Quand l'Action française dénonçait la jaunisse gaullienne

15 janvier 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

En pleine Guerre froide, la reconnaissance par la France de la République populaire de Chine fut mal accueillie par l'Action française.

Dans son numéro du jeudi 23 janvier 1964, Aspects de la France dénonça « une politique dont le seul souci apparent » était « de prendre, en toutes circonstances, le contre-pied des États-Unis ». « L'insolence de M. De Gaulle ne fera qu'agacer les Américains et avivera leur désir de prendre ses distances avec un allié de jour en jour plus rétif », était-il déploré dans l'éditorial, signé "AF".

« Nous allons jaunir », se désolait Claude Chavin, prédisant qu'on nous ferait « payer au centuple les coups de boutoir, les crocs-en-jambe et les virages de notre politique extérieure ». Cela dit, nuançait-il, « les fautes » n'étaient « pas que de Paris ». Évoquant la crise du canal de Suez, il rappelait que « les Américains, à leur heure, avaient choisi Nasser ». À ses yeux, le président de la République n'en apparaissait pas moins comme le pendant occidental de Mao, semant la zizanie dans son propre camp. La soif de « grandeur » du général, tout comme sa quête d'« indépendance », lui inspiraient la plus grande circonspection : « Comment ne pas songer en même temps au Second Empire, à Napoléon III, à ses guerres au nom du principe des nationalités [...] tout cela finissant à Sedan  »

Mouvements d'humeur et de vanité

« M. De Gaulle sait fort bien qu'en piquant le colosse américain [...] il touche la fibre cocardière qui existe au cœur des Français », lisait-on encore à la "une" du journal : « La France, voyons, est une nation majeure, indépendante, qui ne veut être à la remorque d'aucune autre, si puissante soit-elle... Hélas, le mot a trop servi pour avoir gardé quelque vertu, surtout, comme l'écrit l'éditorialiste du Bulletin de Paris, "lorsqu'il s'agit d'une nation qui, comme nous, peut être en très peu de quarts d'heure à peu près anéantie par les fusées soviétiques et qui ne doit son existence qu'au bouclier américain". »

Alors que Paris venait de larguer l'Algérie, l'AF ne manifestait pas la moindre complaisance à l'égard du chef de l'État : « Le vrai courage », écrivaient nos prédécesseurs, « celui qui n'ignore pas les réalités, c'est le chancelier Erhard qui l'a eu, lorsqu'il a reconnu que l'Allemagne n'avait pas à rougir d'être protégée militairement par l'Amérique puisque cette protection est la garantie suprême de son existence. Nous ne croyons pas à l'habileté d'une politique qui, hier, amputait le territoire national de quinze départements et qui nous conduit aujourd'hui aux pires aventures. Nous nous refusons à confondre le courage et l'honneur avec des mouvements d'humeur et de vanité. » Dans quelle mesure les temps ont-ils vraiment changé ?

La laïcité, voilà l'ennemi !

15 janvier 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Regard critique sur la loi contre la burqa, qui aurait préparé les esprits à bannir les crèches de Noël de tous les espaces ouverts au public.

Une crèche de Noël « porte-t-elle atteinte au principe de laïcité dans les lieux publics » ? La question a été posée par l'AFP, et reprise par plusieurs de nos confrères, après qu'un usager de la SNCF se fut plaint d'une représentation de la nativité dans la gare de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron). Or, l'envisager, c'est méconnaître la nature de la laïcité telle qu'elle est définie dans le droit français.

Jugeant cette polémique « ridicule », le socialiste Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, a dû le rappeler : « La neutralité s'applique seulement à l'État et aux bâtiments de la fonction publique, comme les mairies ou les écoles. » En conséquence, a-t-il souligné, « il n'y a pas d'impossibilité à installer une crèche dans une gare, car si l'entreprise est privée avec une mission de service public, le lieu de la gare est un espace public, un peu comme la rue ».

De l'école à la rue

La rue où, précisément, le port du voile intégral est proscrit depuis le 11 avril 2011 et l'entrée en vigueur de la loi votée à cet effet. Cela en vertu de la laïcité, s'imagine-t-on vraisemblablement. Prétendant lutter contre une pratique  marginale, au risque d'en faire la promotion, le président Sarkozy et sa majorité auront distillé l'idée que, dorénavant, la laïcité ne devrait plus s'imposer seulement à l'école, mais dans tous les lieux ouverts au public. De là à s'indigner de croiser un curé en soutane, il n'y qu'un pas... Potentiellement blessés par des lois dirigés à leur encontre, nos compatriotes musulmans assistent, de plus, au spectacle d'une France en prise avec sa religion historique. À ce petit jeu-là, personne n'a rien à gagner, sinon quelque politiciens exploitant avec démagogie la hantise croissante de l'islam, sans craindre d'en légitimer les propagateurs les plus radicaux. Chapeau !

Délation 2.0

6 janvier 2014

Projet de billet avorté pour L'Action Française 2000.

Ouvrant la session de l'IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale), l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA), a cité Antonio Gramsci, se demandant s'il était l'auteur d'un constat ou d'une prémonition : « L'ancien monde est en train de mourir, un nouveau monde est en train de naître mais, dans cette période intermédiaire, des monstres peuvent apparaître. »

Pareille inquiétude n'est pas le propre des militaires à l'affut des bouleversements géopolitiques, loin s'en faut. Qu'adviendra-t-il de la société que nous contribuerons à façonner au cours de la nouvelle année ? Tandis que nos faits et gestes sont archivés dans le nuage informatique - quand bien même nous nous refuserions à nous exhiber sur les réseaux sociaux -, la hantise d'une surveillance généralisée est devenue convenue. Des regards accusateurs se sont tournés vers Google, la NSA, la loi de programmation militaire... Mais qu'en est-il de votre voisin ? L'internet offre des opportunités inédites aux activistes politiques. Que ce soit pour organiser la Manif pour tous ou traquer l'ennemi. À la faveur d'un piratage, les coordonnées des sympathisants supposés de Dieudonné ont été livrés à la vindicte militante. On devine que la Toile n'a plus rien de virtuel pour les victimes d'expéditions punitives. S'attaquant à d'autres cibles, les Anonymous s'étaient déjà essayés à la délation en ligne...

Dans le cas présent, le trouble à l'ordre public étant désormais caractérisé, peut-être cela donnera-t-il quelque crédibilité aux gesticulations du ministre de l'Intérieur. Preuve que la politique reprend encore ses droits, fût-ce à mauvais escient ?

L'Europe militaire sans illusion

19 décembre 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Les chefs d'État ou de gouvernement de l'Union européenne se penchent sur la défense. Sans doute nous promettront-ils encore monts et merveilles, à défaut de construire une Europe militaire véritablement tangible.

François Hollande croit-il au Père Noël ? L'opération Sangaris lancée en Centrafrique « ne devrait rien coûter à la France », a-t-il assuré à l'antenne de France 24, RFI et TV5 Monde. Les 19 et 20 décembre 2013, le Conseil européen se réunira à Bruxelles. À l'ordre du jour de ce sommet figure la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) – une première depuis 2008. À cette occasion, donc, le chef de l'État proposera que soit créé un fonds susceptible de financer pareille intervention. « Ce sont toujours les mêmes qui assurent la défense des autres mais, contrairement aux mercenaires classiques, rémunérés pour leurs services, ils le font en assumant tous les coûts, y compris humains », proteste Arnaud Danjean, président de la sous-commission Sécurité et Défense du Parlement européen. Ses jérémiades n'y changeront rien. Au contraire : elle participent d'une arrogance française susceptible d'exaspérer nos partenaires, déjà indisposés par le fantasme hexagonal d'une "Europe puissance".

Européisme ingénu

Mme Maria Eleni Koppa, député grec au Parlement européen, cultive, ingénument, l'européisme inhérent à sa fonction. « Malheureusement », observe-t-elle avec dépit, « le manque de confiance et les égoïsmes nationaux continuent à peser sur l'avenir de la PSDC, et finalement sur la construction européenne elle-même ». Comment pourrait-il en être autrement ? Les intérêts des États – ou ceux de leurs dirigeants – demeurent les moteurs les plus puissants de la politique internationale – y compris en Europe. De fait, aux yeux de Paris, les "progrès" de l'Europe militaire se justifient par la nécessité de « pallier l'insuffisance de certaines capacités nationales », selon les termes employés à l'automne dernier par l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA). « Au Mali, nous aurions pu agir seuls, mais pas aussi vite », a-t-il souligné ; « le concours de moyens de renseignement britanniques et américains a été précieux, et 30 % de nos besoins de transport ont été assurés par nos partenaires nord-américains et européens ». De son point de vue, « les initiatives de type European Air Transport Command (EATC) pour l'aviation de transport doivent être soutenues dans les domaines où nos insuffisances sont les plus criantes ». Son fonctionnement « peut être comparé à un covoiturage », explique l'Hôtel de Brienne : « Par exemple, lorsqu'un avion français se rend en Afghanistan, il peut revenir avec des soldats allemands, ce qui évite un voyage à vide. »

Outre la France, quatre États ont intégré le Commandement européen du transport aérien (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg), créé en marge de l'Union européenne. Tout comme la Force de gendarmerie européenne (Eurogendfor) ou l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (Occar). D'autres projets devraient voir le jour prochainement sans requérir l'aval de Bruxelles. Par exemple, un rapprochement est envisagé entre Paris, Londres, Rome et Amsterdam, dont les armées mettront chacune en œuvre des drones Reaper d'origine américaine. La formation des pilotes, voire le "maintien en condition opérationnelle" (MCO) des appareils, pourraient faire l'objet d'une mutualisation. À plus long terme, Dassault, EADS et Finmeccanica  pourraient produire un drone en commun. Comme le rapportent Les Échos, les industriels s'y engageraient « à la condition non négociable qu'un des trois pays potentiellement intéressés - Allemagne, France et Italie - assume le rôle de contractant unique au profit des deux autres, histoire d'éviter les foires d'empoigne de la plupart des projets européens d'armement précédents ». Allusion, notamment, aux déboires du programme A400M.

L'union fait la faiblesse

Selon notre confrère Jean-Dominique Merchet, auteur d'un petit livre dénonçant « la grande illusion » de la défense européenne, l'industrie d'armement serait « victime de l'idée que plus on embarque de partenaires [...], mieux c'est » - idée dont le seul mérite serait d'être "européenne"... « On peut faire, demain, des Airbus de la défense dans d'autres domaines », tempère Christian Mons, président du Conseil des industries de défense françaises, cité par Nicolas Gros-Verheyde, animateur du blog Bruxelles 2. « Mais encore faut-il avoir un marché commun et non des marchés fragmentés », poursuit-il. « Aujourd'hui, il n'y a pas une demande unique. Chaque état-major conçoit son besoin, en fonction de ses impératifs. » Aussi les échafaudages juridiques seront-ils sans grande incidence sur les coopérations à venir. « Depuis l'adoption du traité de Lisbonne », se désole Arnaud Danjean, « nous nous battons pour que les instruments qui y sont prévus soient mis en œuvre, avant de passer à une nouvelle étape. Ainsi la façon dont pourrait se concrétiser la coopération structurée permanente, prévue par le traité, ne fait même pas l'objet d'une réflexion ; quant aux groupements tactiques (battlegroups) qui, eux, existent maintenant physiquement, ils ne sont jamais utilisés. » L'"Europe de la défense", dans son acception la plus stricte (la PSDC), peut certes s'enorgueillir de quelques succès, à commencer par l'opération Atalante luttant contre la piraterie au large de la Somalie. La France vient d'en reprendre le commandement, confié le 6 décembre au contre-amiral Bléjean, dont l'état-major navigue ces jours-ci à bord du Siroco. À l'origine, cependant, Paris et Madrid ont dû batailler pour convaincre leurs partenaires européens de l'opportunité d'un tel engagement. « La prise de conscience au niveau européen est toujours lente », observe Nicolas Gros-Verheyde. « Car il y a toujours des pays concernés au premier chef et d'autres qui le sont moins. Mais la pression des événements joue souvent en faveur de la mobilisation. »

Changer de perspective

Conscient de ces difficultés, François de Rugy, député Vert de Loire-Atlantique, se dit « malheureusement assez sceptique sur la capacité de l'Union européenne à mettre en œuvre une politique de défense ». En effet, a-t-il expliqué lors d'une discussion en commission, « la défense pose la question du commandement, donc de la décision politique, et donc des institutions politiques qui permettent de prendre des décisions, que ce soit en urgence ou à plus long terme ». Nous partageons son scepticisme, mais sans en être malheureux. De notre point de vue, son affliction procède d'une erreur de perspective. L'"Europe" n'est jamais qu'un instrument parmi d'autres, ici au service de la sécurité nationale. Si, à titre personnel, à la différence de souverainistes plus radicaux, nous lui reconnaissons quelque mérite, c'est sans illusion sur sa portée. Le 16 décembre dernier, alors que les ministres des Affaires étrangères se réunissaient au siège du Conseil de l'Union européenne, les militaires travaillant dans le bâtiment auraient été priés de laisser leur uniforme au vestiaire. C'est dire la considération de l'UE pour le métier des armes !

Schizophrénie féministe

19 décembre 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand Najat Vallaud-Belkacem trahit ses idéaux.

Entre la théorie et la pratique, il y a un gouffre... Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, a beau se gargariser des "études de genre" à chacun de ses discours, elle se montre plus conservatrice en famille.

Ses aveux, recueillis sur le plateau des Maternelles, ont été diffusés sur France 5 lundi 9 décembre. « Je vois bien que ma petite fille est plus naturellement attirée par les Barbie que par le camion de pompiers », a-t-elle reconnu. En conséquence, a-t-elle confessé, « je ne me prive pas de lui offrir une Barbie, mais je lui raconte des histoires dans lesquelles Barbie sauve le monde ». De façon à tempérer une inclination "naturelle", donc. Nous qui croyions que tout était affaire de culture et autres "stéréotypes"...

Dans vos histoires, Madame le ministre, Barbie se balade-t-elle un flingue à la main ? À vrai dire, nous ne connaissons qu'une seule de ses aventures, dont une petite fille nous a demandé la lecture. On y découvre une princesse qui s'ignore. Un modèle d'élégance. Excellente couturière, qui plus est ! Le récit s'avère d'autant plus réactionnaire que Barbie, une jeune femme altruiste, est appelée à renouer avec ses origines oubliées, dissimulées par une usurpatrice. Ah, le poids de l'héritage ! D'une façon ou d'une autre, il se rappelle toujours à nous.

Comment s'intégrer dans la Babel hexagonale

19 décembre 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

La mise en valeur des "langues de France" pourrait contribuer, nous dit-on, à refonder la politique d'intégration. Que recouvre cette expression ?

Lâchée par Le Figaro, la "bombe" a explosé à la mi-décembre 2013. Pourtant, d'autres auraient pu s'en emparer beaucoup plus tôt. À l'origine d'une  polémique nationale, les cinq rapports commandés par le gouvernement afin de « refonder la politique d'intégration » étaient disponibles sur le site Internet de la Documentation française depuis le 18 novembre.

Asile linguistique

Nous nous souvenons avoir signalé leur publication lors d'un conseil de rédaction de L'Action Française 2000, où il avait été décidé de ne pas les recenser d'emblée, faute de place dans nos colonnes. Allez comprendre pourquoi l'affaire n'a éclaté qu'aujourd'hui ! Le système médiatique échappe à ses propres acteurs...

À certains égards, les sources du scandale s'avèrent plus lointaines encore. Entres autres propositions controversées figure, dans le rapport du groupe de travail "connaissance-reconnaissance", la promotion des  "langues de France". Une expression dont les rapporteurs ne revendiquent pas la paternité. « La Délégation à la langue française du ministère de la Culture et de la Communication est aussi celle aux langues de France », se plaisent-ils à souligner. À leurs yeux, « il est essentiel de rappeler, car peu connu, que les langues de France sont : la variété dialectale de l'arabe (arabe maghrébin), le berbère, le yiddish, l'arménien occidental, le judéo-espagnol et le romani. Il s'agit, en fait, de langues qui ne sont considérées comme langues officielles dans un aucun autre pays. » Autrement dit, « la France a fait un choix républicain d'accueillir ces langues », auxquelles il conviendrait de consacrer, par exemple, « une année dédiée ».

En attendant, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) vient d'épingler quarante-trois publicités diffusées au premier trimestre 2013, la plupart en raison d'une absence de traduction en français d'un slogan en anglais. Bienvenue dans la tour de Babel !

Solidarité avec Najat Vallaud-Belkacem

22 novembre 2013

Mis en cause en raison de ses origines marocaines, le porte parole du gouvernement est victime d'attaques déplacées, procédant d'une conception éminemment idéologique de la nationalité.

Mme Najat Vallaud-Belkacem est-elle la cible d'attaques racistes ? Nos confrères de L'Express le prétendent, rapportant ces propos qu'auraient lancés, à son intention, quelques militants de la Manif pour tous : « Puisque tu l'aimes tant que ça, le mariage pour tous, t'as qu'à le faire dans ton pays ! » Les faits sont  vraisemblables. Nous-même avons été témoin de conversations du même genre. Quitte à les désigner sous une étiquette infamante, cependant, plutôt conviendrait-il de parler de xénophobie. À vrai dire, étant donné son joli sourire - entre autres qualités – nous doutons que le canon porte-parole du gouvernement soit exposé à des quolibets comparables à ceux dirigés contre Mme Taubira.

Entre le Maroc et la France, cela va sans dire, Mme Vallaud-Belkacem devrait choisir. En cas de guerre, de toute façon, n'y serait-elle pas contrainte ? Cette rhétorique manichéenne nous rappelle les dilemmes auxquels nous confronte Pierre Palmade : « Tu préfères avoir des dents en bois ou une jambe en mousse ? [...] Une tête de veau ou deux bras de neuf mètres ? » Autant de questions que tout un chacun se pose tous les jours du matin au soir. En vérité, la suspicion à l'endroit des personnalités affublées d'une double nationalité participe d'un mépris des faits – comme si tout se résumait au droit. Le lien juridique unissant Mme Vallaud-Belkacem au Maroc en obnubile quelques-uns, mais que pèse-t-il comparé à trente ans d'enracinement hexagonal, conforté par un mariage et la naissance de deux enfants ? Il y a quelque chose de piquant à constater le peu de considération accordée aux attaches familiales par ceux-là même qui se targuent, précisément, de défendre "la" famille. Idéologie, quand tu nous tiens...

Qu'importe sa progéniture donc : en premier lieu, Najat Vallaud-Belkacem est priée de renier ses parents. C'est à cette condition, visiblement, qu'elle pourrait, peut-être, mériter sa place au gouvernement. L'assimilation à la nation procéderait non pas d'une histoire, personnelle et plus encore familiale, mais d'une abjuration. D'un acte de pure volonté. C'est à se demander si les réactionnaires ne sont pas les tenants les plus fanatiques du contrat social ! Or, à ce qu'il paraît, renoncer à la nationalité marocaine ne serait pas une sinécure. Cela dépendrait du bon vouloir du roi. Autrement dit, si les Franco-Marocains devaient être bannis du gouvernement français, François Hollande devrait solliciter l'avis de Mohamed VI pour désigner ses ministres. L'Europe n'étant pas en cause, les souverainistes pourraient s'en accommoder. Pas nous. Najat, on est avec toi ! Sauf quand tu joues les ayatollahs de la parité hommes-femmes, mais c'est une autre histoire 😉

SOS Racisme, une officine conspirationniste

14 novembre 2013

Alors que nous déplorions, depuis longtemps, les penchants conspirationnistes des royalistes, nous observons, ces jours-ci, combien ce travers est communément partagé.

Un exemple vient de nous être donné par SOS Racisme. Indisposée par la une de Minute, selon laquelle « maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane », l'association y voit la preuve « que les insultes envers la [sic] garde des Sceaux n'étaient pas un acte isolé ». Autrement dit, les déclarations grotesques d'une ex-candidate FN aux municipales n'auraient pas procédé d'une erreur de casting, ni l'humour déplacé d'une jeune fille d'un manque de maturité. Selon SOS Racisme, en effet, « il y a bien une stratégie globale de l'extrême droite, qui tente de légitimer l'utilisation de la haine raciale comme forme acceptable du débat démocratique ».

Dans le cadre de cette « stratégie globale », n'en doutons pas, les responsables de Minute et ceux du Front national se seront concertés avant de s'échanger des quolibets. Leur « divorce étalé au grand jour » n'abusera que les naïfs, tels nos confères du Huffington Post. Au moins ceux-ci ont-ils le mérite de souligner qu'il « ne date pas d'hier ». Preuve que le complot à l'œuvre a été planifié de longue date. Merci à SOS Racisme de l'avoir enfin déjoué !

Eurogendfor attaque la Grèce

31 octobre 2013

Des conspirationnistes prêtent à Paris et à quelques-uns de ses partenaires la volonté d'envahir la Grèce.

Voilà que l'Union européenne prépare, paraît-il, l'invasion de la Grèce ! Cette annonce circule sur la Toile francophone, apparemment à l'initiative du Comité Valmy, relayé par quelques souverainistes à la crédulité confondante.

Dans ce tissu d'âneries, il est question de la Force de gendarmerie européenne (FGE). Également dénommée Eurogendfor, celle-ci nous est présentée comme « l'armée privée de l'UE ». Double méprise : d'une part, les effectifs qui lui sont rattachés ne sont pas des mercenaires, mais des militaires ; d'autre part, elle a été créée en marge de l'Union européenne, ce que Mme Élisabeth Guigou avait d'ailleurs regretté lors d'un débat à l'Assemblée nationale.

« On prépare [...] pour la première fois » son engagement, rapportent les imbéciles du Comité Valmy. Or, la FGE a déjà été déployée à trois reprises, en Bosnie-Herzégovine, en Afghanistan ainsi qu'en Haïti. Au regard de ses missions, force est de constater qu'elle n'a pas été créé dans le seul but de mater « des adolescents musulmans immigrés en France », n'en déplaise à ces ignares ! Ceux-ci évoquent une « unité d'intervention spéciale de trois mille hommes », alors qu'elle ne compte, en réalité, qu'une trentaine de permanents. « La FGE [...] possède une capacité initiale de réaction rapide d'environ huit cents personnels sous un délai de trente jours », précise l'Hôtel de Brienne. En fait, chaque opération donne lieu à une "génération de force", sur la base d'un catalogue recensant des capacités déclarées par les États.

Soucieux de nous révéler le dessous des cartes, nos conspirationnistes en herbe soutiennent que la Force de gendarmerie européenne a été « fondée en secret – ni vu, ni connu ». Dans les colonnes de L'Action Française 2000, nous l'avons pourtant déjà évoquée au moins à trois reprises (en février 2010, juillet 2010 et mars 2011)... et toujours sur la base de documents officiels.

Les Antigones sèment l'inflation

29 octobre 2013

C'est bien connu : sous la coupe de Créon prospèrent des banquiers perfides... Les Antigones se sont choisi un nouvel ennemi, hélas très consensuel.

Quoiqu'elles soient moins affriolantes que leurs homologues venues d'Ukraine, les Antigones nous sont sympathiques, d'autant que leur manifeste était bien tourné. Hélas, depuis leur coup d'éclat au Lavoir moderne, elles se dispersent, voire s'égarent. Les voilà au faîte de l'indignation la plus convenue, maintenant qu'elles s'attaquent à l'économie.

« Danser devant une banque », nous expliquent-elles, « c'est opposer des liens humains aux liens marchands ». Curieuse conception du commerce : jusqu'à présent, jamais nous n'avions pris notre boulanger pour un animal ; ni même notre banquier ou notre assureur – lequel est d'ailleurs un ami, preuve que cette dichotomie s'avère purement rhétorique.

« Depuis 1973 », prétendent les Antigones, « notre pays n'emprunte plus à sa propre banque centrale pour financer l'école de nos enfants, nos hôpitaux, nos routes, payer nos soldats, construire les quelques grands projets que nos dirigeants envisagent encore ». C'est méconnaître la substance de cette loi, dont la portée est largement exagérée à la faveur de quelque exégèse conspirationniste popularisée par le Front national et ses affidés. « Non, notre pays emprunte à des banques privées », poursuivent-elles. « Évidemment pas à taux zéro, mais variant entre 3,5 et 7 %. » Ces temps-ci, c'est beaucoup moins, mais il est vrai qu'une flambée prochaine de l'OAT nous paraît vraisemblable. « Ces intérêts colossaux représentent une grande partie de la dette de notre pays », déplorent les Antigones. Aussi faudrait-il « abroger la loi de 1973 », nous disent-elles, ignorant manifestement que celle-ci l'a déjà été – du moins formellement – il y a vingt ans.

Notre argent sera bientôt « ponctionné, taxé, volé, réquisitionné pour le remboursement de la dette, autrement dit des banques », préviennent encore les Antigones. En réalité, les banques sont loin d'être les seules à souscrire des obligations d'État. Outre les compagnies d'assurance, par l'entremise des fonds de pension, d'humbles retraités figurent parfois parmi leurs détenteurs. De fait, les «  les apparatchiks du système », comme elles disent, arborent de multiples visages.

N'en déplaise aux Antigones, « il n'y a pas de repas gratuit ». Si d'aventure leur "solution miracle" se trouvait mise en œuvre, leur épargne serait également ponctionnée, non par une taxe supplémentaire, mais par l'inflation. À ce propos, rappelons la mise en garde de Jacques Bainville : il n'y a « rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française du 2 novembre 1925.

Cela étant, nous rejoignons les Antigones quand elles dénoncent la « collectivisation des pertes ». À nos yeux, plus qu'un scandale moral, c'est une aberration économique.