Résolution d'un nouveau genre

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Un parlementaire veut insérer l'homosexualité et le "genre" dans un accord international. Cela sans tenir du compte du calendrier des négociations, ni respecter la nature des résolutions européennes du Sénat.

L'invocation des "droits de l'homme" serait-elle dépassée ? Sans doute a-t-elle une portée trop générale aux yeux de Mme Alima Boumediene-Thiery, sénateur Vert de Paris. Forte du soutien d'une vingtaine de collègues, parmi lesquels on reconnaît les noms de Robert Badinter, Catherine Tasca ou Dominique Voynet, elle a déposé une proposition de résolution européenne portant sur l'insertion d'« une clause de non discrimination en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre » dans l'accord de Cotonou.

Inconséquence

Signé  le 23 juin 2000, ce texte fixe le cadre du partenariat liant les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) à l'Union européenne. Conclu pour une durée de vingt ans, il est néanmoins révisé tous les cinq ans. À cet effet, les dernières négociations ont été ouvertes en mai 2009, et conclues en mars dernier – ce que semblait ignorer Mme Boumediene-Thiery, soucieuse d'orienter une discussion qui se trouve déjà close. « C'est en réalité en février 2009, au moment où était adopté le mandat de négociation de la Commission européenne, qu'une telle invitation aurait trouvé sa place », souligne Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour la commission des Lois du Sénat. Par ailleurs, en invitant les États ACP à respecter le principe de non discrimination, sa collègue a méconnu « la logique des résolutions européennes », censées délivrer un message politique au gouvernement ou aux instances européennes, mais non à des pays tiers.

La Halde veille

De toute façon, précise M. Hyest, les États ACP se sont « résolument opposés » à toute référence à l'homosexualité et au "genre", « en dépit de la demande renouvelée de la Commission européenne ». Sur le continent africain, l'homosexualité ne serait "légale" que dans treize pays ; en Mauritanie, au Nigéria, en Somalie et au Soudan, elle serait même passible de la peine capitale. Quant à la France, elle « semble connaître depuis peu des cas de discrimination à l'égard des personnes transgenres », déplore le sénateur : « Comme le souligne une récente délibération de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour la promotion de l'égalité (HALDE), ces personnes "sont souvent victimes de discrimination durant la période d'adaptation et de conversion sexuelle". [...] Une autre délibération, un peu plus ancienne, de cette même autorité a recommandé à la Caisse nationale d'assurance maladie de prévoir une circulaire à destination de ses services afin qu'ils soient vigilants sur l'immatriculation sociale du patient en tenant compte du changement d'état civil des personnes transgenres. Dans cette affaire, l'apparence physique de la réclamante et son immatriculation à la Sécurité sociale ne coïncidant plus, elle avait été contrainte de révéler son changement de sexe à son employeur. À la suite de cette révélation, elle a été victime de moqueries et de pressions qui l'ont contrainte à démissionner. »

Passer d'un sexe à l'autre en toute liberté

Le mois dernier, le ministère de la Justice a diffusé une circulaire invitant le ministère public à émettre un avis favorable aux demandes de changement de sexe à l'état civil, dès lors que les traitements conférant une apparence physique et un comportement social correspondant au sexe revendiqué ont bien entraîné un changement définitif et irréversible, même en l'absence d'opération chirurgicale d'ablation des organes génitaux. Selon Jean-Jacques Hyest, « le droit à la vie privée justifie que l'état civil indique le sexe dont la personne a désormais l'apparence ».

Réunie le mercredi 9 juin, la commission des Lois a donc approuvé la proposition de  Mme Alima Boumediene-Thiery, « mais en retenant une rédaction plus conforme à la logique d'une résolution européenne ». Ce faisant, sans doute a-t-elle confirmé l'emprise croissante de l'idéologie du genre sur les élites républicaines.

Mayotte sous la loi commune

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'île aux Parfums s'acclimate progressivement au statut de département d'outre-mer français qui lui sera conféré l'année prochaine. Entres autres domaines faisant l'objet d'une réforme : le mariage et la justice.

Une nouvelle étape dans le processus de départementalisation de Mayotte a été franchie le mercredi 2 juin. Ce jour-là, Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'Outre-Mer, a présenté une ordonnance portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable sur l'île aux Parfums, ainsi qu'aux juridictions compétentes pour en connaître. Selon les explications du gouvernement, ce texte vise à mettre un terme à l'inégalité entre les hommes et les femmes en matière de mariage et de divorce : il proscrit la répudiation et interdit de contracter de nouvelles unions polygames, sans condition d'âge ; jusqu'alors, les hommes nés avant 1987 bénéficiaient d'un statut privilégié, garanti par la loi de programme pour l'Outre-Mer du 21 juillet 2003.

En relevant à dix-huit ans l'âge légal du mariage des femmes, cette ordonnance permettra l'adhésion de la France à la Convention internationale sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages, adoptée à New York le 7 novembre 1962 – adhésion jusqu'ici différée en raison de la spécificité des règles applicables à Mayotte. Le texte supprime également la justice cadiale, dont le fonctionnement n'était pas compatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. « Le système cadial est en place aux Comores et à Mayotte depuis l'arrivée des Shiraziens entre le XIVe et le XVIe siècle », rapportait en 2001 le sénateur José Balarello. « Depuis cette époque, le cadi joue un rôle de juge, de médiateur et d'institution régulatrice de la vie sociale et familiale. Il a été explicitement maintenu par [le] traité de 1841 passé entre le sultan Andriansouly et le commandant Passot. »

La charia sur la sellette

Régis par un statut fixé en 1986, les cadis et les secrétaires greffiers étaient des fonctionnaires de la collectivité territoriale de Mayotte ; recrutés sur concours, ils étaient investis par le préfet, après avis du procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel et d'une commission présidée par le président du tribunal supérieur d'appel et composée de quatre personnalités religieuses désignées par le préfet et le Grand cadi. Outre l'application de certains principes du droit coutumier (répudiation, polygamie, double part successorale des hommes...), le fonctionnement même de la justice cadiale était critiqué : « Les cadis ne disposent souvent d'aucune documentation et leur méconnaissance du droit musulman entraîne des divergences de jurisprudence d'autant plus insatisfaisantes que le taux d'appel demeure très faible. De plus, l'absence de formule exécutoire rend l'exécution des décisions aléatoire. Par ailleurs, la justice cadiale ne connaît pas la représentation par des avocats. »

L'ordonnance présentée le 2 juin 2010 substitue à la justice cadiale une compétence de plein droit de la juridiction de droit commun pour connaître des conflits entre personnes relevant du statut personnel de droit local. Conformément au Pacte pour la départementalisation, le rôle des cadis sera recentré sur des fonctions de médiation sociale.

Le football, un miroir du village global

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

La grand-messe du football mondial s'est ouverte vendredi dernier. L'événement se prête naturellement à de multiples tentatives de récupération. Sa démesure économique, aussi bien que le sort des laissés-pour-compte, témoignent des dysfonctionnements de notre "village global".

Nul ne peut échapper à la déferlante footballistique. Nos colonnes elles-mêmes n'échappent pas à quelques embruns... Comme toujours, nos lecteurs se diviseront selon qu'ils soient emportés par la ferveur populaire ou exaspérés par les hordes de supporters, le vacarme des vuvuzelas retransmis depuis l'Afrique du Sud, et les inévitables récupérations politiques.

La mayonnaise aurait-elle tourné ?

Ici ou là, on ne manquera pas d'agiter le drapeau râpé de la France black-blanc-beur, tandis qu'Alain Finkielkraut stigmatisera avec une conviction renouvelée une équipe « black-black-black ». Cela au grand dam d'Éric Besson : découvrant la sélection de Raymond Domenech, le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire avait regretté « qu'il n'y ait pas au moins un des Benzema, Ben Arfa ou Nasri » – autrement dit, un joueur d'origine maghrébine. La mayonnaise de la "diversité" aurait-elle tourné ?

Depuis le 26 mai, et jusqu'au 11 octobre, la Cité nationale de l'histoire de l'immigration consacre une exposition au ballon rond. « Pratique originaire d'Angleterre, le football se diffuse en France à la fin du XIXe siècle, à la faveur des déplacements et migrations », rappellent les organisateurs. « Joueurs étrangers en clubs amateurs du début du XXe siècle, vedettes étrangères en clubs professionnels du championnat de France, joueurs naturalisés ou, plus fréquemment, d'origine étrangère endossant le maillot tricolore lors des compétitions internationales, relations entre supporters, joueurs et clubs, entre médias et joueurs : le football révèle nombre d'enjeux de la société d'aujourd'hui. "Facteur de rapprochement entre les peuples" pour les uns "creuset" de l'immigration pour les autres, ou encore sport pouvant générer xénophobie et racisme, le football et sa pratique constituent à leur manière un miroir de la société française. »

Audience record en Chine

Voilà une époque révolue. Dorénavant, en effet, ce miroir reflète, dans une large mesure, l'image du village global, en dépit du désintérêt des Américains pour le soccer. Lors des deux premières journées de la compétition, c'est dans l'empire du Milieu, selon la Fédération internationale de football (FIFA), qu'a été enregistré le record d'audience nationale, 24 millions de Chinois ayant suivi la retransmission du match opposant la Grèce à la Corée du Sud.

Aussi les "récupérations" débordent-elles largement du périmètre hexagonal. Samedi dernier, 12 juin, le colonel Kadhafi a vigoureusement condamné la FIFA, une « mafia mondiale » qu'il accuse d'organiser un « trafic d’êtres humains ». Force est de reconnaître qu'il n'a pas tout à fait tort. Le mois dernier, Maryse Ewanjé-Epée a justement publié, aux éditions du Rocher, une enquête consacrée aux Négriers du foot. « Ils sont des centaines chaque mois, les enfants foot qui embarquent pour le voyage sans retour vers d'illusoires carrières », annonce la quatrième de couverture. « En Afrique, le football suscite des passions sans bornes : il est le ticket pour l'ascenseur social. Trafic d'identités, chantage, ruines familiales, disparitions, le phénomène a bouleversé la vie de milliers de familles. Un exilé africain sur mille, en moyenne, fait carrière dans le football. Les autres finissent dans les statistiques des associations comme Foot Solidaire ou Manifootball, qui recensent plus de 200 cas de maltraitance et d'escroquerie chaque année. En France, plus de 1 200 cas d'enfants foot et de footballeurs sans papiers ont été identifiés  »

En revanche, ce sont de jeunes gens présents sur le sol national depuis leur naissance qui suivront non pas le parcours de l'équipe de France, mais celui de la sélection algérienne. Les "Verts", comme on les appelle eux aussi, n'avaient plus participé à la phase finale de la Coupe du monde de football depuis vingt-quatre ans. Mais parmi eux, seuls deux joueurs évolueraient dans un club local. « Pour les Algériens, c’est une équipe importée », apprend-on sur le site Internet de RFI. Peut-être le malaise identitaire n'est-il pas une spécificité française...

Une réponse à la crise...

"Footeux" (comme Philippe de Villiers) ou feignant de l'être, les politiques défileront à l'antenne de Public Sénat, qui lance une émission censée les mettre aux prises avec les enjeux des matchs à venir. Dans les bureaux élyséens, enfin, on se réjouit à l'annonce de la reprise économique : « Le sport, c'est une réponse à la crise », avait déclaré le président de la République, alors qu'il plaidait pour que la France organise l'Euro 2016. Bank of America estime à 0,5 points de PIB l'apport de la Coupe du monde à l'économie sud-africaine. « Mais la question du bénéfice de l'accueil de ce type de manifestation pour le pays reste entière sur le long terme », tempère notre consœur Sandrine Cassini (La Tribune, 11/06/2010).

Dans l'immédiat, peut-être Nicolas Sarkozy caresse-t-il l'espoir qu'un exploit sportif des Bleus galvanisera le moral de la nation. À moins qu'il formule l'hypothèse selon laquelle la distraction des traders apaiserait la tension régnant sur les marchés financiers. En tout cas, on est loin du temps où le chef de l'État nous promettait qu'il irait chercher la croissance avec les dents.

Cartographie financière

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que les déficits publics alimentent les difficultés de financement des entreprises, les velléités "régulatrices" se heurtent à l'opacité de nouveaux produits proposés aux investisseurs. Aperçu du tableau dressé par l'AMF.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) a présenté le mois dernier « la cartographie 2010 des risques et tendances sur les marchés financiers et pour l'épargne ». Jean-Pierre Jouyet, son président, a pointé – sans surprise – le déséquilibre des finances publiques : ce serait « le premier des risques » pesant sur notre économie, sinon le seul, « car en un sens il englobe tous les autres ».

Mauvais présage

Dans l'immédiat, les marchés obligataires sont menacés par la hausse des taux d'intérêt. Mardi 8 juin, les CDS (credit default swaps) se sont envolés : le coût annuel des assurances protégeant les investisseurs contre un défaut de paiement français à cinq ans a dépassé les 100 points de base (1 % de la valeur notionnelle). Un prélude à la perte du "triple A" dont Paris bénéficie depuis qu'il est noté par Standard & Poor's, Moody's et Fitch ? Le spectre d'une dégradation hante vraisemblablement les couloirs de Bercy. D'autant que les déboires de l'État ont pour corollaire « un durcissement des conditions de financement de l'ensemble des agents économiques ». Les PME seraient tout particulièrement affectées par « la concurrence accrue pour l'accès aux financements ». Quant aux épargnants, « de plus en plus frileux », ils privilégient « une allocation de leur épargne faiblement rémunératrice » à l'origine d'un « sous-rendement structurel ».

Ingéniosité spéculative

Si les modalités de cotation des actions et le trading algorithmique inspirent toujours quelque réserve ou inquiétude, tel ne serait plus le cas des transactions de gré à gré, en raison de leur évolution « inévitable » vers un large recours à l'entremise des chambres de compensation, complété par un enregistrement dans des bases de données centrales pour les marchés de dérivés. « Ainsi les chambres de compensation et d'enregistrement vont-elles devenir des maillons essentiels de la chaine des risques » dont il conviendra de « surveiller étroitement » la gouvernance. L'AMF prône l'implantation en zone euro des chambres traitant des contrats libellés dans la monnaie unique.

Son président déplore la commercialisation de nouveaux produits qui seraient « surtout destinés à contourner les contraintes règlementaires en matière de fonds propres ou conçus pour satisfaire les exigences des investisseurs en matière de notation des titres en portefeuille ». Or, étant donné leur complexité croissante, il n'est « pas certain que ces instruments de dette soient correctement valorisés sur les marchés et que les investisseurs estiment correctement le risque de crédit associé ».

La prudence contre le principe de précaution

Cela dit, Jean-Pierre Jouyet met en garde contre « une surenchère dans la volonté de maitriser tous les risques » : « Si on cherche à créer une économie sans risque, il n'y aura plus d'économie du tout. C'est à la qualité de la maîtrise et du contrôle des risques que nous devons veiller et non à l'éradication totale du risque. Car le risque vraiment nocif, c'est celui que l'on n'a pas su ou voulu anticiper. » La prudence va-t-elle éclipser le "principe de précaution" ? Hélas, la République ne s'est pas montrée exemplaire dans l'exercice des vertus cardinales... Confrontés aux exigences contradictoires des marchés, qui appellent à maîtriser les déficits publics sans compromettre la relance de l'économie, les pouvoirs publics devront agir  avec doigté », selon l'expression de M. Jouyet. Ils seront forcés de reconnaître, un jour ou l'autre, la faillite de l'État-providence. Le plus tôt sera le mieux.

L'Alliance en transformation

3 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'OTAN prépare l'adoption d'un nouveau concept stratégique, censé l'inscrire dans le monde de l'après-11 Septembre. Le Commandement allié pour la Transformation, avec un Français à sa tête, est étroitement associé aux travaux.

L'OTAN s'achemine vers l'adoption d'un nouveau concept stratégique. Réunis à cet effet en novembre prochain, les chefs d'État ou de gouvernement des vingt-huit pays membres s'appuieront sur les recommandations d'un "groupe d'experts" présidé par Mme Madeleine K. Albright, dont le rapport a été publié le 17 mai, et qui aurait travaillé « en très étroite collaboration » avec le Commandement allié Transformation (ACT), selon le témoignage du Français placé à sa tête, le général Stéphane Abrial – lequel s'est défini comme le « gardien de l'avenir militaire de l'Alliance atlantique » lors d'une conférence prononcée à Paris jeudi dernier, 27 mai, à l'invitation de l'IFRI.

Trois menaces

Outre la perturbation des axes d'approvisionnement énergétique et des voies maritimes, trois menaces pèseraient plus particulièrement sur les Alliés : une attaque de missile balistique, avec ou sans charge nucléaire ; des attentats perpétrés par des groupes terroristes internationaux ; des cyberattaques. Des menaces qui présentent « des variantes hybrides, combinant par exemple la clandestinité d'un groupe terroriste avec la puissance normalement associée à un État-nation – comme les armes de destruction massive, qui peuvent se monnayer ou se voler ». Dans ces conditions, une défense efficace devrait souvent commencer « bien au-delà du territoire de l'Alliance ».

Les rapporteurs réaffirment néanmoins la vocation régionale de l'Alliance, qui « ne saurait régler à elle seule tous les problèmes de sécurité de la planète ». Ils appellent à fixer des « principes directeurs » orientant les interventions de l'OTAN au-delà de ses frontières, et plaident pour le renforcement des partenariats – où l'on recherchera la synergie plutôt que l'unité de commandement, suivant les conseils du général Abrial. « Le concept stratégique devrait [...] donner aux partenaires d'opérations de l'OTAN la possibilité de faire régulièrement et véritablement entendre leur voix. » En outre, « d'autres organisations [...] peuvent prendre la direction des opérations lorsqu'il s'agit d'atteindre des objectifs aussi essentiels que la reconstruction économique, la réconciliation politique ». En application des enseignements tirés de l'expérience afghane, « il faut continuer d'insister sur la nécessité de protéger les civils. [...] L'objectif premier est d'établir une approche civilo-militaire globale qui permette aux autorités locales de gagner la confiance et la loyauté de la population. » L'"approche globale" est « un fil rouge qui parcourt l'ensemble de mon action », a souligné le général Abrial. Mais selon le groupe d'experts, « les efforts de l'OTAN pour opérer avec des partenaires civils manquent encore de cohérence ».

Si l'UE constitue un partenaire « essentiel », sa coordination avec l'OTAN demeure insuffisante ; le différend opposant Chypre et la Turquie n'arrange rien à l'affaire...  Le général Abrial a toutefois ouvert « un dialogue suivi » avec l'Agence européenne de défense, qui détient au sein de l'Union les compétences les plus proches de celles de l'ACT. Évoquant l'ONU, Mme Albright et ses collègues observent que son personnel « s'est parfois montré déçu par le niveau de sécurité et de soutien que l'OTAN lui apportait ». Sur le terrain, les deux institutions se disputent parfois les responsabilités. Signe des temps, le rapport stipule que « l'OTAN devrait travailler avec l'ONU afin de donner une suite favorable à la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur le rôle des femmes dans la paix et la sécurité ».

Défense antimissile

La coopération avec la Russie est encouragée. Elle apparaît « hautement souhaitable » en matière de défense antimissile, domaine que les rapporteurs voudraient inscrire « au nombre des missions essentielles de l'Alliance ». « La question est sur la table », a reconnu le général Abrial. Sans y répondre, il s'est interrogé sur les menaces auxquelles répondrait un dispositif antimissile, sur son coût et ses effets d'éviction. En revanche, le retrait des armes nucléaires américaines stationnées en Europe ne serait plus à l'ordre du jour.

« Il convient [...] de passer du dispositif certes puissant, mais statique, de la Guerre froide à une posture plus souple, plus mobile et plus polyvalente », ont résumé les experts. Naturellement, « le principal obstacle à la transformation militaire est l'insuffisance des dépenses et des investissements de défense en Europe. [...] Un fossé particulièrement large s'est creusé entre les capacités des États-Unis et celles des autres pays de l'OTAN, et ce déséquilibre, s'il n'est pas corrigé, pourrait nuire à la cohésion de l'Alliance. » « La crise va nous forcer à une réforme indispensable », a commenté le général Abrial. Afin de rentabiliser au mieux les ressources disponibles, il entend mettre en réseau les capacités de transformation des Alliés, en créant, par exemple, un « catalogue de formations ». Dans un registre similaire, les rapporteurs promeuvent « de nouveaux mécanismes informels de mutualisation des moyens, en particulier pour le transport ».

L'alpha et l'oméga du nouveau concept

De leur point de vue, « l'élaboration d'un nouveau concept stratégique offre l'occasion de faire connaître l'OTAN à des populations qui en savent peu à son sujet et qui doutent peut-être de son intérêt pour leur existence ». Dans cette optique, on comprend mieux la relecture qui nous est proposée de l'histoire : « En 1949, ce n'est pas à cause des forces qu'ils redoutaient que les États membres de l'OTAN se sont alliés, c'est parce qu'ils se faisaient mutuellement confiance et qu'ils avaient foi dans les valeurs démocratiques. » Y compris le Portugal de Salazar ? « Les idéaux fondateurs de l'OTAN devront être l'alpha et l'oméga du nouveau concept stratégique », conclut le groupe d'experts.

Gageons que ces considérations idéologiques seront sans grande incidence sur le travail de l'ACT. Celui-ci pourrait bientôt « monter en puissance ». Une chance pour la France, qui en détient désormais le commandement ? « Nous faisons partie de ceux qui tiennent la plume », s'est félicité le général Abrial. Moins d'un an après sa prise de fonction, sans doute est-il trop tôt pour tirer un premier bilan. Associant les industriels à ses travaux, il a notamment assuré qu'une place plus juste serait accordée aux entreprises européennes. Affaire à suivre.

L’Europe en guerre

3 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que la France perd un nouveau soldat, l'engagement en Afghanistan suscite les commentaires réalistes du ministre britannique de la Défense  et pourrait s'immiscer dans la campagne électorale en Belgique.

Un capitaine du 3e régiment de génie de Charleville-Mézières est mort en Afghanistan le samedi 22 mai. Barek Deligny, trente-huit ans, était marié et père de deux enfants. Intervenant au sein d'une équipe de déminage aux côtés de soldats néerlandais et afghans, il a été mortellement blessé par le déclenchement d'un engin explosif improvisé (IED). Au cours de l'attaque, un soldat néerlandais et un interprète afghan ont également été tués. Selon l'armée de Terre, cet officier était « d'une disponibilité sans faille et d'un comportement exemplaire » ; « sportif confirmé et meneur d'hommes », il montrait « un goût avéré pour l'action et l'effort » (Secret Défense, 23/05/2010).

Vers les premiers désengagements en 2011

Il fut le quarante-deuxième soldat français tombé en Afghanistan. Le chef de l'État n'en a pas moins exprimé « la détermination de la France à continuer d'œuvrer au sein de la Force internationale d'Assistance à la Sécurité », pour « contribuer au retour de la stabilité, au rétablissement de la paix et au développement en Afghanistan ». Vaste programme !

Dans un entretien accordé à Philippe Cohen (France Soir, 04/05/2010), le ministre de la Défense, Hervé Morin, s'était montré relativement optimiste, au point d'envisager, pour la première fois, un désengagement courant 2011, dans la foulée des Américains : « Nos compatriotes n'entendent malheureusement parler de l'Afghanistan que lorsqu'un de nos soldats y est tué. En vérité, quand on regarde les deux zones dont nous avons la responsabilité militaire, la situation progresse. La montée en puissance de l'armée nationale afghane que nous formons est significative. Notre objectif principal est de commencer, dès la fin de l'année, à transférer aux Afghans certaines zones, comme nous l'avons déjà fait à Kaboul. [...] Oui, nous pouvons espérer être en mesure, pour l'année 2011, de transférer des zones à l'armée et à la police afghane. »

Ministre décomplexé

Outre-Manche, Liam Fox, le nouveau ministre de la Défense, se montre préoccupé par le conflit afghan. Faut-il que des soldats britanniques risquent leur vie si loin de leur pays ? « C'est une question que vous vous posez chaque jour », a-t-il confié à la presse (Times online, 22/05/2010). Il entend veiller, tout particulièrement, au moral de ses troupes. Revendiquant l'étiquette « néoréaliste », il souligne l'objectif militaire, et non humanitaire, de leur mission : « Nous sommes là-bas pour que les Britanniques et nos intérêts mondiaux ne soient pas menacés. [...] Nous ne sommes pas un policier mondial. Nous avons des obligations vis-à-vis de la pauvreté et des droits de l'homme, mais la situation en Afghanistan n'est pas différente de celle de dizaines d'autres pays... » Voilà qui tranche avec le discours "droit de l'hommiste" auquel nous ont habitués les élites nationales.

Échec européen

En Belgique, la question afghane pourrait s'immiscer dans la campagne électorale : « Dans une interview au quotidien Le Soir, Dirk Van der Maelen (député à la Chambre) demande un retrait des troupes belges d'Afghanistan et en fait, même, une condition de la participation des socialistes au gouvernement. Ce retrait devrait intervenir, selon lui, "dès 2011, en phase et de manière coordonnée avec les partenaires". » (Bruxelles 2, 25/05/2010)

Quant à l'Union européenne, elle a entériné le 18 mai le prolongement pour trois ans de sa mission de police en Afghanistan (Eupol Afghanistan), encore très loin de réunir les effectifs prévus à l'origine. Pour l'heure, cela n'a rien d'un franc succès : « Faiblesse du leadership, restrictions excessives de sécurité, mandat limité et manque de stratégie, [...] la mission de police de l'UE en Afghanistan illustre au mieux les défauts de l'engagement de l'UE. » Tels sont les principaux éléments d'une analyse du Centre for European Reform, dévoilés par Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles 2, 17/05/2010). Force est de le constater, la guerre demeure une affaire nationale.

Le carbone dans un climat de crise

3 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

La Commission européenne propose timidement d'accroitre les efforts visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Avec une croissance en berne, ce projet est-il déraisonnable ? En tout cas, Paris n'en veut pas.

Dans une communication publiée le mercredi 26 mai, la Commission européenne invite « à la tenue d'un débat éclairé » sur l'incidence qu'aurait le passage à un objectif de réduction des gaz à effet de serre (GES) dans l'UE de 30 %, et non plus 20 %, par rapport au niveau de 1990. Cela, « pour autant que les conditions le permettent ». Visiblement, Bruxelles évite de trop se mouiller ! En effet, il doit compter avec la réticence de plusieurs États membres. Telle l'Allemagne, qui entend préserver son industrie lourde, ou la France, dont le Conseil d'analyse stratégique (l'héritier du commissariat général du Plan) réprouve tout nouvel effort qui serait décidé de façon unilatérale par les Européens.

La France a trop d'avance

Dans une note publiée le mois dernier, il met en garde contre de lourdes répercussions en termes de compétitivité et d'emploi. La France a une longueur d'avance dans la réduction de ses émissions de GES. Mais « sa production électrique étant déjà décarbonée à près de 90 %, [elle] dispose désormais de beaucoup moins de marges de manœuvre pour réduire ses émissions liées à la production d'électricité. Sa situation démographique est en outre particulière au sein de l'Europe : si les tendances récentes se poursuivent, sa population pourrait augmenter de 8,6 % d'ici à 2030 par rapport à 2010, ajoutant une difficulté supplémentaire à la réduction des émissions de GES (alors que, dans le même temps, la population de l'UE-27 n'augmenterait que de 5 %). »

Outre-Atlantique...

Une comparaison avec le projet de loi américain Waxman-Markey sur la lutte contre le changement climatique, voté en juin 2009 par la Chambre des Représentants, s'avère éclairante : « Les études prospectives indiquent qu'entre 80 % et 88 % des efforts de réduction d'émissions seront réalisés par le secteur électrique. » Or, Il est « beaucoup plus facile de mobiliser quelques centaines d'acteurs industriels dans le secteur de l'électricité que des millions de particuliers dans le secteur de l'habitat existant. Les Américains ne devraient donc pas être amenés à modifier sensiblement leur way of life, tandis que les Européens, et les Français notamment, devront engager une modification durable de leurs comportements. »

En pleine crise, la proposition de la Commission européenne semble à première vue déplacé. Mais « depuis 2008, le coût absolu de la réalisation de l'objectif de 20 % est passé de 70 milliards d'euros à 48 milliards [...] par an d'ici 2020. Cette diminution est due à plusieurs facteurs : la croissance économique plus faible a entraîné une réduction des émissions, les prix élevés de l'énergie ont stimulé l'efficacité énergétique et fait baisser la demande d'énergie et le prix du carbone est tombé en-deçà du niveau prévu en 2008, étant donné que les quotas du SCEQE [système communautaire d'échange de quotas d'émission] non utilisés pendant la récession seront reportés. »

Quotas déchus

De fait, les quotas ont perdu leur effet incitatif, ce qui inquiète les promoteurs d'une « croissance verte ». Bruxelles est de ceux-là : « L'objectif de 20 % de réduction a toujours été considéré comme un levier décisif pour la modernisation. Les investissements dans les solutions telles que la capture et le stockage du carbone sont fortement liés au signal donné par le prix du carbone sur le marché. Un carbone peu cher carbone incite beaucoup moins au changement et à l'innovation. [...] La réalisation de l'objectif de 20 % de réduction d'ici à 2020 ne constituant pas un vecteur de changement aussi important qu'il était escompté en 2008, le risque existe pour l'UE de devoir fournir davantage d'efforts, y compris financiers, après 2020. »

En conséquence, la Commission a élaboré quelques scénarios qui protégeraient l'Union européenne contre les "fuites de carbone" si elle se fixait unilatéralement un objectif de 30 %. Consciente des risques de délocalisations vers des pays appliquant des règles moins strictes, elle n'exclut pas l'instauration d'une "taxe carbone" aux frontières de l'Union. C'est une petite victoire pour Nicolas Sarkozy ! Cependant, le projet présidentiel devra compter avec les engagements commerciaux internationaux, et avec les difficultés techniques.

La taxe carbone, un vrai casse-tête

 « L'intégration des importations dans le système d'échange de quotas d'émission en soi devrait être soigneusement préparée afin de s'assurer que le système est compatible avec les règles de l'OMC. Il pourrait être difficile de mettre en œuvre un système qui cherche à définir en détail la teneur en carbone de chaque catégorie de marchandises, mais ce niveau de précision pourrait être nécessaire : cela signifie que le système pourrait au mieux être envisageable pour un nombre limité de marchandises standardisées, comme le ciment ou l'acier. De plus, il faudrait définir une teneur moyenne en carbone UE pour chaque catégorie de marchandises. Cela représenterait une charge administrative et nécessiterait de trouver un accord sur cette valeur moyenne, ce qui exigerait sans doute un processus difficile et très long. En outre, serait difficile de vérifier le niveau de performance de différentes installations dans les pays tiers sans un système de suivi et de notification très sophistiqué dans ces installations. » Les fonctionnaires en charge du dossier vont maudire le président de la République.

Sarkozy joue avec le feu

20 mai 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le vote d'une loi contre le port du voile intégral rassurerait peut-être l'électorat courtisé par l'UMP, mais il pourrait fournir à cette pratique une publicité inespérée, faute de s'appuyer sur des bases juridiques suffisamment solides.

Un projet de loi prohibant le port de voile intégral ou, plus vraisemblablement, la dissimulation du visage dans l'espace public, devait être présenté en Conseil des ministres mercredi dernier, 19 mai. Dans l'attente d'en découvrir la teneur, on se demandait par quelle prouesse juridique le garde ses Sceaux prétendrait dissiper les menaces de censure soulignées le 25 mars par le Conseil d 'État.

Une conception élargie de l'ordre public

Inutile d'invoquer la laïcité : « Elle ne peut s'imposer directement à la société ou aux individus qu'en raison des exigences propres à certains services publics (comme c'est le cas des établissements scolaires). » La sauvegarde de la dignité humaine ne serait pas une base beaucoup plus solide. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme l'a jugée indissociable de la protection du "libre arbitre", tandis qu'elle se penchait sur les évanouissements d'une femme soumise aux sévices de deux complices : les salafistes peuvent compter sur le soutien des sadomasochistes ! Quant à la sécurité publique, elle constituerait « un fondement très solide pour une interdiction de la dissimulation du visage, mais seulement dans des circonstances particulières » ; en l'absence de troubles avérés, une interdiction générale reposerait « sur une logique artificiellement préventive » – laquelle n'a jamais été admise par la jurisprudence.

En définitive, seule une acception élargie de "l'ordre public" pourrait s'accommoder de la lubie présidentielle. Il faudrait y voir, selon les termes du Conseil d'État, « le socle d'exigences réciproques et de garanties fondamentales de la vie en société ». « Mais une telle conception, juridiquement sans précédent, serait exposée à un sérieux risque de censure constitutionnelle ou conventionnelle, ce qui interdit de la recommander », ont conclu les magistrats.

1 900 cas en France

Or, une censure de loi « sonnerait comme une défaite de la République. Il est donc essentiel de bien peser les enjeux et les risques d'une telle interdiction », avait prévenu la mission d'information parlementaire sur le voile intégral, dans son rapport publié en janvier dernier. Les élections régionales et la déroute de l'UMP auront ouvert la voie aux plus téméraires.... Au risque de faire la publicité d'une pratique certes en progression, mais qui demeure marginale.

1 900 femmes porteraient le voile intégral sur le territoire national, selon les estimations du ministère de l'Intérieur (dont 270 établies dans les collectivités d'outre-mer). La moitié seraient âgées de moins de trente ans, et l'immense majorité (90 %) auraient moins de quarante ans. Les deux tiers seraient des Françaises, parmi lesquelles la moitié appartiendraient aux deuxième et troisième générations issues de l'immigration.  Fait remarquable, un quart des femmes intégralement voilées seraient des converties.

En quête d'identité

« Il s'agit d'une pratique anté-islamique importée ne présentant pas le caractère d'une prescription religieuse », a rapporté Éric Raoult au nom de la mission parlementaire. « Elle participe de l'affirmation radicale de personnalités en quête d'identité dans l'espace social mais aussi de l'action de mouvements intégristes extrémistes ; elle représente un défi pour de nombreux pays. »  Et de citer Mme Nilüfer Göle, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, faisant le constat que « les filles portant le foulard en France sont plutôt en rupture avec la manière traditionnelle dont le portait leur mère ou leur grand-mère ». La même analyse serait valable au sujet des femmes portant volontairement le niqab, auxquelles la mission a attribué deux motivations : « en premier lieu, la recherche de pureté dans la pratique d'un culte plus austère ; en second lieu, la volonté de prendre ses distances avec une société jugée pervertie ».

De grands principes

Prenant acte de la situation, les parlementaires ont proposé, entre autres, de « renforcer la formation civique délivrée dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration ». Si la l'interdiction devait être votée – puis appliquée... –, des stages de "citoyenneté" seraient peut-être imposés aux contrevenants. Sans doute y inculquerait-on le principe de laïcité, censé permettre, selon nos députés schizophrènes, « l'intégration à la communauté nationale de ceux qui rejoignent la France pour y travailler et y vivre », mais « n'interférant pas dans leur culture et leur religion ». « Lutter contre le port du voile intégral c'est [...] faire œuvre de libération », a encore proclamé le rapport parlementaire. « C'est notre vivre ensemble fondé sur l'esprit des Lumières qui est bafoué », a confirmé André Gérin.

Les pouvoirs publics se fourvoient dans l'idéologie contractualiste. Laquelle exclut fort logiquement la perspective d'assimilation – un processus dont l'aboutissement tient moins aux volontés individuelles qu'à l'enracinement progressif des générations. Renouant avec ses grands principes, la République se remémorera-t-elle également ses velléités totalitaires ? Selon les révélations du Figaro (04/05/2010), le ministre Éric Besson serait « disposé » à exposer à la déchéance de leur nationalité des Français coupables d'« atteintes caractérisées aux valeurs fondamentales de notre République ». Les royalistes sont prévenus.

La République démissionne

20 mai 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Confrontés à la crise des dettes souveraines, les dirigeants politiques peinent à assumer leurs responsabilités. Le long terme étant étranger à leur horizon, ils n'inspirent aucune confiance aux marchés et doivent se réfugier derrière l'Europe...

Après avoir livré les traders à la vindicte populaire, les responsables politiques ont désigné un nouveau bouc émissaire, en l'occurrence les agences de notation. Leur influence est incontestable : le 28 avril, après la rétrogradation de l'Espagne par Standard & Poor's, l'indice Ibex-35 de la bourse de Madrid avait brusquement chuté, terminant en baisse de 2,99 %, tandis que, face au dollar, l'euro tombait à son plus bas niveau depuis un an. Cela dit, c'est somme toute injustement qu'on a accusé ces agences de promettre la faillite de la Grèce : tout au plus en ont-elles évalué le risque à 25 %. De quoi effrayer investisseurs et spéculateurs, au demeurant. Au point que ceux-ci ont pu juger Athènes moins fiable que Buenos Aires ou Caracas.

Prééminence du politique

Irrationnels, les marchés ? Sans doute, puisqu'ils concèdent à la France des taux préférentiels en dépit de son déficit abyssal. Saluons les miracles accomplis par l'Agence France Trésor : la dette dont elle a la charge avoisinait fin 2009 les 1 500 milliards d'euros, culminant à 77,6 % du produit intérieur brut. Mais les arbres ne montent pas jusqu'au ciel... La défiance des marchés vient rappeler à l'ordre des dirigeants irresponsables – démocratie oblige.

De ce point de vue, loin de constituer une négation du politique, la crise des dettes souveraines en souligne la prééminence.  « Que les dirigeants européens accusent la spéculation, c'est de bonne guerre », commente Marc de Scitivaux (blog de l'Institut Turgot, 13/05/2010)) « Mais ils font une erreur d'analyse qui risque de leur coûter cher dans l'avenir. Car ce n'est pas la spéculation qui a attaqué la Grèce avant-hier, le Portugal ou l'Espagne hier et, qui sait, la France demain, même si celle-ci peut amplifier les mouvements. C'est infiniment plus sérieux et plus fondamental : c'est l'épargne mondiale qui marque sa méfiance et se détourne des "États providence" financés par la dette. »

Des États dont l'impuissance apparaîtra d'autant plus criante qu'ils prétendront à l'omnipotence. Faut-il que le ministère de la Culture s'obstine à offrir leur premier livre à des nouveaux-nés ? Qu'importe l'amour de Frédéric Mitterrand pour les enfants, la France dispose sans aucun doute de meilleures nourrices ! En revanche, le Premier ministre eût été bien inspiré de jouer les pédagogues. Sans doute l'opinion serait-elle plus disposée que jamais à s'entendre dire que la nation ne pourra pas vivre éternellement à crédit. Hélas, François Fillon s'avoue tétanisé par la « rigueur ».

Les girouettes de l'UMP

Quant aux girouettes de l'UMP, elles ont fait la preuve de leur lâcheté en s'attaquant au bouclier fiscal. Un bouclier dont la construction releva certes du bricolage, et dont on peut discuter l'intérêt. Reste qu'il suffit de quelques atermoiements pour le fragiliser durablement. Les candidats à l'évasion fiscale savent ce que vaut la parole d'un État républicain ! Dans ces conditions, quelle crédibilité les marchés financiers peuvent-ils accorder aux pouvoirs publics érigeant en « priorité » la réduction des déficits publics ?

Apparemment, l'Europe demeure la seule voie de salut. Les circonstances forçant la main aux gouvernements, la Commission de Bruxelles avance ses pions. Selon la traduction que l'on fait de sa communication du 12 mai, disponible uniquement dans la langue de Shakespeare, elle propose que lui soient présentés ou soumis à l'avenir les projets de budgets nationaux. Les souverainistes les plus alarmistes dénoncent un nouvel abandon de souveraineté. À l'inverse, certains y voient un moyen, pour les Exécutifs nationaux, de s'émanciper via Bruxelles de la pression parlementaire. Le cas échéant, la technocratie européenne n'en demeurerait pas moins le paravent de la déliquescence du politique. Triste constat.

Inconséquence parlementaire

12 mai 2010

Un député veut élire en 2012 un vice-président de la République.

Une proposition de loi constitutionnelle « visant à instituer une fonction de vice-président de la République » a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 13 avril 2010. Son auteur, Michel Hunault, député Nouveau Centre de Loire-Atlantique, entend rebondir sur la mort du président polonais Lech Kaczynski, dont l'accident ne peut, selon lui, « laisser indifférent sur l'organisation institutionnelle de notre démocratie ».

Feignant d'ignorer la mission de suppléance conférée au président du Sénat, il prétend que « l'instauration d'un poste de Vice-président permettrait [...] dans des circonstances exceptionnelles d'assurer la continuité de l'État ». Rédigé dans un style négligé, l'exposé des motifs témoigne d'une indigence affligeante. Mais sans doute est-il à l'image d'une démarche quelque peu hasardeuse. En effet, M. Hunault ne verrait apparemment aucun inconvénient à abroger les dispositions constitutionnelles stipulant selon quelles modalités doit être constaté l'empêchement du chef de l'État.

Un travail typiquement parlementaire ?