À l'école de la propagande

2 janvier 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Chantre de l'égalité, le gouvernement entend surveiller l'expression des internautes, mais aussi inculquer ses principes aux enfants, cela dès le plus jeune âge. En s'inspirant, vraisemblablement, des "études de genre".

L'"homophobie", voilà l'ennemi ! Du moins a-t-elle été désignée comme telle par Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement. « Il y a quelques jours, le réseau Twitter a été le support [...] d'un déferlement de propos d'une violence rare à l'endroit des personnes homosexuelles », a-t-elle déploré dans une tribune publiée par Le Monde vendredi dernier, 28 décembre 2012.

Suicides sur Twitter

Or, selon le ministre, « les messages ainsi maintenus en accès libre [...] ont pu présenter un danger pour des jeunes homosexuels de notre pays ». En effet, « à l'âge où les questionnements sur la sexualité apparaissent », ils seraient « très sensibles aux violences, y compris verbales, homophobes » - lesquelles seraient « la première cause de suicide chez les adolescents dans notre pays ». En conséquence, « sans préjudice d'éventuelles actions judiciaires », Mme Vallaud-Belkacem en appelle « au sens des responsabilités de l'entreprise Twitter inc., pour qu'elle contribue à prévenir et à éviter de tels débordements ». Celle-ci est invitée à entamer des discussions le 7 janvier.

Canalisant l'expression des internautes, le gouvernement entend, par ailleurs, façonner les con-sciences : de la maternelle au lycée, « l'éducation à l'égalité des sexes doit devenir une pratique quotidienne », a-t-il annoncé le 14 décembre. Dès la rentrée 2013, « les classes de grande section de maternelle et des écoles élémentaires de cinq académies expérimenteront "l'ABCD de l'égalité" » - un « outil pédagogique » censé permettre aux enseignants et à leurs élèves « de travailler sur les connaissances et les comportements de chacun envers le sexe opposé ». Dans les collèges et lycées, « des actions de sensibilisation pour lutter contre le harcèlement et les violences sexistes verront le jour ». En outre, les futurs enseignants « bénéficieront d'un module de formation spécifique au sein des écoles supérieures de professorat et de l'éducation » dédié « à la "lutte contre les stéréotypes de genre dans les pratiques professionnelles" ».

Changer les rôles

Déplorant que l'orientation des élèves soit « souvent le résultat de stéréotypes intériorisés », les pouvoirs publics vont mettre en valeur « les trajectoires de femmes ayant réussi dans des métiers "dits d'homme", et inversement ». Enfin, le gouvernement promet « un nouveau plan d'action pour l'éducation à la sexualité » censé « traiter la sexualité dans toutes ses dimensions : physiologique, psychologique, sociale, éthique et culturelle ». En s'inspirant des gender studies ? Cela n'aurait rien d'étonnant. Début décembre, Mme Virginie Duby-Muller, député UMP de Haute-Savoie, a déposé à l'Assemblée nationale une proposition de résolution « tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'introduction et la diffusion de la théorie du gender en France ». À cette occasion, elle a rappelé, entre autres, l'existence de la crèche Bourdarias en Seine-Saint-Denis : « une crèche dont, depuis avril 2009, les équipes, qui ont été formées par des spécialistes suédois, pratiquent une pédagogie "active égalitaire" et se mobilisent pour lutter contre les stéréotypes de genre qui assignent les enfants à des rôles différents en fonction de leur sexe - "on encourage les filles à manier le marteau à l'atelier bricolage et les garçons à s'exprimer à l'atelier émotions" ». Or « cette expérience pilote intéresse le gouvernement puisque Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des Femmes et Dominique Bertinotti, ministre déléguée [sic] à la Famille l'ont visitée en septembre dernier et affirmé clairement leur désir de multiplier ce type de dispositif, et de réfléchir à la formation et à la pratique des professionnels de la petite enfance ».

Cependant, rappelle encore Mme Duby-Muller, le 23 novembre 2012, le tribunal administratif de Paris a annulé l'agrément "Éducation nationale" dont bénéficiait SOS homophobie, en tant qu'association éducative complémentaire de l'enseignement public, pour atteinte au principe de neutralité qui s'impose aux associations intervenant dans l'enseignement public, ainsi que pour atteinte aux convictions religieuses et philosophiques des élèves, de leurs parents ou des enseignants. Preuve que le bourrage de crânes rencontre encore quelques obstacles.

Le mariage dans tous ses États

2 janvier 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'union des couples homosexuels et l'homoparentalité sont d'ores et déjà consacrées par la loi à l'étranger, où se vérifie par ailleurs la désaffection pour le mariage. Petit tour d'horizon.

A la faveur du "mariage pour tous" et de son corollaire, l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe, des enfants pourraient, demain, se voir réputés nés de deux pères ou deux mères. Une situation ubuesque qui ne serait pas sans précédents. Au Québec, une "présomption de parentalité" a été instituée en faveur des femmes unies devant la loi. Modifié à cet effet en 2002, le code civil appliqué dans la Belle Province envisage le recours à la procréation médicalement assistée, mais aussi les cas où « l'apport génétique se fait par relation sexuelle » - autrement dit avec la complicité d'un homme consentant généreusement à quelque ébat susceptible de palier la stérilité du ménage. Dans ces conditions, le droit québécois le stipule explicitement, « l'enfant, issu [...] d'un projet parental entre époux [...] qui est né pendant leur union ou dans les trois cents jours après sa dissolution ou son annulation est présumé avoir pour autre parent le conjoint de la femme qui lui a donné naissance ».

Accrocs en série

En novembre, Le Figaro avait signalé quelques « accrocs du mariage gay » recensés à l'étranger. Notamment au Royaume-Uni. « Ann avait tout d'abord consenti à ce que son mari Michael fasse don de son sperme », racontent nos confrères Agnès Leclair et Stéphane Kovacs. « Mais à l'annonce de la naissance d'une petite fille chez un couple de lesbiennes, elle a craqué : le sperme ne fait-il pas partie des "biens matrimoniaux" ?, s'interroge-t-elle, bouleversée "comme si [son] mari l'avait trompée". Les lesbiennes étant trop âgées, elles avaient fait appel à une mère porteuse, tout en entamant une procédure d'adoption. Laquelle échouera, justement à cause de leur âge... La mère porteuse accouchera donc sous le nom de l'une d'entre elles. Et le tribunal, devant lequel Ann et Michael tentèrent de récupérer l'enfant, donnera finalement raison au couple de lesbiennes. » Et d'évoquer, un peu plus loin, « le donneur qui voulait juste rendre service », auquel on réclame désormais le versement d'une pension alimentaire : « "Pourquoi ne poursuit-on pas la deuxième mère, qui les a élevées, et qui, elle, a les moyens ?", s'énerve-t-il. Quant aux filles de douze et quatorze ans, elles sont très perturbées psychologiquement. "Jamais je ne pourrai me marier ni avoir des enfants", assène l'aînée. » Beau travail !

Cependant, tandis que la France s'apprête à marier des couples homosexuels, « des États-Unis à l'Inde, en passant par les Pays-Bas, l'Italie et le Liban, de plus en plus de voix s'élèvent contre une norme sociale jugée dépassée ». C'est en tout cas le constat dressé par le Courrier international dans son dernier numéro de l'année 2012. « Katie Bolick a tenté de cerner ce phénomène en retraçant l'histoire du mariage et de son déclin dans un article publié dans The Atlantic. [...] Le refus de convoler en justes noces est-il représentatif d'un courant de fond ? se demande la journaliste américaine. Faut-il vraiment idéaliser le mariage d'amour ? s'interroge à son tour une humoriste à Bombay. Ne devrait-on pas autoriser les unions avec... des appareils ménagers ? propose même un écrivain à Milan. » De fait, l'ouverture du mariage aux couples de même sexe serait demeurée inenvisageable si le mariage lui-même ne s'était pas trouvé préalablement remis en cause.

Crime contre l'humanité

Cela dit, tous les habitants du village global ne sont pas logés à la même enseigne. Le 12 décembre, le Parlement d'Uruguay a certes approuvé un projet de loi légalisant le mariage homosexuel. « Le petit pays sud-américain a pris une position progressiste envers les droits des homosexuels au cours des six dernières années, approuvant les unions civiles, les adoptions par des couples gays et lesbiens, les changements de sexe dès l'âge de dix-huit ans et la présence des homosexuels au sein des forces armées », souligne l'AFP. Mais la veille de ce vote, le secrétaire général de Nations Unis, Ban Ki-moon, avait exprimé son indignation : « C'est un scandale que dans le monde d'aujourd'hui, tant de pays continuent de [poursuivre] leurs citoyens au prétexte qu'ils aiment une personne du même sexe », a-t-il déclaré. Soixante-seize pays seraient visés par ses récriminations.

C'est le cas du Cameroun, où les paroles de Mgr Bakot, l'archevêque de Yaoundé, prononcées pendant la messe de minuit, n'ont pas dû choquer grand monde : « le mariage entre personnes du même sexe est un crime sérieux contre l'humanité », a-t-il martelé, selon les propos rapportés par Pierre de Bellerive sur Nouvelles de France. « Nous devons nous lever pour le combattre, avec toute notre énergie », a-t-il poursuivi. Rendez-vous le 13 janvier !

Des tourments de l'adoption

20 décembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Sous quelles conditions des candidats à l'adoption parviennent-ils à accueillir un enfant ? La question mérite d'être posée, alors que l'ouverture du mariage aux couples de même sexe pourrait prochainement changer la donne.

Plus de vingt-cinq mille foyers étaient en attente d'adoption en 2006. Selon un rapport de l'Ined publié en 2007, tandis que huit mille nouveaux agréments étaient alors délivrés chaque année, seuls quatre à cinq mille enfants avaient fait l'objet d'une adoption plénière, la plupart nés à l'étranger (80 % en 2005). « Il y a effectivement beaucoup moins d'enfants légalement adoptables en France que de candidat-e-s à l'adoption », reconnaît SOS Homophobie, dans un jargon typique récusant la valeur générique du masculin. Toutefois, prévient l'association, il serait « parfaitement discriminatoire »  - et donc intolérable - de donner la priorités aux couples traditionnels si les couples homosexuels obtenaient l'autorisation d'adopter.

Discriminations

Or, les inégalités semblent d'ores et déjà flagrantes - quoiqu'elles ne procèdent pas nécessairement d'une injustice. Parmi les couples candidats à l'adoption, « on compte seulement 19 % d'ouvriers [...], alors qu'ils représentent 35 % de la population active du même âge », relève l'Ined. « À l'inverse, 25 % des candidats sont cadres alors qu'ils représentent seulement 16 % de la population active. Le revenu médian des candidats à l'adoption est d'ailleurs supérieur de 20 % à la médiane nationale. »

Quant à l'agrément requis pour adopter, il est « plus fréquemment refusé aux célibataires qu'aux couples, aux couples de plus de quarante ans qu'aux couples plus jeunes, aux parents ayant déjà des enfants biologiques qu'aux couples n'en ayant pas, et aux candidats de milieux sociaux défavorisés qu'aux autres ». Il est délivré par le président du Conseil général, à l'issue d'une procédure censée garantir, conformément aux décrets en vigueur, que « les conditions d'accueil offertes par les futurs parents correspondent aux besoins et à l'intérêt d'un enfant adopté ». Un refus sanctionne  moins de 10 % des procédures menées à leur terme. Le cas échéant, les motifs invoqués pointent, le plus souvent, « une perception insuffisante de la spécificité de l'enfant adopté », un projet « prématuré », une attente différente de l'adoption par les deux conjoints, le deuil du désir d'enfant biologique qui n'est pas fait.

Le pouvoir du psy

D'un département à l'autre, « il existe de fortes différences [...] dans les taux d'abandon avant agrément et dans la proportion de candidats qui réussissent à adopter après agrément », comme le relève, dans ses conclusions pour l'Ined, Mme Catherine Villeneuve-Gokalp. Les interventions des psychologues, « animés par des conceptions différentes de l'adoption », expliqueraient en partie ce constat, suscitant « une présélection plus ou moins forte des candidats ». De fait, lorsque les entretiens auxquels ils sont soumis « deviennent dérangeants, voire conflictuels, certains candidats refusent de les poursuivre ou anticipent un rapport défavorable suivi d'un refus d'agrément et préfèrent renoncer à leur projet ». L'Ined cite un refus d'agrément « opposé à une célibataire pour manque d'image masculine empêchant l'enfant de "faire son Œdipe" » : preuve qu'en dépit du droit, on traîne parfois les pieds au plus près du terrain... « La possibilité de demander que les investigations soient refaites par d'autres personnes existe, mais elle est peu utilisée », précise l'Institut. Peut-être les homosexuels décidés à adopter feront-ils preuve d'une opiniâtreté inédite ? En cas de recours gracieux déposé auprès du président du Conseil général, celui-ci revient sur sa décision « près d'une fois sur deux ». À ce stade, les candidats malheureux ont tout intérêt à entamer une nouvelle demande d'agrément, « plutôt que de tenter un recours contentieux qui ne leur fera guère gagner de temps, risque de leur être défavorable et leur attirera l'hostilité des services d'adoption, hypothéquant ainsi leurs chances pour une nouvelle demande ». Mais là aussi, peut-être des homosexuels s'inscrivant dans une démarche militante seraient-ils tentés, le cas échéant, d'agir différemment ?

Soutien associatif

À cet effet, ils bénéficieraient vraisemblablement d'un soutien associatif qui s'avère d'ores et déjà déterminant. Du moins pour l'adoption internationale. Celle-ci « dépend des réseaux d'information et de leur facilité d'accès », explique Mme Villeneuve-Gokalp. « En particulier, les célibataires, surtout les hommes, sont souvent mal accueillis par les associations de parents adoptifs. » Créée en 2006, l'Agence française pour l'adoption (AFA) devait contribuer à « réduire ces inégalités ». Quoi qu'il en soit, « les variations annuelles du nombre d'enfants adoptés à l'étranger rappellent, s'il en est besoin, que l'origine des différences se situe aussi dans les réglementations des pays d'origine ». Or, « seuls trois pays, les États-Unis, le Brésil et l'Afrique du Sud pourraient potentiellement répondre aux demandes des couples homosexuels », selon Arnaud Del Moral, chargé de la stratégie et des procédures d'adoption à l'AFA. Celle-ci « appréhende que les couples dont les dossiers ne seraient pas envoyés dans des pays où ils n'ont aucune chance d'aboutir se retournent contre elle devant les tribunaux administratifs », résume, dans Le Figaro, notre consœur Agnès Leclair. Qu'en pense le Défenseur des droits, ayant succédé à la Halde ?

La démocratie en péril ?

4 octobre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

À la faveur, d'une part, des débats de société et, d'autre part, des défis lancés par la crise économique, hommes d'église, politologues et journalistes se risquent à critiquer un régime politique que l'on croyait inattaquable.

La démocratie a-t-elle encore la cote ? Du moins la critique-t-on plus volontiers que par le passé. D'abord dans l'Église. Ainsi Benoît XVI a-t-il jugé « évident », le 22 septembre 2012, devant le Bundestag, « que dans les questions fondamentales du droit, où est en jeu la dignité de l'homme et de l'humanité, le principe majoritaire ne suffit pas ». Deux jours plus tard, alors que Jean-Michel Apathie l'interrogeait sur RTL à propos du mariage des homosexuels, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France, a tenu un discours similaire : « il n'est pas sain de mettre aux voix » la distinction du bien et du mal, a-t-il déclaré.

Érosion progressive

Outre-Rhin, le politologue Herfried Münkler analyse, quant à lui, l'« érosion progressive » qui affecterait la démocratie parlementaire. Le Courrier international s'est fait l'écho de ses interrogations publiées par le Spiegel. « Pourquoi la crise actuelle devrait-elle signifier le début de la fin de ce modèle politique ? », se demande-t-il. « N'est-ce pas qu'un moment difficile à passer, auquel succédera à nouveau une période florissante du système, rôdé et éprouvé, de la démocratie parlementaire ? Un élément ne plaide pas en ce sens : l'impossible synchronisation des rythmes économique et politique. La Bourse et les banques dictent le rythme des décisions et les parlements courent derrière elles. Ce phénomène n'est pas seulement une conséquence de la mondialisation, mais aussi un effet de l'accélération des communications et des nouvelles technologies de l'information. Les autorités politiques sont tellement sous pression que le gouvernement place en permanence le Parlement devant le fait accompli. Non seulement celui-ci se contente d'approuver ce que l'exécutif a annoncé sous la pression de la Bourse et des agences de notation, mais l'Union européenne et l'euro, qui en tant que remparts supranationaux auraient dû faire barrage à l'autonomisation des marchés, contribuent au contraire à la marginalisation des parlements nationaux, dans la mesure où les chefs de gouvernement prennent les décisions à Bruxelles et exhortent les élus à ne pas les contester sous peine de faire accourir les spéculateurs financiers. »

Apologie des pleins pouvoirs

La situation n'a pas échappé à Henri Pigeat. Intervenant lundi dernier, 1er octobre, au micro de BFM Business, l'ancien président de l'AFP n'a pas mâché ses mots. De son point de vue, l'Italie doit être montrée en exemple pour avoir réalisé, depuis un peu moins d'un an, plus de réformes que la France durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Or, ce succès tiendrait au fait que le gouvernement de Mario Monti disposerait, en quelque sorte des « pleins pouvoirs sous contrôle ». En France, soutient Henri Pigeat, « toutes les réformes récentes [...] ont été réalisées avec des gouvernements de pleins pouvoirs ». Dans les démocraties, déplore-t-il, « il y a toujours des intérêts particuliers qui vont s'opposer à l'intérêt général ». Selon lui, il faut « faire en sorte que les choses qui doivent être réglées d'urgence le soient effectivement ». Sinon, prévient-il, « nous allons butter sur une crise beaucoup plus grave que la situation actuelle et il faudra faire les réformes sous l'autorité de la Banque centrale européenne, du FMI et d'autres autorités extérieures ». Alors, "politique d'abord" ?

D'un mariage à l'autre

20 septembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

L'institution du "mariage homo" figure parmi les priorités du gouvernement. Les débats qui s'annoncent au Parlement permettront-ils de discerner les multiples questions que ce projet soulève ? En voici un aperçu.

D'ici la fin octobre, un projet de loi sera présenté afin d'établir, selon les termes du gouvernement, « le mariage pour tous ». Plus couramment, on parle d'autoriser le « mariage homo » - et non celui des homosexuels. Aussi laisse-t-on entendre, au moins par facilité de langage, que ce mariage-là ne sera jamais qu'un avatar parodique de son homologue traditionnel. De toute façon, soutient Luc Ferry, « les unions homosexuelles seront toujours, qu'on le veuille ou non, différentes du mariage ». Pourquoi vouloir les désigner comme tel, en dépit de l'acception attachée à la désignation d'une institution ancestrale ? À certains égards, la réforme annoncée vise moins à conférer de nouveaux droits aux homosexuels qu'à ébranler les structures sociales. Citant un appel à « supprimer l'obligation de fidélité, l'obligation de communauté de vie [...] ainsi que la présomption de paternité (ou de parentalité) » inhérentes au mariage, Éric Deschavanne, un professeur de philosophie, le juge « emblématique de la contradiction qui consiste à revendiquer l'accès à un statut que l'on entend à cette fin vider de sa substance ».

Un ordre symbolique

Quoique favorable à l'institution d'une "union civile" équivalente au mariage, Luc Ferry  considère « essentiel, ne serait-ce que pour ne pas mentir aux enfants », que la différence entre l'un et l'autre de ces statuts « soit clairement nommée ». Ce faisant, l'ancien ministre s'érige en défenseur, certes timide, d'un "ordre symbolique" délibérément pris pour cible. Pour les uns, explique Éric Deschavanne, « accorder aux couples homosexuels le droit au mariage et le droit à l'enfant permettrait de mettre un terme définitif à "l'hétéronormativité" (ou "hétérocentrisme") » ; il s'agirait «  de remédier à l'humiliation multiséculaire subie par les homosexuels ». À l'opposé, leurs détracteurs entendent « poser des limites objectives à l'évolution des mœurs et du droit de la famille ». Telle est, nous semble-t-il, la démarche de Luc Ferry : « Si la logique [...] est à la fois celle de l'égalité et de l'amour, le mariage devrait [...] être accessible à tous les individus, quels qu'ils soient, qui veulent former un couple », observe-t-il. « Pourquoi pas des frères et sœurs, par exemple, s'ils s'aiment et s'ils y trouvent leur compte ? Qui pourrait, si rien ne vient limiter la dynamique ainsi enclenchée, leur refuser ce droit et au nom de quoi ? » Dans une optique réactionnaire, résume Éric Deschavanne, « le droit est "un langage" qui prétend rendre compte de la réalité et on ne peut lui demander de subvertir les représentations communes qui s'inscrivent dans le langage courant. Ce qui se produirait si l'on introduisait dans le droit le mariage homosexuel et l'affiliation d'un enfant à deux pères ou à deux mères. »

Qu'en sera-t-il à l'issue des débats parlementaires ? Si l'adoption plénière était ouverte aux couples homosexuels, des enfants pourraient effectivement se voir réputés nés de deux pères ou deux mères, au risque de bouleverser les repères de la filiation, déjà brouillés par les mutations de la famille dont cette affaire n'est, somme toute, qu'un symptôme. À moins que le volontarisme juridique soit sans grand effet sur les mœurs, comme le suggère la psychologue Caroline Thompson. Dans une famille homoparentale, affirme-t-elle, « l'enfant n'a aucune illusion sur le fait que ses parents soient deux femmes ou deux hommes ». D'ailleurs, poursuit-elle « il n'appellera pas les deux parents "papa" ou "maman" ». Généralement, les "parents" s'accorderaient pour savoir lequel des deux sera ainsi désigné. Considérant, en outre, qu'« il existe quantité d'exemples où l'éducation [...] ne s'est pas faite dans un milieu familial dit traditionnel », Mme Thompson soutient que l'enfant « trouvera ailleurs ce qui n'est pas donné d'emblée » : chez les grands-parents, mais aussi dans « les histoires racontées par la mère sur les pères ». Cela dit, comme le relève Éric Deschavanne, « les objections sont multiples, que l'on pourrait opposer aux prétendues démonstrations de l'innocuité de l'homoparentalité : contradiction des résultats des études [...] ; partialité des enquêtes conduites par des auteurs militants, caractère excessivement restreint des populations de référence ; absence de recul historique. »

Le mariage, une affaire privée ?

De part et d'autre, on ne manquera pas d'invoquer l'intérêt de l'enfant. À ce petit jeu-là, les réactionnaires devront se montrer prudents. Faut-il agiter « le droit d'avoir un père et une mère » ? On se demande comment un nourrisson pourrait en réclamer l'application. Quant à sa mise en œuvre, supposerait-elle d'imposer aux veuves le choix d'un mari ? Ce slogan sera facile à récuser, étant donné les carences juridiques dont souffriraient, paraît-il, les familles homoparentales, où vivraient entre dix mille et trois cent mille enfants. Aux yeux de Jeannette Bougrab, par exemple, « il ne s'agit pas tant de donner un droit à l'enfant mais de reconnaître le droit des enfants. Il faut adopter des mesures permettant au coparent de poursuivre l'éducation de l'enfant en cas de décès du parent biologique plutôt que placer l'enfant dans un foyer. De même, il convient de modifier les règles [...] afin de permettre au coparent de pouvoir léguer des biens à l'enfant qu'il a contribué à éduquer. »

À cet effet, une libéralisation des successions ne serait-elle pas suffisante ? Faudrait-il, plus généralement, laisser les individus contracter à leur guise ? L'institution du mariage civil remonte à 1792. « En un peu plus de deux siècles, quel succès ! », ironise Georges Kaplan. « Les jeunes gens d'aujourd'hui se marient de moins en moins [...] et un mariage civil sur trois finit en divorce ! Comme à chaque fois que l'État a prétendu réglementer et diriger nos vies privées, il n'est parvenu qu'à détruire ce qui fonctionnait si bien depuis des lustres. » Quoi qu'il en soit, l'ouverture du mariage aux couples de même sexe serait-elle, comme il l'espère, « un premier pas sur la longue route qui nous reste à parcourir pour reprivatiser nos vies » ? À l'inverse, elle conférerait une reconnaissance institutionnelle à des mœurs auxquelles l'État devrait, selon nous, rester indifférent.

Les citations de Luc Ferry, Éric Deschavanne, Caroline Thompson et Jeannette Bougrab sont tirées d'un rapport du Conseil d'analyse de la société publié en mai 2007 ; celles de Georges Kaplan sont extraites de son blog Ordre spontané.

Petit joueur !

5 septembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Du bonheur en république...

Bravant l'adage populaire, selon lequel « l'argent ne fait pas le bonheur », Éric Straumann, député UMP du Haut-Rhin, s'est illustré, pendant l'été 2012, dans un entretien accordé au Figaro. À cette occasion, il s'est insurgé contre le montant faramineux atteint par la cagnotte de l'Euro Millions : 190 millions d'euros ! Selon lui, il conviendrait de légiférer de façon à limiter les gains à 30 millions d'euros, quitte à partager la somme mise en jeu. Ce faisant, a-t-il expliqué, « on pourrait faire six fois plus d'heureux » !

Comme si l'argent suffisait à palier toutes les vicissitudes de la vie... M. Straumann ignore-t-il, par exemple, qu'aucun chèque n'a jamais rassasié un joueur invétéré ? S'est-il préoccupé des ravages de l'addiction ? Quitte à faire le bonheur des gens, peut-être pourrait il prendre exemple sur ses homologues danois. Lesquels, contrairement à lui, veillent sur la santé de leurs concitoyens, et singulièrement des fonctionnaires municipaux, jusqu'à leur interdire de fumer tandis qu'ils balaient les rues d'Aarhus.

Autre ambiance a Taiwan, où le ministre de l'Environnement a prié tous les hommes de s'asseoir sur le trône à chaque fois qu'ils voudraient soulager leur vessie. En Suède, paraît-il, les petits garçons y sont d'ores et déjà incités dans les jardins d'enfants – parité oblige. Par comparaison, les velléités du député Straumann apparaissent somme toute bien timides... Petit joueur, va !

Le 15 août, fête nationale

5 septembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

L'ouverture du mariage aux couples homosexuels préoccupe l'Église de France, qui a appelé ses fidèles à prier pour leur pays le 15 août 2012. Cette immixtion religieuse dans le débat public suscite la controverse.

A l'approche du 15 aout 2012, en diffusant le texte d'une prière pour la France, Mgr André Vingt-Trois, président de la conférence des évêques de France, a sonné la mobilisation des catholiques en faveur d'une conception traditionnelle du mariage. « L'Église n'a aucune légitimité démocratique pour s'immiscer dans le débat politique », a protesté le Parti radical de gauche. À l'opposé, Jean-Pierre Raffarin a salué « une heureuse initiative » : « on ne peut pas [...] demander aux Églises d'être indifférentes au devenir de nos sociétés », a affirmé l'ancien Premier ministre ; d'autant qu'à ses yeux, « nos racines chrétiennes légitiment cette prise de position ».

Selon l'analyse de Me Eolas, un juriste incontournable sur la Toile, on ne saurait s'abriter derrière la loi de 1905 pour cantonner la religion à une sphère strictement privée. La formule selon laquelle « la République ne reconnaît [...] aucun culte » serait mal interprétée par les partisans d'une laïcité « tenant plus de l'athéisme d'État », explique-t-il sur son blog. Le Conseil d'État ne s'y serait pas trompé : saisi, en 1989, sur le port du foulard islamique dans les établissements scolaires, il avait souligné que l'obligation de neutralité s'appliquait aux agents, et non aux usagers du service public. Les responsables politiques se sont néanmoins entêtés à proscrire les signes religieux, arsenal législatif à l'appui, allant jusqu'à réglementer les tenues portées dans la rue. Au risque de susciter, par réaction, la multiplication des voiles intégraux...

Laïcité contre laïcisme

C'est dire combien se fourvoient ceux qui croient pouvoir instrumentaliser la laïcité aux dépens de l'islam, a fortiori dans ses déclinaisons les plus radicales. Quitte à cultiver une certaine ambiguïté, c'est plutôt contre le laïcisme qu'il conviendrait d'invoquer la laïcité. Le droit pourrait s'y prêter : « ceux qui disent qu'ils n'ont rien contre les religions à condition qu'elles s'exercent dans un cadre strictement privé, généralement restreint au domicile et aux établissements du culte, portes dûment closes, mais désapprouvent tout signe indiquant la croyance religieuse de celui l'arbore dans la rue, ceux-là ne respectent pas la laïcité », soutient Me Eolas. Bien au con-traire, « une loi réalisant leur désir violerait la laïcité, en restreignant arbitrairement l'exercice d'un culte pour des raisons n'ayant aucun lien avec l'ordre public », poursuit l'avocat.

S'indigner des prières prononcées le jour de l'Assomption – sans parler des feux d'artifice tirés ce jour-là ! – apparaît d'autant plus déplacé que le 15 août n'est pas férié  en souvenir du seul vœu de Louis XIII consacrant la France à Marie. Napoléon n'avait-il pas décidé d'en faire explicitement la fête nationale ? C'était le jour de son anniversaire ! « Si certains y voient un paradoxe ou une incongruité », le géopolitologue Olivier Kempf y décèle davantage « une richesse et cette synthèse "bizarre" qui fait le génie français ». Il nous appartient d'en tirer parti !

Priorité donnée à la parité

6 juillet 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Le gouvernement entend « mettre l'égalité entre les femmes et les hommes au cœur de l'action publique ».

À cet effet, a-t-il été annoncé le 27 juin, « les ministres s'investiront personnellement » : « Ils nommeront auprès d'eux un haut-fonctionnaire à l'égalité des droits pour proposer et suivre les mesures à mettre en œuvre dans leur ministère. La logique de la parité sera étendue à l'ensemble de la sphère publique. De nouveaux principes de nomination seront arrêtés pour une représentation équilibrée dans les grandes instances de la République, en particulier les autorités administratives indépendantes (Conseil supérieur de l'audiovisuel par exemple) et les principaux organismes consultatifs de l'État. »

Loin de tempérer cette frénésie féministe, l'UMP verse dans la surenchère, à la faveur d'une autocritique légitimée par sa déroute électorale. Faute de respecter la parité, le parti paie « cinq millions d'euros d'amende par an », a déploré Rachida Dati, au micro d'Europe 1. « Une femme à la tête de l'UMP ou même de l'Assemblée ou de la France, cela aurait de la gueule », a-t-elle poursuivi. Quant à Roselyne Bachelot, à à l'antenne de Public Sénat, elle a proposé « la division par deux des circonscriptions ainsi que l'élection d'un ticket homme-femme qui pourrait assurer la parité parfaite ». Un vrai concours Lépine !

Quarante ans de McDo

21 juin 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

La première implantation hexagonale d'un restaurant McDonald's remonte à quarante ans. Depuis, l'enseigne est devenue le symbole de la mondialisation. Et de ses nuances.

Le 30 juin 1972, il y bientôt quarante ans, un premier restaurant aux couleurs de McDonald's ouvrait ses portes dans l'Hexagone. C'était à Créteil. Depuis, l'enseigne s'est disséminée dans plus de neuf cents communes, où sont répartis près de mille deux cents établissements, dont trois cents franchisés. La France est même devenue le deuxième contributeur aux résultats du groupe américain. Un chiffre d'affaires record est enregistré à Marne-la-Vallée (Disney Village), ainsi que sur les Champs-Élysées. Symbole de la "malbouffe" importée des États-Unis, la chaîne de restauration rapide s'est attiré les foudres des pourfendeurs de la mondialisation, à l'image de l'inénarrable José Bové : en 1999, on s'en souvient, il avait "démonté" un McDo à Millau.

Défense bien huilée

Alors qu'il dirigeait l'entreprise, Jack Greenberg avait jugé déplacées les attaques dont elle était victime : « nous sommes d'abord un amalgame de petites entreprises », avait-il clamé, fin 2002, dans un entretien accordé à L'Express. La filiale hexagonale se vante de « privilégier un approvisionnement local » : « 100 % des produits alimentaires servis dans les restaurants McDonald's de France en 2010 ont été fabriqués en Europe », martèle sa communication officielle. « La France demeure le premier pays fournisseur des achats alimentaires pour les hexagonaux avec près de 76 % de volume. » Et de s'ériger en « partenaire majeur de l'agriculture française ». Bel exemple de philanthropie !

De fait, si McDonald's symbolise effectivement la mondialisation, c'est avec ses nuances, dont témoigne la "régionalisation" de l'offre entreprise depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Jusqu'à l'immixtion, en avril dernier, de la traditionnelle baguette dans les restaurants hexagonaux. Celle-ci finira-t-elle par traverser l'Atlantique ? On n'en est pas encore là, même si un McDo new yorkais serait, paraît-il, largement inspiré de celui des Champs-Élysées.

Manuels scolaires d'un nouveau genre

22 février 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand l'Assemblée nationale se saisit d'une polémique à la suite des Associations familiales catholiques.

L'année dernière, une polémique s'était ouverte tandis qu'on découvrait de nouveaux manuels de sciences de la vie et de la terre (SVT) destinés à des élèves de Première. La notion de "genre" s'y trouvait complaisamment présentée, quoiqu'elle ne soit pas explicitement citée dans les programmes de l'Éducation nationale. « Ce sont donc certains manuels qui [...] ont développé une approche quelque peu exploratoire de la question », soutient  Xavier Breton, député UMP de l'Ain.

Un arbre de Noël

À l'automne, une commission de l'Assemblée nationale l'avait chargé d'animer un groupe de travail créé en raison de cette controverse. Dans ses conclusions, mises en ligne le 1er février, il relève un « décalage entre le pouvoir prêté au manuel et la réalité de son utilisation ». En effet, explique-t-il, « le contenu du manuel est toujours perçu comme étant prescriptif alors qu'il n'est plus conçu, comme ce fut le cas auparavant, comme un "doublon" du programme ». De fait, « le manuel ressemble désormais à un "arbre de Noël" ou à des "extraits de presse" » – un format censé « aider les enseignants à mettre en œuvre une pédagogie fondée sur le questionnement et l'interaction en classe »...

M. Breton n'en déplore pas moins un manque de concertation : « C'est uniquement à la demande des éditeurs, et donc de manière ponctuelle, que des réunions sont organisées avec la direction générale de l'enseignement scolaire et les groupes d'experts afin de présenter l'esprit » des nouveaux programmes. Revisés tous les cinq ans en moyenne, ceux-ci sont élaborés selon une procédure jugée « peu transparente ». À l'opposé, « devrait-on [...] prévoir l'organisation de débats démocratiques sur les projets de programmes ? » Selon le député de l'Ain, ce serait « prendre le risque que ces discussions débouchent sur ce que certains n'hésiteraient pas à appeler des "victoires"  ou des "défaites"  au regard des opinions défendues. Dans ces conditions, aux yeux d'une partie de l'opinion, l'école ne pourrait plus être ce lieu neutre où l'on acquiert des connaissances et des compétences. »

Mme Françoise Imbert, député PS de Haute-Garonne, s'accommoderait volontiers d'une telle situation. Intervenant lors d'un débat en commission, elle a jugé essentiel que les manuels scolaires soient conçus de façon à « faire évoluer les représentations de la femme dans notre société ». « Ne faisons pas de cet objet [...] l'enjeu d'une lutte politique », lui a rétorqué Jean-Pierre Giran, député UMP du Var.

Au fond, c'est bien la mission assignée à l'École qui est en cause. La tentation est grande de l'instrumentaliser à des fins idéologiques. Or, à la faveur de l'indignation relayée par les Association familiales catholiques, plusieurs parlementaires ont suggéré que le choix des manuels soit soumis à l'approbation de l'État, ou du moins orienté par l'attribution d'un label officiel. C'est dire la perversité de la République, susceptible de retourner à son avantage les critiques les plus légitimes...