L'Européenne la plus favorisée en débat à l'Assemblée (2)

13 février 2010

Mercredi dernier, 10 février, la commission des lois de l'Assemblée nationale a examiné une proposition de résolution rejetée une semaine auparavant par la commission des Affaires européennes.

Présenté par des députés issus du groupe SRC (socialiste, radical, citoyen et divers gauche), ce texte promeut la "clause de l'Européenne la plus favorisée". « Il s'agit d'identifier les dispositions les plus favorables aux femmes dans les États membre de l'Union européenne dans chaque domaine, et de proposer que les États membres alignent leur législation sur celle de l'État membre où elle est la plus favorable aux femmes », a résumé, dans son rapport, Mme Pascale Crozon (PS).

Selon un mécanisme jugé « curieux » par le député UMP Étienne Blanc, le législateur national devrait s'inspirer des législations étrangères "les plus progressistes" – « notion qui, en droit, [le] laisse d'ailleurs perplexe ». En conséquence, « sans porter un jugement sur le fond de la proposition », le parlementaire a exprimé son « opposition radicale » quant à la forme de la proposition.

« Il ne s'agit pas aujourd'hui de décider du contenu de la loi future », a souligné le socialiste Jérôme Lambert. « On ne peut à l'évidence pas légiférer à la hâte sur ce sujet », a-t-il reconnu. « Il s'agit "simplement" – mais la portée symbolique est forte – de voter une résolution invitant le gouvernement français dans les négociations européennes à venir à soutenir le principe de la clause de l'Européenne la plus favorisée. Qui peut refuser une telle chose ? La cause des femmes ne mérite-t-elle pas l'affirmation de la volonté d'une égalité la meilleure possible ? » Cela ne se discute pas : « Sur le fond du texte lui-même, on ne peut être contre », a déclaré Mme Marie-Jo Zimmermann. « Si nous le rejetions, expliquer notre décision pourrait être délicat. », a averti l'UMP François Vannson.

La chambre basse a manifestement du temps à perdre en échange d'inepties. La commission a adopté sans modification l'article unique de la proposition de résolution, inscrite à l'ordre du jour de la séance publique du 18 février prochain.

L'Européenne la plus favorisée en débat à l'Assemblée (1)

10 février 2010

La commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale s'est réunie le 3 février pour examiner deux propositions de résolution promouvant la « clause de l'Européenne la plus favorisée ». Avec, en perspective, selon les explications des rapporteurs, l'établissement d'« un statut pleinement harmonisé de la femme en Europe qui ferait la synthèse des meilleures lois en la matière ».

À l'origine de ces initiatives : des députés issus, d'une part, de la gauche démocrate et républicaine (Parti communiste, Parti de gauche, Verts), et, d'autre part, du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Lesquels n'entendaient pas apparaître en retrait sur la scène européenne, où les féministes sont galvanisés par « une présidence espagnole pleine d'allant ». Entre autres événements ponctuant le semestre, citons : la conférence sur « les femmes, la paix et la sécurité », puis le "sommet européen des femmes au pouvoir" en février ; l'adoption par le Conseil de conclusions sur l'éradication de la violence à l'encontre des femmes prévue le 8 mars ; une conférence le 25 mars sur « l'égalité entre les hommes et les femmes, une base pour la croissance et l'emploi » ; la "Ve rencontre de femmes espagnoles et africaines pour un monde meilleur" le 28 mars ; un "séminaire technique" le 29 avril sur « le rôle de la femme dans le développement rural ».

Identifiant « les termes du débat » parlementaire, les rapporteurs observent que « les arguments "contre" [...] ne concernent ni les principes, ni l'intention des propositions de résolution, mais le calendrier et les circonstances ». Et de rappeler que « la "clause de l'Européenne la plus favorisée" a déjà fait l'objet d'une évocation, d'une tentative d'inscription à l'agenda européen, sous présidence française », sans avoir « reçu l'écho que l'on aurait souhaité ». « Certains pays sont réticents », souligne Mme Anne Grommech. En conséquence, le corapporteur UMP veut « éviter toute prise de position prématurée ». D'autant que « la faisabilité d'une [telle] démarche vient d'être mise à l'étude [...] avec d'ailleurs l'hypothèse d'un traité entre quatre États : la Belgique, l'Espagne, la Suède et la France. Un groupe de travail interministériel a été constitué. [...] Ses conclusions sont prévues pour le mois de mars. »

Le député pointe une autre difficulté, concernant « les domaines sur lesquels porte la "clause de l'Européenne la plus favorisée" ». À ses yeux, « il y a un exemple qui est très concret, c'est celui de l'interruption volontaire de grossesse. Aujourd'hui, en France, l'IVG n'est possible que dans les douze semaines. Or, passer à dix-huit semaines, délai applicable en Suède, supposerait un débat approfondi. Il faut notamment souligner qu'un tel délai de dix-huit semaines pourrait permettre de sélectionner le sexe de l'enfant. Menée sur la base d'une clause automatique sans débat préalable, une telle réforme peut aboutir à des situations compliquées de déséquilibre entre les garçons et les filles telles qu'on les connaît en Chine et en Inde. »

« Dans de telles circonstances, conclut Mme Grommech, il convient de rejeter les propositions présentées, car prématurées sur le plan diplomatique et exigeant des études approfondies, sur des questions très sensibles. » Suivant son avis, la commission des Affaires européennes a rejeté chacune des résolutions. Ce faisant, la droite parlementaire a pourtant démontré, une fois de plus, combien elle est soumise à la gauche dans les débats "sociétaux".

Le mythe des 80 %

9 février 2010

C'est bien connu : 80 % des lois votées par le Parlement français seraient d'origine communautaire. Cité par tout un chacun, ce pourcentage a pénétré les esprits sans avoir jamais fait l'objet d'une démonstration. C'est donc un « mythe » que la fondation Terra Nova entend démonter dans une étude rendue publique le 5 février.

Ses auteurs, Matthias Fekl et Thomas Platt, ont scruté la législation française promulguée entre 1998 et 2008. Aussi n'ont-ils pris en compte « que les actes [européens] nécessitant une adaptation au niveau national, et non ceux qui se substituent purement et simplement à l'action du législateur ». « L'exercice de quantification est difficile et risqué », affirment-ils. « Les résultats sont donc à interpréter avec prudence. » D'autant que « si l'Union européenne est bien présente au quotidien dans chacun des vingt-sept États membres, si son action irrigue et affecte en profondeur les systèmes juridiques nationaux, les interactions entre normes européennes et loi nationale sont infiniment plus complexes qu'une simple transposition, "bête et méchante", de normes imposées de l'extérieur ».

Selon leurs calculs, « environ 25 % des dispositions législatives adoptées par le Parlement comportent un ou plusieurs articles transposant des dispositions d'origine communautaire. Moins de 10 % des lois comportaient une part significative de mesures de transposition du droit communautaire. Moins de 10 % du total des articles législatifs adoptés ont vocation à transposer des dispositions communautaires. [...] La mesure sectorielle de cet impact s'inscrit dans la logique des compétences transférées à l'Union : un impact fort pour l'agriculture, les transports, l'économie, l'environnement ; un impact modéré mais réel pour l'emploi et le social [...], la justice ; un impact marginal pour la culture, l'éducation, la défense, les affaires étrangères. Mais, contrairement à une idée reçue, même dans les secteurs les plus européanisés, la législation nationale "autonome" demeure largement majoritaire. Le cas de l'agriculture [...] est le plus révélateur. Un peu plus de 60 % des lois comportent des éléments d'origine communautaire. [...] Mais, quand on affine par article, on s'aperçoit que seulement 18 % de l'activité législative nationale dans ce domaine a une origine communautaire. »

« On est donc loin des 80 %, martelés tant par les fédéralistes soucieux de montrer l'importance de l'Europe que par les souverainistes cherchant à dénoncer le poids tentaculaire de la "bureaucratie" bruxelloise. » Sans doute les uns et les autres partagent-ils en définitive une vision commune de l'Europe, un comble !

Féminiser l'ONU

6 février 2010

La présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne poursuit sur sa lancée.

S'exprimant le jeudi 4 février au nom de l'Union européenne, le représentant permanent de l'Espagne auprès de l'ONU, Juan Antonio Yanez-Barnuevo, a remercié Ban Ki-moon « pour sa proposition de réforme de l'architecture de l'égalité des sexes au sein de l'organisation ».

Laquelle fut apparemment présentée en janvier dernier, dans un rapport de vingt-cinq pages dont nous proposerons peut-être une synthèse si notre niveau d'anglais s'avère suffisant pour en décrypter l'essentiel.

Déclaration de Cadix

4 février 2010

Le second sommet européen des femmes au pouvoir s'est tenu à Cadix le mercredi 3 février.

Convoqué à l'initiative des gouvernements espagnol et britannique, il s'inscrivait dans la continuité d'une réunion organisée à Athènes dix-huit ans auparavant. À cette occasion fut adoptée une "déclaration politique" censée donner « une impulsion définitive » à l'égalité hommes-femmes dans l'Union européenne, selon le vœu formulé le 27 janvier par le ministre espagnol de l'Égalité, Mme Bibiana Aido (photo).

Les signataires – parmi lesquels figure la Française Nora Berra, secrétaire d'État en charge des Aînés – observent que « l'amélioration des résultats scolaires des femmes n'a pas été accompagné d'une présence proportionnelle dans les sphères de décision » ; ce qui serait un véritable « gâchis ». Et de stigmatiser « les stéréotypes sexistes » qui « continuent de promouvoir des comportements différents pour les femmes et les hommes, constituant le terreau des discriminations ».

Révoltés contre des aspirations dont la variété nous semble profondément structurée par l'identité sexuelle, les signataires s'imaginent que « la participation équilibrée des femmes et des hommes est indispensable à l'épanouissement personnel et collectif ». L'égalité serait, en outre, « une condition préalable pour obtenir une croissance durable ». « La valeur économique des politique d'égalité des sexes est évidente », affirment-ils. Elle assurerait notamment une natalité pérenne – hypothèse sur laquelle il y aurait matière à discuter, bien qu'elle soit apparemment vérifiée par certaines statistiques.

Sans surprise, le texte appelle à « des changements structurels et culturels dans tous les domaines de la vie ». Ce qui suppose, entre autres, des incitations à partager les tâches ménagères, des mesures de discrimination positive, voire l'organisation régulière de sommets européens réunissant exclusivement des femmes. Les participantes se sont également engagées « à promouvoir l'égalité des sexes dans l'action extérieure et la coopération au développement de l'Union européenne ».

Aujourd'hui, 4 février, s'ouvre par ailleurs à Cadix le "forum européen des femmes Pékin + 15" « au cours duquel sera analysé le degré de respect des objectifs stratégiques et des mesures fixées lors de la Ive Conférence mondiale sur les femmes de l'ONU, qui s'est tenue à Pékin en 1995 », selon les informations fournies par la présidence du Conseil.

Feu sur Catherine Ashton

4 février 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'UE s'est montrée bien timide dans la coordination des États membres venus au secours d'Haïti. Cela nourrit de nouvelles critiques formulées à l'encontre de Catherine Ashton, Haut Représentant pour les Affaires étrangères.

Deux semaines après le terrible séisme survenu en Haïti, les ministres européens sont enfin convenus, le 25 janvier, de créer une cellule de coordination « pour échanger les informations sur les moyens civils et militaires » apportés par les États membres.

Aucun bilan chiffré

« Encore une fois, déplore Jean Quatremer, les Européens ont agi en ordre dispersé alors qu'ils sont les principaux contributeurs : 400 millions d'euros, environ, contre 100 millions de dollars dévalués pour les Américains. » (Coulisses de Bruxelles, 19/01/2010) Le 22 janvier, Nicolas Gros-Verheyde estimait à 2 000 le nombre d'Européens engagés au titre de la protection civile, dont 1 300 Français. Des chiffres que l'UE s'est montrée incapable de lui fournir : « Pour trouver de l'information, il fallait la chercher ailleurs dans les capitales, voire auprès de l'US Army. » (Bruxelles 2, 28/01/2010) Un comble !

Peut-être les flottements consécutifs à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne expliquent-ils en partie ces déboires. À moins que cette inertie soit inhérente au fonctionnement de la machine administrative européenne. Gouverné par le consensus, cet empire normatif n'apprécie pas d'être bousculé. « Le mode de décision européen est trop lent pour s'adapter à une crise soudaine », observait Jean-Pierre Jouyet au lendemain de la présidence française de l'UE, tandis qu'il accusait la Commission d'avoir « mal analysé » la nature de la crise financière (Une présidence de crises, Albin Michel).

Fallait-il se rendre sur place ?

Tandis qu'on ressort des tiroirs un rapport de 2006, où Michel Barnier proposait la création d'une force européenne de protection civile, les critiques redoublent à l'encontre de Catherine Ashton, le Haut Représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. Moult commentateurs ont regretté qu'elle ne se soit pas rendue sur place, alors qu'Hillary Clinton se trouvait à Port-au-Prince le 16 janvier. « On aurait pu imaginer que le drapeau européen soit visible plus rapidement », affirme Pierre Lellouche, le secrétaire d'État en charge des Affaires européennes (Euractiv, 27/01/2010). Les européistes se bercent d'illusions : aux côtés du secrétaire d'État américain, en effet, le Haut Représentant n'aurait pas accaparé l'attention des médias. Pour avoir assisté, la semaine dernière, à une allocution du président du Conseil européen Herman Van Rompuy prononcée à Paris, nous pouvons témoigner de la relative indifférence suscitée par le déplacement d'une telle personnalité.

Mme Ashton a tenté de se justifier : « Je n'avais rien à fournir sur le terrain sinon prendre un espace précieux alors que les avions étaient incapables d'atterrir à cause de l'état de l'aéroport. Je ne suis pas un médecin, ni un pompier. Ma place était de réunir une coordination au niveau de l'UE et des Nations Unies. » (Bruxelles 2, 20/01/2010)

Diplomatie européenne sans finesse

Nicolas Gros-Verheyde lui reconnaît le mérite de ne pas avoir versé dans la "politique spectacle" : « Sa place était davantage à Bruxelles », estime-t-il, « pour organiser, coordonner l'action au niveau politique. Ce qu'elle a fait en convoquant (un peu tard) un conseil des ministres extraordinaire » (Bruxelles 2, 25/01/2010). À l'opposé, Jean Quatremer a publié un article assassin : « Elle a manifestement décidé d'interpréter a minima ses nouvelles fonctions, à la fois par flemme et par désintérêt pour un poste qu'elle n'a jamais demandé. [...] Annonçant, lundi, les chiffres de l'aide européenne, Ashton a été tellement confuse que Miguel Angel Moratinos, le chef de la diplomatie espagnole dont le pays assure la présidence tournante de l'Union, s'est fait un plaisir de la reprendre pour expliquer clairement la situation. Et en trois langues, alors qu'Ashton est incapable de parler autre chose que l'anglais. » (Coulisses de Bruxelles, 26/01/2010)

Sa désaffection pour la langue de Molière inquiète Jean-Pierre Raffarin. Dans ces conditions, admet l'ancien Premier ministre, on peut « douter du degré de sensibilité et de finesse de la prochaine diplomatie européenne ». Quant aux souverainistes, ils se réjouiront peut-être de ces déboires, qui sont autant de freins au développement du Service européen pour l'Action extérieure menaçant, à leurs yeux, la diplomatie française.

Féminiser l'Otan

4 février 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Madrid nous avait prévenus : l'égalité hommes-femmes figure parmi les priorités de son semestre européen.

Intervenant devant une commission du Parlement européen, le ministre espagnol de l'Égalité, Mme Bibiana Aído, a exprimé, selon le communiqué de l'assemblée, la volonté « d'encourager le partage des tâches entre les femmes et les hommes ». Par ailleurs, au cours d'une conférence organisée à Bruxelles par la Commission européenne et l'Otan sur « les femmes, la paix et la sécurité », le premier vice-président du gouvernement espagnol, Mme María Teresa Fernández de la Vega « a défendu l'idée de recourir à des quotas afin de parvenir à ce que les femmes participent à tous les niveaux, civil et militaire, aux processus de paix et au règlement des conflits ». Et de demander « instamment aux organisations internationales de prendre des "engagements contraignants" » à cet effet.

Le secrétaire général de l'Otan, le Danois Anders Fogh Rasmussen, aurait certes « appuyé la suggestion de fixer des "objectifs" pour la participation de la femme [sic] à tous les niveaux », rapporte la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne. Il aurait « cependant considéré que le fait d'imposer un quota à l'Otan "ne serait pas réaliste" étant donné "les différentes traditions nationales qui s'y trouvent" ». Remarque de bon sens, au demeurant bien timorée. Faut-il rappeler que l'Organisation du traité de l'Atlantique nord est une structure à vocation militaire ? Avec cela, la stabilisation de l'Afghanistan semble en bonne voie...

Le rendez-vous "féministe" suivant était fixé au mercredi 3 février, date à laquelle devait se tenir à Cadix une « réunion informelle des femmes ministres en exercice » de l'UE. Madrid nous a annoncé qu'une "déclaration politique" serait adoptée lors de ce sommet. Faut-il s'attendre à de nouvelles surprises ?

Pudeur laïque

4 février 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le président de la République s'est rendu le 26 janvier au cimetière militaire Notre-Dame de Lorette (Ablain-Saint-Nazaire, Pas-de-Calais), dont les tombes musulmanes ont été profanées à trois reprises depuis 2007.

Ouvrant son discours, le chef de l'État a rendu hommage à Harouna Diop, maréchal des logis chef au 517e régiment du train de Châteauroux, tombé au champ d'honneur le 13 janvier dernier, à l'âge de quarante ans, alors qu'il était père de six enfants. « Il était musulman comme les 550 soldats français qui reposent à Notre-Dame de Lorette avec leurs 40 000 frères d'armes », a rappelé Nicolas Sarkozy. « Ils ont été tués, pour la plupart, au cours de la bataille d'Artois en 1915. Ils se sont battus pour défendre leur patrie, notre patrie. [...] Tous sous le même drapeau, ceux qui croyaient au ciel comme ceux qui n'y croyaient pas. Ensemble. [...] Ils ont donné leur vie, leur courage, leur exemple à notre pays. Aujourd'hui, je suis venu leur porter la reconnaissance de la France tout entière. »

Le président de la République s'est écarté quelque peu du "droit-de-l'hommisme". « Être Français, a-t-il souligné, c'est appartenir à une nation qui s'est construite, au fil de l'Histoire. [...] La France n'est pas une page blanche. » En conséquence, « être Français, qu'on le soit de naissance ou qu'on le devienne, c'est avoir la France en héritage, non pas comme un patrimoine figé qui devrait être jalousement gardé dans un musée, mais comme un héritage qui n'aurait d'autre testament que de nous en montrer dignes et de le faire fructifier pour les générations futures. Être Français, cela ne confère pas seulement des droits, cela confère également des devoirs. Et parmi ces devoirs, le premier d'entre eux est d'aimer la France. En honorant ceux qui ont donné leur vie pour elle. En respectant ses lois et ses valeurs. En étant prêt à se mettre à son service si les circonstances l'exigent. »

Un principe d'apaisement

Observant que « l'islam est aujourd'hui la religion de nombreux Français », le président a affirmé que « notre pays, pour avoir connu non seulement les guerres de religions, mais aussi les luttes fratricides d'un anticléricalisme d'État, ne peut pas laisser stigmatiser les citoyens français musulmans ». Et de prôner une saine laïcité, qui « n'est pas la négation ou le rejet du fait religieux » mais « un principe d'apaisement dont dépendent la concorde et la paix civiles ». Cependant, pour Nicolas Sarkozy, c'est aussi « la reconnaissance par l'État de l'égale dignité des religions, dès lors qu'elles se conforment à nos lois, qu'elles se conforment à nos principes, qu'elles se conforment à nos valeurs, au premier rang desquelles la dignité irréductible de la personne et l'égalité absolue entre les hommes et les femmes ». Or, nos "valeurs" ne sont-elles pas le fruit d'une histoire nationale façonnée par le christianisme ?

Feignant de l'ignorer, le chef de l'État s'est réfugié dans l'ineptie : « Plus que tout, être Français, c'est faire preuve d'un attachement profond, d'un attachement permanent aux valeurs et aux principes de notre République. » À quoi bon cultiver la pudeur laïque ? De toute façon, « il est impossible de s'intégrer s'il n'y a rien à intégrer », remarquait François Fillon le 4 décembre dernier. Le Premier ministre, lui, ne craint pas de le dire : si « la France est laïque », elle « est tout naturellement traversée par un vieil héritage chrétien qui ne saurait être ignoré par les autres religions installées plus récemment sur notre sol ». Encore un effort, Monsieur le président !

Enrayer le déclin industriel

4 février 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Les États généraux de l'Industrie confirment le déclin du secteur manufacturier : la France perd du terrain, tout particulièrement face à l'Allemagne. Aperçu des forces et faiblesses de l'industrie nationale.

Lancés le 2 novembre 2009, les États généraux de l'Industrie ont achevé la première phase de leurs travaux. Synthétisés dans un rapport remis le mois dernier au ministre Christian Estrosi, ceux-ci soulignent, sans surprise, le déclin du secteur manufacturier. S'il représente encore 16 % de la valeur ajoutée créée en France, son poids dans l'économie nationale apparaît moindre que dans la zone euro, où la moyenne s'établit à 22,4 %. Bien que 500 000 emplois industriels aient été perdus depuis 2000, des difficultés de recrutement persistent, notamment dans l'électricité et l'électronique, la mécanique et les travaux des métaux.

Déficit commercial

La France demeure le cinquième exportateur mondial, mais ses parts de marché sont en recul depuis une quinzaine d'années, passant de 5,8 % en 1995 à 3,8 % en 2008. « Ce phénomène s'explique en partie par la montée en puissance de nouveaux compétiteurs comme la Chine et une tendance de certains acteurs à délocaliser », commentent les rapporteurs. En partie seulement. Représentant un montant équivalent à 56 % des exportations allemandes en 2000, les exportations françaises de produits manufacturés étaient réduites à 37 % huit ans plus tard. La balance commerciale se dégrade : depuis 2007, les performances de l'agroalimentaire et des biens d'équipement ne compensent plus le déficit des autres secteurs.

L'industrie française s'appuie sur un tissu d'entreprises de taille intermédiaire (entre 250 et 5 000 salariés) insuffisamment développé. Elle dégage des marges plus faibles que celle des principaux pays de l'Union européenne, à l'exception du Royaume-Uni ; la rentabilité et l'accès aux financements s'en trouvent naturellement affectés.

R&D à la traîne

L' effort consenti en recherche et développement (R&D) plafonnait en 2006 à 1,9 % du PIB national. « La France se situe bien en-deçà de l'Allemagne qui y consacre 2,4 % de son PIB. » Elle se distingue « par un niveau important de dépenses R&D publiques, l'un des plus importants de l'OCDE rapporté au PIB, et à l'inverse par un faible niveau de dépenses R&D privées ». Aucune société française ne figure parmi les cinquante entreprises mondiales les plus innovantes identifiées par BusinessWeek-BCG. En conséquence, « le niveau de prise de responsabilités de la France dans les travaux de normalisation internationale a régressé depuis dix ans, pour se situer aujourd'hui à la moitié de [celui] de l'Allemagne ».

Ce sombre tableau présente quelques nuances. Disposant d'infrastructures de qualité, le territoire national attire des investissements directs étrangers jugés, dans l'ensemble, importants et créateurs d'emplois. « Ce flux a mieux résisté en France que dans le reste de l'Europe en 2009 puisqu'il n'a baissé que de 27 % contre 45 % sur l'ensemble de l'Europe. » De grandes entreprises françaises bénéficient d'un rayonnement mondial et d'un savoir-faire reconnu. Tout particulièrement les industries de santé, « porteuses d'une très forte valeur ajoutée économique et sociale ». Enfin, « par ses positions fortes dans les industries de la chimie, de l'énergie, de l'électronique et de la mécanique », la France pourrait « prendre une position de leader européen, voire mondial, dans la réponse au défi du développement durable ».

Au crédit des pouvoirs publics, les rapporteurs mentionnent, entre autres, l'institution du  crédit impôt recherche, qui aurait « un effet positif sur l'accroissement de l'effort de recherche des entreprises ». Autre « mesure phare » : « la mise en place des pôles de compétitivité qui ont permis en quatre ans de mettre en œuvre pour plus de 4 milliards d'euros de projets collaboratifs financés à 30 % par l'État et les collectivités territoriales, le reste par les entreprises. L'existence des pôles constitue aussi et peut-être surtout un levier important d'amélioration de la qualité d'un dialogue entre la recherche publique et la recherche privée dont la faiblesse est largement identifiée comme un problème crucial de l'innovation en France. »

Biens et services ne sont plus séparables

D'aucuns pariaient sur la "sanctuarisation" de certains domaines d'activité, voire une "spécialisation internationale" reposant sur la dichotomie produits-services. Or, soulignent les rapporteurs, « l'imbrication des produits et équipements industriels et des services associés de mise en œuvre, d'installation, d'exploitation et de maintenance, font que désormais c'est souvent une fonction, voire un service, assurés dans le temps, qui sont vendus, plus qu'un objet manufacturé ». À leurs yeux, « l'idée d'une économie fondée sur l'amont et l'aval de la production apparaît désormais comme un non-sens : la R&D est aussi délocalisable, les services le sont aussi (voir l'essor des services informatiques en Inde, la délocalisation des call-centers) ».

Leurs considérations demeurent très générales. Ils réclament, par exemple, « une promotion soutenue du "made in France" », sans s'aventurer à en préciser les modalités – soumises aux règles du marché unique européen. Entrés dans leur seconde phase, les États généraux de l'Industrie travaillent maintenant à la « définition des propositions d'actions », dont la mise en œuvre nécessitera « la mobilisation et l'engagement de tous les acteurs autour de l'objectif de la reconquête industrielle ».

Herman Van Rompuy à Paris

25 janvier 2010

Le président du Conseil européen vient d'ouvrir une grand'messe de la francophonie. Aperçu de son intervention.

Le président du Conseil européen était à Paris aujourd'hui. Nous avons assisté à son discours prononcé en ouverture du 23e colloque international de l'Alliance française. Herman Van Rompuy fut introduit par le président de la fondation, Jean-Pierre de Launoit, qui brossa, non sans complicité, le portrait d'un homme au « regard pétillant et malicieux ». Lequel nous confia qu'il avait appris le français dans la rue ; pour ce Belge issu d'une famille néerlandophone, la langue de Molière fut d'abord celle « du quartier et des terrains de football ».

Évoquant « une époque de mutations profondes », l'ancien Premier ministre belge s'est interrogé sur le rapport à la culture qui en émergerait. Tout en observant la « McDonaldisation » de l'Europe et du monde, il s'est prémuni des « oppositions stériles » – « Google contre Proust », « la Silicon Valley contre Venise », etc. « Avec le mot "Amérique", je risque de toucher un point sensible » avait-il prévenu. La culture du Nouveau Monde lui apparaît « riche à bien des égards ». Il n'en demeure pas moins un promoteur des Humanités.

Revenant sur « la longue histoire de notre continent », le président du Conseil européen a retenu quelques périodes d'unification, auxquelles succédèrent des éclatements : la chrétienté du Moyen Âge, où la même liturgie était célébrée partout en Europe dans la même langue – un symbole parmi d'autres d'« une vraie "standardisation culturelle" » ; la République des Lettres, née d'une Renaissance préparée par la redécouverte d'Aristote par saint Thomas d'Aquin ; l'Empire napoléonien. La présent serait « le résultat de ce double mouvement ».  Herman Van Rompuy s'est attaché à décrire « une tension permanente entre l'universel et le particulier » qu'il juge caractéristique de l'héritage européen.

Fustigeant – gentiment – l'utopie de Julien Benda, promoteur d'une langue commune à tout le continent, il a déclaré lui préférer la « sagesse » d'un Denis de Rougemont, qu'il découvrit chez les Jésuites dans les années soixante. « L'Europe ne peut pas fonctionner sur le modèle de l'État-nation », a-t-il observé. D'autant que « les États membres veulent être ensemble ; ils ne veulent pas être un ». Une distinction que les souverainistes jugeront sans doute trop subtile. 😉