, qui a
conduit à des réductions unilatérales successives, les forces
nucléaires françaises ne peuvent être prises en compte, à ce stade,
dans aucun processus de négociation multilatérale de
désarmement », avertit Jean-Pierre Chevènement. « La
disproportion est telle entre les arsenaux des deux premières
puissances nucléaires (22 400) et tous les autres réunis
(environ 1 100) que l'effort de désarmement nucléaire doit
porter en priorité sur les États-Unis et la Russie. » Lesquels
ont annoncé la prochaine signature d'un accord bilatéral de réduction
de leurs armes stratégiques offensives, faisant suite au traité Start.
Depuis le pic de la Guerre froide, ils ont éliminé les deux tiers de
leurs têtes nucléaires. La Chine en détiendrait quatre cents, la
Grande-Bretagne moins de deux cents, Israël entre cent et deux cents,
l'Inde et le Pakistan une petite centaine, et la Corée du Nord moins
d'une dizaine.
Consensus au Sénat
Le 23 mars, lors d'un débat au Sénat – le premier du
genre depuis la création de notre force de frappe nucléaire selon Mme
Michelle Demessine – Mme Dominique Voynet n'a pas manqué de stigmatiser
la France « qui a été l'un des principaux vecteurs de la
prolifération dans le monde ». « Sauf à renoncer à
voir advenir un monde sans armes nucléaires de notre vivant, nous ne
pouvons plus nous contenter de discours convenus », a-t-elle
lancé, exprimant son soutien à ses collègues communistes. En leur nom,
Mme Demessine a appelé la France à « montrer
l'exemple » en renonçant à déployer le missile stratégique
M51. À ses yeux, il serait « davantage un héritage de la
Guerre froide qu'un instrument de défense adapté aux menaces
d'aujourd'hui ». Le "tir d'acceptation" devrait néanmoins
intervenir au début de l'été en baie d'Audierne, dans le Finistère, et
marquer l'arrivée effective du missile dans la Force océanique
stratégique (Secret Défense, 20/03/2010).
En dépit de quelques voix discordantes, le rapport de
Jean-Pierre Chevènement « fait désormais autorité »,
a observé Jean-Paul Gautier. Un consensus politique semble se dessiner
en faveur du statu quo national, et si le rêve d'un monde dénucléarisé
n'est pas exclu, il est poursuivi sans angélisme. D'autant
qu'« il n'y a pas de lien univoque entre désarmement et
prolifération », martèle l'ancien ministre. C'est pourquoi
« il est essentiel d'agir sur les déterminants régionaux de la
prolifération nucléaire, qui s'enracine beaucoup moins dans la lenteur
du désarmement des pays dotés que dans les crises politiques
régionales ».
Sans nier la fragilité du TNP, M. Chevènement y voit
« un instrument irremplaçable pour la sécurité
internationale ». Il con-viendrait dorénavant de promouvoir,
entre autres : la réduction des arsenaux américain et russe
jusqu'à un niveau de quelques centaines d'armes nucléaires ;
la ratification du traité d'interdiction complète des essais nucléaires
par les États-Unis et tous les autres États qui n'y ont pas
procédé ; l'ouverture rapide et sans condition de la
négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières
fissiles à usage militaire. Autant de perspectives que la France
soutiendra vraisemblablement en mai prochain.
Une carte à jouer
Intervenant devant la chambre haute, le ministre des Affaires
étrangères a réaffirmé « le choix déterminé » de la
France en faveur du nucléaire civil, « en pleine
renaissance ». Paris se dit disposé à aider tous les pays
voulant s'engager sur cette voie. En conséquence, a annoncé Bernard
Kouchner, lors de la conférence d'examen du TNP, « nous ferons
valoir l'exigence qui accompagne notre proposition : que le
développement du nucléaire se fasse avec les meilleures garanties de
sécurité, de sûreté, et de non-prolifération ».
À court terme, précise Jean-Pierre Chevènement, il apparaît
« indispensable » de concrétiser le projet de "banque
du combustible" : un mécanisme international garantirait
l'approvisionnement en combustible nucléaire de tous les États
demandeurs respectant les normes de non-prolifération. À plus long
terme devraient être mises en place des installations d'enrichissement
ou de retraitement à caractère multilatéral. « Une approche
régionale mériterait d'être privilégiée, avec notamment la création
d'une telle installation sous la responsabilité de l'AIEA [l'Agence
internationale de l’énergie atomique], dans un État du Moyen-Orient, où
les projets de réacteurs civils sont nombreux. » Le moment
venu, il appartiendra aux industriels français de remporter les appels
d'offre...
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