7 octobre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
L'idéologie du genre pénètre peu à peu dans les établissements
scolaires. Les conclusions d'une mission officielle sur les
« discriminations à l'École » confirment tout l'intérêt que
lui portent les élites républicaines. Aperçu.
Parmi les priorités de l'Éducation nationale figurent « la
prévention et la lutte contre la violence et les
discriminations ». Soucieuse, peut-être, de donner quelque gage
aux ligues de vertu, la Rue de Grenelle avait sollicité la direction
générale de l'Enseignement scolaire au printemps 2009 afin
d'appréhender, plus particulièrement, les « discriminations à
l'École ». Coordonnée par Mme Anne Rebeyrol, la mission créée
à cet effet a présenté ses conclusions le 22 septembre.
De fausses accusations
Synthétisant des témoignages, ce travail « n'est pas étayé
scientifiquement et ne saurait représenter une réalité [...] confirmée
par la rigueur de l'enquête sociologique », préviennent les
rapporteurs. Lesquels prennent le risque de froisser les chantres de
l'antiracisme le plus primaire : tandis que « les enfants
d'immigrés ne semblent souffrir ni de discrimination en matière
d'orientation, ni en matière d'évaluation », ils soulignent que «
les personnels de l'Éducation nationale [...] se trouvent parfois
désarmés face à des accusations de "racisme" souvent infondées, mais
qui sont utilisées pour justifier, par exemple, une mauvaise note à un
devoir ».
Selon leur constat, « intervenir contre l'homophobie en milieu
scolaire est le plus souvent assimilé à un acte de prosélytisme, ce qui
rend l'action difficile et la communauté scolaire frileuse ».
Cependant, « les associations impliquées dans la lutte contre les
LGBT-phobies [sic] s'accordent à reconnaître que le ministère a porté
une attention toute particulière à la question, plus précisément depuis
2008 ». Ce faisant, des réponses douteuses seraient apportées à un
malaise bien réel : « Si, chez les 12-25 ans, les sujets
homo, bi ou transsexuels représentent 6 % de la population
générale masculine, ils constituent 50 % de l'ensemble des garçons
décédés par suicide pour la même tranche d'âge. » « Le
sentiment de honte et de mésestime de soi de nombreux adolescents et
jeunes adultes homosexuels vient du fait, selon les témoignages, que
l'institution scolaire ne leur a jamais présenté l'homosexualité comme
une possible orientation sexuelle parmi d'autres. » Mais
l'homosexualité n'est-elle pas condamnée, quoi qu'il arrive, à une
certaine marginalité ?
Déconstruction
Condamnant le « sexisme », les rapporteurs stigmatisent
« le stéréotype dominant » qui « consiste à penser que
la différence des sexes induit des aptitudes et des intérêts
différents, perçus comme étant l'expression de différences
naturelles ». La testostérone serait donc étrangère au caractère «
sexué » de la violence scolaire : « 77 % des violences
envers autrui ont pour auteur un ou des garçons, contre 18 % par
une ou plusieurs filles. La violence des élèves est majoritairement
portée contre des personnes du même sexe. Cependant, comme les garçons
sont beaucoup plus impliqués que les filles dans les phénomènes de
violence, ils restent majoritaires parmi les agresseurs de filles et
surtout des personnels féminins : les garçons sont ainsi à
l'origine de 54 % des violences commises envers les filles et de
71 % des agressions faites aux femmes travaillant dans le
secondaire public. » Serait en cause le « parcours de virilisation
des petits garçons et de féminisation des petites filles qui, de
manière plus ou moins consciente, innerve l'éducation, forme les
représentations, construit les rapports sexistes et définit les
contraintes du genre ». Sans craindre de déstabiliser les enfants,
les rapporteurs assignent aux établissements scolaires une mission de
« déconstruction des préjugés ». Ainsi l'École devrait-elle
encourager les jeunes filles « à poursuivre leurs trajectoires et
à ne pas minorer leurs ambitions » alors que « l'anticipation d'un
certain fonctionnement de la famille les pousse à des choix de
compromis ».
Les rapporteurs s'inquiètent, enfin, du développement d'« une
culture machiste de jeunes garçons qui ont tendance à occuper l'espace
public ». Tandis qu'ils dénoncent « diverses formes de replis
communautaires », on devine, dans leur collimateur, des
adolescents issus de l'immigration. « L'honneur des garçons de la
cité leur commande de frapper leurs sœurs quand l'honneur français
interdit à un homme de lever la main sur une femme », a résumé
Cyril Bennasar, commentant sur Causeur, le 29 septembre, un documentaire diffusé le soir-même sur Arte.
Hélas, loin de réduire « ce décalage des civilisations »,
l'apologie de la "diversité" contribuera vraisemblablement à
l'entretenir.
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23 septembre 2010
Une communication officielle confirme la prégnance du gender
sur les étires européennes. Aperçu.
La Commission européenne a présenté mardi dernier,
21 septembre 2010, sa
« stratégie pour l'égalité entre les femmes et les
hommes ». On y retrouve les poncifs du féminisme
bruxellois, auquel des considérations économiques servent toujours
d'alibi : « Pour réaliser les objectifs de la
stratégie Europe 2020, à savoir une croissance intelligente,
durable et inclusive, il est impératif de faire appel plus largement et
plus efficacement au potentiel des femmes et à leur réservoir de
talents. » Cela permettrait de « contrebalancer les
effets de l'amenuisement de la population en âge de
travailler », d'autant que « les mesures de
conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée »
auraient « des effets positifs sur la fécondité ».
Mais bien qu'elle prétende stimuler l'activité, la Commission entend
supprimer « les disparités encore présentes dans les droits
aux congés pour raisons familiales, notamment les congés de paternité
et les congés des personnes aidantes ».
« La rigidité des rôles attribués aux femmes et aux
hommes » est fustigée au motif qu'elle « peut
entraver leurs choix et restreindre le potentiel de chacun ».
Or, il serait paraît-il « dans l'intérêt de tous d'offrir aux
femmes aussi bien qu'aux hommes de véritables choix à chaque étape de
leur vie ». D'où la nécessité, selon Bruxelles, de mettre les
hommes aux fourneaux – avant d'offrir des poupées aux petits garçons et
de couper les cheveux de leurs sœurs : « Favoriser
une redéfinition des rôles non discriminatoire dans tous les domaines
de la vie, comme l'éducation, les choix de carrière, l'emploi ou le
sport, est essentiel pour parvenir à l'égalité entre les
sexes. »
On tremble en découvrant combien l'idéologie du genre imprègne
les élites européennes, qui revendiquent à demi-mot la volonté de faire
le bonheur des individus : « beaucoup de
citoyens européens ont vu leur vie prendre un tour meilleur grâce aux
actions en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes menées
par l'Union européenne », affirme-t-on très sérieusement à
Bruxelles.
Les ressortissants des États membres ne sont pas les seuls
concernés : les mêmes préoccupations sont censées influencer
les négociations d'adhésion et la politique de voisinage. « En
outre, l'Union européenne coopérera activement avec les organisations
internationales travaillant à l'égalité comme l'OIT, l'OCDE, l'ONU et
l'Union africaine, pour produire des synergies et favoriser
l'émancipation des femmes, ainsi qu'avec la nouvelle entité "Genre" des
Nations Unies, ONU Femmes, et soutiendra la participation de la société
civile, le renforcement des capacités et la promotion de l'égalité
entre les sexes et de l'émancipation des femmes. » La passion
égalitaire des enceintes multilatérales s'expliquerait-elle par leur
manque de légitimité politique ? Quoi qu'il en soit, nous
sommes prévenus : « La Commission fera de
l'intégration des questions d'égalité entre les hommes et les femmes un
rouage à part entière de l'élaboration de ses politiques. »
NB – Forte de sa nouvelle notoriété, Viviane Reding n'a pas
exclu de promouvoir l'instauration de quotas censés
« améliorer la représentation des femmes aux postes à
responsabilité » : « Vu l'absence de progrès
dans ce domaine, nous pourrions à l'avenir envisager de prendre des
initiatives au niveau européen », a-t-elle déclaré.
« J'ai l'intention de rencontrer durant le printemps 2011 les
directeurs de grandes entreprises européennes cotées en bourse, pour
examiner la situation et envisager les possibilités d'une
autorégulation énergique. En fonction des résultats de ce dialogue avec
les entreprises, j'évaluerai la nécessité de lancer d'autres
initiatives en 2012. »
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22 septembre 2010
L'"affaire" des Roms provoque un vacarme assourdissant. Lundi
dernier, 20 septembre 2010, Toute l'Europe
a évoqué « l'une des plus graves crises ayant opposé la France
et la Commission européenne ». Ne serait-elle pas surtout
l'une des plus théâtralisées ?
Jouant la vierge effarouchée, Viviane Reding a quelque peu
tardé à endosser son rôle. Intervenant
le 7 septembre devant le Parlement européen réuni à
Strasbourg, elle avait ménagé le gouvernement français, après avoir
souligné la responsabilité des États membres – « en charge de
l'ordre public et de la sécurité de leurs citoyens » – et fixé
des limites au principe de libre circulation. Ce faisant, le
commissaire luxembourgeois s'était attiré les foudres des eurodéputés.
Viviane hausse le ton
De retour à Bruxelles, Mme Reding a changé de
ton : « J'ai été personnellement choquée par des
circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées
d'un État membre uniquement parce qu'elles appartiennent à une certaine
minorité ethnique », a-t-elle
déclaré le 14 septembre. « Je pensais que
l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la
Seconde Guerre mondiale. [...] Je regrette profondément que les
assurances politiques données par deux ministres français [soient]
maintenant ouvertement contredites par une circulaire administrative de
ce même gouvernement. Le rôle de la Commission en tant que gardienne
des Traités est rendu extrêmement difficile si nous ne pouvons plus
avoir confiance dans les assurances données par deux ministres lors
d'une réunion formelle avec deux commissaires et en présence de quinze
fonctionnaires de haut niveau de part et d'autre de la table. Vu
l'importance de la situation, il ne s'agit pas d'un affront mineur.
Après onze ans d'expérience à la Commission, je dirais même plus, c'est
une honte. »
Comment expliquer cette participation soudaine au bal des
hypocrites, sinon par la prégnance des rivalités institutionnelles et
la volonté de flatter les parlementaires, rendus incontournables par
l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, après avoir été cantonnés,
des années durant, à l'adoption de résolutions ? Qu'importe la
mention des Roms dans la circulaire diffusée place Beauvau, nul n'étant
dupe de la situation résumée
par Xavier Laborde : « Les Roms
franchissent les frontières pour des raisons de discrimination en tant
que communauté, s'installent dans des camps où ils vivent entre eux, se
trouvent donc tous ensemble dans la même situation au regard du droit
au séjour, mais l'État devrait traiter leur cas individuellement, comme
s'ils étaient venus un par un ? » En vérité, comme
l'a rappelé Jean Quatremer, « la plupart des pays
européens mènent la même politique que la France à l'égard des Roms qui
ne sont les bienvenus nulle part [...] mais en évitant la rhétorique un
tantinet xénophobe employée par la droite française. L'Allemagne vient
ainsi de signer un accord avec le Kosovo prévoyant le rapatriement de
douze mille Roms – dont cinq mille enfants – réfugiés chez elle souvent
depuis plus de dix ans. Autrement dit, Paris n'est somme toute coupable
que d'avoir dit – brutalement - tout haut ce que les autres font tout
bas. »
Cela relativise l'isolement de la France, à laquelle seul
Silvio Berlusconi a apporté son soutien lors du Conseil européen du
16 septembre. Le président de la République est accusé d'avoir
vivement interpellé José Manuel Barroso ce jour-là – ce dont il
s'est défendu avec un certain humour :
« S'il y a bien quelqu'un qui a gardé son calme et qui s'est
abstenu de commentaire excessif, c'est bien moi », a-t-il
assuré lors
d'une conférence de presse. « Je ne souhaite pas
polémiquer », a-t-il annoncé à nos confrères, avec une
mauvaise foi à peine dissimulée. Affirmant que son « devoir de
chef de l'État, c'est de défendre la France », il a fustigé à
moult reprises les « raccourcis historiques » que
Mme Reding avait entretemps regrettés. Sans doute ses
homologues auront-ils été contrariés, sinon exaspérés, par
l'instrumentalisation d'un sommet européen à des fins de propagande
intérieure. Ces gesticulations ne sont pas de nature à asseoir la
crédibilité internationale de la France : « au
final », résume
Nicolas Gros-Verheyde, celle-ci « a beaucoup parlé,
mais peu convaincu et beaucoup irrité ».
Une posture gaullienne ?
Christian Lequesne a esquissé une analogie avec la "crise de
la chaise vide" survenue en 1965 : « Le général
De Gaulle fustigeait à l'époque les "technocrates apatrides"
de Bruxelles, a-t-il
expliqué à Clémentine Forissier. Selon cette vision, seuls
les responsables gouvernementaux sont au fait des politiques publiques.
C'est un peu le message actuel de l'UMP. D'une certaine manière, il ne
reste rien de l'héritage gaulliste à l'UMP, sauf le discours sur
l'Europe. » La production n'a plus la même envergure, mais
dans chacun des cas, effectivement, la France fait son cinéma. Pierre
Lellouche se serait même risqué à justifier ce numéro
d'esbroufe : « son coming out souverainiste
était nécessaire pour rassurer les Français inquiets de l'ingérence de
l'exécutif européen dans les affaires intérieures
françaises », aurait-il
confié en substance à notre confrère Jean Quatremer.
Au-delà, « cette attitude de la France témoigne,
selon l'analyse de Christian Lequesne, d'une conception
strictement intergouvernementale de ce que doit être l'Europe. En
d'autres termes, il ne faut surtout pas d'intervention de la part de la
Commission et du Parlement. [...] Les Français ont interprété la
présidence française de l'UE au deuxième semestre 2008 comme un grand
succès. Mais à Bruxelles, la vision n'est pas tout à fait la même.
Certes le leadership français a été reconnu, mais
la France a aussi été très critiquée pour être passée systématiquement
en force sur les procédures. »
Le débat opposant les méthodes communautaire et
intergouvernementale est inscrit dans les gènes de l'Union européenne,
mais peut-être a-t-il été relancé à la faveur de la Crise, voire de
l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne – deux facteurs ayant
visiblement conforté la primauté du Conseil européen réunissant les
chefs d'État ou de gouvernement. En dépit du tropisme fédéraliste
inhérent à sa nationalité, et bien qu'il use d'une pirouette
sémantique, son président dorénavant "permanent", Herman Van Rompuy,
semble loin de s'en offusquer : « L'Europe ne s'est
jamais faite contre les nations, a-t-il
observé lundi, lors d'une visite à Paris. Si les politiques
nationales assument une grande place dans notre Union, pourquoi cela ne
la renforcerait pas ? En un mot : non pas
renationalisation de la politique européenne, mais européisation de la
politique nationale ! [...] Souvent le choix n'est pas entre
la méthode communautaire et l'intergouvernemental, mais entre une
position européenne coordonnée ou rien du tout. »
Perspectives
Dans ces contions, les menaces brandies par
Mme Reding seront-elles mises à exécution ?
« Je suis personnellement convaincue que la Commission n'aura
pas d'autre choix que celui d'ouvrir une procédure d'infraction à
l'encontre de la France, sur la base de deux motifs, a-t-elle averti.
Le premier : application discriminatoire de la directive sur
la libre circulation. Le second : défaut de transposition des
garanties procédurales et matérielles prévues par la directive sur la
libre circulation. » La mécanique européenne peut souffrir des
rivalités au sein du triangle institutionnel, mais non des hostilités
ouvertes, dont les institutions les plus fédérales seraient d'ailleurs
les premières à pâtir.
« Paris veut calmer le jeu », annonce
d'ores et déjà Euractiv.
« La France a agi et continuera d'agir dans le strict respect
du droit européen », avait encore répété, jeudi dernier, le
président de la République, avant d'entrouvrir une porte de
sortie : « En vérité, je pense que la Commission et
nous, nous sommes sur la même position. Les choses vont revenir dans la
normale et s'il n'y avait pas eu ces propos outranciers, ceci aurait
été géré tout à fait normalement. La Commission est dans son rôle en
posant des questions, en regardant si l'esprit et la lettre des traités
sont respectés. [...] S'il s'avérait que dans la transposition, les
gouvernements qui nous ont précédé, comme le nôtre, aient commis des
erreurs [...], mais naturellement qu'on les corrigerait. »
Peut-être Bruxelles va-t-il accélérer la procédure entamée de
longue date à ce sujet. Il nous paraîtrait raisonnable qu'il s'en
contente : ainsi Mme Reding pourrait-elle
s'enorgueillir d'avoir engagé ses poursuites, tandis que Nicolas
Sarkozy soulignerait, à
la suite du représentant permanent de la France auprès de l'UE,
que « Bruxelles avait dans son collimateur la quasi-totalité
des États membres en ce qui concerne la directive de 2004 »...
Les paris sont ouverts !
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21 septembre 2010
Le chef d'état-major des armées lance un avertissement aux
stagiaires du CID – voire à la France toute entière.
S'inscrivant dans la continuité de son prédécesseur, l'amiral
Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA), récuse manifestement tout
angélisme. « Le spectre de la guerre ne peut être
écarté », a-t-il
prévenu le 15 septembre 2010, « la seule
question étant la forme qu'elle prendra, de la crise hybride, voire
baroque, au conflit majeur ».
S'adressant aux stagiaires du Collège interarmées de défense
(CID) – qu'il préfère désigner sous son appellation traditionnelle,
« l'École de guerre » –, il a décrit un monde
« complexe et incertain à tendance chaotique et
inquiétante », « lourd de "frictions potentielles"
avec des champs d'affrontements nombreux dont certains sont encore
insuffisamment maîtrisés », tels le cyberespace et l'espace
exo-atmosphérique.
Les rapports de puissance demeurent, selon lui, « la
matrice des relations internationales » :
« Si la mondialisation transforme la forme de ces rapports, la
puissance militaire est un des facteurs clés de la puissance. Pour s'en
convaincre, il suffit de constater la hausse exponentielle des
budgets de défense dans le monde ; plus de
6 % rien qu'en 2009 ! Seuls les pays européens font
exception. Peut-être capitalisent-ils trop sur leur expérience unique
de paix continentale acquise au prix fort des deux conflits mondiaux et
de la Guerre froide ? » En tout cas, « pour
la première fois depuis la Renaissance, les puissances occidentales,
notamment européennes, pourraient perdre leur suprématie militaire dans
l'horizon des trente prochaines années ».
« Dans un monde accéléré souvent déformé par la
pression des perceptions que génère l'information
mondialisée », la France et ses armées devront assumer, entre
autres défis identifiés par le CEMA, « la guerre irrégulière,
la guerre asymétrique celle que certains ont pu appeler la guerre de
quatrième génération ou la guerre de perceptions. Ce sont des guerres
où l'ennemi cherche à atteindre directement le cœur du système adverse,
son ultime centre de gravité qui est sa volonté politique.
Elles confirment la définition initiale de la guerre par
Clausewitz : un affrontement des volontés. Mais contrairement
à la guerre de Clausewitz qui est une guerre westphalienne, une guerre
d'affrontements classiques, une guerre sur un modèle européen, la
guerre qui s'impose à nous est désormais plus globale que
totale. » Les journalistes et autres faiseurs d'opinion auront
un rôle à y jouer... Puissent-ils se montrer responsables !
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16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Paris et Londres promettent d'accroitre leur coopération en
matière de défense. Quelques perspectives se dessinent effectivement,
mais les réalisations ne seront sans doute pas à la mesure de
l'enthousiasme affiché par les politiques.
L'Entente cordiale va-t-elle se reconstituer à la faveur de la
Crise ? Le vendredi 3 septembre 2010, Hervé Morin a
reçu à Paris Liam Fox, son homologue britannique. Dans un contexte
économique difficile, tandis que Londres achève la revue stratégique de
sa politique de défense, les ministres se seraient dits
« prêts à développer leur coopération bilatérale avec
l'objectif de mutualiser plusieurs équipements militaires »,
selon un communiqué diffusé par l'hôtel de Brienne.
Convergence de vues
Afghanistan, lutte contre le terrorisme, soutien au Pakistan,
lutte contre la piraterie, Kosovo, Proche-Orient, Iran, Géorgie... La
France et le Royaume-Uni « ont une très grande concordance de
vues sur tous les dossiers majeurs », ont observé les
sénateurs Josselin de Rohan et Daniel Reiner dans un rapport enregistré
le 9 juillet. Lors de leur rencontre, les ministres ont
confirmé, notamment, leur volonté commune de réformer l'Alliance
atlantique avec comme objectifs « une réduction de la
bureaucratie, un contrôle budgétaire plus accru, la diminution des
états-majors ». De part et d'autre de la Manche, entre chacune
des trois armées, les relations seraient
« excellentes » ; leur collaboration se
serait « indiscutablement renforcée » depuis le
sommet de Saint-Malo de 1996, si l'on en croit les parlementaires. En
juillet 2009, par exemple, des procédures de "soutien mutuel outre-mer"
ont été définies, permettant à l'un des pays d'utiliser, si nécessaire,
les installations de l'autre. En février dernier a été signé un accord
pour opérer en commun des acquisitions d'urgence. Depuis quatre ans, un
"groupe de haut niveau" promeut la coopération en matière d'armement.
Mais concernant les programmes, le bilan s'avère
« mitigé » aux yeux des rapporteurs. Le journaliste
Jean-Dominique Merchet l'a confirmé : « Si l'on
exclut l'aventure, coûteuse et chaotique, de l'A400M, le seul domaine
de coopération est celui des missiles de MBDA [une entreprise
franco-britannique], avec l'Aster et le Météor, qui sont des programmes
déjà bien engagés. La suite pourrait être prise par le missile tactique
naval, si les budgets le permettent. » (Secret
Défense, 14/09/2010)
« Sur les tankers, le maintien en condition
opérationnelle de l'A400M et les moyens navals, nous pouvons aller vers
plus de mutualisation », a annoncé Hervé Morin. L'utilisation
commune de pétroliers-ravitailleurs et autres navires de soutien
serait, selon notre confrère, l'une des pistes « les plus
sérieusement explorées par les états-majors des deux pays ».
D'autant que des bâtiments sont appelés à une renouvellement prochain
dans chacune des flottes : « D'où l'idée d'étudier
s'il ne serait pas possible de faire quelque chose en commun. »
Un député sans tabou
N'ayant « aucun tabou », le député Hervé
Mariton a confié à Romain Rosso qu'il ne lui paraissait « pas
inconcevable d'avoir, dans l'avenir, un outil militaire (avion ou
bateau), qui porte alternativement les couleurs de la France et celles
du Royaume-Uni » (L'Express, 03/09/2010).
L'Union Jack va-t-il bientôt flotter sur le
Charles-de-Gaulle ? La presse britannique
l'a plus ou moins
envisagé, non sans émoi. Aussi Liam Fox a-t-il mis fin aux rumeurs en
jugeant « irréaliste » le partage des porte-avions.
En pratique, cela s'avérerait d'autant plus délicat que les
porte-aéronefs britanniques seraient incapables d'accueillir les
Hawkeye français, ces avions dédiés à la surveillance aérienne dont la
carlingue est coiffée d'une sorte de soucoupe. Si l'affaire a fait
grand bruit, elle restera évidemment sans lendemain. « La
coopération peut aussi toucher les questions liées à la
dissuasion », a prévenu Hervé Mariton. Le cas échéant, elle
sera vraisemblablement menée en toute discrétion. En outre, il faudra
compter avec la "relation spéciale" que Londres entretient avec
Washington : rappelons que les marins français ne sont pas
autorisés à pénétrer dans la partie arrière des sous-marins britannique
armés de missiles Trident américains.
Partenaire privilégié de la France, le Royaume-Uni n'en reste
pas moins en marge du Commandement européen du transport aérien (EATC),
inauguré le 1er septembre sur la base néerlandaise
d'Eindhoven. « Le fonctionnement peut être comparé à un
covoiturage », selon les explications de la Défense
nationale : « Par exemple, lorsqu'un avion français
se rend en Afghanistan, il peut revenir avec des soldats allemands, ce
qui évite un voyage à vide. » La France participe au projet
aux cotés de l'Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas, avec des
avions de transport tactique de type Hercules, Transall, Casa, et
stratégique de type Airbus – soixante appareils au total. « Le
processus opérationnel reste similaire à celui qui était en vigueur
jusqu'à présent, si ce n'est qu'au lieu de déclencher les missions
depuis [...] Villacoublay, elles se déclencheront à partir d'Eindhoven.
Les appareils sont toujours répartis sur leurs bases aériennes
respectives, mais ce sera bien l'EATC qui se chargera de la
planification, du tasking des aéronefs et de la conduite des
missions. »
Covoiturage militaire
L'EATC sera en mesure de conduire des missions de transport à
compter du 31 décembre prochain, avant d'atteindre sa pleine
capacité opérationnelle en juillet 2013. C'est un premier pas dans la
direction tracée par Pierre Lellouche le 27 aout :
« Face au "mur budgétaire" incontournable qui est devant nous,
les Européens n'ont d'autre choix qu'entre, d'une part, une approche
résolument nouvelle, s'appuyant sur le partage des tâches et des
compétences, et, d'autre part, un réflexe suicidaire de protection de
ce qui subsiste encore, ici ou là, de leur industrie de défense, avec
le risque très réel de disparition de la capacité industrielle
européenne dans ce domaine. Il est donc indispensable de passer d'une
logique de "coopération à l'ancienne", fondée sur le "juste retour",
des coûts exorbitants et la duplication inutile de matériels, à une
logique radicalement nouvelle : celle du partage des capacités
et de la spécialisation des compétences. » De son côté, Hervé
Morin entend créer avec le Royaume-Uni « des liens extrêmement
forts menant vers une interdépendance » (Euractiv
06/09/2010). Le discours du ministre tranche quelque peu avec celui de
MM. de Rohan et Reiner, pour qui « la coopération
France-Royaume-Uni est un élément fondamental et indispensable de notre
souveraineté et de notre indépendance militaire, c'est-à-dire aussi de
l'autonomie de notre politique étrangère ».
Les politiques ont beau fantasmer en agitant à tous crins
l'étendard de la « mutualisation », ils devront
compter avec les réalités. Si nécessaire, les militaires les leur
rappelleront. Partisan convaincu, lui aussi, de l'alliance avec les
Britanniques, l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées, ne
préfère-t-il pas parler d'« optimisation » ?
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16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Paris s'abrite derrière Bruxelles pour accroitre la TVA sur le
"triple play".
Les offres "triple play", combinant accès à Internet,
téléphone et télévision, bénéficient en France d'un taux de TVA réduit
(5,5 %) sur la moitié de la facture – un taux par ailleurs
appliqué intégralement sur les bouquets de télévision proposés,
indépendamment de tout autre service, sur le câble ou le satellite.
Bruxelles s'en était inquiété au printemps dernier, adressant
à Paris une lettre de mise en demeure dont La Tribune
s'était fait l'écho le 23 avril : « La Commission
européenne, qui agit suite à la plainte d'un particulier, estime que ce
régime viole pas moins de sept articles de la directive sur la
TVA », rapportait alors Jamal Henni. « Premier
problème : les FAI [fournisseurs d'accès à Internet]
appliquent la TVA réduite à quasiment tous leurs abonnés ADSL, "y
compris dans les cas où les FAI savent pertinemment que la télévision
n'est pas susceptible d'être utilisée par l'abonné". [...] Dans ces
cas-là, la TVA réduite s'applique à l'internet et au téléphone, ce qui
viole la directive européenne qui octroie la TVA réduite uniquement à
la TV. En outre, [...] la TVA réduite est appliquée de manière
forfaitaire, alors que la directive stipule que deux taux différents ne
peuvent être appliqués que lorsqu'il y a deux prestations bien
"distinctes". »
Interrogée par l'AFP le vendredi 10 septembre, la
Commission européenne s'est défendue d'avoir demandé à la France
d'appliquer un taux standard (19,6 %) à l'intégralité du
forfait. Peut-être sa mise en demeure était-elle censée identifier de
façon exhaustives les infractions potentielles, sans préjuger des
conclusions du dialogue qu'il lui appartenait d'engager avec Paris.
Opportunisme
D'abord « plongé dans un profond embarras »,
selon notre confrère de La Tribune, le
gouvernement français semble avoir saisi l'opportunité qui lui était
offerte de raboter une "niche fiscale" tout en imputant à Bruxelles
l'impopularité d'une telle responsabilité. Dans cette affaire, en
effet, il témoigne d'un zèle inhabituel. « La pression
européenne qui est mise en avant constitue un faux prétexte pour une
fausse urgence » aux yeux de Philippe Bailly, qui observe sur
son blog que « si l'expression "mise en demeure" peut
apparaître impressionnante, elle ne désigne en fait en langage
bruxellois que le premier stade de la procédure entre la Commission et
un État membre ; pas plus à ce stade qu'une simple demande
d'information. Les fonctionnaires de Bercy le savent mieux que
quiconque, puisqu'il se sera écoulé plus de quatre ans entre la
première "mise en demeure" de la Commission sur l'ouverture du secteur
des paris en ligne, et le vote de la loi qui y pourvoyait au printemps
dernier... »
Cela n'est pas le moindre intérêt de l'UE pour les
politiques : elle leur fournit régulièrement un alibi.
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16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Le Parlement européen n'a pas manqué d'invectiver Paris pour
sa politique à l'égard des Roms. Aperçu des débats ayant précédé
l'adoption d'une résolution présentée par les gauches européennes.
Déjà confrontée aux remontrances du Comité des Nations Unies
pour l'élimination de la discrimination raciale, aux outrances du
commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, aux
interrogations de la Commission de Bruxelles, la France a été
mise en cause par le Parlement européen le jeudi 9 septembre.
Dans une résolution adoptée par 337 voix contre 245, avec
51 abstentions, celui-ci prie « instamment »
Paris « de suspendre immédiatement toutes les expulsions de
Roms », et « s'inquiète vivement [...] de la
rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire qui a marqué le
discours politique au cours des opérations de renvoi ».
Schizophrénie
L'assemblée fustige également « la réaction tardive
et réservée de la Commission », dont Hélène Flautre a
interpellé le représentant, la Luxembourgeoise Viviane
Reding : « Il est totalement sidérant, a-t-elle
déclaré au nom du groupe Verts-ALE, qu'après les différents entretiens
que vous avez pu avoir [...] vous en soyez à ce niveau de constat,
c'est-à-dire de non-constat des violations objectives qui ont été
commises par le gouvernement français. » D'autres députés
français ont encouragé l'hémicycle à condamner leur pays, telles
Catherine Grèze (Verts-ALE) et Sylvie Guillaume (Socialistes &
Démocrates). À l'opposé, Jean-Pierre Audy (PPE) s'est fait l'apôtre de
la sécurité, affirmant qu'« il ne peut pas y avoir de liberté
sans ordre ».
Raillant l'"europhilie" traditionnelle de la France, le
Britannique Gerard Batten a soutenu que les Roms y avaient été
« invités », puisque « chaque citoyen
européen a le droit de vivre dans un autre État membre ».
Qu'en est-il exactement ? Certains rappels ne seront pas
superflus si l'on en croit Bruno Gollnisch, « stupéfait [...]
de la méconnaissance juridique de [ses] collègues qui ont oublié que
les citoyens de l'Union européenne d'Europe centrale et orientale n'ont
pas encore le droit définitif d'établissement sur notre
territoire ».
Le point sur le droit
Jusqu'au 1er janvier 2014, en effet, Paris pourra
continuer d'exiger des migrants bulgares et roumains qu'ils
détiennent un titre de séjour pour exercer une activité professionnelle
en France, voire une autorisation de travail, dont la demande, à la
charge de l'employeur, est instruite par la Direction départementale du
travail, de l'emploi et de la formation professionnelle,
« notamment après vérification de la situation de l'emploi
dans la profession pour laquelle la demande est formulée »,
selon la Direction de l'information légale et administrative. D'une
façon générale, pour un séjour de trois mois au plus, les citoyens de
l'Union européenne ont pour seule obligation d'être en possession d'un
document d'identité ou d'un passeport en cours de validité. Au-delà,
ils sont tenus d'exercer une activité économique en qualité de
travailleur, salarié ou non, ou bien de disposer de ressources
suffisantes et d'une assurance maladie. L'ordre, la sécurité et la
santé publics peuvent être invoqués pour limiter le droit d'entrée et
de séjour. En outre, selon la législation européenne en vigueur,
« les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires
pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la présente
directive en cas d'abus de droit ou de fraude ».
Que chacun balaie devant sa porte
Voilà qui devrait alimenter les polémiques où interviendront
juristes et politiciens... Pour clore ce débat parlementaire, signalons
l'intervention relativement mesurée de Marielle De Sarnez (ALDE), pour
qui « chacun doit balayer devant sa porte, à commencer par les
pays d'origine, où doit être menée une politique d'intégration plus
efficace, les Roms y étant trop souvent laissés pour compte,
marginalisés. Cela doit changer. Les pays d'accueil, également, où les
responsables politiques – je pense à l'Italie, hier, ou à la France,
mon pays, aujourd'hui – ont trop souvent donné le sentiment de montrer
du doigt, de stigmatiser une communauté tout entière et d'en faire le
bouc émissaire facile de toutes les craintes et de toutes les peurs.
Cela n'est pas acceptable. L'Union ne peut tolérer aucune politique
discriminatoire. L'Union européenne, enfin, qui n'a pas pris la
véritable mesure de cette question au moment de l'élargissement. Les
milliards dépensés n'ont en rien amélioré la situation quotidienne des
Roms. Il faut rattraper le temps perdu, mettre en place un plan
d'intégration de grande ampleur impliquant la Commission, les États
membres et les collectivités locales qui, trop souvent, se substituent
à l'État pour l'accueil des Roms. » Vaste programme.
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16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
La réforme des retraites présentée par le gouvernement pare au
plus pressé, sans apporter aucune garantie structurelle à long terme.
Prisonnière de ses vices, la République préfère entretenir la perfusion
de l'État providence.
L'Assemblée nationale poursuit l'examen du projet de loi
portant réforme des retraites, dont elle a adopté vendredi la mesure
phare, le relèvement de deux ans de l'âge légal de départ à la
retraite. « Travailler un peu plus longtemps »,
c'est, aux yeux du président de la République, « la voie la
plus raisonnable, celle que tous les autres pays ont choisie et celle
que le gouvernement a retenue car nous vivons plus longtemps :
depuis 1950, nous avons gagné quinze ans d'espérance de vie ».
Un coup politicien
Nicolas Sarkozy a donc changé d'avis, comme le rappelait Libération
le 26 mai, vidéos à l'appui. La conséquence d'un sens des
responsabilités plus affuté que par le passé ? « Le
devoir du chef de l'État n'est pas d'ignorer les difficultés ou de
laisser à ses successeurs le soin de les régler », a-t-il
déclaré le 8 septembre. « C'est au contraire de
regarder la situation en face et d'y apporter des réponses durables et
justes. » Dans le costume du président, cependant, c'est
toujours un politicien qui sévit. Lequel semble bien décidé à se
repositionner à droite dans la perspective de 2012 – le "coup" des Roms
en témoigne.
Cet animal politique aurait-il, une fois de plus, manœuvré la
gauche à sa guise ? En s'attaquant au vestige mitterrandien
des "soixante ans", il a « clivé » le paysage
politique, selon l'expression d'Henry de Lesquen (Radio
Courtoisie, 13/09/2010), suscitant des protestations qui lui
assureront peut-être, par réaction, la fidélité de son
électorat. Une démarche à l'opposé de celle qui prévalut en Suède, où
la recherche d'un consensus avait présidé, des années durant, à la
réforme des retraites. Alors que des milliers personnes venaient de
défiler dans les rues, le président n'a pas manqué de souligner
« le bon fonctionnement » du "service minimum" dans
les transports, saluant par ailleurs des organisations syndicales qui
« sont dans leur rôle lorsqu'elles appellent à des
manifestations ou à des grèves ». La Crise nourrissant la
résignation, la partie semble jouée d'avance, suivant des règles
dictées par les marchés financiers.
Le poids de la dette
« À l'heure où une pension sur dix est financée par
de la dette, nous devons assurer aux Français que leurs retraites et
celles de leurs enfants seront payées », a prévenu le chef de
l'État. Ce faisant, bien qu'on le dise peu porté sur la "rigueur", il
entend vraisemblablement rassurer les investisseurs quant à la capacité
de la France à assainir ses finances publiques. Et donc la prémunir
d'un renchérissement du coût de la dette, dont le service représente
d'ores et déjà une charge écrasante – le deuxième poste budgétaire de
l'État !
Aussi le gouvernement se devait-il de parer au plus pressé.
Hélas, il s'en est contenté : bien qu'il nous promette le
retour à l'équilibre des régimes de retraite en 2018, son projet de loi
ne présente aucune garantie structurelle. Jugeant la réforme
« injuste et inadaptée », le mouvement d'Action
française a d'ailleurs manifesté quelque solidarité à l'égard des
protestations syndicales... Versant dans un autre registre – différent
mais complémentaire ! –, Alain Madelin a dénoncé
« une hérésie sociale et économique », déplorant que
soient mélangées fiscalité et retraites (BFM,
07/09/2010). Soucieux de se racheter une apparence de conscience
sociale, le gouvernement s'est vanté d'inclure dans son bricolage,
entre autres mesures, la hausse d'un point de la tranche la plus élevée
de l'impôt sur le revenu (41 % au lieu de 40 aujourd'hui) –
sans prise en compte dans le calcul du bouclier fiscal, décidément bien
fragile. Par ce biais, il maintient les partenaires sociaux sous la
tutelle de l'État. Or seule l'implication des bénéficiaires dans la
gestion de leurs propres retraites permettrait d'en assurer la
pérennité.
Une retraite à la carte
L'ancien ministre de l'Économie prône la retraite par points,
un système plus simple et plus équitable – « à cotisations
égales, retraites égales » –, mais aussi plus
responsabilisant. Le député MPF Dominique Souchet s'en est fait
l'avocat devant l'Assemblée nationale, soulignant qu'il permettrait
« à chacun de choisir en toute connaissance de cause la date
de son départ et le montant de la pension qu'il percevra en fonction de
la date retenue » (Le Salon Beige,
08/09/2010). Telle est la possibilité offerte aux Suédois, qui peuvent
partir à la retraite entre soixante et un et soixante-sept ans.
« Il n'y a pas de durée de cotisation minimale. Les citoyens
de ce pays disposent d'un compte virtuel où ils accumulent des points
au long de [leur] carrière. Les Suédois reçoivent annuellement une
lettre qui leur indique le montant de leur pension. Celui-ci est
calculé en fonction de l'espérance de vie, de la croissance économique
et du respect de l'équilibre financier du système. Les Suédois peuvent
partir avant, mais leur retraite sera alors moins
importante. » (Euractiv 07/09/2010)
Un État diététicien
Loin de s'inspirer d'un tel modèle, le président et son
gouvernement ont donc choisi d'entretenir la perfusion de l'État
providence. Pour preuve, Matignon a délibérément communiqué, le
2 septembre, sur l'extension aux collèges et lycées de
l'opération "Un fruit pour la récré". Peut-être cette initiative
répond-elle à un enjeu de santé publique, mais elle témoigne de la
dispersion de l'action publique et de de l'inclination de la République
à prendre chaque citoyen par la main, avec les conséquences que l'ont
sait : la fabrication des allumettes ininflammables raillées
jadis par Maurras, ou l'ouverture des universités à des bacheliers
illettrés.
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8 septembre 2010
Bien qu'elle tolère la réglementation des jeux de hasard et
autres paris aux Pays-Bas ou en Suède, la
Cour de Justice de l'Union européenne fustige les pratiques
ayant cours outre-Rhin.
« La Cour rappelle que les États membres disposent
d'une large marge d'appréciation pour fixer le niveau de protection
contre les dangers émanant des jeux de hasard. Ainsi, et en l'absence
de toute harmonisation communautaire en la matière, ceux-ci ne sont pas
tenus de reconnaître les autorisations délivrées par d'autres États
membres dans ce domaine. Pour les mêmes raisons et eu égard aux risques
que présentent les jeux de hasard sur Internet par rapport aux jeux de
hasard traditionnels, les États membres peuvent également interdire
l'offre des jeux de hasard sur Internet. »
À ses yeux, cependant, « la réglementation allemande
ne limite pas d'une manière cohérente et systématique les jeux de
hasard. En effet, d'une part, les titulaires des monopoles publics se
livrent à des campagnes publicitaires intensives en vue de maximaliser
les profits résultant des loteries en s'éloignant ainsi des objectifs
justifiant l'existence de ces monopoles. D'autre part, s'agissant des
jeux de hasard, tels que les jeux de casino et les jeux automatisés,
qui ne relèvent pas du monopole public mais présentent un potentiel de
risque d'assuétude supérieur aux jeux soumis à ce monopole, les
autorités allemandes mènent ou tolèrent des politiques visant à
encourager la participation à ces jeux. Or, dans de telles
circonstances, l'objectif préventif de ce monopole ne peut plus être
efficacement poursuivi si bien que celui-ci cesse de pouvoir être
justifié. »
Autrement dit, l'Allemagne manque de pudeur tandis qu'elle
exploite sa vache à lait...
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2 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Tandis que les soldats français continuent de tomber en
Afghanistan, les autorités semblent vouloir se prémunir de la défiance
de l'opinion publique... Du reste, la coopération civile n'est-elle pas
« une coûteuse illusion » ?
Lundi dernier, 30 août 2010, l'adjudant Hervé Enaux,
du 35e régiment d'infanterie de Belfort, est décédé en
Afghanistan, après que son VAB (véhicule de l'avant blindé) fut tombé
dans un ravin dans la vallée d'Uzbin. Âgé de trente-cinq ans, il était
marié et père d'un petit garçon de trois ans. Sept jours plus tôt, le
lieutenant Lorenzo Mezzasalma et le caporal Jean-Nicolas Panezyck,
appartenant au 21e régiment d'infanterie de marine de Fréjus,
avaient été tués par balles au sud de Tagab. Tandis qu'il prononçait
leur hommage funèbre, le président de la République a affirmé qu'il
portait en lui « la tragédie de chacune de ces vies
interrompues dans la fleur de l'âge ». Il a assuré
que leur souvenir renforçait « en chacun de nous la
détermination à poursuivre notre engagement au service de la
France », qui restera en Afghanistan « aussi
longtemps que nécessaire ».
Discours de fermeté
Ce discours de fermeté semble s'inscrire dans une
contre-offensive médiatique entamée par les autorités militaires après
la "sotie" du général Desportes. Il faut compter, en effet, avec la
défiance de l'opinion publique : alors que les Néerlandais ont
opéré leur retrait le mois dernier, la tentation de les imiter
gagnerait du terrain en Finlande (Bruxelles 2,
24/08/2010). La crainte d'une "contagion" à la France explique
peut-être l'intensification de la communication observée sur les sites
Internet de la Défense nationale, où les opérations humanitaires sont
d'ailleurs quelque peu éclipsées par des articles traitant de questions
plus militaires. Le 17 août, par exemple, l'État-major des
armées a mis en exergue, vidéo à l'appui, « trois tonnes de
munitions saisies grâce à la population ». Le 24, il a rendu
compte du quotidien des soldats engagés en Kapisa :
« Dans la matinée deux soldats sont blessés, l'un assez
sérieusement doit être brancardé. Sur plus d'un kilomètre d'un vrai
parcours du combattant, refaisant le chemin dans l'autre sens,
transportant leur camarade blessé qui fait bonne figure dans son
brancard souple, les soldats grimacent dans l'effort en sautant fossés
et murets, se relayent, se postent quand des rafales claquent
puis repartent au milieu des vergers ne cessant jamais leur effort.
Dans l'extrême chaleur de midi, les fronts ruissellent, les chemises ne
sont plus que sueur sous les gilets pare-balle qui semblent un peu
moins lourds depuis qu'ils ont sauvé la vie de deux
camarades. »
La preuve est ainsi donnée que tous nos soldats n'ont pas été
reconvertis au service des ONG ! Sans doute sont-ils
d'ailleurs en partie destinataires de ces messages. Faut-il, cependant,
mépriser la coopération civile en Afghanistan ? Le
budget que lui consacre Paris est passé de 20 à
40 millions d'euros environ entre 2008 et 2009. Autant
d'argent investi dans des programmes censés « faciliter la
reprise du dialogue entre les population locales [...] et les autorités
nationales » et « concourir à l'acceptation de la
présence des troupes, en répondant rapidement aux besoins essentiels de
personnes habitant des zones à caractère essentiellement rural et
agricole », selon les explications d'Amaury de Féligonde,
auteur d'une
étude publiée par l'IFRI.
Efficacité limitée...
Sont combinées actions à impact immédiat (distribution à
grande échelle d'intrants agricoles, programme de santé infantile) et
opérations à moyen ou long terme (lancement d'activités avicoles ou
piscicoles d'une part, assistance des conseils municipaux ou
infrastructures lourdes d'autre part). « Leur efficacité est
toutefois limitée par la persistance au sein de la communauté
internationale, d'une triple illusion, selon laquelle l'aide serait
toujours bénéfique et souhaitée par une population considérée à tort
comme homogène et à laquelle on prétend imposer des normes ou des
"bonnes pratiques" censées résoudre le problème de la
corruption. »
Moult acteurs négligeraient la "capacité d'absorption" des
bénéficiaires de l'aide au développement. Laquelle « introduit
systématiquement des déséquilibres, potentiellement
destructeurs », et suscite souvent des tensions. Ainsi le
contrôle des tracteurs fournis par un projet de coopération français
a-t-il provoqué des altercations entre chefs tribaux... L'auteur met en
garde contre la multiplication « des mendiants
corrompus » et fustige « un ministre qui, médecin,
insiste pour que des projets de santé soient systématiquement financés
dans les régions qu'il visite ». « Dans ce contexte
instable, où le futur n'est pas garanti », il lui semble
« étonnant de constater que deux errements ont la vie dure.
L'un concerne la volonté de créer à tout prix des unités industrielles.
[...] L'autre erreur a trait aux exportations, qu'il faudrait
s'efforcer de favoriser. [...] Il se trouve ainsi que nombre de
produits agricoles [...] sont achetés sur pied par des intermédiaires
pakistanais, et stockés au Pakistan, faute de circuits, d'organisation,
de capacités de stockage locaux, le temps d'être revendus, hors saison,
en Afghanistan. »
Il conviendrait de favoriser au maximum l'"afghansiation" des
projets. En la matière, la France fait plutôt figure d'exemple, puisque
les équipes qu'elle déploie comptent 95 % de personnels
locaux, y compris parmi les chefs de projet. Pour la construction de
petites infrastructures, « la solution idéale est d'utiliser
la main d'œuvre issue des villages bénéficiaires, afin de maximiser les
revenus allant directement aux communautés visées, mais aussi de
bénéficier d'ouvrages construits par la population, et donc préservés
par elle ». Il a été constaté à Kandahar que des ouvrages
construits suivant ce modèle communautaire n'avaient pas fait l'objet
de destructions largement observées ailleurs.
La démocratie, ennemie du temps
Certes, « dans les districts de Kapisa et Surobi,
l'expérience semble montrer qu'il n'y a aucun rapport de cause à effet
direct, ou immédiat, entre aide civile ou civilo-militaire, et
acceptation de la force ; entre les projets de développement
et la reconnaissance de l'État afghan par les populations ».
Mais « les actions de développement ne sont en effet qu'une
des nombreuses composantes des opérations de stabilisation. Les actions
de sécurisation [...] et de gouvernance [...] sont tout aussi
cruciales. » Pour preuve, il est reconnu « que
l'attrait que les mouvements insurgés, et les "talibans", peuvent
exercer sur les populations est en partie lié à la capacité de ces
derniers à rendre une justice relativement efficace et équitable,
quoique souvent expéditive, ce dont n'est pas toujours capable le
gouvernement afghan ».
Bien que son constat soit sévère, Amaury de Féligonde récuse
en définitive tout défaitisme. « Encore faudrait-il que les
acteurs civils et militaires poursuivent leur action dans la durée
[...] en n'abandonnant pas trop rapidement des forces de sécurité
afghanes encore faibles. » N'en déplaise à Ségolène Royal,
« notre action au service de la paix ne doit pas être soumise
à des calendriers artificiels », « ni aux humeurs
médiatiques », selon l'expression du chef de l'État, intervenu
le 25 août devant les ambassadeurs. Mais n'est-il pas lui-même
le prisonnier de l'opinion ? On croit seulement lui donner des
gages en dissertant sur un retrait hypothétique. Hélas, comme l'a
souligné Romain Mielcarek, « c'est également un jeu
dangereux pour les hommes et les femmes d'armes qui participent aux
opérations sur le terrain, partagés entre deux réalités. Eux-même
constatent la dualité des discours. Quand ils sont en France, ils
entendent les politiques parler de départ. Quand ils sont sur le
théâtre d'opérations, ils ne peuvent que constater que leur présence
sera nécessaire encore longtemps. » (Alliance
géostratégique, 22/08/2010) Cela n'est pas de nature à
conforter le moral des soldats, déjà fragilisé par la rigueur des
règles d'engagement.
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