5 novembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Le projet de loi portant réforme des retraites a été adopté
définitivement le 27 octobre. Reste à passer l'examen du
Conseil constitutionnel et les soubresauts de sa mise en œuvre, en
attendant la remise à plat du système.
Tandis que les raffineries reprenaient le travail, le débat
s'ouvrait sur le coût des conflits sociaux. Dénonçant « la
chienlit », la CGPME l'a estimé à 4 milliards d'euros
dans un communiqué du 25 octobre. Sans doute Nicolas Sarkozy
espère-t-il tirer quelque bénéfice de cet investissement lors d'un
prochain rendez-vous avec les urnes. « C'est une réforme
difficile, j'en suis le premier conscient », a-t-il déclaré le
20 octobre. « Et il est normal que dans une
démocratie chacun puisse exprimer son inquiétude ou son opposition.
Mais certaines limites ne doivent pas être franchies et mon devoir est
de garantir le respect de l'ordre républicain au service de tous les
Français. »
Des marchés rassurés
Un discours de relative fermeté apprécié par les marchés
financiers. Pour preuve, après s'être accru en septembre, l'écart de
taux à dix ans entre la France et l'Allemagne s'est resserré le mois
dernier. Cela devrait offrir un répit temporaire à Bercy, d'autant que
Paris aurait déjà accompli 90 % de son programme de
financement pour 2010, selon les chiffres publiés par Isabelle Couet (Les Échos,
28/10/2010).
Autrement dit, les contribuables échappent au renchérissement
de la dette, dont les plus jeunes ne seraient pas les moindres
victimes. De ce point de vue, ils se sont montrés peu inspirés en
séchant les cours pour aller manifester. Quoique à brève échéance, la
question du partage du travail se posera effectivement selon Philippe
Askenazy, directeur de recherche au CNRS. Pour les nouveaux venus sur
le marché du travail, « la difficulté ne viendra pas du
secteur privé mais du public », a-t-il expliqué aux Échos
(26/10/2010) : « Dans les trois fonctions publiques,
qui représentent un cinquième de l'emploi salarié en France, les
recrutements se font principalement pour remplacer des départs à la
retraite. [...] Le fait qu'un senior reste deux ans de plus devrait
ainsi faire baisser de 20 % les recrutements d'agents au cours
des dix ans à venir. Cela fait de l'ordre de 30 000 postes de
moins par an pendant une dizaine d'années. Cela peut paraître peu [...]
mais cela va être très concentré sur une seule classe d'âge. »
Quoi qu'il en soit, la réforme en cours ne préjuge guère de la
retraite dont bénéficieront nos jeunes actifs. Le texte définitif du
projet de loi prévoit d'ores et déjà le lancement, au premier semestre
2013, d'une « réflexion nationale » censée préparer,
enfin, « une réforme systémique de la prise en charge
collective du risque vieillesse ». La République
tiendra-t-elle ses promesses ?
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29 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
La technologie participe pleinement des rivalités
internationales. En témoigne l'importance des supercalculateurs exposée
ci-dessous – un instrument parmi d'autres au service de la "puissance",
sans laquelle la "souveraineté" n'est qu'une coquille vide.
Lundi dernier, 26 juillet 2010, le président
de la République a participé à la 35e conférence
internationale sur la physique des hautes énergies. Fier d'accueillir
l'événement, qui ne s'était plus tenu en France depuis vingt-huit ans,
l'Élysée avait souligné la « signification
particulière » que lui conférait la présentation des premiers
résultats du LHC – un accélérateur de particules installé à Genève
« ayant battu tous les records de puissance ».
Un impératif industriel
Ces travaux requièrent des calculs intensifs. Outre la
recherche scientifique, l'industrie et la finance partagent ce besoin,
mis en exergue par Pierre-Heny Suet, Joël Hamelin et Jean-Loup Loyer
dans une "note de veille" du Centre d'analyse stratégique publiée
courant juillet. Un besoin auquel répondent des supercalculateurs, qui
réalisent en un jour la tâche qu'un ordinateur personnel mettrait cent
cinquante ans à accomplir. Leur puissance, traduite en opérations par
seconde, ou flops, double presque chaque année, et les simulations
numériques s'affinent à mesure que croissent leurs performances. Alors
qu'il construisait quelque soixante-dix ailes pour valider la fiabilité
d'un avion dans les années quatre-vingt, Boeing n'en fabrique plus
qu'une dizaine aujourd'hui ; quant au CEA, il développe
désormais des têtes nucléaires sans pratiquer aucun essai. C'est dire
combien la compétitivité, voire l'autonomie stratégique de la France,
dépendent de l'accès aux supercalculateurs.
Les plus performants sont implantés aux États-Unis, qui
disposent de 56 % de la puissance cumulée des cinq cents
premiers ordinateurs mondiaux, devançant l'Union européenne
(30 %), la Chine et le Japon. La France, qui s'était laissé
distancer, aurait consacré d'importants efforts depuis 2007 pour
revenir dans la course. En trois ans, sous l'impulsion d'une structure
créée à cet effet (GENCI), elle a multiplié par trente ses capacités.
Le Centre d'analyse stratégique a salué l'« une des meilleures
dynamiques de croissance mondiales en 2009 ». Cela dit, la
machine la plus performante de l'Hexagone stagne au dix-huitième rang
mondial. De nouveaux progrès sont attendus cette année, avec
l'extension des capacités de la machine Jade du CINES, et la mise en
service d'un supercalculateur pétaflopique (1) par la direction des
applications militaires du CEA. Enfin, d'ici un ou deux ans,
Bruyères-le-Châtel (Essonne) accueillera un Très Grand Centre de calcul
(TGCC). Cette initiative s'inscrit dans le projet PRACE (Partnership
for Advanced Computing in Europe), grâce auquel les scientifiques
français ont accès, depuis le 1er juin, au supercalculateur de
Jülich (Allemagne), le seul approchant aujourd'hui le pétaflops en
Europe.
Bien qu'ils ne représentent que 30 % du marché
mondial, les États-Unis fournissent 95 % des grands
ordinateurs. Outre-Atlantique, le développement des nouvelles
générations de supercalculateurs serait largement financé sur fonds
gouvernementaux. « Vouloir préserver une certaine autonomie
européenne [...] demande que soit compensé le handicap
existant », ont averti les héritiers du Plan. Le cas échéant,
il faut espérer que l'État saura épargner à Bull les déboires qu'il a
traversés jadis... Sinistres conséquences d'un colbertisme
décadent !
Bull, seul en Europe
Le "champion national" de l'informatique n'en est pas moins
devenu, depuis les retraits de Siemens et de Philips, le seul
constructeur européen de supercalculateurs. Mais les microprocesseurs
utilisés dans ces machines demeurent à 99 % nord-américains.
Autrement dit, la France reste totalement dépendante
d'approvisionnements extérieurs pour le composant de base.
« La Chine, en revanche, vient de s'affranchir de cette
dépendance en construisant un supercalculateur de classe téraflops basé
sur des processeurs Loongson 3A chinois. » Pékin entend bien
maîtriser chacun des maillons de la chaîne technologique.
L'exploitation des supercalculateurs requiert une
programmation plus complexe que celle d'une machine ordinaire. Une
tâche pour laquelle seules quelques dizaines de spécialistes
bénéficieraient en France des compétences nécessaires. Or,
« pour Hewlett Packard, par exemple, le logiciel représente
désormais plus des deux tiers des coûts de production »...
D'où la proposition du Centre d'analyse stratégique de créer des
formations qualifiantes en calcul intensif de la licence au doctorat.
« À l'heure où le nombre d'étudiants inscrits en
science connaît une baisse très préoccupante, c'est à vous de faire
vivre l'amour de la science », a lancé le chef de
l'État a l'adresse des chercheurs. Selon Nicolas Sarkozy,
« c'est la destinée de l'homme que de créer sans
cesse ». Une fois n'est pas coutume, Maurras ne disait pas
autre chose : « Animal industrieux, voilà, je pense,
la définition première de l'homme », a-t-il écrit dans un
texte révélé par Maurras.net. « Il ne peut rien laisser en
place. Il lui faut défaire et refaire, décomposer pour le recomposer
sur un autre plan tout ce qu'il trouve autour de lui, et son système de
remaniement perpétuel l'aura conduit, de proche en proche, à interposer
sa main, son travail, sa peine et son art entre toutes les matières
premières que la nature lui fournit et que jadis il utilisait telles
quelles. [...] L'admirable, l'humain et le divin de cette triomphale
aventure, c'est que jamais la joie d'aucune réussite n'y fit retarder
l'âpre effort industriel. »
Assez de romantisme !
Aussi la tentation de fuir un univers gangrené par la
technologie relève-t-elle du romantisme. À la différence du président
de la République, cependant, nous nous garderons de nous en remettre à
la science dans l'espoir « que l'humanité progresse
réellement ». « Le progrès ou, pour mieux parler, les
progrès, loin de nous délivrer de notre condition, la précisent en la
compliquant », écrivait encore Maurras. « À l'homme
volant s'ajoutera la ville volante, vertigineuse colonie d'une
métropole adorée et dans laquelle la discipline sociale, la stabilité
sociale sera, comme aujourd'hui sur le pont d'un navire, la condition
première de cet heureux triomphe de l'art humain servi par la richesse
et la diversité de lois de l'univers. Bien assurés de l'immuable,
émerveillons-nous des belles métamorphoses cachées dans l'abîme du
Temps. La vérité politique et sociale qui nous conduit n'a pas la forme
du regret. Elle est plutôt désir, curiosité, solide espérance apportant
les moyens de réaliser l'avenir avec une imperturbable
sécurité. » En route vers l'exaflops !
(1) Selon les préfixes du système international d'unités,
1 téraflops = 10 puissance 12 flops ;
1 pétaflops = 10 puissance 15
flops ; 1 exaflops =
10 puissance 18 flops ; etc.
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1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Confronté à la pression des syndicats, handicapé par les
échéances électorales, le gouvernement doit compter également avec les
scandales éclaboussant moult ministres. Les réformes indispensables à
l'assainissement des finances publiques s'en trouvent d'autant plus
difficiles à mener.
Les perspectives économiques de la France sont « très
incertaines », a annoncé, sans prendre de risque, le Fonds
monétaire international. Le diagnostic est désormais bien connu dans la
zone euro : « La crise actuelle résulte des
politiques budgétaires insoutenables menées par certains pays, du
retard pris dans l'assainissement du système financier, de la lenteur à
mettre en place la discipline et la souplesse nécessaires. »
« Les pays confrontés aux pressions du marché n'ont pas
d'autre choix que de prendre des mesures drastique », a
averti l'institution dirigée par Dominique Strauss-Kahn.
Un lointain souvenir
Bien que la France bénéficie toujours du "triple A"
accordé par les agences de notation, son dernier excédent budgétaire
remonte à 1974 ! Or elle se doit d'alimenter la confiance des
investisseurs. « La volatilité des marchés et la forte
augmentation de la dette publique imposent [donc] un programme de
consolidation inscrit dans une stratégie tournée vers
l'avenir. » Hélas, la mise en œuvre d'une telle politique
relève de la gageure dans une république obnubilée par la
"présidentielle permanente". Reconnaissons toutefois que la démocratie
n'est pas seule en cause. Un regard tourné vers le Rhin en impose le
constat : tous les tempéraments nationaux ne se prêtent pas
semblablement à la "rigueur".
Cela dit, les politiciens n'ignorent pas tout à fait la
perversité de leurs joutes électorales. Faute de parvenir à se
comporter en adultes responsables, ils se résignent à choisir un maître
d'école. La Commission européenne excelle dans ce rôle-là, bien que le
Pacte de stabilité ait volé en éclats. L'UE et le carcan du droit
apparaissent comme les nouvelles conditions du salut public. Dans un
rapport remis au Premier ministre, Michel Camdessus a dessiné les
contours d'une règle constitutionnelle d'équilibre. On s'achemine vers
l'inscription dans la Constitution du principe d'une "loi-cadre de
programmation des finances publiques" pluriannuelle, s'imposant aux
lois de finances et de financement de la Sécurité sociale, sous le
contrôle du Conseil constitutionnel. « Cette règle fixerait
une trajectoire impérative de réduction des déficits, et la date de
retour à l'équilibre structurel de nos finances publiques »,
selon les explications de Matignon.
Mais d'autres chantiers sont à mener. « D'importantes
réformes de long terme (en particulier concernant les retraites et le
système de santé), ne produiraient que des économies limitées dans
l'immédiat, mais auront des effets positifs et significatifs en termes
de crédibilité auprès des marchés financiers et sur la demande
intérieure », a encore souligné le FMI. Autrement dit, la
réforme des retraites représente un enjeu d'autant plus sensible
qu'elle participe de la résolution de l'impossible équation : ou
comment assainir les finances publiques sans menacer la reprise
économique. « La réforme des retraites et du système de santé
doivent constituer la pierre angulaire de la stratégie budgétaire de
moyen terme », selon le Fonds monétaire international. Et DSK
de cautionner, en tant que directeur général de l'institution,
l'affirmation selon laquelle « il convient [...] de résister
aux pressions qui conduiraient à ne pas corriger les déséquilibres
fondamentaux et à s'appuyer démesurément sur des mesures
d'accroissement des recettes ». Ce faisant, le ténor
socialiste met en lumière la démagogie pratiquée par son parti –
conséquence heureuse de la politique d'"ouverture" menée par Nicolas
Sarkozy !
Placé à la tête de la cour des Comptes, un autre transfuge a
souligné le courage requis pour affronter les déficits. Didier Migaud
se serait bien gardé de tenir un pareil discours du temps où il
sévissait à l'Assemblée nationale. Les royalistes distinguent mieux que
quiconque l'influence déterminante des institutions... Reste que le
courage ne saurait suffire. L'habileté s'avère tout aussi nécessaire,
sinon davantage. Les maladresses d'Alain Juppé ne se sont-elles pas
soldées par l'adoption des trente-cinq heures ?
Faute morale ou politique
Aussi les déboires du ministre du Travail, de la Solidarité et
de la Fonction publique tombent-ils à pic. « Éric Woerth est
un homme intègre », si l'on en croit notre collaborateur
Catoneo. « Mais il fréquente les cercles d'influence [...] et
les gens très friqués du grand monde étaient son quotidien. Il n'a pas
vu la collusion d'intérêts entre son poste de chef du Fisc et celui de
gestionnaire de grande fortune qu'occupait sa femme. Il lui est
impossible de soutenir qu'ils avaient un sas de décompression
professionnelle à la maison, ce que les chiens courants du Parti
socialiste ont très bien détecté. Cette affaire tombe mal au moment où
l'on découvre que la prévarication fait rage dans la grande république
bananière d'Europe occidentale. Mais comme souvent, c'est le premier
qui passe, coupable ou non, qui subit l'assaut de la meute. »
« Nous ne sommes pas des gens moraux »,
avons-nous l'habitude de proclamer à l'Action française. Il est vrai
que nous ne nous faisons aucune illusion sur la prétendue vertu
républicaine... Laissons à l'avenir le soin d'identifier les fautes
morales. Espérons seulement que cette bourde politique ne compromettra
pas une réforme que l'on pouvait déjà craindre trop timide.
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17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Tandis que les déficits publics alimentent les difficultés de
financement des entreprises, les velléités "régulatrices" se heurtent à
l'opacité de nouveaux produits proposés aux investisseurs. Aperçu du
tableau dressé par l'AMF.
L'Autorité des marchés financiers (AMF) a présenté le mois
dernier « la cartographie 2010 des risques et tendances sur
les marchés financiers et pour l'épargne ». Jean-Pierre
Jouyet, son président, a pointé – sans surprise – le déséquilibre des
finances publiques : ce serait « le premier des
risques » pesant sur notre économie, sinon le seul,
« car en un sens il englobe tous les autres ».
Mauvais présage
Dans l'immédiat, les marchés obligataires sont menacés par la
hausse des taux d'intérêt. Mardi 8 juin, les CDS (credit
default swaps) se sont envolés : le coût annuel des
assurances protégeant les investisseurs contre un défaut de paiement
français à cinq ans a dépassé les 100 points de base (1 % de
la valeur notionnelle). Un prélude à la perte du "triple A"
dont Paris bénéficie depuis qu'il est noté par
Standard & Poor's, Moody's et
Fitch ? Le spectre d'une dégradation hante vraisemblablement
les couloirs de Bercy. D'autant que les déboires de l'État ont pour
corollaire « un durcissement des conditions de financement de
l'ensemble des agents économiques ». Les PME seraient tout
particulièrement affectées par « la concurrence accrue pour
l'accès aux financements ». Quant aux épargnants,
« de plus en plus frileux », ils privilégient
« une allocation de leur épargne faiblement
rémunératrice » à l'origine d'un « sous-rendement
structurel ».
Ingéniosité spéculative
Si les modalités de cotation des actions et le trading
algorithmique inspirent toujours quelque réserve ou inquiétude, tel ne
serait plus le cas des transactions de gré à gré, en raison de leur
évolution « inévitable » vers un large recours à
l'entremise des chambres de compensation, complété par un
enregistrement dans des bases de données centrales pour les marchés de
dérivés. « Ainsi les chambres de compensation et
d'enregistrement vont-elles devenir des maillons essentiels de la
chaine des risques » dont il conviendra de
« surveiller étroitement » la gouvernance. L'AMF
prône l'implantation en zone euro des chambres traitant des contrats
libellés dans la monnaie unique.
Son président déplore la commercialisation de nouveaux
produits qui seraient « surtout destinés à contourner les
contraintes règlementaires en matière de fonds propres ou conçus pour
satisfaire les exigences des investisseurs en matière de notation des
titres en portefeuille ». Or, étant donné leur complexité
croissante, il n'est « pas certain que ces instruments de
dette soient correctement valorisés sur les marchés et que les
investisseurs estiment correctement le risque de crédit
associé ».
La prudence contre le principe de précaution
Cela dit, Jean-Pierre Jouyet met en garde contre
« une surenchère dans la volonté de maitriser tous les
risques » : « Si on cherche à créer une
économie sans risque, il n'y aura plus d'économie du tout. C'est à la
qualité de la maîtrise et du contrôle des risques que nous devons
veiller et non à l'éradication totale du risque. Car le risque vraiment
nocif, c'est celui que l'on n'a pas su ou voulu anticiper. »
La prudence va-t-elle éclipser le "principe de précaution" ?
Hélas, la République ne s'est pas montrée exemplaire dans l'exercice
des vertus cardinales... Confrontés aux exigences contradictoires des
marchés, qui appellent à maîtriser les déficits publics sans
compromettre la relance de l'économie, les pouvoirs publics devront
agir avec doigté », selon l'expression de
M. Jouyet. Ils seront forcés de reconnaître, un jour ou
l'autre, la faillite de l'État-providence. Le plus tôt sera le mieux.
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3 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
La Commission européenne propose timidement d'accroitre les
efforts visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Avec
une croissance en berne, ce projet est-il déraisonnable ? En tout cas,
Paris n'en veut pas.
Dans une communication publiée le mercredi 26 mai, la
Commission européenne invite « à la tenue d'un débat
éclairé » sur l'incidence qu'aurait le passage à un objectif
de réduction des gaz à effet de serre (GES) dans l'UE de 30 %,
et non plus 20 %, par rapport au niveau de 1990. Cela,
« pour autant que les conditions le permettent ».
Visiblement, Bruxelles évite de trop se mouiller ! En effet,
il doit compter avec la réticence de plusieurs États membres. Telle
l'Allemagne, qui entend préserver son industrie lourde, ou la France,
dont le Conseil d'analyse stratégique (l'héritier du commissariat
général du Plan) réprouve tout nouvel effort qui serait décidé de façon
unilatérale par les Européens.
La France a trop d'avance
Dans une note publiée le mois dernier, il met en garde contre
de lourdes répercussions en termes de compétitivité et d'emploi. La
France a une longueur d'avance dans la réduction de ses émissions de
GES. Mais « sa production électrique étant déjà décarbonée à
près de 90 %, [elle] dispose désormais de beaucoup moins de
marges de manœuvre pour réduire ses émissions liées à la production
d'électricité. Sa situation démographique est en outre particulière au
sein de l'Europe : si les tendances récentes se poursuivent,
sa population pourrait augmenter de 8,6 % d'ici à 2030 par
rapport à 2010, ajoutant une difficulté supplémentaire à la réduction
des émissions de GES (alors que, dans le même temps, la population de
l'UE-27 n'augmenterait que de 5 %). »
Outre-Atlantique...
Une comparaison avec le projet de loi américain Waxman-Markey
sur la lutte contre le changement climatique, voté en
juin 2009 par la Chambre des Représentants, s'avère
éclairante : « Les études prospectives indiquent
qu'entre 80 % et 88 % des efforts de réduction
d'émissions seront réalisés par le secteur électrique. » Or,
Il est « beaucoup plus facile de mobiliser quelques centaines
d'acteurs industriels dans le secteur de l'électricité que des millions
de particuliers dans le secteur de l'habitat existant. Les Américains
ne devraient donc pas être amenés à modifier sensiblement leur way
of life, tandis que les Européens, et les Français
notamment, devront engager une modification durable de leurs
comportements. »
En pleine crise, la proposition de la Commission européenne
semble à première vue déplacé. Mais « depuis 2008, le coût
absolu de la réalisation de l'objectif de 20 % est passé de
70 milliards d'euros à 48 milliards [...] par an
d'ici 2020. Cette diminution est due à plusieurs facteurs : la
croissance économique plus faible a entraîné une réduction des
émissions, les prix élevés de l'énergie ont stimulé l'efficacité
énergétique et fait baisser la demande d'énergie et le prix du carbone
est tombé en-deçà du niveau prévu en 2008, étant donné que les quotas
du SCEQE [système communautaire d'échange de quotas d'émission] non
utilisés pendant la récession seront reportés. »
Quotas déchus
De fait, les quotas ont perdu leur effet incitatif, ce qui
inquiète les promoteurs d'une « croissance verte ».
Bruxelles est de ceux-là : « L'objectif de
20 % de réduction a toujours été considéré comme un levier
décisif pour la modernisation. Les investissements dans les solutions
telles que la capture et le stockage du carbone sont fortement liés au
signal donné par le prix du carbone sur le marché. Un carbone peu cher
carbone incite beaucoup moins au changement et à l'innovation. [...] La
réalisation de l'objectif de 20 % de réduction d'ici à 2020 ne
constituant pas un vecteur de changement aussi important qu'il était
escompté en 2008, le risque existe pour l'UE de devoir fournir
davantage d'efforts, y compris financiers, après 2020. »
En conséquence, la Commission a élaboré quelques scénarios qui
protégeraient l'Union européenne contre les "fuites de carbone" si elle
se fixait unilatéralement un objectif de 30 %. Consciente des
risques de délocalisations vers des pays appliquant des règles moins
strictes, elle n'exclut pas l'instauration d'une "taxe carbone" aux
frontières de l'Union. C'est une petite victoire pour Nicolas
Sarkozy ! Cependant, le projet présidentiel devra compter avec
les engagements commerciaux internationaux, et avec les difficultés
techniques.
La taxe carbone, un vrai casse-tête
« L'intégration des importations dans le
système d'échange de quotas d'émission en soi devrait être
soigneusement préparée afin de s'assurer que le système est compatible
avec les règles de l'OMC. Il pourrait être difficile de mettre en œuvre
un système qui cherche à définir en détail la teneur en carbone de
chaque catégorie de marchandises, mais ce niveau de précision pourrait
être nécessaire : cela signifie que le système pourrait au
mieux être envisageable pour un nombre limité de marchandises
standardisées, comme le ciment ou l'acier. De plus, il faudrait définir
une teneur moyenne en carbone UE pour chaque catégorie de marchandises.
Cela représenterait une charge administrative et nécessiterait de
trouver un accord sur cette valeur moyenne, ce qui exigerait sans doute
un processus difficile et très long. En outre, serait difficile de
vérifier le niveau de performance de différentes installations dans les
pays tiers sans un système de suivi et de notification très sophistiqué
dans ces installations. » Les fonctionnaires en charge du
dossier vont maudire le président de la République.
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15 avril 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Les énergies renouvelables sont la coqueluche des médias. Mais
nulle politique ne saurait se réduire à favoriser leur développement.
La maîtrise des pics de consommation électrique figure parmi les enjeux
majeurs.
Plusieurs écueils se sont heurtés, tout récemment, aux
discours les plus convenus appelant à réduire les émissions de gaz à
effet de serre. Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le
31 mars, un rapport d'information présenté par le député
Franck Reynier s'est montré critique à l'égard du développement de
l'énergie éolienne, jugé « désordonné ».
Camouflet
Par ailleurs, alors que le président de la République avait
jugé acquise l'institution d'une taxe carbone aux frontières de l'UE,
la Commission européenne a pointé « un nombre d'inconvénients
considérables qu'il faudra résoudre » (Euractiv,
07/04/2010). Enfin, un colloque parlementaire a mis en relief, jeudi
dernier, l'incapacité de la France à prendre des mesures claires en
faveur des énergies renouvelables, censées couvrir 23 % de la
consommation nationale d'ici 2020 (Euractiv,
09/04/2010).
La maîtrise de la pointe électrique, sur laquelle ont planché
Serge Poignant et Bruno Sido, respectivement député et sénateur, est un
enjeu moins connu, mais néanmoins stratégique. Depuis une dizaine
d'années, la puissance appelée en période de pointe augmente plus
rapidement que la consommation générale. Plusieurs facteurs sont en
cause, telles l'attractivité croissante du chauffage électrique, qui
rend la consommation française d'autant plus sensible à la température
en hiver, ou l'augmentation du nombre de ménages, qui tire la
consommation résidentielle – preuve que l'évolution des mœurs a de
multiples conséquences. Le dernier record fut enregistré le
7 janvier 2009, avec une demande de 92,4 GW. Selon un
scénario "référence" échafaudé par RTE (Réseau de transport
d'électricité), la puissance requise dans des conditions climatiques se
présentant en moyenne tous les dix ans devrait atteindre
104 GW à l'hiver 2014-2015 et 108 GW en 2019-2020.
Ces chiffres sont d'autant plus préoccupants que la plupart
des moyens de production de pointe sont vieillissants. Le nucléaire
domine certes le parc de production français (63,3 GW sur un
total de 117), mais celui-ci ne s'accommode que de modulations
saisonnières. En période de pointe, outre des importations et
l'hydraulique, seuls le charbon et le gaz, voire le fioul, autorisent
les ajustements nécessaires. C'est pourquoi un lissage de la courbe de
charge contribuerait à réduire les émissions de gaz carbonique –
lesquelles affectent environ 10 % de la production électrique
française.
Effacements contractuels
On cherchera donc à pratiquer des effacements de consommation.
Le délestage est la solution la plus radicale...
L'information d'urgence aurait par ailleurs prouvé son efficacité en
Bretagne. Notons que certains effacements n'auraient rien
d'intolérable : « le fait d'éteindre le chauffage
électrique pendant 15 à 30 minutes dans un logement bien isolé
ne modifie pas la température ressentie par le consommateur »,
soulignent MM. Poignant et Sido. À l'avenir, les opérateurs
pourraient être habilités à modifier la consommation de leurs clients,
comme cela se fait déjà en Californie : « Les
Programmable Communicating Thermostat (PCT) permettent de commander
temporairement une hausse de la température de consigne des
climatiseurs de 1 à 3° C en période de pointe estivale et le
client – informé de ce changement – garde la possibilité de rétablir la
température initiale. Ces dispositifs sont obligatoires dans les
logements neufs. » De nouvelles offres tarifaires devront
favoriser les effacements aux moments les plus critiques. « La
clé est la mise en place rapide du compteur communicant Linky qui
permettra un comptage à la carte », poursuivent les
rapporteurs.
Comment contraindre des acteurs privés ?
Rappelons enfin que la maîtrise de la pointe électrique
s'inscrit dans un contexte de libéralisation. Or, le financement des
moyens de pointe « exclusivement par un marché en énergie est
voué à l'échec », affirment les parlementaires. « Car
même si les marchés en énergie peuvent en théorie assurer la
rentabilité des moyens de pointe – et symétriquement des effacements –
la visibilité qu'ils offrent n'est pas suffisante. Les pics de prix
sont trop aléatoires en fréquence et en niveau et le risque est trop
important pour un investisseur. Dans un système avec de multiples
responsables d'équilibre, aucun fournisseur n'a intérêt à assumer le
risque d'un tel investissement, dans la mesure où une défaillance
éventuelle ne sera pas nécessairement de son fait et n'entraînera pas
nécessairement de pertes insupportables. » Il appartient aux
pouvoirs publics d'encadrer strictement les évolutions en cours. Serge
Poignant et Bruno Sido voudraient imposer aux fournisseurs une
obligation de capacité. Reste à définir les modalités qui permettront
d'en assurer le respect.
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7 mars 2010
Nouveau pas vers la maîtrise de la fusion nucléaire, la mise
en œuvre du projet ITER s'inscrit dans un cadre juridique
original : contrairement à de nombreux réacteurs de recherche
internationaux, ITER sera considéré comme une "installation nucléaire
de base", dénomination recouvrant l'ensemble des centrales nucléaires
en activité en France.
La chambre basse est saisie d'un projet de loi, adopté par le
Sénat, autorisant l'approbation d'un protocole « relatif au
rôle de l'inspection du travail sur le site de l'Organisation
internationale ITER et portant sur la santé et la sécurité au
travail ». Ce projet serait « l'un des plus
prometteurs pour l'avenir de l'énergie nucléaire » selon
Michel Destot, auteur d'un rapport
enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le
24 février. La construction, dans les Bouches-du-Rhône, de
l'International thermonuclear experimental reactor devrait permettre
des avancées significatives vers la maîtrise de la fusion nucléaire.
Les avantages de la fusion
« Les deux principales réactions nucléaires
permettant de produire de l'énergie sont la fission d'un noyau
atomique, et la fusion de deux noyaux », rappelle le
député-maire de Grenoble. « La réaction de fission est à
l'origine des premiers réacteurs nucléaires, et reste le seul processus
nucléaire actuellement utilisé pour produire industriellement de
l'électricité. Bien que plus difficile à provoquer et entretenir
artificiellement, la fusion nucléaire possède trois avantages
considérables sur la fission. En premier lieu, elle ne produit pas de
déchets radioactifs à haute radioactivité et à vie longue. [...] En
second lieu, la fusion recourt à des matières premières bien plus
abondantes que l'uranium ou le plutonium requis par les centrales à
fission actuelles. Théoriquement, la fusion de deutérium et d'hélium
est même un procédé permettant de créer de l'énergie sans limite, le
deutérium étant très abondant dans la nature. En pratique, les moyens
technologiques disponibles impliquent l'utilisation de tritium, extrait
du lithium, dont les ressources sont finies, mais sans commune mesure
avec celles actuellement disponibles pour l'uranium naturel. Enfin, la
fusion nucléaire permet, avec peu de matières premières, de produire
une quantité très importante d'énergie. On estime que la réaction de
fusion génère au moins quatre fois plus d'énergie par atome que la
réaction de fission. »
Ces perspectives justifient les investissements
consentis : 10 milliards d'euros sur quarante-cinq
ans. Lancé dès 1985 par Mikhaïl Gorbatchev, le projet ITER bénéficie de
l'implication de sept parties – l'Europe, la Chine, la Corée du Sud,
les États-Unis, l'Inde, le Japon et la Russie – dont la majorité des
contributions à la construction du réacteur seront fournies en nature.
« Afin de faire pencher la balance en faveur du site français
de Cadarache, soutenu par l'ensemble de l'Union européenne, celle-ci
accepta de prendre en charge une part importante des frais de
construction d'ITER (45,46 % contre environ 9,09 %
pour les autres) », poursuit le parlementaire. « La
contribution européenne est fournie par l'intermédiaire d'une agence
implantée à Barcelone, baptisée "F4E" (Fusion for energy), dotée d'un
budget de 4 milliards d'euros pour les dix premières années du
projet ITER. »
Forte implication française
« En plus de sa participation au financement de F4E,
la France assume également un certain nombre de charges financières au
titre d'État d'accueil. [...] L'ensemble des contributions françaises à
ITER est estimé à 871,5 millions d'euros, auxquels s'ajoutent
l'aménagement des voies d'accès au site de Cadarache et la construction
d'un lycée international à Manosque pour accueillir les enfants des
personnels de l'organisation ITER. » Des retombées économiques
positives sont escomptées à court terme : « L'arrivée
de 400 fonctionnaires internationaux, et les nombreux
chantiers qui seront lancés dans le cadre du projet, [devraient]
générer environ 3 000 emplois indirects pendant la
construction du réacteur, et 3 200 une fois celui-ci en état
de fonctionner. D'ores et déjà, les entreprises françaises se sont vues
attribuer 230 millions d'euros de contrats. »
« Ce réacteur de recherche est soumis aux mêmes
obligations de transparence et de sûreté que n'importe quelle centrale
électronucléaire sur notre territoire », souligne le
rapporteur. En effet, toutes les parties auraient convenu
« qu'il n'était pas pensable d'entretenir un soupçon d'opacité
pour un programme aussi important. C'est pourquoi l'applicabilité des
règles nationales régissant les activités nucléaires a été prévue dès
l'origine. » En conséquence, l'Autorité de sûreté nucléaire
sera autorisée à effectuer des contrôles sur le site. C'est une
première exception au regard du droit commun des organisations
internationales tel que prévu par la convention de Vienne de 1961 sur
les relations diplomatiques de 1961. « Une deuxième série
d'exceptions est prévue, qui fait l'objet du présent protocole
additionnel. [...] L'accord du 7 novembre 2007 prévoit, à ses
articles 3 et 17, que l'inspection du travail peut contrôler le respect
par ITER des règles nationales en matière de santé et de sécurité au
travail. La signature d'un accord entièrement consacré à ce thème était
imposée par ce même article. »
Cela favorisera « l'acceptabilité par la population
d'un programme de recherche qui suscite un important espoir »
selon M. Destot, qui invite naturellement la commission des Affaires
étrangères de l'Assemblée à adopter ce projet de loi.
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4 mars 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Nicolas Baverez fustige « la renaissance du
colbertisme » qu'il juge « meurtrière pour l'industrie ».
Nicolas Baverez s'attaque au colbertisme. Fidèle à sa
réputation – on le range volontiers parmi les
"déclinologues" –, il dresse le sombre tableau d'une industrie
française « naufragée et menacée de mort » :
« La production et l'investissement manufacturiers se sont
effondrés de 13 % en 2009 », écrit-il dans Le Point
du 25 février, « tandis que 196 000 postes
de travail disparaissaient, soit 42 % des suppressions
d'emplois, alors que le secteur n'occupe plus que 11 % de la
main d'œuvre ».
Constatant « un retour en force de l'État dans
l'industrie » à la faveur de la crise, il juge l'intervention
des pouvoirs publics « parfaitement légitime pour contenir
l'arrêt simultané de la demande privée et du crédit en 2008 comme pour
secourir les secteurs sinistrés ». À ses yeux,
cependant, « la renaissance du colbertisme se révèle
meurtrière pour l'industrie. Le protectionnisme vaut condamnation à
mort de notre industrie, affirme-t-il, alors que les groupes qui
résistent le mieux, tels Total, Air liquide, Schneider ou L'Oréal, sont
les plus internationalisés. La centralisation de la politique
industrielle entraîne les dirigeants à faire le siège des antichambres
parisiennes au lieu de définir une stratégie. Les interventions
publiques échappent à toute cohérence. [...] Enfin, l'État se montre le
pire des actionnaires. [...] Loin d'inscrire la stratégie dans la
durée, il ne cesse de la déstabiliser : l'assujettissement de
l'intérêt social des entreprises publiques aux contingences
gouvernementales se résume à un abus de bien social permanent. La
politique industrielle est indispensable [...] mais mérite d'être
repensée. L'objectif central doit être l'insertion dans la
mondialisation et la réponse au défi de la concurrence des
émergents. »
Un objectif évidemment débattu, dont la poursuite pourrait
être assimilée à un renoncement par les pourfendeurs du mondialisme.
Soulignons, quoi qu'il en soit, l'inconséquence du gouvernement qui
plaide en faveur d'une libéralisation accrue des échanges dans les
arcanes internationaux, mais flatte la CGT qui s'oppose à
"l'ajustement" des capacités de raffinage de Total. Bel exemple de
schizophrénie, peut-être inévitable à l'approche des élections
régionales.
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4 février 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Les États généraux de l'Industrie confirment le déclin du
secteur manufacturier : la France perd du terrain, tout
particulièrement face à l'Allemagne. Aperçu des forces et faiblesses de
l'industrie nationale.
Lancés le 2 novembre 2009, les États
généraux de l'Industrie ont achevé la première phase de leurs travaux.
Synthétisés dans un rapport remis le mois dernier au ministre Christian
Estrosi, ceux-ci soulignent, sans surprise, le déclin du secteur
manufacturier. S'il représente encore 16 % de la valeur
ajoutée créée en France, son poids dans l'économie nationale apparaît
moindre que dans la zone euro, où la moyenne s'établit à
22,4 %. Bien que 500 000 emplois industriels aient
été perdus depuis 2000, des difficultés de recrutement persistent,
notamment dans l'électricité et l'électronique, la mécanique et les
travaux des métaux.
Déficit commercial
La France demeure le cinquième exportateur mondial, mais ses
parts de marché sont en recul depuis une quinzaine d'années, passant de
5,8 % en 1995 à 3,8 % en 2008. « Ce
phénomène s'explique en partie par la montée en puissance de nouveaux
compétiteurs comme la Chine et une tendance de certains acteurs à
délocaliser », commentent les rapporteurs. En partie
seulement. Représentant un montant équivalent à 56 % des
exportations allemandes en 2000, les exportations françaises de
produits manufacturés étaient réduites à 37 % huit ans plus
tard. La balance commerciale se dégrade : depuis 2007, les
performances de l'agroalimentaire et des biens d'équipement ne
compensent plus le déficit des autres secteurs.
L'industrie française s'appuie sur un tissu d'entreprises de
taille intermédiaire (entre 250 et 5 000 salariés)
insuffisamment développé. Elle dégage des marges plus faibles que celle
des principaux pays de l'Union européenne, à l'exception du
Royaume-Uni ; la rentabilité et l'accès aux financements s'en
trouvent naturellement affectés.
R&D à la traîne
L' effort consenti en recherche et développement (R&D)
plafonnait en 2006 à 1,9 % du PIB national. « La
France se situe bien en-deçà de l'Allemagne qui y consacre
2,4 % de son PIB. » Elle se distingue « par
un niveau important de dépenses R&D publiques, l'un des plus
importants de l'OCDE rapporté au PIB, et à l'inverse par un faible
niveau de dépenses R&D privées ». Aucune société
française ne figure parmi les cinquante entreprises mondiales les plus
innovantes identifiées par BusinessWeek-BCG. En conséquence,
« le niveau de prise de responsabilités de la France dans les
travaux de normalisation internationale a régressé depuis dix ans, pour
se situer aujourd'hui à la moitié de [celui] de l'Allemagne ».
Ce sombre tableau présente quelques nuances. Disposant
d'infrastructures de qualité, le territoire national attire des
investissements directs étrangers jugés, dans l'ensemble, importants et
créateurs d'emplois. « Ce flux a mieux résisté en France que
dans le reste de l'Europe en 2009 puisqu'il n'a baissé que de
27 % contre 45 % sur l'ensemble de
l'Europe. » De grandes entreprises françaises bénéficient d'un
rayonnement mondial et d'un savoir-faire reconnu. Tout particulièrement
les industries de santé, « porteuses d'une très forte valeur
ajoutée économique et sociale ». Enfin, « par ses
positions fortes dans les industries de la chimie, de l'énergie, de
l'électronique et de la mécanique », la France pourrait
« prendre une position de leader
européen, voire mondial, dans la réponse au défi du développement
durable ».
Au crédit des pouvoirs publics, les rapporteurs mentionnent,
entre autres, l'institution du crédit impôt recherche, qui
aurait « un effet positif sur l'accroissement de l'effort de
recherche des entreprises ». Autre « mesure
phare » : « la mise en place des pôles de
compétitivité qui ont permis en quatre ans de mettre en œuvre pour plus
de 4 milliards d'euros de projets collaboratifs financés à
30 % par l'État et les collectivités territoriales, le reste
par les entreprises. L'existence des pôles constitue aussi et peut-être
surtout un levier important d'amélioration de la qualité d'un dialogue
entre la recherche publique et la recherche privée dont la faiblesse
est largement identifiée comme un problème crucial de l'innovation en
France. »
Biens et services ne sont plus séparables
D'aucuns pariaient sur la "sanctuarisation" de certains
domaines d'activité, voire une "spécialisation internationale" reposant
sur la dichotomie produits-services. Or, soulignent les rapporteurs,
« l'imbrication des produits et équipements industriels et des
services associés de mise en œuvre, d'installation, d'exploitation et
de maintenance, font que désormais c'est souvent une fonction, voire un
service, assurés dans le temps, qui sont vendus, plus qu'un objet
manufacturé ». À leurs yeux, « l'idée d'une économie
fondée sur l'amont et l'aval de la production apparaît désormais comme
un non-sens : la R&D est aussi délocalisable, les services le
sont aussi (voir l'essor des services informatiques en Inde, la
délocalisation des call-centers) ».
Leurs considérations demeurent très générales. Ils réclament,
par exemple, « une promotion soutenue du "made in
France" », sans s'aventurer à en préciser les modalités –
soumises aux règles du marché unique européen. Entrés dans leur seconde
phase, les États généraux de l'Industrie travaillent maintenant à la
« définition des propositions d'actions », dont la
mise en œuvre nécessitera « la mobilisation et l'engagement de
tous les acteurs autour de l'objectif de la reconquête
industrielle ».
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17 septembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Serge July déverse sa bile contre le Rafale et l'orgueil national. Un procès injuste.
« L'histoire du Rafale [...] est un scandale
d'État », proclame Serge July, qui prétend déverser sa bile
sur un gouffre financier. « Coût de ce programme pour le contribuable :
à peu près 40 milliards d'euros. À titre de comparaison, l'impôt sur le
revenu a rapporté, en 2007, 54 milliards. » (RTL,
08/09/2009) Un avion de combat, cela coûte cher, très cher. Sans doute
un tel investissement apparaît-il inacceptable aux yeux d'un vieux
soixante-huitard...
À titre de comparaison, nous rappellerons surtout qu'un
Eurofighter a coûté 50 % de plus qu'un Rafale aux contribuables
allemands, britanniques, espagnols, italiens. « Le choix de jouer en
franco-français [...] apparaît aujourd'hui comme le plus rationnel,
tant sur le plan des finances publiques que sur celui des besoins
militaires », observe Jean-Dominique Merchet (Défense
européenne, la grande illusion, éd. Larousse).
Les faits sont têtus. M. July s'obstine pourtant à les
ignorer, obnubilé par son entreprise de dénigrement national : « Il
faut espérer que Nicolas Sarkozy, en soldant le Rafale [aux
Brésiliens], a aussi soldé, par la même occasion, la mégalomanie
française en la matière. » Nous l'avons vu, l'exemple est mal choisi
pour stigmatiser une surestimation de nos capacités. Cela dit,
l'arrogance française n'est pas un mythe : « Entre l'excès de
prétention et l'excès de sous-estimation de soi, nous sommes passés par
des extrêmes qui nous handicapent », déplore Hubert Védrine (Rapport
sur la France et la mondialisation). « Il est temps de
trouver notre équilibre. » Le "partenariat stratégique" mis en œuvre
avec le Brésil pourrait nous y aider.
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