L'école d'un nouveau genre

7 octobre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'idéologie du genre pénètre peu à peu dans les établissements scolaires. Les conclusions d'une mission officielle sur les « discriminations à l'École » confirment tout l'intérêt que lui portent les élites républicaines. Aperçu.

Parmi les priorités de l'Éducation nationale figurent « la prévention et la lutte contre la violence et les discriminations ». Soucieuse, peut-être, de donner quelque gage aux ligues de vertu, la Rue de Grenelle avait sollicité la direction générale de l'Enseignement scolaire au printemps 2009 afin d'appréhender, plus particulièrement, les « discriminations à l'École ». Coordonnée par Mme Anne Rebeyrol, la mission créée à cet effet a présenté ses conclusions le 22 septembre.

De fausses accusations

Synthétisant des témoignages, ce travail « n'est pas étayé scientifiquement et ne saurait représenter une réalité [...] confirmée par la rigueur de l'enquête sociologique », préviennent les rapporteurs. Lesquels prennent le risque de froisser les chantres de l'antiracisme le plus primaire : tandis que « les enfants d'immigrés ne semblent souffrir ni de discrimination en matière d'orientation, ni en matière d'évaluation », ils soulignent que « les personnels de l'Éducation nationale [...] se trouvent parfois désarmés face à des accusations de "racisme" souvent infondées, mais qui sont utilisées pour justifier, par exemple, une mauvaise note à un devoir ».

Selon leur constat, « intervenir contre l'homophobie en milieu scolaire est le plus souvent assimilé à un acte de prosélytisme, ce qui rend l'action difficile et la communauté scolaire frileuse ». Cependant, « les associations impliquées dans la lutte contre les LGBT-phobies [sic] s'accordent à reconnaître que le ministère a porté une attention toute particulière à la question, plus précisément depuis 2008 ». Ce faisant, des réponses douteuses seraient apportées à un malaise bien réel : « Si, chez les 12-25 ans, les sujets homo, bi ou transsexuels représentent 6 % de la population générale masculine, ils constituent 50 % de l'ensemble des garçons décédés par suicide pour la même tranche d'âge. » « Le sentiment de honte et de mésestime de soi de nombreux adolescents et jeunes adultes homosexuels vient du fait, selon les témoignages, que l'institution scolaire ne leur a jamais présenté l'homosexualité comme une possible orientation sexuelle parmi d'autres. » Mais l'homosexualité n'est-elle pas condamnée, quoi qu'il arrive, à une certaine marginalité ?

Déconstruction

Condamnant le « sexisme », les rapporteurs stigmatisent « le stéréotype dominant » qui « consiste à penser que la différence des sexes induit des aptitudes et des intérêts différents, perçus comme étant l'expression de différences naturelles ». La testostérone serait donc étrangère au caractère « sexué » de la violence scolaire : « 77 % des violences envers autrui ont pour auteur un ou des garçons, contre 18 % par une ou plusieurs filles. La violence des élèves est majoritairement portée contre des personnes du même sexe. Cependant, comme les garçons sont beaucoup plus impliqués que les filles dans les phénomènes de violence, ils restent majoritaires parmi les agresseurs de filles et surtout des personnels féminins : les garçons sont ainsi à l'origine de 54 % des violences commises envers les filles et de 71 % des agressions faites aux femmes travaillant dans le secondaire public. » Serait en cause le « parcours de virilisation des petits garçons et de féminisation des petites filles qui, de manière plus ou moins consciente, innerve l'éducation, forme les représentations, construit les rapports sexistes et définit les contraintes du genre ». Sans craindre de déstabiliser les enfants, les rapporteurs assignent aux établissements scolaires une mission de « déconstruction des préjugés ». Ainsi l'École devrait-elle encourager les jeunes filles « à poursuivre leurs trajectoires et à ne pas minorer leurs ambitions » alors que « l'anticipation d'un certain fonctionnement de la famille les pousse à des choix de compromis ».

Les rapporteurs s'inquiètent, enfin, du développement d'« une culture machiste de jeunes garçons qui ont tendance à occuper l'espace public ». Tandis qu'ils dénoncent « diverses formes de replis communautaires », on devine, dans leur collimateur, des adolescents issus de l'immigration. « L'honneur des garçons de la cité leur commande de frapper leurs sœurs quand l'honneur français interdit à un homme de lever la main sur une femme », a résumé Cyril Bennasar, commentant sur Causeur, le 29 septembre, un documentaire diffusé le soir-même sur Arte. Hélas, loin de réduire « ce décalage des civilisations », l'apologie de la "diversité" contribuera vraisemblablement à l'entretenir.

Rengaine féministe

23 septembre 2010

Une communication officielle confirme la prégnance du gender sur les étires européennes. Aperçu.

La Commission européenne a présenté mardi dernier, 21 septembre 2010, sa « stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes ». On y retrouve les poncifs du féminisme bruxellois, auquel des considérations économiques servent toujours d'alibi : « Pour réaliser les objectifs de la stratégie Europe 2020, à savoir une croissance intelligente, durable et inclusive, il est impératif de faire appel plus largement et plus efficacement au potentiel des femmes et à leur réservoir de talents. » Cela permettrait de « contrebalancer les effets de l'amenuisement de la population en âge de travailler », d'autant que « les mesures de conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée » auraient « des effets positifs sur la fécondité ». Mais bien qu'elle prétende stimuler l'activité, la Commission entend supprimer « les disparités encore présentes dans les droits aux congés pour raisons familiales, notamment les congés de paternité et les congés des personnes aidantes ».

« La rigidité des rôles attribués aux femmes et aux hommes » est fustigée au motif qu'elle « peut entraver leurs choix et restreindre le potentiel de chacun ». Or, il serait paraît-il « dans l'intérêt de tous d'offrir aux femmes aussi bien qu'aux hommes de véritables choix à chaque étape de leur vie ». D'où la nécessité, selon Bruxelles, de mettre les hommes aux fourneaux – avant d'offrir des poupées aux petits garçons et de couper les cheveux de leurs sœurs : « Favoriser une redéfinition des rôles non discriminatoire dans tous les domaines de la vie, comme l'éducation, les choix de carrière, l'emploi ou le sport, est essentiel pour parvenir à l'égalité entre les sexes. »

On tremble en découvrant combien l'idéologie du genre imprègne les élites européennes, qui revendiquent à demi-mot la volonté de faire le bonheur des individus : «  beaucoup de citoyens européens ont vu leur vie prendre un tour meilleur grâce aux actions en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes menées par l'Union européenne », affirme-t-on très sérieusement à Bruxelles.

Les ressortissants des États membres ne sont pas les seuls concernés : les mêmes préoccupations sont censées influencer les négociations d'adhésion et la politique de voisinage. « En outre, l'Union européenne coopérera activement avec les organisations internationales travaillant à l'égalité comme l'OIT, l'OCDE, l'ONU et l'Union africaine, pour produire des synergies et favoriser l'émancipation des femmes, ainsi qu'avec la nouvelle entité "Genre" des Nations Unies, ONU Femmes, et soutiendra la participation de la société civile, le renforcement des capacités et la promotion de l'égalité entre les sexes et de l'émancipation des femmes. » La passion égalitaire des enceintes multilatérales s'expliquerait-elle par leur manque de légitimité politique ? Quoi qu'il en soit, nous sommes prévenus : « La Commission fera de l'intégration des questions d'égalité entre les hommes et les femmes un rouage à part entière de l'élaboration de ses politiques. »

NB – Forte de sa nouvelle notoriété, Viviane Reding n'a pas exclu de promouvoir l'instauration de quotas censés « améliorer la représentation des femmes aux postes à responsabilité » : « Vu l'absence de progrès dans ce domaine, nous pourrions à l'avenir envisager de prendre des initiatives au niveau européen », a-t-elle déclaré. « J'ai l'intention de rencontrer durant le printemps 2011 les directeurs de grandes entreprises européennes cotées en bourse, pour examiner la situation et envisager les possibilités d'une autorégulation énergique. En fonction des résultats de ce dialogue avec les entreprises, j'évaluerai la nécessité de lancer d'autres initiatives en 2012. »

Sarkozy, Reding : deux catcheurs sur le ring

22 septembre 2010

L'"affaire" des Roms provoque un vacarme assourdissant. Lundi dernier, 20 septembre 2010, Toute l'Europe a évoqué « l'une des plus graves crises ayant opposé la France et la Commission européenne ». Ne serait-elle pas surtout l'une des plus théâtralisées ?

Jouant la vierge effarouchée, Viviane Reding a quelque peu tardé à endosser son rôle. Intervenant le 7 septembre devant le Parlement européen réuni à Strasbourg, elle avait ménagé le gouvernement français, après avoir souligné la responsabilité des États membres – « en charge de l'ordre public et de la sécurité de leurs citoyens » – et fixé des limites au principe de libre circulation. Ce faisant, le commissaire luxembourgeois s'était attiré les foudres des eurodéputés.

Viviane hausse le ton

De retour à Bruxelles, Mme Reding a changé de ton : « J'ai été personnellement choquée par des circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées d'un État membre uniquement parce qu'elles appartiennent à une certaine minorité ethnique », a-t-elle déclaré le 14 septembre. « Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Seconde Guerre mondiale. [...] Je regrette profondément que les assurances politiques données par deux ministres français [soient] maintenant ouvertement contredites par une circulaire administrative de ce même gouvernement. Le rôle de la Commission en tant que gardienne des Traités est rendu extrêmement difficile si nous ne pouvons plus avoir confiance dans les assurances données par deux ministres lors d'une réunion formelle avec deux commissaires et en présence de quinze fonctionnaires de haut niveau de part et d'autre de la table. Vu l'importance de la situation, il ne s'agit pas d'un affront mineur. Après onze ans d'expérience à la Commission, je dirais même plus, c'est une honte. »

Comment expliquer cette participation soudaine au bal des hypocrites, sinon par la prégnance des rivalités institutionnelles et la volonté de flatter les parlementaires, rendus incontournables par l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, après avoir été cantonnés, des années durant, à l'adoption de résolutions ? Qu'importe la mention des Roms dans la circulaire diffusée place Beauvau, nul n'étant dupe de la situation résumée par Xavier Laborde : « Les Roms franchissent les frontières pour des raisons de discrimination en tant que communauté, s'installent dans des camps où ils vivent entre eux, se trouvent donc tous ensemble dans la même situation au regard du droit au séjour, mais l'État devrait traiter leur cas individuellement, comme s'ils étaient venus un par un ? » En vérité, comme l'a rappelé Jean Quatremer, « la plupart des pays européens mènent la même politique que la France à l'égard des Roms qui ne sont les bienvenus nulle part [...] mais en évitant la rhétorique un tantinet xénophobe employée par la droite française. L'Allemagne vient ainsi de signer un accord avec le Kosovo prévoyant le rapatriement de douze mille Roms – dont cinq mille enfants – réfugiés chez elle souvent depuis plus de dix ans. Autrement dit, Paris n'est somme toute coupable que d'avoir dit – brutalement - tout haut ce que les autres font tout bas. »

Cela relativise l'isolement de la France, à laquelle seul Silvio Berlusconi a apporté son soutien lors du Conseil européen du 16 septembre. Le président de la République est accusé d'avoir vivement interpellé José Manuel Barroso ce jour-là – ce dont il s'est  défendu avec un certain humour : « S'il y a bien quelqu'un qui a gardé son calme et qui s'est abstenu de commentaire excessif, c'est bien moi », a-t-il assuré lors d'une conférence de presse. « Je ne souhaite pas polémiquer », a-t-il annoncé à nos confrères, avec une mauvaise foi à peine dissimulée. Affirmant que son « devoir de chef de l'État, c'est de défendre la France », il a fustigé à moult reprises les « raccourcis historiques » que Mme Reding avait entretemps regrettés. Sans doute ses homologues auront-ils été contrariés, sinon exaspérés, par l'instrumentalisation d'un sommet européen à des fins de propagande intérieure. Ces gesticulations ne sont pas de nature à asseoir la crédibilité internationale de la France : « au final », résume Nicolas Gros-Verheyde, celle-ci « a beaucoup parlé, mais peu convaincu et beaucoup irrité ».

Une posture gaullienne ?

Christian Lequesne a esquissé une analogie avec la "crise de la chaise vide" survenue en 1965 : « Le général De Gaulle fustigeait à l'époque les "technocrates apatrides" de Bruxelles, a-t-il expliqué à Clémentine Forissier. Selon cette vision, seuls les responsables gouvernementaux sont au fait des politiques publiques. C'est un peu le message actuel de l'UMP. D'une certaine manière, il ne reste rien de l'héritage gaulliste à l'UMP, sauf le discours sur l'Europe. » La production n'a plus la même envergure, mais dans chacun des cas, effectivement, la France fait son cinéma. Pierre Lellouche se serait même risqué à justifier ce numéro d'esbroufe : « son coming out souverainiste était nécessaire pour rassurer les Français inquiets de l'ingérence de l'exécutif européen dans les affaires intérieures françaises », aurait-il confié en substance à notre confrère Jean Quatremer.

Au-delà, « cette attitude de la France témoigne, selon l'analyse de Christian Lequesne,  d'une conception strictement intergouvernementale de ce que doit être l'Europe. En d'autres termes, il ne faut surtout pas d'intervention de la part de la Commission et du Parlement. [...] Les Français ont interprété la présidence française de l'UE au deuxième semestre 2008 comme un grand succès. Mais à Bruxelles, la vision n'est pas tout à fait la même. Certes le leadership français a été reconnu, mais la France a aussi été très critiquée pour être passée systématiquement en force sur les procédures. »

Le débat opposant les méthodes communautaire et intergouvernementale est inscrit dans les gènes de l'Union européenne, mais peut-être a-t-il été relancé à la faveur de la Crise, voire de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne – deux facteurs ayant visiblement conforté la primauté du Conseil européen réunissant les chefs d'État ou de gouvernement. En dépit du tropisme fédéraliste inhérent à sa nationalité, et bien qu'il use d'une pirouette sémantique, son président dorénavant "permanent", Herman Van Rompuy, semble loin de s'en offusquer : « L'Europe ne s'est jamais faite contre les nations, a-t-il observé lundi, lors d'une visite à Paris. Si les politiques nationales assument une grande place dans notre Union, pourquoi cela ne la renforcerait pas ? En un mot : non pas renationalisation de la politique européenne, mais européisation de la politique nationale ! [...] Souvent le choix n'est pas entre la méthode communautaire et l'intergouvernemental, mais entre une position européenne coordonnée ou rien du tout. »

Perspectives

Dans ces contions, les menaces brandies par Mme Reding seront-elles mises à exécution ? « Je suis personnellement convaincue que la Commission n'aura pas d'autre choix que celui d'ouvrir une procédure d'infraction à l'encontre de la France, sur la base de deux motifs, a-t-elle averti. Le premier : application discriminatoire de la directive sur la libre circulation. Le second : défaut de transposition des garanties procédurales et matérielles prévues par la directive sur la libre circulation. » La mécanique européenne peut souffrir des rivalités au sein du triangle institutionnel, mais non des hostilités ouvertes, dont les institutions les plus fédérales seraient d'ailleurs les premières à pâtir.

« Paris veut calmer le jeu », annonce d'ores et déjà Euractiv.  « La France a agi et continuera d'agir dans le strict respect du droit européen », avait encore répété, jeudi dernier, le président de la République, avant d'entrouvrir une porte de sortie : « En vérité, je pense que la Commission et nous, nous sommes sur la même position. Les choses vont revenir dans la normale et s'il n'y avait pas eu ces propos outranciers, ceci aurait été géré tout à fait normalement. La Commission est dans son rôle en posant des questions, en regardant si l'esprit et la lettre des traités sont respectés. [...] S'il s'avérait que dans la transposition, les gouvernements qui nous ont précédé, comme le nôtre, aient commis des erreurs [...], mais naturellement qu'on les corrigerait. »

Peut-être Bruxelles va-t-il accélérer la procédure entamée de longue date à ce sujet. Il nous paraîtrait raisonnable qu'il s'en contente : ainsi Mme Reding pourrait-elle s'enorgueillir d'avoir engagé ses poursuites, tandis que Nicolas Sarkozy soulignerait, à la suite du représentant permanent de la France auprès de l'UE, que « Bruxelles avait dans son collimateur la quasi-totalité des États membres en ce qui concerne la directive de 2004 »... Les paris sont ouverts !

« Le spectre de la guerre ne peut être écarté »

21 septembre 2010

Le chef d'état-major des armées lance un avertissement aux stagiaires du CID – voire à la France toute entière.

S'inscrivant dans la continuité de son prédécesseur, l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA), récuse manifestement tout angélisme. « Le spectre de la guerre ne peut être écarté », a-t-il prévenu le 15 septembre 2010, « la seule question étant la forme qu'elle prendra, de la crise hybride, voire baroque, au conflit majeur ».

S'adressant aux stagiaires du Collège interarmées de défense (CID) – qu'il préfère désigner sous son appellation traditionnelle, « l'École de guerre » –, il a décrit un monde « complexe et incertain à tendance chaotique et inquiétante », « lourd de "frictions potentielles" avec des champs d'affrontements nombreux dont certains sont encore insuffisamment maîtrisés », tels le cyberespace et l'espace exo-atmosphérique.

Les rapports de puissance demeurent, selon lui, « la matrice des relations internationales » : « Si la mondialisation transforme la forme de ces rapports, la puissance militaire est un des facteurs clés de la puissance. Pour s'en convaincre, il suffit de constater la hausse exponentielle des budgets  de défense dans le monde ; plus de 6 % rien qu'en 2009 ! Seuls les pays européens font exception. Peut-être capitalisent-ils trop sur leur expérience unique de paix continentale acquise au prix fort des deux conflits mondiaux et de la Guerre froide ? » En tout cas, « pour  la première fois depuis la Renaissance, les puissances occidentales, notamment européennes, pourraient perdre leur suprématie militaire dans l'horizon des trente prochaines années ».

« Dans un monde accéléré souvent déformé par la pression des perceptions que génère l'information mondialisée », la France et ses armées devront assumer, entre autres défis identifiés par le CEMA, « la guerre irrégulière, la guerre asymétrique celle que certains ont pu appeler la guerre de quatrième génération ou la guerre de perceptions. Ce sont des guerres où l'ennemi cherche à atteindre directement le cœur du système adverse, son ultime centre de gravité  qui est sa volonté politique. Elles confirment  la définition initiale de la guerre par Clausewitz : un affrontement des volontés. Mais contrairement à la guerre de Clausewitz qui est une guerre westphalienne, une guerre d'affrontements classiques, une guerre sur un modèle européen, la guerre qui s'impose à nous est désormais plus globale que totale. » Les journalistes et autres faiseurs d'opinion auront un rôle à y jouer... Puissent-ils se montrer responsables !

Paris et Londres sur les mêmes bateaux

16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Paris et Londres promettent d'accroitre leur coopération en matière de défense. Quelques perspectives se dessinent effectivement, mais les réalisations ne seront sans doute pas à la mesure de l'enthousiasme affiché par les politiques.

L'Entente cordiale va-t-elle se reconstituer à la faveur de la Crise ? Le vendredi 3 septembre 2010, Hervé Morin a reçu à Paris Liam Fox, son homologue britannique. Dans un contexte économique difficile, tandis que Londres achève la revue stratégique de sa politique de défense, les ministres se seraient dits « prêts à développer leur coopération bilatérale avec l'objectif de mutualiser plusieurs équipements militaires », selon un communiqué diffusé par l'hôtel de Brienne.

Convergence de vues

Afghanistan, lutte contre le terrorisme, soutien au Pakistan, lutte contre la piraterie, Kosovo, Proche-Orient, Iran, Géorgie... La France et le Royaume-Uni « ont une très grande concordance de vues sur tous les dossiers majeurs », ont observé les sénateurs Josselin de Rohan et Daniel Reiner dans un rapport enregistré le 9 juillet. Lors de leur rencontre, les ministres ont confirmé, notamment, leur volonté commune de réformer l'Alliance atlantique avec comme objectifs « une réduction de la bureaucratie, un contrôle budgétaire plus accru, la diminution des états-majors ». De part et d'autre de la Manche, entre chacune des trois armées, les relations seraient « excellentes » ; leur collaboration se serait « indiscutablement renforcée » depuis le sommet de Saint-Malo de 1996, si l'on en croit les parlementaires. En juillet 2009, par exemple, des procédures de "soutien mutuel outre-mer" ont été définies, permettant à l'un des pays d'utiliser, si nécessaire, les installations de l'autre. En février dernier a été signé un accord pour opérer en commun des acquisitions d'urgence. Depuis quatre ans, un "groupe de haut niveau" promeut la coopération en matière d'armement. Mais concernant les programmes, le bilan s'avère « mitigé » aux yeux des rapporteurs. Le journaliste Jean-Dominique Merchet l'a confirmé : « Si l'on exclut l'aventure, coûteuse et chaotique, de l'A400M, le seul domaine de coopération est celui des missiles de MBDA [une entreprise franco-britannique], avec l'Aster et le Météor, qui sont des programmes déjà bien engagés. La suite pourrait être prise par le missile tactique naval, si les budgets le permettent. » (Secret Défense, 14/09/2010)

« Sur les tankers, le maintien en condition opérationnelle de l'A400M et les moyens navals, nous pouvons aller vers plus de mutualisation », a annoncé Hervé Morin. L'utilisation commune de pétroliers-ravitailleurs et autres navires de soutien serait, selon notre confrère, l'une des pistes « les plus sérieusement explorées par les états-majors des deux pays ». D'autant que des bâtiments sont appelés à une renouvellement prochain dans chacune des flottes : « D'où l'idée d'étudier s'il ne serait pas possible de faire quelque chose en commun. »

Un député sans tabou

N'ayant « aucun tabou », le député Hervé Mariton a confié à Romain Rosso qu'il ne lui paraissait « pas inconcevable d'avoir, dans l'avenir, un outil militaire (avion ou bateau), qui porte alternativement les couleurs de la France et celles du Royaume-Uni » (L'Express, 03/09/2010). L'Union Jack va-t-il bientôt flotter sur le Charles-de-Gaulle ? La presse britannique l'a plus ou moins envisagé, non sans émoi. Aussi Liam Fox a-t-il mis fin aux rumeurs en jugeant « irréaliste » le partage des porte-avions. En pratique, cela s'avérerait d'autant plus délicat que les porte-aéronefs britanniques seraient incapables d'accueillir les Hawkeye français, ces avions dédiés à la surveillance aérienne dont la carlingue est coiffée d'une sorte de soucoupe. Si l'affaire a fait grand bruit, elle restera évidemment sans lendemain. « La coopération peut aussi toucher les questions liées à la dissuasion », a prévenu Hervé Mariton. Le cas échéant, elle sera vraisemblablement menée en toute discrétion. En outre, il faudra compter avec la "relation spéciale" que Londres entretient avec Washington : rappelons que les marins français ne sont pas autorisés à pénétrer dans la partie arrière des sous-marins britannique armés de missiles Trident américains.

Partenaire privilégié de la France, le Royaume-Uni n'en reste pas moins en marge du Commandement européen du transport aérien (EATC), inauguré le 1er septembre sur la base néerlandaise d'Eindhoven. « Le fonctionnement peut être comparé à un covoiturage », selon les explications de la Défense nationale : « Par exemple, lorsqu'un avion français se rend en Afghanistan, il peut revenir avec des soldats allemands, ce qui évite un voyage à vide. » La France participe au projet aux cotés de l'Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas, avec des avions de transport tactique de type Hercules, Transall, Casa, et stratégique de type Airbus – soixante appareils au total. « Le processus opérationnel reste similaire à celui qui était en vigueur jusqu'à présent, si ce n'est qu'au lieu de déclencher les missions depuis [...] Villacoublay, elles se déclencheront à partir d'Eindhoven. Les appareils sont toujours répartis sur leurs bases aériennes respectives, mais ce sera bien l'EATC qui se chargera de la planification, du tasking des aéronefs et de la conduite des missions. »

Covoiturage militaire

L'EATC sera en mesure de conduire des missions de transport à compter du 31 décembre prochain, avant d'atteindre sa pleine capacité opérationnelle en juillet 2013. C'est un premier pas dans la direction tracée par Pierre Lellouche le 27 aout : « Face au "mur budgétaire" incontournable qui est devant nous, les Européens n'ont d'autre choix qu'entre, d'une part, une approche résolument nouvelle, s'appuyant sur le partage des tâches et des compétences, et, d'autre part, un réflexe suicidaire de protection de ce qui subsiste encore, ici ou là, de leur industrie de défense, avec le risque très réel de disparition de la capacité industrielle européenne dans ce domaine. Il est donc indispensable de passer d'une logique de "coopération à l'ancienne", fondée sur le "juste retour", des coûts exorbitants et la duplication inutile de matériels, à une logique radicalement nouvelle : celle du partage des capacités et de la spécialisation des compétences. » De son côté, Hervé Morin entend créer avec le Royaume-Uni « des liens extrêmement forts menant vers une interdépendance » (Euractiv 06/09/2010). Le discours du ministre tranche quelque peu avec celui de MM. de Rohan et Reiner, pour qui « la coopération France-Royaume-Uni est un élément fondamental et indispensable de notre souveraineté et de notre indépendance militaire, c'est-à-dire aussi de l'autonomie de notre politique étrangère ».

Les politiques ont beau fantasmer en agitant à tous crins l'étendard de la « mutualisation », ils devront compter avec les réalités. Si nécessaire, les militaires les leur rappelleront. Partisan convaincu, lui aussi, de l'alliance avec les Britanniques, l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées, ne préfère-t-il pas parler d'« optimisation » ?

Bruxelles bouc émissaire

16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Paris s'abrite derrière Bruxelles pour accroitre la TVA sur le "triple play".

Les offres "triple play", combinant accès à Internet, téléphone et télévision, bénéficient en France d'un taux de TVA réduit (5,5 %) sur la moitié de la facture – un taux par ailleurs appliqué intégralement sur les bouquets de télévision proposés, indépendamment de tout autre service, sur le câble ou le satellite.

Bruxelles s'en était inquiété au printemps dernier, adressant à Paris une lettre de mise en demeure dont La Tribune s'était fait l'écho le 23 avril : « La Commission européenne, qui agit suite à la plainte d'un particulier, estime que ce régime viole pas moins de sept articles de la directive sur la TVA », rapportait alors Jamal Henni. « Premier problème : les FAI [fournisseurs d'accès à Internet] appliquent la TVA réduite à quasiment tous leurs abonnés ADSL, "y compris dans les cas où les FAI savent pertinemment que la télévision n'est pas susceptible d'être utilisée par l'abonné". [...] Dans ces cas-là, la TVA réduite s'applique à l'internet et au téléphone, ce qui viole la directive européenne qui octroie la TVA réduite uniquement à la TV. En outre, [...] la TVA réduite est appliquée de manière forfaitaire, alors que la directive stipule que deux taux différents ne peuvent être appliqués que lorsqu'il y a deux prestations bien "distinctes". »

Interrogée par l'AFP le vendredi 10 septembre, la Commission européenne s'est défendue d'avoir demandé à la France d'appliquer un taux standard (19,6 %) à l'intégralité du forfait. Peut-être sa mise en demeure était-elle censée identifier de façon exhaustives les infractions potentielles, sans préjuger des conclusions du dialogue qu'il lui appartenait d'engager avec Paris.

Opportunisme

D'abord « plongé dans un profond embarras », selon notre confrère de La Tribune, le gouvernement français semble avoir saisi l'opportunité qui lui était offerte de raboter une "niche fiscale" tout en imputant à Bruxelles l'impopularité d'une telle responsabilité. Dans cette affaire, en effet, il témoigne d'un zèle inhabituel. « La pression européenne qui est mise en avant constitue un faux prétexte pour une fausse urgence » aux yeux de Philippe Bailly, qui observe sur son blog que « si l'expression "mise en demeure" peut apparaître impressionnante, elle ne désigne en fait en langage bruxellois que le premier stade de la procédure entre la Commission et un État membre ; pas plus à ce stade qu'une simple demande d'information. Les fonctionnaires de Bercy le savent mieux que quiconque, puisqu'il se sera écoulé plus de quatre ans entre la première "mise en demeure" de la Commission sur l'ouverture du secteur des paris en ligne, et le vote de la loi qui y pourvoyait au printemps dernier... »

Cela n'est pas le moindre intérêt de l'UE pour les politiques : elle leur fournit régulièrement un alibi.

Vociférations parlementaires

16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le Parlement européen n'a pas manqué d'invectiver Paris pour sa politique à l'égard des Roms. Aperçu des débats ayant précédé l'adoption d'une résolution présentée par les gauches européennes.

Déjà confrontée aux remontrances du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale, aux outrances du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, aux interrogations de la Commission de Bruxelles, la France a été  mise en cause par le Parlement européen le jeudi 9 septembre. Dans une résolution adoptée par 337 voix contre 245, avec 51 abstentions, celui-ci prie « instamment » Paris « de suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms », et « s'inquiète vivement [...] de la rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire qui a marqué le discours politique au cours des opérations de renvoi ».

Schizophrénie

L'assemblée fustige également « la réaction tardive et réservée de la Commission », dont Hélène Flautre a interpellé le représentant, la Luxembourgeoise Viviane Reding : « Il est totalement sidérant, a-t-elle déclaré au nom du groupe Verts-ALE, qu'après les différents entretiens que vous avez pu avoir [...] vous en soyez à ce niveau de constat, c'est-à-dire de non-constat des violations objectives qui ont été commises par le gouvernement français. » D'autres députés français ont encouragé l'hémicycle à condamner leur pays, telles Catherine Grèze (Verts-ALE) et Sylvie Guillaume (Socialistes & Démocrates). À l'opposé, Jean-Pierre Audy (PPE) s'est fait l'apôtre de la sécurité, affirmant qu'« il ne peut pas y avoir de liberté sans ordre ».

Raillant l'"europhilie" traditionnelle de la France, le Britannique Gerard Batten a soutenu que les Roms y avaient été « invités », puisque « chaque citoyen européen a le droit de vivre dans un autre État membre ». Qu'en est-il exactement ? Certains rappels ne seront pas superflus si l'on en croit Bruno Gollnisch, « stupéfait [...] de la méconnaissance juridique de [ses] collègues qui ont oublié que les citoyens de l'Union européenne d'Europe centrale et orientale n'ont pas encore le droit définitif d'établissement sur notre territoire ».

Le point sur le droit

Jusqu'au 1er janvier 2014, en effet, Paris pourra continuer d'exiger des migrants  bulgares et roumains qu'ils détiennent un titre de séjour pour exercer une activité professionnelle en France, voire une autorisation de travail, dont la demande, à la charge de l'employeur, est instruite par la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, « notamment après vérification de la situation de l'emploi dans la profession pour laquelle la demande est formulée », selon la Direction de l'information légale et administrative. D'une façon générale, pour un séjour de trois mois au plus, les citoyens de l'Union européenne ont pour seule obligation d'être en possession d'un document d'identité ou d'un passeport en cours de validité. Au-delà, ils sont tenus d'exercer une activité économique en qualité de travailleur, salarié ou non, ou bien de disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie. L'ordre, la sécurité et la santé publics peuvent être invoqués pour limiter le droit d'entrée et de séjour. En outre, selon la législation européenne en vigueur, « les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la présente directive en cas d'abus de droit ou de fraude ».

Que chacun balaie devant sa porte

Voilà qui devrait alimenter les polémiques où interviendront juristes et politiciens... Pour clore ce débat parlementaire, signalons l'intervention relativement mesurée de Marielle De Sarnez (ALDE), pour qui « chacun doit balayer devant sa porte, à commencer par les pays d'origine, où doit être menée une politique d'intégration plus efficace, les Roms y étant trop souvent laissés pour compte, marginalisés. Cela doit changer. Les pays d'accueil, également, où les responsables politiques – je pense à l'Italie, hier, ou à la France, mon pays, aujourd'hui – ont trop souvent donné le sentiment de montrer du doigt, de stigmatiser une communauté tout entière et d'en faire le bouc émissaire facile de toutes les craintes et de toutes les peurs. Cela n'est pas acceptable. L'Union ne peut tolérer aucune politique discriminatoire. L'Union européenne, enfin, qui n'a pas pris la véritable mesure de cette question au moment de l'élargissement. Les milliards dépensés n'ont en rien amélioré la situation quotidienne des Roms. Il faut rattraper le temps perdu, mettre en place un plan d'intégration de grande ampleur impliquant la Commission, les États membres et les collectivités locales qui, trop souvent, se substituent à l'État pour l'accueil des Roms. » Vaste programme.

La République fait son bricolage

16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

La réforme des retraites présentée par le gouvernement pare au plus pressé, sans apporter aucune garantie structurelle à long terme. Prisonnière de ses vices, la République préfère entretenir la perfusion de l'État providence.

L'Assemblée nationale poursuit l'examen du projet de loi portant réforme des retraites, dont elle a adopté vendredi la mesure phare, le relèvement de deux ans de l'âge légal de départ à la retraite. « Travailler un peu plus longtemps », c'est, aux yeux du président de la République, « la voie la plus raisonnable, celle que tous les autres pays ont choisie et celle que le gouvernement a retenue car nous vivons plus longtemps : depuis 1950, nous avons gagné quinze ans d'espérance de vie ».

Un coup politicien

Nicolas Sarkozy a donc changé d'avis, comme le rappelait Libération le 26 mai, vidéos à l'appui. La conséquence d'un sens des responsabilités plus affuté que par le passé ? « Le devoir du chef de l'État n'est pas d'ignorer les difficultés ou de laisser à ses successeurs le soin de les régler », a-t-il déclaré le 8 septembre. « C'est au contraire de regarder la situation en face et d'y apporter des réponses durables et justes. » Dans le costume du président, cependant, c'est toujours un politicien qui sévit. Lequel semble bien décidé à se repositionner à droite dans la perspective de 2012 – le "coup" des Roms en témoigne.

Cet animal politique aurait-il, une fois de plus, manœuvré la gauche à sa guise ? En s'attaquant au vestige mitterrandien des "soixante ans", il a « clivé » le paysage politique, selon l'expression d'Henry de Lesquen (Radio Courtoisie, 13/09/2010), suscitant des protestations qui lui assureront peut-être, par réaction, la fidélité de son  électorat. Une démarche à l'opposé de celle qui prévalut en Suède, où la recherche d'un consensus avait présidé, des années durant, à la réforme des retraites. Alors que des milliers personnes venaient de défiler dans les rues, le président n'a pas manqué de souligner « le bon fonctionnement » du "service minimum" dans les transports, saluant par ailleurs des organisations syndicales qui « sont dans leur rôle lorsqu'elles appellent à des manifestations ou à des grèves ». La Crise nourrissant la résignation, la partie semble jouée d'avance, suivant des règles dictées par les marchés financiers.

Le poids de la dette

« À l'heure où une pension sur dix est financée par de la dette, nous devons assurer aux Français que leurs retraites et celles de leurs enfants seront payées », a prévenu le chef de l'État. Ce faisant, bien qu'on le dise peu porté sur la "rigueur", il entend vraisemblablement rassurer les investisseurs quant à la capacité de la France à assainir ses finances publiques. Et donc la prémunir d'un renchérissement du coût de la dette, dont le service représente d'ores et déjà une charge écrasante – le deuxième poste budgétaire de l'État !

Aussi le gouvernement se devait-il de parer au plus pressé. Hélas, il s'en est contenté : bien qu'il nous promette le retour à l'équilibre des régimes de retraite en 2018, son projet de loi ne présente aucune garantie structurelle. Jugeant la réforme « injuste et inadaptée », le mouvement d'Action française a d'ailleurs manifesté quelque solidarité à l'égard des protestations syndicales... Versant dans un autre registre – différent mais complémentaire ! –, Alain Madelin a dénoncé « une hérésie sociale et économique », déplorant que soient mélangées fiscalité et retraites (BFM, 07/09/2010). Soucieux de se racheter une apparence de conscience sociale, le gouvernement s'est vanté d'inclure dans son bricolage, entre autres mesures, la hausse d'un point de la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu (41 % au lieu de 40 aujourd'hui) – sans prise en compte dans le calcul du bouclier fiscal, décidément bien fragile. Par ce biais, il maintient les partenaires sociaux sous la tutelle de l'État. Or seule l'implication des bénéficiaires dans la gestion de leurs propres retraites permettrait d'en assurer la pérennité.

Une retraite à la carte

L'ancien ministre de l'Économie prône la retraite par points, un système plus simple et plus équitable – « à cotisations égales, retraites égales » –, mais aussi plus responsabilisant. Le député MPF Dominique Souchet s'en est fait l'avocat devant l'Assemblée nationale, soulignant qu'il permettrait « à chacun de choisir en toute connaissance de cause la date de son départ et le montant de la pension qu'il percevra en fonction de la date retenue » (Le Salon Beige, 08/09/2010). Telle est la possibilité offerte aux Suédois, qui peuvent partir à la retraite entre soixante et un et soixante-sept ans. « Il n'y a pas de durée de cotisation minimale. Les citoyens de ce pays disposent d'un compte virtuel où ils accumulent des points au long de [leur] carrière. Les Suédois reçoivent annuellement une lettre qui leur indique le montant de leur pension. Celui-ci est calculé en fonction de l'espérance de vie, de la croissance économique et du respect de l'équilibre financier du système. Les Suédois peuvent partir avant, mais leur retraite sera alors moins importante. » (Euractiv 07/09/2010)

Un État diététicien

Loin de s'inspirer d'un tel modèle, le président et son gouvernement ont donc choisi d'entretenir la perfusion de l'État providence. Pour preuve, Matignon a délibérément communiqué, le 2 septembre, sur l'extension aux collèges et lycées de l'opération "Un fruit pour la récré". Peut-être cette initiative répond-elle à un enjeu de santé publique, mais elle témoigne de la dispersion de l'action publique et de de l'inclination de la République à prendre chaque citoyen par la main, avec les conséquences que l'ont sait : la fabrication des allumettes ininflammables raillées jadis par Maurras, ou l'ouverture des universités à des bacheliers illettrés.

Des règles du jeu (3)

8 septembre 2010

Bien qu'elle tolère la réglementation des jeux de hasard et autres paris aux Pays-Bas ou en Suède, la Cour de Justice de l'Union européenne fustige les pratiques ayant cours outre-Rhin.

« La Cour rappelle que les États membres disposent d'une large marge d'appréciation pour fixer le niveau de protection contre les dangers émanant des jeux de hasard. Ainsi, et en l'absence de toute harmonisation communautaire en la matière, ceux-ci ne sont pas tenus de reconnaître les autorisations délivrées par d'autres États membres dans ce domaine. Pour les mêmes raisons et eu égard aux risques que présentent les jeux de hasard sur Internet par rapport aux jeux de hasard traditionnels, les États membres peuvent également interdire l'offre des jeux de hasard sur Internet. »

À ses yeux, cependant, « la réglementation allemande ne limite pas d'une manière cohérente et systématique les jeux de hasard. En effet, d'une part, les titulaires des monopoles publics se livrent à des campagnes publicitaires intensives en vue de maximaliser les profits résultant des loteries en s'éloignant ainsi des objectifs justifiant l'existence de ces monopoles. D'autre part, s'agissant des jeux de hasard, tels que les jeux de casino et les jeux automatisés, qui ne relèvent pas du monopole public mais présentent un potentiel de risque d'assuétude supérieur aux jeux soumis à ce monopole, les autorités allemandes mènent ou tolèrent des politiques visant à encourager la participation à ces jeux. Or, dans de telles circonstances, l'objectif préventif de ce monopole ne peut plus être efficacement poursuivi si bien que celui-ci cesse de pouvoir être justifié. »

Autrement dit, l'Allemagne manque de pudeur tandis qu'elle exploite sa vache à lait...

La France dans le bourbier afghan

2 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que les soldats français continuent de tomber en Afghanistan, les autorités semblent vouloir se prémunir de la défiance de l'opinion publique... Du reste, la coopération civile n'est-elle pas « une coûteuse illusion » ?

Lundi dernier, 30 août 2010, l'adjudant Hervé Enaux, du 35e régiment d'infanterie de Belfort, est décédé en Afghanistan, après que son VAB (véhicule de l'avant blindé) fut tombé dans un ravin dans la vallée d'Uzbin. Âgé de trente-cinq ans, il était marié et père d'un petit garçon de trois ans. Sept jours plus tôt, le lieutenant Lorenzo Mezzasalma et le caporal Jean-Nicolas Panezyck, appartenant au 21e régiment d'infanterie de marine de Fréjus, avaient été tués par balles au sud de Tagab. Tandis qu'il prononçait leur hommage funèbre, le président de la République a affirmé qu'il portait en lui « la tragédie de chacune de ces vies interrompues dans la fleur de l'âge ». Il a assuré  que leur souvenir renforçait « en chacun de nous la détermination à poursuivre notre engagement au service de la France », qui restera en Afghanistan « aussi longtemps que nécessaire ».

Discours de fermeté

Ce discours de fermeté semble s'inscrire dans une contre-offensive médiatique entamée par les autorités militaires après la "sotie" du général Desportes. Il faut compter, en effet, avec la défiance de l'opinion publique : alors que les Néerlandais ont opéré leur retrait le mois dernier, la tentation de les imiter gagnerait du terrain en Finlande (Bruxelles 2, 24/08/2010). La crainte d'une "contagion" à la France explique peut-être l'intensification de la communication observée sur les sites Internet de la Défense nationale, où les opérations humanitaires sont d'ailleurs quelque peu éclipsées par des articles traitant de questions plus militaires. Le 17 août, par exemple, l'État-major des armées a mis en exergue, vidéo à l'appui, « trois tonnes de munitions saisies grâce à la population ». Le 24, il a rendu compte du quotidien des soldats engagés en Kapisa : « Dans la matinée deux soldats sont blessés, l'un assez sérieusement doit être brancardé. Sur plus d'un kilomètre d'un vrai parcours du combattant, refaisant le chemin dans l'autre sens, transportant leur camarade blessé qui fait bonne figure dans son brancard souple, les soldats grimacent dans l'effort en sautant fossés et murets, se relayent, se postent quand des rafales claquent  puis repartent au milieu des vergers ne cessant jamais leur effort. Dans l'extrême chaleur de midi, les fronts ruissellent, les chemises ne sont plus que sueur sous les gilets pare-balle qui semblent un peu moins lourds depuis qu'ils ont sauvé la vie de deux camarades. »

La preuve est ainsi donnée que tous nos soldats n'ont pas été reconvertis au service des ONG ! Sans doute sont-ils d'ailleurs en partie destinataires de ces messages. Faut-il, cependant, mépriser  la coopération civile en Afghanistan ? Le budget que lui consacre Paris est passé de 20 à 40 millions d'euros environ entre 2008 et 2009. Autant d'argent investi dans des programmes censés « faciliter la reprise du dialogue entre les population locales [...] et les autorités nationales » et « concourir à l'acceptation de la présence des troupes, en répondant rapidement aux besoins essentiels de personnes habitant des zones à caractère essentiellement rural et agricole », selon les explications d'Amaury de Féligonde, auteur d'une étude publiée par l'IFRI.

Efficacité limitée...

Sont combinées actions à impact immédiat (distribution à grande échelle d'intrants agricoles, programme de santé infantile) et opérations à moyen ou long terme (lancement d'activités avicoles ou piscicoles d'une part, assistance des conseils municipaux ou infrastructures lourdes d'autre part). « Leur efficacité est toutefois limitée par la persistance au sein de la communauté internationale, d'une triple illusion, selon laquelle l'aide serait toujours bénéfique et souhaitée par une population considérée à tort comme homogène et à laquelle on prétend imposer des normes ou des "bonnes pratiques" censées résoudre le problème de la corruption. »

Moult acteurs négligeraient la "capacité d'absorption" des bénéficiaires de l'aide au développement. Laquelle « introduit systématiquement des déséquilibres, potentiellement destructeurs », et suscite souvent des tensions. Ainsi le contrôle des tracteurs fournis par un projet de coopération français a-t-il provoqué des altercations entre chefs tribaux... L'auteur met en garde contre la multiplication « des mendiants corrompus » et fustige « un ministre qui, médecin, insiste pour que des projets de santé soient systématiquement financés dans les régions qu'il visite ». « Dans ce contexte instable, où le futur n'est pas garanti », il lui semble « étonnant de constater que deux errements ont la vie dure. L'un concerne la volonté de créer à tout prix des unités industrielles. [...] L'autre erreur a trait aux exportations, qu'il faudrait s'efforcer de favoriser. [...] Il se trouve ainsi que nombre de produits agricoles [...] sont achetés sur pied par des intermédiaires pakistanais, et stockés au Pakistan, faute de circuits, d'organisation, de capacités de stockage locaux, le temps d'être revendus, hors saison, en Afghanistan. »

Il conviendrait de favoriser au maximum l'"afghansiation" des projets. En la matière, la France fait plutôt figure d'exemple, puisque les équipes qu'elle déploie comptent 95 % de personnels locaux, y compris parmi les chefs de projet. Pour la construction de petites infrastructures, « la solution idéale est d'utiliser la main d'œuvre issue des villages bénéficiaires, afin de maximiser les revenus allant directement aux communautés visées, mais aussi de bénéficier d'ouvrages construits par la population, et donc préservés par elle ». Il a été constaté à Kandahar que des ouvrages construits suivant ce modèle communautaire n'avaient pas fait l'objet de destructions largement observées ailleurs.

La démocratie, ennemie du temps

Certes, « dans les districts de Kapisa et Surobi, l'expérience semble montrer qu'il n'y a aucun rapport de cause à effet direct, ou immédiat, entre aide civile ou civilo-militaire, et acceptation de la force ; entre les projets de développement et la reconnaissance de l'État afghan par les populations ». Mais « les actions de développement ne sont en effet qu'une des nombreuses composantes des opérations de stabilisation. Les actions de sécurisation [...] et de gouvernance [...] sont tout aussi cruciales. » Pour preuve, il est reconnu « que l'attrait que les mouvements insurgés, et les "talibans", peuvent exercer sur les populations est en partie lié à la capacité de ces derniers à rendre une justice relativement efficace et équitable, quoique souvent expéditive, ce dont n'est pas toujours capable le gouvernement afghan ».

Bien que son constat soit sévère, Amaury de Féligonde récuse en définitive tout défaitisme. « Encore faudrait-il que les acteurs civils et militaires poursuivent leur action dans la durée [...] en n'abandonnant pas trop rapidement des forces de sécurité afghanes encore faibles. » N'en déplaise à Ségolène Royal, « notre action au service de la paix ne doit pas être soumise à des calendriers artificiels », « ni aux humeurs médiatiques », selon l'expression du chef de l'État, intervenu le 25 août devant les ambassadeurs. Mais n'est-il pas lui-même le prisonnier de l'opinion ? On croit seulement lui donner des gages en dissertant sur un retrait hypothétique. Hélas, comme l'a souligné  Romain Mielcarek, « c'est également un jeu dangereux pour les hommes et les femmes d'armes qui participent aux opérations sur le terrain, partagés entre deux réalités. Eux-même constatent la dualité des discours. Quand ils sont en France, ils entendent les politiques parler de départ. Quand ils sont sur le théâtre d'opérations, ils ne peuvent que constater que leur présence sera nécessaire encore longtemps. » (Alliance géostratégique, 22/08/2010) Cela n'est pas de nature à conforter le moral des soldats, déjà fragilisé par la rigueur des règles d'engagement.