Fonds vautours : "politique d'abord" ?

17 septembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Les déboires de l'Argentine reflètent-ils la toute-puissance de la finance ? Peut-être faudrait-il plutôt s'interroger sur le primat du droit.

Tandis que Buenos Aires tente d'échapper à la pression des "fonds vautours", l'Assemblée générale des Nations Unies prévoit d'établir « un cadre juridique multilatéral applicable aux opérations de restructuration de la dette souveraine ». Une résolution a été adoptée à cet effet le 9 septembre 2014.

Portée par le Bolivie, avec le soutien de la Chine et de nombreux pays en développement, cette initiative semble avoir été fraîchement accueillie par les États les plus riches. Selon un communiqué de l'ONU, « à l'instar du représentant des États-Unis, qui s'est inquiété des incertitudes qu'un tel texte pourrait faire peser sur les marchés financiers, ceux de l'Union européenne, du Japon, de l'Australie et de la Norvège ont dit qu'ils ne pouvaient l'appuyer compte tenu de la précipitation avec laquelle il a été présenté ».

Paris et ses alliés auraient-ils fléchi, encore une fois, devant la toute-puissance de la finance, que François Hollande avait pourtant érigée en ennemi ? Dans le cas de l'Argentine, peut-être est-ce moins le primat de la finance que celui du droit qui est en cause – quoique cette situation contribue à la confiance des créanciers potentiels. Brossant le portrait d'Elliott, le principal fonds spéculatif en prise avec l'Argentine, Les Échos n'ont-ils pas décrit un organisme « procédurier à l'extrême », qui « détecte les failles juridiques dans les contrats de dette » ? Ainsi fonctionnent les "fonds vautours", qui rachètent des obligations dépréciées dans l'espoir d'obtenir le remboursement de leur valeur nominale.

Or, comme l'explique La Tribune, « un État peut choisir de se référer à une juridiction étrangère dans ses contrats de dette  », et cela indépendamment de la devise à laquelle il recourt. « Le droit de New York et le droit britannique sont les plus courants », précisent nos confrères, « car ils sont bien connus des investisseurs et sont censés mieux les protéger ». À certains égards, donc, Buenos Aires paie le prix de ses propres arbitrages. Bien que la mondialisation ait changé la donne, le politique n'a pas tout à fait perdu la main.

Frédéric Bastiat et la concurrence déloyale de la Toile

21 juillet 2014

Loi contre Amazon, arbitrage parlementaire dans le conflit opposant taxis et VTC : ces jours-ci, les pétitions des fabricants de chandelles ont rencontré un certain succès.

Rappelons que ceux-ci avaient réclamé, jadis, « une loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, abat-jour, contre-vents, volets, rideaux, vasistas, œils-de-bœuf, stores, en un mot, de toutes ouvertures, trous, fentes et fissures par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons, au préjudice des belles industries » que l'État  « ne saurait sans ingratitude [...] abandonner [...] à une lutte si inégale ».

Dans la continuité des sophistes mis en scène par Frédéric Bastiat, libraires et taxis ont obtenu quelque faveur des pouvoirs publics : renchérissement des achats en ligne au bénéfice des premiers, usage exclusif des technologies de géolocalisation au profit des seconds. Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Forcer des chauffeurs à rallonger leurs trajets ne donnerait-il pas du travail aux pompistes, par exemple ?

Écoutons nos fabricants de chandelles : « Si vous fermez, autant que possible tout accès à la lumière naturelle, si vous créez ainsi le besoin de lumière artificielle, quelle est en France l'industrie qui, de proche en proche, ne sera pas encouragée ? S'il se consomme plus de suif, il faudra plus de bœufs et de moutons et par suite on verra se multiplier les prairies artificielles, la viande, la laine, le cuir et surtout les engrais cette base de toute richesse agricole. S'il se consomme plus d'huile, on verra s'étendre la culture du pavot, de l'olivier et du colza. Ces plantes riches et épuisantes viendront à propos mettre à profit cette fertilité que l'élevage des bestiaux aura communiquée à notre territoire. [...] Direz vous que la lumière du soleil est un don gratuit et que repousser des dons gratuits ce serait repousser la richesse même sous prétexte d'encourager les moyens de l'acquérir ? [...] Soyez donc logiques car, alors que vous repoussez comme vous le faites la houille, le fer, le froment et les tissus étrangers à raison du fait que leur prix se rapproche de zéro, quelle inconséquence ne serait-ce pas d'admettre la lumière du soleil dont le prix est à zéro pendant toute la journée ? »

La concurrence déloyale de la Toile a succédé à celle du soleil. Pour le reste, rien n'a changé.

Les Antigones sèment l'inflation

29 octobre 2013

C'est bien connu : sous la coupe de Créon prospèrent des banquiers perfides... Les Antigones se sont choisi un nouvel ennemi, hélas très consensuel.

Quoiqu'elles soient moins affriolantes que leurs homologues venues d'Ukraine, les Antigones nous sont sympathiques, d'autant que leur manifeste était bien tourné. Hélas, depuis leur coup d'éclat au Lavoir moderne, elles se dispersent, voire s'égarent. Les voilà au faîte de l'indignation la plus convenue, maintenant qu'elles s'attaquent à l'économie.

« Danser devant une banque », nous expliquent-elles, « c'est opposer des liens humains aux liens marchands ». Curieuse conception du commerce : jusqu'à présent, jamais nous n'avions pris notre boulanger pour un animal ; ni même notre banquier ou notre assureur – lequel est d'ailleurs un ami, preuve que cette dichotomie s'avère purement rhétorique.

« Depuis 1973 », prétendent les Antigones, « notre pays n'emprunte plus à sa propre banque centrale pour financer l'école de nos enfants, nos hôpitaux, nos routes, payer nos soldats, construire les quelques grands projets que nos dirigeants envisagent encore ». C'est méconnaître la substance de cette loi, dont la portée est largement exagérée à la faveur de quelque exégèse conspirationniste popularisée par le Front national et ses affidés. « Non, notre pays emprunte à des banques privées », poursuivent-elles. « Évidemment pas à taux zéro, mais variant entre 3,5 et 7 %. » Ces temps-ci, c'est beaucoup moins, mais il est vrai qu'une flambée prochaine de l'OAT nous paraît vraisemblable. « Ces intérêts colossaux représentent une grande partie de la dette de notre pays », déplorent les Antigones. Aussi faudrait-il « abroger la loi de 1973 », nous disent-elles, ignorant manifestement que celle-ci l'a déjà été – du moins formellement – il y a vingt ans.

Notre argent sera bientôt « ponctionné, taxé, volé, réquisitionné pour le remboursement de la dette, autrement dit des banques », préviennent encore les Antigones. En réalité, les banques sont loin d'être les seules à souscrire des obligations d'État. Outre les compagnies d'assurance, par l'entremise des fonds de pension, d'humbles retraités figurent parfois parmi leurs détenteurs. De fait, les «  les apparatchiks du système », comme elles disent, arborent de multiples visages.

N'en déplaise aux Antigones, « il n'y a pas de repas gratuit ». Si d'aventure leur "solution miracle" se trouvait mise en œuvre, leur épargne serait également ponctionnée, non par une taxe supplémentaire, mais par l'inflation. À ce propos, rappelons la mise en garde de Jacques Bainville : il n'y a « rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française du 2 novembre 1925.

Cela étant, nous rejoignons les Antigones quand elles dénoncent la « collectivisation des pertes ». À nos yeux, plus qu'un scandale moral, c'est une aberration économique.

Le libre-échangisme a toujours la cote

5 juillet 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Union européenne prévoit d'intensifier ses échanges commerciaux avec les États-Unis. À cet effet, un traité de libre-échange transatlantique pourrait être adopté. Aperçu des enjeux des négociations à venir.

Producteurs et acteurs ont obtenu gain de cause : "l'exception culturelle" française est sauvegardée. Vendredi 14 juin 2013, après treize heures de débats, les ministres européens du Commerce ont fini par s'accorder : ils ont défini le mandat en vertu duquel la Commission européenne négociera, au nom des Vingt-Huit, un traité de libre-échange avec les États-Unis. Comme prévu, les services audiovisuels seront exclus des discussions.

Réactionnaire

José Manuel Barroso s'en est ému, jugeant « totalement réactionnaire » cette aversion pour la mondialisation. Ce faisant, le président de la Commission européenne a conforté l'image d'un gouvernement protégeant l'Hexagone des assauts de la concurrence. Auparavant, Paris n'avait-il pas encouragé Bruxelles à hausser le ton contre Pékin ? Les Échos l'avaient annoncé le 13 juin : « Le protectionnisme progresse partout dans le monde. » « Sur les douze derniers mois, 431 mesures protectionnistes ont été mises en place. Et 183 autres sont programmées. C'est le pire résultat observé depuis le début de la crise », précise notre confrère Richard Hiault, citant le rapport annuel de Global Trade Alert.

Cela étant, n'en déplaise à M. Montebourg, « nous ne sommes pas en crise avec Bruxelles », si l'on en croit Thierry Repentin, ministre délégué chargé des Affaires européennes. Son collègue du Redressement productif a beau multiplier les rodomontades, « ces discussions n'auront pas beaucoup de répercussions », a-t-il déclaré à nos confrères d'Euractiv. D'ailleurs, un projet de loi autorisant la ratification d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Corée du Sud vient d'être présenté en conseil des ministres le 19 juin. C'est dire combien doivent être relativisées les velléités protectionnistes du gouvernement.

Avec sa bénédiction, Bruxelles négocie d'ores et déjà des accords de libre-échange avec la Moldavie, le Japon, le Canada... Autrement dit, bien que les discussions multilatérales soient enlisées à l'OMC, le libre-échangisme a toujours la cote. Washington, quant à lui, négocie en ce sens avec neuf pays de l'Asie pacifique. Ce serait même sa priorité. « Le risque existe donc pour l'Europe d'apparaître comme demandeuse et dans ce cas de figure, d'avoir à faire plus de concessions », s'inquiète Seybah Dagoma, député PS de Paris.

Monts et merveilles

« La politique commerciale est l'un des principaux leviers de croissance » dont dispose l'Europe, affirme-t-elle dans un rapport parlementaire. De fait, Bruxelles promet monts et merveilles : à la faveur d'un accord transatlantique, 545 euros supplémentaires bénéficieraient chaque année aux familles européennes, selon une étude commandée par la Commission européenne. Étant donné la complexité des phénomènes en jeu, la multiplicité des interactions à l'œuvre, on reste circonspect quant à la fiabilité de telles prévisions. « Les conséquences économiques d'un accord de libre-échange transatlantique sont potentiellement considérables pour les deux partenaires, mais aussi pour le monde entier », prévient Mme Dagoma.

Les droits de douane sont déjà faibles de part et d'autre de l'Atlantique, souligne-t-elle dans son rapport, « même s'il subsiste [...] des "pics tarifaires", voire des restrictions quantitatives aux échanges ». Dans ces conditions, explique-t-elle, « la baisse, voire la suppression, des tarifs douaniers existants ne sont pas l'enjeu principal de la négociation à venir ». Celle-ci portera plutôt sur la réduction des barrières non tarifaires : la convergence des règlementations et autres procédures d'homologation. Cela s'annonce laborieux. « En pratique, la fragmentation de la compétence normative et la délégation de l'évaluation de la conformité au secteur privé qui caractérisent le modèle américain pourraient constituer les obstacles les plus importants. »

Agriculture

L'agriculture requiert une attention particulière. Pas seulement en raison des suspicions pesant sur les OGM, le bœuf aux hormones ou les poulets lavés à l'eau de Javel en provenance des États-Unis. « Un point majeur de l'accord devrait être l'occasion d'offrir une reconnaissance et une protection effective de nos principales indications géographiques » (IG), explique Éric Adam, dans une analyse publiée sur Telos. « Le marché américain présente un potentiel d'exportation important, en particulier pour les fromages et les vins », confirme Seybah Dagoma. Toutefois, prévient-elle, « ce développement des exportations ne sera possible que si les usurpations cessent. C'est particulièrement le cas des produits qui subissent la concurrence des produits dits semi génériques tolérés aux États-Unis, comme le California Champagne. » En la matière, des avancées ont récemment été obtenues en Chine, où les champagnes français ne sont plus confondus avec d'autres mousseux.

Ces perspectives doivent-elles nous réjouir ? « Ravi que l'on défende l'exception culturelle », Nicolas Dupont-Aignan s'étonne néanmoins que « dans notre pays, les ouvriers n'aient pas la chance d'être défendus comme les acteurs ». « J'aimerais que l'on étende le protectionnisme qui a sauvé le cinéma français au reste de l'économie, au lieu de se contenter de défendre un pré carré », a-t-il déclaré lors d'un débat en commission parlementaire. De son point de vue, « il ne s'agit pas d'aménager cet accord transatlantique, mais de le combattre ainsi que ses présupposés ». En filigrane, on devine des équivoques économiques, mais aussi politiques, voire philosophiques. 

Arianespace : un succès à conforter

7 février 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Après avoir enchaîné les succès, la fusée Ariane V entrevoit désormais le lanceur qui lui succédera dans dix ans, et dont dépendra l'avenir d'une filière industrielle où la France excelle.

Ce jeudi 7 février 2013 était programmé le premier tir de l'année d'une fusée Ariane. Sans prendre trop de risques, on peut parier qu'il se sera conclu par un nouveau succès – la cinquante-quatrième réussite consécutive. Fort de la fiabilité de son lanceur vedette, secondé désormais par des fusées Soyouz et Vega, Arianespace domine largement son marché, dont il a accaparé 60 % des commandes au cours de l'année passée. Son carnet en serait rempli pour les trois ans qui viennent !

Proton & SpaceX

Parmi ses principaux concurrents figure International Launch Services (ILS), dont la fusée Proton accumule les déboires. Son dernier échec – le cinquième en six ans – remonte au mois de décembre, où un satellite de télécommunication avait été déposé sur une mauvaise orbite. À la faveur d'un petit exploit, les ingénieurs de Thales Alenia Space (TAS) ont rattrapé les dégâts. Toutefois, la durée d'exploitation du satellite livré à Gazprom Space Services devrait s'en trouver réduite à onze ou douze ans, contre une quinzaine d'années promises à l'origine. Les assureurs s'en mordent les doigts... Autre rival de poids : SpaceX, dont Jean-Yves Le Gall, le P-DG d'Arianespace, raille volontiers les promesses extravagantes. « Quelle confiance accorder à un concurrent qui annonce envoyer dans quinze ans, quatre-vingt mille personnes sur Mars ? », a-t-il demandé à La Tribune. « On rêve », a-t-il prévenu.

Fusée low cost

En coulisses, cependant, on craint que les prix soient durablement tirés à la baisse. Aussi le successeur d'Ariane V est-il d'ores et déjà présenté comme un lanceur "low cost". Selon le Quai d'Orsay, « Ariane VI aurait notamment l'avantage d'être modulable en fonction de la charge à lancer – entre deux et huit tonnes. Le lanceur serait également en mesure de transporter un seul satellite, ce qui permettrait de répondre plus rapidement à la demande d'un client, sans attendre la commande d'un second satellite. Arianespace entend aussi réduire les coûts de fabrication et rendre l'offre plus flexible. Ainsi, Ariane VI ne serait constituée que d'un seul étage qui serait réallumable. » Son lancement inaugural devrait intervenir d'ici dix ans. Ainsi en ont décidé les ministres des vingt États membres de l'Agence spatiale européenne (ESA), réunis à Naples les 20 et 21 novembre. Cela n'était pas gagné d'avance, tant était contestée l'opportunité de lancer le développement d'une nouvelle fusée. Berlin privilégiait celui d'une version modernisée d'Ariane V, dont bénéficiera tout particulièrement le site industriel de Brême. Astrium et Safran, les deux entreprises françaises les plus impliquées, étaient du même avis, au grand dam du CNES (Centre national d'études spatiales). Aussi Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, a-t-elle dû batailler afin que la France s'adresse d'une seule voix à ses partenaires européens. Sa tâche aurait été d'autant plus ardue que son prédécesseur, Laurent Wauquiez, aurait traité le dossier avec désinvolture.

Deux projets en un

En définitive, les États membres de l'ESA se sont accordés pour moderniser Ariane V tout en concevant une nouvelle fusée, les deux projets devant être menés en synergie. « Alors, tous gagnants ? Sûrement, mais Paris a toutefois réussi un joli tour de force en imposant dans le calendrier de l'ESA [...] le programme Ariane VI », a commenté, dans La Tribune, notre confrère Michel Cabirol. Toutefois, « si aujourd'hui tout le monde semble satisfait, dès 2014 va resurgir la question du partage de la charge de travail entre les différents pays contributeurs au programme Ariane VI, notamment entre la France et l'Allemagne. » Or, « plus rustique, Ariane VI pourrait - à nombre de lancements égal - ne faire vivre que la moitié des dix mille personnes qui travaillent dans la filière lanceur en Europe, estiment certains experts ». Une inquiétude que tempère François Auque, le président d'EADS Astrium, pariant sur le succès commercial du futur lanceur.

Le rôle stratégique de Kourou

Pour la France, martèle le gouvernement, « le programme Ariane concerne des milliers d'emplois et des compétences industrielles majeures. En effet, le groupe français Astrium est aux commandes de la réalisation de la fusée. La filiale du groupe EADS emploie dix-huit mille salariés. Elle voit dans ces projets une marque de la véritable consolidation de l'avenir du spatial européen. Pour l'actuelle Ariane V, le groupe se charge notamment d'assembler le premier étage de la fusée dans son usine des Mureaux en région parisienne. Il travaille sur la conception du réservoir en lien avec Cryospace, filiale à 55 % d'Air liquide et à 45 % d'Astrium. Plusieurs composants d'Ariane sont fabriqués par d'autres entreprises françaises comme Snecma, filiale de Safran, en charge des moteurs Vulcain. Au total, près de deux cents entreprises participent à la fabrication de cette colossale fusée de sept cent soixante-dix tonnes. Pour éviter les risques inhérents aux opérations de transport, les propulseurs à poudre de la fusée, conçus par Europropulsion (Snecma et l'italien Avio), sont assemblés directement sur le site de Kourou. C'est là qu'est établi, depuis 1973, le centre spatial guyanais, base de lancement des fusées européennes. »

La chambre haute vient d'ailleurs d'examiner un accord, en attente de ratification depuis sa signature le 18 décembre 2008, censé « fournir une base juridique unifiée et actualisée à l'utilisation par l'Agence du Centre spatial guyanais » (CSG), selon les explications du rapporteur Bertrand Auban, sénateur de la Haute-Garonne. L'engagement de l'ESA en matière de financement et d'utilisation de la base de lancement va s'en trouver pérennisé, se félicite-t-il. Tandis que la zone euro peine à s'extirper de la crise, alors que l'intervention solitaire de la France au Mali dissipe moult illusions, peut-être la politique spatiale est-elle l'exemple d'une coopération européenne réussie ?

Malthus, mauvais génie du XXIe siècle

20 décembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Des Verts au FN en passant par le PS et l'UMP, le malthusianisme nourrit la plupart des discours politiques...

La Chine « est prête à abandonner la politique de l'enfant unique », a annoncé La Tribune le 28 novembre 2012. Selon notre confrère Nabil Bourassi, dans les régions les plus développées de l'empire du Milieu, les couples devraient être autorisés prochainement à accueillir un second enfant. Le malthusianisme s'en trouvera-t-il voué aux gémonies ? Loin s'en faut.

L'or noir intarissable

Au printemps 2009, on s'en souvient, Yves Cochet, alors député Vert de Paris, avait appelé à « la grève du troisième ventre », au motif qu'un enfant européen présenterait « un coût écologique comparable à six cent vingt trajets Paris-New York ». À la hantise du réchauffement climatique s'ajoute le spectre récurrent d'une raréfaction des ressources. L'expérience donne pourtant à réfléchir : annoncé à de multiples reprises, l'épuisement des réserves pétrolières n'en finit pas d'être reporté ; depuis quarante ans, comme le rappelait Georges Kaplan en juin dernier, « les réserves prouvées mondiales [...] ont largement plus que doublé » ; « il existe même aujourd'hui quelques projets très sérieux de pétrole de synthèse ». C'est dire combien le pessimisme s'avère de mauvais aloi. Pas plus que Maurras, nous ne croyons « à la grève du génie humain » !

Bien qu'ils en soient les chantres les plus éminents, les écologistes n'ont pas l'apanage du malthusianisme. Sous ses diverses déclinaisons, celui-ci façonne l'opinion publique en profondeur, inspirant la plupart des discours politiques. À commencer par celui des socialistes. Le Premier ministre l'a confirmé le 11 décembre, tandis qu'il fustigeait l'évasion fiscale de Gérard Depardieu : « on ne fera pas reculer la pauvreté si ceux qui ont le plus [...] n'acceptent pas un peu de solidarité et un peu de générosité », a-t-il déclaré. Ainsi la nation serait-elle promise au rationnement selon Jean-Marc Ayrault... La mise en place des trente-cinq heures a procédé d'un préjugé similaire, selon lequel nous serions condamnés à partager un nombre figé d'emplois. Traditionnellement, le Front national puise à la même source : ne juge-t-il pas « l'immigration professionnelle [...] particulièrement condamnable [...] alors que le chômage explose » ?

Démondialisation

Prônée, entre autres, par Arnaud Montebourg, la « démondialisation » transpose cette conception à l'échelle du Village global, où l'on s'imagine qu'un emploi créé en Chine serait nécessairement perdu en France. Or, si l'on en croit Alexandre Gazaniol, auteur d'une note publiée par la Fabrique de l'industrie, « l'internationalisation des entreprises a un effet positif sur leur chiffre d'affaires, leur innovation et leur emploi en France, et contribue donc au développement de l'activité industrielle française ». Bien qu'elles appellent peut-être quelque nuance, ces conclusions soulignent la complexité d'un débat esquivé par le néo-malthusianisme, dont les adeptes feignant de croire que l'économie est un jeu à somme nulle. N'ont-il jamais eu vent, par exemple, des "avantages comparatifs" mis en évidence par David Ricardo en 1817 ? « Il s'agit du meilleur exemple d'un principe économique indéniable mais contraire à l'intuition de personnes intelligentes », remarquent justement les contributeurs de Wikipedia.

L'UMP n'est pas en reste : il y a un an, Alain Moyne-Bressand, député de l'Isère, avait déposé une proposition de loi « visant à interdire la généralisation des caisses automatiques aux barrières de péages sur le réseau français autoroutier » ; selon les signataires de ce texte, parmi lesquels figuraient Lionel Luca, Christian Ménard, Jacques Myard, Éric Raoult, Christian Vanneste..., « en temps de crise [...] où le chômage atteint de tristes records, aucun emploi ne doit être supprimé ou minimisé ». C'est méconnaître le caractère dynamique de l'économie, où la « destruction », quoique parfois douloureuse, s'avère néanmoins « créatrice », comme l'écrivait Joseph Schumpeter. Les réactionnaires doivent-ils s'en offusquer ? Selon Maurras, en tout cas, « la vérité politique et sociale qui nous conduit n'a pas la forme du regret. Elle est plutôt désir, curiosité, solide espérance apportant les moyens de réaliser l'avenir avec une imperturbable sécurité. » Au passage, on rappellera que, dans son rapport sur la compétitivité, Louis Gallois a précisément déploré le faible niveau de robotisation de l'industrie nationale.

Qu'on le veuille ou non, il faudra compter avec le progrès matériel. Pour le meilleur ou pour le pire. « Tous ces changements que nous opérons dans l'économie de notre planète n'ont mené à rien jusqu'ici et rien ne permet d'admettre qu'ils conduisent jamais à rien », observait Maurras. Toutefois, poursuivait-il, « nous y travaillons parce qu'il est dans notre ordre d'y travailler ». « Animal industrieux », voilà, selon lui, « la définition première de l'homme ». Aussi les incantations lancées en faveur de la décroissance nous paraissent-elles tout aussi vaines que la tentative de normaliser l'homosexualité par l'institution d'un "mariage pour tous" : ce ne sont jamais que les expressions multiples d'un volontarisme voué à échec.

L'illusoire TVA sociale

15 novembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Mesure phare du "pacte de compétitivité" présenté par Jean-Marc Ayrault, le crédit d'impôt promis aux entreprises est un succédané de la "TVA sociale" promue par la majorité précédente afin d'enrayer les délocalisations.

François Hollande et son gouvernement pratiquent le reniement avec une remarquable habileté. Tant mieux, aux yeux du patronat : abrogée par la nouvelle majorité, après avoir été votée par la précédente, la "TVA sociale" figure parmi les trente-cinq mesures du "Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi" présenté le 6 novembre 2012.

Projet alambiqué

D'une législature à l'autre, les modalités ont évolué ; le projet socialiste s'avère quelque peu alambiqué : la taxation accrue de la consommation devrait contribuer à financer non pas une baisse formelle des charges, mais une crédit d'impôt indexé sur la masse salariale des entreprises. De cette façon, explique notre confrère Vincent Collen, « les entreprises vont intégrer l'effet bénéfique dans leurs comptes dès 2013, alors que le coût pour les finances publiques n'interviendra qu'en 2014. Ce qui permet d'éviter toute mesure récessive supplémentaire l'année prochaine. » Par ailleurs, précise-t-il dans Les Échos, « le financement de la protection sociale n'est pas affecté, ce qui a permis à l'exécutif de trancher sans attendre les résultats d'une longue concertation ».

C'est un geste bienvenu à l'intention des entreprises, vis-à-vis desquelles le gouvernement avait manifesté peu d'égards jusqu'à présent. En outre, cette initiative semble participer de la mise en œuvre du "patriotisme économique" cher à M. Montebourg, étant donné que le transfert opéré pèsera notamment sur les produits importés. L'économie nationale pourrait en tirer profit... à moins que nos compatriotes renoncent à l'achat de quelque produit "made in France" pour compenser le surcoût de leur téléviseur fabriqué en Corée. Concrètement, selon l'estimation de notre confrère Yann Philippin, calculée pour Libération, « le dispositif ferait chuter le prix de revient d'une [Peugeot] 208 assemblée à Poissy (Yvelines) de seulement 1,3 % ». Pas de quoi bouleverser la donne.

La France hors jeu

Selon un rapport du Sénat, « à la fin de 2009, le coût de la main d'œuvre roumaine ou bulgare était dix fois moins élevé qu'en France, celui de la Pologne et de la Slovaquie cinq fois moins élevé et celui du Portugal ou de la Grèce respectivement trois et deux fois moins élevé que celui de la France ». Dans ces conditions, il serait illusoire de vouloir affronter les pays "à bas coûts" sur leur propre terrain. Autant vider l'océan à l'aide d'une cuillère à café ! Taxé d'immobilisme, soucieux de répondre à la hantise des délocalisations, la peur du plombier polonais, la terreur de l'invasion chinoise, le gouvernement s'y essaie néanmoins, timidement. Au risque, selon nous, d'entretenir un certain défaitisme, nourri d'une conception malthusienne de l'emploi – celle d'un gâteau que nous devrions nous résoudre à partager, plutôt que de nous mettre aux fourneaux. De fait, le coup de pouce gouvernemental sera découplé des plus hauts salaires. Alors que Louis Gallois proposait de fixer un seuil à 3,5 fois le Smic, celui-ci devrait être cantonné à 2,5 Smic. Patrick Kron, le P-DG d'Alstom, s'en désole : « Tout le monde s'accorde à dire que la France doit innover, monter en gamme », a-t-il rappelé à La Tribune. « Va-t-on monter en gamme avec des salariés payés au Smic ? Est-ce totalement logique et totalement cohérent ? »

Dévaluation fiscale

Quoi qu'il en soit, « une politique de compétitivité suppose une action dans la durée », comme l'a déclaré le président de la République. Thomas Philippon, professeur à l'université de New York, met en garde contre le recours aux "solutions miracles". « Croire que la France va régler son problème de compétitivité par la magie d'un transfert de charges sociales vers la CSG ou la TVA n'est pas réaliste », a-t-il déclaré à Acteurs publics. « D'un point de vue macroéconomique, une telle opération aura à peu près le même effet qu'une dévaluation. C'est-à-dire que l'avantage compétitif durera le temps que l'ensemble des prix et salaires s'ajustent. Ce n'est pas une solution structurelle. » Son analyse rejoint celle du FMI, selon lequel « transférer le coût des allégements de cotisations patronales vers les revenus [...] n'aurait probablement que des effets temporaires si elle n'est pas accompagnée par des gains de productivité qui permettent aux salaires réels de compenser progressivement la perte de pouvoir d'achat ». Les colonnes de L'Action Française 2000 sont ouvertes au débat sur les dévaluations. Un constat s'impose néanmoins : quoique les responsables politiques se disent déterminés à "sauver" l'euro, ils semblent nostalgiques des facilités que leur assurait le contrôle d'une monnaie nationale.

Résurrection annoncée

15 novembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Renault va ressusciter Alpine, une marque sportive qui sera le fer de lance de sa montée en gamme à moyen terme.

L'affaire a tenu en haleine tous les passionnés d'automobiles un tantinet chauvins. Finalement, l'annonce a été officialisée le 5 novembre 2012, en présence d'Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif : Renault va bel et bien ressusciter Alpine. Créée par Jean Rédélé en 1955, au sommet de sa gloire dans les années soixante-dix, où la berlinette A110 enchaînait les victoires en rallyes, la marque avait sombré au milieu des années quatre-vingt-dix. Mondialisation oblige, sa renaissance s'inscrira dans le cadre d'un partenariat. Renault va s'associer au Britannique Caterham, avec lequel il collabore d'ores et déjà en Formule 1. C'est un constructeur réputé pour ses modèles à la légèreté exemplaire, produits de façon quasi artisanale. Renault et Caterham vont concevoir en commun des véhicules sportifs qu'ils nous promettent « distincts, différenciés » et porteurs de leur « ADN respectif ». Ils seront produits à Dieppe, au sein de l'usine Alpine, dont l'avenir se trouve ainsi pérennisé.

Renouer la tradition

À nos yeux, cette annonce constitue une concrétisation réjouissante de la « montée en gamme » de l'industrie française prônée par le gouvernement, au demeurant peu enclin à promouvoir le plaisir automobile... Si le projet aboutit, il restera toutefois à transformer l'essai, dans un domaine où Renault a multiplié les aventures sans lendemain (Safrane biturbo, Spider, Clio V6). Or, la légitimité d'un constructeur s'acquiert dans la durée. Souvent cité en exemple, le groupe Volkswagen a persévéré des années durant pour ériger Audi au rang de référence mondiale. Mais si la France parvient à se refaire une place dans l'automobile haut de gamme, ce sera vraisemblablement en se frayant son propre chemin, sans verser dans la froideur germanique ni céder à l'exubérance italienne.

L'inoubliable berlinette nous semble typiquement franchouillarde, en ce qu'elle symbolise une certaine débrouillardise nationale : dérivée d'une modeste 4CV, faisant appel à des composants de grande série, elle n'en tenait pas moins la dragée haute à des concurrentes plus huppées, forte d'une agilité hors pair. Son héritière renouera-t-elle avec la tradition ? Dévoilée d'ici trois ou quatre ans, celle-ci renoncera vraisemblablement au moteur en porte-à-faux arrière qui avait caractérisé toute la lignée. Depuis la disparition de l'Alpine A610 en 1995, seule la Porsche 911 est restée fidèle à cette architecture. Son succès ne s'est pas démenti, preuve que la tradition a du bon !

Du patriotisme à compte d'autrui

12 septembre 2012

Rebond sur l'"affaire" Bernard Arnault.

Le bannissement prôné par Libération suffira-t-il à punir pareille traîtrise ? On s'étonne que Marine Le Pen n'ait pas réclamé la guillotine. Bernard Arnault l'aurait pourtant méritée : ce type est plein aux as ! Aussi se trouve-t-il dans l'impossibilité de prêcher la générosité à compte d'autrui – l'apanage des patriotes.

Ceux-ci s'en donnent à cœur joie ces temps-ci. On se souvient du tollé qu'a provoqué le Syndicat des transports d'Île de France, après la conclusion d'un appel d'offres lancé pour la gestion d'un centre d'appel. Écarté au profit d'un concurrent opérant depuis l'étranger, la société Webhelp est aussitôt montée au créneau, « au nom de l'intérêt général », avec la bénédiction quasi unanime de la classe politique. Cela par la voix de son coprésident Frédéric Jousset, qui s'était jadis vanté de contribuer au développement de la francophonie... à la faveur des délocalisations. De fait, son entreprise est implantée en France, mais aussi en Roumanie, en Algérie et au Maroc. C'est donc un chantre typique du patriotisme économique.

De quoi s'agit-il, en effet, sinon d'instrumentaliser quelque hantise populaire aux dépens du bien commun ? Dans les méandres du tissu économique, distinguer l'intérêt national s'avère éminemment complexe. Prétendre y parvenir, voilà qui devrait nous sembler suspect. D'ailleurs, les charlatans qui s'y risquent se gardent bien d'évaluer le "coût d'opportunité" des mesures qu'ils préconisent. Or, protéger la sidérurgie nationale, par exemple, cela revient à pénaliser l'industrie automobile consommatrice d'acier. Dans ces conditions, comment l'État pourrait-il rendre un arbitrage légitime ?

À moins qu'une industrie menacée relève d'une capacité critique, aux applications militaires, mieux vaut promouvoir l'allocation optimale des ressources nationales, au bénéfice de la productivité du pays. Tel est le gage de sa prospérité à long terme, n'en déplaise aux inquisiteurs s'arrogeant le droit de sonder les cœurs, quitte à saper les fondements du patriotisme authentique qui, peut-être, y réside en secret.

NB – Quelques images valant mieux qu'un long discours, nous renvoyons nos lecteurs à l'illustration accompagnant ce billet, extraite d'un ouvrage de Daniel Tourre, Pulp libéralisme, éditions Tulys, avril 2012, 236 p., 34 euros (22 euros pour la version noir et blanc).

L'Argentine, un pays rebelle

21 mai 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Au milieu du village global, un pays résiste, encore et toujours, aux canons de la mondialisation promus par les artisans de la gouvernance planétaire...

À la faveur de l'élection présidentielle, la France aurait « réaffirmé sa profonde vocation républicaine, qui fait primer la volonté politique sur la fatalité des marchés, la sensibilité sociale sur les recettes financières, et la justice et la solidarité sur l'exclusion », selon Hugo Chavez. S'agit-il d'un soutien de poids pour François Hollande ? Affaibli par la maladie, bientôt sur le départ, le président du Vénézuela s'est fait voler la vedette, sur la scène latino-américaine, par son homologue argentin, Cristina Kirchner.

Repsol exproprié

Celle-ci s'attire les éloges des pourfendeurs de la mondialisation, tel Aymeric Chauprade : « l'Argentine [...] apporte au monde une preuve supplémentaire que la voie du redressement et de la liberté des peuples passe par l'indépendance nationale et la rupture » avec le FMI, la Banque mondiale, l'Union européenne, etc., a-t-il écrit sur son blog. Il y a dix ans, déjà, Buenos Aires s'était distingué en cessant de rembourser quelque 100 milliards de dollars de dette extérieure. Aujourd'hui, il pratique « un protectionnisme décomplexé », comme le relevaient, début mars, nos confrères de La Tribune. De fait, « pour exporter en Argentine, on doit s'engager à importer des produits argentins ou à investir dans le pays pour ne pas risquer de voir ses produits bloqués aux douanes. Parmi les cas les plus connus, le constructeur automobile allemand Porsche a dû en 2011 s'engager à acheter du vin et de l'huile d'olive argentins pour faire entrer une centaine de véhicules. Le fabricant canadien Blackberry a dû, lui, annoncer l'ouverture d'une unité de production en Terre de Feu (sud) pour continuer à vendre ses portables. » Cependant, « en janvier, lassée des retards provoqués par les nouveaux contrôles, le constructeur automobile Fiat a arrêté son usine de Ferreyra (Cordoba, centre) pendant 48 heures. Un avertissement pour le gouvernement. »

Celui-ci ne semble pas se laisser démonter, comme en témoigne la nationalisation de la société pétrolière YPF, aux dépens du groupe espagnol Repsol... et dont pourrait profiter Total, qui en était déjà un partenaire habituel. Scandalisés, le Washington Post et le Wall Street Journal ont appelé à exclure l'Argentine du G20, où son voisin chilien mériterait de lui succéder. En réaction, le gouvernement espagnol a annoncé une limitation des importations de biodiesel argentin. Mais selon l'analyse du Fauteuil de Colbert, publiée par l'Alliance géostratégique (AGS), « il va sans dire que Madrid est quelque peu démunie dans cette crise. La Commission européenne a beau dire que... la Commission européenne ne peut rassembler ni coalition, ni moyens de coercitions pour soutenir l'Espagne. Cerise sur le gâteau, le nouveau gouvernement de Mario Rajoy prend à peine ses marques dans une Espagne exsangue, et la contestation sociale gronde. »

Les Malouines

Cela étant, poursuit l'auteur, « il y a [...], forcément, quelques probabilités que la crise argentino-espagnole ne vienne heurter le conflit anglo-argentin ». Voilà tout juste trente ans se déroulait la guerre des Malouines. Depuis, le différend opposant Londres et Buenos Aires ne s'est jamais dissipé. Les tensions se sont même ravivées à l'approche de cet anniversaire, puisque les navires battant le pavillon de l'archipel ne sont plus autorisés à accoster dans les ports argentins... Dans cette affaire, Mme Kirchner bénéficie d'ailleurs du soutien de la Bolivie, du Brésil, du Chili et de l'Uruguay.

Ces deux crises, avec l'Espagne d'une part, le Royaume-Uni d'autre part, « gravitent autour de la question des richesses pétrolières qui gisent au large des côtes du Brésil et de l'Argentine - et en Guyane », explique le Fauteuil de Colbert. « Sous cet angle, il est moins certain que l'action argentine actuelle ne vise qu'à détendre les cours actuels de l'or noir sur le marché argentin. Cette action n'a-t-elle pas quelques visées à plus long terme ? » L'auteur relève encore « des enjeux de puissance car les richesses pétrolières brésiliennes permettrait à Brasilia de produire plus d'or noir que BP ou Exxon ». Quoi qu'il en soit, conclut-il, « il est possible de se demander si Buenos Aires peut faire face à deux crises sérieuses avec deux pays ayant des intérêts voisins dans les deux conflits ».